Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Europe et Union européenne - Page 928

  • Face à la Russie, l'UE est-elle crédible ?

    Nos grands diplomates sont en train de montrer leurs muscles face à la Russie. Tout ceci rappelle l'épopée syrienne qui s'est terminée comme l'on sait par une victoire diplomatique russe et une humiliation des Etats va-t-en guerre.

    La France menace la Russie de sanctions, mais ce matin, Laurent Fabius a précisé que la France n'envisage pas de suspendre ses contrats militaires avec la Russie, et surtout pas la livraison de bâtiments militaires à la Russie. La Russie a passé commande à la France en 2011 de deux bâtiments BPC (bâtiment de projection et de commandement) de type Mistral, et pris une option pour deux autres. Tout cela rapporte de l'argent et des emplois et la France n'a plus vraiment les moyens de cracher dessus.

    L'UE pourrait même se couvrir de ridicule. La nécessaire unanimité européenne face à la Russie risque d'être difficile à trouver, au sommet de Bruxelles, jeudi. Londres tiendrait en effet un double langage sur l'Ukraine. Alors que David Cameron menace officiellement Vladimir Poutine de «conséquences économiques, politiques, diplomatiques et autres» (sic), la fuite d'une note confidentielle permet de douter de sa sincérité. On peut y lire que le Royaume-Uni «ne doit pas pour l'instant soutenir de sanctions commerciales contre la Russie ou lui bloquer la City». Le texte recommande également de «décourager» toute discussion de représailles militaires notamment à l'Otan. 

    Au sein de l'UE, les Allemands sont toujours ceux qui manifestent le plus de réticence lorsqu'il est question de sanctions à l'égard de Moscou. L'Allemagne est le premier exportateur vers la Russie. Et 35% du gaz et 35% du pétrole consommés en Allemagne viennent de Russie.

    Par ailleurs, François Heisbourg estime qu'il faut prendre Poutine au sérieux :

    Poutine est quelqu'un de relativement simple. Quand il parle, comme il vient de le faire, il faut le prendre au sérieux. Il ne faut pas partir du principe qu'il galèje. Quand il dit qu'il est prêt à intervenir en Ukraine ou en Crimée (ce qu'il a fait), je le prends très au sérieux. Poutine est tout sauf un fanfaron. C'est un type structuré et on le voit dans la façon dont il joue ses coups, y compris quand il les annonce."

    Michel Janva

  • Gerhard Schröder tacle les Occidentaux

    Gerhard Schröder s’était déplacé pour parler de l’avenir de l’Union européenne – mais c’est l’avenir de l’Ukraine qui s’est imposé à l’ancien chancelier allemand comme le sujet dominant d’une intervention hier à Paris organisée par l’ambassade d’Allemagne. Le prédécesseur d’Angela Merkel s’est en effet très vite saisi de l’occasion pour sévèrement critiquer la position prise par la France et d’autres puissances occidentales envers la Russie dans la crise ukrainienne.

    Par Leo Klimm

    Selon Gerhard Schröder, isoler la Russie ne fait qu’aggraver les risques d’une escalade militaire.

    « Dans une telle crise, toute mesure qui nous prive de possibilités de discussion est une fausse décision », dit-il en se référant à la menace d’exclure la Russie du cercle des puissances économiques, le G8.

    Tout en préconisant une solution diplomatique pour rétablir l’intégrité territoriale de l’Ukraine, l’ex-chancelier s’en est pris à l’Union européenne et à l’Otan. L’organisation de défense nord-atlantique avait réuni son conseil ce week-end.

    « L’Otan n’a pas de fonction politique. L’Otan n’oeuvre pas pour plus de confiance mais ne fait que créer des craintes. » Quant à l’Union européenne, elle a, selon lui, contribué au déchirement de l’Ukraine en rendant un accord d’association incompatible avec une union douanière entre Kiev et Moscou.

    « L’Ukraine est un pays culturellement divisé et l’Union européenne n’en a pas assez tenu compte », a estimé Gerhard Schröder qui s’exprimait devant des politiques et des chefs d’entreprises français.

