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élections - Page 637

  • Le Danemark, pays des gens heureux et de l’extrême droite

    « Bienvenue dans la nation la plus heureuse du monde », proclament les slogans d'une bière locale à l'aéroport de Copenhague. Depuis que les deux premiers rapports sur le bonheur de l'ONU ont décrété, en 2012 et 2013, que les Danois étaient le peuple le plus heureux au monde, ce petit royaume de 5,6 millions d'habitants est observé de près. C'est ce même pays qui, lors des élections européennes du 25 mai, a voté à 26,6 % en faveur du Parti du peuple danois (DF), mouvement d'extrême droite eurosceptique et anti-immigrés, devenu le premier parti du Danemark.
    « Depuis l'arrivée au pouvoir des sociaux-démocrates , beaucoup d'électeurs sont en colère, car leurs politiques fiscale et sociale sont plus à droite que ce que les gens attendaient, estime Rune Stubager, politologue à l'université d'Aarhus. Quant aux libéraux, ils ont été affaiblis par le scandale des cadeaux qui a éclaboussé peu avant les élections leur président, Lars Lokke Rasmussen. » Ce dernier a même été surnommé « Luksus-Lokke » (Luxe-Lokke) par les médias.
    « Le système danois est fondé sur l'égalité sociale et la confiance. Nous partageons des valeurs sociales et morales et faisons confiance au système politique. Si un homme politique ne respecte pas la culture d'égalité, les Danois régissent très fortement », commente le romancier Jens Christian Grondahl, publié en France chez Gallimard.
    « BRUXELLES A TROP DE POUVOIR »
    Hvidovre, une commune de 51 000 habitants à l'ouest de Copenhague, a voté à 35 % pour DF aux élections européennes, après avoir été pendant près d'un siècle un bastion de la social-démocratie. C'est dans ces quartiers que les ouvriers méritants pouvaient déménager. L'actuelle première ministre sociale-démocrate, Helle Thorning-Schmidt, issue de cette gauche prolétarienne qui s'est embourgeoisée au fil des décennies, en est la plus belle illustration.
    DF a été favorisé par une polémique concernant un étudiant d'un pays de l'UE dont la demande de bourse avait été refusée. Au Danemark, cette bourse s'élève à 1300 euros par mois, pendant cinq ans. En février 2013, la Cour européenne de justice avait obligé le Danemark à accorder des bourses à davantage d'étudiants européens. « Le système éducatif danois est vraiment sous pression, souligne Marlene Wind, directrice du Centre des politiques européennes de l'université de Copenhague, et le fait qu'un tribunal étranger nous dise qu'on doive payer des étrangers a été très mal perçu. » Dans la foulée, un débat sur le dumping social des travailleurs européens a enflammé les esprits.
    Dans la paisible cité de Hvidovre, certains habitants ne s'expliquent pas ce vote DF : « On a un bon système social, les soins gratuits, l'école gratuite », explique Lene Raavig, une enseignante qui a voté pour un mouvement de gauche opposé à l'UE. Flemming Jensen, lui, a vécu toute sa vie à Hvidovre et travaille dans une crèche. D'habitude plus radical, il a voté social-démocrate : « Heureux, oui ; nous payons beaucoup d'impôts et les gens ont l'impression qu'on s'occupe bien d'eux. On ne souffre pas, on ne manque de rien. »
    Ce bonheur n'empêche pas Jean Helge Lyrdal, 71 ans, de voter pour le Parti du peuple danois depuis 1998, après avoir voté social-démocrate : « J'ai voté DF parce que je ne veux pas qu'on perde de souveraineté ; Bruxelles a trop de pouvoir, et puis on a trop de criminels étrangers, il faut les stopper. »
    Au café Claudio, Pernille Rabe, la serveuse, a son analyse : « Nous sommes très égoïstes. On veut tout ce qui est bien de l'UE, mais pas le reste. Et on a tellement peur d'abandonner notre culture. Les jeunes seront plus ouverts, je crois, mais le problème est que ces jeunes ne croient plus dans les politiciens car rien ne change. »
    « Les Danois se sentent propriétaires de cette société financée par leurs impôts très lourds, analyse Jens-Christian Grondahl. Et quand une politique d'austérité est mise en place, nous nous sentons trahis, surtout si cela intervient à un moment où l'intégration ne fonctionne pas, avec des immigrés d'origine musulmane qui ne contribuent pas aux impôts et profitent du système. Les Danois réagissent à ça. »
    « LES DANOIS VEULENT QUE ÇA RESTE COMME ÇA »
    A quelques centaines de mètres du centre commercial, Mikkel Dencker reçoit chez lui, dans un pavillon immaculé. A 38 ans, il a failli devenir le premier maire d'extrême droite du Danemark lors des municipales de novembre 2013. Faute de majorité derrière lui, Mikkel Dencker a saisi la main tendue par la maire sociale-démocrate sortante, et Hvidovre se retrouve avec une coalition éclectique : des sociaux-démocrates, des socialistes de gauche, et DF.
    Quand on lui demande s'il est heureux, Mikkel Dencker répond avec un sourire satisfait : « Les gens se sentent en sécurité, ils se font confiance les uns les autres, même avec des gens qu'ils ne connaissent pas. Et les gens se sentent aussi en sécurité sur le plan économique, s'ils perdent leur emploi. En votant pour nous, les Danois veulent que ça reste comme ça, alors que les autres partis veulent plus d'intégration dans l'UE, une UE dont les décisions bouleverseront notre situation. »
    La politologue Marlene Wind constate que « DF se présente comme le parti social-démocrate des origines, généreux pour les dépenses sociales, préoccupé par les personnes âgées ». L'écrivain Jens Christian Grondahl abonde dans ce sens : « Pour beaucoup d'électeurs, DF est devenu un parti social-démocrate alternatif. »

