Rony Brauman*


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Rony Brauman*


La mort guette le régime syrien comme elle le fait pour les rebelles. Mais sur la ligne de front de la guerre, l’armée du régime n’est pas d’humeur à se rendre - et affirme n’avoir pas besoin d’armes chimiques.
Des nuages bas pèsent lourdement sur le sommet montagneux de la ligne front de l’armée syrienne à l’extrême nord de la Syrie.
La pluie vient juste de remplacer la neige, transformant cette forteresse lourdement protégée en un marécage de boue et de mares stagnantes où les soldats assurent leurs postes de guet avec le vent dans le visage, leurs vieux chars T-55 - les vieux chevaux de bataille du Pacte de Varsovie des années 1950 - gouttent sous les averses, leurs traces dans la boue, maintenant seulement utilisés comme des pièces d’artillerie. Ce sont des "tanks pourris" - debeba Khurda - dis-je au colonel Mohamed, commandant de l’unité des forces spéciales de l’armée syrienne à travers ce paysage morne, et il me sourit. "Nous les utilisons pour la défense statique", dit-il franchement. "Ils ne se déplacent pas."
Avant la guerre - ou "la crise" tel que les soldats du président Bachar al-Assad sont convenus de l’appeler - Jebel al-Kawaniah était une station de transmission de télévision. Mais quand les rebelles anti-gouvernementaux l’ont capturée, ils ont fait sauter les tours, coupé la forêt de sapins autour pour créer une zone de tir libre et construit des remparts de terre pour les protéger des tirs gouvernementaux. L’armée syrienne a combattu pour reprendre pied sur le haut des coteaux en octobre dernier, dans le village de Qastal Maaf - qui se trouve maintenant aplati et brisé sur l’ancienne route de la frontière turque à Kassab - et a pris d’assaut le plateau qui est maintenant sa ligne de front.
Sur leurs cartes, l’armée syrienne a baptisé "le Mont Kawaniah", selon ses propres coordonnées militaires. Il est devenu "le Point 45" - Le point 40 se trouve à l’est dans l’ombre de la montagne - et ils déploient leurs troupes dans des tentes sous les arbres des deux collines voisines. Je grimpe sur un des T-55 et je peux les voir à travers l’averse. Il y a des explosions sourdes dans la vallée et les crépitements occasionnels de tirs d’armes légères, et de manière plutôt déconcertante, le colonel Mohamed souligne que la forêt la plus proche est toujours entre les mains de ses ennemis, à peine à 800 mètres. Le soldat assis dans la tourelle de char avec une mitrailleuse lourde ne quitte pas des yeux les arbres.
C’est toujours une expérience étrange que de se tenir parmi des soldats de Bachar al-Assad. Ce sont les "méchants" du régime, d’après le reste du monde - même si en vérité la police secrète du pays méritent ce titre - et je suis bien conscient que ces hommes ont été informés qu’un journaliste occidental viendrait dans leurs retranchements et leurs casemates. Ils me demandent de n’utiliser que leurs prénoms, de peur que leurs familles puissent être tuées, ils me permettent de prendre toutes les photos que je souhaite, mais pas d’images de leurs visages - une règle que les rebelles demandent parfois aux journalistes de respecter pour la même raison - mais tous les soldats et officiers à qui j’ai parlé, dont un général de brigade, m’ont donné leurs noms complets et leurs identifiants.
Cet accès à l’armée syrienne était presque inimaginable il y a seulement quelques mois de cela, et il y a de bonnes raisons à cela. L’armée croit qu’elle en est aux derniers moments de la reconquête sur l’Armée syrienne libre, les combattants islamistes d’al-Nusra, et différents satellites d’Al-Qaïda qui détenaient jusqu’à présent une grande partie de la campagne syrienne. Du point 45, ils sont à peine à trois kilomètres de la frontière turque et ont l’intention de prendre le terrain les en séparant. En dehors de Damas, ils ont mené des combats sanglants pour reprendre deux banlieues rebelles. Alors que je rôdais à travers les positions des sommets des montagnes, les rebelles étaient sous la menace de perdre la ville de Qusayr à l’extérieur d’Homs sur fond d’accusations de l’opposition de mort de nombreux civils. La route principale menant de Damas à Lattaquié sur la côte méditerranéenne a été rouverte par l’armée. Et les troupes de la ligne de front que j’ai rencontrées au point 45 étaient une race différente d’hommes que ces soldats qui étaient devenus corrompus après 29 ans de semi-occupation du Liban, qui ont fait retraite en Syrie sans une guerre pour se battre en 2005, la discipline des soldats autour de Damas était une blague plutôt que qu’une menace pour qui que ce soit. Les forces spéciales de Bachar al-Assad semblent maintenant convaincus, impitoyables, politiquement motivés, un danger pour leurs ennemis, leurs uniformes impeccables, leurs armes propres. Les Syriens ont depuis longtemps pris l’habitude des allégations d’Israël - inévitablement suivie par l’écho machinal de Washington - que des armes chimiques auraient été utilisées par les forces de Bachar al-Assad, comme un agent du renseignement l’a remarqué caustiquement à Damas : "Pourquoi devrions-nous utiliser des armes chimiques alors de nos avions Mig et leurs bombes causent infiniment plus de destructions ?" Les soldats en poste au point 45 admettaient les défections vers l’Armée syrienne libre, les pertes énormes de leurs propres hommes - inévitablement appelés "des martyrs"- et ne faisaient pas mystère de leurs propres décomptes de morts pour les combats perdus et gagnés.
Leur dernier "martyr" au point 45 a été abattu par un tireur d’élite rebelle il y a deux semaines, un soldat de deuxième classe des Forces spéciales âgé de 22 ans nommé Kamal Aboud originaire de Homs. Lui au moins est mort en soldat. Le Colonel Mohamed parlait tristement des soldats en congé dans leur famille qui, dit-il, ont été exécutés au couteau quand ils sont entrés en territoire ennemi. Je me rappelle que l’ONU a porté des accusations de crimes de guerre contre cette armée et je me rappelle le colonel Mohamed - qui a quatre blessures de balles aux bras qui montrent qu’il mène ses soldats de l’avant, pas à partir d’un bunker - dont les soldats étaient sûrement destinés à libérer le plateau du Golan de l’occupation d’Israël. Israël est au sud, lui dis-je, et ici vous vous battez au nord vers la Turquie. Pourquoi ?
"Je sais, mais nous combattons Israël. J’ai rejoint l’armée pour combattre Israël. Et maintenant, je me bats contre les instruments d’Israël. Et les instruments de l’Arabie saoudite et du Qatar, ainsi de cette façon nous nous battons pour le Golan. Il s’agit d’un complot et l’Occident aide les terroristes étrangers qui sont arrivés en Syrie, les mêmes terroristes que vous essayez de tuer au Mali." J’ai entendu cela avant, bien sûr. Le "moamarer", la conspiration s’invite dans toutes les interviews en Syrie. Mais le colonel admet que les deux tanks syriens T-55 - les mêmes modèles antiques que ses propres chars - qui font feu sur le Point 45 chaque matin, sont une paire de tanks, que ses ennemis ont pris pour leur artillerie à l’armée gouvernementale et que ses adversaires sont des hommes originaires de l’armée de Bachar al-Assad.
Sur la route de Qastel Maaf, un général me dit que sur la route de la frontière turque, l’armée vient de tuer dix Saoudiens, deux Egyptiens et une Tunisienne – on ne me montre pas de papiers pour le prouver - mais les soldats au Point 45 me montrent les trois radios téléphones qu’ils ont capturés sur leurs ennemis. L’un est marqué "HXT Commercial Terminal", les deux autres sont fabriqués par Hongda et les instructions sont en turc. Je leur demande s’ils écoutent les communications des rebelles. "Oui, mais nous ne les comprenons pas", dit un major. "Ils parlent en turc et nous ne comprenons pas le turc." Alors sont-ils Turcs ou Turkmène syriens dans les villages à l’est ? Les soldats ont un haussement d’épaules. Ils disent qu’ils ont entendu des voix parlant arabe avec des accents libyen et yéménite. Et étant donné que les dirigeants bienveillants de l’OTAN sont désormais obsédés par "les djihadistes étrangers" en Syrie, je pense que ces soldats syriens peuvent bien dire la vérité.
Les chemins de cette belle campagne du nord du pays cachent la brutalité des combats. Des grappes de roses rouges et blanches étouffent les murs des maisons abandonnées. Quelques hommes entretiennent les quantités d’orangeraies qui rougeoient autour de nous, une femme peigne ses cheveux longs sur un toit. Le lac de Balloran scintille dans le soleil printanier entre les montagnes encore surmontées d’une poudre neigeuse. Cela me rappelle, froidement, la Bosnie. A plusieurs kilomètres des villages sont encore occupés, une commune chrétien grecque orthodoxe de 10 familles avec une église dédiée à l’apparition de la Vierge à une femme du nom de Salma, un village alaouite musulman, puis un village musulman sunnite, près de la ligne de front mais qui coexistent encore, un fantôme de l’ancienne Syrie laïque non-sectaire en où toutes les parties s’engagent – avec une crédibilité toujours décroissante – à son retour une fois que la guerre sera finie.
Maintenant, je suis dans un village dévasté appelé Beit Fares où des centaines de soldats syriens patrouillent dans les forêts environnantes, et un autre général pèche dans sa poche et me montre une vidéo de téléphone portable militaire de combattants morts. "Tous sont étrangers", dit-il. Je regarde attentivement lorsque la caméra s’attarde sur les visages barbus, certains tordus par la peur, d’autres dans le sommeil sans rêve de la mort. Ils ont été entassés. Et, le plus sinistre de tout, j’observe une botte militaire qui s’abat par deux fois sur les têtes des morts. Sur le mur de la tranchée, quelqu’un a écrit : "Nous sommes des soldats d’Assad – allez au diable, vous les chiens des groupes armés de Jabel al-Aswad et Beit Shrouk."
Ce sont les noms d’une chaîne de minuscules villages encore aux mains des rebelles - vous pouvez voir les toits de leurs maisons du Point 45 - et le Colonel Mohamed, un vétéran de 45 ans de la guerre du Liban entre 1993 et 1995, liste les autres : Khadra, Jebel Saouda, Zahiyeh, al-Kabir, Rabia ... Leur destin les attend. Quand je demande aux soldats combien de prisonniers ils ont fait dans leurs combats, "aucun !" répondent-ils d’une voix forte. Quoi, demande-je, même quand vous affirmez avoir tué 700 "terroristes" dans un engagement ? "Aucun !", répondent-ils à nouveau.
En face d’un bâtiment de l’école criblée de balles se trouve une maison pulvérisée. "Un chef terroriste local y est mort avec tous ses hommes," déclare le colonel. "Ils refusaient de se rendre."
Je doute qu’ils en aient eu la chance. Mais à Beit Fares, certains rebelles s’étaient enfuis plus tôt cette année, ainsi que - c’est ce que dit le général Wasif de Lattaquié - avec leur propre chef local, un homme d’affaires syrien. Nous marchons d’un pas lourd dans la villa en ruine de cet homme sur les hauteurs de ce village turkmène abandonné - "les habitants sont aujourd’hui dans des camps de réfugiés turcs," me dit le général - et il semble que l’homme d’affaires était riche. La villa est entourée de vergers irrigués de citronniers, pistaches et figuiers. Il y a un terrain de basket, une piscine vide, des balançoires pour enfants, une fontaine de marbre cassée - dans laquelle il y a encore des boîtes marquées en turc de feuilles de vigne farcies – et des salons ornés de marbre, des cuisines et une plaque délicate en arabe au-dessus de la porte d’entrée stipulant : "Que Dieu bénisse cette maison." Il semble qu’il ne l’ait pas fait.
Je cueille des figues du verger de l’homme d’affaires absent. Les soldats font la même chose. Mais elles ont un goût amer et trop aigre et les soldats les recrachent, préférant les oranges qui pendent le long des routes. Le général Fawaz parle à un collègue et soulève une roquette explosée pour l’inspecter. Elle est fabriqué localement, la soudure n’est pas professionnelle - mais identique à tous les roquettes Qassam que les Palestiniens du Hamas tirent sur Israël depuis la bande de Gaza. "Quelqu’un de Palestine a expliqué aux terroristes comment les fabriquer", explique le général Fawaz. Le colonel Mohamed remarque tranquillement que quand ils ont fait irruption dans le village, ils ont trouvé des voitures et des camions avec des plaques militaires turques - mais pas de soldats turcs.
Il y a une étrange relation avec la Turquie ici. Recep Tayyip Erdogan peut condamner Bashar al-Assad, mais la gare frontière turque la plus proche, à trois kilomètres reste ouverte, le seul poste frontalier reliant encore la Turquie et le territoire syrien contrôlé par le gouvernement. Un des officiers se réfère à une vieille histoire sur le calife omeyyade Muawiya qui a dit qu’il gardait un mince morceau de ses propres cheveux "pour me connecter à mes ennemis." "Les Turcs ont laissé une frontière ouverte avec nous", dit l’officier, "afin de ne pas couper les cheveux de Muawiya." Il ne sourit pas et je comprends ce qu’il veut dire. Les Turcs veulent toujours maintenir une connexion physique avec le régime de Bashar al-Assad. Recep Tayyip Erdogan ne peut pas être certain que Bachar al-Assad perde cette guerre.
Beaucoup de soldats montrent leurs blessures ; plus précieuses à leurs yeux, je pense, que des médailles ou des insignes de grade. Par ailleurs, les militaires ont déjà retiré leur insigne d’or sur la ligne de front - contrairement à l’amiral Nelson, ils ne veulent pas être touchés par des tireurs d’élite rebelles du petit matin. L’aube semble être l’heure de la mise à mort. Sur une chaussée, un sous-lieutenant me montre ses blessures. C’est l’entrée d’une balle en dessous de son oreille gauche. De l’autre côté de sa tête, une cicatrice violette cruelle pointe vers le haut de son oreille droite. Il a été touché à travers le cou et a survécu. Il a été chanceux.
Il y avait donc des soldats des forces spéciales qui patrouillaient vers une mine cachée, un engin explosif improvisé dans le langage occidental. Un jeune officier démineur syrien dans Qastal Maaf me montre les deux obus métalliques qui ont été enterrés sous la route. L’un d’eux est presque trop lourd pour que je puisse le soulever. Le détonateur est étiqueté en turc. Une antenne reliée aux explosifs a été pendue du haut d’un poteau électrique pour qu’un rebelle puisse la faire exploser à distance. Un appareil détecteur de mine - "tout notre équipement est russe," se félicitent les soldats - a alerté la patrouille de la présence des explosifs avant que les soldats ne marchent dessus.
Mais la mort plane sur l’armée syrienne, tout comme elle hante leurs ennemis. L’aéroport de Lattaquié est aujourd’hui un lieu de lamentation permanente. A peine suis-je arrivé que je trouve des familles pleurant leur visage déchiré par la peine en face de la gare, en attendant que les corps des soldats, des fils, des frères ou des maris, des chrétiens pour la plupart, mais des musulmans aussi, la côte méditerranéenne est le fief des chrétiens et des alaouites chiites et d’une minorité de musulmans sunnites. Une femme chrétienne est retenue par un vieil homme alors qu’elle tente de se coucher sur la route, les larmes coulant sur son visage. Un camion près du hall de départ est chargé de couronnes mortuaires.