    Le social-démocrate, qui a exclu tout rôle de médiateur, entretient des liens amicaux avec le président russe Vladimir Poutine. Il est aussi président du conseil de NordStream, société contrôlée par le géant russe Gazprom, qui alimente l’Allemagne en gaz. Face à la question de savoir si l’Allemagne pourrait se permettre d’être plus ferme vis-à-vis de Moscou malgré sa dépendance énergétique, Gerhard Schröder a répondu :

    « Les boycotts doivent être employés de telle façon qu’on n’en subisse pas soi-même le plus grand préjudice. »

    Pour lui, la solution de la crise passe par un dialogue direct entre les pouvoirs russes et ukrainiens au sein de l’OSCE.

    lesechos.fr

    http://fortune.fdesouche.com/331421-gerhard-schroder-tacle-les-occidentaux#more-331421

  • Olivier Delamarche : « La Chine suit le même chemin que le Japon des années 90 »

  • Rome, la grande faillite

    Le néo-gouvernement de Matteo Renzi vient d’adopter en urgence un décret-loi, « Salva Roma », pour sauver le budget de la capitale italienne au bord de la faillite.
    Il était très énervé, Matteo Renzi, la semaine dernière : son compagnon de route du PD (Partito Democratico, gauche), le maire de Rome Ignazio Marino, menaçait de bloquer les services municipaux de la ville – éclairage et transports publics, voirie – et de présenter sa démission (c’était plutôt une bonne nouvelle) si le gouvernement ne volait pas à son secours.
    Prendre en otages les Romains qui n’en peuvent plus et, au passage, menacer de saboter les canonisations de Jean Paul II et Jean XXIII, pour lesquelles sont attendus des millions de catholiques fin avril : la stratégie d’Ignazio Marino, le Delanoë local, a payé. Le gouvernement de Matteo Renzi, arrivé au pouvoir sans élections mais à coups de promesses d’allégements fiscaux, ...

    Lire la suite

  • Jacques Sapir : Urgence UKRAINE

    (1) Le mouvement de contestation du pouvoir du Président Ianoukovitch, mouvement dont la base était une révolte contre la corruption bien plus qu’une volonté d’adhésion à l’union Européenne, a été débordé par des éléments ultra-nationalistes, dont certains appartiennent à des groupuscules fascisants.

    Ces éléments ont délibérément cherché l’affrontement, en tirant sur les forces de sécurité, faisant prendre des risques inconsidérés aux autres manifestants qui étaient pris en otage. Ces militants portent une large part de responsabilité dans les morts de la place Maidan. Leur nombre oscille entre 10000 et 20000 ; ils étaient minoritaires dans le mouvement de protestation, mais ils sont devenus politiquement dominants au fur et à mesure que la situation se dégradait et que montait la violence des affrontements. Ce sont eux qui ont cherché à prendre d’assaut le Parlement, provoquant la réaction des forces de sécurité, et déclenchant la séquence des événements qui a conduit à la fuite de Ianoukovitch.

    (2) Il faut ici rappeler que le Président et le Parlement ont été régulièrement élus. Mais, ces élections (2010) avaient permis de mesurer combien la politique ukrainienne était marquée par une division entre des populations russes (et russophones) regroupées à l’est du pays et des population ukrainophonnes, dont une partie habite les régions qui, avant 1914, étaient soit dans l’empire Austro-Hongrois soit étaient en Pologne. L’Ukraine est un pays neuf, dont l’existence est fragilisée par ces divisions. Ces dernières ont été renforcées par les évolutions économiques de ces dix dernières années, qui ont vu les relations avec la Russie se développer rapidement. L’Ukraine de l’Est, russophone, vit mieux que l’Ukraine de l’Ouest. Pour cette dernière, l’Union européenne représente un pôle d’attraction important, même s’il est probablement imaginaire compte tenu de la situation économique actuelle de l’UE. [...]