    Olivier Truc : Le Monde :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EupkFVFZyFXWDQYKTk.shtml

  • Les causes profondes de la crise de feue la Droite française

    Pour comprendre la crise mortelle de feue la Droite française, il faut d'abord comprendre ce qu'elle était.   

    Tout un chacun peut observer les querelles de personne à l’UMP et s’indigner des turpitudes comptables de ce parti et de la campagne de Sarkozy en 2012. Mais ce n’est pas le problème le plus sérieux de l’UMP. Car la désagrégation socio-politique et donc électorale de feue la Droite française a des causes profondes, incontrôlables et irréversibles.

    Au XIXe siècle, la politique était polarisée entre républicanisme et royalisme. Au XXe s., cette polarisation a fait place à une opposition entre Droite et Gauche dans des termes différents, puisque le républicanisme a gagné par forfait en 1873, lorsque le comte de Chambord a sabordé la restauration royaliste, pourtant à deux doigts d’aboutir.

    Pour comprendre la crise mortelle de feue la Droite française, il faut d’abord comprendre ce qu’elle était, à savoir une synthèse entre une certaine idée de la France, les bonnes mœurs bourgeoises ou catholiques, l’attachement à la patrie et la défense de la propriété et de la libre entreprise. Cette synthèse fonctionnait bien à l’intérieur du cadre national. Elle a bien fonctionné tout au long du XXe siècle. Mais, avec la montée du mondialisme, elle ne fonctionne plus. Le nœud gordien de feue la Droite française et les convulsions pre-mortem de l’UMP gisent dans cette synthèse perdue.

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  • Percée du FN : Les « fractures françaises » traversent désormais l’Ouest

    « Le vote Front national y est présent à proportion du sentiment d’abandon et de déshérence sociale de territoires éloignés des villes centres et frappés par la pauvreté. »

    « L’Ouest résiste à la vague Bleu Marine » titraient les quotidiens régionaux au lendemain des élections européennes, se félicitant que la circonscription Ouest soit la seule (hormis le cas particulier de l’Ile-de-France) à ne pas avoir porté la liste Front national en tête du scrutin européen. La liste conduite par Gilles Lebreton a ainsi rassemblé 19,3% des suffrages sur l’ensemble de la circonscription, avec « seulement » 17,10% des suffrages en Bretagne et 19,5% dans les Pays-de-la-Loire. Dans la région Poitou-Charentes, la liste Bleu Marine arrive en tête avec 23,18% des suffrages.

    Pourtant, même en écartant la région Poitou-Charentes qui ne correspond pas sociologiquement et culturellement à l’électorat démocrate-chrétien de l’Ouest de la France, ces résultats plus qu’honorables confirment lourdement les tendances de fond observées partout en France, avec une poussée importante du vote national populiste en des terres qui lui étaient jusqu’à présent fort rétives.

