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culture et histoire - Page 1649

  • Que l'ordre politique lui-même est nécessaire au salut

    « L’ensemble de la Loi a pour but deux choses, à savoir le bien-être de l’âme et celui du corps. Quant au bien-être de l’âme, il consiste en ce que tous les hommes aient des idées saines […]. Quant au bien-être du corps, il s’obtient par l’amélioration des manières de vivre des hommes les uns avec les autres. On arrive à ce résultat par deux choses : premièrement en faisant disparaître la violence réciproque parmi les hommes, de manière que l’individu ne puisse se permettre d’agir selon son bon plaisir et selon le pouvoir qu’il possède, mais qu’il soit forcé de faire ce qui est utile à tous ; secondement, en faisant acquérir à chaque individu des moeurs utiles à la vie sociale, pour que les intérêts de la société soient bien réglés.
    Il faut savoir que, de ces deux buts (de la Loi), l’un est indubitablement d’un ordre plus élevé, à savoir le bien-être de l’âme, ou l’acquisition des idées saines. Mais le second le précède dans l’ordre de la nature et du temps ; c’est le bien-être du corps, qui consiste à ce que la société soit bien gouvernée et que l’état de tous les individus qui la composent s’améliore autant que possible. »
    Maïmonide
    La “Loi” dont il est ici question est celle de l’ancien Testament, et Maïmonide, qui en dégage les deux finalités, est le docteur juif du XIIe siècle auquel saint Thomas se référait avec respect dans la Summa theologica. Quoique abolie parce qu’”accomplie”, la Loi vétéro-testamentaire a souvent servi de source d’inspiration majeure pour la pensée politique chrétienne. Pensons encore une fois à saint Thomas mais aussi, avant lui, à saint Augustin, et, dans la postérité des deux, à Bossuet et à son admirable Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte. Pour les légistes royaux également, la “Loi de Moïse” pouvait servir à l’occasion de norme.
    Examinons si ce dernier texte de Maïmonide ne pourrait pas en retour nous donner des leçons propres à illustrer ou recommander quelques intuitions de la politique chrétienne.
    Finalités de la Loi mosaïque
    Pour Maïmonide, la Loi a deux finalités : rendre possible par l’accomplissement des commandements deux perfections, celle de l’”âme” et celle du “corps”. Par “âme” il faut comprendre l’intellect, au sens aristotélicien et scolastique du terme, seul capable, en s’unissant à l’”Intellect Agent” divin, d’avoir des idées vraies (“saines”) sur Dieu. Pour Maïmonide, en effet, Dieu n’est pas connu comme Agapé, par le moyen surnaturel de la grâce, mais comme Celui – l’”Unique” –, dont il faut nier tous les pseudo “attributs” qui l’assimilent volens nolens à la créature, qu’Il transcende absolument, sans aucune analogie possible. Or cette opération de négation, qui est aussi de piété vraie, est de nature intellectuelle.
    Jusque-là, on ne voit guère de rapport avec la politique ! Mais on ne saurait ignorer l’ordre du “corps” qui désigne ici, de manière très générale, tout ce par quoi l’âme unique de l’homme, outre sa part intellectuelle, entretient un rapport avec la “matière”, qu’il s’agisse de celle du monde, de la sienne propre ou de celle des autres hommes pris comme “prochains” ou membres du Corps politique.
    Maïmonide explique ailleurs que, pour que son intellect fonctionne pleinement et puisse donc connaître Dieu, il faut que l’homme assujettisse – toujours grâce aux préceptes pédagogiques de la Loi – ses passions et son imagination : par exemple on ne peut à la fois être colérique et avoir un usage sain de l’intellect ; cela, non parce qu’être en colère serait moralement un “mal”, mais parce que l’intellect en serait perpétuellement troublé et empêché. Mais cette rectification de soi ne suffit pas : l’homme doit être en paix avec ses concitoyens ; il doit entretenir des rapports de justice avec eux ; il lui incombe encore, renonçant à son individualisme, de leur être “utile”.
    Si la perfection de l’homme – connaître Dieu – se réalise toujours au niveau de l’individu dont les idées vraies forment son bien propre, acquis au prix d’un immense effort tant de rectification de soi qu’intellectuel, elle passe nécessairement par une harmonie sociale, c’est-à-dire collective. Comme le dit ailleurs Maïmonide, l’homme qui est tourmenté par la faim, qui vit dans une société corrompue (et donc corruptrice) et qui doit fuir la persécution ne peut accomplir sa perfection.
    Bienfait spirituel de l’ordre politique
    Cette manière de penser la nécessité de la société dont Maïmonide rappelle, comme le feront toujours les chrétiens à la suite d’Aristote, qu’elle est “naturelle” à l’homme, n’est pas sans présenter des points de convergence mais aussi de divergence avec la politique chrétienne : pour cette dernière la “tranquillité de l’ordre” (définition de la paix pour saint Augustin) est un bien en soi et un bien en tant qu’elle favorise la recherche du “salut” de l’”âme” spirituelle ; pour l’autre, la société n’est pas un bien en soi – étant indifférente axiologiquement – mais elle en est au moins un de relatif (et de nécessaire) en tant qu’elle assure l’usage convenable de l’intellect. Et Maïmonide ajoute qu’il faut commencer par là !
    Ces leçons sont à retenir : celui qui serait tenté de mépriser l’ordre politique au nom d’une vérité supérieure, de nature intellectuelle ou spirituelle, encourt fort le risque de ne gagner rien, étant en passe d’être rattrapé par des désordres mortels. La célèbre formule de Pascal : « qui fait l’ange fait la bête » n’est pas sans présenter une possible résonance politique.
    Francis Venant L’Action Française 2000 du 5 au 18 juillet 2007