    La suite sur RussEurope

  • Zéro pointé pour l’euro

    Épouvanter les peuples en décrivant la catastrophe que constituerait une sortie de l’euro est malhonnête.
    L’autre soir, face à Marine Le Pen, monsieur Montebourg, qui défend bec et ongles l’euro, a concédé qu’il était surévalué mais sans vouloir admettre sa tare initiale.
    Comme l’écrit Jean Goychman (gaulliste historique et fils d’un Compagnon de la Libération, membre du comité de soutien de Marine Le Pen), l’euro mérite un zéro pointé car c’est une de ces idées fumeuses qui semblent intéressantes sur le papier mais qui, à l’épreuve des faits, s’avèrent être une utopie socialiste de plus. Dans le cas présent c’est évidemment un échec absolument total. Monsieur Goychman explique pourquoi. C’est un peu technique, mais je vais essayer de résumer son article sans trahir sa pensée pour bien faire comprendre l’extrême dangerosité de ce remède pire que le mal.

    Lire la suite...

  • Fratelli d’Italia : « Mêler la tradition avec l’innovation »

    La droite italienne qui est souvent un mystère difficilement compréhensible de notre côté des Alpes connaît moult rebondissements et transformations. Dernier exemple en date Fratelli d’Italia qui vient d’organiser des primaires en attendant un congrès. Se plaçant dans l’héritage d’Alliance nationale. A cette occasion, Novopress a interrogé Carlotta Andrea Buracchi, porte-parole de Fratelli d’Italia pour la région d’Arezzo.

     

    Samedi 22 et dimanche 23 février ont eu lieu des primaires importantes pour Fratelli d’Italia ? Quel était l’objet de ces primaires ? Un nouveau programme, un nouveau symbole, de nouveaux chefs ? Quel est le but du congrès des 8 et 9 mars prochains ?

    Il y a une semaine ont eu lieu les premières consultations primaires de la droite politique italienne, organisées par Fratelli d’Italia – Alliance nationale. Tout les citoyens pouvaient y participer, pas seulement les adhérents, pour choisir non seulement le symbole du mouvement mais également 8 principes importants quant à la ligne du mouvement (en répondant “oui” ou “non” à des questions qui allaient du rapport avec l’UE jusqu’à l’immigration, la réforme présidentielle [à savoir l'évolution vers un régime présidentiel, NDLR], le protectionnisme, la prostitution, l’aide fiscale aux familles nombreuses, etc.) et les “Grandes Électeurs” qui participeront au congrès du parti les 8 et 9 mars à Fiuggi [lieu hautement symbolique, puis que c'est là en 1995 que le MSI se transforma en Alliance nationale, NDLR]. Le but de ce congrès sera surtout d’entériner la présidence de Giorgia Meloni à la tête du mouvement – elle était la seule candidate – et de définir le programme à partir du verdict des primaires.

    Le symbole adopté reprend certes le nom de Fratelli d’Italia, mais également celui d’Alliance nationale et la flamme du MSI. En quoi cet héritage, cette filiation sont importants ?

    L’intention était de mêler la tradition représentée par la flamme du Mouvement social italien (MSI) contenue dans le symbole d’Alliance nationale avec l’innovation à laquelle le présent nous appelle. Se « projeter » dans le futur avec une classe des jeunes dirigeants politiques mais avec un regard vers le passé glorieux de la droite italienne dont nous représentons la continuation naturelle. Et en fait le symbole qui a gagné repropose la même logique proposée à la fin de 1993 par Alliance nationale : le cercle le plus grand représentant le futur, l’innovation qui englobe en bas le cercle qui représente le passé nos “racines”, exactement comme la croissance d’un arbre ; on voulait représenter graphiquement l’évolution de notre histoire, celle de la droite politique italienne. En plus, il faut souligner qu’Alliance nationale est “la maison politique”, le mouvement où la plupart de nos membres et dirigeants a été formée ou bien a commencé à s’occuper de politique. Enfin, comme l’indiquait Giorgio Almirante, l’un des “modèles” de la droite italienne : “Ne pas renier, ne pas restaurer”…

    Votre programme est clairement de droite ( contrôle de l’immigration, sortie de l’euro, élection du président de la République au suffrage universel direct, etc.). Comptez-vous déjà sur les élections européennes de mai 2014 pour le présenter aux Italiens ? Lors de ces élections allez-vous conclure des alliances ? Au niveau national avec la Lega Nord par exemple et au niveau européen avec le Front national de Marine le Pen ?