    En Bretagne, le FN multiplie son score par 6

    En Bretagne tout d’abord, le Front réalise une remarquable percée et multiplie son score par 6, comparé à 2009, en gagnant 449.000 voix ! Il arrive en tête dans 502 communes sur 1.270 et dépasse les 25% dans 206 d’entre elles.

    Pour l’essentiel, les communes où le FN est en tête se situent dans l’est de la région, au sud d’une ligne Guiscriff/Saint-Malo, où l’UMP réalise habituellement ses meilleurs scores. Dans le Morbihan, seul département breton à avoir mis le FN devant l’UMP (20,3%), 80 communes affichent un score supérieur à 25%. En Ille-et-Vilaine, le Front national peut également se prévaloir d’une forte percée avec 80 communes sur 353, essentiellement rurales, à plus de 25%. C’est dans les départements occidentaux de la péninsule bretonne, Côtes-d’Armor et Finistère, que le Front national peine à percer, avec seulement 40 communes costarmoricaines et 6 finistériennes où la liste frontiste obtient plus de 25% des voix.

    Le Troadec et les Bonnets rouges : 7,60% en Bretagne

    En parallèle de ces résultats, il faut également prendre en compte la présence de la liste du maire de Carhaix, Christian Troadec, porte-parole du mouvement des Bonnets rouges, qui rassemble 7,20% des voix bretonnes sur sa liste. En l’absence de celle-ci, il est probable que la Bretagne aurait porté la liste Front national en tête du scrutin européen le 25 mai : en effet, seules 14.000 voix séparent la liste de Gilles Lebreton de la liste UMP conduite par Alain Cadec tandis que la liste de Christian Troadec a obtenu plus de 76.000 suffrages dont un bon nombre auraient sans doute été susceptibles de se porter sur le FN.

    Un vote FN très largement rural

    Autre enseignement du scrutin : si jusqu’aux années 2000 le FN obtenait ses meilleurs scores dans les communes maritimes, ce n’est plus seulement le cas aujourd’hui. Le vote frontiste est devenu très largement rural, avec des scores importants, y compris dans des communes du Centre-Bretagne où le Parti communiste représentait jusqu’à il y a peu la force principale. A l’inverse, en Bretagne comme ailleurs, ce sont désormais les grandes villes qui accordent les plus faibles suffrages au Front national : Nantes 10%, Rennes 9,35%, Quimper 12%, Vannes 14,5%. Au-delà des frontières de la Bretagne, les centres urbains sont tout aussi rétifs, comme à Angers 12,8%, Poitiers 13,03%, Le Mans 16,2% ou La Rochelle 14,3%.

    Dans la région voisine des Pays-de-la-Loire, il manque seulement 5.000 voix à la liste du Front national pour dépasser la liste UMP. Le département breton de la Loire-Atlantique tient la lanterne rouge avec 16,4% des voix mais le FN arrive cependant en tête dans plus de la moitié des communes du département. C’est dans la Sarthe que le vote patriote obtient son meilleur score, avec 24,9%, distançant de 5 points la liste UMP. En tête dans 296 communes du département, la liste FN frôle même les 29% des suffrages dans la 3e circonscription de la Sarthe.

    En Vendée également, la liste frontiste obtient 21,9% des suffrages et arrive en tête dans plus de 40% des 282 communes du département. Très clairement, le Front national a largement profité de l’absence de Philippe de Villiers dont la liste souverainiste avait obtenu 33% des suffrages lors de l’élection européenne de 2009.

    Dans le Maine-et-Loire, d’essence conservatrice mais qui glissait vers le Parti socialiste au fil des scrutins, le Front national talonne de 5.000 voix la liste UMP, avec 19,3% des suffrages. Près de la moitié des communes ont placé la liste RBM en tête, particulièrement dans le Saumurois, et dans 132 d’entre elles le FN passe la barre des 25%. Le Parti socialiste est laminé, n’arrivant en tête que dans une poignée de petites communes rurales !

    Enfin, la très rurale et démocrate-chrétienne Mayenne représente le seul département où l’UDI, conduite par le local de l’étape Jean Arthuis, mène largement la course en tête avec 32% des voix. Ses adversaires de l’UMP (12,8%) et du PS (11,7%) sont laminés et le Front national arrive en seconde position avec 18,3% des suffrages, enregistrant de bons résultats dans l’est et le nord du département.