Un général en charge des familles endeuillées de l’armée me dit que l’aéroport est trop petit pour ce deuil de masse. "Les hélicoptères apportent nos morts ici de partout dans le nord de la Syrie", dit-il. "Nous devons nous occuper de toutes ces familles et leur trouver un logement, mais parfois je me rends à domicile pour leur parler de la mort d’un fils et de constater qu’ils ont déjà perdu trois autres fils comme martyrs. C’est trop." Oubliez le soldat Ryan. Je vois à côté de la tour de contrôle un soldat blessé clopiner sur un pied, un bandage recouvrant partiellement son visage, son bras autour d’un camarade alors qu’il boite vers le terminal.
Les statistiques militaires que l’on m’a montrées suggèrent que 1900 soldats de Lattaquié ont été tués dans cette guerre terrible, 1500 autres de Tartous. Mais vous devez additionner les statistiques des villages mixtes alaouites et chrétiens dans les collines au-dessus de Lattaquié pour comprendre le coût individuel. A Hayalin, par exemple, le village de 2000 âmes a perdu 22 soldats avec 16 autres portés disparus. En termes réels, c’est 38 morts. Beaucoup ont été tués à Jisr al-Shughur en Juin 2011, lorsque l’armée syrienne a perdu 89 morts dans une embuscade rebelle. Un villageois appelé Fouad explique qu’il y avait un survivant qui est venu d’un village voisin. "Je lui ai téléphoné pour demander ce qui était arrivé aux autres hommes", dit-il. "Il m’a dit : "Je ne sais pas parce qu’ils m’ont arrachés les yeux." Il m’a dit que quelqu’un l’avait emmené et il pensait qu’il allait être exécuté, mais s’est retrouvé dans une ambulance et a été transporté à l’hôpital de Lattaquié." Un mort de Jisr al-Shughur a été retourné à Hayalin, mais la famille a révélé que son cercueil ne contenait que ses jambes." Le dernier martyr de Hayalin a été tué il y a deux jours seulement," me dit Fouad. "C’était un soldat appelé Ali Hassan. Il venait de se marier. Ils ne pouvaient même pas retourner son corps."
Les 24 hélicoptères de combat syriens qui palpitent sur l’aire de stationnement au-delà du terminal projettent la puissance du matériel du gouvernement. Mais les soldats racontent leurs propres histoires de peur et d’intimidation. Que les forces rebelles menacent les familles des soldats du gouvernement est un fait établi depuis longtemps. Mais un soldat de deuxième classe m’a raconté tristement la façon dont son frère aîné a été contraint de le convaincre de déserter l’armée. "Quand j’ai refusé, ils ont cassé les jambes de mon frère", m’a-t-il dit. Quand j’ai demandé si d’autres personnes avaient partagé cette expérience, un jeune soldat de deuxième classe de 18 ans m’a été apporté. Les officiers m’ont proposé de quitter la salle quand je lui parlais.
C’était un jeune homme intelligent, mais son récit était raconté d’une manière simple et directe. Son discours n’était pas une mise en scène de propagande. "Je viens de la province d’Idlib et ils sont venus voir mon père et lui ont dit qu’ils avaient besoin de moi là-bas," m’a-t-il dit. "Mais mon père a refusé et leur a dit : ‘Si vous voulez mon fils, amenez-le ici - et si vous le faites, vous ne me trouverez pas ici pour le saluer.’ Alors mon père a envoyé la plupart de sa famille au Liban. Mon père et ma mère sont toujours là et ils sont toujours menacés." J’ai dis aux officiers plus tard que je ne croyais pas que tous les transfuges syriens avaient fait défection en raison de menaces contre leur famille, que certains soldats doivent être profondément en désaccord avec le régime. Ils sont d’accord, mais insistent sur le fait que l’armée reste forte.
Le colonel Mohamed, qui mêle la stratégie militaire avec la politique, dit qu’il voit le "complot" étranger contre la Syrie comme une répétition de l’accord Sykes-Picot de la Première Guerre mondiale, lorsque la Grande-Bretagne et la France ont secrètement décidé de diviser le Moyen-Orient - y compris la Syrie - entre eux. "Maintenant, ils veulent faire la même chose", dit-il. "La Grande Bretagne et la France veulent donner des armes aux terroristes pour nous diviser, mais nous voulons avoir une Syrie unie dans laquelle tout notre peuple vive ensemble, démocratiquement, sans tenir compte de leur religion, mais vivant en paix ... "Et puis vint la crise."... Sous la direction de notre champion le Docteur Bashar al-Assad."
Mais ce n’est pas aussi simple que cela. Le mot "démocratie" et le nom de Bashar al-Assad ne vont pas bien ensemble dans une grande partie de la Syrie. Et je pense plutôt que les soldats de ce qui est officiellement appelé l’Armée arabe syrienne se battent pour la Syrie plutôt que pour Bashar al-Assad. Mais ils sont combatifs et peut-être, à l’heure actuelle, sont-ils en train de gagner une guerre impossible à gagner. A Beit Fares, je monte sur le parapet une fois de plus et la brume se lève au large des montagnes. Cela pourrait être la Bosnie. Le pays est à couper le souffle, les collines gris-vert roulent dans les montagnes de velours bleu. Un petit coin de paradis. Mais les fruits le long de cette ligne de front sont amers en effet.
Robert Fisk,
Vendredi 26 Avril 2013.
source : They may be fighting for Syria, not Assad. They may also be winning
DAMAS (NOVOpress via le Bulletin de la réinformation) - Nouveau signe que le conflit syrien, qui dure maintenant depuis deux ans, n’est pas prêt de s’apaiser : le Premier ministre de Bachar Al‑Assad, Wael Al-Halki (image ci-dessus), a échappé lundi à une tentative d’attentat à la voiture piégée. La bombe dans la voiture a été déclenchée à distance et a explosé au cœur d’un quartier résidentiel de Damas, non loin d’une école et d’un jardin public.
A l’heure où les médias de l’oligarchie et les grandes puissances occidentales nous parlent de crimes de guerre et d’armes chimiques, les cadres du régime sont attaqués dans leur quartier par les forces de l’opposition. Une combinaison d’événements qui apparaît comme une grande tentative de renversement du régime par des pressions internes et externes. La Russie, de son côté, a mis en garde contre un scénario « à l’irakienne », lors duquel une enquête sur de supposées armes chimiques servirait de prétexte à une invasion et un renversement militaire du régime syrien.
L’ensemble pénitentiaire US s’est lentement transformé, depuis le début des années 1970, en un Prison Industrial Complex (PIC) qui s’avère être une des plus étonnantes trouvailles du Système dans la recherche d’une activité à la fois industrielle et génocidaire, – faisant passer au second plan les problématiques de la justice et de la délinquance qui, d’ordinaire, définissent la question des prisons. L’établissement du PIC est en général daté de 1973, avec une loi de l’Etat de New York passée par le gouverneur Nelson Rockefeller, rendant passible de prison tout détenteur et utilisateur de drogue. Depuis, les peines pour ces délits, jusqu'aux plus ridiculement mineurs, n'ont cessé de s'alourdir, mettant en évidence la participation active à l'entreprise du système législatif et du système judiciaire US.
L’analyste politique et photographe Nile Bowie, collaborateur de Russia Today, publie ce 23 avril 2013 un article sur «[A] Moral monstruosity : America’s for profit Gulag system» Il y décrit les conditions de développement, de fonctionnement et d’existence du PIC, dont la population a augmenté de 772% entre 1970 et 2009, et dont la part du privé a été multipliée par 17 durant les deux dernières décades. Le PIC est effectivement devenu une part intégrante du Système, notamment dans sa division économique, comme un effet presque naturel et évident de la doctrine capitaliste développée dans les conditions du Système. Actuellement, la population carcérale aux USA approche les 25% de la population carcérale mondiale, alors que la population US se situe entre 4% et 5% de la population mondiale. (D’une façon qu’on devrait juger assez significative de l’implication du système capitaliste, et dans tous les cas certainement symbolique, ce rapport 4%/5% versus “près de 25%” est également celui du pourcentage de la population US par rapport au pourcentage d’émission de CO2 pour l’activité industrielle par les USA.)
L’emploi du terme Goulag (ou GOULAG, puisqu’il s’agit d’un acronyme russe) pour qualifier le système pénitentiaire US apparaît en général assez délicat. Pourtant, la description du PIC tel qu’il est aujourd’hui écarte les dernières réticences : il s’agit bien d’un système de Goulag, puisque son opérationnalité permet l’usage d’une main d’œuvre à si bon marché qu’on peut la considérer comme quasiment gratuite, tandis qu’elle neutralise et élimine des catégories très précises d’individus dont le Système se méfie.
Durant ces ces quelques décennies depuis l'institution du PIC, la population carcérale a été de plus en plus alimentée par trois grands courants sociaux et ethniques : la population dépendante de la drogue sous tous ses aspects, jusqu’aux cas les plus mineurs ; la population des immigrants clandestins capturés essentiellement à la frontière entre les USA et le Mexique ; la population des minorités ethniques, essentiellement les Africains Américains. (Bien entendu, les diverses catégories de “déviants” du Système, comme les “prisonniers politiques” sous la forme de contestataires divers, sont inclus dans ces courants.) L’auteur compare le système actuel des prisons au système de prisons, également privé, qui fut mis en place aux USA après l’abolition de l’esclavage, de la Guerre de Sécession jusqu’au début du XXème siècle, et d’ailleurs nullement cantonné à une seule région du pays, pour regrouper des populations fournissant de la main d’œuvre à bon marché, sinon à coût quasiment nul, pour le travail traditionnel de la cueillette de coton, mais aussi pour les travaux d’infrastructure de modernisation (routes, chemins de fer, etc.). Ce système est ainsi reproduit aujourd’hui, avec la privatisation maximale, les “travailleurs-esclaves” recevant des sommes ridicules sinon symboliques et les entreprises privées gérant les prisons (il y en a trois principalement, CCA, GEO Group, Cornell) sous-traitant des travaux divers pour l’extérieur. Ce système rassemble tous les attributs habituels du capitalisme américaniste, notamment une organisation de corruption maximale du monde politique avec une organisation très puissante de lobbying, pour obtenir certaines lois favorisant les activités rentables du complexe, aussi bien que des lois qui favorisent directement (sévérité des peines) et indirectement le “recrutement” des populations carcérales. Dans ce dernier cas, par exemple, les lobbies du complexe luttent avec acharnement contre la dépénalisation de la marijuana, la consommation de cette drogue mineure fournissant un nombre appréciable de “travailleurs-esclaves”.
Dans tous les cas envisagés, les peines sont extrêmement lourdes, de façon à obtenir une stabilité de “la main d’œuvre”. Les prisonniers vivent dans des conditions de plus en plus dégradées, parfois dans des conditions stupéfiantes de promiscuité dans des immenses hangars organisés en dortoir, puisque les entreprises privées ne cessent de restreindre les budgets d’entretien et que les quelques interventions publiques sont restreintes à cause de la crise. Bien entendu, tout cela se passe dans un climat de contrainte et de violence internes constant, qui favorise indirectement la soumission des prisonniers. Lorsqu’ils sont libérés, puisque la chose arrive, les prisonniers sont le plus souvent privés de leurs droits civiques et d’accès aux services sociaux et au marché du travail, ce qui fait que le complexe espère les récupérer rapidement sous la forme de l’un ou l’autre délit de survie aussitôt transformé en une peine de prison maximale (récidive). Ainsi le système est-il complet, avec comme premier incitatif le profit. Enfin, toutes ces conditions excluent toute vie sociale et familiale des détenus ; elles suscitent une dégradation rapide de leur état de santé au sens le plus large avec des soins médicaux réduits au minimum, si bien qu’on peut considérer qu’il s’agit également d’une entreprise d’élimination “douce” (!) de type génocidaire, portant sur des populations dont le Système en général ne veut pas. Le circuit est ainsi bouclé et la capitalisme, parvenant à son essence la plus intime, rejoint complètement les caractères généraux du Goulag stalinien.
Voici un extrait important du texte de Nile Bowie, de ce 23 avril 2013, dont l’intérêt est de développer la description des conditions de l’action du complexe pour assurer sa position de puissance au sein du Système, notamment dans le monde politique US.
«The number of people imprisoned under state and federal custody increased 772% percent between 1970 and 2009, largely due to the incredible influence that private corrections corporations wield against the American legal system. The argument is that by subjecting correctional services to market pressures, efficiencies will be increased and prison facilities can be run at a lower cost due to market competition. What these privatizations produce in turn is a system that destroys families by incentivizing the mass long-term detention of non-violent criminals, a system that is increasingly difficult to deconstruct and reform due to millions paid out to state and federal policymakers. According to reports issued by advocacy group Public Campaign, the three major corrections firms –Corrections Corporation of America (CCA), the GEO Group, and Cornell, have spent over $22 million lobbying Congress since 2001.
»As a means of influencing policymaking at the federal level, at least $3.3 million have been given to political parties, candidates, and their political action committees, while more than $7.3 million has been given to state candidates and political parties since 2001, including $1.9 million in 2010, the highest amount in the past decade. Senators like Lindsay Graham and John McCain have received significant sums from the private prison corporations while Chuck Schumer, Chair of the Rules Committee on Immigration and Border Enforcement, received at least $64,000 from lobbyists. The prison lobby thrives off of laws that criminalize migrants and submit them to mandatory detention prior to being deported, sometimes up to 10 months or more; private firms have consistently pushed for the classification of immigration violations as felonies to justify throwing more and more immigrants behind bars. The number of illegal immigrants being incarcerated inside the United States has risen exponentially under Immigration and Customs Enforcement, an agency responsible for annually overseeing the imprisonment of 400,000 foreign nationals at the cost of over $1.9 billion on custody-related operations.
»The private prison industry has become increasingly dependent on immigration-detention contracts, and the huge contributions of the prison lobby towards drafting Arizona’s controversial immigration law SB 1070 are all but unexpected. Arizona's SB 1070 requires police to determine the immigration status of someone arrested or detained when there is “reasonable suspicion” that they’ve illegally entered the US, which many view as an invitation for rampant racial profiling against non-whites. While the administration of Arizona’s Governor Jan Brewer is lined with former private prison lobbyists, its Department of Corrections budget has been raised by $10 million in 2012, while all other Arizona state agencies were subject to budget cuts during that fiscal year. The concept of privatizing prisons to reduce expenses comes at great cost to the inmates detained, who are subjected to living in increasingly squalid conditions in jail cells across America. In 2007, the Texas Youth Commission (TYC), a state agency that overseas juvenile corrections facilities, was sent to a West Texas juvenile prison run by GEO Group for the purpose of monitoring its quality standards.
»The monitors sent by the TYC were subsequently fired for failing to report the sordid conditions they witnessed in the facility while they awarded the GEO Group with an overall compliance score of nearly 100% - it was later discovered that the TYC monitors were employed by the GEO Group. Independent auditors later visited the facility and discovered that inmates were forced to urinate or defecate in small containers due to a lack of toilets in some of the cells. The independent commission also noted in their list of reported findings that the facility racially segregated prisoners and denied inmates access to lawyers and medical treatment. The ACLU and Southern Poverty Law Center have also highlighted several cases where GEO Group facility administrators turned a blind eye to brutal cases of rape and torture within their facilities, in addition to cases of its staff engaging in violence against inmates. According to the Justice Department data, nearly 210,000 prisoners are abused annually (prison personnel are found responsible half the time), while 4.5 percent of all inmates reported sexual assaults and rape.