    Nous irons certainement nous présenter aux élections européennes. Cependant, nous n’aurons pas besoin des alliances car le système électoral celui de la proportionnelle et ça nous permets donc de nous présenter en solo mais il faudra cependant 4% des suffrages exprimés pour espérer avoir des élus.

    Sur la question “PPE [Parti populaire européen, centre-droit au Parlement européen, dont est membre l'UMP mais aussi le Peuple de la liberté, l'alliance de centre-droit italienne qui réunissait Forza Italia de Berlusconi et Alliance nationale, NDLR] ou pas” et donc sur notre rapport avec le Front National, 98 % des suffrages exprimés lors des primaires ont dit “oui” à la participation au PPE. Or, s’agissant de notre modèle d’Europe, les primaires se sont déclarés en faveur d’une éventuelle sortie de la zone euro dans le cas de renégociation des accord européens, ce que nous souhaite pas le PPE, donc...

    Vous opposez-vous au gouvernement Renzi ? Avez-vous des accords avec le nouveau Forza Italia et même le nouveau centre-droit d’Angelino Alfano ?

    Nous avons pas voté la question de confiance au gouvernement Renzi, celui-ci est le troisième gouvernement choisi dans les salles d’un Palais et non issu véritablement du choix des électeurs.

    Désormais en Italie, on pense que tout mal peut être soigné par des exécutifs des techniciens ou des gouvernements nommés, non élus, mais les résultats sont les mêmes: faillite et crise. Nous voulons retourner aux élections le plus tôt possible afin de donner à cette nation un gouvernement réellement politique et réellement démocratique, et non plus un gouvernement qui prive le peuple italien de sa souveraineté nationale. Nous ne voulons plus d’un gouvernement en fait aux ordres des chancelleries européennes et des institutions bancaires, qu’elles soient supranationales ou non.

    Renzi se présente lui-même comme “nouveau” mais pour le moment son gouvernement représente tout ce qu’il y a de mauvais dans notre Ière République : la stratégie des accords entre courants, les combinaisons électorales, les pressions des intérêts particuliers.

    Voilà pourquoi nos 9 parlementaires iront évaluer très précisément chaque proposition de loi présenté par la majorité et chaque décret gouvernemental.
    Quant aux autres partis du centre-droit, il y a très peu à dire : NCD [le mouvement d'Angelino Alfano, NDLR] soutient le gouvernement Renzi (et il est lui nécessaire pour bénéficier d’une majorité), Forza Italia est maintenant dans l’opposition comme nous mais il ne faut pas oublier que Berlusconi était dans la majorité jusqu’en septembre dernier, ce qui allait contre le pacte signé avec nos électeurs lors de notre alliance pour les dernières élections législatives. Nous avons été cohérents, quant à eux…

    Propos recueillis par Arnaud Naudin

    http://fr.novopress.info/158436/fratelli-ditalia-meler-tradition-linnovation/#more-158436

  • Ukraine: mise au point de Sergeï Lavrov

    Déclaration du ministre russe des Affaires étrangères :

    "Je réitère que nous parlons ici de la protection de citoyens et de compatriotes, de la protection du plus fondamental des droits de l'homme - le droit de vivre, et rien de plus".

    "Ceux qui essaient d'interprêter la situation comme un acte d'agression, nous menacent de sanctions et de boycott, sont les mêmes partenaires qui ont constamment et vigoureusement encouragé les pouvoirs politiques qui leur sont proches, à lancer des ultimatums et à renoncer au dialogue, à ignorer les préoccupations du Sud et de l'Est de l'Ukraine, et en conséquence à polariser la société Ukrainienne."

    Lavrov a précisé que la Russie n'utiliserait pas ses forces militaires pour obtenir des gains géopolitiques sous prétexte de protéger les droits de l'homme. Toute allusion à certaines politiques, des champions auto proclamés de la démocratie universelle, et à un certain nombre de campagnes en conséquence (Bosnie, Kosovo, Irak, Libye, Syrie, au suivant, tiens justement, parlons de l'Ukraine, ...) serait  purement fortuite.

    "Les droits de l'homme sont trop importants pour en faire un outil de marchandage dans les affrontements géopolitiques, pour imposer sa propre volonté aux autres; encore moins pour instiller un changement de régime."

