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géopolitique - Page 918

  • Jean Thiriart : prophète et militant

    "J'écris pour une espèce d'hommes qui n'existe pas encore, pour les Seigneurs de la Terre..."
    (F. Nietzsche, La Volonté de puissance).
    La disparition soudaine de Jean Thiriart a été pour nous comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, pour nous, militants européens qui, au cours de plusieurs décennies successives, ont appris à apprécier ce penseur de l'action, surtout depuis son retour à la politique active, après bon nombre d'années d'"exil intérieur" où il a médité et reformulé ses positions antérieures.
    A plus forte raison, sa mort nous a surpris, nous, ses amis italiens qui l'avions connu personnellement lors de son voyage à Moscou en août 1992, où nous formions de concert une délégation ouest-européenne auprès des personnalités les plus représentatives du Front du Salut National. Ce front, grâce aux travaux de l'infatigable Alexandre Douguine, animateur mystique et géopolitique de la revue Dyenn (Le Jour), a appris à connaître et à estimer bon nombre d'aspects de la pensée de Thiriart et les a diffusés dans les pays de l'ex-URSS et en Europe orientale.
    Personnellement, j'ai l'intention, dans les lignes qui suivent, d'honorer la mémoire de Jean Thiriart en soulignant l'importance que sa pensée a eue et a toujours dans notre pays, l'Italie, dès les années 60 et 70 et dans le domaine de la géopolitique. En Italie, sa réputation repose essentiellement sur son livre, le seul qui ait véritablement donné une cohérence organique à sa pensée dans le domaine de la politique internationale: Un Empire de 400 millions d'hommes, l'Europe, édité par Giovanni Volpe en 1965, il y a près de trente ans.
    Trois années seulement venaient de se passer depuis la fin de l'expérience française en Algérie. Cet événement dramatique fut la dernière grande mobilisation politique de la droite nationaliste, non seulement en terre de France, mais dans d'autres pays d'Europe, y compris en Italie. Les raisons profondes de la tragédie algérienne n'ont pas été comprises par les militants anti-gaullistes qui luttaient pour l'Algérie française. Ils n'ont pas compris quels étaient les enjeux géopolitiques de l'affaire et que les puissances victorieuses de la seconde guerre mondiale entendaient redistribuer les cartes à leur avantage, surtout les Etats-Unis.
    Combien de ces militants de l'Algérie française ont-ils compris, à cette époque-là, quel était l'ENNEMI PRINCIPAL de la France et de l'Europe? Combien de ces hommes ont-ils compris intuitivement que, sur le plan historique, la perte de l'Algérie, précédée de la perte de l'Indochine, tout comme l'effondrement de tout le système vétéro-colonial européen, étaient des conséquences directes de la défaite militaire européenne de 1945 ? Ce fut en effet non seulement une défaite de l'Allemagne et de l'Italie, mais aussi de l'EUROPE ENTIERE, Grande-Bretagne et France comprises. Pas une seule colonie de l'ancien système colonial qui ne soit devenue à son tour sujette d'une forme nouvelle, plus moderne et plus subtile, d'impérialisme néo-colonialiste.
    En méditant les événements de Suez (1956) et d'Algérie, les "nationaux-révolutionnaires", comme ils s'appelaient eux-mêmes, finirent par formuler diverses considérations et analyses sur les conséquences de ces deux affaires tragiques, considérations et analyses qui les différenciaient toujours davantage des "droites classiques" de notre après-guerre, animées par un anti-communisme viscéral et par le slogan de la défense de l'Occident, blanc et chrétien, contre l'assaut conjugué du communisme soviétique et des mouvements de libération nationaux des peuples de couleur du tiers monde. En un certain sens, le choc culturel et politique de l'Algérie peut être comparée à ce que fut, pour la gauche, l'ensemble des événements d'Indochine, avant et après 1975.
    La vieille vision de la politique internationale était parfaitement intégrée à la stratégie mondiale, économique et géopolitique de la thalassocratie américaine qui, avec la guerre froide, avait réussi à recycler les diverses droites européennes, les fascistes comme les post-fascistes (ou du moins prétendues telles), en fonction de son projet géostratégique de domination mondiale. Le tout pour en arriver aujourd'hui au "Nouvel Ordre Mondial", déjà partiellement avorté et qui semble être la caricature inversée et satanique de l'"Ordre Nouveau" eurocentré de mouture hitlérienne.
    La Nouvelle Droite française, pour ne donner qu'un exemple, a commencé son cheminement au moment des événements d'Algérie pour entamer une longue marche de révision politique et idéologique, qui a abouti au voyage récent d'Alain de Benoist à Moscou, étape obligatoire pour tous les opposants révolutionnaires d'Europe au système mondialiste. La démarche a donc été faite par de Benoist, en dépit de ses rechutes et de ses reniements ultérieurs, appuyés par quelques-uns de ses plus minables affidés, lesquels n'ont évidemment pas encore compris pleinement la portée réelle de ces rencontres entre Européens de l'Ouest et Russes au niveau planétaire et préfèrent se perdre dans de stériles querelles de basse- cour, qui n'ont d'autres motivations que personnelles, relèvent de petites haines et de petits hargnes idiosyncratiques. Dans ce domaine comme tant d'autres, Thiriart avait déjà donné l'exemple, en opposant aux différences naturelles existant entre les hommes et les écoles de pensée l'intérêt suprême de la lutte contre l'impérialisme américain et le sionisme.
    Pour revenir à l'Italie, nous devons nous rappeler la situation qui régnait en cette lointaine année 1965, quand a paru l'oeuvre de Thiriart: les forces national-révolutionnaires, encore intégrées au Mouvement Social Italien (MSI), étaient alors victimes d'un PROVINCIALISME vétéro-fasciste, provincialisme cyniquement utilisé par les hiérarques politiques du MSI, complètement asservis à la stratégie des Etats-Unis et de l'OTAN (une ligne politique qui sera par la suite suivie avec fidélité, même au cours de la brève parenthèse de la gestion "rautiste", soi-disant inspirée des thèses national-révolutionnaires de Pino Rauti, gestion qui a appuyé l'intervention des troupes italiennes en Irak, aux côtés de l'US Army).
    Les chefs de cette droite collaborationniste utilisaient les groupes révolutionnaires de la base, composés essentiellement de très jeunes gens, pour créer des assises militantes destinées, en ultime instance, à ramasser les voix nécessaires à envoyer au parlement des députés "entristes", devant servir d'appui aux gouvernements réactionnaires de centre-droit. Et tout cela, bien sûr, non dans l'intérêt de l'Italie ou de l'Europe, mais seulement dans celui de la puissance occupante, les Etats-Unis. Et une fois de plus, nous avons affaire à un petit nationalisme centralisateur et chauvin, utilisé au profit d'intérêts étrangers et cosmopolites!
    C'était aussi le temps où l'extrême-droite était encore capable de mobiliser sur les places d'Italie des milliers de jeunes qui réclamaient que Trente et Trieste soient et restent italiennes, ou pour commémorer chaque année les événements de Hongrie de 1956! Mai 68 était encore loin, semblait s'annoncer à des années-lumière de distance! La droite italienne, dans ses prospections, ne voyait pas que cette "révolution" s'annonçait. Dans un tel contexte humain et politique, vétéro-nationaliste, provincial et, en pratique, philo-américain (qui débouchera ensuite dans la farce pseudo-golpiste de 1970, qui aura pour conséquence, au cours de toute la décennie, les tristement célèbres "années de plomb", avec leur cortège de crimes d'Etat), l'oeuvre de Jean Thiriart fit pour un grand nombre de nationalistes l'effet d'une bombe; un choc électrique salutaire qui mit l'extrémisme nationaliste botté face à des problématiques qui, certes, n'étaient pas neuves, mais avaient été oubliées ou étaient tombées en désuétude. Aujourd'hui, nous ne pouvons donc pas ne pas tenir compte des effets politiques pratiques qui découlèrent de la pensée de Thiriart, même si ces effets, dans un premier temps, ont été fort modestes. Disons qu'à partir de la publication du livre de Thiriart, la thématique européenne est devenue petit à petit le patrimoine idéal de toute une sphère qui, dans les années suivantes, développera les thématiques anti-mondialistes actuelles.
    Sans exagération, nous pouvons affirmer que c'est vers cette époque que se sont développés les thèmes de l'Europe-Nation, d'une lutte anti-impérialiste qui ne soit pas de "gauche", de l'alliance géostratégique avec les révolutionnaires du tiers monde. L'adoption de ce thème est d'autant plus étonnante et significative quand on sait que l'aventure de Jeune Europe a commencé par une lutte contre le FLN algérien. Thiriart avait, sur ce plan, changé complètement de camp, sans pour autant changer substantiellement de vision du monde, lui qui, quelques décennies auparavant, avait quitté les rangs de l'extrême-gauche belge pour adhérer à la collaboration avec le III° Reich germanique, sans pour autant perdre de vue le facteur URSS. Ces acrobaties politico-idéologiques lui ont valu les accusations d'"agent double", toujours aux ordres de Moscou!
    En Italie, la section italienne de Jeune Europe (Giovane Europa) est rapidement mise sur pied. Malgré l'origine politique de la plupart des militants, Giovane Europa n'avait aucune filiation directe avec Giovane Italia, l'organisation étudiante du MSI (copiée à son tour de la Giovine Italia de Mazzini au 19° siècle); au contraire, Giovane Europa en était pratiquement l'antithèse, l'alternative contraire. Si bien qu'une fois l'expérience militante de "Giovane Europa" terminée, la plupart de ses militants se sont retrouvés dans le Movimento Politico Ordine Nuovo (MPON), opposé à la ligne politique prônant l'insertion parlementaire, comme le voulaient les partisans de Pino Rauti, retournés dans les rangs du MSI d'Almirante.
    Si l'on tient compte du rôle UNIQUE qu'a joué la pensée de Julius Evola sur les plans culturel et idéologique en Italie, on ne doit pas oublier non plus que Jean Thiriart a impulsé, pour sa part, une tentative unique de rénovation des forces nationales dans ces années-là et dans les années qui allaient venir. Même un Giorgio Freda a reconnu lui-même ses dettes, sur le plan des idées, envers le penseur et le militant belge.
    Autre aspect particulier et très important du livre Un Empire de 400 millions d'hommes, l'Europe, c'est d'avoir anticipé, de plusieurs décennies, une thématique fondamentale, revenue récemment dans le débat, notamment en Russie, grâce aux initiatives d'Alexandre Douguine et de la revue Dyenn, et en Italie, grâce aux revues ORION et AURORA: la GEOPOLITIQUE.
    La première phrase du livre de Thiriart, dans la version italienne, est dédiée justement à cette science essentielle qui a pour objets les peuples et leurs gouvernements, science qui avait dû subir, dans notre après-guerre, un très long ostracisme, sous prétexte d'avoir été l'instrument de l'expansion nazie! Accusation pour le moins incongrue quand on sait qu'à Yalta les vainqueurs se sont partagés les dépouilles de l'Europe et du reste du monde sur base de considérations proprement géopolitiques et géostratégiques. Thiriart en était parfaitement conscient, en écrivant son premier chapitre, significativement intitulé "De Brest à Bucarest. Effaçons Yalta": "Dans le contexte de la géo-politique et d'une civilisation commune, ainsi qu'il sera démontré plus loin, l'Europe unitaire et communautaire s'étend de Brest à Bucarest". En écrivant cette phrase, Thiriart posait des limites géographiques et idéales à son Europe, mais bientôt, ils dépassera ces limites, pour arriver à une conception unitaire du grand espace géopolitique qu'est l'EURASIE.
    Une fois de plus, Thiriart a démontré qu'il était un anticipateur lucide de thèmes politiques qui ne mûrissent que très lentement chez ses lecteurs, du moins certains d'entre eux...
    Mais il n'y a pas que cela!
    Conjointement au grand idéal de l'Europe-Nation et à la redécouverte de la géopolitique, le lecteur est obligé de jeter un regard neuf sur les grands espaces de la planète. Ce fut un autre mérite de Thiriart d'avoir dépasser le traumatisme européen de l'ère de la décolonisation et d'avoir recherché, pour le nationalisme européen, une alliance stratégique mondiale avec les gouvernements du tiers monde, non asservis aux impérialismes, en particulier dans la zone arabe et islamique, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Il est vrai que ceux qui découvrent la géopolitique, ne peuvent plus faire autrement que de voir les événements du monde sous une lumière nouvelle, prospective.
    Et c'est dans un tel contexte, par exemple, qu'il faut comprendre les nombreux voyages de Thiriart en Egypte, en Roumanie, etc., de même que ses rencontres avec Chou en Lai et Ceaucescu ou avec les leaders palestiniens. Partout où il était possible de le faire, Thiriart cherchait à tisser un réseau d'informations et d'alliances planétaires dans une perspective anti-impérialiste. Par ailleurs, notons tout de même que la révolution cubaine, avec son originalité, exerçait de son côté sa propre influence.
    Avec son style synthétique, presque télégraphique, Thiriart lui-même avait tracé dans ses textes les lignes essentielles de la politique extérieure de la future Europe unie: "Les lignes directives de l'Europe unitaire: avec l'Afrique: symbiose avec l'Amérique latine: alliance avec le monde arabe: amitié avec les Etats-Unis: rapports basés sur l'égalité".
    Mise à part l'utopie qu'était son espoir en des rapports égaux avec les Etats-Unis, on notera que sa vision géopolitique était parfaitement claire: il voulait de grands blocs continentaux et était très éloigné de toute vision étriquée d'une petite Europe "occidentale et atlantique" qui, comme celle d'aujourd'hui, n'est plus que l'appendice oriental de la thalassocratie yankee, ayant pour barycentre l'Océan Atlantique, réduit à la fonction de "lac intérieur" des Etats-Unis.
    Bien sûr, aujourd'hui, après l'aventure politique de Thiriart, certaines de ces options géopolitiques, dans le milieu "national", pourraient sembler évidentes, voire banales, pour les uns, simplistes et intégrables pour d'autres. Mais mis à part le fait que tout cela n'est guère clair pour l'ensemble des "nationaux" (il suffit de penser à certaines résurgences racistes/biologistes et anti-islamiques d'un pseudo-néo-nazisme, utilisées et instrumentalisées par la propagande américaine et sioniste dans un but anti-européen), nous ne nous lasserons pas de répéter qu'il y a trente ans, cette option purement géopolitique de Thiriart, vierge de toutes connotations racistes, était très originale et courageuse, dans un monde bipolaire, opposant en apparence deux blocs idéologiques et militaires antagonistes, dans une perspective de conflictualité "horizontale" entre Est et Ouest et sous la menace de l'anéantissement nucléaire réciproque, surtout pour les "alliés" des deux puissances majeures en Europe.
    Nous pouvons affirmer aujourd'hui que si bon nombre d'entre nous, en Italie, en sont arrivés progressivement à dépasser cette fausse vision dichotomique de la conflictualité planétaire, et cela bien avant l'effondrement de l'URSS et du bloc soviétique, c'est dû en bonne partie à la fascination qu'ont exercée les thèses que propageait Thiriart à l'époque, à ses intuitions géniales.
    Effectivement, on peut parler de "génialité", en politique comme dans tous les autres domaines du savoir humain, quand on PRE-VOIT et que l'on EX-POSE (du latin exponere, poser en dehors, mettre en exergue ou en évidence) des faits ou des événements qui sont encore occultés, méconnus, peu clairs pour les autres et qui ne se dégagent de leur phase occulte que graduellement pour n'advenir au monde en pleine lumière que dans un futur plus ou moins lointain.
    Sur ce chapitre, nous voulons simplement rappeler les assertions de Thiriart relatives à la dimension géopolitique du futur Etat européen, consignées dans le chapitre (10, 1) intitulé "Les dimensions de l'Etat européen. L'Europe de Brest à Vladivostock" (pp. 28 à 31 de l'éd. franç.): "L'Europe jouit d'une grande maturité historique, elle connaît désormais la vanité des croisades et des guerres de conquêtes vers l'Est. Après Charles XII, Bonaparte et Hitler, nous avons pu mesurer les risques de pareilles entreprises et leur prix. Si l'URSS veut conserver la Sibérie, elle doit faire la paix avec l'Europe ‹ avec l'Europe de Brest à Bucarest, je le répète. L'URSS n'a pas et aura de moins en moins la force de conserver à la fois Varsovie et Budapest d'une part, Tchita et Khabarovsk d'autre part. Elle devra choisir ou risquer de tout perdre" (les caractères italiques sont dans le texte).
    Plus loin: "Notre politique diffère de celle du général De Gaulle parce qu'il a commis ou commet trois erreurs: - faire passer la frontière de l'Europe à Marseille et non à Alger; - faire passer la frontière du bloc URSS/Europe sur l'Oural et non en Sibérie; - enfin, vouloir traiter avec Moscou avant la libération de Bucarest" (p. 31).
    A la lecture de ces deux brefs extraits, on ne peut plus dire que Jean Thiriart manquait de perspicacité et de prévoyance! Or ces phrases ont été écrites, répétons-le, à une époque où les militants sincèrement européistes, même les plus audacieux, parvenaient tout juste à concevoir une unité européenne de Brest à Bucarest, c'est-à-dire une Europe limitée à la plate- forme péninsulaire occidentale de l'Eurasie; pour Thiriart, elle ne représentait déjà plus qu'une étape, un tremplin de lancement, pour un projet plus vaste, celui de l'unité impériale continentale. Qu'on ne nous parle plus, dès lors, des droites nationalistes, y compris celles d'aujourd'hui, qui ne font que répéter à l'infini leur provincialisme, sous l'oeil bienveillant de leur patron américain.
    Il y a trente ans déjà, Thiriart allait plus loin: il dénonçait toute l'absurdité géopolitique du projet gaulliste (De Gaulle étant un autre responsable direct de la défaite de l'Europe, au nom du chauvinisme vétéro-nationaliste de l'Hexagone) d'une Europe s'étendant de l'Atlantique à l'Oural, faisant sienne, du même coup, cette vision continentale absurde, propre aux petits professeurs de géographie, qui trace sur le papier des cartes une frontière imaginaire à hauteur des Monts Ourals, qui n'ont jamais arrêté personne, ni les Huns ni les Mongols ni les Russes.
    L'Europe se défend sur les fleuves Amour et Oussouri; l'Eurasie, c'est-à-dire l'Europe plus la Russie, a un destin clairement dessiné par l'histoire et la géopolitique en Orient, en Sibérie, dans le Far East de la culture européenne, et ce destin l'oppose au West de la civilisation américaine du Bible and Business. Quant à l'histoire des rencontres et des confrontations entre les peuples, ce n'est rien d'autre que de la GEOPOLITIQUE EN ACTE, tout comme la géopolitique n'est rien d'autre que le destin historique des peuples, des nations, des ethnies et des empires, voire des religions, en PUISSANCE. En passant, nous devons ajouter que la conception de Jean Thiriart, pour autant qu'elle ait été encore liée aux modèles "nationalistes" influencés par la France révolutionnaire, était finalement plus "impériale" qu'impérialiste. Il a toujours refusé, jusqu'à la fin, l'hégémonie définitive d'un peuple sur tous les autres.
    L'Eurasie de demain ne sera pas plus russe qu'elle ne sera mongole, turque, française ou germanique: car quand tous ces peuples ont voulu exercer seuls leur hégémonie, ils ont échoué. Echecs qui devraient nous avoir servi d'enseignement.
    Qui pouvait, il y a trente ans, prévoir avec autant de précision la faiblesse intrinsèque de ce colosse militaro-industriel qu'était l'URSS, qui semblait à l'époque lancée à la conquête de toujours plus de nouveaux espaces, sur tous les continents, en âpre compétition avec les Etats-Unis qu'elle allait bientôt dépasser ?
    Avec le temps, finalement, tout cela s'est révélé un gigantesque bluff, un mirage historique probablement fabriqué de toutes pièces par les forces mondialistes de l'Occident pour maintenir les peuples dans la servitude, avec, à la clef, un chantage constant à la terreur. Tout cela pour manipuler les peuples et les nations de la Terre au bénéfice de l'intérêt stratégique suprême, unique, posé comme seul "vrai": celui de la superpuissance planétaire que sont les Etats-Unis, base territoriale armée du projet mondialiste. En fin de compte, pour parler le langage de la géopolitique, c'est la "politique de l'anaconda" qui a prévalu, comme la définissait hier, avec les mêmes mots, le géopoliticien allemand Haushofer, et la définissent aujourd'hui les géopoliticiens russes, à la tête desquels officie le Colonel Morozov; les Américains et les mondialistes cherchent toujours à éloigner le pivot territorial de l'Eurasie de ses débouchés potentiels sur les mers chaudes, avant de grignoter petit à petit le territoire de la "tellurocratie" soviétique. Le point de départ de cette stratégie de grignotement: l'Afghanistan.
    Jean Thiriart avait déjà mis en lumière, dans son livre de 1965, les raisons brutes et crues qui animaient la politique internationale. Ce n'est pas un hasard, d'ailleurs, que l'un de ses modèles était Machiavel, auteur du Prince.
    Certes, nous diront les pessimistes, si le Thiriart analyste de la politique a su anticiper et prévoir, le Thiriart militant, organisateur et chef politique du premier modèle d'organisation transnationale européiste, a failli. Soit parce que la situation internationale d'alors n'était pas encore suffisamment mûre (ou pourrie), comme nous le constatons aujourd'hui, soit parce qu'il n'y a pas eu de "sanctuaire" de départ, comme Thiriart l'avait jugé indispensable. En effet, il a manqué à Jeune Europe un territoire libre, un Etat complètement étranger aux conditionnements imposés par les superpuissances, qui aurait pu servir de base, de refuge, de source d'approvisionnement pour les militants européens du futur. Un peu comme le fut le Piémont pour l'Italie.
    Toutes les rencontres de Thiriart au niveau international visaient cet objectif. Toutes ont échoué. Réaliste, Thiriart a renoncé à l'engagement politique, au lieu de reprendre son discours et d'attendre que l'occasion se représente, et même une meilleure occasion, celle d'avoir un grand pays auquel il aurait pu proposer sa stratégie: la Russie. Le destin de ce citoyen belge de naissance mais Européen de vocation a été étrange: il a toujours été "hors du temps", surpris par les événements. Il les a toujours prévus mais a toujours été dépassé par eux.
    Sa conception de la géopolitique eurasienne, sa vision qui désigne GLOBALEMENT les Etats-Unis comme l'ennemi OBJECTIF absolu, pourraient être perçues comme les indices d'un "visionarisme" illuminé, freiné seulement par un esprit rationnel cartésien, et rationalisé en ultime instance.
    Son matérialisme historique et biologique, son nationalisme européen centralisateur et totalisant, sa fermeture à l'endroit de thématiques écologiques et animalistes, ses positions personnelles face aux spécificités ethno-culturelles, son hostilité de principe à tout pathos religieux, son ignorance de toute dimension métapolitique, son admiration pour le jacobinisme de la Révolution française, pierre d'achoppement pour bon nombre d'anti-mondialistes francophones: tout cela constituait des limites à sa pensée et des résidus de conceptions vétéro-matérialistes, progressistes et darwiniennes, de plus en plus éloignées des choix culturels, religieux et politiques contemporains, chez les hommes et les peuples engagés, dans toute l'Eurasie et dans le monde entier, dans la lutte contre le mondialisme. Les idées "rationalistes", que Thiriart faisait siennes, au contraire, ont été l'humus culturel et politique sur lequel le mondialisme a germé au cours des siècles passés. Ces aspects de la pensée de Thiriart ont révélé leurs limites, pendant les derniers mois de son existence, notamment lors des colloques et conversations de Moscou en août 1992. Son développement intellectuel semblait s'être définitivement arrêté à l'époque de l'historicisme linéaire et progressiste, avec sa mythologie d'un "avenir radieux pour l'humanité".
    Une telle vision rationaliste ne lui permettait pas de comprendre des phénomènes aussi importants que le réveil islamique ou le nouveau "mysticisme" eurasiste russe, ainsi que leur projections politiques d'une teneur hautement révolutionnaire et anti-mondialiste. Et ne parlons même pas de l'impact des visions traditionalistes d'un Evola ou d'un Guénon. Thiriart véhiculait donc cet handicap "culturel", ce qui ne nous a pas empêché de nous retrouver à Moscou en août 1992, où nous avons cueilli au vol ses innombrables intuitions politiques.
    Quelques-unes de ces intuitions ont fait qu'il s'est retrouvé aux côtés de jeunes militants européens pour aller rencontrer les protagonistes de l'avant-garde "eurasiste" du Front du Salut National russe, rassemblés autour de la revue Dyenn et du mouvement du même nom. Nous avons découvert, ainsi, dans la capitale de l'ex-empire soviétique qu'il avait été parfaitement reconnu comme un penseur d'avant-garde par les Russes. Les enseignements géopolitiques de Thiriart ont germé en Russie, c'est indubitable, alors qu'en Occident ils ont toujours été méconnus voire méprisés. Thiriart a eu un impact lointain, dans les immensités glacées de la Russie-Sibérie, dans le coeur du Vieux Monde, près du pivot central de la tellurocratie eurasiatique.
    Est-ce une ironie de l'histoire des doctrines politiques, qui surgit au moment de leur actualisation pratique ou est-ce la ennième confirmation de cet adage antique, "nul n'est prophète en son pays"? Le long "exil intérieur" de Thiriart semblait donc terminé, il s'était retiré de la politique active pour toujours et avait surmonté ce retrait qui, au départ, avait été une grosse déception. Il nous inondait de documents écrits, de comptes rendus d'interventions orales. Le flot ne semblait jamais devoir s'arrêter! Comme s'il cherchait à rattraper le temps qu'il avait perdu dans un silence dédaigneux.
    Mu par un enthousiasme juvénile, parfois excessif et agaçant, Thiriart se remettait à donner des leçons d'histoire et de géopolitique, de sciences exactes et de politologie, de droit et toutes autres disciplines imaginables, aux généraux et aux journalistes, aux parlementaires et aux écrivains, aux politiciens de l'ex-URSS et aux militants islamiques de la CEI, et aussi, bien sûr, à nous, les Italiens présents qui avions, en même temps que lui, connu des changements d'opinion, en apparence inattendus. Et tout cela s'est passé dans la Russie d'aujourd'hui, où tout est désormais possible et rien n'est certain (et qui pourra être, qui sait, la Russie d'hier, quand cet article paraîtra); nous avons en effet affaire à une Russie suspendue entre un passé glorieux et un futur ténébreux, mais grosse de potentialités inimaginables. C'est là-bas que Jean Thiriart a retrouvé une nouvelle jeunesse.
    Dans une ville de Moscou qui survit au jour le jour entre l'apathie et la fébrilité, semblant attendre "quelque chose" dont on ne connaît encore ni le nom ni le visage; une ville où tout se passe, où tout peut se passer comme dans une dimension spéciale, entre ciel et terre. De la terre russe tout et le contraire de tout peut jaillir: le salut et l'extrême perdition, la renaissance ou la fin, une nouvelle puissance ou la désintégration totale d'un peuple qui fut impérial et est devenue, aujourd'hui, une plèbe misérable. Enfin, c'est là, et là seulement, que se joue le destin de tous les peuples européens et, en définitive, de la planète Terre. L'alternative est bien claire: ou nous aurons un nouvel empire eurasiatique qui nous guidera dans la lutte de libération de TOUS les peuples du globe ou nous assisterons au triomphe du mondialisme et de l'hégémonisme américain pour tout le prochain millénaire. C'est là-bas que l'écrivain et homme politique Jean Thiriart avait retrouvé l'ESPOIR de pouvoir mettre en pratique ses intuitions du passé, cette fois à une échelle bien plus vaste.
    Dans cette terre de Russie, d'où peut surgir le messie armé des peuples d'Eurasie, nouvel avatar d'un cycle de civilisation ou Antéchrist des prophéties johanniques, nous aurons un espace pour toutes les alchimies et les expériences politiques, inconcevables si on les regarde avec des yeux d'Occidental. La Russie actuelle est un immense laboratoire, une terre politiquement vierge que l'on pourra féconder de greffons venus de loin, une terre vierge où la LIBERTE et la PUISSANCE vont se chercher pour s'accoupler et tenter de nouvelles synthèses: "Le chemin de la liberté passe par celui de la puissance", soulignait Thiriart dans son livre fondamental, "Il ne faudrait donc pas l'oublier, ou il faudrait l'apprendre à ceux qui l'ignorent. La liberté des faibles est un mythe vertuiste, une ingénuité à utilisation démagogique ou électorale. Les faibles n'ont jamais été libres et ne le seront jamais. Seule existe la liberté des forts. Celui qui veut être libre, doit se vouloir puissant. Celui qui veut être libre doit être capable d'arrêter d'autres libertés, car la liberté est envahissante et a tendance à empiéter sur celle des voisins faibles". Ou encore: "Il est criminel du point de vue de l'éducation politique de tolérer que les masses puissent être intoxiquées par des mensonges affaiblissants comme ceux qui consistent à "déclarer la paix" à ses voisins en s'imaginant ainsi pouvoir conserver sa liberté. Chacune de nos libertés a été acquise à la suite de combats répétés et sanglants et chacune d'entre elles ne sera maintenue que si nous pouvons faire étalage d'une force susceptible de décourager ceux qui voudraient nous en priver. Plus que d'autres, nous aimons certaines libertés et rejetons de nombreuses contraintes. Mais nous savons combien sont perpétuellement menacées ces libertés. Que ce soit en tant qu'individu, que ce soit en tant que nation, nous connaissons la source de la liberté et c'est la puissance. Si nous voulons conserver la première, nous devons cultiver la seconde. Elles sont inséparables" (p. 301-302).
    Voilà une page qui, à elle seule, pourrait assurer à son auteur un poste dans une faculté d'histoire des sciences politiques. Quand tout semblait à nouveau possible et quand le jeu des grandes stratégies politiques revenait à l'avant-plan, sur un échiquier grand comme le monde, quand Thiriart venait à peine d'entrevoir la possibilité de donner vie à sa grande idée d'Unité, voilà qu'a surgi le dernier coup du destin: la mort.
    En dépit de son inéluctabilité, elle est un événement qui nous surprend toujours, qui nous laisse avec un sentiment de regret et d'incomplétude. Dans le cas de Thiriart, le fait de la mort fait vagabonder l'esprit et nous imaginons tout ce que cet homme d'élite aurait encore pu nous apporter dans nos combats, tout ce qu'il aurait encore pu apprendre à ceux qui partagent notre cause, ne fût-ce que dans de simples échanges d'opinions, ne fût-ce qu'en formulant des propositions en matières culturelle et politique.
    Enfin, il nous appartient de souligner la complétude de l'oeuvre de Thiriart. Plus que tout autre, il avait complètement systématisé sa pensée politique, tout en restant toujours pleinement cohérent avec ses propres prémisses et en demeurant fidèle au style qu'il avait donné à sa vie.
    Lui, moins que tout autre, on ne pourra pas lui faire dire post mortem autre chose qu'il n'ait réellement dite, ni adapter ses textes et ses thèses aux exigences politiques du moment. Il reste le fait, indubitable, que sans Jean Thiriart, nous n'aurions pas été ce que nous sommes devenus. En effet, nous sommes tous ses héritiers sur le plan des idées, que nous l'ayions connu personnellement ou que nous ne l'ayions connu qu'au travers de ses écrits. Nous avons tous été, à un moment ou à un autre de notre vie politique ou de notre quête idéologique, les débiteurs de ses analyses et de ses intuitions fulgurantes. Aujourd'hui, nous nous sentons tous un peu orphelins.
    En cet instant, nous voulons nous rappeler d'un écrivain politique, d'un homme qui était tout simplement passionné, impétueux, d'une vitalité débordante, le visage toujours illuminé d'un sourire jeune et l'âme agitée par une passion dévorante, la même que celle qui brûle en nous, sans vaciller, sans la moindre incertitude ou le moindre fléchissement.
    Le cas Jean Thiriart? C'est l'incarnation vivante, vitale, d'un homme d'élite qui porte son regard vers le lointain, qui voit de haut, au-delà des contingences du présent, où les masses restent prisonnières. J'ai voulu tracer le portrait d'un PROPHETE MILITANT.