»It’s not possible to conceive how such institutionalized repression can be rolled back when the Obama administration shows only complicity with the status quo – a staggering $18 billion was spent by his administration on immigration enforcement, including detention, more than all other federal law enforcement agencies combined. Under Obama’s watch, today’s private prison population is over 17 times larger than the figure two decades earlier. Accordingly, Obama’s drug czar, Gil Kerlikowske, has condemned the recently passed state laws in Colorado and Washington that legalize the possession of marijuana in small amounts. The Obama administration is bent on keeping in place the current federal legislation, where a first-time offender caught with marijuana can be thrown in prison for a year. It’s easy to see why common-sense decriminalization is stifled - an annual report released by the CCA in 2010 reiterates the importance of keeping in place harsh sentencing standards, “The demand for our facilities and services could be adversely affected by the relaxation of enforcement efforts, leniency in conviction or parole standards and sentencing practices or through the decriminalization of certain activities that are currently proscribed by our criminal laws. For instance, any changes with respect to drugs and controlled substances or illegal immigration could affect the number of persons arrested, convicted, and sentenced, thereby potentially reducing demand for correctional facilities to house them.”
»Such is the nature of a perverted brand of capitalism, and today’s model bares little difference to the first private prisons introduced following the abolishment of slavery in the late 1800s, where expansive prison farms replaced slave plantations where predominately African-American inmates were made to pick cotton and construct railroads in states such as Alabama, Georgia and Mississippi. Today, African-Americans make up 40% of the prison population and are incarcerated seven times more often than whites, despite the fact that African-Americans make up only 12% of the population. Inmates are barred from voting in elections after their release and are denied educational and job opportunities. The disproportionate levels of black people in prisons is undeniably linked to law enforcement’s targeting of intercity black communities through anti-drug stipulations that command maximum sentencing for possession of minute amounts of rock cocaine, a substance that floods poor black neighborhoods.
»Perhaps these social ills are byproducts of a system that places predatory profits before human dignity. Compounding the illogic is that state spending on prisons has risen at six times the rate of spending on higher education over the past two decades. Mumia Abu-Jamal, America’s most famous political prisoner, has spent over three decades on death row; he was convicted in 1981 for the murder of a white police officer, while forensic experts say critical evidence vindicating Jamal was withheld from the trial. In an interview with RT, Jamal relates his youth activism with the Black Panthers party against political imprisonment in contrast to the present day situation, “We could not perceive back then of what it would become… you can literally talk about millions of people incarcerated by the prisoner-industrial complex today: men, women and children. And that level of mass incarceration, really mass repression, has to have an immense impact in effect on the other communities, not just among families, but in a social and communal consciousness way, and in inculcation of fear among generations.” The fear and immortality the system perpetuates shows no sign of abating. Being one of the few growth industries the United States has left, one can only imagine how many people will be living in cages in the decades to come.»
Ce qui est remarquable dans cette description du complexe, c’est la façon structurelle décrite d’une organisation systématique, très rentabilisée, très bien contrôlée, qui dépasse très largement en efficacité et en rentabilité le système stalinien (Goulag). On rejoint alors des considérations beaucoup plus larges, qui doivent alimenter la réflexion sur la nature profonde d’un Système qui génère, presque naturellement, presque de lui-même, de tels ensembles dont les moyens de fonctionnement sont l’esclavagisme (dans des conditions pires que l’esclavage originel), la déshumanisation et la destruction psychologique, l’extermination organisée, “collectivisée” d’une façon rampante et indirecte. Grâce aux conditions de communication du Système, ces ensembles ont la caractéristique d’être présentées et perçues (supériorité indiscutable sur les dictatures d’extermination) comme de bien public et de participation efficace à la protection normale de la loi et de l’ordre démocratiques. L’effet de ces phénomènes rejoint la production naturelle du Système comme élément représentant le “pire de tous les maux”, ou le Mal parvenu à un état de fonctionnement maximal et exclusif ; il s’agit de la production maximale de déstructuration, de dissolution et d’entropisation, dans ce cas de la société et de populations diverses.
Il faut noter que certains auteurs ont également rapproché le fonctionnement du système nazi gérant, organisant et développant le système d’extermination (Holocauste), de la référence du capitalisme américaniste (pour nous, produit du Système), avec sa branche bureaucratique et sa branche de productivité et de rentabilité. Ainsi en ont-ils fait un produit direct de la modernité, ce qui correspond assez justement au jugement naturel qui nous vient sous la plume. Le 7 décembre 2005, parlant alors du seul système de prisonniers de la CIA dans la Guerre contre la Terreur, nous écrivions ceci, qui citait un de ces principaux auteurs, le professeur Richard L. Rubenstein :
«Pour ce qui concerne le système nazi, qui présente un autre cas, il faut lire La perfidie de l’Histoire, de Richard L. Rubenstein (né en 1924, professeur d’histoire et de philosophie des religions à l’université de Bridgeport, dans le Connecticut). Ce livre, publié en 2005 (éditions Le Cerf), comprend le texte original de Rubenstein, datant de 1975 (avec un ajout de circonstances, datant de 2004, traitant du terrorisme islamique). L’originalité de l’approche de Rubenstein est qu’il fait porter l’essentiel de la responsabilité de l’Holocauste dans son ampleur et dans la réalisation de son aspect systématique non sur l’idéologie, qui est l’élément déclencheur, mais sur la bureaucratisation et les méthodes industrielles modernes de gestion et de production. C’est introduire comme principal accusé de l’ampleur et de la substance du crime les méthodes et les contraintes modernistes au travers de l’expansion et de la gestion industrielles, et de la bureaucratisation systémique.
»La caractéristique finale est un montage systémique s’apparentant moins à un complot qu’à l’évolution “naturelle” (c’est-à-dire logique dans ce cas, de la logique interne du système) d’un système de conception moderniste à la fois de cloisonnement et de dilution de la perception des responsabilités. L’effet mécanique du montage est de cacher l’ampleur et le motif du crime aux exécutants, et d’assurer son efficacité complète sans prendre le risque de l’illégalité qui constitue une transgression des lois difficilement supportable pour un esprit conformiste (la bureaucratie implique un complet conformisme de l’esprit ; — il faut donc ménager leur conformisme). Rubenstein observe qu’à cause de diverses dispositions et situations, l’Holocauste ne peut être tenu pour “illégal” selon les lois allemandes en vigueur à l’époque. Rubenstein laisse clairement voir qu’il considère la bureaucratisation de la puissance américaine comme une évolution de même substance que les structures qui permirent l’Holocauste...»
Colloque de l’Institut de géopolitique des populations – 13 avril 2013
Immigration et élections : la droite pourra-t-elle encore gagner ?
Les État-Unis perdent leur peuplement d’origine européenne et tout s’exprime en termes de race
Communication de Jared Taylor
Journaliste politique américain
La chute de l’Empire, c’est pour quand ?
Si l’on en croit les preppers (les « survivalistes »), c’est pour bientôt. Au moins 8 millions d’Américains sont persuadés que l’Amérique va connaître sous peu un effondrement dû à une calamité telle qu’un ouragan, un séisme ou encore un effondrement de l’économie qui dégénérera en guerre civile.
Pour Jared Taylor, invité par Yves-Marie Laulan, président de l’Institut de géopolitique des populations, le risque encouru par les Américains est tout autre : « Les États-Unis sont en train de cesser d’être un pays de peuplement européen. »
En d’autres termes, les États-Unis perdent petit à petit et continueront à perdre leur population blanche au bénéfice d’une immigration galopante, à tel point qu’en 2044 cette population sera minoritaire. Mais, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas la population noire, ancrée depuis de nombreuses décennies sur le territoire, qui se développe : elle est quasiment stable. Ce sont les Hispaniques qui rapidement deviendront majoritaires, provenant des pays de l’Amérique latine et plus encore du Mexique voisin, ceux que l’on appelle les mestizos.
Evidemment, ce changement de population va modifier le mode de vie américain et notamment les conceptions politiques des Etats-Unis. Taylor rappelle certaines caractéristiques du bipartisme étatsunien peu conciliables avec les « mentalités politiques très marquées entre les races ». Par exemple « les Noirs et les Hispaniques sont majoritairement d’accord avec la discrimination prétendument positive à leur égard. 60% pensent qu’elle est nécessaire, tandis que seulement 20% des Blancs sont d’accord ». Il en est de même pour l’identification : « Quand on demande à des Hispano-Américains quelle est leur identité nationale ou ethnique principale, 51% disent que c’est leur pays d’origine : Mexique, Guatémala, … 24% disent que leur identité principale est hispanique ou latino, et seulement 21% se considèrent américains. »
Ces conceptions différentes influent inévitablement sur les résultats électoraux présents et surtout à venir. Lors des dernières élections présidentielles, les votes des Hispaniques qui se dirigeaient généralement vers les candidats républicains se sont déplacés pour une grande part sur le candidat démocrate Obama.
À leur tour les républicains, ne pouvant pas se laisser ainsi déborder, se sont crus obligés de changer leur fusil d’épaule : « Ils ont décidé de faire appel aux non-Blancs » et surtout aux Hispaniques. Mais la manœuvre n’est pas facile : l’Hispanique pauvre ne va pas voter pour le républicain blanc, riche et appartenant à un parti qui « veut baisser les impôts sur les riches et diminuer les subventions sociales ». Taylor explique assez bien l’impasse dans laquelle les républicains se sont engouffrés.
Sa conclusion est sans appel : « L’augmentation des non-Blancs pousse les États-Unis très nettement vers la gauche. Là, il n’y a aucun doute » et « Dans une société multiraciale, la politique en tant que telle, la politique des grandes idées, de la vision ou de la philosophie, cette politique s’efface devant la politique de race. »
Taylor conclut d’une façon très pessimiste en voyant dans un avenir proche une Amérique majoritairement non blanche, souffrant de crises à répétition, ayant perdu tout sens politique.
« Comparaison n’est pas raison », dit le proverbe, mais ne serait-ce pas un peu le cas de la France ?
http://www.polemia.com
Jared Taylor, journaliste, écrivain, fondateur et rédacteur en chef du journal American Renaissance, est une des personnalités les plus marquantes du vaste univers des think tanks conservateurs américains. Il a participé aux assises « Nationalité, Citoyenneté, Identité – La France en danger » qui se sont déroulées à Paris en mars 2012.
Lire l’intervention intégrale de Jader Taylor en cliquant ici
Ce danger qui vient
Il est des fautes en matière de logique qui sont assez connues. Ainsi par exemple la démarche inductive consistant à généraliser abusivement, même si quelquefois le processus est valide: le plus souvent, pour ne pas écrire presque toujours, on ne peut extrapoler un cas particulier pour en faire un principe général universellement valide.
Sachant cela, l'article d'Alexandre Latsa (1), puisqu'il ne concerne que la figure de Jacques Attali, n'apparaît pas inquiétant.
Sauf que...
On sait que la Grèce connaît un problème économique majeur. On m'accordera bien volontiers que Michel Rocard n'est nullement un extrémiste. Pourtant, dans le cadre d'un entretien, l'ancien premier ministre socialiste déclara que ce qui pouvait se faire de mieux au sujet de la Grèce, ce serait l'établissement d'une dictature permettant la résolution des problèmes économiques auxquels sont confrontés les Grecs. Michel Rocard éprouve un tel intérêt pour le système économique qu'il prône, qu'il n'hésite pas à fouler aux pieds les principes essentiels de la démocratie...
Jean-Claude Trichet, lui non plus, n'est pas un extrémiste. Diplômé de sciences politiques puis de l'Ena, il fut directeur du Trésor de 1987 à 1993 puis gouverneur de la Banque de France de 1993 à 2003 avant d'être président de la Banque centrale européenne de 2003 à 2011. Assez récemment, il fit pourtant une déclaration assez surprenante: de son point de vue, si les Français ont vocation à s'exprimer par l'intermédiaire du suffrage universel, celui ci ne constitue nullement la finalité. Le vote, à ses yeux, n'a vocation à être, que si les Français ne remettent pas en cause les grands principes économiques qui font désormais consensus au sein de la grande majorité de nos élites politiques: dans le cas contraire, il faudrait repenser le système démocratique...
Valéry Giscard d'Estaing n'est pas plus excentré politiquement que les deux hommes auxquels on vient de faire référence. Mais là encore, le discours est le même; à la question de Marie-France Garaud lui demandant s'il comptait faire son Europe même si les peuples européens n'en voulaient pas, l'ancien président répondit par l'affirmative...
De façon similaire, on sait ce qu'il advint du traité de Lisbonne, rejeté par les Français via le processus d'expression majeur qu'est le référendum: sorti par la fenêtre assez durement, les parlementaires français lui ouvrirent bien grande la porte.
On peut donc constater que Jacques Attali n'est pas esseulé en matière de prises de position extrémistes, en l'occurrence antidémocratiques, et que par voie de conséquence, l'article d'Alexandre Latsa a vraiment sa raison d'être, l'ancien conseiller de François Mitterrand n'étant qu'un parmi plusieurs.
Philippe Delbauvre http://www.voxnr.com
(1) http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EFyVkFVykFAVdULTDe.shtml
« La Russie n'est respectée et prise au sérieux que lorsqu'elle est forte et qu’elle se tient fermement campée sur ses positions »
Vladimir Poutine
Président de la Fédération de Russie
Déclaration de politique étrangère
27/02/2012
À l’heure de l’embrasement « démocratique » de l’Echiquier arabe, potentiellement contagieux à la périphérie post-soviétique, la Russie de Poutine redoute de nouvelles tentatives de déstabilisation extérieures destinées à bloquer son retour sur la scène mondiale.
Face aux nouvelles menaces grevant la zone d’influence russe, aux risques de propagation des récentes « révolutions » et en raison de l’impasse syrienne enfantée par les crises arabes, on peut craindre dans un avenir proche une opposition frontale entre les axes arabo-occidental et sino-russe ou, du moins, l’exacerbation de cette rupture entre les deux pôles dominants de cette crise géopolitique majeure.
Cette rupture semble d’autant plus irréversible que la « rébellion » anti-Assad, financée et armée de l’étranger, encouragée par sa légitimité médiatique, a très durement frappé, le 19 juillet 2012, le cœur politique de la Syrie : Damas – et, un peu plus tard, son cœur économique : Alep. Avec, à la clé, le massacre de citoyens et de loyalistes pro-Assad, étrangement occulté par les médias occidentaux. Depuis, c’est un engrenage sanglant et sans fin qui s’amorce, alimenté par des techniques terroristes : « le terrorisme arrive en tête des méthodes utilisées par l'opposition armée » a affirmé le 12 novembre 2012, Maria Zakharova, porte-parole du MID. Un point de non retour a été atteint.
Cette montée bipolaire des tensions est attestée par un ensemble de signes, dont la mise en scène savamment orchestrée de la réunion du 6 juillet 2012 des (faux) « Amis de la Syrie », destinée à donner une forme de légitimité politique à la rébellion. Cette réunion a été fort justement occultée par russes et chinois, en raison de décisions pré-établies, supervisées par le grand frère américain et unilatéralement focalisées contre la « sanguinaire dictature » Assad. Ces curieux « amis » se réfèrent de plus en plus (via la Ligue arabe) au chapitre VII des Nations Unies autorisant une intervention militaire et à l’idée (via la Turquie) d’instaurer un couloir d’exclusion aérienne en Syrie – voire, à terme, d’imposer (via la France) un gouvernement transitoire. Aujourd'hui, tout s’accélère et on note une radicalisation croissante des « Amis de la Syrie » avec, notamment, une condamnation redondante du régime syrien sur la scène médiatique des Nations Unies – tel un étrange ritualisme.