    Dans les grandes villes, gauche sociétale et droite centriste dominent encore

    La nouvelle carte politique du vote Front national dans ces régions de l’Ouest est totalement bouleversée au lendemain du 25 mai. Les « fractures françaises » du géographe Christophe Guilluy traversent désormais l’Ouest. Dans les grandes et moyennes villes régionales où réside une population urbaine possédant de bons revenus et qui semble accepter (à distance) une mixité sociale avec des banlieues à forte immigration, le Front national reste relégué aux marges et la gauche « sociétale » ou la droite centriste dominent encore. Au-delà de ces villes, on trouve un monde rural, relégué à la périphérie lointaine, qui conteste de plus en plus fortement le système en place. Le vote Front national y est présent à proportion du sentiment d’abandon et de déshérence sociale de territoires éloignés des villes centres et frappés par la pauvreté. Ainsi dans le Maine-et-Loire, la cartographie du taux de pauvreté relevé par l’INSEE, qui touche particulièrement les secteurs ruraux de l’est et du nord-ouest du département, se superpose quasi parfaitement avec les communes où le vote Front national arrive en tête. Les mêmes constats se répètent dans la Sarthe, la Mayenne ou l’Ille-et-Vilaine.

    Il s’agit là incontestablement d’un phénomène nouveau. Sous l’air iodé de l’Atlantique où, protégées par la douceur toute angevine du Val-de-Loire, ces régions étaient jusqu’alors considérées comme légitimistes et peu revendicatrices, épargnées par une immigration massive, jouissant d’une bonne santé économique, elles figuraient au palmarès des régions où il faisait bon vivre. Mais, ici comme ailleurs, la montée en puissance des effets ravageurs de la mondialisation multipliant les plans sociaux comme en Bretagne, l’afflux des clandestins et demandeurs d’asile dans les grandes villes et la flambée de l’insécurité qui touche désormais les campagnes auront achevé de changer la donne.

    Pierre Domenesche

    http://www.polemia.com/percee-du-fn-les-fractures-francaises-traversent-desormais-louest/

  • Entretien avec Pierre-Yves Rougeyron (2/3) : Focus sur les élections européennes

  • Entretien avec Pierre-Yves Rougeyron (2/3) : Focus sur les élections européennes

  • Nigel Farage, Marine Le Pen et les autres ont encore quelques jours pour s’entendre

    Le groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) est le premier bénéficiaire de l’incapacité des partis eurosceptiques et de droite nationale à s’entendre pour constituer un groupe commun au parlement européen. Le Parti Populaire Danois (DF) qui compte quatre eurodéputés et le parti des Vrais Finlandais qui compte deux eurodéputés ont annoncé s’inscrire au groupe des Conservateurs et Réformistes Européens fondé il y a cinq ans à l’initiative du parti conservateur britannique de David Cameron.

    Alors que les discussions pour les appartenances de groupes ne sont pas terminées, le groupe des Conservateurs et Réformistes Européens peut d’ores et déjà compter sur autant d’eurodéputés que n’en rassemble à ce jour l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE), groupe libéral dont Guy Verhofstadt est le meneur. Le groupe des Conservateurs et Réformistes Européens devrait probablement attirer également à lui les sept eurodéputés de l’AfD, parti eurosceptique allemand, et devenir peut-être le troisième groupe au parlement européen.

    Il est regrettable de constater à quel point les partis eurosceptiques, les partis populistes et les partis de droite nationale se montrent incapables de constituer ensemble un groupe politique solide. Bien entendu, il existe entre ces partis plus que des nuances mais constituer un groupe politique n’est pas prétendre uniformiser la ligne de conduite des partis qui le composent. Il suffit à ce sujet de constater que le Parti Populaire Européen, principal groupe au parlement européen, réunit des composantes aussi différentes que les Français libéraux de l’UMP, les Belges de centre-gauche du CDH, les Espagnols de centre-droit du Parti Populaire, les ultraconservateurs hongrois du Fidesz et le Parti Nationaliste de Malte (liste non exhaustive).

    http://medias-presse.info/nigel-farage-marine-le-pen-et-les-autres-ont-encore-quelques-jours-pour-sentendre/11043

  • «Cyniquement, nos dirigeants ont enterré les classes populaires»