    Carlo Terracciano http://www.voxnr.com

  • Au Japon, François Hollande passe aux aveux

    Au pays du Soleil levant, des cerisiers en fleurs, de la cérémonie du thé et des échanges de courbettes à n’en plus finir, les nobles visiteurs étrangers ont intérêt à marcher comme sur des œufs. Un impair est si vite arrivé. On pouvait redouter que François Hollande n’y déployât les grâces d’un éléphant socialiste dans un magasin de porcelaine.

    Dieu merci, tout s’est bien passé. Le président français n’a pas renouvelé l’exploit de George Bush senior, restituant avant l’heure son déjeuner sur l’épaule du Premier ministre nippon de l’époque. La compagne du président n’a pas fait parler d’elle, on ne lui en demande pas davantage, et l’on sera indulgent sur le lapsus, effet de la fatigue ou de la distraction, dont s’est rendu coupable l’honorable invité de Sa Majesté Akihito en présentant ses condoléances « au peuple chinois » (sic) pour les victimes japonaises de la tuerie d’In Amenas.

    C’est dans un registre où on ne l’attendait pas que François Hollande a prononcé des paroles étonnantes, et qui devraient laisser quelques traces. Félicitant le nouveau Premier ministre du Japon, M. Shinzō Abe, pour les résultats spectaculaires de sa récente offensive de relance par la baisse du yen, le président de la République n’a pas hésité à observer que le Japon « peut décider souverainement de sa politique monétaire ». Sur sa lancée, il a ajouté que cet heureux pays n’est pas soumis aux ukases d’une quelconque « Commission asiatique » qui déciderait à la place des États des voies par lesquelles il leur est permis de retrouver les chemins de la croissance. [...]

