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international - Page 1308

  • La chute de Berlusconi annonce la liquidation de l’ENI

    Washington et Londres veulent que l’Italie n’ait plus ni politique énergétique propre ni souveraineté nationale
    (...) Notre pays est un pays frontière, un pont entre l’Europe et l’Afrique du Nord : depuis 1945, il a cherché, sans vraiment réussir, à reprendre pied en Afrique et à se tailler un espace autonome dans toute l’aire méditerranéenne. Bettino Craxi, par exemple, avait réussi à renouer des contacts assez étroits avec les pays du Maghreb et avec la Palestine de Yasser Arafat. Même si l’Italie est restée fidèle à l’Alliance atlantique — elle ne pouvait pas faire autrement — elle a tout de même défié les États-Unis à l’occasion de la prise du navire Achille Lauro et lors de l’affaire Sigonella, revendiquant fièrement sa souveraineté nationale (...). Berlusconi a accueilli dans son parti bon nombre de cadres de l’ancien PSI de Craxi, ce qui avait fini par générer une approche similiaire des rapports italo-arabes. Berlusconi avait ainsi réussi à restabiliser les rapports entre l’Italie et la Libye de Khadafi, mais si on peut juger ridicule ou embarrassante la performance de l’an passé sur la Piazza di Siena. L’Italie avait récemment pris acte du fait que la Libye, qui fut une colonie italienne, est un pays voisin avec lequel il faut avoir — quasi physiologiquement — des rapports très amicaux, qui vont bien au-delà de simples fournitures de gaz ou de pétrole. Ce n’est donc pas un hasard si ce furent nos propres services militaires (le SID) qui aidèrent Khadafi à prendre le pouvoir en 1969 ; ce n’est pas un hasard non plus si ce sont d’autres services italiens (le SISMI) qui ont plusieurs fois sauvé le Colonel de plusieurs tentatives de coup d’État, successivement soutenus par l’Egypte, les États-Unis ou Israël.
    La récente révolution libyenne a été, en réalité une révolte financée par Washington, Londres et Paris. La fin de Khadafi, qui en a été la conséquence, a certainement été pour Berlusconi une sorte d’avertissement. Depuis la chute du Tunisien Ben Ali, que le SISMI avait aidé à monter au pouvoir, à la suite d’une intrigue de palais, le message est donc bien clair : l’italie n’a plus aucun appui sur son flanc méridional ; il ne lui reste plus que la seule Russie. Et ce n’est donc pas un hasard non plus si Poutine lui-même et Gazprom, à la remorque de l’ENI, sont entrés en force en Libye pour y développer la production de gaz et de pétrole. Les tandems italo-libyen et italo-russe, consolidés par Berlusconi, ont permis de forger des liens qui risquent d’être réduits à néant, avec le nouveau gouvernement technocratique de l’Italie qui sera plus orienté dans un sens “atlantiste” et “nord-européen”.
    Les liens, y compris les liens personnels, que Berlusconi avait réussi à tisser avec Poutine, ne doivent pas être simplement banalisés sous prétexte qu’ils concernent la vie privée des deux hommes d’État. En réalité, Berlusconi favorisait la pénétration d’ENI et d’ENEL en Russie car il se rendait parfaitement compte qu’il fallait à tout prix renforcer des liens avec le premier pays au monde disposant encore de gisements jusqu’ici inexploités de gaz et de pétrole. Cette position économico-politique était partagée par Prodi qui avait accompagné à Moscou les dirigeants de l’ENI pour aller y signer des contrats de fourniture de gaz, valables jusqu’en 2040. On y avait également signé un contrat ENEL visant l’acquisition de l’OGK-5, une des premiers groupes énergétiques nationaux.
    Autre initiative de Berlusconi et de l’ENI, qui fut très peu appréciée par Londres et par Washington : celle de torpiller la réalisation du fameux gazoduc “atlantiste”, Nabucco, que cherchaient à nous imposer les Etats-Unis pour pouvoir encercler la Russie par le Sud. Ce gazoduc, incroyable mais vrai, recevait de solides financements de l’UE. Cette initiative, patronnée par les Américains, entendait faire transiter par la Turquie et la Géorgie le gaz de l’Azerbaïdjan, pour l’acheminer ensuite vers la bifurcation de Baumgarten en Autriche, où arrivent plusieurs gazoducs russes. Berlusconi et l’ENI, au contraire, soutenaient le gazoduc “South Stream” qui part de la Russie, traverse la Mer Noire pour arriver en Bulgarie et passer par la Grèce et se diriger ensuite vers l’Italie et l’Autriche. Cette entreprise peut franchement être qualifiée d’ “eurasiatique”, d’autant plus qu’elle bénéficie d’une forte participation allemande. Mais elle est peu appréciée par les Britanniques et les Américains. Ces deux pays ne peuvent accepter qu’une nation européenne, quelle qu’elle soit, puisse normaliser des rapports trop étroits avec la Russie sur le plan énergétique, alors qu’un rapport énergétique avec la Russie est assurément plus “physiologique” que tous ceux que veulent nous imposer les Etats-Unis avec les pays arabes producteurs de pétrole qui sont leurs satellites.
    La Grande-Bretagne, elle, a toujours voulu se maintenir en Méditerranée. Elle profite aujourd’hui de l’attaque de l’OTAN contre la Libye pour y revenir en force. Pour s’y asseoir encore plus solidement, elle oeuvre contre Berlusconi et contre l’ENI via les gnomes de la City. Les spéculations financières auxquelles celle-ci s’adonne, en parfaite syntonie avec Wall Street, ont fait le siège de notre pays dans le but de jeter le doute sur sa solvabilité et obliger ainsi le gouvernement en place à revoir complètement ses programmes financiers futurs. Simultanément, ces spéculations ont pour objectif de faire passer l’idée que le gouvernement en place est trop faible, s’est disqualifié, et s’avère dès lors incapable d’assainir les comptes publics et de redonner confiance au monde de la finance. Tout cela n’est que la raison apparente de la crise italienne. En réalité, nous faisons face à la tentative — qui réussira probablement vu que c’est Mario Monti qui remplacera sans doute Berlusconi — de parachever le processus commencé en 1992 avec la fameuse Croisière du Britannia.
    Le 2 juin 1992, jour de la Fête de la République, alors que la campagne “Mani pulite” (= “Mains propres”) battait son plein et donnait d’ores et déjà l’impression que la Démocratie Chrétienne (DC) et le PSI, piliers du système politique en place à l’époque, seraient bientôt balayés, une impressionnante brochette de managers des entreprises à participation étatique accepte de s’embarquer sur le yacht royal britannique pour une croisière d’un seul jour. Au cours de cette croisière, organisée par “British Invisible”, une société qui promeut les produits “made in Britain”, on explique aux managers des entreprises d’Etat  italiennes qu’il est nécessaire de privatiser. À bord, nous trouvions Mario Draghi, à l’époque directeur général du Trésor : ce fut lui qui géra par la suite les privatisations ; entretemps, il prononça un discours d’introduction et fut le premier à partir. La suite des événements prouva qu’il ne s’est pas agi d’une simple conférence sur les privatisations, qui n’avait d’autres but que d’être prononcée : en automne de la même année, la City spécule contre la lire italienne qui doit être dévaluée de 30%, ce qui permettait de vendre plus aisément diverses entreprises publiques. Par la suite, avec les gouvernements Prodi, D’Alema et Amato, 70% des parts de l’ENI et de l’ENEL sont jetés sur le marché, prévoyant du même coup que 30% de la masse restante, c’est-à-dire 21% du total, seraient offerts aux investisseurs internationaux, c’est-à-dire anglo-américains, ceux-là mêmes qui cherchent aujourd’hui à mettre la main sur les 30% restants de l’ENI. Le gouvernement Monti sera très probablement fort heureux de les vendre, en prétextant de pouvoir ainsi diminuer la dette publique. On peut aussi imaginer que le gouvernement Monti bénéficiera de l’appui de Fini, le post-fasciste devenu philo-atlantiste, ainsi que de celui de Casini, qui représente l’héritage de la DC au sein du monde politique italien d’aujourd’hui. Cette démocratie chrétienne s’était toujours opposée à la politique autonome de l’ENI au temps d’Enrico Mattei qui, lui, voulait assurer l’indépendance énergétique et préserver la souveraineté nationale de l’Italie.
    Filippo GHIRA. ( f.ghira@rinascita.eu ).
    (article paru dans “Rinascita”, Rome, 12 novembre 2011; http://rinascita.eu ).
    R.Steuckers

  • Les Chinois dans la pierre

     

     

     

     
    SAFE est le nom de l'institution chinoise d'administration des réserves de change de l'Empire du Milieu (3310 milliards de dollars). Royal-Artillerie a présenté ce léviathan financier dans un billet resté fameux, Picsou l'a rêvé, Ts'ai-chen l'a fait, paru aussi dans l'AF2000 le 20 janvier 2011. C'est à Londres qu'on reparle du monstre.

    1 Angel Square
    La SAFE avait garé 2,5 milliards de dollars en 2008 chez un fonds collectif d'investissement américain, Texas Pacific Group (ce fonds détient 42% de notre TDF) qui avait lui-même misé sur la Washington Mutual Investment Holding Corp. de Seattle (WIMH). Cette banque multi-marchés, un des plus gros acteurs des Etats Unis, a fondu les plombs le 25 septembre 2008 dans l'ouragan de feu des subprimes et SAFE n'a jamais rien dit de la lourde perte encourue. Mais n'en a pensé pas moins. Choisir une grosse institution - too big to fail - était décidément une connerie malgré les cours dispensés à l'université. TPG est le seul échec connu de la politique d'investissement de la SAFE, mais il y en eut probablement d'autres. C'est ce qui a redirigé ses crânes d'oeuf vers le placement de père de famille, un vieux truc chinois finalement. C'est Londres (et l'Angleterre) la première cible, la mauvaise santé de l'économie britannique ne perturbant pas les analystes de Pékin ou Singapour. Ils visent simplement l'immobilier et les infrastructures... comme le ferait le Qatar ! Le Qatar certes, mais tous les fonds souverains d'aujourd'hui, Norvège, Azerbaïdjan, Malaisie, Brunei..., échaudés par la créativité financière que seuls les créateurs arrivent à comprendre.

    Le bras investisseur chinois en vue est le fonds singapourien Gingko Tree Investment Ltd immatriculé à Londres (comme par hasard) et détenu à 100% par la SAFE qui a décidé de sauter par dessus la cascade d'acteurs spécialisés, fonds investisseurs classiques et banques, pour mettre ses sous directement sur la cible ultime. Selon Dealogic, il est sorti du bois l'an dernier. En janvier il a racheté à la Barclays pour 550 millions de livres 40% de la United Pulp & Paper Company Ltd. qui travaille dans l'écologie du recyclage et traitement de déchets, l'énergie de récupération. Gingko a placé immédiatement deux administrateurs au conseil. Gingko avait pris en juillet 10% dans le consortium qui a racheté le réseau d'eau Veolia Water Central pour 1236M£. Il a ramassé aussi un immeuble de bureau à Manchester (49% de One Angel Square) en décembre, après avoir payé en mai 438M$ pour l'immeuble de bureaux Drapers Gardens de Londres, selon Real Capital Analytics (NYC). Ce ne sont que des exemples émergés.

    Winchester House
    Excédés par les faibles taux d'intérêt des bonds du trésor et le yoyo spéculatif des actions en bourse déconnecté des réalités, la SAFE gare les avoirs de l'empire dans la pierre, ce qui est une innovation, mais oblige à désinvestir du papier. Jusque là, le défaut de confiance dans les entreprises qu'elles ne dirigent pas obligeait les autorités chinoises à se garder "liquides" le plus possible, quitte à jouer sur les changes. Mais la montagne de bons amassés les étouffe. Ils auront mis deux décennies au moins à comprendre du haut de leur incommensurable orgueil qu'ils ont acheté de la m... La Washington Mutual leur a ouvert les yeux.
    De son côté, la CIC, fonds souverain chinois China Investment Corp. qui gère 410 milliards de dollars d'actifs, a racheté la prestigieuse Winchester House pour 401M$, pour la louer à la Deutsche Bank qui en a fait son siège anglais. La CIC a aussi des parts dans l'aéroport d'Heathrow et dans le réseau d'eau Thames Water. C'est clair !

    Sont-ils au courant que nous avons des usines super-productives et que personne n'y met un kopek ! C'est vrai qu'un syndicat communiste dans l'affaire est rédhibitoire pour un Chinois responsable, même si M. Mélenchon est un "ami utile" !
  • Aymeric Chauprade : les grandes tendances géopolitiques du moment, la place de la France (1/2)

    Première partie. Aymeric Chauprade revient sur les grandes tendances géopolitiques du moment et se penche sur la place de la France dans le monde. Entretien réalisé avec Xavier Moreau pour Realpolitik, le 13 février 2013.