Selon un scénario déjà bien huilé, car expérimenté en d’autres circonstances marquées par la désinformation comme pratique d’Etat instituée, ces « amis » prônent l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution donnant la possibilité d’un recours à la force. En fait, une telle action militaire pourrait se réaliser sans le feu vert onusien, dans l’hypothèse d’un gouvernement provisoire reconnu par l’Occident et apte, dès lors, à demander une « aide extérieure » sans l’aval du Conseil de sécurité. Une autre alternative – militairement peu viable – serait d’intervenir dans le cadre institutionnalisé de la Ligue arabe, sur la base d’une « force d’interposition ». De manière allègre, les diplomaties arabo-occidentales œuvrent en ce sens et, désormais, elles alimentent une forme de violence légitime, ouvertement dénoncée par Vladimir Poutine, le 26 septembre 2012 : « L'incitation sous toutes ses formes à la violence pour le renversement d'un régime ne mène qu'à l'impasse. La violence engendre la violence » .
En théorie, l’enjeu est d’assurer la paix civile mais, en réalité, d’amener l’instabilité syrienne à un seuil critique justifiant une intervention étrangère. Dans le même temps, il s’agit de défendre les intérêts géopolitiques des monarchies arabes liées aux pétrodollars et donc, à leur rente énergétique – intérêts étroitement corrélés à ceux des démocraties occidentales, enclines à redessiner à leur profit la carte énergétique de la région. En définitive, il s’agit aussi de redistribuer les cartes politiques dans le pays et, en conséquence, dans une région stratégique, au détriment de l’axe sino-russe. Un non-dit, certes politiquement correct, au service des intérêts américains.
L’objectif ultime et implicite de la coalition d’intérêts arabo-occidentale est donc d’éliminer le régime Assad (perçu comme excessivement « anti-américain ») contre l’avis des dirigeants chinois et russes, redoutant une déstabilisation régionale et l’arrivée au pouvoir des radicaux islamistes – qui pourrait, bientôt, gangréner leur propre espace politique. Ainsi, selon le ministère russe des Affaires étrangères, « (…) les renseignements fournis par des acteurs extérieurs à l'une des parties en conflit risquent d'aggraver la crise en Syrie et de déstabiliser non seulement ce pays, mais aussi l'ensemble du Proche-Orient » . Cette montée de l’Islam radical (de l’extrémisme religieux, en général) est définie dans la pensée stratégique russe et, dès l’année 2000, – grâce à l’inflexion alors opérée par Poutine – parfaitement anticipée par son Concept de sécurité, comme une « nouvelle menace ». Une telle évolution est d’ailleurs amorcée au Moyen-Orient et, désormais, en Afrique – au Mali et au Nigeria pour commencer – comme sous-produit collatéral d’un « Printemps arabe » qui pourrait, in fine, s’étendre à la périphérie post-soviétique. Un effet domino, désormais incontrôlable et, paradoxalement, encouragé par l’Occident – prémices d’un « Hiver islamiste ».
Dans cette optique, et au regard de l’émergence de deux axes politiques antagonistes, impulsés par les leaderships américains et russes selon l’ancienne logique conflictuelle Est/Ouest, peut-on réellement parler de retour vers la Guerre froide ? Et, au final, la réélection de Vladimir Poutine, insidieusement contestée par la stratégie informationnelle de Washington, via ses ONG moralisatrices, ne va-t-elle pas accélérer cette évolution ?
Désidéologisation, dialogue de sourds et paix des braves : amorce d’un rapprochement ?
La disparition de l’Union soviétique, en décembre 1991, a précipité le recul des grandes idéologies structurantes du XX° siècle, porteuses de visions révolutionnaires et émancipatrices, voire de croyances irrationnelles, pour les peuples opprimés.
Dans un premier temps, cette disparition a fait naître l’espoir d’un ordre mondial post-guerre froide plus égalitaire et enfin apaisé. Et certes, en dépit d’une certaine tension entretenue par la politique agressive des administrations Clinton et Bush, renforcée par la double extension de l’OTAN et de son bouclier nucléaire à l’Est poursuivant l’encerclement stratégique de la Russie, la conflictualité américano-russe a semblé, alors, diminuer.
Toutefois, depuis le début des années 2000, avec le « prétexte » afghan et sous la poussée du vent libéral de l’histoire, porteur de valeurs morales supérieures au nom d’une troublante « destinée manifeste », on observe une intrusion croissante de l’axe OTAN-USA dans l’ancien espace soviétique, principalement en zones caucasienne et centre-asiatique. Moscou suspecte l’administration américaine d’instrumentaliser la mouvance islamiste pour éroder les bases historiques de sa domination et, au-delà, de sa légitimité dans cette région particulièrement convoitée. Elle redoute, notamment, une contagion révolutionnaire issue d’un « Printemps arabe » guidé de l’Etranger.
Dans cette optique, en créant de l’instabilité dans les parties musulmanes de la zone d’influence russe, les crises arabes sont une opportunité pour Washington d’y poursuivre son avancée et, par ce biais, bloquer le retour russe dans sa proche périphérie – considéré, par Moscou, comme le passage obligé et préalable de son retour sur la scène mondiale. Cette ingérence américaine dans les « révolutions » arabes, avec l’aide des monarchies du Golfe, est amèrement regrettée par V. Poutine. Selon lui, cette « ingérence extérieure (…), ainsi que le caractère militaire de cette ingérence, ont contribué à une évolution négative de la situation » . Dans la mesure où les grands axes traditionnellement « anti-russes » de la diplomatie américaine sont maintenus, le récent rapprochement initié par l’administration Obama doit donc être relativisé. En quelque sorte, une forme de paix « froide ».
En réalité, la relance du dialogue entre les deux anciens ennemis de la Guerre froide répond d’abord à la nécessité de s’entendre sur des points cruciaux exprimant des intérêts stratégiques communs. Ces derniers intègrent les nouvelles menaces a-idéologiques du XXI° siècle, dont celles liées à la montée d’idéologies nationalistes, religieuses et identitaires surfant sur le levier terroriste. Ces intérêts sont, par définition, prioritaires et défendus dans le cadre d’une stratégie de long terme définie à l’échelle de l’Eurasie, montrant une redoutable cohérence et s’appuyant – si nécessaire – sur un ensemble de compromis temporaires entre leaderships concurrents. Au final, cette évolution a débouché sur un équilibre d’intérêts relativement fragile et faisant l’objet d’une renégociation permanente. En ce sens, l’équilibre géopolitique post-guerre froide est structurellement instable.
Aujourd’hui, une sorte de pacte tacite lie américains et russes : aide russe en Afghanistan (utilisation du couloir aérien russe, formation et armement des militaires afghans, fourniture d’hélicoptères de combat, transmission du « savoir-faire russe » dans la lutte anti-terroriste) versus intégration (via l’OMC) de la Russie à l’économie mondiale, reconnaissance formelle du leadership russe et de ses prérogatives en périphérie post-soviétique, non intervention militaire (officielle) de l’axe OTAN-USA en Syrie (au moins jusqu’à l’élection présidentielle américaine) et amorce d’une (apparente) collaboration américano-russe. Cette collaboration concerne d’une part, la lutte anti-drogue en Asie centrale (principalement en Afghanistan, matrice de la narco-menace grevant la périphérie post-soviétique) et d’autre part, la configuration finale du bouclier anti-missiles européen (perçu par Moscou comme une menace majeure pour sa sécurité nationale). Dans la continuité du soviétisme, cette collaboration a priori « égalitaire » octroie à la Russie un statut de grande puissance reconnue et respectée, participant pleinement à la construction du Nouvel ordre international.
Pourtant, ce pacte ne durera qu’un temps et il s’achèvera dès que la collaboration russe ne sera plus nécessaire pour Washington, sur les dossiers brûlants menaçant son leadership sur l’Echiquier eurasien. Pour l’heure – et bien qu’il frise parfois la provocation –, l’activisme américain dans l’ancien espace soviétique reste dans des limites politiquement « acceptables » pour la Russie. Mais pour combien de temps, encore ? Jusqu’à la (probable) réélection de Barack Obama, cet activisme sera consciemment gelé à un niveau modéré ne heurtant pas les susceptibilités russes – prudence politique oblige.
Face à une redoutable puissance russe en reconstruction et avide de revanche contre son ennemi historique de la Guerre froide, Washington reste sur ses gardes.
Une forme atténuée et actualisée de la Guerre froide, dans un sens plus « stratégique »
Tendanciellement, les grandes puissances s’affrontent désormais sur l’espace eurasien, en vue du contrôle du cœur névralgique du nouveau monde, émergeant sous nos yeux.
Cet espace concentre, en effet, les ressorts actuels et futurs de la croissance mondiale, à travers l’extraordinaire montée en puissance économique, technologique et démographique des NPI d’Asie. Dans la mesure où les puissances américaine, chinoise et russe ont parfaitement compris le caractère inéluctable de cette évolution, la région Asie-Pacifique est logiquement devenue une de leurs priorités stratégiques – attestée par une présence militaire renforcée et perceptible, notamment, à travers l’intensification des manœuvres navales. Dans cette optique, tous les coups sont permis sur le vaste Echiquier eurasien devenu, aujourd’hui, le lieu privilégié des stratégies manipulatrices de puissances ambitieuses et prises dans une implacable course au leadership. Toutefois, l’hyper-puissance américaine a un avantage énorme qui biaise la confrontation géopolitique, au sens où elle en fixe les règles du jeu, tout en imposant l’agenda de l’OTAN en charge de la sécurité mondiale et dont les compétences historiquement sécuritaires ont été anormalement étendues à la sphère politique. Cette orientation a été confirmée par le secrétaire général de l'Alliance, Anders Fogh Rasmussen : « Nos intérêts en matière de sécurité se trouvent ici en Europe, dans l'ensemble de l'espace euro-atlantique et dans le monde entier » . Ce que les russes dénoncent comme une « OTAN globale ».
Sur un plan plus économique, l’administration américaine verrouille les grandes orientations néo-libérales de la gouvernance mondiale grâce à son immixtion constante dans les principales instances décideuses : Banque mondiale, FMI, G8 et G20, OMC. Bien qu’en déclin tendanciel imputable à son incapacité économique à assumer l’interventionnisme issu de son leadership impérial , Washington cherche à « organiser » sa perte de puissance et à contenir les leaderships concurrents pour préserver les bases structurelles de son pouvoir sur la scène mondiale, en particulier, dans les espaces politiquement sensibles. En fait, cette priorité s’impose à l’administration américaine dès la fin des années 1990, comme le souligne à l’époque Zbigniew Brzezinski : « La tâche la plus urgente consiste à veiller à ce qu’aucun Etat, ou regroupement d’Etats, n’ait les moyens de chasser d’Eurasie les Etats-Unis ou d’affaiblir leur rôle d’arbitre » . Dans ce but, conformément aux préconisations de Brzezinski, il s’agit surtout pour la puissance américaine de freiner le rattrapage économique opéré par les puissances russe et chinoise, synonyme, à terme, de menaces géopolitiques majeures. Une raison fondamentale est que ce rattrapage est le levier permissif du renforcement de leur puissance et de leur réarmement accéléré – particulièrement redouté par Washington, qui a fait officiellement de la Chine, sa première menace stratégique sur longue période.
Dans ses grandes lignes, la politique américaine s’exprime selon 3 axes, dans le cadre d’une véritable partie d’échecs avec les russes et les chinois, européens interposés.
- D’abord, il s’agit de prendre le contrôle des Etats stratégiques – par leur position géographique et leur capacité de nuisance – de l’Eurasie, théorisés par Brzezinski sous l’expression « pivots géopolitiques ». Dans le cadre de mon analyse, je préfère plutôt parler de nœuds stratégiques. Le problème est que la plupart de ces « nœuds » se trouvent en périphérie post-soviétique, c'est-à-dire dans l’Etranger proche de la Russie, défini comme son pré-carré géopolitique. De manière globale, on peut considérer que l’Azerbaïdjan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan sont les nœuds prioritairement ciblés par Washington. En conséquence, il y a là les sources latentes d’une future conflictualité, au sens où l’expansion occidentale en vue du contrôle des nœuds stratégiques heurte ouvertement les intérêts russes, âprement défendus par la nouvelle orientation plus « nationaliste » et de reconquête de V. Poutine, au cœur de l’ancien espace soviétique. Ce dernier aspire à renouer avec la « grandeur russe », à son apogée sous le communisme – et, surtout, préserver les prérogatives « impériales » de la Russie dans sa proche périphérie, contre l’hostilité occidentale.
- Ensuite, il s’agit de contrôler les couloirs et les grands axes énergétiques, via une politique multi-vectorielle de rapprochement avec des Etats stratégiquement ciblés, principalement dans le Caucase et en Asie centrale. Z. Brzezinski affirme ainsi, sans aucune ambigüité, que « nous devons nous efforcer délibérément d’instaurer des liens économiques plus nombreux et plus directs avec les pays d’Asie centrale en tant qu’exportateurs d’énergie » . Cela explique, conformément aux recommandations de Brzezinski, la montée d’une véritable « guerre des oléoducs » (ou guerre des « tubes ») à l’échelle de l’Eurasie post-communiste et cherchant à exclure la Russie des itinéraires clés, des nœuds stratégiques et, donc, de l’Asie centrale, quels qu’en soient les coûts – poursuite, sous une forme réactualisée, du « Grand jeu ».
- Enfin, il s’agit de surfer sur les conflits régionaux (dont les crises yougoslave, kosovare, afghane, arabes, syrienne…) en vue de les intégrer dans une stratégie plus globale de déstabilisation des pouvoirs locaux potentiellement hostiles et, en cela, s’opposant à la volonté américaine d’extension de sa zone d’influence. Cette stratégie, parfois relayée par des ONG anglo-saxonnes, voire par des institutions internationales, a été appliquée à la lettre contre le régime de Kadhafi et très vite généralisée au Moyen-Orient. Ce que Moscou appelle le « scénario libyen », légalisé par de belles idéologies humanitaires et progressivement mis en œuvre en Syrie, en dépit de ses efforts diplomatiques sur la scène onusienne : « certains pays ont éliminé le régime libyen grâce à l'aviation, en se protégeant derrière des slogans humanitaires. Et l'apothéose a été atteinte lors de la scène répugnante du lynchage barbare de Mouammar Kadhafi. Il faut empêcher de réitérer le scénario libyen en Syrie » . Un signal fort envoyé par la Russie aux occidentaux – et surtout, une ligne rouge à ne pas franchir.
A la base, la réussite de la stratégie américaine s’appuie sur le contrôle et la manipulation de l’information couvrant les zones de conflits qui, au final, rend moralement juste et surtout, nécessaire, l’ingérence extérieure – avec, le plus souvent, l’action décisive de la CIA, comme il y a peu en Syrie.
En ce sens, l’information a une fonction clé dans la stratégie d’ingérence américaine.
L’information, comme arme politique au cœur des stratégies d’ingérence
Tendanciellement, comme l'a démontré Noam Chomsky, l'information est un des leviers privilégiés de l'administration américaine dans la déstabilisation des régimes potentiellement « ennemis » ou « gênants » .