    Dominique Jamet - La suite sur Boulevard Voltaire

    http://www.actionfrancaise.net

  • Syrie : Politis déplore « l’inaction occidentale », en choeur avec Jean-Pierre Filiu

    Monsieur Sieffert,

    « Pour Jean-Pierre Filiu, l’inaction occidentale condamne les Syriens à être d’abord la proie du régime, puis des djihadistes », écrivez-vous dans un dossier de cinq pages consacré à la Syrie dans Politis du 23-29 mai 2013 (1), dossier contenant un entretien avec Jean-Pierre Filiu et largement consacré à pourfendre la « désinformation » et le « conspirationnisme ». Mais pour dénoncer la désinformation, ne faut-il pas soi-même vérifier ses sources ?
    Des enquêteurs indépendants en Syrie
    Vous écrivez, page 21, que Bachar el-Assad organise un « blocus de l’information » en Syrie. Page 23, Jean-Pierre Filiu enfonce le clou et affirme : « Depuis deux ans, [Bachar el-Assad] interdit donc avec constance l’accès au terrain aux journalistes, aux enquêteurs indépendants ». C’est faux. Dans une lettre de onze pages adressée récemment à votre confrère Stéphane Paoli (de France Inter), et sources à l’appui, j’examinais les informations rapportées par huit enquêteurs indépendants ainsi que par un neuvième groupe d’enquêteurs a priori hostiles au gouvernement de Bachar el-Assad, puisqu’il s’agissait de la Mission d’observation de la Ligue Arabe. TOUTES ces sources, Monsieur Sieffert, ont pu enquêter librement sur place et donnent raison à la version gouvernementale (syrienne) des faits – et tort à Jean-Pierre Filiu. Ces enquêteurs ont pu constater sur place que la population syrienne, après avoir certes manifesté et espéré des améliorations sociales et démocratiques en mars 2011, demande maintenant la protection du gouvernement contre les rebelles, pour la plupart des combattants islamistes sunnites venus de l’étranger (Irak, Libye, Afghanistan, etc.) et dont le comportement se situe entre le terrorisme et le banditisme, armement lourd en sus. Militaires, civils et infrastructures paient un lourd tribut à la violence de ces combattants perdus et déracinés. Ces enquêteurs font également état, preuves et preuves photographiques à l’appui, d’une intense campagne de désinformation contre le gouvernement de Bachar el-Assad et soulignent le rôle d’un personnage clef, Oussama Ali Suleiman, ennemi juré de Bachar el-Assad et l’homme qui a volé le mot de passe du site Internet de l’OSDH après s’y être introduit sous une fausse identité. Ayant longuement détaillé et étayé ces multiples aspects dans la lettre à Stéphane Paoli, rendue publique (2), je n’y reviens pas ici.
    Dans l’entretien, Jean-Pierre Filiu affirme que « Si Bachar faisait face à un complot extérieur, il n’aurait pas tenu un mois » (page 24), en évoquant la puissance de feu israélienne – mais en oubliant celle des Russes. Nous pouvons lui répondre qu’au contraire, sans le soutien de sa population, Bachar el-Assad serait déjà tombé.
    Les revendications des Syriens
    Votre dossier, écrit avec Lena Bjurström et Céline Loriou, accuse les “conspirationnistes” et une partie de la gauche d’ « occult[er] les facteurs sociaux et humains du soulèvement » (page 21) et de ne « Rien [dire] sur les aspirations démocratiques du peuple Syrien » (page 21). Là encore, c’est faux. Le dossier du CIRET-AVT / CF2R (3) (l’une des sources de la lettre à Stéphane Paoli) décrit au contraire l’Histoire et le contexte politique, social et économique de la Syrie. Page 10, le rapport décrit la nature du système politique syrien : « L’armée et les forces de sécurité sont la clef de voûte du régime. L’appareil d’État repose sur un grand nombre de services spéciaux et de gardes prétoriennes. Leurs dirigeants, même s’ils préfèrent rester dans l’ombre, sont les personnages incontournables dans le pays. Si le président dispose formellement de tous les pouvoirs, il lui faut cependant compter avec les caciques du régime qui peuvent déclencher à tout moment une révolution de palais si ses décisions ne leur conviennent pas. » Assurément pas une démocratie.
    Soeur Marie Agnès (une autre source de la lettre à Stéphane Paoli), une catholique dirigeant un monastère et vivant en Syrie depuis 18 ans, soutient, elle aussi, les aspirations démocratiques de la population. Mais ce qu’elle rapporte aussi est l’amertume des démocrates sincères devant la tournure prise par les événements : « Ça ne veut pas dire que le peuple Syrien n’a pas le droit à un changement démocratique, bien sûr, mais la réalité sur le terrain a désabusé les révolutionnaires eux-mêmes, qui ne se lassent pas de dire que leur grand désir a été évincé par l’apport massif de factions financées, protégées, entraînées, et même armées et qui sont envoyées en grande quantité (…) » (4)
    Le volet social et économique n’est pas oublié. Pages 11 et 12, le dossier du CIRET-AVT / CF2R évoque les difficultés des Syriens en ces domaines : « Depuis plusieurs années, la Syrie est confrontée à des difficultés économiques et sociales majeures : chômage endémique, hausse vertigineuse du coût de la vie et afflux de réfugiés irakiens qui viennent grossir les rangs des Palestiniens déjà présents dans le pays.
    Le chômage touche 25 % de la population (23 millions d’habitants) dont beaucoup de jeunes (…).
    Les fonctionnaires de rang subalterne sont souvent obligés d’avoir un deuxième emploi dans le privé pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. »
    Cependant, bien qu’il soit important de revendiquer des progrès politiques, sociaux et économiques en Syrie, ce débat n’est pas judicieux avec n’importe quel interlocuteur ni à n’importe quel moment. Notamment, il n’est pas judicieux lorsqu’une intervention militaire se profile et se prépare. Car qu’en sera-t-il de tous ces espoirs, une fois les bombes tombées ? Le pays sera plongé dans le chaos et la violence, comme en Libye et en Irak après les interventions des puissances militaires occidentales.
    Les comportements d’espèce
    Mais admettons : des témoins, des enquêteurs et des journalistes rapportent aussi des informations allant dans le sens d’une oppression brutale en Syrie. Dès lors, le doute est permis – et il est sain. Alors, qui croire ? De la même façon qu’un spécialiste des fourmis est capable de décrire l’organisation d’une fourmilière croisée au hasard d’une promenade en forêt après avoir identifié son espèce, mais sans avoir étudié cette fourmilière-ci en particulier, nous pouvons poser la question : lorsque qu’un groupe d’humains supérieur militairement cherche à s’emparer d’un pays étranger, pour ses terres, ses ressources naturelles, ses marchés ou toute autre raison, comment s’y prend-il ? Pour tenter de répondre à cette question, tournons-nous vers le passé, c’est-à-dire vers l’Histoire – en principe, la spécialité de Jean-Pierre Filiu. Citons quelques précédents : l’affaire Thornton en 1846 (5), l’affaire du cuirassé Maine (6), l’incident de Mukden (7), l’incident de Gleiwitz (8), l’attaque de Pearl Harbor (9), l’incident du Golfe du Tonkin (10), l’attentat de La Belle (11), l’affaire des couveuses koweïtiennes (12), les attentats de Moscou en 1999 (13), les attentats du 11-Septembre 2001 (14), les armes de destruction massive irakiennes et le massacre aérien de Benghazi (15). Nous voyons, sur ces cas d’espèce couvrant tout le XXe siècle et au-delà, que lorsqu’un pays supérieur militairement agresse un autre pays, il ment ou monte une manipulation afin de convaincre l’opinion publique qu’il est en réalité une victime du pays attaqué. La guerre rapportera ainsi le butin de guerre, comme attendu, tout en protégeant la bonne conscience de l’opinion publique et en galvanisant les troupes qui, naturellement, mettraient beaucoup moins d’entrain au combat si les véritables buts de guerre lui étaient donnés. Si le message adressé aux troupes était que le pays partait commettre un pillage, les soldats comprendraient que cette froide logique risquerait un jour de se retourner contre eux.
    Bien entendu, il ne s’agit pas de conclure que toute guerre est forcément accompagnée de mensonge, de la même façon que le contexte peut produire des fourmilière atypiques (adaptation à un biotope particulier, à des prédateurs, etc.). Cependant, nous allons voir que les pays occidentaux ont une puissante motivation pour renverser Bachar el-Assad.
    Pénurie d’énergie
    Les géologues et les spécialistes de l’énergie s’accordent pour situer le Pic Pétrolier, c’est-à-dire le point culminant de la production pétrolière mondiale, aux alentours de 2015. Le Pic Pétrolier souffre par ailleurs d’être particulièrement mal connu du grand public et de nombreux experts. Le déclin de la production est pourtant une réalité observable et observée depuis des décennies, dans de nombreuses régions, et depuis quelques années au niveau mondial pour le pétrole conventionnel hors OPEP. L’OPEP, pour sa part, publie des données délibérément fausses, comme le révélait Éric Laurent (16), mais a probablement, lui aussi, passé son pic. L’Arabie Saoudite, poids lourd de l’OPEP, n’arrive plus à fournir ce qu’elle promet (17).
    Le pétrole non conventionnel ne sera probablement pas en mesure de remplacer le conventionnel, en termes de débit de production. Les récentes annonces tonitruantes au sujet des huiles de schiste aux États-Unis laissent de marbre certains experts, notamment au regard du déclin rapide de la production du Montana. (18)
    S’agissant du seul pétrole conventionnel, l’AIE place, en dernière estimation, le pic en 2008. (19) Mais peu importe la date précise : l’époque où les États-Unis, gros consommateurs de pétrole, pouvaient faire face à d’éventuelles menaces de pays voyous ou à des troubles géopolitiques régionaux en demandant à leurs amis saoudiens d’augmenter la production, est révolu. Non seulement la production mondiale plafonne mais la demande croît de façon exponentielle, ce qui a fait prévoir par le très sérieux Council of Foreign Relations (CFR) en avril 2001, des conséquences géopolitiques : « Une forte croissance économique à l’échelle du globe et un nouvel accroissement de la demande mondiale en énergie ont sonné le glas des possibilités de réserves supplémentaires d’hydrocarbures et provoqué le début d’une pénurie. De fait, le monde est aujourd’hui désespérément proche d’une utilisation totale de ses capacités de production de pétrole, augmentant ainsi les probabilités d’une crise pétrolière dont les conséquences seraient plus importantes que tout ce à quoi on a pu assister en trente ans.
    Ces choix affecteront également d’autres objectifs de la politique des États-Unis : leur politique vis-à-vis du Moyen-Orient, leur politique vis-à-vis de l’ancienne Union soviétique et de la Chine, et le combat contre le terrorisme international. » (20)
    Les « objectifs » du CFR sont clairement apparus au cours de la décennie écoulée, avec les guerres aux visées pétrolières évidentes menées par les États-Unis et leurs alliés en Irak (quatrièmes réserves mondiales de pétrole conventionnel), en Libye (septièmes réserves) et en Afghanistan, pays par lequel doivent transiter les ressources de la Caspienne, sans oublier l’Iran (troisièmes réserves) et le Venezuela (premières réserves), tous deux cibles d’une campagne de diabolisation préparatoire. Désormais, le moindre petit puits de pétrole ou de gaz est un enjeu et sera disputé à la concurrence, comprendre : les pays émergents. Si la Chine, de son côté, s’est appuyée jusqu’ici (faute de grives…) sur ses immenses réserves de charbon, ces dernières ne sont pas inépuisables. Au rythme de la croissance actuelle de ce pays, le charbon chinois sera épuisé d’ici quelques décennies, selon Richard Heinberg. (21) Cela ne lasse pas de faire frémir puisque la Chine sera alors devenue une grande puissance économique et militaire.
    Le dossier de Politis, tout en accusant une certaine gauche d’oublier le peuple Syrien, oublie lui-même cette problématique du Pic Pétrolier, malgré l’existence par ailleurs d’un lien direct entre prix de l’énergie et chômage, tel que l’a montré Jean-Marc Jancovici (22). Un argument auquel la Rédaction de Politis devrait être sensible.
    La Syrie, pour y revenir, est une pièce importante. Elle possède du gaz et se trouve également sur le chemin de futurs gazoducs, visant à approvisionner l’Occident avec les réserves du Moyen-Orient. Mais, au-delà de la précieuse matière première, un gazoduc représente aussi un revenu pour les pays traversés, revenu que les multinationales occidentales tiennent à s’approprier ou à “optimiser” grâce à un gouvernement complaisant, éventuellement fantoche, placé par les Occidentaux, comme en Afghanistan où le président lui-même est issu d’une multinationale étasunienne du pétrole, UNOCAL. L’essentiel est que les contrats soient signés avec l’apparence de la légalité.
    Syrie : un récit invraisemblable
    Tout est invraisemblable dans le récit que délivrent les grands médias occidentaux sur la situation en Syrie. Comment imaginer qu’une armée, pendant deux ans, tire au canon sur sa population ? Pinochet ou Kim Jong-il ont-ils jamais commis de tels massacres ? Si le gouvernement algérien est, certes, soupçonné d’avoir contribué aux massacres des années 1990, cela s’est opéré sans pertes humaines chez les militaires exécutant ces ordres criminels, et dans un contexte précis : pour justifier le coup d’État des généraux après les élections. Rien de tout cela en Syrie, où militaires et policiers représentent environ 30 % des pertes et où Bachar el-Assad n’était nullement menacé par les manifestations pacifiques de mars 2011, l’appareil autoritaire étant déjà là et ayant su reprendre la main après le “Printemps de Damas” en 2000, comme le rappelle le CIRET-AVT / CF2R. (3)
    Les rebelles, eux, sont dans une logique de conquête du pouvoir.
    D’autre part, si réellement Bachar el-Assad commettait de tels massacres, il se trouverait certainement un militaire pour le liquider : on a assassiné des dirigeants pour bien moins que ça, par exemple l’empereur romain Caligula, tué par sa propre garde pour des motifs autrement plus légers.
    Quant à la population Syrienne, devons-nous croire qu’elle se jette au-devant des balles, depuis deux ans ? Votre dossier pointe la « lecture géostratégique simpliste » des “conspirationnistes” (page 22) mais n’explique pas pourquoi la population algérienne ne bouge pas, malgré un pouvoir autrement plus caricatural, et qui ne cède rien. (23)
    Un dossier bâclé
    Page 20 de Politis, une photo pleine page fait l’éloge (?) des enfants soldats “recrutés” par les rebelles. Page 23, une autre photo montre le drapeau syrien re-colorié par les rebelles aux couleurs de l’Islam, le vert. Et c’est bien d’Islam dont il s’agit : comme le rapporte le New York Times, « Il n’y a nulle part sur le territoire syrien contrôlé par les rebelles de force armée laïque de quelque importance. » (24) Quels progrès démocratiques attendre de fanatiques religieux, qui égorgent leurs ennemis et enrôlent des enfants ?
    Votre éditorial (page 21) fait l’éloge de l’ouvrage du Père Paolo, un ecclésiastique dont le discours est tout à fait minoritaire au sein des Chrétiens Syriens et qui reprend, étrangement, mot pour mot le vocabulaire et les arguments impérialistes, comme l’a montré avec précision François Belliot dans un article très fouillé paru en même temps que votre dossier. (25)
    Vous écrivez (page 23) que les États-Unis préfèrent Bachar el-Assad au pouvoir, qu’al-Qaïda. Pourtant, souvenez-vous que les États-Unis ont soutenu les Taliban, avant de les renverser. La religion a l’avantage d’être facile à manipuler, surtout lorsque les dirigeants sont novices en politique.
    Jean-Pierre Filiu est-il historien ?
     