  • Carrefour royal : le succès au rendez-vous !

    Ce furent plus de 400 personnes qui se sont déplacées, hier samedi, au Carrefour royal, organisé par l’Action française sur le thème de la relève, en présence de Sa Majesté la Reine d’Egypte, que nous remercions de nous avoir fait l’honneur d’assister à tout le Carrefour. Quinze journalistes sont également venus pour rendre compte de l’événement, n’en doutons pas de manière objective. Le soir, nous nous sommes retrouvés à 150 au banquet.

    La journée de dimanche étant encore très riche en événements (Marche pour la vie, Marche aux flambeaux à la mémoire du roi Louis XVI en présence de Mgr Sixte-Henri de Bourbon-Parme, voici quelques photos avant un reportage plus complet demain.

    Après la lecture par Elie Hatem de la lettre de Roland Dumas aux participants du Carrefour royal, la première table ronde a commencé, réunissant, autour d’Elie Hatem, Eric Letty, Eugène-Moré et Jean-Claude Martinez, De gauche à droite : Eric Letty, Elie Hatem, Eugène-Moré et Jean-Claude Martinez

    La deuxième table ronde avec E. Marsala, Philippe Mesnard, le professeur Jean-François Mattéi et Camel Bechikh.

    L’intervention de Charles de Meyer, au meeting

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Carrefour-royal-le-succes-au

