
Cela faisait quelque temps que l'on avait perdu la trace de Nicolas Bonnal, conservateur vagabond dont on lisait les chroniques dans Le Libre Journal de la France courtoise de Serge de Beketch. Il nous revient avec Mal a droite, son dernier livre, qu'il faut lire de toute urgence. S'il est vrai que la culture, c est ce qu'il reste quand on a tout oublié, eh bien, Nicolas Bonnal est la culture à lui tout seul un îlot de science dans un océan d'insignifiance.
Le Choc du mois : Il y a des apocalypses dures, d'autres qui sont molles. C'est le propos de votre dernier livre, Mal à droite...
Nicolas Bonnal : Peut-être y a-t-il dans l'histoire un mouvement de balancier permanent que l'on pourrait résumer en termes schopenhaueriens en un va-et-vient de souffrance et d'ennui. La souffrance correspondant aux époques de brutalité, famines et guerres. L’ennui, où nous nous trouvons présentement, aux époques molles. Car l'apocalypse, aujourd'hui, est fatiguée. Elle a la gueule de bois, la gueule de Moi, la gueule du Mal de vivre générationnel. On l'a trop attendue et elle n'est pas venue. Ou plutôt, elle nous est arrivée toute ramollie. Notez que c'était le cas de l'empire romain. Prenez Cléopâtre de Mankiewicz avec Elizabeth Taylor et Richard Burton, c'est déjà l'apocalypse molle. Du pain, des jeux et des « people », avec les amours de Cléopâtre. Rien de nouveau sous le soleil. On disposait alors d'un confort matériel relatif imposé par la force impériale. Le modèle américain s'est imposé grâce à la bombe atomique le modèle romain, grâce aux conquêtes et à la réduction en esclavage des peuples qui avaient résisté. Ensuite, on allait aux thermes, aux bains, aux jeux, voir les chrétiens se faire massacrer et les lions dévorer les petites filles. À cela, notre époque a ajouté la dimension technologique, forme aiguë d'aliénation. Les Romains n'avaient pas d'iPod. Aujourd'hui, c'est l'iPod qui fait l'homme, et non pas l'inverse. Plutôt que de télécharger sur Internet les grands textes latins, on va sur Facebook exhiber ses fesses ou son visage.
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