    Jean-Pierre Filiu n’est certes pas géologue ni expert en énergie, et l’on peut comprendre qu’il ignore le phénomène du Pic Pétrolier, et donc une partie (colossale) des enjeux. Mais en sa qualité d’historien, il est impardonnable lorsqu’il plonge tête baissée dans la propagande de l’OSDH et des gouvernements occidentaux (26). Jean-Pierre Filiu aurait-il oublié les manipulations passées ?
    Politis reprend sa position avec bien peu d’esprit critique. Monsieur Sieffert, comment pouvez-vous avoir écrit “La nouvelle guerre médiatique israélienne” et “Mélenchon et les médias”, deux ouvrages spécialisés dans l’analyse de la propagande médiatique, et tomber dans celle de l’OSDH ? Que nous reste-t-il sinon à espérer que vous recouperez davantage vos informations à l’avenir sur le dossier Syrien et que vous ouvrirez vos colonnes aux personnalités sérieuses et indépendantes qui, après enquête sur le terrain, sont revenues avec un point de vue différent sur la dramatique situation en Syrie.
    Yves Ducourneau, le 4 juin 2013 http://www.agoravox.fr
    Notes :
    (1) “Désinformation et complotisme”, par Denis Sieffert, Lena Bjurström et Céline Loriou, 23-29 mai 2013, Politis
    (2) “Syrie : où nous emmène Jean-Pierre Filiu ?”, par Yves Ducourneau, 10 mai 2013
    (3) “Syrie : une libanisation fabriquée”, par le CIRET-AVT et le Cf2R, janvier 2012
    (4) “Syrie : témoignage poignant d’une Sœur !” (vidéo, 19’), par sœur Marie-Agnès, mai 2013, Radio Courtoisie
    (9) “La guerre contre la vérité”, par Nafeez Mosadeeq Ahmed, 2006, éditions Demi-Lune, pages 457-460
    (10) “La guerre contre la vérité”, par Nafeez Mosadeeq Ahmed, 2006, éditions Demi-Lune, pages 463-465
    (12) “Le mensonge des couveuses koweïtiennes”, par Patrick Pesnot, 1er décembre 2012, France Inter
    (13) “Russie : qui a commis les attentats de 1999 ?”, par Sophie Shihab, 17 novembre 2002, Le Monde
    (14) “Omissions et manipulations de la Commission d’enquête sur le 11 septembre”, par David R. Griffin, 2006, éditions Demi-Lune
    (15) “La guerre humanitaire” (vidéo, 20’), par Julien Teil, novembre 2011, 1/2 et 2/2
    (16) “La face cachée du pétrole”, par Éric Laurent, 2007, Pocket, pages 261-264
    (17) “Arabie Saoudite - deux surprises préoccupantes”, par Matthieu Auzanneau, 25 avril 2011
    (18) “Les Etats-Unis, 1er producteur mondial de pétrole en 2017 ?”, par Matthieu Auzanneau, 13 novembre 2012
    (19) “Nouvelles du pic pétrolier !”, par Benoît Thévard, 24 février 2012
    (20) “Franchir le Rubicon” tome 1, par Michael C. Ruppert, 2006, éditions Nouvelle Terre, pages 48-49
    (21) “La fin de la croissance”, par Richard Heinberg, 2012, éditions Demi-Lune, pages 228-232
    (22) “Le prix du pétrole gouverne-t-il l'économie ?”, par Jean-Marc Jancovici, août 2005
    (23) “La Colonie française en Algérie”, par Lounis Aggoun, 2010, éditions Demi-Lune
    (24) “Islamist rebels create dilemma on Syria policy”, par Ben Hubbard, 27 avril 2013, New York Times
    (25) “Chrétiens de Syrie : le mensonge organisé des médias français”, par François Belliot, Réseau Voltaire, 18 mai 2013
  • Les dysfonctionnements évidents de la mondialisation

    En théorie, la mondialisation, c'est-à-dire l'unification des économies du monde entier, engendrée par la suppression des barrières douanières, doublée d'une coopération politique aussi étroite que possible, devrait assurer la prospérité et la paix pour l'humanité. L'OMC, Organisation Mondiale du Commerce, tribunal suprême et promoteur de la mondialisation économique est au cœur de cette vision ; elle est complétée par le FMI et la Banque Mondiale. Le FMI - Fonds Monétaire International -, anciennement présidé par Dominique Strauss-Kahn et aujourd'hui par Madame Christine Lagarde - menacée à ce poste, sans que son éventuelle éviction pour cause d'arbitrage bien trop favorable à M. Bernard Tapie, célèbre victime de « préjudice moral » à 45 millions d'euros, ne changerait quoi que ce soit -, constitue le contrôleur général des finances des États, qui peut certes leur prêter, mais à des conditions draconiennes : il impose en particulier une diminution brutale des dépenses publiques, aux conséquences récessives immédiates, sociales dramatiques, avec la baisse brutale des aides, du nombre de fonctionnaires, y compris souvent des policiers ou des instituteurs, d'où remontées de la délinquance et de l'analphabétisme quelques années après ces régimes imposés par le FMI.
    C'est le sort courant de nombreux pays d'Afrique, ou même de la Grèce en Europe, et à un degré légèrement moindre de l'Espagne et du Portugal. La Banque Mondiale, structure complexe, polycentrée, prête en principe aux Etats pour des projets précis dits de développement - construction d'écoles, de voies de communications, de barrages, etc. -, à des taux théoriquement modérés ; en outre, ces prêts, qui peuvent être vitaux, sont souvent conditionnés par des considérations politiques dans le pays en question, sur le thème des « respects des droits de l'homme », extensibles à l'infini - minorités ethniques, ou sexuelles, etc. -, sauf évidemment pour les enfants à naître, des « exigences environnementales », particulièrement sujettes à des variations subites et incompréhensibles : ainsi, les grands barrages sont tantôt loués, car après tout meilleure source d'électricité sans pollution, réservoirs essentiels pour compenser les irrégularités de la pluviosité, tantôt condamnés pour des motifs allant des perturbations graves des migrations de poissons au déplacement forcé des populations riveraines avec des conditions de relogement plus ou moins décentes du jour ou lendemain, un financement donc un projet, peut s'effondrer, avec des conséquences dramatiques pour le pays en question ; le cas s'est fréquemment produit en Amérique latine, Afrique, Asie duSud ou du Sud-Est.
    Outre ces dysfonctionnements évidents du FMI et de la Banque Mondiale, l'échec le plus important est celui de l'OMC elle-même. En effet, à défaut de jeu loyal des concurrences sur tous les marchés, s'affrontent au contraires des stratégies non-coopératives, de protectionnisme plus ou moins provisoire ou camouflé, de guerre délibérée des monnaies. En effet demeurent fondamentalement les logiques nationales : chaque État veut profiter du marché mondial pour ses produits, mais freiner l'accession de son propre marché intérieur aux produits étrangers. La grande exception à ce phénomène de non-coopération de fait demeure l'Union Européenne ; la Commission Européenne, responsable des pratiques commerciales de l'UE, veille à ce que les marchés européens soient effectivement totalement ouvert, tout en protestant que symbolique face aux violations massives de ses partenaires, en particulier des chinois - l'épisode des panneaux solaires tient de la farce face à l'ensemble du problème -. On a déjà vu qu'au sein de l'UE, existe une concurrence déloyale entre États-membres : ainsi l'Allemagne, principale économie, puissance industrielle majeure, a délibérément choisi la non-coopération, en se procurant des avantages de court terme, en baissant massivement son coût du travail, au prix d'un retour à la pauvreté de millions de travailleurs ; relevons que cette pratique s'avère d'ailleurs clairement à moyen terme contreproductive car ruinant des clients devenus incapables d'acheter des produits allemands, peut-être bientôt jusqu'à la France.
    La pratique mondialisée des délocalisations, massives depuis les années 1980, a permis de rechercher le coût du travail toujours plus bas, facteur de production essentiel dans les produits à faible ajoutés mais incontournables comme le textile. Elle a causé un chômage massif dans les pays anciennement industrialisés qui ne se défendent pas, comme la France. Elle ne procure pas non plus une prospérité véritable dans beaucoup de bénéficiaires théoriques, ou du moins multiplie les drames humains. Ainsi, ont eu lieu en avril et mai deux accidents d'ampleur au Bangladesh, à Dacca la capitale, causant des milliers de morts, un effondrement d'une usine à étages sur les employés, et un incendie, dans le secteur devenu fondamental du textile. Afin de maintenir les coûts de production les plus bas, des économie sont réalisés sur les salaires, les conditions de travail, dont l'hygiène, la sûreté. Dans l'accident de l'immeuble effondré, l'état menaçant du bâtiment était connu des autorités, ce qui indique ainsi un autre problème courant, celui de la corruption. Le risque d'accident est un coût intégré parmi d'autres. Sur 145 millions d'habitants, avec des masses de dizaines de millions de pauvres, la vie humaine, en logique strictement financière, compte peu, chaque ouvrier, peu payé, étant immédiatement remplacé.
    Afin de baisser les prix des produits nationaux sur le marché mondial, a été déclenchée ses dernières années une véritable guerre des monnaies : en principe, plus la valeur de la monnaie baisse, face aux autres, plus les prix proposés à l'exportation par les entreprises nationales baissent, donc logiquement elles augmentent en volumes, ce qui soutient la production nationale, tandis que les prix des biens importés augmentent, donc logiquement les importations baissent. C'est le schéma de base, juste dans les grandes lignes, même il n'y a pas substituabilité parfaite et immédiate des biens nationaux ou étrangers sur les marchés nationaux ou étrangers ; il existe un danger particulier pour les prix des matières premières dont le pétrole et le gaz, chez les importateurs nets, mais il ne faut pas exagérer le risque, qui pourrait être d'ailleurs promoteur d'énergies autres, qui tendraient à devenir rentables - électricité, hydrogène, etc. -. Ainsi, le Yen est dévalué davantage que le dollar, a perdu ces dernières semaines plus de 20 % face au Dollar, d'où protestations américaines et chinoise - car il existe un lien de parité quasi-fixe entre le Yuan et le Dollar -. Le plus grand perdant est l'Europe, avec l'Euro de plus en plus fort, en totale déconnection de toute réalité économique, car la zone Euro, contrairement à toutes les autres zones monétaires, traverse une récession, donc en bonne logique, la valeur de l'Euro devrait baisser, et non augmenter fortement, ce qui accroit la récession. Ce phénomène observé pour les grandes monnaies intervient aussi pour d'autres : les analystes s'attendent à une cascade de dévaluations compétitives en Asie, dont le Sri Lanka parmi les premiers, avec des perspectives identiques au Vietnam, aux Philippines, en Thaïlande, etc. Un événement semblable en 1997-8 avait causé des tensions entre économies asiatiques, mais provoqué un regain général de compétitivité face aux autres continents, en particulier l'Europe.
    Cette situation de facto de guerre économique débouchera à terme sur la disparition de droit ou de fait de l'OMC. Le mouvement de nationalisme économique concerne le monde entier, à l'exception de l'Union Européenne, condamnée probablement elle-même à l'éclatement, tant sa politique suicidaire détruit réellement une grande part de ses membres, en particulier sa frange méridionale. Pour la France, il faudrait donc d'urgence quitter l’UE, revenir à un sain nationalisme économique ; notre pays pourrait adopter sans drame, au contraire, pour lui-même, ce que se permettent tant d'Etats de l'Argentine à la Thaïlande, et sauver son industrie. Plus le temps est perdu, plus les destructions économiques s'accroissent, plus le redémarrage sera difficile. Evidemment François Hollande, social-libéral, malgré des débats récents vifs dans son parti, dont il n'y avait évidemment rien à attendre, vient de s'aligner totalement sur Madame Merkel et son mondialisme libre-échangiste revendiqué, lors de son discours du jeudi 23 mai à la fête des 150 ans du parti des socialistes allemands, eux-mêmes sur cette position.
    LE DANGER TERRORISTE SALAFISTE EN EUROPE ET EN AFRIQUE
    Nous avons déjà présenté le salafisme, la version la plus rigoureuse de l'islamisme sunnite. Dans le monde, il est particulièrement porté par les financements qataris et saoudiens, souvent plus privés que publics, et l'échec des islamistes dits modérés - relativement - au pouvoir depuis deux ans dans de nombreux pays arabes suite aux Révolutions, au Maroc, en Tunisie, en Égypte, qui porte les plus radicaux. Que le monde arabo-musulman soit affecté paraît logique. Pourtant, ce salafisme se développe aussi en Europe et en Afrique noire, de traditions culturelles différentes à l'origine. Tout salafiste ne soutient pas nécessairement concrètement le terrorisme, mais l'estime à peu près toujours moral, contre des non-musulmans ou de faux-musulmans - thèse dite du takfirisme, ou apostasie de fait de l'Islam-.
    Il s'agit d'un courant culturel large. Il n'existe aucune organisation centrale claire. Cette dispersion fournit sa force au mouvement. Il n'existe nul réseau central à démanteler ; la destruction d'une petite structure autonome ne gêne nullement l'ensemble du salafisme combattant. On l'a vu avec la mort du (très probablement) véritable Ben Laden au Pakistan ; l'exécution du vieillard malade par un commando américain, certes pas un grand philanthrope par ailleurs, n'a nullement affaibli cette sensibilité. À ce sujet, un lecteur, que je remercie encore, m'a signalé une petite erreur de mise en page, qui hélas peut advenir dans les conditions militantes, rustiques, de l'élaboration de RIVAROL, qui aurait pu faire croire à ma participation à une forme de complotisme sommaire ; non, j'ai pour principe le plus grand sérieux, un profond travail de recherche, y compris en l'occurrence sur des sources pakistanaises, et de ne rien avancer que je ne puisse sinon toujours définitivement prouver, du moins soutenir de manière rigoureuse - sans fatiguer le lecteur de colonnes entières de références explicites - ; c'est bien sûr la capacité de distance critique face aux rumeurs courantes sur la toile qui fait la force unique et irremplaçable de la presse écrite.
    EN EUROPE, IMMIGRATION ET ISLAMISATION FONDAMENTALISTE
    L'Europe, du moins sa moitié occidentale, du Portugal à la Suède, de la Norvège à l'Italie, est envahie par une immigration massive, en provenance d'autres continents, du monde entier en fait, mais avec de claires majorités de provenance de l'espace arabo-musulman ou noir. Il se forme des communautés autonomes allochtones dans tous nos pays, dans des quartiers-ghettos, que les Blancs qui le peuvent fuient massivement. Il s'y forme une contre-culture unissant des populations à l'origine sans guère de lien : le salafisme s'y implante comme un élément central. Son interprétation fondamentaliste, donc simple à comprendre, d'un message religieux déjà assez sommaire, le rend accessible en tous ; en outre sa haine des infidèles ou faux-fidèles - de son point de vue -, justifie absolument toutes les formes de délinquance, le vol, le meurtre, même le trafic de drogue - la cause justifiant tous les moyens -.
    Ainsi, la culture de la vente de la drogue domine la moitié septentrionale de Marseille ; ce qui peut étonner est le caractère de plus en plus revendiqué de la chose, par les habitants, avec le chantage à l'émeute face aux ridicules velléités télévisuelles de remise en ordre de Manuel Valls, ministre de l'intérieur, matamore de comédie. Evidemment l'Islam radical s'impose. Les allochtones privilégient nonobstant le commerce, avec la masse de consommateurs drogués autochtones qui s'approvisionne régulièrement, autre problème, lié, au pillage pur et simple, nettement moins rentable en fait, à la mode des pseudo-supporters casseurs du PSG, dont le Système ne propose guère d'images... Dans le salafisme, ce comportement sauvage est estimé honorable. La situation française est bien connue, jusqu'en Chine désormais : l'ambassade à Paris a déposé une protestation formelle contre l'agression violente de tout un car de touristes mandarins fin mars au Bourget, lieu historique de la France - célèbre combat du Siège de Paris en 1870-1 - et mondialement connu pour le Salon Aéronautique, à la population massivement allochtones, qui impose rudement sa domination. Un de seuls avantage de la mondialisation pour la France résiderait dans l'afflux de touristes, qui risque de diminuer à cause des nombreux incidents de ce type. Tous les voleurs ne sont pas salafistes, loin s'en faut, mais ces pratiques s'intègrent parfaitement en son antimorale ; en témoignent les conversions massives dans les prisons, pour les rares malchanceux ou malhabile arrêtés, condamnés, en dépit du Syndicat de la Magistrature.
    La Suède traverse désormais une situation semblable. Les socialistes suédois ont absolument tenu, dans les années 1980-90 à organiser, ou du moins accompagner, une immigration-invasion détruisant l'homogénéité ethnique exemplaire de leur pays jusqu'aux années 1970. Il en résulté la faillite du modèle social suédois il y a 20 ans déjà ; une économie au secteur public massif ne tient que si tous travaillent massivement, honnêtement, ce qui s'avère intenable avec un assassinat passif, revendicatif, de centaines de milliers alors, millions depuis, de sujets inassimilables. Les gauchistes en France n'ont cessé depuis 30 ans de citer la Suède en modèle de l'intégration, où le laxisme des exigences face aux allochtones atteint des sommets inconnus en France - si, c'est possible ! -, avec cette catégorie curieuse, significative de « citoyens suédois ne parlant pas suédois », disposant jusqu'à des bureaux administratifs réservés... Or, le résultat est le même : une masse d'ingratitude, d'agressivité, de haine du pays d'accueil. Le tout dans une ambiance de plus en plus marquée par l'Islam agressif, en contraste total avec une des sociétés les plus sceptiques et relativistes du monde - chose d'ailleurs aussi détestable -. Si la situation à Malmo était déjà connue là-bas, le caractère national du phénomène a surpris les aveugles volontaires, avec de violentes émeutes continues depuis dimanche 19 mai dans les banlieues de Stockholm, particulièrement à Husby.
    En Angleterre, le pays a été ému par la mort d'un soldat, à Woolwich dans la banlieue de Londres. Feu Lee Rigby était un bon père de famille aryenne. Les assassins ont tenu à procéder en une logique salafiste rigoureuse à l'arme blanche, massacrant, en pleine rue, leur victime au couteau et au hachoir à viande, exigeant par ailleurs d'être filmés par les passants. Une telle horreur laisse songeur. Le pire est qu'elle ne relève pas de cas psychiatriques, mais de cette constitution d'une contre-culture allochtone agressive, tuer les Blancs, les impies pour le salafisme. La pseudo-justification de dénonciation de Croisade contre l'Islam révèle le monde délirant du salafisme, qui croit l'Occident encore au XIIe siècle - lequel eût d'ailleurs réagi beaucoup plus fermement, sainement, à bien des choses - . Le meneur des tueurs, Michael Abedolajo, dit Mujahid - combattant de la foi islamique -, est un Nigérian, chrétien d'origine, apostat au profit de l'Islam rigoriste, selon une tendance à l'assimilation par la contreculture allochtone ; il était connu, arrêté même par les autorités kenyane lors d'un de ses voyages, en soutien aux salafistes somaliens ; on ne supposera pas la police du Kenya d'une efficacité redoutable, constatera plutôt la nullité des européennes, qui hésitent tant à arrêter les dangereux ennemis de l'Occident de ce type, contrairement aux authentiques et braves militants nationalistes, telles les courageuses troupes de l'English Defence League, occupant les rues, beaucoup plus directes et fermes que les manifestes théoriques trop consensuels des dirigeants (consultables en anglais sur leur site englishdefenceleague.org). Le Système promeut encore l'immigration-invasion, mais panique quelque peu devant le résultat intolérable, même pour lui, sans pour l'instant se remettre en cause ; il faut d'autant plus le renverser et ne songer à aucun accommodement, impossible.
    EN AFRIQUE, LA PROGRESSION D'UNE VAGUE SALAFISTE AU SAHEL
    Pendant ce temps, financé par les riches étrangers arabes du Golfe, ou des trafiquants de drogue sahéliens plus locaux, le salafisme tend à se répandre, voire s'imposer à la frontière méridionale du Sahara, par la force et la persuasion. Le problème de l'Azaouad ne s'avère pas facilement soluble. Les groupes traqués au Mali par l'armée française se déplacent facilement, sévissent en Mauritanie et au Niger. Les forces spéciales françaises les y poursuivent, sans parvenir à les détruire. Le jeudi 23 mai des attentats-suicide ont frappé des cibles gouvernementales nigériennes et des intérêts économiques français - l'entreprise du nucléaire Aréva -, dans le désert, à Agadez et Arlit. Ces faits inquiètent pour la stabilité, précaire, du Niger, mais aussi à terme pour l'approvisionnement énergétique de la France, qui compte beaucoup sur l'uranium de ce pays. La France n'a plus les moyens d'assurer la police de la Mauritanie au Niger.
    S de S Rivarol du 31 mai 2013

  • BHO choisit un antidépresseur massif pour sa dépression syrienne

    Ex: http://www.dedefensa.org/

    Nous avons constaté ces derniers temps l’humeur dépressive (voir le 11 mai 2013) des USA et du bloc BAO vis-à-vis de la Syrie, notamment avec les doléances sévères de John Kerry (voir le 5 juin 2013) concernant la politique syrienne des USA depuis qu’a éclaté la crise en Syrie. Nous ne pourrons alors que constater que la nomination de Susan Rice à la tête du National Security Council (avec le complément de la nomination de Samantha Power comme ambassadrice des USA à l’ONU) peut se comparer à la prise d’un antidépresseur massif et brutal pour soigner cette “dépression syrienne”. Comme chacun sait, l’antidépresseur est une chose à utiliser avec prudence, sous surveillance médicale, et comme on devrait le conclure, le choix d’Obama apparaît pour le moins imprudent et dangereux, – à moins qu’il se soit trompé, qu’il ait pris l’Ecstasy pour un antidépresseur ? A moins qu’il s’en foute, d’ailleurs...