    Aymeric Chauprade : les grandes tendances... par realpolitiktv

    http://www.actionfrancaise.net

  • Écoracialisme (5) - La réalisation politique de la Modernité en France

    Cette fois, Frédéric Malaval se penche sur la Modernité. Il voit dans la période que nous vivons actuellement depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale un nouvel Age d’or pour aboutir à la mondialisation, étape ultime de la colonisation américaine.
Polémia
    Des trois étapes essentielles installant la Modernité nous éluderons le XIIIe siècle et le XVIe siècle en relevant toutefois que ces deux époques sont des Ages d’or succédant à des périodes troublées. Ainsi, le XVIe siècle conclut une période dominée par les grandes pestes qui décimèrent la population européenne. La période que nous vivons depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale est aussi un Age d’or. Aucune guerre, épidémie ou famine n’est venue dévaster l’Europe. Les hécatombes de la guerre de 1914-1945, les épidémies comme la grippe espagnole de 1919 ou la crise économique de 1929 relèvent de l’Histoire pour l’immense majorité d’entre nous qui n’a connu que la prospérité. Nous laisserons aux historiens le soin d’exposer pourquoi le XIIIe siècle et le XVIe siècle sont à ranger dans la catégorie des Ages d’or. Concentrons-nous sur la deuxième moitié du XXe siècle. Cette prospérité commence dans des conditions politiques où l’Europe est dominée par les deux porteurs de la Modernité : les USA capitalistes à l’ouest, l’URSS socialiste à l’est.
    Le 14 juin 1940, le général allemand Rommel, à la tête de ses chars, faisait près de 260 km en une journée en Normandie. En face, il n’y avait plus rien. Le 10 juillet 1940, l’Assemblée nationale à l’origine du Front populaire de 1936 confiait les pleins pouvoirs au maréchal Pétain pour gérer la débâcle. La classe dirigeante française fut ébranlée par ce séisme, elle qui avait participé à la régence du monde après 1918.

    Le 6 juin 1944, le débarquement américain en Normandie eut comme conséquence de décapiter définitivement ce qui en restait après la débâcle de 1940. L’Epuration et la diffusion de listes d’infamie créèrent des vides au sommet de la hiérarchie sociale. Ceux-ci furent comblés à l’issue d’un processus méritocratique encadré par des protagonistes ayant fait allégeance au vainqueur. Puis, ce furent les Trente Glorieuses au cours desquelles le territoire français connut un bouleversement sans précédent. Géographique, avec la fin d’une France millénaire structurée par la paysannerie. L’exode rural vida les campagnes ; de rurale, la France devint urbaine. Social, avec un baby-boom entre 1945 et 1955. Ce sont ces enfants qui rompirent avec la France traditionnelle pour l’engager dans le matérialisme bourgeois. Le modèle politique qui s’impose repose sur la reconstruction, puis le développement. C’est au nom de ce développement que fut organisée l’arrivée massive de populations allogènes en Europe de l’Ouest, particulièrement en France et au Royaume-Uni dont les réservoirs issus de leurs empires éclatés ne cessaient de croître. Jusqu’alors les migrations ne concernaient que des peuples européens. L’américanisation est depuis irrépressible. Seule l’Europe de l’Est, dominée par l’URSS, échappa à cette politique. Depuis sa disparition, l’américanisation de l’Europe s’étend vers l’Est. Portée par toutes les institutions créées depuis, cette américanisation a assuré la paix et la prospérité dans un espace européen chroniquement affecté par la guerre et la misère. Chacun y succombe et accepte volontiers cette tutelle car, pour l’immense majorité, « on vit bien ».

    Pour savoir où tout cela nous conduit et comment cela s’organise, regardons l’Amérique. Le déploiement de son modèle politique à l’ensemble du monde s’appelle désormais « la Mondialisation ». Le stade ultime de la Modernité, telle qu’elle est envisagée aujourd’hui, est une ploutocratie mondialisée garante de l’optimisation du bonheur collectif. La Mondialisation est le terme nuancé pour décrire l’américanisation de l’écosphère.

    Alors que la crise financière de l’automne 2008 commençait, le président de la Banque centrale européenne, interrogé sur son origine, reconnaissait, sûr de lui, que le monde que lui et ses semblables cherchaient à édifier souffrait encore de quelques imperfections. Cette crise allait contribuer à les révéler et à les résoudre. Quel monde est-il donc envisagé ? Qui le construit ? Cette opacité sur la finalité du processus engendre rumeurs et fantasmes incessants, pourtant le but apparaît de plus en plus évident pour une multitude. Nous assistons à un processus d’américanisation du Monde uni par un même modèle politique, relayé par les bourgeoisies locales que les Etats-Unis ont promues. Le développement est le but et le moyen d’accéder au stade ultime.

    Plusieurs références sont indiscutables. Deux ont déjà été évoquées : le Paradis, les USA. Se pose alors la question de l’identité et des motivations des protagonistes les plus actifs et de leur vision du monde. Une certitude s’impose alors : l’ambition ultime de la Modernité est d’artificialiser les écosystèmes, c’est-à-dire sortir l’Homme, conçu comme Unité, des contingences imposées par l’état naturel. La production de biens, matériels ou immatériels, est donc le but absolu. Cela s’appelle le Développement ; hier, la Civilisation. L’artificialisation de l’écosphère permet alors le découplage de l’Homme et de la Nature. Capitalistes et socialistes s’accordent sur la dissociation Homme/Nature, mais il y a divergence sur le mode d’appropriation des moyens de subsistance. Au nom de l’efficacité, pour les capitalistes, tout doit être fait pour favoriser le triomphe des intérêts privés ; pour les socialistes, ces moyens d’existence doivent être collectivisés. Les premiers ont gagné. Le pôle socialiste a implosé en 1991, les plus radicaux des capitalistes envisageant une Fin de l’Histoire (Fukuyama) par la réalisation d’un Nouvel Ordre mondial (George H.W. Bush). Tout ce qui s’oppose à cette promesse de l’Eden est alors éliminé. La certitude de participer à l’augmentation du bonheur collectif est ancrée dans leurs esprits. Les capitalistes se conçoivent, sous la protection armée des Etats-Unis, comme la  classe dirigeante de nos sociétés ploutocratiques. Le triomphe du marché comme espace d’arbitrage des conflits est le but et le moyen de réaliser ce Paradis où les antagonismes de classes, de races, de nations, etc., auront disparu au profit du bien-être matériel garanti par cette élite capitaliste dans un monde unifié par une gouvernance mondiale. L’espérance du profit, donc l’enrichissement, est la ruse de l’Histoire pour amener des individus à réaliser cette entreprise collective. La Mondialisation est alors le but de toute politique. La combattre est un crime assimilable à ceux commis par les plus réactionnaires des ennemis du peuple. Tout ceci est fait et pensé au nom de la Modernité envisagée comme le paradigme inaliénable de la noosphère. Aussi, ce n’est plus le bonheur ou la prospérité de tel ou tel peuple qui importe, mais l’augmentation générale de la quantité de biens et de services accessibles au plus grand nombre. C’est l’esprit guidant une mondialisation heureuse, sacrifiant parfois un peu de confort chez les uns pour l’augmenter sensiblement chez les autres. (…). L’augmentation du bonheur collectif en est la justification.

    Bien évidemment, les critiques fusent pour contester cette suprématie politique autoproclamée vertueuse. Ecologistes, philosophes, nationalistes, religieux, etc., sont en embuscade pour sortir du bois le jour où la fatuité de ces promesses s’imposera à tous. Déjà les premières failles ne cessent de s’agrandir. Tradition et PostModernité s’associent alors pour construire un discours alternatif. L’Ecologie comme science politique s’impose à l’interface de ces deux courants.

    Frédéric Malaval http://www.polemia.com
    22/02/2013
    Ecoracialisme (5) La réalisation politique de la Modernité en France

    À lire :

    Écoracialisme (1) / Introduction
    Écoracialisme (2) / Un homme, une femme ; un homme/femme, une femme/homme
    Écoracialisme (3) / L’Âge d’or
    Écoracialisme (4) / L’insondabilité de l’origine des peuples

  • Les failles du Système : les repérer, les analyser, les exploiter

    (1re partie) Intervention de Michel Geoffroy

    Lors de la Troisième Journée d’étude de la réinformation, organisée par Polémia, le 16 octobre 2010, à Paris, Michel Geoffroy s’est attaché à analyser les failles du système mondialiste, condamné à disparaître comme a disparu le système communiste. Mais l’histoire est comme l’herbe, on ne la voit pas… pousser. Il faut donc apprendre à détecter les signaux faibles ce qui procède de la réinformation.
    Par définition les signaux faibles ne figurent pas dans les gros titres des quotidiens et ne passent pas au « Journal de 20h ». Il faut donc apprendre à les découvrir car ils sont souvent cachés sous le fatras de « l’information » sidérante. En outre, les signes faibles ne bénéficient pas de l'effet d'orchestration, à la différence des faits politiquement corrects. Il faut donc une mise en perspective pour comprendre leur signification et leur dimension.
    Pour une simplification de lecture, le texte de l’intervention de Michel Geoffroy sera présenté en cinq parties sous les titres suivants :
       1. Les trois murs du système mondialiste
       2. Les similitudes entre le système mondialiste et le système soviétique
       3. L’ébranlement du mur médiatique : apprendre à détecter les signaux faibles
       4. Les fissures du mur médiatique : la montée de nouvelles dissidences
       5. Les fissures du mur médiatique : l’apparition de nouvelles lignes de fracture sociale

    1er Partie : Les trois murs du système mondialiste

     La première partie de l’intervention de Michel Geoffroy est consacrée à la description des « trois murs » sur lesquels s’appuie le système mondialiste : le mur des intérêts économiques, le mur du politiquement correct, le mur médiatique.
    Le Système qui s'est imposé dans les pays occidentaux s'appuie donc sur trois murs :
    - le mur des intérêts économiques : c'est à dire celui des entreprises transnationales et des banques qui sont les seules vraies bénéficiaires du libre – échangisme mondialiste ;
    - le mur du politiquement correct ;
    - le mur médiatique : c'est le plus nouveau par rapport aux anciennes tyrannies car il se présente sous les apparences de la liberté, de la transparence et d'un bien de consommation.
    Ces trois murs se renforcent mutuellement: ainsi l'appareil médiatique occidental, principal vecteur du politiquement correct, est largement de nos jours dans les mains des puissances d’argent.
    On s'attachera plus particulièrement au mur médiatique.
    Le mur médiatique est idéologique : il se présente sous les dehors de l'objectivité (de « l'information ») mais il véhicule une vue du monde particulière qui est celle de la super-classe dirigeante et qui s'articule autour des principaux tabous suivants :
         L'idéologie des droits de l'homme ;
       La promotion du déracinement et du cosmopolitisme c'est à dire de l'homme réduit à un atome social et sans obligations vis à vis de sa communauté ;
       L'égalitarisme et la négation des différences humaines ; Le libre échangisme mondialiste (et les bienfaits de la disparition des frontières et des Etats) ;
         La culpabilisation des européens.
    Le mur médiatique repose sur un décalage entre le monde réel et celui qui est construit et idéalisé par l'appareil des médias c’est à dire des écrans. Au début (années 1990), ce décalage était relativement limité, mais aujourd'hui il s’est accentué.
    Le monde des médias comme celui de la publicité est différent du monde réel.
    Le mur médiatique est enfin un filtre qui présente positivement la mise en œuvre de cette idéologie, qui ne donne la parole qu'à ses partisans, qui passe sous silence ses effets déplaisants et qui diabolise ceux qui la contestent.
    Les failles du Système : les repérer, les analyser, les exploiter (2e partie) Intervention de Michel Geoffroy
    Polémia poursuit la mise en ligne da la communication de Michel Geoffroy à la Troisième Journée d’étude de la réinformation, organisée par Polémia, le 16 octobre 2010, sur : « Les failles du système, les repérer, les analyser, les exploiter.» Michel Geoffroy souligne ici les similitudes avec le système soviétique.

     2e Partie : Les similitudes entre le système mondialiste et le système soviétique