    Dans un long entretien à FigaroVox, Christophe Guilluy revient sur le résultat des européennes et la réforme territoriale. Pour lui, la classse dirigeante n'a toujours pas pris la mesure de la crise économique, sociale et identitaire que traverse la France périphérique.
    Christophe Guilluy est géographe et consultant auprès de collectivités locales et d'organismes publics. En 2010, son livre connaissent un réel succès critique et plusieurs hommes politiques de droite comme de gauche affirment s'inspirer des analyses de ce dernier essai. Un documentaire intitulé La France en face, réalisé par Jean-Robert Viallet et Hugues Nancy, diffusé sur France 3 le 27 octobre 2013, est également très fortement inspiré de ce livre .
    FigaroVox: Votre travail de géographe a mis en lumière les fractures françaises. Que vous inspire la réforme territoriale? Après la victoire de Marine Le Pen aux élections européennes, celle-ci répond-elle aux véritables enjeux?
    Christophe Guilluy: Lorsqu'on connaît la crise économique, sociale, identitaire que traversent les catégories populaires sur les territoires de la France périphérique, ce débat médiatico-politique sur la bonne échelle régionale paraît totalement anachronique. L'ouvrier à 800 euros par mois qui habite au fin fond de la Normandie se moque de savoir si le duché de Normandie va être reconstitué.
    Après le résultat électoral du 25 mai, lancer un tel débat, c'est dire aux Français, «je ne vous ai pas compris et je ne vous comprendrai jamais!». Pourquoi 14 régions et non pas 6? Si on part du principe que pour être fort, il faut regrouper les régions, je propose de regrouper les 22 régions et d'en faire une méga région qu'on appellerait «la France»!
    Quelles sont ces fractures françaises qui minent le territoire et qui selon vous ne sont pas prises en compte par cette réforme?
    Je suis géographe, mais paradoxalement je crois davantage aux gens qu'aux territoires. Cette réforme hors-sol oublie l'essentiel, c'est-à-dire le destin des catégories populaires des pays développés dans la mondialisation. Depuis ces 40 dernières années, ces dernières sont mises à l'écart des territoires et secteurs économiques qui comptent, des zones d'emplois les plus actives.
    Dans un contexte de mondialisation, ce phénomène n'est pas propre à la France, mais touche tous les pays européens ainsi que les Etats-Unis. Aujourd'hui, pour fonctionner, «la machine économique» a besoin de cadres qui travaillent dans des secteurs de pointe et d'immigrés à exploiter dans les services, le tout réunis dans les grandes métropoles. Les autres catégories sont rejetées à la périphérie.
    Si l'on s'arrête aux critères basiques de création de richesses, c'est un système qui fonctionne puisque la France reste la cinquième puissance économique mondiale. Mais les catégories modestes, qui sont majoritaires puisqu'elles pèsent au moins 60% de la population, ne sont pas intégrées économiquement. La société se cristallise autour de cette nouvelle géographie qui provoque l'émergence de fractures politiques. La victoire de Marine Le Pen aux européennes en est la démonstration.
    Quel rôle la question de l'immigration joue-t-elle dans ces nouveaux clivages sociaux et territoriaux?
    Les logements sociaux des grandes villes se sont peu à peu spécialisés dans l'accueil des flux migratoires que ces catégories populaires, pourtant éligibles au parc social, cherchent à éviter. A la lisière des métropoles, celles-ci vivent dans des endroits moins valorisés foncièrement. Elles sont de moins en moins mobiles et quand elles sont propriétaires, la valeur de leur bien ne leur permet ni de vendre, ni d'acheter ailleurs. Dans cette insécurité sociale et économique, leur toit et leur «village» restent leurs dernières protections. Du coup, le rapport à l'autre devient fondamental. Car, dans une société multiculturelle où «l'Autre» ne devient pas «soi», les gens ont besoin de savoir combien va être «l'Autre» dans leur village. Ce n'est pas quelque chose de typiquement Français, mais d'universel. Posez la question de «l'Autre» et des flux migratoires dans n'importe quel pays, de la Chine à la Kabylie en passant par le Portugal, la réponse sera toujours la même: «je n'ai pas envie de devenir minoritaire chez moi». 
    C'est un ressort essentiel du vote FN et du vote dit populiste partout en Europe. Cela structure complètement la carte électorale et de plus en plus. L'exemple de la Bretagne est particulièrement intéressant. L'idée que les fondamentaux bretons, comme la culture catholique, protégeraient du vote FN est battue en brèche par la réalité. La conjonction de la crise économique et de l'immigration produit les mêmes effets que sur les autres territoires. En revanche, dans les grandes métropoles, le vote FN est moins important car c'est là que se trouvent les gagnants de la mondialisation. Dis autrement, le multiculturalisme à 5000 euros par mois, ce n'est pas la même chose qu'à 500 euros par mois!
    Cette réforme ne risque-t-elle pas paradoxalement d'accentuer les déséquilibres et de creuser les lignes de fracture? Ceux qui craignent un morcellement territorial digne du Moyen-âge ont-ils raison?
    Les difficultés sociales dans la France périphérique sont essentiellement prises en charge par les maires et les conseils généraux. C'est un maillage qui est encore efficace, notamment grâce à la connaissance de terrain d'élus locaux capables de faire pression au niveau national pour ramener des services publics. Dans la France périphérique où les catégories populaires se sentent délaissées, la présence d'institutions et de collectivités visibles assure encore une forme d'intégration. En toute «cohérence», avec la disparition des départements, la France des invisibles accoucherait d'institutions invisibles! La boucle serait bouclée! Derrière une réforme qui peut apparaître comme consensuelle, le projet est toujours le même: renforcer les grandes métropoles mondialisée, mais quid des autres territoires. Je pense que cyniquement nos dirigeantes ont enterré les classes populaires depuis longtemps. Peut-être ont-ils pensé qu'elles n'allaient pas se reproduire et qu'ils pourraient faire une société avec des cadres uniquement? Sauf que les gens continuent à vivre, qui plus est assez vieux. La classe politique se trouve donc confrontée à une réalité sociale imprévue et dispersée dans l'espace. N'ayant pas de contre-modèle, elle n'a d'autre choix que de booster économiquement ce qui fonctionne et de faire un peu de redistribution. Le problème c'est qu'avec la dette, cela devient de plus en plus compliqué de redistribuer et les gens commencent à manifester leur colère comme on peut le voir à travers le vote FN ou à travers le mouvement des Bonnets rouges.
    Alors, comment rapprocher les métropoles de la périphérie? Cela passe-t-il par davantage de décentralisation ou au contraire par une recentralisation?
    Face à des espaces métropolitains économiquement et politiquement riches et puissants, il faut penser un modèle économique pour les autres territoires. Mais rien ne sera possible sans un renforcement du pouvoir politique de cette France périphérique et le partage d'un diagnostic. Or, les dirigeants actuels, qui pour l'essentiel viennent tous des grandes métropoles, ne veulent pas l'entendre. Pour elles, les classes populaires ne comptent pas. Mais une situation comme celle-là ne sera pas viable très longtemps d'autant plus que ces dernières commencent à saisir qu'elles ne sont pas «quantité négligeable», mais qu'elles sont la majorité. Mécaniquement, on va donc assister à une montée des radicalités sociales et politiques. Sur le long terme, c'est jouer avec le feu.