    Rice a été ambassadrice des USA à l’ONU jusqu’à la vilaine affaire de Benghazi, qui a entraîné sa démission. Elle a été, à l’ONU, avec une constance rare, une représentante des USA agressive, parfois insultante, en général hystérique et utilisatrice déterminée d’une affectivité maquillée de beaux diplômes universitaires, enfin parfaite clone d’Hillary Clinton au sein du Conseil de Sécurité. Elle s’est notamment illustrée par des attaques insultantes contre la Russie. Power, qui va à l’ONU, est très proche de Rice, notamment dans ses conceptions humanitaristes qui font d’elle, comme Hillary-Rice, une liberal hawk ou une humanitarian hawk, au choix. (Mark Landkler, du New York Times, le 6 juin 2013 : «Ms. Power, who has written extensively about genocide, is closely allied with Ms. Rice on human rights issues.») Si on ajoute à ce duo la présence de Victoria Noland au département d’État après une rapide éclipse, passant du poste de porte-parole à celui, plus efficace et plus important, de directrice des affaires européennes et eurasiatiques (voir le 28 mai 2013), on arrive à un étrange trio de harpies déchaînées qui rappelle celui des années précédentes (Hillary-Noland-Rice) ... Étrange, veut-on dire, par rapport à l’inflexion que John Kerry veut donner à la politique US, à sa critique quasi-inflexible de tout ce qui a précédé, qui fut enfanté effectivement par le même trio.

    Eric Draitser, analyste géopolitique à New York, donne un commentaire à Russia Today, le 5 juin 2013. Il mentionne certaines raisons politiciennes et intérieures de la nomination de Rice, puis les conséquences extérieures évidentes...

    «First and foremost, it allows the President to present himself as oppositional to Republicans, as a Democrat willing to stand his ground and defend one of his own against political and personal attacks. This point is not to be underestimated as President Obama continues to be accused by principled progressives of collusion and collaboration with Republicans on deficit reduction, cuts to vital social programs and other austerity-related policies. Essentially, Obama is able to use Rice as a shield, deflecting attention away from his destructive economic and political policies in favor of the much more manageable “controversy” about Susan Rice.

    »Additionally, by keeping Rice within the top leadership of the administration, Obama also is able to create the false dichotomy between African-American woman Susan Rice, and the almost entirely white male Republican Party. In so doing, Obama insulates himself and his administration further by adding the socio-cultural element into the equation; Obama forces white male Republicans to attack Rice and consequently, left liberals to defend her. This kabuki theater politics has typified the clever tactics of the current administration: playing to its strengths by using the Republicans as a foil.

    »Of course, what should not be lost on readers is the fact that not one of the “harshest” attacks on Susan Rice has ever questioned the fundamental thinking that underlies her entire world-view: that the United States must use military force, hegemony, and coercion to maintain and expand its imperial posture and protect the interests of Wall Street, London, and the multinational corporations. Obama’s appointment of Rice is far more than a “defiant gesture,” it is a validation and ringing endorsement of the “humanitarian war” and “Responsibility to Protect (R2P)” doctrine espoused by Rice since the Clinton administration. It is an unequivocal affirmation of the “righteousness” of US-NATO’s savage war on Libya and continued destabilization and subversion of Syria. It is the proclamation of a continued and sustained neo-colonial presence in Africa. It is here that we can clearly identify the true significance of this appointment. »

    Draitzer cite ces mots de Landler, dans l’article du NYT déjà référencé, où il est rappelé que Rice ne devra pas passer devant le Sénart pour confirmation de sa nomination : «It is also a defiant gesture to Republicans who harshly criticized Ms. Rice for presenting an erroneous account of the deadly attacks on the American mission in Benghazi, Libya. The post of national security adviser, while powerful, does not require Senate confirmation.» Landler, lui, cite ces mots d’Obama, lors de sa présentation de la nomination de Rice, – qui marquent un étrange contrepoint des déclarations dépressives de Kerry (mais entendent également signifier aux républicains qu’ils n’ont aucune chance contre lui s’ils entendent le critiquer, comme ils l’ont fait ces derniers jours, pour sa prétendue “mollesse” en politique extérieure type-interventionnisme humanitaire) : «With her background as a scholar, Susan understands that there’s no substitute for American leadership. She is at once passionate and pragmatic. I think everybody understands Susan is a fierce champion for justice and human dignity, but she’s also mindful that we have to exercise our power wisely and deliberately.»

    Le florilège de Rice comme ambassadrice des USA à l’ONU est connue et relève effectivement, lorsqu’il s’est agi du veto russo-chinois du 4 février 2012, d’une dialectique proche de l’insulte que les Russes n’ont certainement pas oubliée. Le 5 février 2012w, Rice faisait ces déclarations à la radio nationale NPR : «Russia and China blocked a U.N. Security Council resolution that would have condemned the Syrian government for attacks against civilians. U.S. Ambassador Susan Rice said the United States was “disgusted” by the double veto.

    »“The international community must protect the Syrian people from this abhorrent brutality,” she said Saturday. “But a couple members of this council remain steadfast in their willingness to sell out the Syrian people and shield a craven tyrant.” “We'll have to see if Russia and China, when they feel the full weight of the outrage of response to their actions in the region and in Syria, change course,” she says. “And if they don't, we will certainly look at every means at our disposal to increase pressure on Assad. His days are numbered. There's no question that this regime cannot endure. The only question is how many people will die before it ends.”»

    Quelques mois plus tard, elle se signalait encore, après un nouveau veto russo-chinois, par son affirmation que les USA devaient suivre une voie absolument illégale selon les lois internationales, pour accomplir leur grande politique humanitaire (sur Alternet.org, le 21 juillet 2012 : «In the wake of the Russian and Chinese veto, US Ambassador to the UN Susan Rice said Washington would “intensify” its efforts “outside the Security Council” to bring pressure to bear on Assad, and assist “those in need.”»

    Au vu de ces divers éléments, on est en droit de s’interroger sur la substance et l’orientation réelles de la politique des USA, si effectivement il y a orientation et substance. La nomination de Rice-Powell signifie-t-elle un durcissement de la politique syrienne d’Obama, et un acte que les Russes jugeront peu encourageant, sinon inamical ? Certes, on pourrait le penser et l’on ne s’en privera pas, en relevant aussitôt que la chose se produit au moment où Kerry reconnaît qu’il n’y a d’autre voie que celle de la diplomatie, qu’il faut arriver à réunir la conférence Genève-II, ce qui requiert la pleine coopération des Russes ; au moment, encore, où la Maison-Blanche ne cesse d’accueillir les nouvelles concernant l’usage du chimique par des fins de non-recevoir en affirmant que les preuves sont insuffisantes, pour ne pas se laisser entraîner dans l’amorce d’un engagement dans un processus d’intervention ; au moment où l’allié turc, si nécessaire pour son rôle dans l’usine à gaz des “Amis de la Syrie”, se trouve dans la situation qu’on sait...

    Cela observé avec une consternation sans trop de préoccupation, tant la décision d’Obama s’inscrit bien, après tout et pour juger de plus haut, dans l’inconsistance entropique de la politique du bloc BAO, il ne faut pas du tout négliger l’aspect intérieur mis en évidence par Landler et repris par Draitzer. Il est très possible qu’il y ait une fine manœuvre d’Obama dans la volonté d’affronter, éventuellement de lancer une contre-offensive en direction des républicains par un mélange de provocation (Rice considérée comme une des principales fautives-coupables dans l’affaire de Benghazi) et de surenchère (Rice-Power, super-humanitarian hawks). On jugerait alors que cela pourrait diviser ces mêmes républicains, – les super-humanitarian hawks du type McCain-Graham pouvant après tout préférer abandonner l’affaire de Benghazi que le parti républicain tente d’exploiter au maximum contre Obama, pour ne pas affaiblir l’administration Obama au moment où le couple Rice-Power pourrait être soutenue pour faire pression, pour une politique agressive en Syrie. On en déduirait également qu’Obama est prêt à faire beaucoup de choses pour éviter qu’on poursuivre la guérilla dans le cadre des divers éléments du Scandalgate...

    “Cela observé avec...”, etc., on rappellera finalement que tous ces sapiens divers qui s’agitent ne peuvent pas grand’chose, et pas plus un discours pompeux d’Obama sur le «no substitute for American leadership», pour changer la vérité de la situation en Syrie et alentour (laquelle est reconnue par Kerry, et proclamée par les militaires US). Les USA ne sont pas plus puissants avec Rice-Power et les forces armées restent au niveau qu’on perçoit à l’ombre de la séquestration, les rebelles n’en sont pas moins en position de retraite, les Turcs plongés dans le désordre et ainsi de suite. Par contre, l’arrivée du duo Rice-Power devrait encore plus convaincre Assad et ses alliés divers, notamment du Hezbollah, qu’il importe plus que jamais de pousser leur avantage. C’est-à-dire que nous ne sommes plus à l’époque où l’on faisait la politique qu’on voulait, en y créant les événements à mesure, mais celle où l’on ne peut faire que la politique qui est permise par des événements que plus personne ne contrôle et qui prennent un tour de plus en plus inquiétant pour “les Amis de la Syrie”.

    Un dernier point à observer avec la nomination de Rice, c’est de constater qu’elle recèle une réelle aggravation des relations USA-Russie. La personnalité et le curriculum vitae de Rice, avec les insultes onusiennes, en sont une des causes ; une autre, plus précisément, est sa nouvelle position à la tête du NSC. C’est par ce canal qu’il contrôlait bien, avec Tom Donilon, qu’Obama a tenté ces derniers mois de lancer une “diplomatie personnelle” d’entente et d’accommodement avec Poutine. Donilon servait de relais de cette politique du côté US, et les Russes n’y avaient rien à redire... Peut-on voir, et croire que Rice jouerait ce rôle à la complète satisfaction des Russes ? On ne serait pas étonné si les Russes, et Poutine-Lavrov précisément, voyaient la nomination de Rice, dans ce cadre en plus de celui de la Syrie, comme un développement incompréhensible et irrationnel pour eux, et de toutes les façons hostile, qui enterre par avance toute possibilité de cette sorte d’accord que recherche Obama.

    Le résultat net de l’opération est donc un peu plus d’impuissance, un peu plus de paralysie, un peu plus de désordre et de politique extérieure réduite à l’état de bouillie de chats, un peu plus de probabilité d'aggravation de la situation de désordre en Syrie et alentour, un peu plus de possibilités de heurt avec les Russes, un peu plus de discrédit des USA... On y ajoutera la possibilité, également, de désaccords au sein du gouvernement US, où ni Kerry, ni les militaires n’apprécieront nécessairement l’arrivée de Rice. Par contre, le ministre français Fabius, une fois informé par une petite fiche ou l’autre d’un de ses experts, y verra confirmation de son audace et de sa sagesse.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Hollande le va-t-en-guerre n’est pas mon président

    PARIS (NOVOpress) – Les Français qui s’intéressent un peu à la politique extérieure ne comprennent pas ce qui pousse François Hollande à se démener autant pour guerroyer en Syrie.

    Dès le somment du G20 en juin 2012, un mois à peine après son élection, Hollande insista pour faire reconnaître la rébellion armée comme seule représentative de la légitimité syrienne. Depuis lors, Hollande, encouragé par son ministre des Affaires Étrangères Laurent Fabius, ne cesse de promouvoir la rébellion syrienne et de réclamer des armes pour celle-ci.

    Lors de la Conférence des Ambassadeurs, le 27 août 2012, Hollande s’était engagé à “reconnaître le gouvernement provisoire lorsqu’il aura été formé“. Ainsi donc notre chef d’État reconnait un gouvernement avant même qu’il ait été formé, contre le gouvernement en place de Bachar el-Assad. Ce qu’il fit du reste le 13 novembre en reconnaissant le gouvernement fantoche bricolé à Doha (Qatar) le 11 novembre. Même les États-Unis n’ont pas osé le faire.

    A chacune des réunions internationales auxquelles il participe, Hollande ressasse qu’il faut armer les rebelles.

    Ces derniers jours Hollande argue très activement et très précipitamment de l’utilisation de gaz sarin en Syrie pour parvenir à livrer — enfin — des armes à destination des rebelles. Outre que ces preuves sont bien minces, nous nous rappelons que Colin Powell, Secrétaire d’État des États-Unis, avait œuvré pour déclencher la deuxième guerre en Irak sur des manipulations grossières relatives à des armes de destruction massive, photos truquées à l’appui.

    Cette posture de François Hollande est tout aussi opaque qu’inconsistante :

    • l’engagement militaire n’est pas approuvé par l’Assemblée Nationale, encore moins par le peuple français qui désapprouve du reste très majoritairement le soutien de la France aux rebelles
    • cet engagement très lourd de conséquences ne fait pas partie des promesses électorales de Hollande : notre président ébranle la France entière pour imposer au forceps le mariage homosexuel au motif que c’est une promesse de campagne, mais la guerre en Syrie ne faisait pas partie de ses promesses électorales ; Hollande retire les troupes combattantes d’Afghanistan, mais souhaite les engager en Syrie ; pour quelles raisons ?
    • qui paiera ces armes, si elles sont livrées ?
    • puis une fois livrées, entre quelles mains finiront-elles ?
    • quelle est la cohérence à soutenir la rébellion islamiste en Syrie et à la combattre au Mali ?
    • à l’heure où il apparaît que la rébellion syrienne perd la bataille, pourquoi s’entêter à soutenir les perdants ?
    • pourquoi prendre le risque de se mettre à dos la plupart des pays européens, la Russie et la Chine ? Sans compter bien entendu le peuple syrien qui gardera longtemps une douloureuse rancœur à l’égard de la France.

    Vauvenargues notait : « Le vice fomente la guerre ; la vertu combat. » Hollande ou Fabius enverraient-ils leur fils combattre en Syrie aux côtés des rebelles ?

    Décidément, Hollande le va-t-en-guerre n’est pas mon président.

    Fernand Jourdan http://fr.novopress.info/

  • Le vent de l’Est redouté par les USA

    L’art de la guerre

    Le sommet « informel » entre le président Obama et le président chinois Xi Jinping, les 7et 8 juin en Californie, sera retransmis en mondovision selon la mise en scène washingtonienne de la chaude atmosphère familiale, assaisonnée de sourires et facéties. Mais, les caméras des télés étant éteintes, le ton changera. De nombreuses questions brûlantes sont sur le tapis.

    Les USA, au premier rang mondial dans les investissements directs étrangers (Ide), ont investi plus de 55 milliards de dollars en Chine (première destination mondiale des Ide), où les multinationales étasuniennes ont de plus en plus délocalisé leur production manufacturière, dont une grande partie est ensuite réimportée aux USA. De cette façon cependant les Etats-Unis ont contracté à l’égard de la Chine un déficit commercial qui en 2012 a dépassé les 315 milliards de dollars, 20 de plus par rapport à 2011. Les investissements chinois aux Etats-Unis sont bien plus petits, à cause surtout des restrictions imposées : on permet aux sociétés chinoises, par exemple, d’investir dans le secteur alimentaire (un groupe de Shanghai vient à peine d’acheter le plus gros producteur étasunien de viande porcine), mais le secteur des télécommunications reste off limits pour eux.  Washington accuse en outre la Chine d’avoir pénétré avec ses hackers dans les systèmes informatiques étasuniens, en dérobant les données relatives à une vingtaine des systèmes d’arme les plus avancés.