    Bien qu’il ait été mis en place après la chute du communisme en Europe, le Système présente un certain nombre de similitudes avec le système soviétique :
       1. une oligarchie dominante : la super classe mondiale ;
       2. une concentration des pouvoirs : politiques, économiques, culturels et médiatiques ;
       3. une idéologisation omniprésente de la réalité : au travers du filtre médiatique ;
       4. un système qui repose sur la contrainte (mais non physique) :
         - la censure politiquement correcte des opinions, la réduction de la souveraineté des Etats ;
       - la peur de perdre son emploi pour un nombre croissant d'occidentaux, c'est à dire la menace de la mort économique ;
         - le développement du contrôle social au nom de la sécurité (« lutte contre le terrorisme ») ;
       - la menace économique et militaire (ex. le chantage des multinationales en cas de second vote négatif des Islandais, faire revoter quand le résultat ne convient pas).
    Un système utopique
    La principale similitude tient au fait que ce système repose sur l'utopie.
    L'accent mis sur la rationalité économique ne doit pas faire oublier que ce Système repose sur l'utopie (hérésie) du gouvernement mondial et de l'unification du genre humain : c'est-à-dire sur une dérivée de l'utopie égalitaire et comme telle condamnée par le mouvement de la vie et par l'épreuve des faits. Il repose aussi sur l'utopie du contrôle total (par une petite minorité éclairée: la super classe mondiale).
    Au surplus l'utopie du système est incohérente entre ses différentes composantes, à la différence du marxisme qui était un bloc.
    Exemples :
         – elle prône la négation des races mais veut le métissage et elle reconnaît l’identité noire ;
       – elle diabolise la promotion de l’identité européenne sous le nom de racisme, mais elle favorise tous les autres communautarismes ;
        – elle adopte une attitude incohérente vis à vis de l'Islam : elle l'instrumente dans l'immigration comme moyen d'affaiblir les Européens (après l'avoir instrumenté contre l'Union Soviétique). Mais elle prétend aussi le combattre sous le nom d'intégrisme (alors que beaucoup de musulmans perçoivent la mise en cause de l'intégrisme avant tout comme une atteinte contre leur religion).
    Enfin cette utopie est d’autant plus fragile qu’à la différence de l'URSS le Système ne peut se fonder sur des succès visibles (comme la victoire sur l'Allemagne, l'industrialisation, la puissance militaire, la sécurité sociale ou la conquête spatiale pour l’URSS) qui contribueraient à le conforter dans le cœur de la population.
    Son seul succès est négatif : il découle justement de l'échec du communisme comme alternative au capitalisme (c'est la fin de l'histoire selon Fukuyama : le libéralisme vainqueur par KO).
    Mais en fait le Système a hérité de l'abondance matérielle qui a été construite antérieurement à sa mise en place et fondée sur des principes différents du sien. En outre il ne peut pas vraiment la garantir dans la durée pour les Européens.
    Parce qu'il repose sur l'utopie comme l'Union soviétique, le Système est condamné, comme elle, à disparaître. Le Mur médiatique tombera comme est tombé le mur de Berlin et pour les mêmes raisons : les réalités viendront à bout de l'idéologie !
    Un système contredit par les faits
    Le Système est donc susceptible d'être contredit en permanence par les faits, comme le marxisme.
    Nous vivons justement dans une période où les promesses et les mensonges du Système apparaissent de plus en plus sous leur vrai jour. Nous vivons en effet aujourd'hui à l'âge des conséquences : c'est à dire de la découverte par le plus grand nombre des conséquences fatales, et surtout de plus en plus désagréables, des politiques qui ont été mises en œuvre au cours du dernier quart du XXème siècle dans le monde occidental et qui ont justement donné naissance au Système dans lequel nous vivons et dont les effets pervers apparaissent de plus en plus. C'est ce qu'en langage médiatique on nomme une « crise ».
    L'âge des conséquences est donc l'âge des crises, c'est à dire la découverte des différentes impasses dans lesquelles on nous a conduits et dont nous ne pourrons plus sortir que dans la douleur et sans doute aussi dans l’affrontement. L'âge des crises est donc aussi l'âge de La violence qui vient, (Eric Pougin de La Maisonneuve, Général de division, Arléa, 1997), c'est à dire celui de l'histoire dont les occidentaux avaient oublié un peu vite le côté tragique et conflictuel.
    Cinq impasses majeures qui sont aussi cinq crises :
         – l'impasse de la dénatalité européenne ;
         – l'impasse de l'immigration africaine et musulmane de peuplement en Europe ;
         – l'impasse de la supranationalité européenne et de la prétendue gouvernance mondiale ;
         – l'impasse du libre–échangisme mondialiste ;
         – l’impasse de l’idéologie compassionnelle des droits de l’homme ; mais il y en d'autres !
    L’âge des conséquences L'âge des conséquences (des « crises ») contribue donc à ébranler de plus en plus le mur médiatique sur lequel repose le Système.
    Il est très difficile de lutter contre les croyances idéologiques car elles ne reposent pas sur la raison.
    Les faits historiques et sociaux sont rarement perceptibles au plus grand nombre (qui se préoccupe avant tout du court terme).
    Des échecs n'affaiblissent pas enfin immédiatement une idéologie : ils peuvent au contraire conduire
      – à sa radicalisation : exemple l'échec de la doctrine de « l'intégration » des immigrés débouche sur « la discrimination positive » c'est à dire encore plus d'intégration ;   
      – au phénomène de la NEP (Nouvelle politique économique, un système économique établi par Lénine en 1921, NDLR) : admettre provisoirement une entorse au dogme pour survivre politiquement et continuer de plus belle ensuite.
    C'est en réalité l'expérience personnelle contraire qui conduit à remettre en cause une idéologie, qui est une croyance : comme circuler en Trabant sur les autoroutes allemandes et se faire dépasser par les BMW et les Mercedes, conduit à douter de la supériorité du socialisme !
    L’information existentielle dément l’information mimétique
    Le discours dominant pouvait avoir une certaine crédibilité tant que ses effets collatéraux restaient d'une ampleur limitée (les chiffres de l'immigration, du chômage et de l’insécurité en 1981 sont sans commune mesure avec ceux d'aujourd'hui), tant que ceux qui les subissaient restaient peu nombreux au regard de la population et tant qu'il était possible d'occulter certains faits.
    Mais aujourd'hui ce n’est plus le cas : les commandements de l'idéologie dominante se trouvent contredits par l'expérience personnelle d'un nombre croissant de personnes.
    Ainsi par exemple, la présentation compassionnelle de l’immigration, qui est le discours de l’oligarchie, est de plus en plus décalée par rapport à l’expérience personnelle des Européens de souche :
      – il suffit de sortir dans les rues, de mener ses enfants à l'école publique, de fréquenter l'hôpital ou la sécurité sociale, d'aller dans une grande surface (produits hallal) ou de prendre les transports en commun pour mesurer la progression rapide de l'africanisation et de l'islamisation ;
        – un nombre croissant de français ont donc le sentiment de ne plus vivre dans le même pays tout simplement parce que le nombre d'immigrés a cru très sensiblement (et bien au delà du discours officiel). Les violences et dégradation urbaines sont aussi plus visibles car tout simplement plus massives (ex émeutes du ramadan 2005). De même l'islam devient plus visible à mesure que la population musulmane augmente.
    Ces expériences journalières frappent de contradiction l'idéologie compassionnelle de l'immigration ; elles montrent :
      – qu'il y de plus en plus d'endroits où les « minorités » sont en majorité ; – que toutes les personnes d'origine immigrée ne sont pas animées d'un amour sans borne pour la France et les Français ;  
      – que des Noirs revendiquent dans l'espace public leur négritude (CRAN) et que les musulmans leur islam, au lieu de chercher à se fondre dans l'identité française.
    Il s'agit là d’un phénomène de longue durée: il y a accumulation de perceptions qui finissent par créer une conviction contraire au dogme dominant.
    Les failles du Système : les repérer, les analyser, les exploiter (3e partie) Intervention de Michel Geoffroy
    Polémia poursuit la mise en ligne da la communication de Michel Geoffroy sur : « Les failles du système, les repérer, les analyser, les exploiter. ». Michel Geoffroy traite ici de l’ébranlement du mur médiatique. Et des signaux faibles qu’il convient de détecter.

     3e Partie : L’ébranlement du mur médiatique : apprendre à détecter les signaux faibles

    L’histoire est comme l’herbe, on ne la voit pas …pousser
    L'ébranlement du mur médiatique produit pour le moment des « signaux faibles » Il s'agit encore de « signaux faibles », parce qu'ils sont soit
    – dénaturés par le système médiatique quand ils ne sont pas purement et simplement censurés
    – les prodromes d'un mouvement qui va s’amplifier. Ce n'est souvent que rétroactivement que l'on peut se rendre compte de leur existence et de leur importance. Car l’histoire est comme l’herbe : on ne la voit pas pousser…
    Mais néanmoins ces signaux sont visibles et audibles pour peu qu'on s'efforce de les détecter. Tenter de repérer les signaux faibles procède de la réinformation.
    Apprendre à détecter les signaux faibles :
    Par définition les signaux faibles ne figurent pas dans les gros titres des quotidiens et ne passent pas au « journal de 20h ». Il faut donc apprendre à les découvrir car ils sont souvent cachés sous le fatras de « l’information » sidérante.
    Quelques suggestions
    a) Diversifier au maximum les sources d’information :
    Comme ces faits sont en général occultés ou dénaturés dans les médias nationaux (qui suivent la ligne fixée par la dépêche de l’AFP et les journaux radiophoniques du matin, qui sont chargés de donner le ton chaque jour), on ne peut les trouver qu’en multipliant les sources.
    Exemples :
     – Internet : d’après le MRAP le site Fde souche est plus fréquenté que les sites du PS et de l’UMP (Le Monde du 10/3/2010). Voir aussi dans l’affaire Bettencourt le rôle joué par internet (Mediapart) dans la diffusion de certains documents mis en ligne ;   
     – Les médias étrangers, en général moins censurés qu’en France ;  
      – Les médias professionnels/ spécialisés, parfois plus prolixes sur certains faits occultés.
    b) Apprendre à lire les entrefilets :
    C’est généralement là que se trouvent les signaux faibles, puisque ceux ci ne figurent pas dans les gros titres.
    Ils comportent souvent des informations intéressantes, en particulier quand elles sont l’écho d’informations étrangères (se reporter alors aux sources qui sont citées dans la dépêche).
    On peut se hasarder d’ailleurs à une loi plus générale : la qualité de l’information écrite est inversement proportionnelle à sa longueur.
    Souvent certains faits intéressants sont volontairement noyés en effet dans des commentaires longs et contradictoires (c’est d’ailleurs une technique de désinformation). Dans le domaine audio-visuel c’est plutôt la loi inverse qui s’applique : plus c’est court plus le risque de déformation est grand (images choc, interview coupées, petites phrases etc.)
    c) Savoir utiliser la boussole à indiquer le sud :
    Certaines informations doivent en effet être lues à l'envers pour trouver la vérité, comme en Union soviétique ! Cela implique de savoir décoder le langage médiatique ;
    Exemples :
      – un vocabulaire dévalorisant/inquiétant pour désigner un mouvement, une manifestation ou des idées (populiste, xénophobe, islamophobe, raciste, extrémiste, ultra nationaliste, dangereux, dérapage, tollé, etc...). Ce vocabulaire signifie au contraire que ces idées/mouvements/actions ne sont pas extrémistes mais populaires; c'est à dire qu'ils rencontrent un écho certain dans la population autochtone. Il s’agit de faits dénaturés par le système médiatique pour leur donner une autre signification plus conforme à l'idéologie dominante : en général leur polarité est donc inversée puisque le système repose sur le renversement des valeurs. 
     – a contrario, quand la tonalité est positive, c’est vraisemblablement qu’on est en présence de comportements ou d’idées politiquement corrects : ce sont donc des informations suspectes (mises en scène) ; Exemple : la façon très souvent positive dont les délits commis par des personnes d'origine immigrée ou de religion musulmane sont généralement traités dans les médias (pour qu'ils restent toujours dans le statut de victime) ; en fait ces informations respectent un code médiatique que l’on peut aisément décrypter ; 
     – idem quand les médias mettent en scène des informations sur un mode spectaculaire/émotionnel. Exemple : David Pujadas recommandant sur France 2 d’écarter les enfants lors de la diffusion d'un reportage censé représenter la répression en Iran par de… fausses images du Honduras en décembre 2009) ; c’est le signe d’un emballement médiatique, c’est à dire en général d’une manipulation
    d) Savoir détecter les faits qui n’en sont pas
    Dire que Nicolas Sarkozy « veut » ceci ou cela, c’est une intention qui n'est pas une action ; une action ne produit pas nécessairement le résultat escompté ou ne débouche pas nécessairement
    Exemples :
      – une loi peut ne pas être appliquée (s'il n'y a pas de décret, ou de circulaire) ; 
     – voir aussi la promotion bruyante des Etats généraux et Assises les plus divers qui, en général, ne conduisent à aucune révolution… ; 
      – la mise en scène de la volition gouvernementale doit se lire en creux : il y a donc bien une « crise » (que l'on ne parvient pas à résoudre) de l’insécurité, du chômage, de la précarité, de l’immigration etc.
    e) Mettre les faits en perspective
    Il suffit d’un papier et d’un crayon (ou d’un micro ordinateur !)
    Le système médiatique repose sur la succession incessante des informations et l'orchestration du spectaculaire à court terme. C'est en faisant un arrêt sur image à chaque fois et des comparaisons temporelles que l'on voit apparaître des choses que le système veut cacher. Car le système use de la méthode de « la grenouille ébouillantée ». Les signes faibles ne bénéficient pas en outre de l'effet d'orchestration, à la différence des faits politiquement corrects : il faut donc une mise en perspective pour comprendre leur signification et leur dimension
    Exemples :
      – la mise en perspective des chiffres : les chiffres successifs des prévisions de croissance revus à la baisse montrent la dégradation de la conjoncture ou la succession des crises « maîtrisées », les bons résultats en matière de sécurité ou les chiffres d'expulsions… un mois donné ;   
     – la mise en perspective des mots ; voir, par exemple, la façon dont on rend compte du terrorisme islamique en Russie et en Occident ou, plus simplement les commentaires sur le chômage : « le chômage reculera dans les semaines ou les mois qui viennent » ( N.Sarkozy, les Echos du 26/1/10), « le chômage va continuer d’augmenter au moins jusqu’à mi-2010 » (F.Fillon le BQ du 26/2/10), « pas de baisse du chômage avant 2012 selon pôle emploi » (Les Echos du 24/3/10) ;   
     – la mise en perspective des données : c’est elle qui permet de se rendre compte du renforcement permanent de l’arsenal répressif en France depuis 20 ans.
    Cette mise en perspective permet :
    – de mettre en lumière des évolutions ;
    – de faire apparaître des contradictions dans le discours dominant (c'est donc le signe d’un malaise au sein du Système).
    Les failles du Système : les repérer, les analyser, les exploiter (4e partie) Intervention de Michel Geoffroy
    Polémia poursuit la mise en ligne da la communication de Michel Geoffroy sur : « Les failles du système, les repérer, les analyser, les exploiter ». Michel Geoffroy traite ici des fissures du monde médiatique Et de l'apparition d'une dissidence politique et sociale croissante en Occident et notamment en Europe