Cette fonction politique de l’information a été parfaitement vérifiée à partir des années 90, lors de l’implosion de l’ex-Yougoslave (élimination du président serbe Milosevic), des « croisades » anti-terroristes successives en Irak (élimination de Saddam Hussein) et de la « guerre d’Afghanistan » inaugurée en 1979, avec la déstabilisation d’un régime communiste et pro-soviétique (puis poursuivie en 2001, avec la croisade morale de G.W. Bush promettant le « paradis libéral »). On peut même remonter au coup d’état de 1973 contre le président chilien Salvador Allende, faussement accusé d’affamer son peuple – ancêtre des actuelles « révolutions », visant alors à stopper la contagion communiste avec la CIA comme vecteur de désinformation et qui, aujourd’hui, semble particulièrement active en zones caucasienne et centre-asiatique. Sans parler, naturellement, des « révolutions » arabes qui, étrangement, préservent les monarchies pétrolières du Golfe, pourtant loin d’être les premières démocraties de la région. De curieuses révolutions, à géométrie variable.
De telles manipulations ont été le moteur des « révolutions colorées » d’inspiration néo-libérale en ex-URSS, dans les années 2000 (Géorgie, Ukraine, Kirghizstan) et auparavant, en Europe de l’Est, lors de la « chute du mur » en 1989 (Hongrie, Pologne, RDA, Roumanie, Tchécoslovaquie), qui marquent un sensible déclin international de la Russie. Depuis la fin de l’Union soviétique, ce déclin a donc été précipité par l’activisme politique américain en périphérie post-soviétique, sous couvert d’aides au développement économique et démocratique, en vue du « roll back » (reflux) de la puissance russe comme radicalisation du « containment » (endiguement) de Guerre froide.
Troublantes permanences.
Ce devoir d’ingérence a été institutionnalisé, sous la pression de l’axe USA-OTAN, comme nouvelle norme informelle de la régulation internationale axée sur l’usage « hypertrophié » de la force, pour reprendre le terme de V. Poutine. Dans son brutal avertissement de Munich, ce dernier affirme notamment : « Nous sommes en présence de l'emploi hypertrophié, sans aucune entrave, de la force - militaire - dans les affaires internationales, qui plonge le monde dans un abîme de conflits successifs. Par conséquent, aucun des conflits ne peut être réglé dans son ensemble. Et leur règlement politique devient également impossible » . On observera que, tendanciellement, la position russe privilégie une résolution politique – et non militaire – des conflits. Sur le « Printemps arabe », Moscou reste ainsi fidèle à sa position munichoise qui, contrairement à la vision conjoncturelle et opportuniste de l’Occident, s’appuie sur une approche structurelle et globale – donc cohérente sur long terme – de la crise.
Cette dérive de la gouvernance néo-libérale, porteuse virtuelle d’instabilités à l’échelle internationale, est donc officiellement et régulièrement dénoncée depuis le célèbre discours de Munich en 2007. Les prochains Etats ciblés par cette stratégie d’ingérence semblent être la Syrie et l’Iran pour lesquels on prépare, avec allégresse, les raisons d’une future intervention occultant la légitimité onusienne sur la base, d’une part, d’une vision humanitaire arbitraire et, d’autre part, d’une politique de communication soigneusement « orientée ». De ce point de vue, sous l’impulsion de l’Arabie saoudite et du Qatar, comme surprenante avant-garde de la « démocratie » arabe, les « Amis de la Syrie » auront un rôle décisif à jouer dans le destin de la « révolution » syrienne – avec, naturellement, la bénédiction américaine. Une manipulation programmée.
Le précédent irakien (comme le drame syrien, avec le rôle politique clé de l’OSDH) montre bien, à quel point, on peut « fabriquer » des preuves dont la fiabilité est reprise, sans aucun contrôle des sources, par les médias occidentaux – par exemple, le supposé « soutien militaire » russe au président Assad, renforcé par la participation active de « conseillers » ; les « massacres répétés » de civils par les armées libyennes et syriennes (2012) ; l’existence « d’armes de destruction massive » en Irak (2002), de « camps de concentration » en Serbie (1992), « d’immenses charniers » à Timisoara (Roumanie, 1989) et, plus loin encore, « l’intervention imminente » de l’armée rouge dans la Pologne pré-révolutionnaire de Solidarność à la fin des années 80… Dans la plupart des cas, ces mensonges d’Etat ont justifié, dans une phase ultérieure, une action militaire – ou une ingérence indirecte, via des ONG – visant à renverser le pouvoir en place ou, du moins, à influer sur le cours politique. Pour plus de « démocratie ».
Début juillet 2012, cela a poussé V. Poutine à prendre des mesures contre les ONG guidées de l’étranger et jouant, selon son expression, un rôle effectif « d’agent d’influence » dans la vie politique russe – ce qui est perçu comme une ingérence inadmissible et, au-delà, comme une atteinte à la souveraineté nationale de la fédération de Russie. La responsable de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, s’est empressée de condamner cette dérive « autoritaire et anti-démocratique » du Pouvoir russe qui, selon elle, empêchera le développement de la société civile. Désormais, au regard de la loi russe, sont considérées comme « agents de l’étranger » les ONG bénéficiant d’un financement étranger et menant une activité politique. Juste retour des choses.
L’objectif implicite de la stratégie occidentale de désinformation est d’éroder, d’une part, la légitimité politique intérieure de V. Poutine et, d’autre part, la domination russe dans sa zone historique, en mettant en cause son soutien à des « dictatures » (Iran, Libye, Syrie, Biélorussie, Kazakhstan) mises hors la loi de la vie internationale et, par ce biais, affaiblir ses alliances traditionnelles. Avec le développement accéléré mais incontrôlé des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), on assiste à une véritable « guerre de l’information » – qui renforce la stratégie de « soft power », via les révolutions internet. Sans ambages, le discours de politique étrangère de V. Poutine dénonce la mise en œuvre d’une telle stratégie sur l’Echiquier arabe : « Le Printemps arabe a également mis en évidence l'utilisation particulièrement active des technologies avancées de l'information et de la communication dans la formation de l'opinion. On peut dire qu'Internet, les réseaux sociaux, les téléphones portables, etc. se sont transformés, avec la télévision, en un outil efficace aussi bien de la politique nationale qu'internationale ».
Plus loin, dans son discours, qui vise implicitement les puissances occidentales, le président russe condamne des manipulations évidentes conduisant, au final, à utiliser l’information comme levier de la politique étrangère : « On emploie de plus en plus souvent la notion de "puissance douce" (soft power), un ensemble d'outils et de méthodes pour accomplir des tâches de politique étrangère sans utiliser les armes, grâce à des leviers informationnels et autres. Malheureusement, ces méthodes sont souvent utilisées pour encourager et provoquer l'extrémisme, le séparatisme, le nationalisme, la manipulation de la conscience de l'opinion publique et l'ingérence directe dans la politique nationale des Etats souverains » . En tant que vecteur d’un nouveau type d’action idéologique et d’une forme de spontanéité incontrôlable par les régimes autoritaires centralisés, l’information devient donc une redoutable arme politique. Poutine l’a, récemment, appris à ses dépens.
Cette insidieuse stratégie a été observée il y a peu en zone post-soviétique, notamment au Kazakhstan en décembre 2011, pays clé de l’Asie centrale, richement doté en énergies (étrange coïncidence) et dirigé par le leader pro-russe Nazarbaïev. Bien qu’aimé de son peuple, celui-ci est honteusement et injustement qualifié de « dictateur » par un Occident totalement déconnecté des réalités locales et ignorant la pression croissante exercée par la « menace islamiste ». Fin août 2012, l’Ouzbékistan a été (curieusement) réintégrée par l’administration Obama parmi les Etats « politiquement corrects », c'est-à-dire, respectant les droits de l’homme, dans la seule optique d’y réinstaller une base militaire après son départ d’Afghanistan en 2014. Sous G.W. Bush, pour des raisons politiques (isoler Moscou) et énergétiques (tracé des tubes) impliquant le renforcement de leur partenariat, l’Azerbaïdjan de la sanglante dynastie Aliev a été qualifiée par Washington « d’Etat-modèle » sur le chemin de la démocratie – troublant, tout de même. La politique (américaine) a ses raisons, que la morale ignore…
De manière hautaine et redondante, l’Occident continue de donner des leçons de démocratie à des Etats dont les dirigeants font face à la violence meurtrière et aveugle de l’Islam radical – dont le leitmotiv est l’application « démocratique » de la Charia, peu regardante sur le droit des femmes et des droits humains, en général. Bien que répondant à un autre objectif, les récentes ingérences occidentales dans les dernières élections russes, via des ONG à financement américain comme Golos (« Voix »), chargées du contrôle de leur légalité, s’inscrivent dans cette stratégie permanente de désinformation. Le cas syrien – avec, cet été, la rumeur (déjà « rodée » en Irak) sur l’utilisation par le pouvoir d’armes chimiques contre la rébellion – en est la parfaite illustration. Inquiétante inertie.
Lorsque G.W. Bush a lancé sa seconde « croisade » en Irak, au printemps 2003 – pour éliminer un régime autrefois ami mais devenu, soudain, terriblement gênant –, il a d’ailleurs reconnu que la première guerre à gagner était celle de l’information. Terrible et révélateur aveu.
Emergence d’une Guerre tiède multidimensionnelle, comme nouvelle forme de conflictualité centrale
Ainsi, à l’aube incertaine du XXI° siècle, la nouvelle guerre « tiède » qui émerge n’est plus centrée sur des variables idéologiques et une vision du monde messianique, mais davantage sur des variables stratégiques et multidimensionnelles, dans le cadre d’une politique désormais centrée sur la défense des intérêts nationaux – élargis à l’espace de domination. Nouveau réalisme oblige.
Malgré tout, l’objectif ultime de la Guerre froide est resté dominant et axé sur l’élargissement des zones d’influence, progressivement érigées en « protectorats » politiques considérés comme espaces réservés, c'est-à-dire comme zones potentielles d’intervention. Dans ce but, on assiste à la création ou au renforcement d’alliances géopolitiques (Chine-Russie versus Europe-USA) et de coalitions politico-militaires (OCS versus OTAN). Autrement dit, en raison des maladresses occidentales, on assiste à une inflexion clairement asiatique de la politique étrangère russe, qui n’hésite plus désormais, avec le soutien de Pékin (et parfois de l’Inde), à s’opposer frontalement à l’unilatéralisme hautain de la gouvernance mondiale néo-libérale, porteuse de la pensée unique. Cela est attesté par l’attitude solidaire des russes et des chinois face aux « instabilités » arabes et par leur volonté de prévenir toute ingérence militaire de la coalition arabo-occidentale sous leadership américain, plus récemment en Syrie : « Nous ne soutiendrons aucune ingérence étrangère ou autre prescription imposée » , a réaffirmé le chef de la diplomatie russe, S. Lavrov. D’autant plus que, dans le cas syrien, c’est la présence russe dans la région qui est en jeu – et, donc, de manière implicite, son rapport de force avec Washington. Pour Moscou, les leçons yougoslave, irakienne et libyenne ont été retenues. Et cela suffit.
Ainsi, l’évolution géopolitique récente est marquée par le renforcement d’un axe eurasiatique, s’appuyant sur le rapprochement sino-russe doublement accéléré par la crise syrienne et l’hostilité du comportement occidental. Catalysé par un partenariat stratégique renforcé, l’axe sino-russe est élargi, d’une part, aux anciennes républiques soviétiques (dont celles d’Asie centrale, via l’OTSC) et, d’autre part, aux nouvelles puissances émergentes (dont l’Inde, via l’OCS). Sur un plan plus structurel, cet axe vise à rééquilibrer l’asymétrie stratégique mondiale au détriment de l’axe occidental qui, au contraire, cherche à renforcer cette asymétrie par l’extension d’un bouclier anti-missiles global dont un élément majeur sera implanté en Europe, aux portes de la Russie. En définitive, ce bouclier permettra d’exercer une pression permanente – un contrôle oppressant – sur une puissance russe hors normes et insaisissable, voire imprévisible, perçue depuis la Guerre froide comme structurellement « instable » et, en ce sens, potentiellement menaçante. Fondamentalement, la rationalité de l’axe eurasiatique est donc structurée contre l’axe occidental.
Dans ce contexte, les nouvelles menaces perçues par la Russie sont étroitement corrélées à l’évolution « anti-russe » de la stratégie occidentale post-guerre froide conduite en Eurasie : les dégâts collatéraux de la guerre d’Afghanistan et ses implications politiques en périphérie russe ; l’extension démesurée du rôle de l’OTAN et sa cooptation des anciens alliés de l’époque soviétique ; la menace de la composante européenne du bouclier anti-missiles américain et sa compression du potentiel nucléaire russe ; l’extension du « modèle » arabe dans l’espace politique russe en vue de sa déstabilisation, sous bienveillance occidentale ; la marginalisation et l’instrumentalisation de l’ONU dans la gestion des crises régionales, au profit de l’OTAN et contre les intérêts russes ; enfin, les tentatives de l’axe OTAN-USA de préserver son hégémonie politico-militaire dans le cadre du système unipolaire, en verrouillant la gouvernance mondiale et en freinant la montée des « émergents ». Dans son essence, une telle évolution exprime – principalement, à travers sa logique d’encerclement de la puissance russe – la trahison occidentale des promesses faites à l’Union soviétique en 1989, dont cette dernière reste l’unique héritière politique. Inutile gifle.
À terme, se posera le problème du nouveau statut politique de la Russie (et de la Chine) dans l’ordre mondial issu du post-communisme. Cette question se présente avec d’autant plus d’acuités que, selon la terminologie de G. Sokoloff, la Russie a, d’une part, quitté son statut de « puissance pauvre » hérité de la désastreuse transition post-communiste impulsée par B. Eltsine et responsable du « chaos russe » et, d’autre part, réussi à la fois la relance de sa croissance – supérieure au trend occidental – et la restructuration de son économie. Bien qu’encore trop dépendant de son potentiel énergétique, le développement de sa puissance économique donne désormais, à la Russie, une certaine crédibilité géopolitique sur la scène internationale. Pour Hélène Carrère d’Encausse, c’est l’émergence d’un « monde post-occidental » pluraliste qui est en jeu, marquée par le relatif déclin de l’Occident accéléré par la montée géopolitique de l’Asie. Dans cette optique, se posera aussi la nécessité d’une réforme dans un sens plus démocratique de la gouvernance mondiale, reflétant l’inflexion des rapports de force au profit des puissances émergentes des BRICS – bientôt suivies par les NPI d’Afrique, bénéficiant d’une forte croissance économique depuis la seconde moitié des années 2000, supérieure au trend occidental et qui explique un indéniable « rattrapage ».
En ce sens, sous l’impulsion de la Russie, c’est bien l’idée d’un Nouvel ordre international centré sur l’ONU et (trop) longtemps espéré par le Tiers-monde, qui reprend une certaine actualité. Ce que le dernier président de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, dès 1985, dans sa « Nouvelle pensée politique » (novoe myslenie), a appelé le Monde multipolaire et qui, très vite, est apparu comme le « pari perdu » de sa réforme radicale connue, en Occident, sous le nom de « Perestroïka » (restructuration). Cette notion de multipolarité a été reprise plus tard et popularisée par le « vieux soviétique », Evgueni Primakov, premier ministre (1998-1999) de la fédération de Russie sous Eltsine.
L’influence de Primakov a été décisive dans l’inflexion asiatique et « anti-américaine » de la diplomatie russe, dans l’optique de démocratiser la vie internationale et, surtout, de rompre avec le suivisme occidental de l’administration Eltsine . Amère désillusion.