    L’économie chinoise, arrivée au second rang mondial avec un revenu national brut de presque la moitié de celui des USA, est de plus en plus dynamique : non seulement sa capacité productive est impressionnante (elle exporte chaque année un milliard de téléphones mobiles et 20 milliards de vêtements), mais elle investit aussi de plus en plus dans des pays d’importance stratégique pour les USA.

    Après avoir dépensé dans les guerres en Irak et en Afghanistan 6mille milliards de dollars et s’être avec cela lourdement endettés, les Etats-Unis voient à présent la Chine économiquement de plus en plus présente dans ces pays.  En Irak, non seulement elle achète environ la moitié du pétrole produit, mais elle effectue à travers des compagnies étatiques de gros investissements dans l’industrie pétrolifère, pour plus de 2 milliards de dollars annuels. Pour le transport du personnel technique chinois a été construit un aéroport spécifique aux environs de la frontière iranienne. La carte gagnante des compagnies chinoises est que, à la différence de la société étasunienne ExxonMobil et d’autres compagnies occidentales, elles acceptent des contrats pour l’exploitation des gisements à des conditions beaucoup plus avantageuses pour l’Etat irakien, en ne misant pas sur le profit mais sur le fait de pouvoir avoir du pétrole, dont la Chine est devenue le principal importateur mondial. En Afghanistan, des compagnies chinoises sont en train d’investir surtout dans le secteur minier, après que des géologues du Pentagone ont découvert de riches gisements de lithium, cobalt, or et autres métaux.

    De plus en plus en difficulté dans la compétition économique, les USA jettent leur épée sur le plateau de la balance. A la veille du sommet, le secrétaire à la défense Hagel a « rassuré les alliés asiatiques face à la croissance militaire chinoise », en promettant que, malgré l’austérité, les USA déploieront dans la région Asie/Pacifique des forces dotées des technologies militaires les plus avancées : unités navales à armes laser, navires de combat côtier, chasseurs F-35 et autres. Les navires de guerre déployés dans le Pacifique, qui constituent aujourd’hui la moitié des cent déployés (sur un total de 283), seront augmentés ultérieurement. Ainsi, souligne Hagel, les Etats-Unis conserveront « une marge décisive de supériorité militaire ».

    À laquelle s’agrippe, pour lutter contre son déclin, l’empire américain[1] d’Occident.

    Manlio Dinucci

    Edition de mardi 4 juin 2013 de il manifesto

    http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130604/manip2pg/14/manip2pz/341237/

    Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

    Manlio Dinucci est géographe et journaliste.

    [1] L’adjectif américain est ici volontairement employé en référence au déclin de l’empire romain d’Occident (NdT).

    http://www.mondialisation.ca

  • L’ASL et le Front Al Nosra sont appuyés par le gouvernement américain

    Nous le savions tous. Mais il semble que les Américains eux même commencent à s’en rendre compte.

  • Afghanistan : Drogue, pétrole et guerre

    Peter Dale Scott poursuit son analyse du système de domination US. Lors d’une conférence moscovite, il a résumé le résultat de ses recherches sur le financement de ce système par les drogues et les hydrocarbures. Bien que tout soit déjà connu, la vérité est toujours aussi difficile à admettre.

    J’ai prononcé le discours suivant à une conférence anti-OTAN, qui fut organisée à Moscou l’année dernière. J’étais le seul intervenant états-unien lors de cet événement. On m’y avait convié suite à la parution en russe de mon livre Drugs, Oil, and War – un ouvrage jamais traduit en français, contrairement à La Route vers le nouveau désordre mondial et à mon dernier livre, La Machine de guerre américaine –. [1] En tant qu’ancien diplomate préoccupé par la paix, j’étais heureux d’y participer. En effet, il me semble que le dialogue entre les intellectuels états-uniens et russes soit moins sérieux aujourd’hui qu’il ne l’était au paroxysme de la guerre froide. Pourtant, les dangers d’une guerre impliquant les deux principales puissances nucléaires n’ont visiblement pas disparu.

    En réponse au problème des crises interconnectées que sont la production de drogue afghane et le jihadisme salafiste narco-financé, mon discours exhortait les Russes à coopérer dans un cadre multilatéral avec les États-uniens partageant cette volonté —malgré les activités agressives de la CIA, de l’OTAN et du SOCOM (pour US Special Operations Command) en Asie centrale—. Cette position divergeait de celles des autres intervenants.

    Depuis cette conférence, j’ai continué de réfléchir en profondeur sur l’état dégradé des relations entre la Russie et les États-Unis, et sur mes espoirs légèrement utopiques de les restaurer. Malgré les différents points de vue des conférenciers, ils avaient tendance à partager une grande inquiétude sur les intentions états-uniennes envers la Russie et les anciens États de l’URSS. Cette anxiété commune se fondait sur ce qu’ils savaient des actions antérieures des États-Unis, et de leurs engagements non tenus. En effet, contrairement à la plupart des citoyens de ce pays, ils étaient bien informés sur ces questions.

    L’assurance que l’OTAN ne profiterait pas de la détente pour s’étendre en Europe de l’Est est un important exemple de promesse non tenue. Évidemment, la Pologne et d’autres anciens membres du Pacte de Varsovie sont aujourd’hui intégrés au sein de l’Alliance atlantique, tout comme les anciennes Républiques socialistes soviétiques de la Baltique. Par ailleurs, des propositions visant à faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN sont toujours d’actualité, ce pays étant le véritable cœur de l’ancienne Union soviétique. Ce mouvement d’extension vers l’Est fut accompagné d’activités et d’opérations conjointes alliant les troupes US aux forces armées et sécuritaires de l’Ouzbékistan —dont certaines furent organisées par l’OTAN—. (Ces deux initiatives commencèrent en 1997, sous l’administration Clinton.)

    Nous pouvons citer d’autres ruptures d’engagements, comme la conversion non autorisée d’une force des Nations Unies en Afghanistan (approuvée en 2001 par la Russie) en une coalition militaire dirigée par l’OTAN. Deux intervenants critiquèrent la détermination des États-Unis à installer en Europe de l’Est un bouclier antimissile contre l’Iran, refusant les suggestions russes de le déployer en Asie. Selon eux, cette intransigeance constituait « une menace pour la paix mondiale ».

    Les conférenciers percevaient ces mesures comme des extensions agressives du mouvement qui, depuis Washington, visait à détruire l’URSS sous Reagan. Certains des orateurs avec qui j’ai pu échanger considéraient que, pendant les deux décennies suivant la Seconde Guerre mondiale, la Russie avait été menacée par des plans opérationnels des États-Unis et de l’OTAN pour une première frappe nucléaire contre l’URSS. Ils auraient pu être exécutés avant que la parité nucléaire ne soit atteinte, mais ils ne furent évidemment jamais mis en œuvre. Malgré tout, mes interlocuteurs étaient persuadés que les faucons ayant voulu ces plans n’avaient jamais abandonné leur désir d’humilier la Russie, et de la réduire au rang de tierce puissance. Je ne peux réfuter cette inquiétude. En effet, mon dernier livre, intitulé La Machine de guerre américaine , décrit également des pressions continuelles visant à établir et à maintenir la suprématie des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale.

    Les discours prononcés à cette conférence ne se limitaient en aucun cas à critiquer les politiques menées par les États-Unis et l’Alliance atlantique. En effet, les intervenants s’opposaient avec une certaine amertume au soutien de Vladimir Poutine pour la campagne militaire de l’OTAN en Afghanistan, qu’il avait exprimé le 11 avril 2012. Ils étaient particulièrement révoltés par le fait que Poutine ait approuvé l’installation d’une base de l’Alliance atlantique à Oulianovsk, située à 900 kilomètres à l’est de Moscou. Bien que cette base ait été « vendue » à l’opinion publique russe comme un moyen de faciliter le retrait états-unien d’Afghanistan, l’un des conférenciers nous assura que l’avant-poste d’Oulianovsk était présenté dans les documents de l’OTAN comme une base militaire. Enfin, les intervenants se montraient hostiles aux sanctions onusiennes contre l’Iran, qui étaient inspirées par les États-Unis. Au contraire, ils considéraient ce pays comme un allié naturel contre les tentatives états-uniennes de concrétiser le projet de domination globale de Washington.

    Mis à part le discours suivant, je suis resté silencieux durant la majeure partie de cette conférence. Cependant mon esprit, voire ma conscience, sont perturbés lorsque je songe aux récentes révélations sur Donald Rumsfeld et Dick Cheney. En effet, immédiatement après le 11-Septembre, ces derniers ont mis en œuvre un projet visant à faire tomber de nombreux gouvernements amis de la Russie —dont l’Irak, la Libye, la Syrie et l’Iran—. [2] (Dix ans plus tôt, au Pentagone, le néoconservateur Paul Wolfowitz avait déclaré au général Wesley Clark que les États-Unis disposaient d’une fenêtre d’opportunité pour se débarrasser de ces clients de la Russie, dans la période de restructuration de ce pays suite à l’effondrement de l’URSS. [3]) Ce projet n’a toujours pas été finalisé en Syrie et en Iran.

    Ce que nous avons pu observer sous Obama ressemble beaucoup à la mise en œuvre progressive de ce plan. Toutefois, il faut admettre qu’en Libye, et à présent en Syrie, Obama a montré de plus grandes réticences que son prédécesseur à envoyer des soldats sur le terrain. (Il a tout de même été rapporté que, sous sa présidence, un nombre restreint de forces spéciales US ont opéré dans ces deux pays, afin d’attiser la résistance contre Kadhafi puis contre Assad.)

    Plus particulièrement, l’absence de réaction des citoyens des États-Unis face au militarisme agressif et hégémoniste de leur pays me préoccupe. Ce bellicisme permanent, que j’appellerais le « dominationisme », est prévu sur le long terme dans les plans du Pentagone et de la CIA. [4] Sans aucun doute, de nombreux États-uniens pourraient penser qu’une Pax Americana globale assurerait une ère de paix, à l’image de la Pax Romana deux millénaires auparavant. Je suis persuadé du contraire. En effet, à l’instar de la Pax Britannica du XIXe siècle, ce dominationisme conduira inévitablement à un conflit majeur, potentiellement à une guerre nucléaire. En vérité, la clé de la Pax Romana résidait dans le fait que Rome, sous le règne d’Hadrien, s’était retirée de la Mésopotamie. De plus, elle avait accepté de strictes limitations de son pouvoir dans les régions sur lesquelles elle exerçait son hégémonie. La Grande-Bretagne fit preuve d’une sagesse comparable, mais trop tard. Jusqu’à présent, les États-Unis ne se sont jamais montrés aussi raisonnables.

    Par ailleurs, dans ce pays, très peu de monde semble s’intéresser au projet de domination globale de Washington, du moins depuis l’échec des manifestations de masse visant à empêcher la guerre d’Irak. Nous avons pu constater une abondance d’études critiques sur les raisons de l’engagement militaire des États-Unis au Vietnam, et même sur l’implication états-unienne dans des atrocités telles que le massacre indonésien de 1965. Des auteurs comme Noam Chomsky et William Blum [5] ont analysé les actes criminels des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Cependant, ils ont peu étudié la récente accélération de l’expansionnisme militaire états-unien. Seule une minorité d’auteurs, comme Chalmers Johnson et Andrew Bacevich, ont analysé le renforcement progressif de la Machine de guerre américaine qui domine aujourd’hui les processus politiques des États-Unis.

    De plus, il est frappant de constater que le jeune mouvement Occupy se soit si peu exprimé sur les guerres d’agression que mène ce pays. Je doute qu’il ait même dénoncé la militarisation de la surveillance et du maintien de l’ordre, ainsi que les camps de détention. Or, ces mesures sont au cœur du dispositif de répression intérieure qui menace sa propre survie. [6] Je fais ici référence à ce que l’on appelle le programme de « continuité du gouvernement » (COG pour « Continuity of Government »), à travers lequel les planificateurs militaires US ont développé des moyens de neutraliser définitivement tout mouvement antiguerre efficace aux États-Unis. [7]

    En tant qu’ancien diplomate canadien, si je devais retourner en Russie, j’en appellerais de nouveau à une collaboration entre les États-Unis et ce pays afin d’affronter les problèmes mondiaux les plus urgents. Notre défi est de dépasser ce compromis rudimentaire qu’est la détente, cette soi-disant « coexistence pacifique » entre les superpuissances. En réalité, cette entente vieille d’un demi-siècle a permis —et même encouragé— les atrocités violentes de dictateurs clients, comme Suharto en Indonésie ou Mahamed Siyaad Barre en Somalie. Il est probable que l’alternative à la détente, qui serait une rupture complète de celle-ci, mène à des confrontations de plus en plus dangereuses en Asie —très certainement en Iran—.

    Néanmoins, cette rupture peut-elle être évitée ? Voilà que je me demande si je n’ai pas minimisé l’intransigeance hégémoniste des États-Unis. [8] À Londres, j’ai récemment discuté avec un vieil ami, que j’avais rencontré durant ma carrière diplomatique. Il s’agit d’un diplomate britannique de haut rang, qui est un expert de la Russie. J’espérais qu’il aurait modéré mon évaluation négative des intentions des États-Unis et de l’OTAN contre ce pays. Or, il n’a fait que la renforcer.

    Ainsi, j’ai décidé de publier mon discours agrémenté de cette préface, qui est destinée aussi bien aux citoyens US qu’au public international. Je pense qu’aujourd’hui, le plus urgent pour préserver la paix mondiale est de restreindre le mouvement des États-Unis vers l’hégémonie incontestée. Au nom de la coexistence dans un monde pacifié et multilatéral, il faut donc raviver l’interdiction par l’ONU des guerres préemptives et unilatérales.

    Dans cet objectif, j’espère que les citoyens des États-Unis se mobiliseront contre le dominationisme de leur pays, et qu’ils en appelleront à une déclaration politique de l’administration ou du Congrès. Cette déclaration :

    1) renoncerait explicitement aux appels antérieurs du Pentagone faisant de la « suprématie totale » (« full spectrum dominance ») un objectif militaire central dans la politique étrangère des États-Unis ; [9]

    2) rejetterait comme étant inacceptable la pratique des guerres préventives, aujourd’hui profondément enracinée ;

    3) renoncerait catégoriquement à tout projet états-unien d’utilisation permanente de bases militaires en Irak, en Afghanistan ou au Kirghizstan ;

    4) réengagerait les États-Unis à mener leurs futures opérations militaires en accord avec les procédures établies par la Charte des Nations Unies.

    J’encourage mes concitoyens à me rejoindre afin d’exhorter le Congrès à introduire une résolution dans ce but. Initialement, une telle démarche pourrait ne pas aboutir. Cependant, il est possible qu’elle contribue à recentrer le débat politique US vers un sujet qui est selon moi urgent et peu débattu : l’expansionnisme des États-Unis, et la menace contre la paix globale qui en découle aujourd’hui.

    Discours à la conférence d’Invissin sur l’OTAN
    (Moscou, 15 mai 2012)

    Avant tout, je remercie les organisateurs de cette conférence de me permettre de parler du grave problème qu’est le narcotrafic d’Afghanistan. Aujourd’hui, il constitue une menace aussi bien pour la Russie que pour les relations entre ce pays et les États-Unis. Je vais donc discuter de politique profonde selon les perspectives de mon livre Drugs, Oil, and War, mais aussi de mon dernier ouvrage (La Machine de guerre américaine ) et du précédent (La Route vers le nouveau désordre mondial ). Ces livres analysent notamment les facteurs sous-tendant le trafic de drogue international ainsi que les interventions US, deux phénomènes préjudiciables à la fois au peuple russe et au peuple états-unien. Je parlerai également du rôle de l’OTAN dans la facilitation des stratégies visant à établir la suprématie des États-Unis sur le continent asiatique. Mais d’abord, je voudrais analyser le trafic de drogue à l’aune d’un important facteur, qui s’avère déterminant dans mes livres. Il s’agit du rôle du pétrole dans les politiques asiatiques des États-Unis, et également de l’influence d’importantes compagnies pétrolières alignées sur les intérêts de ce pays, dont British Petroleum (BP).

    Derrière chaque offensive récente des États-Unis et de l’OTAN, l’industrie pétrolière fut une force profonde déterminante. Pour l’illustrer, songeons simplement aux interventions en Afghanistan (2001), en Irak (2003) et en Libye (2011). [10]

    J’ai donc étudié le rôle des compagnies pétrolières et de leurs représentants à Washington —dont les lobbies—, dans chacune des grandes interventions des États-Unis depuis le Vietnam dans les années 1960. [11] Le pouvoir des compagnies pétrolières US nécessiterait quelques explications à un public venant de Russie, où l’État contrôle l’industrie des hydrocarbures. Aux États-Unis, c’est pratiquement l’inverse. En effet, les compagnies pétrolières tendent à dominer aussi bien la politique étrangère de ce pays que le Congrès. [12] Ceci explique pourquoi les présidents successifs, de Kennedy à Obama en passant par Reagan, ont été incapables de limiter les avantages fiscaux des compagnies pétrolières garantis par la « oil depletion allowance » —y compris dans le contexte actuel, où la plupart des États-uniens sombrent dans la pauvreté—. [13]

    Les activités US en Asie centrale, dans des zones d’influence traditionnelles de la Russie telles que le Kazakhstan, ont un fondement commun. En effet, depuis une trentaine d’années (voire plus), les compagnies pétrolières et leurs représentants à Washington ont montré un grand intérêt dans le développement, et surtout dans le contrôle des ressources gazières et pétrolières sous-exploitées du bassin Caspien. [14] Dans cet objectif, Washington a développé des politiques ayant eu comme résultat la mise en place de bases avancées au Kirghizstan et, pendant quatre ans, en Ouzbékistan (2001-2005). [15] Le but affiché de ces bases était de soutenir les opérations militaires des États-Unis en Afghanistan. Néanmoins, la présence états-unienne encourage aussi les gouvernements des nations avoisinantes à agir plus indépendamment de la volonté russe. Nous pouvons citer comme exemple le Kazakhstan et le Turkménistan, ces deux pays étant des zones d’investissements gaziers et pétroliers pour les compagnies US.