     4e Partie : Les fissures du mur médiatique : La montée de nouvelles dissidences

     La dissidence « passive »
    Il s'agit de signes « passifs », puisque ces manifestations de dissidence n'ont pas réussi à infléchir durablement le système pour le moment, même si elles traduisent une évolution en profondeur de l'opinion. C’était la plus ancienne forme de dissidence :
    – le vote pour les mouvements et partis qualifiés de « populistes », d' « extrême-droite », donc de partis qui se posent en rupture avec le système : il concerne désormais la plupart des pays européens, avec des résultats tangibles au plan municipal ou provincial (exemple à Vienne avec 27% pour le FPÖ lors des élections du 10/10/10, soit plus 12 points par rapport à 2005) ;
    – la progression de l'abstention aux élections (exemple les élections européennes où le taux d’abstention est passé de 39 à 57% en 30 ans)
    – le décalage entre les opinions exprimées dans les sondages et les positions de la super-classe dirigeante (« majorité silencieuse) (2)
    La dissidence « active »
    Le fait nouveau est que la dissidence passive cède de plus en plus la place à des manifestations plus « actives » désormais.
    D’abord les partis populistes finissent par exercer une influence politique directe au plan national:  c’est par exemple le cas au Pays Bas, après l’Italie (intégration de la Ligue du nord et de l’alliance nationale dans Forza italia) ; au Danemark avec une participation au gouvernement libéral conservateur; en Suède où la présence de « l'extrême droite » empêche la droite institutionnelle de constituer une majorité sans elle (ou alors avec la gauche).
    Ensuite, on assiste à les actes de révolte populaire directe contre l'établissement politique qui se multiplient :
    Exemples :
       – les manifestations pro-vie en France (censurées par les médias) ;
      – les apéros saucisson en France (réprimés....) ;   
      – la révolte des habitants de Stuttgart contre les projets de reconstruction de la gare ou de modification de la durée de la scolarité dans le primaire ;  
      – la votation suisse contre les minarets de novembre 2009 ;  
      – la mobilisation contre la construction d'une mosquée au « ground zero » à New york (manifestations aussi contre la construction de mosquées en Allemagne) ;  
      – le mouvement des tea party aux Etats Unis qui bouscule autant les caciques du parti républicain que les démocrates   
       – la crise belge et le développement du discours séparatiste (concernait avant l'Europe du sud principalement)   
      – la montée des préoccupations écologistes traduit aussi en partie un phénomène de révolte populaire des primo-occupants contre le bouleversement de leur environnement : mais c'est d'ailleurs pourquoi elle a été récupérée en partie par le Système et instrumentée pour contrer le vote « populiste »
    La revanche asymétrique des « petits » et des mal-pensants
    Ce type de dissidence présente un certain nombre de caractères remarquables :          
    a) Auparavant ces phénomènes de dissidence étaient cantonnés à l'univers idéologique de la gauche et de l'extrême gauche (exemples: les appels en faveur des immigrés en situation irrégulière, mouvements contestataires divers, squats etc.…). Le fait nouveau est qu'il exprime désormais des préoccupations dites « de droite » : identitaires, conservatrices, chrétiennes ou reprises à la « gauche », régionalistes et localistes (en Italie la Ligue du Nord ou en Belgique les partisans de la partition) ;           
    b) Dans beaucoup de ces cas il s'agit d'une mobilisation des autochtones ;          
    c) Elle prend l’établissement à contrepied car elle ne s'effectue pas sur le registre institutionnel habituel (syndical par exemple). Elle utilise aussi des outils nouveaux de mobilisation (internet, réunions surprises). En outre elle aboutit souvent à faire reculer les pouvoirs établis (qui en général se sont prononcés, eux, favorablement pour les projets contestés). Des résultats sont obtenus, malgré une mobilisation hostile des médias et d’une façon générale des pouvoirs institués, c'est à dire de l'oligarchie dominante ;          
    d) Cette contestation contribue à dépasser les classifications politiques traditionnelles ;         
    e) Il s'agit de la revanche asymétrique des petits contre le Système, de la périphérie contre le centre. On ne reviendra pas sur le fait que la mobilisation via internet a permis plusieurs fois de contourner le carcan médiatique et de faire reculer le Système en France (exemple : la nomination de Jean Sarkozy à l'EPAD ou les révélations sur l'affaire Betancourt) : cet outil asymétrique redonne donc du pouvoir et de l'initiative aux "petits" , aux exclus du système médiatique, à ceux qui sont en bas (cf. A Touraine : « Les grands mouvements qui peuvent changer notre vie collective viennent d’en bas ». Le Monde des 5 et 6 septembre 2010)
    Voir aussi l'effet de la « menace » du pasteur Terry Jones de « brûler le coran » comme moyen de faire pression sur le gouvernement américain contre le projet de Mosquée à « Ground Zero » Ce sont les réponses à la super classe mondiale qui voulait au contraire révolutionner la société par le haut, grâce à la concentration de tous les pouvoirs ;         
    f) Ces réponses sont souvent associées à un discours « de classe » visant spécifiquement la nouvelle classe dirigeante qui ne comprend pas les préoccupations de la population autochtone et qui vit dans un monde privilégié ;
    Exemples en France : la contestation du bling-bling et la mise en lumière des liens entre politiciens et affairistes ;         
    g) Elles ont tendance à se multiplier. Le caractère assez général de ces manifestations donne à penser qu'elles peuvent déboucher un jour sur un bouleversement politique durable
    L’usure rapide de l'image des équipes politiques mises en place par le Système :
    – Le cas emblématique de Nicolas.Sarkozy : une dégradation très rapide (2 ans ) et pour la première fois le Premier ministre a eu une image plus favorable que celle du président. Phénomène inconnu jusqu'à présent.
    – L'usure de l'image du messie Obama (selon un sondage Gallup les républicains bénéficieraient d'un avantage de 10 points devant les démocrates aux prochaines législatives : un écart jamais vu à mi-mandat depuis 1942, Bulletin quotidien du 2/9/10).
    – Le dégonflement de l'image du libéral-démocrate Nick Klegg en Angleterre (12% de sympathies en aout soit la moitié par rapport à celles des élections du 6 mai 2010 : Bulletin quotidien du 2/8/10)
    Ces phénomènes expriment le fait que l'hyper médiatisation ne suffit plus à assurer le soutien de la population : ce qui veut dire que le spectacle ne suffit plus à contenir la réalité ; l'opinion est de plus en plus sensible aux faits .
    La libération de la parole à l'encontre des commandements de l'idéologie dominante
    Ce phénomène est remarquable car il touche les fondements idéologiques du Système et alors que ce dernier a mis en place ces dernières années un appareil répressif très développé : mais manifestement cela ne suffit plus. Bien sûr il est encore limité : tous les tabous ne sont pas remis en cause mais ce qui frappe, c'est le fait qu'il touche aussi des membres de l'oligarchie et non pas seulement des « extrémistes » déjà diabolisés par le système:
    Exemples :
      – Les propos de Eric Zemmour sur la délinquance des personnes d'origine étrangère (non sanctionné mais a failli l'être) ; voir aussi les propos de l’avocat général de la cour d’appel de Paris Philippe BILGER – également rappelé à l’ordre – (Bulletin quotidien du 26/3/10) ;  
     – Les propos du Préfet Girod de Langlade sur l'africanisation de l'aéroport de Roissy (sanctionné) ;  
      – Les propos du ministre de l'Intérieur sur la délinquance des « roms » ; 
      – Les propos de Thilo Sarrazin (de la Bundesbank) sur l'islamisation en Allemagne (sanctionné). Il a reçu de nombreuses manifestations de soutien : 18% des allemands déclarent être prêts à voter pour un parti dont il serait le chef (Les Echos du 6/910). Ses propos ont été repris en partie par la CSU de Bavière (Horst Seehofer, Le Monde du 12/10/10) ;  
      – Les récentes publications de M.Triballat sur l'immigration ;   
      – Les travaux de Hugues Lagrange (Le déni des cultures, éditeur : Seuil 16 septembre 2010, 350p..) qui note la sur-représentation des jeunes issus de l’Afrique sahélienne dans les affaires de délinquance  
      – Les propos du cardinal Kasper (l’aéroport de Londres donne le sentiment que l’on arrive dans un pays du tiers monde)
    Ces propos montrent qu'il est de plus en plus difficile de cacher certaines réalités (exemple : la progression de l'immigration africaine), même les privilégiés les constatent !
    Les failles du Système : les repérer, les analyser, les exploiter (5e partie et conclusion) Intervention de Michel Geoffroy
    Polémia met cette fois en ligne la 5e et dernière partie de l'importante communication de Michel Geoffroy sur : « Les failles du système, les repérer, les analyser, les exploiter », prononcée lors de la Troisième Journée d’étude de la réinformation organisée par Polémia le 16 octobre 2010. Michel Geoffroy traite ici de l’apparition de nouvelles lignes de fracture sociale : jeunes/seniors, jeunes autochtones et jeunes allogènes, paupérisation des classes moyennes salariées en Europe.
     
    5e Partie et Conclusion Les fissures du mur médiatique : l’apparition de nouvelles lignes de fracture sociale

     La fracture jeunes/seniors :
    Entre la France qui travaille et celle qui profite des transferts sociaux :
     * – les jeunes seront moins riches que leurs aînés du fait de la crise des systèmes de retraite et de la désindustrialisation ;  
     * – les adultes de 25/54 ans assurent en France 79% des emplois, alors qu’ils représentent 41% de la population.
    On mesure cette fracture dans les sondages : les seniors ont par exemple une opinion beaucoup plus positive de Nicolas Sarkozy que le reste de la population (ex. sondage IFOP/Paris match : 49% des français reconnaissent l'action du président en matière de lutte contre l'insécurité , mais 69 % des seniors : le Bulletin Quotidien du 9/9/2010). Même si sa bonne image chez les seniors tend à diminuer.
    La fracture entre jeunes autochtones et jeunes allogènes
    Exemples :
     – les phénomènes d'émeutes et de violences contre les jeunes blancs (ex manif du CPE de mars 2006) ;   
     – la fracture entre les bénéficiaires de la discrimination positive et ses victimes ;
     – les jeunes issus de l’immigration ont un taux d'activité inférieur à celui des jeunes  autochtones.
    cf. les sondages :
      – la majorité des jeunes Italiens se déclarent hostiles aux étrangers (étude de la Chambre des députés Les Echos du 19/2/10);   
     – 54% des Russes soutiennent le slogan « la Russie aux Russes » (Sondage Levada AFP du 25/2/10);  
     – 45,8% des jeunes français de 18 à 29 ans expriment une forme d’hostilité envers les étrangers selon l’institut SWG (AFP du 18/2/10);   
     – les 16/18 ans ont voté à plus de 50% pour les partis populistes en Autriche en 2008.
    Cela traduit le fait que les Européens de souche découvrent qu'ils sont en réalité les victimes et non les bénéficiaires du Système.
    Le Système se heurte aussi à l'Islam qui est une religion qui produit des effets comparables à ceux d'une idéologie, car elle ignore la distinction entre le temporel et le spirituel. C'est aussi une religion à vocation universaliste mais qui repose sur des principes différents de ceux du Système. Le développement de l'immigration musulmane contribue ainsi à accentuer les oppositions au Système en Europe, car l'islamisation renouvelle la question de l'immigration.
    On notera que ce virage de la jeunesse européenne est occulté par le Système qui continue de véhiculer une image « soixante-huitarde » et « touche pas à mon pote » des jeunes.
    La paupérisation des classes moyennes salariées en Europe :
    Le déclassement de la classe moyenne autochtone (phénomène déjà rencontré dans les pays anglo-saxons, alors que les « minorités » bénéficient d'une attention privilégiée de la part des pouvoirs publics) est encore plus ressenti dans les jeunes générations.
    Car les riches sont devenus plus riches du fait de la mondialisation (par exemple, de 2004 à 2007 le nombre de personnes gagnant plus de 500 000€ a augmenté de 70% (Les Echos du 2/4/2010) et les « défavorisés » ont changé de nature : soit ils se sont enfermés dans des trappes d'inactivité, soit ce sont avant tout des immigrés extra-européens bénéficiaires de prestations sociales qui ne sont donc pas dutout « défavorisés ».
    Il y a de nombreux signaux faibles de la paupérisation : la multiplication des magasins discount, les « petits pleins » aux stations-service, le déclassement relatif des enfants par rapport à leurs parents, l’accession à la propriété plus difficile, la progression du surendettement (+ 20% en 2 ans), les fermetures de commerces autochtones.
    A relever également que dans un certain nombre de pays touchés par la crise financière les manifestations – souvent violentes – des victimes autochtones, contre les représentants de l’oligarchie ; c’est le cas de la Grèce, de l’Islande… (pourtant traditionnellement tranquille).
    C’est le grand retournement par rapport à ce qui s’est produit dans la seconde partie du XXème siècle où l’éventail des revenus s’est réduit.
    C'est aussi un signe manifeste de l'échec de l'oligarchie dominante à assurer l'abondance matérielle pour tous (comme le communisme n'a pu assurer le règne de l'égalité et le dépérissement de l'Etat).
    Cet échec atteint le cœur du Système.
    Conclusion
    Aujourd’hui l’expérience directe du plus grand nombre montre :     
      – que l'adhésion au Système et à son idéologie est loin d'être totale dans les pays occidentaux. Cela veut dire que ceux qui s’opposent au Système ne sont plus des marginaux, mais une majorité en formation ;  
      – que le monde dans lequel nous vivons est loin d'être parfait Cela fait apparaître encore plus insupportable ou ridicule le « monde parallèle » du système médiatique ;  
      – que la super-lasse mondiale maîtrise de moins en moins la situation Cela veut dire qu’elle perd progressivement sa légitimité de classe super-compétente (son seul atout).
    Ces différentes prises de conscience sont susceptibles d'avoir des effets politiques à long terme en Europe même s'il est difficile de prévoir quand le Système implosera ni quelle forme cela prendra.
    Mais contrairement à ce que prétendent les historiens, les bouleversements politiques sont en général imprévisibles. Ce n'est qu'a posteriori que l'on reconstruit le caractère prétendument « inéluctable » des événements.
    L’histoire est le lieu de l’imprévisible comme l’écrit Dominique Venner !
    Michel Geoffroy  Troisième Journée d'étude de la réinformation
    Polémia 26/10/2010

  • Montebourg / Poutine : Deux façons différentes de défendre les intérêts de son pays...