  • État et Société

    Une nation, un peuple peuvent avoir des institutions étatiques déficientes tout en continuant de produire une grande civilisation créatrice. L’exemple de la France – entre autres – est tout à fait parlant. Dans maintes périodes de son histoire, ce pays a connu une organisation politico-étatique instable, inadaptée et en crise endémique. Pourtant, la société continuait de fonctionner et de créer, dans tous les domaines, malgré la crise permanente de l’État. Parce que la Société était le corps fécond d’un peuple vivace, jamais découragé.
    Prenons le cas de la période 1815-1848 (Restauration et Monarchie de Juillet) et celui de la Troisième République (1875-1940. Les institutions étatiques (les « constitutions » selon le vocabulaire de Tocqueville) étaient particulièrement fragiles, mal étayées, contestées et en crise permanente. Mais en même temps, dans les arts, les sciences, l’industrie, la qualité de l’éducation, le rayonnement économique et culturel, etc. le pays se montrait créatif et performant. Comment expliquer ce paradoxe ?
    Tout d’abord, la pérennité et le génie d’une nation dépendent de l’articulation entre un principe mâle et organisateur, l’État, et un principe féminin vitaliste et accoucheur de formes, la Société. Sans État, la Société devient stérile, puisqu’un peuple sans État sombre dans le folklore et l’anémie. Et sans Société structurée et homogène, un État (même très bien organisé) devient inutile et impuissant : c’est ce qui se produit aujourd’hui, j’y reviendrai plus loin.
    Deuxièmement, par le passé, lors des innombrables crises de l’État et de ses institutions, la France possédait toujours un État, aussi imparfait fût-il. Les crises de ”régime” était superficielles, superstructurelles, mais il existait toujours une infrastructure étatique et politique qui encadrait et aidait la créativité de la société. (1)
    Troisièmement, en comparant approximativement l’État au cerveau et la Société au corps organique, comme chez un individu, si le premier connaît des maux de tête mais si la seconde reste parfaitement saine, l’ensemble global de la Nation peut continuer d’être performant. En revanche, si la Société se délite dans son fondement organique même, le meilleur des États ne pourra ni gouverner ni sauver la Nation. Les crises étatiques sont beaucoup moins graves que les crises sociétales. De même, un individu qui possède un excellent cerveau mais dont la santé du corps s’effondre se retrouvera paralysé et impuissant.
    Le « capital historique » d’une Nation, c’est-à-dire sa production créatrice (culturelle et matérielle) accumulée dépend de l’interaction entre son État et sa Société, mais aussi de sa prise de conscience qu’elle constitue une unité ethno-historique. (2)
    Maintenant passons aux choses qui choquent. Actuellement, on ne peut pas dire que l’appareil étatique français fonctionne mal par rapport à tout ce qu’on a connu dans le passé. Le problème, c’est la Société française, la force organique et productive de la Nation, qui se désagrège lentement. La responsabilité en revient en partie – mais en partie seulement – à l’État, qui a laissé faire et n’a pas corrigé. Mais la maladie de la Société précède celle de l’État puisque ce dernier provient, comme production biologique, du corps organique de la Société ; de même que le mâle naît de la femelle. D’un point de vue holistique et interactif, la Société produit l’État qui, à son tour, l’encadre, la dirige et la protège.
    Aujourd’hui, l’ensemble de la Nation France (comme bien d’autres en Europe) présente des pathologies extrêmement graves qui mettent sa survie à moyen terme en question, et qui n’ont rien à voir avec les ”institutions”. Énumérons : le vieillissement de la population autochtone et son déclin démographique, l’invasion migratoire massive par le bas (provoquée ou acceptée avec fatalisme ou hostilité mais nullement imposée par la force de l’extérieur), la domestication psycho-comportementale source d’égotisme, de refus de l’effort (anémie), de sentimentalisme culpabilisé, de dévirilisation, d’hédonisme passif, d’indifférence envers les ancêtres et la lignée (le germen), etc.
    Ces pathologies, qui ont atteint non pas tout le monde mais une proportion trop importante, expliquent la plupart des effets du déclin de la France et de bien d’autres pays européens. L’État , en tant que substance produite, n’en est pas la cause ; c’est la Société, en tant qu’essence productive, qui l’est.
    L’explication que certains avancent s’appuie sur des raisons exogènes, de nature politique ou idéologique : l’influence à long terme de la morale chrétienne, de la franc-maçonnerie, de ”l’ esprit juif”, de l’américanisme, du consumérisme, etc. L’explication endogène, qui a la faveur de la sociobiologie, est que les peuples, ensembles biologiques, vieillissent, tout comme les individus, et perdent leur énergie vitale et leur volonté collective. Ils finiraient à long terme par moins bien résister à l’environnement, idéologique ou autre. Les premières raisons sont sources d’irresponsabilité, les secondes de fatalisme.
    Personne ne pourra jamais trancher. Mais il ne faut pas être déterministe, il faut toujours agir comme si la fatalité était surmontable et comme si le désespoir tranquille était stupide.
    Continuons par l’énoncé de quatre principes (ou conditions) qui déterminent la santé et la créativité d’une Société :
    1) L’homogénéité ethnique au sens large du terme, avec une parenté anthropologique forte.
    2) Des valeurs, une culture, une conscience historique partagées, sans communautarismes intérieurs – c’est-à-dire l’unité de la Société et de l’État.
    3) Une solidarité intérieure au dessus des clivages de classes économiques, avec un sentiment d’appartenance charnelle plus qu’intellectuelle.
    4) Un génie propre, c’est-à-dire des qualités intrinsèques, innées de créativité chez une large proportion des sociétaires. Ce qui n’est pas l’apanage de tous les peuples.
    Le rôle politique de l’État est alors d’organiser cet ensemble et de le projeter dans l’avenir, c’est-à-dire dans l’histoire. Mais l’idéologie républicaine française (reprise par le communisme soviétique) s’imagine, depuis Robespierre jusqu’aux gauchistes hallucinés de Terra nova qui inspirent le PS, que l’État, muni de son idéalisme (« faire France ! ») peut harmonieusement organiser une Société composée de n’importe qui, venu de partout. Utopie qui torpille tout bon sens. Aristote expliquait que le corps d’une Cité (c’est-à-dire la Société) ne peut être fondé sur le hasard. L’État a besoin d’une Société choisie comme le sculpteur d’un marbre de qualité. La Société et l’État doivent se ressembler et se rassembler et le plus faible de l’équation est l’État.
    Pourquoi ? (3)
    Conclusion : si le délitement, le chaos ethnique de la Société française se poursuit, l’État, qui n’en est que la projection à terme, s’effondrera à son tour. La France disparaîtra. Mais le soleil continuera à briller.