    "Une intervention en force sous le prétexte de protéger les civils entraine le contraire, multiplie les souffrances des citoyens pacifiques, et les prive du droit humain fondamental: le droit à la vie."

    D'autres éléments ici, en anglais.

    Par ailleurs, cet article peut aider à comprendre comment la Russie perçoit son environnement, et notamment ses "partenaires" occidentaux.

    Paula Corbulon

  • Ukraine : un scénario à la yougoslave?

    On surveillait les djihadistes caucasiens, or c’est par les bobos ukrainiens que le coup est venu. Occident-Russie: 1-1.
    L’écrivain serbo-croate Slobodan Despot relève de nombreuses similitudes entre la crise ukrainienne et le conflit qui a déchiré la Yougoslavie. Il dénonce le jeu trouble de l’Occident qui place ses pions à l’Est sans souci des réalités locales.
    Loin d’instaurer la trêve qui a motivé jadis leur création, les Jeux olympiques sont des périodes à haut risque pour Vladimir Poutine. Il dut abandonner dare-dare l’ouverture des JO de Pékin en août 2008 pour diriger personnellement la contre-offensive en Ossétie du Sud, attaquée subitement par la Géorgie avec le soutien de l’OTAN. A Sotchi, où il était l’hôte, il n’eut pas le loisir d’enfiler son treillis. Les Russes sont orgueilleux jusqu’à l’enflure de leur grandeur sportive, et donc vulnérables lorsqu’ils ont l’occasion de la manifester. Résultat: l’effondrement de leur misérable allié Ianoukovitch a éclipsé la magnifique cérémonie de clôture. On surveillait les djihadistes caucasiens, or c’est par les bobos ukrainiens que le coup est venu. Occident-Russie: 1-1.
    Seuls des journalistes-anesthésistes payés pour ne surtout pas réfléchir auront omis de relever ces drôleries du calendrier. Les mêmes continueront de prétendre sans ciller que le renversement de régime à Kiev ne fut rien d’autre qu’une révolte populaire spontanée que l’UE et les Etats-Unis auront suivie avec une légitime compassion, mais nullement suscitée et encore moins dirigée. Il s’agit là d’un axiome idéologique qu’aucun fait ne peut ébranler, pas même l’enregistrement des conversations entre l’ambassadeur américain en Ukraine et la secrétaire d’Etat adjointe Victoria Nuland – Madame « Fuck-the-EU! » –, d’où l’on peut conclure que nos libérateurs de 1945 considèrent l’ensemble du Vieux Continent comme un vulgaire échiquier dont ils manipulent à la fois les pions et les règles du jeu. Quel Etat européen, déjà, a rappelé ses diplomates suite à cette insulte ? Aucun ? C’est que la poltronnerie va de pair avec le déni de réalité et que les dirigeants européens eux-mêmes sont prêts à « baiser l’Europe » si leurs patrons américains leur suggèrent de le faire.
    Dans une autre vie, j’eusse pris cette comédie cum grano salis en observant le ratorium universel prophétisé par Alexandre Zinoviev, le premier à avoir compris que le totalitarisme n’était pas un accident de notre civilisation mais sa finalité. Mais dans la vie qui est présentement la mienne, j’ai vu la même comédie, la même bêtise, la même sentimentale partialité incendier le grand pays où je suis né, la Yougoslavie, et l’émietter en une poussière de baronnies ethno-ridicules rappelant l’Allemagne du temps des frères Grimm ou l’Italie du Décaméron.
    Le « fuck » de Mme Nuland, cela ne vous rappelle rien ? Moi si. Suite aux accords péniblement mis sur pied par les Européens et leur ambassadeur Cutilheiro à Lisbonne au printemps 1992 en vue d’une partition pacifique de la Bosnie, il aura suffi d’un coup de fil et d’une promesse gratuite de l’ambassadeur US à Belgrade à Alija Izetbegović, le président fondamentaliste de la partie musulmane, pour lui faire retirer sa signature encore humide et déclencher du même coup la guerre civile. « Fuck Europe, Alija! Nous, on te donne toute la Bosnie ». C’est revendiqué tel quel, ou presque, dans les Mémoires du susnommé, Warren Zimmermann. Des Mémoires qu’aucun journalo-moraliste européen n’a lus ni cités, bien entendu.