Vers un point de non retour : l'émergence d'une Guerre tiède…
Au-delà, c’est aussi le statut de l’arme nucléaire dans le monde – et sa fonction structurante des grands équilibres géostratégiques – qui se jouera et qui a fondé, jusqu’à aujourd'hui, l’existence internationale de la Russie.
Cette configuration justifie la fonction politique de l’atome dans la stratégie de puissance de la Russie et, en cela, son rejet du projet anti-missiles américain au cœur de l’Eurasie, dans la mesure où il neutralise en partie sa force nucléaire stratégique et donc, érode sa légitimité internationale. Ainsi, selon V. Poutine, la fédération de Russie serait une cible potentielle du futur bouclier américain, « la défense anti-missiles (américaine en Europe) vise certainement à neutraliser le potentiel nucléaire russe ».
En dépit de négociations de pure forme et d’illusoires promesses entretenues depuis le sommet de Lisbonne de novembre 2010, la Russie reste totalement exclue de ce projet. Ce qui, à terme, devrait la conduire à prendre des mesures de rétorsion « adéquates » et de réarmement accéléré, recentrées, – dans la continuité du soviétisme –, sur l’alternative nucléaire et sa logique de dissuasion. Cette alternative a été officiellement confirmée par le discours offensif du 23 novembre 2011 du président Medvedev, porteur d’un brutal avertissement contre l’unilatéralisme de la politique sécuritaire américaine : « J'ai ordonné aux forces armées d'élaborer des mesures pour détruire, si besoin, les moyens d'information et de commande du système de défense anti-missiles ».
Dans l'optique de compenser l'asymétrie stratégique créée par le futur bouclier américain, la réponse russe impliquera l'optimisation technologique de sa capacité de frappe nucléaire et conventionnelle et, en particulier, la conception « d'armes de hautes précision ». Ainsi, selon l'affirmation du ministre russe de la Défense, Anatoli Serdioukov, le 8 octobre 2012 : « Notre programme d'armement prévoit des solutions à plusieurs problèmes, y compris au bouclier anti-missiles américain » . Comme un brutal retour en arrière, malgré Obama.
Selon Vladimir Poutine, la réélection éventuelle de Barak Obama en novembre prochain n’y changera rien. En effet, dans ses grandes lignes, la stratégie extérieure américaine reste soumise à un objectif structurel, totalement indépendant de la couleur politique de son administration et, en définitive, focalisé contre la menace sino-russe. Pour Brzezinski, il n’y a pas d’autre alternative et le président Obama, en suivant implicitement ses conseils, l’a parfaitement compris. En ce sens, les « révolutions » arabes sont, pour Washington, une réelle opportunité de poursuivre la marginalisation – dans le prolongement du « Roll back » – de la puissance russe et, ainsi, sanctionner de manière définitive sa défaite de la Guerre froide. Ultime provocation.
L’involution syrienne, succédant à un « Eté arabe » manipulé, nous conduit donc à un point de non retour. Dotée d’un potentiel gazier énorme et véritable verrou politico-sécuritaire du Moyen-Orient, la Syrie est aujourd’hui la cible privilégiée de puissances prédatrices – les enjeux énergétiques et géopolitiques, et non les Droits de l’homme, au cœur du « Printemps arabe ». Et cela, en dépit de l’appel solennel du président Poutine à ces dernières, de « tirer les leçons » de l’impasse actuelle de leur stratégie .
Désormais, le président russe redoute un terrible hiver aux couleurs islamistes et, paradoxalement, illuminé par le soleil néo-libéral – retour vers la Guerre tiède*. Tout est dit.
Fin d’un rêve ?
Jean Géronimo http://www.voxnr.com* Les crises arabes et leurs implications géopolitiques pour la Russie (dont la Guerre tiède), sont traitées dans le post-scriptum (50 pages) inséré dans la nouvelle édition enrichie de mon livre : « La Pensée stratégique russe – Guerre tiède sur l’Échiquier eurasien : les révolutions arabes, et après ? ». Préface de Jacques SAPIR, mars 2012, éd. SIGEST, code ISBN 2917329378.
Abréviation
NPI : Nouveaux pays industriels
CEI : Communauté des Etats indépendants
MID : Ministère russe des Affaires étrangères
OCS : Organisation de coopération de Shanghai
OSDH : Organisation syrienne des Droits de l’homme
OTSC : Organisation du traité de sécurité collective
BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud
Remarques
La CEI contient l’ex-URSS moins les Etats baltes et la Géorgie. Elle couvre 99% du territoire de l’ex-URSS et peut être considérée comme la zone d’influence traditionnelle de la Russie. Cette forme atténuée et désidéologisée de l’Union soviétique a une fonction essentiellement politique, quasi-symbolique, et elle s’inscrit dans la nécessité de préserver l’unité de l’espace post-soviétique. A la disparition de l’URSS, la CEI a permis un « divorce à l’amiable » entre la Russie et ses anciennes Républiques, tout en préservant un fort lien identitaire entre ces dernières – dans le prolongement du soviétisme.
L’OTSC, qualifiée d’ « OTAN russe », est une structure politico-militaire sous domination russe, selon la « tradition » soviétique. Elle vise à assurer une défense commune des Républiques les plus proches de Moscou – le « noyau dur » de la CEI – face aux menaces extérieures. Elle regroupe actuellement sept Etats : Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan – qui couvrent près de 70% du territoire de l’ex-URSS. L’Ouzbékistan vient de quitter pour la seconde fois l’OTSC (une première fois en 1999, réintégration en 2006). Son objectif est de se rapprocher de l’axe OTAN-USA en vue de développer un partenariat économico-stratégique, plus sécurisant et financièrement plus intéressant que le paternalisme protecteur de la Russie. A terme, on peut prévoir le retour d’une base américaine en Ouzbékistan – et, peut être, au Tadjikistan, également très courtisé par le « protecteur » américain ». Dans cette hypothèse, la fiabilité, voire l’existence même de l’OTSC serait menacée et, par ce biais, le statut – donc le pouvoir – régional de la Russie.
L’OCS est une structure politico-militaire eurasiatique, dominée par l’axe sino-russe. Elle vise à renforcer la stabilité et la sécurité de l’Asie centrale, en prise aux « nouvelles menaces » alimentées par le chaos afghan, le « Printemps arabe » et la triple montée concomitante de l’extrémisme, du séparatisme et du nationalisme. Elle regroupe actuellement six Etats : Chine, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan. L'Inde, le Pakistan et l'Iran (bientôt l’Ukraine) ont le statut de « pays observateurs » – véritable antichambre à l’adhésion à l’OCS. De manière implicite, cette organisation permet à la Russie d’avoir un droit de regard sur la politique chinoise, autrement dit, d’exercer une forme de contrôle soft sur un concurrent redoutable et qui, à long terme, deviendra une réelle menace pour son leadership en Asie centrale. Désormais, la Chine y exerce en effet une influence croissante, heurtant de plus en plus les prérogatives historiques de la Russie dans la région – et amorçant, de ce fait, un véritable « jeu à trois » entre les puissances américaine, chinoise et russe.
Par Alexandre Latsa
Depuis la fin de l’URSS, l’un des mythes fondateurs de la politique étrangère euro-américaine envers la Russie se base sur la situation dans le Caucase. Dès 1994, l’état russe fait face à une rébellion armée qui prône l’indépendance et fera rapidement appel à des cohortes de mercenaires étrangers pour mener cette soi-disant guerre d’indépendance de Tchétchénie.
Rapidement, le conflit se transformera en une guerre religieuse sous la pression notamment de ces mercenaires islamistes qui tenteront d’étendre le conflit à tout le Caucase pour y instaurer un califat régional. Dès le début des opérations militaires russes dans le Caucase visant à rétablir l’ordre et empêcher une partition du pays grâce à une aide extérieure, la Russie a subi une pression médiatique, morale et politique sans précédent.
Le Main Stream médiatique occidental n’a jamais cessé de nous présenter les combattant islamistes du Caucase comme des soldats de la liberté, luttant pour une hypothétique indépendance ou encore pour la survie de cultures menacées, qui comme on peut le constater en 2013, bien longtemps après, n’ont jamais été menacées.
La Russie, qui fait face au terrorisme de l’internationale Djihadiste et ses soutiens principaux à l’étranger (que ce soit au sein de pays du golfe, de la Turquie ou de certaines puissances occidentales) n’a que trop rarement bénéficié de la compassion ou du soutien des pays occidentaux.
L’Amérique dans cette pression à l’encontre de la Russie, porte une responsabilité très importante en tant que leader économique, politique et moral de la communauté des états occidentaux.
A titre d’exemple, le principal site de propagande antirusse du Caucase qui prend la défense de terroristes tel que Dokou Umarov (dont le mouvement est classé comme terroriste par l’ONU) et qui justifie les attentats contre l’état russe aurait vraisemblablement été fondé par entre autre le département d’état américain.
Eric Draitser rappelait récemment que de nombreuses ONG opèrent dans le Caucase via un soutien financier américain direct et soutiennent officiellement le séparatisme dans cette région, devenant ainsi indirectement (involontairement?) les complices des terroristes qui opèrent dans cette région du globe.
Dans l’affaire de Boston, on a évidemment beaucoup parlé des deux frères Tsarnaïev, et la presse vient de révéler que la Russie avait demandé au FBI d’enquêter sur l’un d’entre eux, leur mère assurant même qu’ils étaient sous contrôle étroit des services américains. On ne peut que s’étonner que nos commentateurs nationaux, si prompts à accuser le FSB de tous les complots possibles et imaginables lorsque surviennent des attentas en Russie se refusent à l’évocation de théories identiques en ce qui concerne la situation en Amérique.
A un an des olympiades de Sotchi la situation dans le Caucase semble pourtant bien plus calme que l’on ne pouvait le croire et ce malgré l’instabilité soutenue au Daguestan. C’est dans ce contexte que les attentats de Boston sont sans doute le plus grand service que les terroristes pouvaient rendre à la Russie.
En l’espace de quelques jours, les terroristes du Caucase ne sont plus, et ne seront sans doute jamais plus, présentés comme des combattants de la liberté mais comme ce qu’ils sont: des criminels. Le FBI du reste est déjà en train de chercher de potentielles pistes pour voir si les deux frères Tsarnaïev n’étaient pas en lien avec l’émir du Caucase Dokou Umarov ce qui, si cela s’avérait vrai, confirmerait totalement les affirmations et donc la position de la Russie sur le Caucase.
Mais le changement lexical n’est sans doute pas suffisant, il devrait aussi s’accompagner d’un changement de politique puisque pendant que les citoyens américains pleurent leurs proches tués ou meurtris, le département d’état américain vient d’annoncer la hausse de l’aide militaire à la rébellion Syrienne, dont les éléments les plus radicaux pourtant de poster une vidéo à destination du président Obama pour lui rappeler qu’ils sont tous des “Oussama Bin-Laden”.
Aymeric Chauprade rappelle que “l’État profond américain est allié de l’islamisme depuis les années 70 et a soutenu et utilisé celui-ci partout où il pouvait déstabiliser l’Europe, la Russie, la Chine… Dans les années 90, la CIA soutient l’islamisme tchétchène et les musulmans les plus radicaux dans le Caucase, comme elle soutient les Djihadistes en Bosnie, au Kosovo, en Libye, dans le Sahel, en Syrie”.
Il rappelle également que “Au début des années 2000, Dhokhar et Tamerlan sont accueillis à bras ouverts avec le statut de réfugié politique aux États-Unis. On s’émerveille sur ces bons immigrés qui veulent devenir de bons américains. On leur accorde des bourses”.
On aimerait désormais que les bonnes conclusions soient tirées par les stratèges américains. Comme le suggère Gordon Hahn, expert du Centre d’études stratégiques et internationales: “Même si l’attentat de Boston n’est pas lié à la région et que l’inspiration est d’ordre idéologique, il est temps de renforcer la coopération avec la Russie et d’écouter Poutine”.
Le peuple américain vient donc de découvrir à toute petite échelle ce que les Syriens vivent tous les jours depuis prés de deux ans et ce que les russes continuent de subir depuis la fin des années 90. Curieusement (?) les acteurs qui ont le plus contribué à la guerre contre l’État russe et facilité l’Islamisation du Caucase (et donc indirectement le terrorisme) sont les mêmes qui sont à la pointe de la lutte contre l’État Syrien aujourd’hui.
Une guerre en Syrie qui pourrait et devrait du reste entrainer une explosion du terrorisme dans de nombreux pays si les combattants de plus de 50 nationalités y combattant déjà décidaient de rentrer mener le Jihad dans leurs pays respectifs et adoptifs, en France notamment.
Les victimes civiles américaines, russes ou syriennes sont les victimes d’un seul et même fléau et d’une politique étrangère incohérente du “deux poids deux mesures” qui non seulement empêche l’établissement de relations internationales saines mais permet aussi directement au terrorisme de proliférer.
De l’Attentat de la gare de Bologne à celui du Marathon de Boston en passant par tous les 11 septembre petits, grands ou moyens, le terrorisme c’est toujours et partout le spectacle d’imposture étatique de la crise mondiale du chaos de la marchandise !
« Les bombes-fusées qui tombaient chaque jour sur Londres étaient probablement lancées par le gouvernement de l’Océania lui-même, « juste pour maintenir les gens dans la peur » »
George Orwell, 1984
Les opérations sous fausse bannière ou « sous faux pavillon », parfois désignées sous l'anglicisme de false flag sont des actions de perfidie et d’artifice stratégiques menées avec utilisation de marques de reconnaissance fabriquées, contrefaites, postiches, fourbes ou empruntées, dans le cadre d'opérations clandestines destinées à désigner un responsable inexact, imaginaire et trafiqué qui portera ainsi le chapeau illusoire mais pourtant bien tangible d’une action commise par tout autre que lui mais qui permettra de la sorte que tous les bénéfices en reviennent à celui qui justement l’aura cependant perpétré.
Au tout début du mois d’août 1964, deux destroyers américains qui s’étaient engagés dans les eaux territoriales du Nord-Viêt Nam, essuyèrent soi-disant des tirs de la part de batteries nordvietnamiennes.
Il est établi aujourd'hui par la documentation déclassifiée que ces Incidents du Golfe du Tonkin ont constitué une manoeuvre délibérée de feinte, de provocation et de simulation pour prétexter une escalade de l'intervention américaine dans le conflit indochinois. Les Papiers du Pentagone ont de la sorte révélé que le texte de la position rédigée par l'administration Johnson l’avait été en fait plusieurs mois avant la date desdits « incidents ». Le manège légendaire de cet accrochage arrangé a donc fourni au président Johnson la couverture tant attendue pour faire voter le texte de la Résolution qui lui donna les moyens de déclarer la guerre sans avoir à demander au préalable l'autorisation du Congrès.
Même si cette péripétie fut en réalité le contraire de ce que le spectacle officiel en a dit puisqu’elle n’a jamais existé réellement qu’en stricte contradiction avec la logorrhée des experts étatico-médiatiques du faux omniprésent qui l’ont évidemment narrée de manière retournée, cela a bien entendu suffi à convaincre la conscience hallucinée et obéissante des Américains de l'utilité d'une riposte. Johnson a donc pu paisiblement autoriser alors les raids aériens de terreur sur le Viêt Nam par ce casus belli entièrement forgé par les officines et les ateliers de l’ombre. Sur cette lancée de simulacres, de fourberie, de sang et de larmes, les Bush, Clinton et Obama n’ont cessé en Irak, en Yougoslavie en Afghanistan et ailleurs, de démontrer que partout où règne le spectacle capitaliste de la terreur démocratique, les seules forces autorisées sont celles qui reproduisent la terreur capitaliste du spectacle démocratique.