    Guillaume Faye http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EFApEuZklApqevbcwl.shtml

    Notes :

    (1) Montaigne estimait que si la tête de l’appareil étatique disparaissait, le pays continuerait de fonctionner normalement. Autrement dit, la Société possède sa propre autonomie.
    (2) Le concept, très original, de ”capital historique” a été formulé par les nationalistes bretons du mouvement Emsav et par le théoricien Yann-Ber Tillenon. Il décrit l’interaction d’une Société et d’un État pour construire, dans la durée, l’héritage à la fois matériel et spirituel d’une Nation.
    (3) Parce que c’est la Société qui finance l’État. Même la force physique de l’État (contrainte de force publique) dépend du consentement financier de la Société. Donc le rapport de force est complexe. L’effondrement d’une Nation provient toujours de la rupture du pacte Société/État. Et la Société génère toujours un nouvel État alors que l’État ne peut pas créer une Société.

  • François Hollande, libéral depuis 1985

    Les éditocrates promeuvent ces jours-ci, avec beaucoup d’insistance, l’idée selon laquelle François Hollande viendrait seulement de révéler au monde qu’il était l’ami des marchés.

    Cette théorie a peut-être des propriétés curatives: il est possible, par exemple, qu’elle apaise (un peu) les affres et tourments des électeurs qui, dupés en 2012 par les menteries du candidat socialiste, ont voté pour lui en croyant sincèrement qu’il était de gauche – et qui peuvent donc, s’y raccrochant, se consoler (un peu) d’avoir été si profondément refaits en se répétant que le «tournant libéral» du chef de l’État français date effectivement d’avant-hier matin, et qu’ils ne pouvaient par conséquent pas savoir, lorsqu’ils lui ont donné leurs suffrages, qu’ils s’apprêtaient à mettre dans l’Élysée un émule de feu Ronald Wilson Reagan.

    Mais en vérité: elle est fausse – et mensongère. Puisqu’en effet: cela fait trente ans que François Hollande tient en politique des positions – et des propos – qui témoignent d’une stricte orthodoxie capitaliste.

    Les journalistes Sophie Coignard et Romain Gubert rappellent, dans leur nouveau livre (1), que, «lorsqu’il écrivait des billets économiques dans Le Matin de Paris à la fin des années quatre-vingt, il avouait» déjà «préférer “la social-démocratie d’après-crise“ à “l’État-providence de la prospérité“», et proclamait, ravi, dans un vibrant hommage au thatchérisme: «Le système français ne diffère plus du modèle (2) américain ou britannique.»

    À la même époque, «en 1985», expliquent de leur côté Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (3), François Hollande «a collaboré» à un ouvrage collectif, «aujourd’hui épuisé», qui «témoigne de l’adhésion au libéralisme d’un homme politique encore très jeune». Extrait:

    « Finis les rêves, enterrées les illusions, évanouies les chimères. Le réel envahit tout. Les comptes doivent forcément être équilibrés, les prélèvements obligatoires abaissés, les effectifs de police renforcés, la Défense nationale préservée, les entreprises modernisées, l’initiative libérée.»

    Dans le moment où elle est publiée, cette prose, où l’exaltation de la concurrence libre et non faussée est donnée – par un procédé tout orwellien – comme une saine adaptation au «réel», est tout sauf inédite : il est important de se le remémorer. Elle s’inscrit, au contraire, dans la même gigantesque campagne propagandaire où la fine fleur de l’éditocratie (dite) de gauche psalmodie, à l’unisson de Laurent Joffrin, prédicateur chez Libération, que «la vie sourd de la crise, par l’entreprise» et « par l’initiative»: le même, sédimenté dans ses manies, qualifiera vingt ans plus tard (en 2008) de «tournant réaliste» l’affichage public, par quelques personnalités socialistes, d’un «libéralisme» décomplexé (4).