    La révolution « spontanée » de Maïdan ? Encadrée et formée par les spécialistes serbes d’Otpor, qui destituèrent élégamment (avec mon approbation naïve) le président Milošević en 2000 – celui-là même dont Jacques Chirac avait loué la responsabilité et l’esprit de coopération (gare au baiser de Judas !). Des spécialistes eux-mêmes formés par la National Endowment for Democracy et ses théoriciens anglo-saxons de la manipulation aux yeux desquels la révolution non-violente n’est qu’un des moyens – et des moins coûteux – de prise du pouvoir chez autrui. Autrui, c’est bien entendu tout régime moralement compromis sur la scène internationale qui hésitera du coup dans son recours à la force. Car on s’imagine bien ce qu’une démocratie occidentale sûre d’elle eût fait d’une révolte armée dans sa capitale ! Il n’est qu’à voir comment le régime de Paris a traité la Manif pour tous, non violente et bien plus massive que l’insurrection de Kiev où le néonazi s’illustra.
    Les yougo-analogies sont frappantes. Comme en Croatie, au Kosovo et en Bosnie, les héritiers des perdants des deux guerres mondiales sont en train de déboulonner les monuments dressés par les vainqueurs. La résistance au nazisme est déjà assimilée en Ukraine occidentale à l’impérialisme grand-russe. Il est bien évident que les zones russophones du sud-est ukrainien n’accepteront pas le nouveau pouvoir de Kiev. Ils vont donc rompre avec le nouveau pouvoir central comme le firent jadis les Serbes de Krajina rejetant la sécession croate appuyée par l’Allemagne. Avec la prévisible hypocrisie qui les caractérise, les atlantistes dénonceront comme illégale cette sécession, oubliant bien vite qu’eux les premiers ont bafoué le processus démocratique ukrainien et sanctionné le pouvoir de la rue. Comme lors de l’éclatement yougoslave en 1991. Comme lors du renversement de Milošević en 2000.
    Mais la « pédagogie de la mémoire », où la Russie soviétique excella un certain temps, est un art déjà ancien sous nos latitudes. Si les papes putschistes de Rome ont pu évincer de l’histoire ceux, légitimes, d’Avignon, Washington et Bruxelles n’auront aucune peine à convaincre leur opinion que le douteux pouvoir de Kiev est l’avant-poste de la démocratie aux portes des steppes eurasiennes. N’оnt-ils pas réussi à faire passer le général révisionniste croate Tudjman, dont les écrits eussent été interdits en France, pour un phare de civilisation face aux hordes serbes ? L’impudent BHL n’est-il pas allé à Sarajevo glorifier son ami Izetbegović, islamiste vénéré et auteur de la belliqueuse Déclaration islamique ?
    Et c’est ici que mon amusement face au « grand jeu » géopolitique dérobé par un voile humanitaire aux yeux des badauds cède la place à la mélancolie. Je songe aux déconvenues et à l’amertume qui attendent ces Ukrainiens qui dansent aujourd’hui aux portes de l’Europe comme les Belgradois de l’an 2000. La Serbie, depuis sa « révolution colorée », n’a pas vu ses conditions d’existence s’améliorer. En revanche, elle a vu défiler une invraisemblable galerie de potentats, chacun plus obséquieux envers l’Ouest que le précédent, chacun plus incompétent et chacun plus inepte. C’est que les Occidentaux ont pour système de soutenir et de porter aux nues à l’Est des gens qu’ils s’empresseraient de jeter en prison chez eux. Mais, comme Churchill le disait à MacLean lorsque celui-ci s’étonnait de l’abandon de la Yougoslavie aux communistes après la conférence de Téhéran: « Ni vous ni moi n’irons vivre là-bas. Alors ?»
    Slobodan Despot, Le Figaro, 25/02/2014
    Slobodan Despot est écrivain et éditeur. Son dernier roman, Le Miel a été publié chez Gallimard en janvier 2014.
    http://www.polemia.com/ukraine-un-scenario-a-la-yougoslave/