    Washington sert les intérêts des compagnies pétrolières occidentales, pas seulement du fait leur influence corruptrice sur l’administration, mais parce que la survie de l’actuelle pétro-économie US dépend de la domination occidentale du commerce mondial du pétrole. Dans l’un de mes livres, j’analyse cette politique, en expliquant comment elle a contribué aux récentes interventions des États-Unis, mais aussi à l’appauvrissement du Tiers-Monde depuis 1980. En substance, les États-Unis ont géré le quadruplement des prix du pétrole dans les années 1970 en organisant le recyclage des pétrodollars dans l’économie états-unienne, au moyen d’accords secrets avec les Saoudiens. Le premier de ces accords assurait une participation spéciale et continuelle de l’Arabie saoudite dans la santé du dollar US ; le second sécurisait le soutien permanent de ce pays dans la tarification intégrale du pétrole de l’OPEP en dollars. [16] Ces deux accords garantissaient que l’économie des États-Unis ne serait pas affaiblie par les hausses de prix du pétrole de l’OPEP. Le plus lourd fardeau pèserait au contraire sur les économies des pays les moins développés. [17]

    Le dollar US, bien qu’étant en cours d’affaiblissement, dépend encore en grande partie de la politique de l’OPEP imposant cette monnaie pour régler le pétrole de cette organisation. Nous pouvons mesurer avec quelle force les États-Unis sont capables d’imposer cette politique en observant le destin des pays ayant décidé de la remettre en cause. « En 2000, Saddam Hussein insista pour que le pétrole irakien soit vendu en euros. Ce fut une manœuvre politique, mais qui augmenta les revenus récents de l’Irak grâce la hausse de la valeur de l’euro par rapport au dollar. » [18] Trois ans plus tard, en mars 2003, les États-Unis envahirent ce pays. Deux mois après, le 22 mai 2003, Bush décréta par un ordre exécutif que les ventes de pétrole irakien devaient s’effectuer de nouveau en dollars, et non en euros. [19]

    Selon un article russe, peu avant l’intervention de l’OTAN en Libye début 2011, Mouammar Kadhafi avait manœuvré pour refuser le dollar comme monnaie de règlement du pétrole libyen, à l’instar de Saddam Hussein. [20] En février 2009, l’Iran annonça avoir « complètement cessé de conduire les transactions pétrolières en dollars US. » [21] Les véritables conséquences de cette audacieuse décision iranienne n’ont pas encore été observées. [22]

    J’insiste sur le point suivant : chaque intervention récente des États-Unis et de l’OTAN a permis de soutenir la suprématie déclinante des compagnies pétrolières occidentales sur le système pétrolier global, donc celui des pétrodollars. Néanmoins, je pense que les compagnies pétrolières elles-mêmes sont capables d’initier, ou au moins de contribuer à des interventions politiques. Comme je l’ai mentionné dans mon livre Drugs, Oil, and Wars (p.8) :

    « De façon récurrente, les compagnies pétrolières US sont accusées de se lancer dans des opérations clandestines, soit directement, soit par le biais d’intermédiaires. En Colombie (comme nous le verrons), une entreprise de sécurité états-unienne travaillant pour Occidental Petroleum participa à une opération militaire de l’armée colombienne, ‘qui tua 18 civils par erreur.’ »

    Pour citer un exemple plus proche de la Russie, j’évoquerais une opération clandestine de 1991 en Azerbaïdjan, qui est un exemple classique de politique profonde. Dans ce pays, d’anciens collaborateurs de la CIA, qui étaient employés par une entreprise pétrolière douteuse (MEGA Oil), « se lancèrent dans des entraînements militaires, distribuèrent des ‘sacs remplis d’argent liquide’ à des membres du gouvernement, et mirent en place une compagnie aérienne […] qui permit bientôt à des centaines de mercenaires moudjahidines d’être acheminés dans ce pays depuis l’Afghanistan. » [23] À l’origine ces mercenaires, finalement estimés à environ 2 000, furent employés pour combattre les forces arméniennes soutenues par la Russie dans la région disputée du Haut-Karabagh. Mais ils appuyèrent aussi les combattants islamistes en Tchétchénie et au Daguestan. Ils contribuèrent également à faire de Bakou un point de transbordement de l’héroïne afghane à la fois vers le marché urbain de Russie et vers la mafia tchétchène. [24]

    En 1993, ils participèrent au renversement d’Abulfaz Elchibey, le premier président élu de l’Azerbaïdjan, et à son remplacement par Heydar Aliyev. Ce dernier signa ensuite un important contrat pétrolier avec BP, incluant ce qui devint finalement l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan reliant ce pays à la Turquie. Il faut souligner que les origines états-uniennes des agents de MEGA Oil sont indiscutables. En revanche, nous ne savons pas exactement qui a financé cette entreprise. Il aurait pu s’agir des majors pétrolières, la plupart d’entre elles disposant (ou ayant disposé) de leurs propres services clandestins. [25] Certaines entreprises pétrolières importantes, incluant Exxon, Mobil et BP, ont été accusées d’être « derrière le coup d’État » ayant conduit au remplacement d’Elchibey par Aliyev. [26]

    De toute évidence, Washington et les majors pétrolières pensent que leur survie dépend du maintien de leur actuelle suprématie sur les marchés pétroliers internationaux. Dans les années 1990, alors que l’on localisait généralement les plus grandes réserves non prouvées d’hydrocarbures dans le bassin Caspien, cette région devint centrale à la fois pour les investissements pétroliers des entreprises US et pour l’expansion sécuritaire des États-Unis. [27]

    S’exprimant en tant que secrétaire d’État adjoint, Strobe Talbott, un proche ami de Bill Clinton, tenta de mettre en avant une stratégie raisonnable pour assurer cette expansion. Dans un important discours prononcé le 21 juillet 1997,

    « Talbott exposa les quatre aspects d’un [potentiel] soutien des États-Unis pour les pays du Caucase et de l’Asie centrale : 1) la promotion de la démocratie ; 2) la création d’économies de marché ; 3) le parrainage de la paix et de la coopération, au sein et parmi les pays de la région et 4) leur intégration dans la plus vaste communauté internationale. […] Critiquant avec virulence ce qu’il considère être une conception dépassée de la compétition dans le Caucase et en Asie centrale, M. Talbott mit en garde quiconque envisagerait le ‘Grand Jeu’ comme grille de lecture de la région. Au contraire, il proposa une entente dans laquelle chacun sortirait gagnant de la coopération. » [28]

    Mais cette approche multilatérale fut immédiatement attaquée par des membres des deux partis. Seulement trois jours plus tard, Heritage Foundation, le cercle de réflexion droitisant du Parti républicain, répondit que « [l]’administration Clinton, désireuse d’apaiser Moscou, rechignait à exploiter l’opportunité stratégique de sécuriser les intérêts des États-Unis dans le Caucase.  » [29] En octobre 1997, cette critique trouva son écho dans Le Grand Échiquier, un important ouvrage écrit par l’ancien conseiller à la Sécurité nationale Zbigniew Brzezinski. Ce dernier est certainement le principal opposant à la Russie au sein du Parti démocrate. Admettant que « la politique étrangère [états-unienne devrait] […] favoriser les liens nécessaires à une vraie coopération mondiale », il défendait toutefois dans son livre la notion de « Grand Jeu  » rejetée par Talbott. Selon Brzezinski, il était impératif d’empêcher « [l]’apparition d’un concurrent en Eurasie, capable de dominer ce continent et de défier [les États-Unis] ». [30]

    En arrière-plan de ce débat, la CIA et le Pentagone développaient à travers l’Alliance atlantique une « stratégie de projection » contraire aux propositions de Talbott. En 1997, dans le cadre du programme « Partenariat pour la Paix » de l’OTAN, le Pentagone démarra des exercices militaires avec l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Kirghizstan. Ce programme constituait « l’embryon d’une force militaire dirigée par l’OTAN dans cette région ». [31] Baptisés CENTRAZBAT, ces exercices envisageaient de potentiels déploiements de forces combattantes états-uniennes. Catherine Kelleher, une assistante du secrétaire adjoint à la Défense, cita « la présence d’énormes ressources énergétiques » comme justification de l’engagement militaire des États-Unis dans cette région. [32] L’Ouzbékistan, que Brzezinski distingua pour son importance géopolitique, devint un pivot pour les exercices militaires états-uniens, bien que ce pays ait l’un des pires bilans en matière de respect des droits de l’Homme dans cette région. [33]

    De toute évidence, la « révolution des tulipes » de mars 2005 au Kirghizstan constitua une autre étape de la doctrine de projection stratégique du Pentagone et de la CIA. Elle s’est déroulée à une époque où George W. Bush parlait fréquemment de « stratégie de projection de la liberté ». Plus tard, alors qu’il visitait la Géorgie, ce dernier approuva ce changement de régime en le présentant comme un exemple de « démocratie et de liberté en pleine expansion ». [34] (En réalité, il ressemblait plus à un coup d’État sanglant qu’à une « révolution ».) Cependant, le régime de Bakiyev « dirigea le pays comme un syndicat du crime », pour reprendre les termes d’Alexander Cooley, un professeur à l’Université de Columbia. En particulier, de nombreux observateurs accusèrent Bakiyev d’avoir pris le contrôle du trafic de drogue local et de le gérer comme une entreprise familiale. [35]

    Dans une certaine mesure, l’administration Obama s’est éloignée de cette rhétorique hégémoniste que le Pentagone appelle la « suprématie totale  » (« full-spectrum dominance »). [36] Toutefois, il n’est pas surprenant de constater que sous sa présidence, les pressions visant à réduire l’influence de la Russie se soient maintenues, comme par exemple en Syrie. En réalité, pendant un demi-siècle, Washington a été divisée en deux camps. D’un côté, une minorité évoluant principalement au Département d’État (comme Strobe Talbott), qui avait envisagé un avenir de coopération avec l’Union soviétique. De l’autre, les faucons hégémonistes, travaillant principalement à la CIA et au Pentagone (comme William Casey, Dick Cheney et Donald Rumsfeld). Ces derniers ont continuellement fait pression pour instaurer aux États-Unis une stratégie unipolaire de domination globale. [37] Dans la poursuite de cet objectif inatteignable, ils n’ont pas hésité à s’allier avec des trafiquants de drogue, notamment en Indochine, en Colombie et à présent en Afghanistan. [38]

    Par ailleurs, ces faucons ont massivement employé les stratégies d’éradication narcotique de la DEA (Drug Enforcement Administration). [39] Comme je l’ai écrit dans La Machine de guerre américaine (p.43),

    «  Le véritable objectif de la plupart de ces campagnes […] n’a jamais été l’idéal sans espoir de l’éradication de la drogue. Il a plutôt consisté à modifier la répartition du marché, c’est-à-dire à cibler des ennemis spécifiques pour s’assurer que le trafic de drogue reste sous le contrôle des trafiquants alliés à l’appareil de la sécurité d’État en Colombie et/ou à la CIA. » [40]

    De manière flagrante, cette tendance s’est vérifiée en Afghanistan, où les États-Unis recrutèrent d’anciens trafiquants de drogue pour qu’ils soutiennent leur invasion de 2001. [41] Plus tard, Washington annonça une stratégie de lutte contre la drogue qui se limitait explicitement à attaquer les trafiquants de drogue qui appuyaient les insurgés. [42]

    Ainsi, ceux qui comme moi se préoccupent de la réduction des flux de drogue venant d’Afghanistan se retrouvent face à un dilemme. En effet, pour être efficaces, les stratégies de lutte contre le trafic de drogue international doivent être multilatérales. En Asie centrale, elles nécessiteront une plus grande coopération entre les États-Unis et la Russie. Mais au contraire, les efforts des principales forces pro-US présentes dans cette région —notamment la CIA, l’US Army, l’OTAN et la DEA—, ont été jusqu’à présent concentrés non pas sur la coopération mais sur l’hégémonie états-unienne.

    Selon moi, la réponse à ce problème résidera dans l’utilisation conjointe de l’expertise et des ressources des deux pays, dans le cadre d’agences bilatérales ou multilatérales qu’aucune partie ne dominera. Une stratégie anti-drogue réussie devra être pluridimensionnelle, comme la campagne qui a été menée avec succès en Thaïlande. De plus, elle nécessitera probablement que les deux pays envisagent la mise en œuvre de stratégies favorables à la population, ce que ni l’un ni l’autre n’a encore concrétisé. [43]

    La Russie et les États-Unis ont beaucoup de caractéristiques communes, et ils partagent de nombreux problèmes. Tous deux sont des super-États, bien que leur prééminence s’affaiblisse face à la Chine émergente. En tant que superpuissances, ces nations cédèrent toutes deux à la tentation de l’aventure afghane, que de nombreux esprits mieux avisés regrettent aujourd’hui. Dans le même temps, ce pays ravagé qu’est devenu l’Afghanistan doit faire face à des problèmes urgents, qui le sont aussi pour ces trois superpuissances. Il s’agit de la menace que constitue la drogue, et du danger correspondant qu’est le terrorisme.

    Il est dans l’intérêt du monde entier de voir la Russie et les États-Unis affronter ces périls de façon constructive et désintéressée. Et espérons que chaque progrès dans la réduction de ces menaces communes sera une nouvelle étape dans le difficile processus de renforcement de la paix.

    Le siècle dernier fut le théâtre d’une guerre froide entre les États-Unis et la Russie, deux superpuissances qui se sont lourdement armées au nom de la défense de leurs peuples respectifs. L’Union soviétique a perdu, ce qui aboutit à une Pax Americana instable, à l’image de la Pax Britannica du XIXe siècle : un dangereux mélange de globalisation commerciale, d’accroissement des disparités de revenus et de richesses, et d’un militarisme brutalement excessif et expansif. Celui-ci provoque de plus en plus de conflits armés (Somalie, Irak, Yémen, Libye), tout en accentuant la menace d’une possible guerre mondiale (Iran).

    Aujourd’hui, afin de préserver leur dangereuse suprématie, les États-Unis sont en train de s’armer contre leur propre population, et plus seulement pour la défendre. [44] Tous les peuples du monde, y compris aux États-Unis, ont comme intérêt l’affaiblissement de cette suprématie en faveur d’un monde plus multipolaire et moins militariste.

    Traduction : Maxime Chaix   http://www.voltairenet.org

    Notes :

    [1] Le chercheur suisse Daniele Ganser – auteur du livre intitulé Les Armées Secrètes de l’OTAN : Réseaux Stay Behind, Opération Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest (Éditions Demi-Lune, Plogastel-Saint-Germain, 2011 [seconde édition]) –, et l’homme politique italien Pino Arlacchi, ancien directeur de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), étaient également invités à cette conférence.

    [2] Initialement, Donald Rumsfeld voulait répondre au 11-Septembre en attaquant non pas l’Afghanistan, mais l’Irak. Selon lui, il n’y avait « pas de cibles convenables en Afghanistan » (Richard Clarke, Against All Enemies, p.31).

    [3] Paul Wolfowitz déclara à Wesley Clark que « nous avons environ cinq ou dix ans devant nous pour nettoyer ces vieux régimes clients des Soviétiques —la Syrie, l’Iran, l’Irak— avant que la prochaine superpuissance ne vienne nous défier » (Wesley Clark, discours au San Francisco Commonwealth Club, 3 octobre 2007). Dix ans plus tard, en novembre 2001, Clark entendit au Pentagone que des plans pour attaquer l’Irak étaient « en discussion dans le cadre d’un plan quinquennal, […] débutant avec l’Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, l’Iran, la Somalie et le Soudan » (Wesley Clark, Winning Modern Wars [Public Affairs, New York, 2003], p.130).

    [4] Le terme « hégémonie » peut avoir un sens léger, connotant une relation amicale dans une confédération, ou un sens hostile. Le mouvement des États-Unis vers l’hégémonie globale, inébranlable et unipolaire est sans précédent, et il mérite d’avoir sa propre appellation. « Dominationisme » est un terme hideux, ayant une forte connotation sexuelle et perverse. C’est pourquoi je l’ai choisi.

    [5] Les livres les plus récents de William Blum sont Killing Hope : U.S. Military and CIA Interventions Since World War II (2003) et Freeing the World to Death : Essays on the American Empire (2004).