    En 1992, écrivent aussi Sophie Coignard et Romain Gubert, François Hollande devient l’animateur du club Témoin. Ce discret petit «cénacle» de «jeunes technocrates» socialistes publie une revue – «aujourd’hui introuvable sauf à la Bibliothèque nationale» -, dans laquelle «Hollande mène» notamment cette véhémente «charge» contre la dépense publique, qu’il tient manifestement pour une toxicomanie lourde: «Le risque, avec la drogue, c’est l’accoutumance. Il en est de même pour l’endettement. À petites doses, c’est sinon raisonnable, du moins supportable. À grosses louches, le besoin n’est jamais satisfait. »

    Au fil des ans, les engagements du futur président de la République ne varient donc que peu, et jamais il ne dévie de son cap: en 2006 encore, il rend un vibrant hommage, «dans un ouvrage opportunément titré Devoirs de vérité» (5), à quelques hautes figures de son parti – de François Mitterrand et Pierre Bérégovoy, qui ont, lorsqu’ils étaient aux affaires, « déréglementé l’économie française» et l’ont «largement ouverte à toutes les formes de concurrence», à Lionel Jospin, qui a, du temps qu’il était Premier ministre, «engagé les regroupements industriels les plus innovants, quitte à ouvrir le capital d’entreprises publiques ». Puis de conclure: «Cessons donc de revêtir des oripeaux idéologiques qui ne trompent personne.»

    Le libéralisme, chez cet homme qui, en 2012, a lui-même (brièvement) revêtu, pour les besoins d’une campagne électorale, un déguisement d’«adversaire» de la «finance», n’est donc pas une nouveauté de la semaine – mais bien plutôt la ligne, très (à) droite, dont il ne s’est jamais détourné depuis trois décennies: cela est abondamment documenté, et les éditocrates qui présentent ses dernières annonces – dûment ovationnées par de larges pans de la droite et du patronat – comme une tardive conversion ne peuvent bien sûr pas ne pas le savoir.

    Mais en répétant – mensongèrement – qu’il s’agit d’un «tournant»: ils peuvent donner l’impression que leurs incessantes exhortations à réduire la dépense publique et le coût du travail ont été de quelque effet sur des choix où ils n’ont, en réalité, nullement pesé – puisqu’aussi bien, répétons-le, François Hollande applique désormais le programme qui était déjà le sien dans les années 1980, lorsqu’il préconisait: «Les comptes doivent forcément être équilibrés, les prélèvements obligatoires abaissés, l’initiative libérée.»

    Surtout : la reconnaissance que ce programme est de droite et que cela était de très longue date prévisible mettrait en évidence que la vraie-fausse confrontation entre le Parti socialiste et l’UMP à quoi la presse et les médias dominants réduisent depuis trente ans «la politique» est une prodigieuse escroquerie – puisqu’au fond ces deux formations sont d’accord sur tout «en matière de politique économique, financière, monétaire, commerciale, industrielle, européenne» (6).

    Elle montrerait que, dans le monde réel, ce que les éditocrates appellent «la gauche» est une deuxième droite, qu’ils le savent fort bien, et qu’ils l’ont toujours su – mais qu’ils ont obstinément œuvré à circonscrire le «débat public» dans le périmètre sécurisé d’une dispute entre libéraux, pour mieux rejeter dans ses marges les représentants de la vraie gauche – celle qui, pour de bon, menace les intérêts de leurs propriétaires.

    Notes :

    (1) La Caste cannibale. Quand le capitalisme devient fou, Albin Michel, 2014.

    (2) C’est moi qui souligne.

    (3) La Violence des riches. Chronique d’une immense casse sociale, La Découverte, 2013.

    (4) Source: http://www.seuil.com/livre-9782021057713.htm

    (5) Source: http://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/HALIMI/49991

    (6) Source: http://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/HALIMI/49991

    Bakchich.info

    http://fortune.fdesouche.com/325492-francois-hollande-liberal-depuis-1985#more-325492

  • Théorie du genre : les enfants n’en veulent pas !

    Avec l'innocence qui les caractérise encore, les enfants dédaignent ce qui leur paraît contraire à leurs aspirations naturelles.

    Celle-là, les partisans de la théorie du genre ne l’avaient vraiment pas vue venir. On croyait la France mise sur les rails qui l’emmèneraient droit vers l’indifférenciation, mais c’était sans compter la réaction des premiers concernés : les enfants.