Durant ces dernières années, les premiers grands attentats étatiques sous fausse bannière eurent spectaculairement lieu en Italie lors des années de plomb lorsque la modernisation de l’esclavage citoyenniste rendit nécessaire que le gouvernement fit de l’attentat aveugle le mode opératoire le plus approprié à la psychologie de masse de la soumission, de l’in-conscience et de la cécité. Ainsi, le 2 août 1980, à 10 h 25, à la gare de Bologne, une bombe posée dans la salle d'attente explosait. Elle tuait 85 personnes et en blessait plus de 200, arrivant ou partant de la gare pour cette période de fort trafic estival.
Dans son arrêt du 23 novembre 1995, la Cour de cassation du tripatouillage officiel italien, malgré mille et une occultations savantes ou grossières, fut néanmoins obligée de reconnaître que derrière cet attentat, il y avait bien l’existence d’une vaste organisation criminelle gouvernementale où l’on retrouvait la maffia, la loge maçonnique P2 et les services spéciaux les plus secrets de l’appareil d’État…Bien entendu, les commanditaires profonds du massacre n'ont jamais été découverts puisque cachés derrière les comparses secondaires de l'organisation Gladio, ceux-ci se trouvaient au coeur central et insaisissable de l’état-major de la stratégie de la tension élaborée par les États-Unis via l'OTAN et ses divers magasins et affidés, ceci tant pour neutraliser les velléités dommageables de non-alignement de certains courants politiciens italiens que pour briser la radicalité ouvrière des grèves sauvages qui débordait alors dangereusement les chiens de gardes politiques et syndicaux.
Le mardi 16 avril 2013, une double bombe de fabrication prétendument artisanale, emplie de divers fragments métalliques, a tué trois personnes et en a blessé plus d’une centaine d’autres lors du marathon de Boston. A la faveur de l’étrange découverte propice d’un sac à dos contenant le couvercle d’une cocotte-minute et grâce aux vidéos des caméras de surveillance opportunément disposés, les autorités du spectacle du boniment et de la fabulation étatiques eurent rapidement les moyens, de diffuser les photographies de deux suspects : les frères Tsarnaev qui avaient eu, eux, la grande amabilité de longuement flâner juste face aux appareils d’observation et d’enregistrement qui purent par conséquent abondamment et minutieusement les filmer. Selon la version officielle, les deux frères échappèrent à un policier qu’ils tuèrent sur un campus universitaire. Ensuite, après avoir détourné une automobile, ils furent atteints par la police. Plus de 200 coups de feu furent échangés durant la nuit, les deux hommes furent blessés. Le premier décéda rapidement à l’hôpital pendant que son frère, s’échappait à pied avant d’être rattrapé par la police pour finalement être enfin mis en état de ne plus jamais pouvoir dire autre chose que ce pourquoi il serait autorisé à parler.
Toute cette affaire des deux islamistes hollywoodiens de la filière tchétchène de la CIA a évidemment mobilisé les chaînes de télévision de toutes les fictions imaginables du spectacle mondial de la misère marchande. Depuis le Daghestan, les parents des suspects ont, eux, proclamé qu’ils avaient été manipulés. Leur mère, a même souligné qu’ils étaient sous surveillance étroite du FBI et ne pouvaient donc monter aucune opération sans que ce dernier en ait évidemment immédiatement eu connaissance.
A Boston, les services spéciaux du chaos gouvernementaliste ont donc parfaitement rempli leur mission dans le cadre d’une opération de camouflage et d’intoxication qui permet en un temps de crise économique approfondie et de crise sociale ravageuse de faire utile diversion massive en ce moment d’ébranlement ou d’ailleurs plusieurs États entendaient comme le Texas demander à retirer leur or de la Réserve Fédérale...
La crise du spectacle démocratique de la dictature marchande est désormais à son point culminant et le chaos étatiquement programmé y est alors amené à produire partout et sans cesse son mythique ennemi inventé, le terrorisme qui est en fait sa seule vraie défense en ce temps de décomposition universelle où la liberté despotique de l'argent et ses conséquences véritables ne peuvent être encore acceptées qu'au regard d'antagonismes factices et d'attaques insidieuses sous faux drapeaux constamment mis en scène par le biais d'orchestrations machiniques de vaste ampleur.
L’histoire du terrorisme est désormais l'une des forces productives majeures du spectacle étatique mondialiste; elle définit donc le coeur stratégique du dressage social puisque les spectateurs doivent retenir de la pédagogie de l'attentat, que, en comparaison au terrorisme, toute la pourriture quotidienne de la vie fausse devra leur demeurer préférable et préférée.
"USA, USA", ont ainsi scandé naïvement des Bostoniens descendus dans la rue et de la sorte bien domptés par le jeu des images fantastiques du renversement concret du réel. Certains arborant même frénétiquement un drapeau américain. Des célébrations totémiques de l’aliénation qui traduisaient le soulagement d'une population traumatisée par le plus grave attentat étatiquement télécommandé aux États -Unis depuis la mystification du 11 Septembre. L’union sacrée de la servitude volontaire n’a bien évidemment qu’un temps mais le confusianisme mystérieux des bombes barbouzardes conserve toujours là un intérêt évident bien que sa durée soit éminemment toujours et de plus en plus rétrécie…
Dans le monde du spectacle de la marchandise où les intérêts agissants de la dictature démocratique des Mafia de l’argent sont à la fois si bien et si mal obscurcis, il convient toujours pour saisir les mystères du terrorisme d’aller au-delà des rumeurs médiatiques policières puisque la sauvegarde des secrets de la domination opère continûment par attaques fardées et véridiques artifices.
Le leurre commande le monde du fétichisme de la marchandise et aujourd’hui d’abord en tant que leurre d’une domination qui ne parvient plus à vraiment s’imposer au moment où l’économie historique de la crise manifeste explosivement la crise historique de l’économie elle-même.
Du meurtre d’Aldo Moro par les brigades rouges étatiques aux attentats pentagonistes du 11 septembre et en passant évidemment par la disparition violemment paramétrée de John Fitzgerald Kennedy sans oublier les tueries hautement calculées du télépiloté Merah, la société du spectacle de l’indistinction marchande ne cesse de s’éminemment montrer comme le monde de l’inversion universelle où le vrai est toujours réécrit comme un simple moment nécessaire de la célébration du faux. Derrière les figurants, les obscurs tirages de ficelles et les drapeaux mal bricolés, les vrais commanditaires sont adroitement camouflés puisqu’ils résident invariablement dans ces lieux impénétrables et énigmatiques, inaccessibles à tout regard, mais qui du même coup les désignent par cette ruse de la raison qui rend précisément percevable ce qui se voulait justement in-soupçonnable.
Le masquage généralisé se tient derrière le spectacle qui donne ainsi à infiniment contempler quelque chose en tant que complément décisif et stratégique de ce qu’il doit empêcher simultanément que l’on voit et, si l’on va au fond des choses, c’est bien là son opération la plus importante ; obliger à sans cesse observer ceci pour surtout ne point laisser appréhender cela.
Par delà chaque tueur fou opportunément manipulé dans les eaux troubles du djihadisme téléguidé ou, de l’extrémisme supervisé existe, en premier lieu, l’incontournable réalité du gouvernement du spectacle de la marchandise lequel dorénavant possède tous les moyens techniques et tous les pouvoirs gestionnaires d’altérer et de contre-faire l’ensemble de la production sociale de toute la perception humaine mise sous contrôle. Despote absolu des écritures du passé et tyran sans limite de toutes les combinaisons qui arrangent le futur, Big Brother pose et impose seul et partout les jugements sommaires de l’absolutisme démocratique des nécessités du marché de l’inhumain.
On commet une très lourde erreur lorsque l’on s’exerce à vouloir expliquer quelque attentat en opposant la terreur à l’État puisqu’ils ne sont jamais en rivalité. Bien au contraire, la théorie critique vérifie avec aisance ce que toutes les rumeurs de la vie pratique avaient si facilement rapporté lors des très enténébrées disparitions de Jean de Broglie, Robert Boulin, Joseph Fontanet, Pierre Berégovoy et François de Grossouvre. L’assassinat n’est pas étranger au monde policé des hommes cultivés de l’Etat de droit car cette technique de mise en scène y est parfaitement chez elle en tant qu’elle en est désormais l’articulation de l’un des plus grands quartiers d’affaires de la civilisation moderne.
Au moment arrivé de la tyrannie spectaculaire de la crise du capitalisme drogué, le crime règne en fait comme le paradigme le plus parfait de toutes les entreprises commerciales et industrielles dont l’Etat est le centre étant donné qu’il se confirme là finalement comme le sommet des bas-fonds et le grand argentier des trafics illégaux, des disparitions obscures et des protections cabalistiques.
Plus que jamais, en ce moment très spécifiquement crisique où en France, reprenant le témoin d’une droite complètement épuisée, la gauche du Capital bien vite superbement exténuée est en charge des affaires d’un marché en pleine décomposition, l’exutoire terroriste risque de devenir de plus en plus tentant pour détourner la colère qui monte, il est temps d’en finir avec toutes les mystifications et tous les malheurs historiques de l’aliénation gouvernementaliste afin de commencer à pressentir la possibilité de situations humaines authentiques. Hors de l’économie politique de la non-vie, il convient exclusivement d’organiser le retour aux sources à une communauté d’existence enfin débarrassée de toute exploitation et de toute domination.
Francis Cousin
L’INTERNATIONALE
Fin avril 2013 http://www.scriptoblog.com
Wayne Madsen a compilé les archives de la CIA (Central Intelligence Agency). Ses travaux l'ont amené à relever des liens très étroits entre l'agence de renseignement et des membres de la famille de l'actuel Président américain Barack Obama. Ce journaliste d'investigation fait ainsi toute la lumière sur la collaboration du père d'Obama, de sa mère et de son beau-père dans des opérations montées par la CIA. La famille Obama a collaboré avec l'Agence à un moment où la Bannière étoilée cherchait à contrecarrer l'influence sino-soviétique dans les cercles étudiants et l'émergence de représentants politiques proches de Moscou sur les continents africain et asiatique. Les activités de cette famille occultées par la presse internationale, n'ont pas fini de livrer leurs secrets. Cet exposé a pour intérêt de révéler avec précision ce que l'on nous cache.
Fondée en 1953 par Eldridge Haynes et son fils Elliot Haynes, la Business International Corporation est une société façade de la CIA. Ayant pour objectif de soutenir les entreprises américaines implantées à l'étranger, elle organisait par ailleurs des conférences réunissant des leaders politiques et des journalistes employés comme agents secrets pour le compte des États-Unis. Dans les années 1960, la mère du Président américain, Ann Dunham Stanley, a travaillé en Indonésie pour des sociétés-écrans de la CIA comme la Fondation Ford ou l’East West Center rattaché à l'Université de Hawaï. L'East West Center est un organisme établi en 1960 sur l'initiative du Congrès américain, pour renforcer les relations entre les peuples et les nations de la zone Asie-Pacifique avec les États-Unis. En 1965, alors que le jeune Barack avait quatre ans, A. Dunham y rencontra son second mari, Lolo Soetoro. Il est le beau-père de Barack Obama. Cette même année, Lolo Soetoro est appelé en Indonésie pour assister le général Suharto - de confession musulmane et deuxième Président indonésien de 1967 à 1998 - dans le renversement de Sukarno. Celui-ci, musulman et communiste, fut le Premier Président indonésien de 1945 à 1967. C'est lui qui en 1945, proclama l'indépendance de l'Indonésie, nation qui avec 240 millions d'habitants, est aujourd'hui la plus peuplée du monde musulman.
Barack Obama Sr, le père du Président Obama, avait rencontré A. Dunham en 1959, lors d'un cours de russe à l'université de Hawaï. Il avait été désigné pour accompagner deux cent quatre-vingt étudiants asiatiques et africains dans des établissements universitaires implantés aux États-Unis. Cette mission avait pour objectif de former et d'endoctriner les futurs agents d'influence. L'Asie et l'Afrique devenaient un terrain de lutte de pouvoir entre les États-Unis, l'Union soviétique et la Chine, tous trois désireux d'étendre leur domination sur des pays nouvellement indépendants ou en passe de le devenir. En 1961, Obama Sr épousa Ann Dunham Stanley sur l’île de Maui, la deuxième plus grande île de l'archipel de Hawaï.
TOM MBOYA, L'HOMME DE MAIN DE LA CIA
La CIA avait recruté Tom Mboya dans le cadre de « libération sélective ». Ce programme avait pour principe d'isoler le Président Kenyatta, fondateur de la république du Kenya et considéré par la CIA comme une personne « non fiable ». T. Mboya était un pilier de la politique kenyane. Il fut le fondateur du People's Congress Party ainsi qu'un artisan de la fondation du parti Kanu (Kenya African National Union). Il participa aux négociations ayant conduit à l'indépendance du Kenya en décembre 1963. T. Mboya reçut une subvention de cent mille dollars de la Joseph P. Kennedy Foundation dans le cadre du programme d'invitation d'étudiants étrangers aux États-Unis. Obama Sr était un ami de T. Mboya. Quand il fut assassiné en 1969, le père d'Obama témoigna au procès de son meurtrier. Obama Sr avait quitté Hawaï en 1962 pour étudier à l'Université de Harvard dans le Massachusetts. Divorcé d'Ann Dunham en 1964, il épousa Ruth Niedensand, une étudiante juive américaine de l'université ; et retourna avec elle au Kenya, où ils eurent deux fils. Ce mariage se solda aussi par un divorce. Obama Sr avait travaillé aux Ministères des Finances et des Transports kenyans. Il décédera dans un accident de la circulation en 1982 à Nairobi, capitale du Kenya.
Des documents de la CIA démontrent que Tom Mboya fut un important agent d'influence de la CIA. D'après un rapport secret émanant de la CIA, CIA Current Intelligence Weekly Summary du 19 novembre 1959, T. Mboya avait la mission de contrôler les gauchistes lors de la seconde Conférence panafricaine (All-African People's Conférence, AAPC) qui se déroula en Tunisie en 1961. À cette occasion, le conservatisme de Mboya est perçu comme un contrepoids à la politique communiste du clan Nkrumah. Celui-ci, président du Ghana de 1960 à 1966 et soutenu par les « représentants sino-soviétiques », décédera des suites d'un cancer de l'estomac en 1972 dans un hôpital de Bucarest. T. Mboya avait bénéficié d'une bourse d'étude pour s'inscrire à l'Université de Hawaï. Dans un autre rapport secret de la CIA du 3 avril 1958, il est écrit : « [Mboya] est un des leaders africains les plus prometteurs ». Un autre document du 18 décembre 1958 décrit le nationaliste kenyan Mboya comme un « jeune porte-parole capable et dynamique ». Il est considéré comme un adversaire des "extrémistes" à l'instar de Nkrumah. Dans le milieu de la diplomatie américaine, on pense que l'assassinat de T. Mboya pourrait être l'œuvre d'agents chinois. Toutes les ambassades du Kenya avaient, pour cette occasion, mis leurs drapeaux en berne, à l'exception de la république populaire de Chine.