  • Obama et Poutine vont-ils se partager le Proche-Orient ?

    Dans un article publié le 26 janvier dernier en Russie, Thierry Meyssan expose le nouveau plan de partage du Proche-Orient sur lequel travaillent la Maison-Blanche et le Kremlin. L’auteur y révèle les principales données de la négociation en cours sans préjuger d’un accord définitif, ni de sa mise en œuvre. L’intérêt de l’article est qu’il permet de comprendre les positions ambigües de Washington qui pousse ses alliés dans une impasse de manière à pouvoir leur imposer prochainement une nouvelle donne dont ils seront exclus.

    Le président Obama s’apprête à changer complétement de stratégie internationale, malgré l’opposition que son projet a suscité dans sa propre administration.

    Le constat est simple. Les États-Unis sont en passe de devenir indépendants au plan énergétique grâce à l’exploitation rapide des gaz de schistes et du pétrole des sables bitumineux. Par conséquent la doctrine Carter (1980) selon laquelle la sécurisation de l’accès au pétrole du Golfe est un impératif de sécurité nationale est morte. De même d’ailleurs que l’Accord du Quincy (1945) selon lequel Washington s’engage à protéger la dynastie des Séoud si ceux-ci leur garantissent l’accès au pétrole de la péninsule arabique. Le temps est venu d’un retrait massif qui permettra de transférer les GI’s vers l’Extrême-Orient afin de contenir l’influence chinoise.

    D’autre part, tout doit être fait pour empêcher une alliance militaire sino-russe. Il convient donc d’offrir des débouchés à la Russie qui la détournent de l’Extrême-Orient.

    Enfin, Washington étouffe de sa relation trop étroite avec Israël. Celle-ci est extrêmement onéreuse, injustifiable au plan international, et dresse contre les États-Unis l’ensemble des populations musulmanes. En outre, il convient de sanctionner clairement Tel-Aviv qui s’est ingéré de manière ahurissante dans la campagne électorale présidentielle US, qui plus est en misant contre le candidat qui a gagné.

    C’est trois éléments ont conduit Barack Obama et ses conseillers à proposer un pacte à Vladimir Poutine : Washington, qui reconnaît implicitement avoir échoué en Syrie, est prêt à laisser la Russie s’installer au Proche-Orient sans contrepartie, et a partager avec elle le contrôle de cette région.

    C’est dans cet état d’esprit qu’a été rédigé par Kofi Annan le Communiqué de Genève du 30 juin 2012. À l’époque, il s’agissait juste de trouver une issue à la question syrienne. Mais cet accord a été immédiatement saboté par des éléments internes de l’administration Obama. Ils ont laissé fuiter à la presse européenne divers éléments sur la guerre secrète en Syrie, y compris l’existence d’un Presidential Executive Order enjoignant la CIA de déployer ses hommes et des mercenaires sur le terrain. Pris en tenaille, Kofi Annan avait démissionné de ses fonctions de médiateur. De son côté, la Maison-Blanche avait fait profil bas pour ne pas exposer ses divisions en pleine campagne pour la réélection de Barack Obama.

    Dans l’ombre trois groupes s’opposaient au communiqué de Genève :

    • Les agents impliqués dans la guerre secrète

    • Les unités militaires chargées de contrer la Russie

    • Les relais d’Israël

    Au lendemain de son élection, Barack Obama a débuté la grande purge. La première victime fut le général David Petraeus, concepteur de la guerre secrète en Syrie. Tombé dans un piège sexuel tendu par une agente du Renseignement militaire, le directeur de la CIA fut contraint à la démission. Puis, une douzaine de hauts gradés furent mis sous enquête pour corruption. Parmi eux, le suprême commandeur de l’OTAN (amiral James G. Stravidis) et son successeur désigné (le général John R. Allen), ainsi que le commandant de la Missile Défense Agency —c’est-à-dire du « Bouclier anti-missiles »— ¬(général Patrick J. O’Reilly). Enfin, Susan Rice et Hillary Clinton faisaient l’objet de vives attaques pour avoir caché au Congrès des éléments sur la mort de l’ambassadeur Chris Stevens, assassiné à Benghazi par un groupe islamiste probablement commandité par le Mossad.

    Ses différentes oppositions internes étant pulvérisées ou paralysées, Barack Obama a annoncé un renouvellement en profondeur de son équipe. D’abord, John Kerry au département d’État. L’homme est partisan déclaré d’une collaboration avec Moscou sur les sujets d’intérêt commun. Il est aussi un ami personnel de Bachar el-Assad. Puis, Chuck Hagel au département de la Défense. C’est un des piliers de l’OTAN, mais un réaliste. Il a toujours dénoncé la mégalomanie des néo-conservateurs et leur rêve d’impérialisme global. C’est un nostalgique de la Guerre froide, ce temps béni où Washington et Moscou se partageaient le monde à moindre frais. Avec son ami Kerry, Hagel avait organisé en 2008 une tentative de négociation pour la restitution par Israël du plateau du Golan à la Syrie. Enfin John Brennan à la CIA. Ce tueur de sang-froid est convaincu que la première faiblesse des États-Unis, c’est d’avoir créé et développé le jihadisme international. Son obsession est d’éliminer le salafisme et l’Arabie saoudite, ce qui en définitive soulagerait la Russie au Nord-Caucasse.

    Simultanément, la Maison-Blanche a poursuivi ses tractations avec le Kremlin. Ce qui devait être une simple solution pour la Syrie est devenu un projet bien plus vaste de réorganisation et de partage du Proche-Orient.

    On se souvient qu’en 1916, à l’issue de 8 mois de négociations, le Royaume-Uni et la France se partagèrent en secret le Proche-Orient (Accords Sykes-Picot). Le contenu de ces accords avait été révélé au monde par les Bolcheviks dès leur arrivée au pouvoir. Il s’est poursuivi durant près d’un siècle. Ce que l’administration Obama envisage, c’est un remodelage du Proche-Orient pour le XXIe siècle, sous l’égide des USA et de la Russie.

    Aux États-Unis, bien qu’Obama se succède à lui-même, il ne peut dans la période actuelle qu’expédier les affaires courantes. Il ne reprendra ses attributions complètes que lors de sa prestation de serment, le 21 janvier. Dans les jours qui suivront, le Sénat auditionnera Hillary Clinton sur le mystère de l’assassinat de l’ambassadeur en Libye (23 janvier), puis il auditionnera John Kerry pour confirmer sa nomination (24 janvier). Immédiatement après, les 5 membres permanents du Conseil de sécurité se réuniront à New York pour examiner les propositions Lavrov-Burns sur la Syrie.

    Celles-ci prévoient la condamnation de toute ingérence extérieure, le déploiement d’observateurs et d’une force de paix des Nations Unies, un appel aux différents protagonistes pour qu’ils forment un gouvernement d’union nationale et planifient des élections. La France devrait s’y opposer sans pour autant menacer d’utiliser son veto contre son suzerain US.

    L’originalité du plan, c’est que la force des Nations Unies serait principalement composée par des soldats de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC). Le président Bachar el-Assad resterait au pouvoir. Il négocierait rapidement une Charte nationale avec des leaders de l’opposition non-armée sélectionnés avec l’approbation de Moscou et Washington, et ferait valider cette charte par référendum sous contrôle des observateurs.

    Ce coup de théâtre a été préparé de longue date par les généraux Hassan Tourekmani (assassiné le 18 juillet 2012) et Nikolay Bordyuzha. Une position commune des ministres des Affaires étrangères de l’OTSC a été conclue le 28 septembre et un Protocole a été signé entre le département onusien de maintien de la paix et l’OTSC. Celle-ci dispose maintenant des mêmes prérogatives que l’OTAN. Des manœuvres communes ONU/OTSC de simulation ont été organisées au Kazakhstan sous le titre « Fraternité inviolable » (8 au 17 octobre). Enfin, un plan de déploiement de « chapkas bleues » a été discuté au sein du Comité militaire de l’ONU (8 décembre).

    Une fois la Syrie stabilisée, une conférence internationale devrait se tenir à Moscou pour une paix globale entre Israël et ses voisins. Les États-Unis considèrent qu’il n’est pas possible de négocier une paix séparée entre Israël et la Syrie, car les Syriens exigent d’abord une solution pour la Palestine au nom de l’arabisme. Mais il n’est pas possible non plus de négocier une paix avec les Palestiniens, car ceux-ci sont extrêmement divisés, à moins que la Syrie ne soit chargée de les contraindre à respecter un accord majoritaire. Par conséquent, toute négociation doit être globale sur le modèle de la conférence de Madrid (1991). Dans cette hypothèse, Israël se retirerait autant que faire se peut sur ses frontières de 1967. Les Territoires palestiniens et la Jordanie fusionneraient pour former l’État palestinien définitif. Son gouvernement serait confié aux Frères musulmans ce qui rendrait la solution acceptable aux yeux des gouvernements arabes actuels. Puis, le plateau du Golan serait restitué aux Syriens en échange de l’abandon du lac de Tibériade, selon le schéma envisagé jadis aux négociations de Shepherdstown (1999). La Syrie deviendrait garante du respect des traités par la partie jordano-palestinienne.

    Comme dans un jeu de domino, on en viendrait alors à la question kurde. L’Irak serait démantelée pour donner naissance à un Kurdistan indépendant et la Turquie serait appelée à devenir un État fédéral accordant une autonomie à sa région kurde.

    Côté US, on souhaiterait prolonger le remodelage jusqu’à sacrifier l’Arabie saoudite devenue inutile. Le pays serait divisé en trois, tandis que certaines provinces seraient rattachées soit à la fédération jordano-palestinienne, soit à l’Irak chiite, conformément à un vieux plan du Pentagone ("Taking Saudi out of Arabia", 10 juillet 2002). Cette option permettrait à Washington de laisser un vaste champ d’influence à Moscou sans avoir à sacrifier une partie de sa propre influence. Le même comportement avait été observé au FMI lorsque Washington a accepté d’augmenter le droit de vote des BRICS. Les États-Unis n’ont rien cédé de leur pouvoir et ont contraint les Européens à renoncer à une partie de leurs votes pour faire de la place aux BRICS.

    Cet accord politico-militaire se double d’un accord économico-énergétique, le véritable enjeu de la guerre contre la Syrie étant pour la plupart des protagonistes la conquête de ses réserves de gaz. De vastes gisements ont en effet été découverts au Sud de la Méditerranée et en Syrie. En positionnant ses troupes dans le pays, Moscou s’assurerait un plus large contrôle sur le marché du gaz dans les années à venir.

    Le cadeau de la nouvelle administration Obama à Vladimir Poutine se double de plusieurs calculs. Non seulement détourner la Russie de l’Extrême-Orient, mais aussi l’utiliser pour neutraliser Israël. Si un million d’Israéliens ont la double nationalité états-unienne, un autre million est russophone. Installées en Syrie, les troupes russes dissuaderaient les Israéliens d’attaquer les Arabes et les Arabes d’attaquer Israël. Par conséquent, les États-Unis ne seraient plus obligés de dépenser des sommes phénoménales pour la sécurité de la colonie juive.

    La nouvelle donne obligerait les États-Unis à reconnaître enfin le rôle régional de l’Iran. Cependant Washington souhaiterait obtenir des garanties que Téhéran se retire d’Amérique latine où il a tissé de nombreux liens, notamment avec le Venezuela. On ignore la réaction iranienne à cet aspect du dispositif, mais Mahmoud Ahmadinejad s’est d’ores et déjà empressé de faire savoir à Barack Obama qu’il ferait tout ce qui est en son possible pour l’aider à prendre ses distances avec Tel-Aviv.

    Ce projet a des perdants. D’abord la France et le Royaume-Uni dont l’influence s’efface. Puis Israël, privé de son influence aux États-Unis et ramené à sa juste proportion de petit État. Enfin L’Irak, démantelé. Et peut-être l’Arabie saoudite qui se débat depuis quelques semaines pour se réconcilier avec les uns et les autres afin d’échapper au sort qui lui est promis. Il a aussi ses gagnants. D’abord Bachar el-Assad, hier traité de criminel contre l’humanité par les Occidentaux, et demain glorifié comme vainqueur des islamistes. Et surtout Vladimir Poutine qui, par sa ténacité tout au long du conflit, parvient à faire sortir la Russie de son « containment », à lui rouvrir la Méditerranée et le Proche-Orient et à faire reconnaître sa prééminence sur le marché du gaz.

    Thierry Meyssan http://www.egaliteetreconciliation.fr

  • Traité de « l’intérêt national » ! Sur le recours à la force (2008)

     

    Réflexions sur les textes de l’amiral Gaucherand, du Général Derenne et de la présidence du Büso, diffusés par M. Henri Fouquereau.

    Claude GAUCHERAND Contre – Amiral (2S), alors le  capitaine de frégate Claude Gaucherand…
    Petit Encart
    Lire :
    http://www.forumpourlafrance.org

     

    Lire :

    La question du recours à la force – du moins pour la France qui ne peut être l’objet que de toutes nos préoccupations – devrait être étudié dans le cadre du monde tel qu’il se présente à nous pour au moins le prochain siècle. Il est, semble-t-il caractérisé par les données suivantes :

    1° D’abord, en dépit de la mondialisation des échanges et des vastes mouvements migratoires, le grand et durable affrontement des peuples producteurs à bas salaires, à ceux dans lesquels le travail est beaucoup plus largement rémunéré. Il s’agit d’un affrontement socio-économique qui ne risque pas d’aboutir à l’épreuve de force militaire, l’existence – partagée – du nucléaire interdisant l’escalade au paroxysme de la violence. En revanche, la production des peuples milliardaires en vies humaines use peu à peu le modèle socio-économique des « anciennement industrialisés » amenuisant leur potentiel industriel et réduisant les niveaux de vie.