    En effet, suite au rapport sur les stéréotypes filles-garçons remis à Najat Vallaud-Belkacem ce mercredi 15 janvier, L’Express a ouvert un débat sur son site : « Comment protégez-vous vos enfants contre le stéréotype fille-garçon ? »

    Passée la drôlerie dramatique de l’intitulé (l’usage du verbe « protéger » qui aurait laissé présager une discussion sur la pédophilie ou les maladies orphelines, et qui nous renvoie finalement à un débat sur les dînettes. Les mots n’ont vraiment plus de sens..), l’on découvre les astuces données par « quelques parents de la rédaction » du site pour éduquer leurs enfants dans le respect des théories actuelles.

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  • Mort du soldat Onoda, combattant de 1941 à 1974

    Mort-d-Hiroo-Onoda-le-dernier-soldat-perdu_article_landscape_pm_v8.jpgHiroo Onoda est mort tranquillement dans son lit, à Tokyo, à 91 ans.

    Cet ancien soldat japonais était devenu célèbre en se cachant dans la jungle aux Philippines jusqu’en 1974. Il pensait que la 2ème guerre mondiale n’était pas terminée. Durant près de trente ans, après la capitulation de l’empire nippon, cet officier de renseignement et spécialiste des techniques de guérilla a résisté sur l’île philippine de Lubang, près de Luzon.

     

     On l’y avait envoyé en 1944 avec un ordre formel : ne jamais se rendre et tenir jusqu’à l’arrivée de renforts. Avec trois autres soldats, il a obéi à la lettre à cette instruction pendant des années après le conflit, ignorant que le combat avait pris fin. Leur existence fut découverte en 1950 lorsque l’un d’eux décida de sortir de la forêt et de rentrer au Japon. On a eu beau, alors, larguer par avion des tracts annonçant à Onoda que la guerre était terminée depuis longtemps et que l’armée impériale avait été battue, le soldat n’y crut jamais et continua avec ses derniers camarades à surveiller des installations militaires et même parfois à se battre contre des soldats philippins.

     

     

  • Raymond Aron, penseur machiavélien (2/2)