    Christophe Guilluy

    http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EupkEAAFkZNIYLfthR.shtml

  • [Edito L’AF 2887] La république à bout de souffle : SE PRÉPARER

     

    C’est, semble-t-il, à une décomposition du régime plus rapide qu’on pouvait l’imaginer, sinon l’espérer, qu’on assiste aujourd’hui. Et que les élections européennes en aient été la cause occasionnelle n’est un paradoxe que pour ceux qui oublient que l’Europe est pour le pays légal le prétexte qui leur a fait renoncer à la France.

     

    Si les institutions continuent de fonctionner, c’est mécaniquement, car la coupure avec les Français est consommée : ils ne croient plus dans les capacités d’illusionnistes de nos élites dirigeantes, de droite comme de gauche. Le spectacle offert tant par une UMP que l’étalement de ses malversations finit de déconsidérer auprès du pays réel, que par un parti socialiste réduit à la portion congrue — 14% de l’électorat — et, de ce fait, tenté par la mutinerie pour ne pas couler avec le Titanic de l’exécutif, est proprement sidérant. On peut d’ailleurs se demander dans quel monde vivent des représentants du peuple qui ne s’aperçoivent pas que plus ils sont « à gauche », notamment sur les questions de société ou de justice, plus ils sont rejetés par les Français. Un telle surdité aux préoccupations et aux demandes de leurs concitoyens confine à l’autisme.

    Chacun sent que le bateau prend eau de toutes parts. Discrédité, le pouvoir peut encore intimider par la répression, il n’est plus respecté dans les consciences. La république paraît à bout de souffle. Nous ne saurions toutefois nous en réjouir si personne n’est là pour prendre la relève. Car un effondrement politique est toujours un moment de faiblesse pour une nation.