    Il en résultera un malaise social, les gouvernements privilégiant alors l’assistance économique afin d’atténuer les rigueurs des restrictions ainsi imposées aux populations hier favorisées.

    2° Ensuite, il faut prendre en considération la quête – forcenée – de ressources en énergies fossiles, cause de rivalités, de querelles, voire de combats menés avec des armes traditionnelles, le recours à l’atome étant exclu. La raréfaction programmée a inversé la complémentarité de jadis entre producteurs et consommateurs, les premiers cherchant  à tirer un profit maximum des richesses de leur sous-sol,  et les seconds passant parfois pour des prédateurs en usant de la force des armes (traditionnelles) pour s’assurer un ravitaillement suffisant.

    Le renchérissement qui accompagne la raréfaction des hydrocarbures crée de nouvelles conditions financières, économiques et sociales qui pèsent sur la politique des Etats.

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    C’est que, cherchant à remplacer la rente pétrolière en voie d’extinction,  les pays producteurs utilisent les vastes ressources que leur procure le renchérissement pour s’industrialiser et pour intervenir dans les économies des « anciennement industrialisés ». D’où l’influence croissante qu’ils y exercent qui pourrait caractériser la « troisième expansion » de l’Islam d’autant que ces « industrialisés » de longue date sont déjà mis à mal par la production à bas prix de la zone Asie-Pacifique et qu’en compensation, ils accueillent à la fois la présence sur leur sol des entreprises et des capitaux des futurs ex-pétroliers. Ce qui détermine une certaine subordination des pays d’accueil et compromet leur indépendance politique.

    « Des investisseurs de plus en plus présents... et  embarrassants »
    Lire : http://www.investir.fr

    3° La quête de l’hydrocarbure n’est pas étrangère à la naissance et à l’extension de l’arme du terrorisme, apparemment seul recours à la coercition pour les peuples non industrialisés face à ceux qui le sont. L’addition aux panoplies militaires de l’arme nucléaire – du moins pour les neuf pays qui la détiennent officiellement – donnait à penser que, désormais il n’existerait plus de commune mesure entre les risques inhérents à un échange nucléaire et l’enjeu d’un différend et qu’ainsi cette arme suprême gendarmerait une large fraction de l’humanité. Force est de constater que le terrorisme contourne le nucléaire
    militarisé, faute de constituer une cible vulnérable aux représailles atomiques, les sources du terrorisme pouvant agir à la fois partout et de nulle part. C’est là une situation nouvelle.

    Carte des Points Chauds dans le monde – 2006 -

     L’armement nucléaire se trouve confiné à une seule mission : décourager une agression décisive visant les œuvres vives de la nation,  tandis que celle-ci est devenue vulnérable aux effets – relativement limités comparativement – du terrorisme. Or, celui-ci individualise les périls mettant à mal tout système de dépense collective, chaque Etat membre de ce système cherchant en sous-main, sinon officiellement, des compromis afin d’écarter le terrorisme de son territoire. Le soutien des musulmans de Bosnie par les Etats-Unis visait aussi à équilibrer les liens de Washington avec Tel Aviv. Même démarche de Paris lors de l’attaque de l’Irak. D’où une politique nationale empreinte de suggestivité.

    4° Sur le recours à la force, il faut, enfin, tenir compte de la politique conduite par les gouvernements français successifs depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette politique vise – plus ou moins confusément – la marche vers la transformation d’une expression géographique, l’Europe, en entité politique. Ce qui implique la fin des souverainetés nationales, les Etats formant cette Europe devenant des divisions administratives gérées fédéralement, à l’instar des Etats-Unis d’Amérique. En effet, il n’existe que deux partis possibles : ou bien l’Etat-nation tel que l’Histoire l’a peu à peu forgé, ou bien l’Etat fédéral.

    Les constructions politiques intermédiaires, telle la confédération, se sont révélées trop faibles pour durer et rivaliser avec les deux autres formes d’Institutions. Révélateur, à cet égard, a été le comportement des jeunes Etats-Unis. En 1781, ils adoptèrent dans le cadre d’une « ligne d’amitiés », un texte constitutionnel intitulé les « Articles de la Confédération » qui prouva ses carences, aboutissant à de nombreux antagonismes « nationaux » aux désordres, faute d’un réel gouvernement central. D’où le recours au fédéralisme pur et dur et à la constitution de 1787 toujours en vigueur outre-atlantique.

    A Rome, Maastricht, Dublin, Nice, Lisbonne, la France a pris des engagements qui, les uns après les autres, entament la souveraineté des Français sur eux-mêmes, s’en prennent à l’idée de nation, aliènent la notion d’indépendance et, en ce qui nous concerne ici, confiant au supranational la politique étrangère et celle de la sécurité, donc le recours à la force n’étant plus au service des Français, mais de l’entité européenne en gestation. La démarche semble d’autant moins réversible qu’en majorité la population française souscrit à l’idée européenne. Elle adhère à l’effet de taille, impressionnée par les grands Etats, Chine, Inde, Etats-Unis, Russie et souhaite appartenir à une entité politique de quelque quatre cent ou cinq cents millions de citoyens, s’imaginant retenir, en même temps, le privilège de se gouverner, ce qui est contradictoire et même absurde.

    Dans un tel contexte, le recours à la force relèvera du gouvernement fédéral, la France, comme chacun de ses partenaires, fournissant une contribution à un appareil militaire qui n’agirait qu’aux ordres supranationaux éventuellement au service d’intérêts autres que les siens.

    5° La France – et plus généralement l’ensemble des pays membres de l’Union – vont avoir à s’accommoder de deux phénomènes politiques et économiques contradictoires :

    - D’une part, la quasi continuité de la politique des Etats-Unis et de la Russie. A un semestre près, les gouvernements respectifs de ces deux puissances changent, mais pour pratiquer la même politique parce qu’elle est conforme à leur intérêt national. En  somme, ces deux pays hier adversaires forment maintenant un ensemble relativement constant.

    Lire :
    http://blog-elections-americaines-tf1.lci.fr/

    - D’autre part, Chine et Inde portées par un gigantesque potentiel de production vont constituer les puissantes variables du monde de demain et inscrire ainsi l’imprévisible dans la vie internationale.

    Redressée par Vladimir Poutine, la Russie va poursuivre la politique qui a si bien réussi au cours des toutes dernières années. A savoir :

    - Tirer parti, politiquement et financièrement, des richesses énergétiques (gaz naturel et, pour quelques décennies encore, pétrole). Forts consommateurs, Europe à l’ouest, Chine et Inde à l’est forment un marché rémunérateur.

    Lire : http://www.iran-resist.org/article3318

    Du gaz russe pour la Chine

    Lire : http://www.rfi.fr

    - A l’instar des pétroliers arabes cherchant de nouvelles activités pour remplacer la rente pétrolière bientôt défaillante, Moscou, particulièrement riche en ressources  indispensables au développement, le sien et celui des autres, va accroître sa production industrielle et chercher à s’installer dans le gigantesque marché des peuples milliardaires en vies humaine afin de répondre à ses immenses besoins.

    - Accroître encore le potentiel scientifique et technique du pays afin d’être en mesure de fournir des équipements dits « de pointe » que ne conçoivent ni ne produisent les pays moins « avancés ». (A condition que le commerce du gaz ne valorise pas trop le rouble).

    - Augmenter le potentiel militaire du pays pour être en mesure de tenir en respect à la fois l’ouest vacillant et l’est montant vers la puissance, y compris celle que procurent les armes.

    . Pour les pays de l’Union européenne cela signifie qu’ils se trouvent au centre de la rivalité Est-Ouest, en l’occurrence Etats-Unis et Russie et que celle-ci détient un argument puissant : la fourniture de gaz naturel, avantage qu’est loin d’avoir l’Amérique. Nouvelle servitude pour cette Europe qui devra composer avec son puissant voisin de l’est bien que s’étant rangée dans le camp occidental tel que le conçoivent les Etats-Unis. Cette double dépendance doit accroître encore les charges qui pèsent sur l’Europe et contribuer à réduire encore le niveau de vie de ses habitants réduits au rôle de consommateurs aux faibles ressources, voire de quémandeurs pour avoir progressivement tari sa production.

    . La politique des Etats-Unis vise et visera le même objectif : demeurer aussi longtemps que possible l’unique superpuissance bien que ce privilège soit maintenant – et demain davantage encore – menacé par les peuples milliardaires en vies humaines et aussi quelque peu mis à mal mondialement par les ambitions pétrolières et les guerres qu’elles suscitent. Washington, en effet, persiste à tenir le recours à la force des armes comme le plus solide instrument de sa puissance. Il s’aliène ainsi une large fraction du monde. Quel que soit le futur président  des Etats-Unis, il ne manquera pas de reprendre à son compte les fondamentaux de la nation :
    - Obtenir et conserver la primauté en matière scientifique et technique, conditions du rayonnement économique et de l’afflux des investissements étrangers.
    - Assurer aux Etats-Unis la suprématie militaire que les peuples milliardaires en vies humaines pourraient, un jour, mettre en question.

     

    Avec les rodomontades des Etats-Unis en direction du Venezuela qui ont désormais atteint un sommet, le Pentagone a décidé de réactiver la quatrième flotte de la Navy dans les Caraïbes, l'Amérique Centrale et l'Amérique du Sud.
    http://questionscritiques.free.fr

    - Toujours fonder l’économie nationale sur le libéralisme mondialisé et la faculté d’imprimer autant de monnaie que nécessaire, la masse monétaire étant, sans commune mesure avec les biens qu’elle est censée représenter. Essayer de rétablir le dollar au rang de monnaie mondiale face à l’euro et peut-être un jour au yuan chinois. Pierre Leconte avance même l’hypothèse d’une fusion euro-dollar, créant une monnaie fondée sur le passé et  sur l’économie du monde atlantique en déclin afin de tenir tête à la future monnaie triomphante de la zone Asie-Pacifique : deux mondes, deux monnaies rivales. Celles représentant, en fait l’ensemble des « anciennement industrialisés » d’une part, et les pays à salaires bas, ou modérés, capables  d’une production de masse à relativement bon compte, d’autre part.

    - Outre-Atlantique, justifier ces démarches en se proclamant champion de la démocratie et en laissant entendre que tel est la finalité de la politique des Etats-Unis. La formule présente d’évidents avantages moraux d’abord à l’extérieur, mais surtout en politique intérieure, la population des Etats-Unis croyant fermement à cette mission généreuse. Elle permet, de surcroît, nombre de débordements tenus pour être les conditions du succès final  de la généralisation de l’idéal américain. Ainsi se perpétue le Manifest Destiny.

    A ces constantes de la politique américaine se superpose, maintenant, l’émergence de la Chine et de l’Inde et aussi celle des économies en expansion telle la Russie et le Brésil. Aussi demeure-t-elle en position de combat face à de nouveaux rivaux. Avec l’URSS, les Etats-Unis avaient un puissant adversaire que les armements – partagés – tenaient à distance. Aujourd’hui, c’est avec la production de masse à bon compte que la superpuissance, en contraction , doit rivaliser…. avec la volonté évidente de l’emporter.

    Quelles pourraient être les conséquences, pour l’Union européenne, et particulièrement pour la France, de cette situation nouvelle ?

    - L’épreuve commande à Washington d’agrandir et de renforcer son camp, celui dit de l’Occident, à commencer par l’Europe de l’ouest, allié séculaire. L’alliance atlantique et l’OTAN les bras armés sont, pour cela, de précieux auxiliaires.

    - Le même défi conduit les Etats-Unis à disputer à l’Extrême-Orient ses visées politiques, et surtout économiques sur le continent noir et l’Amérique latine dans le cadre de la « guerre » des matières premières.

    - Enfin, Washington édifie des positions géostratégiques classiques avec l’encerclement politique et militaire du grand adversaire de demain : la Chine. Face à l’URSS, les forces armées de l’OTAN stationnaient, grosso modo sur le méridien de Berlin. Aujourd’hui, face à la Chine et plus généralement aux nouvelles économies de la zone Asie-Pacifique, les forces des Etats-Unis ici encore embryonnaires, se trouvent 5.000 kilomètres plus à l’est, au méridien de Tachkent, c’est-à-dire bien proche des frontières occidentales de la Chine.

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    En force, elles occupent la Corée du sud et les îles méridionales de l’archipel japonais. Washington s’intéresse à la Mongolie, aux musulmans de l’ouest chinois, tandis que la puissante VIIème flotte témoigne de l’hégémonie maritime américaine sur le Pacifique assurent, indirectement, la sécurité du Japon et de Taïwan. Il est donc légitime que Pékin, sans le proclamer officiellement, évoque l’encerclement.

    Zone de responsabilité des flottes américaines en 2007.

    Pour la France – et plus généralement les pays de l’Union embrigadés dans l’OTAN – ces dispositions politico-militaires arrêtées par les Etats-Unis visent à créer un vaste ensemble, militairement  puissant afin de l’emporter dans une future confrontation économique avec les pays producteurs à bas salaires. A la France de rentrer dans le rang. Elle compte,  parce que encore modeste puissance atomique, elle a mené longtemps nombre d’expéditions extérieures…

    Afin d’aider Paris à revenir sur les décisions du général De Gaulle et la politique suivie pendant quarante ans en demeurant dans l’Alliance, mais hors de l’OTAN, Washington présente le nouveau ralliement sous un jour favorable, du moins selon Paris.