    [6] Paul Joseph Watson, « Leaked U.S. Army Document Outlines Plan For Re-Education Camps In America », 3 mai 2012 : « Le manuel énonce clairement que ces mesures s’appliquent également ‘sur le territoire des États-Unis’, sous la direction du [Département de la Sécurité intérieure] et de la FEMA. Ce document ajoute que ‘[l]es opérations de réinstallation peuvent nécessiter l’internement temporaire (moins de 6 mois) ou semi-permanent (plus de 6 mois) d’importants groupes de civils.  »

    [7] Voir Peter Dale Scott, « La continuité du gouvernement étasunien : L’état d’urgence supplante-t-il la Constitution ? » ; Peter Dale Scott, « Continuity of Government’ Planning : War, Terror and the Supplanting of the U.S. Constitution ».

    [8] Il y a deux nuits, j’ai fait un rêve intense et troublant. À la fin de celui-ci, j’observai l’ouverture d’une conférence où j’allais m’exprimer de nouveau, comme à Moscou. Immédiatement après mon discours, le programme de cet événement appelait à discuter de la possibilité que « Peter Dale Scott » soit une fiction servant de sombres objectifs clandestins et qu’en réalité, aucun « Peter Dale Scott » n’existait.

    [9] « La ‘suprématie totale’ (‘full-spectrum dominance’) signifie la capacité des forces US, agissant seules ou avec des alliés, de battre n’importe quel adversaire et de contrôler n’importe quelle situation entrant dans la catégorie des opérations militaires. » (Joint Vision 2020, Département de la Défense, 30 mai 2000 ; cf. « Joint Vision 2020 Emphasizes Full-spectrum Dominance », Département de la Défense).

    [10] De façon indiscutable mais moins évidente, le pétrole —ou plutôt un oléoduc— fut également un facteur conditionnant l’intervention de l’OTAN au Kosovo en 1998. Voir Peter Dale Scott, Drugs, Oil, and War : The United States in Afghanistan, Colombia, and Indochina (Rowman & Littlefield Publishers, Lanham, MD), p.29 ; Peter Dale Scott, « La Bosnie, le Kosovo et à présent la Libye : les coûts humains de la collusion perpétuelle entre Washington et les terroristes », Mondialisation.ca, 17 octobre 2011.

    [11] Scott, Drugs, Oil, and War, pp.8-9, p.11.

    [12] Par exemple, l’entreprise Exxon n’aurait payé aucun impôt fédéral sur le revenu en 2009, à une période de bénéfices presque record pour cette compagnie (Washington Post, 11 mai 2011). Cf. Steve Coll, Private Empire : ExxonMobil and American Power (Penguin Press, New York, 2012), pp.19-20 : « Dans certains pays lointains où elle a fait des affaires, […] l’emprise d’Exxon sur les politiques civiles et sécuritaires locales dépassait celle de l’ambassade des États-Unis. »

    [13] Charles J. Lewis, « Obama again urges end to oil industry tax breaks », Houston Chronicle, 27 avril 2011 ; « Politics News : Obama Urges Congress to End Oil Subsidies », Newsy.com, 2 mars 2012.

    [14] Cf. un article publié en 2001 par le Foreign Military Studies Office de Fort Leavenworth : « La mer Caspienne semble reposer elle-même sur une autre mer —une mer d’hydrocarbures—. […] La présence de ces réserves de pétrole et la possibilité de les exporter fait [sic] naître de nouvelles préoccupations stratégiques pour les États-Unis et les autres puissances occidentales industrialisées. Alors que les compagnies pétrolières construisent un oléoduc du Caucase vers l’Asie centrale pour fournir le Japon et l’Occident, ces préoccupations stratégiques revêtent des implications militaires. » (Lester W. Grau, « Hydrocarbons and a New Strategic Region : The Caspian Sea and Central Asia » (Military Review [May-Juin 2001], p.96) ; cité dans Peter Dale Scott, La Route vers le Nouveau Désordre Mondial (50 ans d’ambitions secrètes des États-Unis) [Éditions Demi-Lune, Paris, 2010], p.51).

    [15] Discussion dans Peter Dale Scott, « Le ‘Projet Jugement dernier’ et les événements profonds : JFK, le Watergate, l’Irangate et le 11-Septembre », Réseau Voltaire, 4 janvier 2012. Des tractations diplomatiques visant à établir une base US au Tadjikistan ont également eu lieu : voir Joshua Kucera, « U.S. : Tajikistan Wants to Host an American Air Base », Eurasia.net, 14 décembre 2010.

    [16] David E. Spiro, The Hidden Hand of American Hegemony : Petrodollar Recycling and International Markets (Ithaca, Cornell UP, 1999), x : « En 1974, [le secrétaire au Trésor William] Simon négocia un accord secret pour que la banque centrale saoudienne puisse acheter des titres du Trésor US en dehors du processus de vente habituel. Quelques années plus tard, le secrétaire au Trésor Michael Blumenthal noua un accord secret avec les Saoudiens, assurant que l’OPEP continuerait de vendre le pétrole en dollars. Ces accords étaient confidentiels car les États-Unis avaient promis aux autres démocraties industrialisées de ne pas poursuivre des politiques unilatérales de ce genre. » Cf. pp.103-12.

    [17] « Aussi longtemps que le pétrole de l’OPEP était vendu en dollars, et que cette organisation les investissait dans des obligations du gouvernement US, ce dernier bénéficiait d’un double prêt. La première part de ce prêt concernait le pétrole. En effet, le gouvernement des États-Unis pouvait imprimer des dollars pour acheter son pétrole. En échange, l’économie US n’avait donc pas à produire de biens et services, jusqu’à leur achat par l’OPEP avec ces dollars. Évidemment, cette stratégie ne pouvait fonctionner si cette monnaie n’avait pas constitué un moyen de régler le pétrole. La seconde part de ce prêt venait des autres économies nationales, qui devaient acquérir des dollars pour acheter leur pétrole, mais qui ne pouvaient imprimer cette monnaie. Celles-ci devaient vendre leurs biens et services afin de posséder les dollars requis pour payer l’OPEP. » (Spiro, Hidden Hand, p.121).

    [18] Carola Hoyos et Kevin Morrison, « Iraq returns to the international oil market », Financial Times, 5 juin 2003. Cf. Coll, Private Empire, p.232 : « À la fin de son règne, un Saddam Hussein désespéré avait signé des contrats de partage de la production [pétrolière] avec des entreprises russes et chinoises, mais ces accords n’ont jamais été mis en œuvre. »

    [19] Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial , pp.265-66. Voir également William Clark, « The Real Reasons Why Iran is the Next Target : The Emerging Euro-denominated International Oil Marker », Global Research, 27 octobre 2004.

    [20] Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial , pp.265-66. Voir également William Clark, « The Real Reasons Why Iran is the Next Target : The Emerging Euro-denominated International Oil Marker », Global Research, 27 octobre 2004.

    [21] « Iran Ends Oil Transactions In U.S. Dollars », CBS News, 11 février 2009.

    [22] En mars 2012, SWIFT, la société qui gère les transactions financières globales, a exclu les banques iraniennes de ce système, conformément aux sanctions de l’ONU et des États-Unis (BBC News, 15 mars 2012). Le 28 février 2012, Business Week déclara que cet acte « pourrait perturber les marchés pétroliers [,] inquiets de la possibilité que les acheteurs ne puissent plus payer les 2,2 millions de barils de pétrole quotidiens du second pays exportateur de l’OPEP. »

    [23] Peter Dale Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial , pp.229-31 ; cf. Scott, Drugs, Oil, and War, p.7.

    [24] Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial , p.231.

    [25] L’Office of Strategic Services (OSS), l’agence d’opérations clandestines des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, fut hâtivement mise sur pied en recrutant notamment des employés de certaines compagnies pétrolières présentes en Asie, comme Standard Oil of New Jersey (Esso). Voir Smith, OSS, p.15, p.211.

    [26] « BP oiled coup with cash, Turks claim », Sunday Times (Londres), 26 mars 2000 ; cité dans Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial , pp.231-33.

    [27] En 1998, Dick Cheney, qui était alors le PDG de l’entreprise de services pétroliers Halliburton, fit la remarque suivante : « Je ne me souviens pas avoir vu émerger si soudainement une région en tant que zone de grande importance stratégique comme c’est le cas aujourd’hui pour [le bassin] Caspien. » (George Monbiot, « America’s pipe dream », The Guardian [Londres], 23 octobre 2001).

    [28] R. Craig Nation, « Russia, the United States, and the Caucasus », US Army War College, Strategic Studies Institute. Les paroles de Talbott méritent d’être amplement citées : « Depuis de nombreuses années, il a été en vogue de proclamer, ou du moins de prédire une répétition du ‘Grand Jeu’ dans le Caucase et en Asie centrale. Bien entendu, ceci implique que la dynamique motrice dans cette région – alimentée et encouragée par le pétrole – serait la compétition entre les grandes puissances. Celle-ci serait défavorable aux populations locales. Notre objectif est d’éviter cette issue régressive, et d’agir afin d’en décourager les promoteurs. […] Le Grand Jeu, au cœur [des romans] Kim de Kipling et Flashman de Fraser, s’est conclu par une somme nulle. Ce que nous voulons apporter est tout simplement le contraire. Nous désirons voir tous les acteurs responsables d’Asie centrale et du Caucase sortir gagnants.  » (M.K. Bhadrakumar, « Foul Play in the Great Game », Asia Times, 13 juillet 2005).

    [29] James MacDougall, « A New Stage in U.S.-Caspian Sea Basin Relations », Central Asia, 5 (11), 1997 ; citant Ariel Cohen, « U.S. Policy in the Caucasus and Central Asia : Building A New ‘Silk Road’ to Economic Prosperity », Heritage Foundation, 24 juillet 1997. En octobre 1997, le Sénateur Sam Brownback introduisit une loi, le Silk Road Strategy Act of 1997 (S. 1344), destinée à encourager les nouveaux États d’Asie centrale à coopérer avec les États-Unis plutôt qu’avec la Russie ou l’Iran.

    [30] Zbigniew Brzezinski, Le Grand Échiquier (L’Amérique et le reste du monde), (Bayard Éditions, Paris, 1997), pp.24-25.

    [31] Ariel Cohen, Eurasia In Balance : The US And The Regional Power Shift, p.107.

    [32] Michael Klare, Blood and Oil (Metropolitan Books/Henry Holt, New York, 2004), pp.135-36 ; citant R. Jeffrey Smith, « U.S. Leads Peacekeeping Drill in Kazakhstan », Washington Post, 15 septembre 1997. Cf. Kenley Butler, « U.S. Military Cooperation with the Central Asian States », 17 septembre 2001.

    [33] Zbigniew Brzezinski, Le Grand Échiquier, p.172.

    [34] Peter Dale Scott, « Kyrgyzstan, the U.S. and the Global Drug Problem : Deep Forces and the Syndrome of Coups, Drugs, and Terror », Asia-Pacific Journal : Japan Focus ; citant le Président Bush, Discours sur l’état de l’Union, 20 janvier 2004 ; « Bush : Georgia’s Example a Huge Contribution to Democracy », Civil Georgia, 10 mai 2005. De la même manière, Zbigniew Brzezinski fut cité dans un article de presse kirghiz déclarant : «  Je pense que les révolutions en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizstan furent l’expression sincère et soudaine de la volonté politique prédominante.  » ( 27 mars 2008).

    [35] Scott, « Kyrgyzstan, the U.S. and the Global Drug Problem : Deep Forces and the Syndrome of Coups, Drugs, and Terror », citant Owen Matthews, « Despotism Doesn’t Equal Stability », Newsweek, 7 avril 2010 (Cooley) ; Peter Leonard, « Heroin trade a backdrop to Kyrgyz violence », Associated Press, 24 juin 2010 ; « Kyrgyzstan Relaxes Control Over Drug Trafficking », Jamestown Foundation, Eurasia Daily Monitor, vol. 7, issue 24, 4 février 2010, etc.

    [36] Département de la Défense, Joint Vision 2020, 30 mai 2000 ; discussion dans Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial , pp.50-51.

    [37] Wesley Clark rapporta que Paul Wolfowitz, l’un des principaux néoconservateurs au Pentagone, lui annonça en 1991 que « [les États-Unis avaient] environ cinq ou dix ans devant [eux] pour nettoyer ces vieux régimes clients des soviétiques – la Syrie, l’Iran, l’Irak – avant que la prochaine superpuissance ne vienne nous défier » (Wesley Clark, discours au San Francisco Commonwealth Club, 3 octobre 2007). Dix ans plus tard, en novembre 2001, Clark entendit au Pentagone que des plans pour attaquer l’Irak étaient « en discussion dans le cadre d’un plan quinquennal, […] débutant avec l’Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, l’Iran, la Somalie et le Soudan » (Wesley Clark, Winning Modern Wars [Public Affairs, New York, 2003], p.130).

    [38] Voir Scott, La Machine de guerre américaine : La politique profonde, la CIA, la drogue, l’Afghanistan, … , (Éditions Demi-Lune, Plogastel-Saint-Germain, 2012).

    [39] Concernant la dérive hégémoniste de la « guerre contre la drogue » menée par la DEA en Asie, voir Scott, La Machine de guerre américaine , pp.187-212.

    [40] Scott, La Machine de guerre américaine , p.43.

    [41] Par exemple, nous pouvons citer Haji Zaman Ghamsharik, qui s’était retiré à Dijon (France), où des responsables britanniques et états-uniens l’ont rencontré et l’ont persuadé de retourner en Afghanistan (Peter Dale Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial, p.181 ; citant Philip Smucker, Al Qaeda’s Great Escape : The Military and the Media on Terror’s Trail [Brassey’s, Washington, 2004], p.9.

    [42] Scott, La Machine de guerre américaine , pp.340-41 (insurgés) ; James Risen, « U.S. to Hunt Down Afghan Lords Tied to Taliban », New York Times, 10 août 2009 : «  Les commandants militaires des États-Unis ont déclaré au Congrès que […] seuls ces [trafiquants de drogue] apportant leur soutien à l’insurrection seraient ciblés. »

    [43] La Russie s’est légitimement indignée de l’échec des États-Unis et de l’OTAN à combattre sérieusement les immenses cultures d’opium en Afghanistan depuis une dizaine d’années (voir par exemple : « Russia lashes out at NATO for not fighting Afghan drug production », Russia Today, 28 février 2010). Cependant, la solution simpliste proposée par la Russie —la destruction des cultures dans les champs—, précipiterait certainement les paysans dans les bras des islamistes, ce qui menace autant les États-Unis que la Russie. De nombreux observateurs ont remarqué que l’éradication des champs de pavot endette les petits fermiers vis-à-vis des propriétaires terriens et des trafiquants. Ainsi, ils doivent souvent rembourser leurs dettes « en argent liquide, en terrain, en bétail ou en donnant une fille —ce qui est fréquent—. […] L’éradication du pavot les a simplement précipités davantage dans la pauvreté qui les avait initialement conduits à cultiver de l’opium. » (Joel Hafvenstein, Opium Season : A Year on the Afghan Frontier, p.214) ; cf. « Opium Brides », PBS Frontline). L’éradication de l’opium en Thaïlande —souvent citée comme le programme le plus réussi depuis celui qui fut appliqué en Chine dans les années 1950—, fut accomplie en associant la coercition militaire à des programmes très complets de développement alternatif. Voir William Byrd et Christopher Ward, « Drugs and Development in Afghanistan », Banque Mondiale, Conflict Prevention and Reconstruction Unit, Working paper series, vol. 18 (décembre 2004) ; voir également « Secret of Thai success in opium war », BBC News, 10 février 2009.

    [44] Voir par exemple Peter Dale Scott, « La continuité du gouvernement étasunien : L’état d’urgence supplante-t-il la Constitution ? », Mondialisation.ca, 6 décembre 2010.

  • 40 agents secrets turcs entraînés par le Mossad capturés en Syrie

    mondialisation.ca: Selon le quotidien israélien Haaretz, « 40 officiers du renseignement turc ont été capturés par l’armée syrienne ».

    La Turquie a mené la semaine dernière d’intenses négociations avec la Syrie pour assurer leur libération [...] (Zvi Bar’el et DPA, Report: U.S. drones flying over Syria to monitor crackdown, Haaretz, 18 février 2012.)

    Leur libération serait accordée en échange de transfuges syriens actuellement en Turquie, précise Haaretz. De plus, la Syrie poursuivrait les négociations à condition que la Turquie bloque sur son territoire « le transfert d’armes et le passage de soldats de l’Armée syrienne libre » vers la Syrie.

    Selon des sources turques, la Turquie refuserait les demandes syriennes et s’apprêterait à durcir le ton envers le gouvernement Assad, ajoute le quotidien.

    Le quotidien hébreu rapporte que les agents turcs auraient confessé aux autorités syriennes avoir été entraînés par le Mossad israélien, dont ils auraient reçu « l’ordre de mener des attaques à la bombe afin de porter atteinte à la sécurité de la Syrie ». (Ibid.) L’un des agents aurait affirmé que le « Mossad entraîne des soldats de l’Armée syrienne libre ». (Ibid.) Des agents du service de renseignement israélien auraient par ailleurs formé des représentants d’Al-Qaïda en Jordanie afin de les envoyer attaquer la Syrie.

    Ces témoignages corroborent plusieurs informations, incluant des sources du renseignement israélien, indiquant la participation du Mossad dans l’insurrection armée en Syrie. Plusieurs reportages mentionnent également l’implication de la CIA et du MI6 britannique, ainsi que de troupes spéciales européennes et étasuniennes.

    Les autorités turques ont nié les informations du Haaretz.

    Pour plus de renseignements à ce sujet voir le dossier Syrie de Mondialisation.ca.

    http://fr.altermedia.info/