    Se préparer n’est plus simplement un devoir. C’est devenu une nécessité.

    François MarcilhacL’AF 2887

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Edito-L-AF-2887-La-republique-a

     

  • Un rappeur du 94 explique sa position sur le vote FN‏

    Durant les élections européennes, plusieurs commentateurs ont été surpris par le résultat du vote FN dans les banlieues dites « sensibles » à forte majorité immigrée. En île de France le parti de Marine Le Pen est arrivé en 1ère position dans le département de Seine-Saint-Denis et dans des villes des Yvelines telles les Mureaux ou Trappes.

    Dans une interview accordée à nos confrères du courrier de l’Atlas, un rappeur du Val-de-Marne explique sa position vis à vis du vote FN qui semble selon lui plus en rapport avec ses propres valeurs plutôt que celle du PS qui sont « le mariage pour tous, les Femen, Edward Snowden, la guerre en Syrie… « . Edel Hardiess explique son point de vue vis à vis des deux partis:
     

    Après avoir trahi les ouvriers qu’il a perdu, le PS semble réussir le tour de force de faire voter les banlieues pour le Front National, les raisons évoquées par Edel Hardiess étant ressenties fortement dans cette frange de la population où les valeurs familiales passent au 1er plan avant toute autre considération

    http://medias-presse.info/un-rappeur-du-94-explique-sa-position-sur-le-vote-fn%e2%80%8f/10985

  • Quel avenir à droite ?

    Au lendemain des élections européennes ayant vu la victoire du Front National, se pose la question de savoir quelle attitude doivent adopter les militants de la droite dite « classique ». La position de tête du parti lepéniste combiné à sa dédiabolisation progressive doit amener chacun à anticiper l’avenir, notamment en cessant de s’arrêter à des obstacles qui n’en sont pas. 

    Le faux problème du libéralisme 

    L’affirmation selon laquelle le Front national serait devenu un parti de gauche en raison de son programme économique fait partie des lieux communs les plus courants. Il est de bon ton dans certains milieux de droite de déclarer en se haussant du col qu’autant il aurait été possible de s’entendre avec le FN libéral du père, autant il n’est pas possible de s’entendre avec celui populeux de la fille. Assénée à grands renforts de niaiseries conceptuelles dont les plus en vogue sont la dénonciation du « #PSFN » et l’opposition manichéenne socialisme VS libéralisme, cette théorie relève de l’escroquerie intellectuelle. 

    « S’opposer à la bureaucratie ou au fiscalisme et demander que l’État se limite aux fonctions dites régaliennes n’équivaut pas à une adhésion au libéralisme. Celui-ci consiste dans une doctrine selon laquelle il n’existe pas de valeurs en soi mais uniquement la rencontre de volontés », rappelle le politologue Guillaume Bernard. Sans nécessairement adhérer à la doctrine sociale de l’Église catholique énoncée par le pape Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum, il n’est pas possible d’être de droite et libéral stricto sensu, à moins d’être motivé par l’égoïsme matériel ou la coquetterie mondaine. Par ailleurs, affirmer que le Front National serait une résurgence du Parti Communiste en raison du fait qu’ils sont tous deux électoralement assis sur les classes ouvrières et précaires est une erreur qui consiste à confondre politique et sociologie. « Entre les communistes et les gaullistes, il n’y a rien » disait André Malraux, rappelant qu’entre les catholiques sociaux et les communistes sociaux il n’y a que les libéraux individualistes. La principale conséquence politique de la crise est justement le repassage à droite des catégories populaires, mis en lumière notamment par le politologue Patrick Buisson pointant « l’homogénéité croissante des électorats cibles » entre le FN et l’UMP. L’accusation de socialisme est enfin réfutée par Jean-Marie Le Pen lui-même, affirmant que sa fille « défend un État stratège, non un État fiscaliste ». 

    Une rapide observation de l’histoire de France permet de mesurer le peu de succès de ceux qui, de Guizot à Giscard et dans une certaine mesure Sarkozy, ont eu la réussite personnelle comme porte étendard. À ceux qui se plaignent que la France n’est pas un pays libéral, répondons que non seulement c’est vrai, mais qu’elle n’a pas vocation à le devenir. 