    C’est ainsi qu’en février dernier, l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Alliance, madame Victoria Nuland a déclaré, à Paris et à Londres que son pays reconnaît que l’Europe doit pouvoir « agir de manière indépendante en conservant son autonomie de décisions ».

     

    Déclaration qui n’égare que les nigauds, car les Etats-Unis détiennent à la fois le monopole du renseignement et celui de la logistique, c’est-à-dire la mise en œuvre du matériel nécessaire au combat, ce matériel lui-même, son transport, son entretien et son renouvellement. Dans ces conditions, parler d’autonomie de décisions est un leurre. Les carences européennes justifient cette tromperie.

    Les habitants des nations européennes, membres de l’Union ont eu le temps, à l’usage, de mesurer les avantages et aussi les méfaits du processus de « construction européenne » auquel, majoritairement, ils ont souscrit. Mais ils ne se sont pas rendu compte des effets désastreux de cette « construction » à la fois en matière de politique étrangère et d’indépendance d’une part, et en ce qui concerne leurs appareils militaires respectifs dépendant désormais de la volonté  politique étrangère à l’Europe, d’autre part.

    C’est la France, plus particulièrement, qui paie le prix élevé en tombant du premier rang des puissances militaires aux dernières places avec les « petites puissances moyennes ». Les nocives Institutions de la Vème République dévoyée ont permis aux pouvoirs successifs de détruire l’appareil national de production d’armement qui, il y a 40 ans encore faisait prime sur le marché mondial et contribuait au prestige de la nation et à son indépendance.

    Mais, voici peu, un sondage général de l’opinion montrait que 6 % des Français s’intéressaient à la politique étrangère de leur pays et 1 % seulement à ses armes. En Vème République le premier objectif du pouvoir – ou des candidats au pouvoir – est de racoler des voix si bien que ces questions ne présentent aucun intérêt électoral. D’où leur saccage par le pouvoir.

    Dans le domaine qui nous occupe ici c’est, en effet, le désastre : gestion chaotique du projet « Galileo » et plus généralement carence européenne en matière d’espace, fiasco d’EADS, perte de contrôle de « l’Airbus » au profit des Allemands, dislocation de la société nationale « Aérospatiale », retard de l’A 400 M de transport destiné à succéder aux « Transall » quinquagénaires perte – complète – du marché des avions de combat au profit des anglo-saxons, tristes pérégrinations du GIAT devenu « Nexter » après la fermeture de nombre des ses usines et la réduction du personnel des trois quarts.

    Enfin, pour couronner cette faillite quasi générale, la tragédie-comédie du 2ème porte-avions tenu un jour pour « indispensable » et le lendemain retardé au prochain mandat présidentiel. L’échec n’est pas seulement français, il est aussi celui de la « construction européenne ».

    Mis à part les rêveurs et, surtout les quelques centaines de milliers de fonctionnaires – ou assimilés – qui vivent confortablement de « l’Europe », les populations et quelques gouvernements ne voient dans cette « construction » que le moyen de profiter de la manne communautaire tout en renonçant à de coûteuses attributions régaliennes confiées aux puissants Etats-Unis. Ils s’accommoderaient d’en former le prolongement sur le vieux continent en s’épargnant toutes les charges de la souveraineté et de l’indépendance. D’où un premier renoncement : la charge de leur sécurité nationale, l’OTAN y pourvoyant. Ce n’est pas exactement ce que recherchent les Etats-Unis visant à ajouter à leurs forces celles, certes modestes, des alliés européens rangés dans le même camp et se préparant à un éventuel combat, si Washington le juge conforme à ses intérêts.

    Dans ce grand renoncement des pays européens à demeurer eux-mêmes, tels que des siècles d’Histoire les ont formés, la France a une grande  part de responsabilité en raison des initiatives qu’elle prit pour transformer, un jour, un continent – expression géographique – en entité politique.

    La principale cause de son déclin précipité réside dans la décision –approuvée par référendum en 1962 – d’élire le président de la République au suffrage universel (comme en 1848 avec les tristes résultats que l’Histoire rapporte). Le bon sens populaire n’est pas en question et il est normal, et même salutaire, que la gestion des affaires de chaque citoyen vise d’abord – et même uniquement – l’immédiat, au maximum le très court terme. Dépendant d’un tel électorat, le pouvoir n’a de cesse que de le courtiser en accédant à ses humeurs moyennes quasi quotidiennement perçues, ou encore d’être en constante démagogie. Or, un pays ne se gouverne pas au jour le jour. Il gouverne pour le peuple mais il n’a pas à être « gouverné » par lui.

    De la tyrannie des sondages…

    C’est le cas en France. Ainsi, le pouvoir est-il en campagne électorale permanente, pour récolter le maximum de suffrage et durer, si bien que ses préoccupations sont celles de la vie quotidienne du citoyen moyen : pouvoir d’achat, déplacements, sécurité des personnes et des biens, emploi, loisirs, sports… Durant toute la durée du mandat la campagne se poursuit, distrayant le citoyen qui y voit une sorte de match entre partis et leurs représentants dont-il s’amuse à compter les coups. Enfin, le pouvoir de l’image télévisée est tel qu’il joue un rôle politique décisif, le faciès des candidats au pouvoir escamotant le vide de la pensée.

    Après quarante ans d’un tel régime, l’idée européenne tenant lieu d’objectif politique, la France entame le nouveau millénaire dans une position intermédiaire. Elle n’est plus un Etat-nation souverain et elle n’est pas encore une simple division administrative d’une Europe-Etat. Et en passe d’être vassale, diplomatiquement et militairement. Aussi, la réduction de son appareil militaire est-elle logique et sa subordination à l’OTAN un facile recours. Ainsi, s’évanouissent les nations et s’effacent les identités nationales. Le monumental l’évoque encore mais il est, au moins partiellement, à vendre, l’entretien du patrimoine n’étant pas payant électoralement s’entend, si bien qu’il n’y a guère de crédits pour l’entretenir. Qu’importe, il s’agit d’en finir avec la France souveraine, indépendante et, par conséquent, d’effacer son passé.

    Depuis la fin des années 60, les dirigeants de ce pays se sont comportés comme s’ils recherchaient le rapetissement de la France afin de l’insérer plus aisément dans un plus vaste ensemble politique, cela afin de plaire à l’électorat.  Les Français, en majorité, souscrivent à « l’effet de taille ». Un aphorisme « l’Union fait la force » tient lieu de politique à long terme. Ils évoquent les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, sans tenir compte, par exemple, du Canada (30 millions) ou de la Corée du Sud (47 millions) indépendants et souverains. Ainsi, comme les civilisations, les Etats nations meurent. Les Institutions de la Vème République dévoyée ont porté au pays le coup de grâce.

    Pierre M. Gallois mars 2008 - juin 2008 http://www.lesmanantsduroi.com

  • L’eurasisme selon Alexandre Douguine par Claude BOURRINET

     

    Le dernier ouvrage d’Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique, paru aux Éditions Ars Magna, nous livre un état des lieux du monde postmoderne, ainsi que de la Russie poutinienne.

     

    Une synthèse éclairante

     

    La fin du XXe siècle se caractérise par la victoire totale, massive, de la « première théorie politique », le libéralisme, qui a vaincu définitivement les deux autres, le fascisme, en 1945, et le marxisme, en 1989. N’ayant plus d’adversaire capable de soutenir théoriquement et pratiquement la contradiction, et porté par sa logique destructrice, qui le mène à transcender toutes les limites, il tend, à partir de son noyau, les États-Unis d’Amérique, à se répandre sur toute la planète, éradiquant les racines des peuples et leur identité. De fait, il se nie lui-même, en abolissant son substrat idéologique, l’humanisme issu de la Renaissance, dont l’incarnation est l’individu. La postmodernité est en effet, après la fin des grands récits, la gestion des choses de l’économie, et le ravalement de l’homme et du réel au rang d’objet démontable et recomposable. À ce cauchemar, s’oppose le conservatisme, dans le sens que lui donnait en partie la Révolution conservatrice, concept que Douguine approfondit comme incrustation, dans l’ordre humain, de l’éternité, qui s’oppose au mythe du progrès et au « nomadisme de l’asphalte ».

     

    Alexandre Douguine, du point qui est devenu le nôtre après la déréalisation des discours qui fondaient l’Histoire humaine, examine le siècle passé, ses rêves et ses tragédies, pour réévaluer ses expériences, communisme et fascisme, en saisir les ressorts secrets, ainsi que les limites.

     

    Le concept de « civilisation »

     

    En même temps que Fukuyama, avec qui il a eu l’occasion de dialoguer, il analyse les thèses d’Huntington, sur le « choc des civilisations », pour développer une analyse de la notion de « Grand espace », autrement dit d’Empire, théorisée par Carl Schmitt, ce qui permet au lecteur de comprendre ce qu’est une « civilisation », et d’aborder efficacement la question de l’eurasisme. En effet, le libéralisme postmoderne, dans sa course mortifère à l’hégémonie mondiale, dans sa tentative d’imposer la technique et l’économie comme destin, le « Gestell » dont parle Heidegger, c’est-à-dire la « formulation sans fin de nouveaux modèles aliénants et nihilistes », se heurte à des résistances, à des « civilisations » porteuses d’une vision fondamentalement différentes, qui coexistent, et qui proposent chacune une vision singulière, irréductible, une alliance entre une anthropologie, une métaphysique, une langue et une ethnie parfois, des coutumes, des manières de sentir, d’aimer, de haïr qui leur sont propres. Ces noyaux, qui s’opposent au noyau occidental situé aux U.S.A. et en Europe, sont la Chine et le Japon, l’Iran, le Califat, la Russie, l’Amérique latine de langue espagnole ou portugaise, et peut-être l’Europe. L’eurasisme ne cherche pas une alternative au nihilisme postmoderne dans le passé, mais dans la présence synchronique de pôles différenciés, qui constituent autant de variantes d’être au monde, originales et ontologiquement enracinées.

     

    La Russie et nous

     

    Douguine est un acteur engagé dans la Russie post-soviétique. Il nous donne, de première main, des informations sur le rapport des forces, notamment entre une oligarchie en majorité vendue aux Anglo-Saxons et un peuple attaché aux valeurs patriotique. Il nous éclaire sur le débat qui est la source des hésitation de Vladimir Poutine et du pouvoir actuel, entre l’État-nation, qui aurait sa place dans la « communauté internationale » (un piège, selon Douguine), et l’idée d’eurasisme (l’Empire). Rappelons que l’Empire n’a rien à voir avec celui de Napoléon ou le Reich allemand, qui étaient des nationalismes. Il est plutôt une « combinaison des différences en une unité », unité incarnée par des valeurs suprêmes (il n’est pas question de « fusion »). Douguine dresse un bilan de l’histoire récente de la Russie, et arrête son étude en 2008, lors de la réponse cinglante des forces russes à la tentative de la Géorgie de Saakachvili de perpétrer un génocide en Ossétie. La Russie semble surmonter le traumatisme eltsinien, et avancer dans la vie impériale. Sans doute les événements syriens vont-ils dans le même sens.

     

    En revanche, Douguine évoque, pour juger de l’Union européenne et d’un projet hypothétique de pôle civilisationnel, l’axe Paris – Berlin – Moscou, destiné à s’opposer à l’agression américaine en Irak. Depuis, l’élite européenne est passée avec armes et bagages dans le camp atlantiste. L’Europe continentaliste s’est transformée en Europe atlantiste, et se prépare au grand marché qui l’arrimera au noyau dur de l’occidentalisme. L’Occident est le lieu où le soleil se couche. Notre destin a besoin de la Russie, de l’Orient, pour contrebalancer ce crépuscule fatal. À nous d’opter pour le retour aux sources, plutôt que pour la linéarité de la course au néant historique et existentiel.

     

    Claude Bourrinet  http://www.europemaxima.com/

     

    • Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique. La Russie et les idées politiques du XXe siècle, Éditions Ars Magna (B.P. 60 426, 44004 Nantes C.E.D.E.X. 1), 2012, 336 p. Pour recevoir le livre, écrire à l’éditeur, en accompagnant cette demande d’un chèque de 32 € franco.

     

    • D’abord mis en ligne sur Vox N.-R., le 18 décembre 2012.

  • La Russie aux temps postmodernes par Georges FELTIN-TRACOL

    Signalons l’existence de deux excellentes revues :

    — le n° 43 du quadrimestriel Réfléchir & Agir (hiver 2013) vient de paraître :

    http://www.reflechiretagir.com/nouv.html

     

    — le mensuel Salut public (n° 12, février 2013) est dorénavant en accès libre en format pdf. :

    http://troisiemevoie.fr/6768-salut-public-n12-fevrier-2013/

     

    Toujours très bonnes, très libres et très non-conformistes lectures !

    La rédaction d’Europe Maxima.

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    Penseur néo-eurasiste influencé par les œuvres de René Guénon et de Julius Evola, polyglotte émérite à l’insatiable curiosité, Alexandre Douguine incarne pleinement ce que le communiste italien Antonio Gramsci qualifiait d’« intellectuel organique ». L’auteur d’une abondante bibliographie qui va de la géopolitique à l’étude sociologique des musiques contemporaines vient de publier la traduction française de sa Quatrième théorie. Il faut en saluer la parution tant ses écrits demeurent rares et méconnus dans le monde francophone. La sortie de cet essai est un grand événement éditorial !

    Lecteur attentif d’Arthur Moeller van den Bruck, de Claude Lévi-Strauss, de Georges Sorel, Alexandre Douguine s’est aussi inspiré des travaux de Martin Heidegger, Francis Fukuyama, Carl Schmitt, Gilles Deleuze ou Guy Debord.

