On a besoin de Giono (1895-1970) comme on a besoin de nature, de saisons, d’arbres, d’oxygène. Ça libère les bronches. Gallimard vient de publier en un seul volume toutes ses Chroniques romanesques. Un "Quarto" qui fait son poids et que Mireille Sacotte a magnifiquement présenté.
Giono est un sourcier du langage, moitié guérisseur aux pouvoirs telluriques, moitié magnétiseur qui fait jaillir des images. Une sorte de rebouteux lexicographe soignant les corps malades par le verbe. Un enfant de Manosque et d'ailleurs qui a ramassé dans l'arrière-pays provençal la flûte égarée du Grand Pan et en a tiré des sons enivrants. Il y avait en lui un sortilège de la parole, quelque chose d'hellénique et de sensuel, comme si ce qu'il écrivait délivrait des phéromones et que les mots s'accouplaient dans une noce sauvage.