DUNHAM ET BARRY SOETORO ET L'ACTIVITÉ SECRÈTE DE L'USAID
En 1965, un nouveau président, Howard P. Jones, fut nommé à l’East-West Center. Il avait été ambassadeur des États-Unis en Indonésie de 1958 à 1965, lorsqu'à Djakarta (capitale de l'Indonésie) Soharto et les agents de la CIA renversèrent Sukarno. Le 10 octobre 1965, Howard P. Jones publia un article dans le Washington Post où il prenait position pour Soharto dans le coup d'État fomenté contre Sukarno. Il parlait de la nécessité de ce « contre-coup d'État » pour reconquérir un pouvoir perdu, lors du coup d'État initial mené le 30 septembre 1965 par les communistes. Jones ne déclara jamais que Soharto avait bénéficié de l'appui de la CIA. Deux jours après le contre-coup d'État de Soharto, les participants à une manifestation orchestrée par la CIA, incendièrent à Djakarta le quartier général du PKI (Parti communiste indonésien), proche de Pékin. Devant l'ambassade américaine qui abritait un bureau de la CIA, des manifestants défilaient et criaient : « Longue vie à l'Amérique ! ». Néanmoins, l'histoire des relations entre l'Amérique et l'Indonésie est particulièrement riche en rebondissements : en 1992, un certain James Riady, protégé de Soharto, sera accusé d'avoir injecté plus d'un million de dollars dans des contributions illégales à la campagne présidentielle de Bill Clinton.
En 1960, Dunham est enceinte de Barack Obama. Elle abandonne alors des études commencées à l'Université de Hawaï. À l'automne 1961, elle reprend les cours à l'Université de Washington ; et se réinscrira à l'Université de Hawaï de 1963 à 1966. Lolo Soetoro qui a épousé Dunham en mars 1965, quitte Hawaï pour l'Indonésie le 20 juillet 1965, soit trois mois avant les opérations de la CIA contre Sukarno. Promu au grade de colonel par Soharto, Lolo Soetoro est rappelé à Djakarta pour contribuer au contre-coup d'État (qui destitua Sukarno). En 1967, installée en Indonésie avec son fils Barack Obama, Dunham enseigne l'anglais à l'ambassade des États-Unis de Djakarta pour le compte de l’USAID. Créée en novembre 1961, l'United States Agency for International Development (Agence des États-Unis pour le développement international) qui tire son origine du Plan Marshall, est chargée du développement économique et de l'assistance humanitaire dans le monde. Étant une des antennes les plus importantes de la CIA, elle a été impliquée dans des opérations secrètes. Le 9 février 1971, le journal Washington Star expose que l’USAID ravitaillait l'armée laotienne en riz, qu'elle revendait à l'armée nord-vietnamienne. L’USAID et la CIA ont utilisé les livraisons de riz pour obliger la tribu laotienne des Meo à entrer dans le camp des États-Unis contre les communistes.
LA MERE D'OBAMA ET LES COURS DE RUSSE
Les cours de russe que Dunham a suivi à Hawaï, sont très utiles pour les activités de la CIA en Indonésie. Les archives montrent qu'Ann Dunham et plusieurs agents de la CIA en poste à Djakarta, avant et après le coup d'État de 1965, étaient russophones. Une note déclassifiée du 2 août 1966, écrite par Bromley Smith, le secrétaire général du Conseil de sécurité national des États-Unis, mentionne que le Japon, l'Europe occidentale, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie et les Philippines avaient accueilli avec faveur la nouvelle du contre-coup d'État de Soharto : il permet le positionnement d'une Indonésie non-alignée sur Pékin.
Dans un article du 10 juillet 1971, le New York Times accusait l'USAID et la CIA d'avoir "perdu" 1,7 milliard de dollars dans le CORDS (Civil Opérations and Revolutionary Development Support). Ce programme avait pour mission de coordonner les opérations civiles et militaires américaines de "pacification" au Vietnam. Il visait aussi à établir une « cartographie humaine » du terrain, permettant d'identifier les personnes et les groupes suspectés de soutenir les vietnamiens communistes. Dans cette guerre particulièrement meurtrière, la CIA pratique la torture et assassine des civils et des moines bouddhistes dans des villages du Vietnam. Certains financements provenant de l'USAID ont été injectés dans une compagnie aérienne appartenant à la CIA : Air America. En Thaïlande, le financement par l'USAID du Programme de Développement rural accéléré (Accelerated Rural Development Program) cache en réalité des opérations contre la guérilla communiste. En 1971, peu avant le début de la troisième guerre indo-pakistanaise, les fonds de l’USAID destinés aux projets de travaux publics dans la partie orientale du Pakistan, ont été utilisés pour entretenir une force militaire sur la frontière avec l’lnde. Ces exemples prouvent que les fonds de l'USAID servent des intérêts bien différents de l'assistance humanitaire dans le monde.
OBAMA ET SES GRANDS-PARENTS MATERNELS : MADELYN ET STANLEY DUNHAM
En 1972, le directeur de l'USAID admet que la CIA a instrumentalisé cette organisation pour effectuer des opérations au Laos. LUSAID servait ainsi de couverture idéale pour les opérations de la CIA en Indonésie, aux Philippines, au Sud-Vietnam, en Thaïlande et en Corée du sud. Dans le Sud-est asiatique, les projets de l'USAID sont soutenus par le SEADAG (Southeast Asian Development Advisory Group), un groupe développant des projets publics en Asie, et tenu, bien entendu par la CIA. Toujours en 1972, le programme Food for Peace contrôlé par l'USAID et par le Ministère de l'Agriculture des États-Unis, a été financé pour mener à bien des projets militaires au Cambodge, en Corée du sud, en Turquie, au sud-Vietnam, en Espagne, à Taïwan et en Grèce. Grâce à tous ces réseaux financiers, cette même année, l'USAID put appuyer les forces nord-yéménites contre le gouvernement du Sud-Yémen défendu par des socialistes opposés à l'hégémonie américaine dans la région.
Une des institutions affiliées aux travaux de l'USAID en Indonésie est la Fondation Asie (Asia Foundation). Fondée en 1950 avec l'aide de la CIA, elle s'oppose à l'expansion communiste en Asie. Toujours dans la sphère des activités de la CIA, le Bangladesh constitua aussi une étape dans l'itinéraire d'Ann Dunham. En 1972, retournant en Indonésie, elle confia la garde de Barack à sa propre mère qui résidait à Hawaï et occupait le poste de vice-président de la Banque de Hawaï à Honolulu, une autre couverture de la CIA. Madelyn Dunham fut la première femme à exercer cette charge. Plusieurs sociétés de façade de la CIA avaient leur compte à la Banque de Hawaï. Madelyn Dunham s'est servie des comptes cachés de la CIA pour transférer des fonds à l'attention des dictateurs asiatiques, à l'instar du Président de la république des Philippines Ferdinand Marcos, du président de la république du Vietnam Nguyen Van Thieu et du Président de la république indonésienne, le général Soharto. Par l'intermédiaire de cette banque, la CIA soutenait ses représentants politiques dans la zone Asie-Pacifique.
LA BBRDW : LES LIENS D'UNE SOCIÉTÉ BANCAIRE AVEC LA CIA
À Honolulu, la BBRDW (Bishop, Baldwin, Rewald, Dillingham&Wong) fut une des sociétés bancaires les plus utilisées par la CIA pour le blanchiment de l'argent sale. Le sénateur Daniel Inouye, membre du Comité des agents secrets du sénat américain (USA Senate Select Commutée on Intelligence) affirmait que le rôle de la CIA dans la BBRDW était insignifiant. Ce qui était un mensonge. En réalité, la BBRDW était profondément impliquée dans le financement des activités secrètes de la CIA sur tout le continent asiatique. Son champ d'action allait jusqu'à l'espionnage industriel au Japon et à la vente d'armes à Taïwan ainsi qu'aux guerriers Moudjahidin afghans. Jusqu'en 1981, John C. "Jack" Kindschi fut un des dirigeants de la BBRDW. Il fut aussi le chef de la CIA à Honolulu. Le passé de la BBRDW a été réécrit par la CIA : l'Agence voulait faire croire que cette banque ne fut présente à Hawaï qu'à partir de l'annexion de l'archipel par les États-Unis. La BBRDW conduisait ses activités dans le quartier des affaires de Honolulu, à côté du siège de la Banque de Hawaï.
Ann Dunham et son mari indonésien Lolo Soetoro ont été liés aux activités de la CIA quand elle visait à neutraliser l'influence sino-soviétique en Indonésie. Wayne Madsen a découvert qu'un des contacts les plus étroits de Soharto avec la CIA était Kent B. Crâne. Il était si proche de Soharto qu'après son retrait de la CIA, il fut un des rares hommes d'affaires « privés » à obtenir un passeport diplomatique du gouvernement de Soharto pour l'Indonésie. Sa société, Crâne Group, fournissait des armes aux forces militaires américaines et indonésiennes. Crâne a été le conseiller pour les affaires extérieures du vice-président des États-Unis, Spiro Agnew. Il fut nommé ambassadeur américain en Indonésie (de 1981 à 1989) par le quarantième Président Ronald Reagan. A son départ de Djakarta, il a été remplacé par Paul Wolfowitz qui sera Secrétaire adjoint à la Défense entre 2001 et 2005 dans le gouvernement de George W. Bush. De 2005 à 2007, P. Wolfowitz sera le président de la Banque mondiale.
À deux reprises, le Président Barack Obama a retardé sa visite officielle en Indonésie, qu'il réalisa en 2010. Peut-être craignait-il un quelconque intérêt de la presse sur les liens qu'entretenaient sa mère et son beau-père avec la CIA ? Dans les années 1970 et 1980, pour le compte de la Fondation Ford, de l’East-West Center et de l’USAID, Ann Dunham s'est occupée de projets de crédits en Indonésie. Le docteur Gordon Donald Jr. travaillait à l'ambassade des États-Unis qu'il a protégée contre les violences étudiantes anti-américaines pendant la période du contre-coup d'État contre Sukarno. Au Bureau des affaires économiques, G. Donald était responsable du programme du financement de l’USAID pour le développement de l'agriculture en Indonésie. Dans Who's Who in the CIA, G. Donald est décrit comme un agent de la CIA qui a travaillé à Lahore au Pakistan.
LES PROJETS HONTEUX DE LA CIA À HAWAÏ
Une littérature très abondante aborde les aspects géopolitiques des opérations secrètes de la CIA conduite par l'Université de Hawaï. Une note de la CIA du 15 mai 1972 traite d'un programme sur des études comportementales menées par la CIA. L'ARPA (Advanced Research Projects Agency : agence pour les projets de recherche avancée de défense) et l'Université de Hawaï y sont impliquées. Les documents abordant ce sujet ont été rédigés par Bronson Tweedy, vice-directeur de la CIA, par le directeur de PRG (Program Review Group), par l'Intelligence Community USA et par Robert Helms, directeur de la CIA. Le lieutenant-colonel Austin Kibler, directeur des études de l'ARPA s'est occupé des recherches sur les changements comportementaux et la surveillance à distance. Ces études ont été concrétisées avec la collaboration d'Edward Proctor, vice-directeur en charge du renseignement à la CIA, Cari Duckett, vice-directeur responsable de la science et de la technologie pour la CIA et John Huizenga, directeur de l'Office of National Intelligence Estimates. Les NIE désignent des documents d'estimation concernant des informations en possession des Services de renseignement sur d'éventuels événements futurs. Leur publication permet d'optimiser une politique d'anticipation efficace et de résoudre d'éventuelles divergences de points de vue entre les Services de renseignement.
En 1973, James Schlesinger, directeur de la CIA, ordonna une enquête administrative sur les programmes de l'Agence de renseignement. Celle-ci produisit une série de documents qui ont été publiés en 2007. R. Helms donna la consigne au docteur Sidney Gottlieb de détruire les registres relatifs aux recherches sur les changements de comportement. Le projet MK-Ultra, programme de recherche initialisé par la CIA, était spécialisé sur les études relatives aux changements comportementaux et au lavage de cerveau à partir d'injections de drogues. Plusieurs membres du gouvernement Ford de 1974 à 1977, parmi lesquels le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, ont fait en sorte que personne ne révèle les programmes d'interactions comportementales et psychologiques : les projets MK-Ultra et Artichoke. Plusieurs documents du 15 mai 1972 font également référence au projet Scanate commencé la même année. Ils traitent d'un programme de recherche de la CIA sur l'utilisation des psychotropes permettant la manipulation psychologique et la programmation du cerveau. Des rapports citent la collaboration de l'ARPA et de son "sous-traitant", la Stantford Research Institute (SRI), située à Menlo Park, en Californie. Pour ce faire, R. Helms contacta C. Duckett, J. Huizenga, E. Proctor et le directeur de l'Agence de l'intelligence militaire (Défense Intelligence Agency, DIA) qui est responsable d'un autre projet de la CIA, Grill Flame, sur la surveillance à distance.
LE DR BRANDON, SPÉCIALISTE DU COMPORTEMENT
R. Helms expose que l'ARPA avait financé les recherches sur le comportement dans le cadre de missions de la CIA et impliquant l'Université de Hawaï. La collaboration de ces deux entités dans le domaine de la guerre psychologique se poursuit encore aujourd'hui. Le Dr Susan Brandon, directrice du programme des études sur le comportement conduites par le Centre de contre-espionnage et de l'Intelligence (Defence Counter-intelligence and Human Intelligence Center, DCHC) à l'intérieur de la DIA, a obtenu son doctorat en psychologie à l'Université de Hawaï. Elle a travaillé dans un programme secret avec la participation de l'APA (American Psychological Association) et de la RAND Corporation et de la CIA, et ayant pour objectif d'améliorer les méthodes d'interrogatoire. L'objet de sa recherche s'étend aux domaines de la privation du sommeil, de la perception sensorielle et de la soumission à la douleur intense. Ces procédés ont notamment été utilisés sur des prisonniers de la base aérienne de Bagram en Afghanistan. Le Dr S. Brandon fut l'assistante du Directeur du service des sciences sociales, comportementales et éducatives au Bureau des sciences et des technologies dans le Cabinet de George W. Bush. Les liens entre la CIA et l'Université de Hawaï sont multiples. Harlan Cleveland, président de l'Université de Hawaï de 1969 à 1974, organisa une conférence sur ces thèmes au quartier général de la CIA le 10 mai 1977.
De nombreux documents attestent les liens de George W. Bush avec la CIA. Barack Obama est parvenu à dissimuler les relations de sa famille avec l'Agence. À la différence des autres membres du gouvernement fédéral, la famille Obama n'a jamais fait l'objet d'enquête. Étrangement, la grande presse ne s'est jamais intéressée à l'histoire trouble des Obama avec la CIA. Le Président travaillait-il sur des projets particulièrement sensibles ? Était-il au courant des programmes liés au contrôle mental ? Voilà des questions auxquelles il est bien difficiles d'apporter des éléments de réponses. Quoi qu'il en soit les rumeurs faisant état de fausses qualifications universitaires, d'un faux numéro de sécurité sociale établi au Connecticut et d'un état civil justifiant d'un lieu de naissance à Hawaï, en territoire américain et non au Kenya, tend à prouver que le Président Barack Obama serait un pur produit de la CIA et qu'il connaîtrait les projets les plus secrets de l'Agence.
Laurent BLANCY. Écrits de Paris avril 2011
L'essentiel des informations est repris des travaux de Wayne Madsen et du site italien :
< http://www.disinformazione. it/ biografia_nascosta_obama.htm >.