    Après le rappel du fameux dialogue entre Jean Hyppolite et Julien Freund, que l’on a découvert dans la première partie et qui se conclut par cette phrase de Raymond Aron : « Votre position est dramatique et typique de nombreux professeurs. Vous préférez vous anéantir plutôt que de reconnaître que la politique réelle obéit à des règles qui ne correspondent pas à vos normes idéales. », l’auteur de cet article, Arnaud Imatz, dresse « le catalogue des points qui relient Aron à la tradition machiavélienne. » et ce sera la deuxième partie.
    Polémia
    Deuxième partie
    Aron et les principales idées de la tradition machiavélienne
    Sept repères peuvent être indiqués :
    1. L’idée de l’existence d’une nature humaine.  L’étude de la politique ne peut pas faire l’économie d’une vision de l’homme. « L’homme est dans l’histoire. L’homme est historique. L’homme est histoire », nous dit Aron. La nature humaine demeure inaltérable dans le temps. Les pulsions humaines expliquent en partie le caractère instable des institutions politiques et le caractère conflictuel de la politique. Il peut y avoir des phases exceptionnelles d’équilibre relativement satisfaisant de l’ordre politique, mais la stabilité définitive, la fin de l’Histoire, relève du rêve, de l’utopie, de la mystification ou de la manipulation idéologique.
    2. L’affirmation de l’autonomie du politique voire de la relative suprématie de la politique sur les autres sphères de l’activité humaine (économie, culture, morale, religion). Aron ne prétend pas substituer un déterminisme par un autre, mais reconnaître que la politique est plus importante que les autres activités parce qu’elle affecte directement le sens de l’existence. Elle est la caractéristique fondamentale d’une collectivité, la condition essentielle de la coopération entre les hommes. Aron proclame, en outre, la primauté de  la politique extérieure sur la politique intérieure. Il ne s’agit pas chez lui de préférer le bien commun à la puissance ou la gloire, mais de comprendre que la puissance est la condition du bien commun.
    3. Le caractère inévitable de la classe politique, de l’oligarchie et de la division gouvernants-gouvernés.  Aron, comme toute une pléiade d’auteurs aux sensibilités très différentes, tels Carlyle, Ostrogorsky, Spengler, Schmitt, Weber, Madariaga, Vegas Latapie, Evola, Duguit, De Man ou Laski, sait les limites et le caractère nettement oligarchique de la démocratie parlementaire. Pareto, Mosca, Michels ont souligné l’existence d’une véritable loi d’airain de l’oligarchie. De manière tout aussi explicite, le philosophe politique Gonzalo Fernández de la Mora parle de « démocratie résiduelle », se résumant, selon lui, à l’opportunité que les oligarchies partitocratiques offrent aux gouvernés de se prononcer sur une option, généralement limitée, après avoir procédé à une opération d’ « information » de l’opinion publique (5).
    5. La reconnaissance de la nature intrinsèquement conflictuelle de la politique. La vie sera toujours le théâtre de conflits et de différences. Les passions, la multiplicité des fins, le choix des moyens disponibles, etc., sont le fondement d’une perpétuelle dialectique universelle. Imaginer un monde politique sans adversaires, sans tensions, sans conflits, c’est comme se représenter une morale sans la présence du mal ou une esthétique sans laideur. La politique au sens traditionnel est la grande « neutralisatrice » des conflits. Voilà pourquoi la résistance systématique à toute forme de pouvoir peut constituer une excellente méthode pour accélérer la corruption du pouvoir et entraîner sa substitution par d’autres formes de pouvoir beaucoup plus problématiques et despotiques. Enfin, ce n’est pas parce qu’un peuple perd la force ou la volonté de survivre ou de s’affirmer dans la sphère politique que la politique va disparaître du monde. Qui peut croire qu’à défaut de la persistance des anciennes nations de nouveaux groupes de peuples ne se formeront pas et ne tendront pas à s’exclure réciproquement ? Le mondialisme, débilité intellectuelle, est le propre des ignorants du passé de l’humanité.  L’histoire n’est pas tendre… malheur au fort qui devient faible !
    6. Le rejet de toute interprétation mono-causale de la politique comme partiale et arbitraire. Les explications mono-causales « en dernière instance » par l’économie, par la politique, par la culture, par la morale, etc., n’ont aucun sens. Aron refuse sans la moindre ambiguïté de subordonner la politique à l’économie. Selon lui, la politique n’est jamais réductible à l’économie, bien que la lutte pour la possession du pouvoir soit liée de multiples manières au mode de production et à la répartition des richesses. La surestimation de l’économie est l’erreur radicale, la mystification majeure d’Auguste Comte, de Karl Marx et de tant de philosophes et économistes modernes. Aron nie que les régimes d’économie dirigée soient la cause des tyrannies politiques. La planification et la tyrannie ont souvent une origine commune, mais la semi-planification ou la planification indicative ne conduisent pas nécessairement à la planification totale et à la tyrannie comme le prétendent Hayek et les ultralibéraux de l’Ecole autrichienne. L’expérience de l’histoire (Espagne de Franco, Chili de Pinochet, République populaire de Chine actuelle, etc.) montre qu’il n’existe pas de lien causal nécessaire entre un type d’économie et un régime politique déterminé.