    La primauté du régalien sur l’économie 

    La question qui se pose aujourd’hui est de savoir quelle est la priorité politique entre le domaine économique et le domaine régalien. À cette question, le politologue Patrick Buisson répond que « il n’y a pas d’économique pur, l’économie est toujours le reflet d’une métaphysique ». Nul besoin d’être un grand démographe pour savoir que d’ici quelques décennies, les mesures prônées par nos laudateurs du libéralisme serviront essentiellement à faciliter l’ouverture de kebabs et de marchands de hijabs. On comprend mal, ou plutôt on ne comprend que trop bien, pourquoi cette évidence n’est jamais évoquée par ceux qui n’évaluent une politique qu’à l’aune de sa capacité à maximiser la quantité de grain dans la mangeoire économique. Ces indiscutables réussites entrepreneuriales que sont les Quick halal et le site de rencontres adultérines Gleeden sont l’angle mort de la pensée politique de ceux pour qui l’entrepreneuriat constitue l’Alpha et l’Omega. 

    De plus, le choix stratégique de Marine le Pen de gauchir son programme économique n’est pas seulement mû par une cohérence électorale visant à capter les voix des masses ouvrières précarisées, mais également par une cohérence militante. Dans nombre de milieux professionnels favorisés, le fait de dénoncer l’immigration et le multiculturalisme amène presque automatiquement à l’ostracisme social. Ainsi, entre conserver son prestige social et son confort matériel, ou y renoncer pour dénoncer une immigration dont celle qu’il côtoie a souvent Bac+5, l’électeur « libéral-conservateur » choisira la première option dans la grande majorité des cas. Ceci explique l’échec de partis tels que le Mouvement Pour la France de Philippe de Villiers, composé pour l’essentiel d’une sociologie catholique bourgeoise pour laquelle l’entrée dans le monde de l’entreprise aura souvent été une rentrée dans le rang. 

    Le cas symptomatique de l’UNI 

    Le cas de l’Union Nationale Interuniversitaire, mouvement universitaire de droite fondé en 1968, est caractéristique. Défini comme « Politique mais apartisan » par son président-fondateur Jacques Rougeot dans son livre l’École du courage, force est de constater que le mouvement s’éloigne de plus en plus de cette ligne depuis la démission de Rougeot en 2010. Un fait notable aura été le départ au lendemain de l’élection présidentielle de 2012 des responsables nationaux ne cautionnant pas la ligne ouvertement pro-UMP et pro-Copé prise par le mouvement. Plus récemment, le dernier épisode en date aura été le lynchage public sur les réseaux sociaux de certains militants faisant campagne pour le candidat frontiste Aymeric Chauprade en Île-de-France. Or, comme pour leurs aînés du Mouvement Initiative et Liberté, le fait que les militants de l’UNI ne votent majoritairement pas UMP est un secret de polichinelle. De même, personne n’ignore que nombre des sous-Fouquier-Tinville qui se sont livrés à cette chasse aux sorcières ne sont pas les derniers à s’afficher en treillis dans les soirées ni à chanter des chants qui pourraient leur valoir une convocation devant la 17e chambre correctionnelle. Il est néanmoins compréhensible que ceux qui ont massivement mal voté sans l’assumer soient tentés de se refaire une virginité partisane à peu de frais sur le dos de ceux dont le courage leur renvoie le reflet de leur propre lâcheté. 

    La dénonciation du manque de discipline militante et les leçons de stratégie partisane administrées à cette occasion par certains responsables relèveraient d’ailleurs du comique en des circonstances moins écœurantes. Que les pitreries de soirée étudiante soient efficaces pour faire des voix aux élections universitaires en vendant du rêve aux étudiants de première année est une chose. Mais personne ne peut croire qu’un mélange d’ébriété chronique et de servilité partisane puissent constituer le début du commencement d’une pensée politique. S’ils souhaitent éviter de se retrouver à la tête d’une armée mexicaine, les Gentils Organisateurs de colonies électorales doivent commencer par renoncer au fétichisme partisan qui leur tient lieu de cache-sexe idéologique. 

    Conclusion : notre heure arrive 

    Comme pointé par le think-tank socialiste Terra Nova, une convergence idéologique se met progressivement en place entre l’UMP et le FN au niveau des sympathisants et des militants, les dénégations des dirigeants étant l’arbre qui cache la forêt. Le précédent créé dimanche dernier ayant permis de faire sauter une digue psychologique, les responsables de l’UMP et de ses mouvements satellites faisant preuve de pusillanimité doivent s’attendre à voir s’amplifier l’hémorragie de militants et d’électeurs actuellement en cours.

    Nouvelles de France

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