    7. Le scepticisme en matière de formes de gouvernement. Aron s’affirme libéral politique, mais il reconnaît la pluralité des régimes politiques, chacun conçu comme une solution contingente et singulière, comme une réponse transitoire à l’éternel problème du politique. Tous les régimes sont par ailleurs également soumis à l’usure du temps et à la corruption. Aron est enfin plutôt indifférent, sinon hostile, au clivage gauche-droite. Dans la Préface à L’Opium des intellectuels, il écrit : « On n’apportera quelque clarté dans la confusion des querelles françaises qu’en rejetant ces concepts équivoques [de droite et de gauche] ». On sait d’ailleurs qu’Aron appréciait La Révolte des masses, de José Ortega y  Gasset, et faisait grand cas de son célèbre aphorisme : « Être de gauche ou être de droite c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes d’hémiplégie morale ».
    Arrivé à ce point de la démonstration, il n’est peut être pas inutile d’esquisser une seconde comparaison, un second rapprochement, plus inattendu, mais tout aussi valable, celui du libéral politique Aron et du national-libéral, conservateur résolu, que fut Jules Monnerot. Monnerot, le grand censuré, honni et exclus de l’Université française, l’auteur génial de Sociologie du communisme (1949) et de Sociologie de la Révolution (1969), le résistant, l’activiste de la deuxième guerre mondiale, le premier franc-tireur intellectuel important contre la politique eschatologique, contre les religions totalitaires du salut collectif, Monnerot, l’esprit libre et indépendant, qui fut du petit nombre de ceux qui représentèrent dignement la philosophie et la sociologie politique de langue française dans les années 1945-1960, Monnerot, la bête noire « fasciste » des marxistes, crypto-marxistes et gauchistes, parce qu’il dénonça trop tôt l’essence religieuse du communisme et fut ensuite un précurseur de la dissidence contre « la pensée unique » et le multiculturalisme de la fin du XXe siècle. Comparer Aron et Monnerot, alors que le premier, professeur à la Sorbonne et au Collège de France, s’est toujours gardé de citer le second, conscient qu’il était de n’avoir pas la force de briser le terrible cordon sanitaire dressé autour de son collègue (?), comparer deux figures aussi inégales en réputation académique et médiatique ( ?), voilà de quoi offusquer les mandarins et autres gardiens du temple. Et pourtant, Monnerot, victime de la censure mais bon prince et surtout bien plus tolérant que ses censeurs, ne déclarait-il pas encore quelques années avant de mourir : « La pensée occidentale n’admet pas ce qui doit entraîner la suppression intellectuelle, voire physique, du réfractaire à la vérité… la pensée occidentale admet une sorte de pluralisme et de perspectivisme – c’est d’ailleurs la lignée intellectuelle à laquelle on peut me rattacher (6) » ?
    Les atteintes à la liberté d’expression, la censure, sont à l’évidence de tous les lieux et de toutes les époques. Au sein de l’Université française, la fréquentation affichée de certains auteurs a toujours attiré les foudres, le reproche moraliste et finalement l’ostracisme actif du coupable. Mais les universitaires qui avaient vingt ans en 1968 et qui n’étaient pas aveuglés par l’idéologie savent combien les intellectuels non conformistes, ouvertement opposés à la doxa freudo-marxiste, devaient alors savoir faire preuve de détermination et de courage (7).
    On comprend d’autant mieux la bienveillance et le respect que professent les esprits indépendants de ma génération pour les maîtres d’hygiène intellectuelle que sont les réalistes politiques (machiavéliens, antimachiavéliques) Raymond Aron, Julien Freund et Jules Monnerot. Aron, pour ne citer ici que lui, nous donna deux dernières leçons de rigueur et de probité à la veille de sa disparition. A l’occasion de la publication de L’Idéologie française, de Bernard-Henri Lévy, il n’hésita pas à écrire que l’auteur « viole toutes les règles de l’interprétation honnête et de la méthode historique » (Express, février 1981). Deux ans plus tard, le 17 octobre 1983, il témoigna en faveur de son ami Bertrand de Jouvenel contre l’historien israélien Zeev Sternhell qui prétendait que l’auteur de Du Pouvoir avait manifesté des sympathies pro-nazies en tant que théoricien majeur du fascisme français. A la barre, il dénonça de sa voix ferme « l’amalgame au nom de la vérité historique ». Puis, sortant du Palais de justice de Paris, il prononça ces derniers mots : « Je crois que je suis arrivé à dire l’essentiel », avant de s’éteindre terrassé par une crise cardiaque. Ces déclarations ne sauraient s’oublier !
    Pour Jerónimo Molina Cano, spécialiste du machiavélisme aronien, le réalisme politique du fondateur de la revue Commentaire constitue la voie de connaissance la plus adéquate pour explorer la « verita effetuale della cosa ». Ajoutons, pour notre part, que Raymond Aron, ex-président de l’Académie des sciences morales et politiques de France, n’était pas seulement un brillant intellectuel, mais d’abord et avant tout un homme, tout un Homme, « todo un caballero », comme disent les Espagnols.
    Arnaud Imatz’ 13/01/2014
    Notes :
    5)  Gonzalo Fernández de la Mora, La partitocracia (La particratie), Madrid, Instituto de Estudios Politicos, 1977.
    6)  Entretien de Jules Monnerot avec Jean-José Marchand pour Les archives du XXe siècle de la Télévision française, 1988.
    7)  Par curiosité, j’ai exhumé les vieilles éditions des manuels d’Histoire des idées politiques de Touchard et de Prélot, que j’utilisais à la veille de ma soutenance de thèse de doctorat d’Etat, en 1975. Il n’y est fait mention ni de Monnerot, ni de Freund !
    http://www.polemia.com/raymond-aron-penseur-machiavelien-22/