    Pragmatique partant d’un constat accablant, le fondateur du Mouvement international eurasien se demande : « Comment faire de la politique quand il n’y a pas de politique ? Il n’existe qu’une seule solution : refuser les théories politiques classiques, tant vaincues que triomphantes, et faire preuve d’imagination, saisir les réalités du nouveau monde global, déchiffrer correctement les défis du monde postmoderne et créer quelque chose de nouveau, au-delà des affrontements politiques des XIXe et XXe siècles (p. 12). » Prenant par conséquent acte de la victoire de la pensée libérale qu’il appelle “ Première théorie ” et des échecs du communisme, « Deuxième théorie », et du « fascisme » (au sens très large du mot), « Troisième théorie », Alexandre Douguine esquisse une « Quatrième théorie politique » « non pas comme un travail ou une saga d’auteur, mais comme la direction d’un large spectre d’idées, d’études, d’analyses, de prévisions et de projets. Tout individu pensant dans cette optique peut y apporter quelque chose de soi (p. 13) ».

    Cela fait très longtemps qu’Alexandre Douguine était en quête d’une nouvelle solution politique. Dès 1994, il en exposait les prémices théoriques dans un entretien passé inaperçu paru dans le n° 119 nouvelle série du magazine Le Crapouillot (mai – juin 1994), intitulé « Créer l’Europe des ethnies (pp. 9 – 13) ». Estimant que « le temps de la gauche anti-capitaliste est définitivement passé (art. cit., p. 9) », Douguine prévoyait l’entrée « dans l’ère de la droite anti-capitaliste – donc nationaliste, identitaire, différencialiste et organiciste (art. cit., p. 9) ». Il ajoutait plus loin que « nous sommes en présence de la naissance de la nouvelle idéologie anti-libérale, qui unira, en son sein, trois tendances politiques collectivistes, à savoir : le nationalisme, le socialisme et la démocratie, en opposition à la tendance libérale qui est essentiellement individualiste (art. cit., p. 12) ».

     

    Contre le libéralisme postmoderne

     

    Une nouvelle vision du monde s’impose, car le début du XXIe siècle marque l’achèvement de l’ère moderne ainsi que l’obsolescence de ses trois grandes théories mobilisatrices au profit d’une fluidité croissante et d’une mutation majeure de la doctrine libérale elle-même. Ce changement s’opère néanmoins dans un monde saturé d’idées libérales qui, du fait de leur réussite même, engendrent un « post-libéralisme » ou un « libéralisme 2.0 », promoteur d’une « société de marché globale (p. 21) ». C’est parce que « le libéralisme, mettant toujours l’accent sur la minimalisation du politique, a décidé, après sa victoire, de supprimer de façon générale la politique (p. 11) » que « le monde global doit être dirigé seulement par les lois économiques et la morale universelle des “ droits de l’homme ”. Toutes les décisions politiques sont remplacées par des techniques (p. 21) ». Ce « post-libéralisme » commence même à modifier la nature humaine. Douguine désigne donc clairement « le libéralisme et ses métamorphoses (p. 37) » postmodernistes (terme à préférer à celui de « post-moderne ») comme l’ennemi principal à abattre. Émanation des Lumières, « l’individualisme est devenu le sujet normatif à l’échelle de toute l’humanité. Apparaît alors le phénomène de la mondialisation, et le modèle de la société post-industrielle commence à se manifester, l’époque du postmoderne commence. Désormais, le sujet individuel n’apparaît plus comme le résultat d’un choix mais comme une certaine donnée générale obligatoire. La personne est libérée de  “ l’appartenance ”, l’idéologie “ des droits de l’homme ” devient communément acceptée (du moins – en théorie) et, dans les faits, obligatoire. L’humanité, composée d’individus, tend naturellement vers l’universalité, devient globale et unifiée. Ainsi naît le projet d’« État mondial » et de “ gouvernement mondial ” (le globalisme) (p. 20) ». Ses méfaits, réels, insidieux et profonds, dévastent tout autant les milieux naturels pollués que les psychismes. Il relève que « la logique du libéralisme mondial et de la mondialisation nous tire vers l’abîme de la dissolution postmoderniste dans la virtualité. Notre jeunesse a déjà un pied dans cet abîme : les codes du globalisme libéral s’introduisent de plus en plus efficacement au niveau de l’inconscient, dans les habitudes, la publicité, le glamour, les technologies, les modèles de réseau. La perte de l’identité, non seulement nationale ou culturelle mais aussi sexuelle et bientôt humaine, est désormais chose commune. Et les défenseurs des droits de l’homme, sans remarquer la tragédie de peuples entiers sacrifiés selon les plans cruels du “ nouvel ordre mondial ”, hurleront demain à la violation des droits des cyborgs ou des clones (p. 54) ». L’égalitarisme prôné par le « libéralisme 2.0 » est l’ultime réductionnisme de l’Occident globalitaire anomique.

    Ce dispositif total, néo-totalitaire, de nivellement général bénéficie d’un redoutable modèle attractif : les États-Unis d’Amérique. Fille de la Modernité et matrice d’un postmodernisme « ultra-moderne », « l’Amérique prétend désormais à une diffusion universelle d’un code unitaire, qui pénètre dans la vie des peuples et des États par des milliers de voies différentes – comme le réseau global – à travers la technologie, l’économie de marché, le modèle politique de la démocratie libérale, les systèmes d’information, les clichés de la culture de masse, l’établissement du contrôle stratégique direct des Américains et de leurs satellites sur les processus géopolitiques (p. 47) ».

     

    Décomposition des droites et des gauches

     

    Contre cette « Hydre de Lerne » postmoderniste, un regard critique sur l’histoire des idées politiques est indispensable afin de concevoir une théorie novatrice. Alexandre Douguine prévient qu’elle « ne peut être une tâche individuelle pas plus que celle d’un petit cercle d’individus. L’effort doit être synodique, collectif. Les représentants d’autres cultures et d’autres peuples (d’Europe, ainsi que d’Asie), qui se rendent compte également de façon aiguë de la tension eschatologique du moment présent (p. 32) ». On y décèle ici la double influence de l’« impersonnalité active » chère à Evola et du sobornost de l’Orthodoxie. Il espère que la Quatrième théorie politique sera « une alternative au post-libéralisme, non pas comme une position par rapport à une autre, mais comme idée opposée à la matière; comme un possible entrant en conflit avec le réel; comme un réel n’existant pas mais attaquant déjà le réel (p. 22) ».

    À cette fin, il devient utile de dresser la généalogie et la taxinomie des idées politiques modernes. L’anti-conformisme de la démarche de Douguine est déjà ancienne puisque cela fait longtemps qu’il propose de comprendre les auteurs de l’ultra-gauche d’un œil révolutionnaire-conservateur et de commenter les penseurs de l’« extrême droite » à l’aune de Marx, de Toni Negri et d’autres théoriciens gauchistes. Tout en reprenant la distinction classique entre la « droite » et la « gauche », Douguine dynamite en réalité cette dichotomie familière en discernant trois idéologies de « gauche » : les « vieilles gauches » avec les marxistes, les sociaux-démocrates et les zélateurs travaillistes d’une pseudo-« troisième voie » du Britannique Giddens, gourou de Tony Blair; les « nouvelles gauches » qui rassemblent sous ce label les néo-gauchistes, les altermondialistes et les postmodernistes genre Negri; et les « nationalistes de gauche », à savoir les tendances nationales-bolcheviques, nationales-communistes et « nationales-gauchistes ». Quant à la « droite » que Douguine préfère nommer « conservatisme » parce que c’« est un “ non ” adressé à ce qui est autour. Et au nom de quoi ? Au nom de ce qui était avant (p. 86) », il distingue :

    — le conservatisme fondamental où l’on retrouve les écoles de la Tradition et les monothéismes dits « intégristes », y compris un certain islamisme;

    — le libéral-conservatisme qui « dit “ oui ” à la tendance principale qui se réalise dans la modernité mais s’efforce de freiner à chaque nouvelle étape de la réalisation de ces tendances (p. 92) »;

    — les forces conservatrices-révolutionnaires qui « ne veulent pas seulement geler le temps à la différence des libéraux-conservateurs ou encore revenir dans le passé (comme les traditionalistes) mais arracher à la structure de ce monde les racines du mal et annihiler le temps en tant que propriété destructrice de la réalité, réalisant le dessein secret, parallèle et insoupçonné de la Divinité elle-même (p. 97) ».

    Douguine analyse finement l’approche contre-révolutionnaire (Maistre, Bonald, etc.) pour qui « le postmoderne avec sa dérision suive son cours, qu’il dissolve les paradigmes déterminés, l’ego, le super-ego, le logos, que le rhizome et les masses schizophréniques ainsi que la conscience morcelée entrent en jeu et que le néant entraîne derrière lui tant le contenu du monde, alors s’ouvriront des portes secrètes et les archétypes ontologiques anciens, éternels, apparaîtront à la surface et de façon terrible mettront fin au jeu (pp. 99 – 100) ».

    Après avoir déterminé idéalement ces tendances politiques, Alexandre Douguine les recherche sur la scène politique russe avec d’inévitables mélanges contextuels. Le Parti communiste de la Fédération de Russie de Guennadi Ziouganov est sans conteste national-communiste alors que le mouvement Rodina (« Patrie ») fut inconsciemment national-gauchiste. Si l’opposition à Vladimir Poutine, malgré Limonov, verse plus ou moins dans le libéralisme et l’occidentalisme, Russie unie défend une conception sociale-conservatrice. Enfin, son eurasisme radical puise à la fois dans la Tradition et dans la Révolution conservatrice. Mais toutes les formations politiques russes communient dans un ardent patriotisme, ce que ne comprennent pas les observateurs occidentaux…

    Il ne fait guère de doute que l’eurasisme constitue, aux yeux d’Alexandre Douguine, le cœur de la Quatrième théorie politique. Discutant des thèses culturalistes du « choc des civilisations » de Samuel Huntington, il dénie à la Russie tout caractère européen. Par sa situation géographique, son histoire et sa spiritualité, « la Russie constitue une civilisation à part entière (p. 167) ». Déjà dans son histoire, « la Russie – Eurasie (civilisation particulière) possédait tant ses propres valeurs distinctes que ses propres intérêts. Ces valeurs se rapportaient à la société traditionnelle avec une importance particulière de la foi orthodoxe et un messianisme russe spécifique (p. 146) ». Et quand il aborde la question de la Russie et de son peuple-noyau, les Russes issus des Slaves orientaux, Alexandre Douguine déclare son amour à son peuple et à sa terre. « Peuple du vent et du feu, de l’odeur du foin et des nuits bleu sombre transpercées par les gouffres des étoiles, un peuple portant Dieu dans ses entrailles, tendre comme le pain et le lait, souple comme un magique et musculeux poisson de rivière lavé par les vagues (p. 302) », les Russes incarnent un peuple tellurique.

     

    Un conservatisme rénové

     

    Via l’eurasisme s’élabore une nouvelle approche du conservatisme, un conservatisme repensé, révolutionnaire et adapté à la phase post-moderne des temps. Alexandre Douguine affirme que « le conservateur aime ce qui est grand et dans l’homme, il aime ce qui est grand et élevé (p. 111) ». Il est logique que « le conservatisme, défendant l’éternité, défend également l’éternité de l’homme, de l’homme en tant que structure douée de signes intangibles et d’une vie inaliénable. L’Homme est un concept conservateur (p. 110) ». La modernité libérale et le postmodernisme post-libéral nient au contraire l’homme singulier pour mieux valoriser un homme abstrait doté de droits fallacieux ou extravagants (voir la dernière lubie lyssenkiste en date avec la pseudo-théorie du genre).

    « Pluralisme gnoséologique, [… l’eurasisme est] une forme spécifique de conservatisme, qui se différencie des autres versions de conservatisme proches (à la différence du libéral-conservatisme), par le fait qu’elle trouve une alternative au moderne non pas dans le passé, ou dans un renversement conservateur révolutionnaire exceptionnel, mais dans les sociétés cœxistant avec la civilisation occidentale mais géographiqement et culturellement distinctes d’elle (p. 101). » Fort de ce constat, Douguine se permet de « déconstruire » la démocratie dans sa pratique libérale hypocrite. Il remarque d’abord que « le principe de prise de décisions collectives constitue le fondement de la démocratie (p. 58) » et que « la démocratie constitue la forme d’organisation politique la plus ancienne, la plus archaïque, la plus primitive et, si l’on veut, la plus barbare (p. 57) ». Ne craignant pas de se mettre à dos les belles âmes occidentalocentrées, il assène que « la démocratie ne reconnaît aucunement l’égalité des individus. Elle comporte une limite très stricte qui sépare ceux qui ont le droit de participer à l’extase politique de la décision de ceux qui ne le peuvent pas (p. 58) ». L’octroi du droit de vote aux étrangers va à l’encontre de cette stricte différenciation et favorise plutôt « la tyrannie [qui] remplace la démocratie en tant que forme d’organisation politique plus contemporaine où pour la première fois se manifeste très clairement un individu distinct, dans notre cas le tyran (pp. 59 – 60) ».

    L’émergence d’une nouvelle figure tyrannique résulte de l’occidentalisation du monde. « Puisque modernisation et occidentalisation constituent des synonymes (Occident = moderne), il est impossible de mener une modernisation séparée de l’Occident et de ne pas copier ses valeurs (pp. 127 – 128). » Pis, « la fosse noire et vide de sens du postmoderne réalisé brille au centre de l’Occident global, les États-Unis et les pays de l’Alliance transatlantique (p. 138) ». Or, « pour combler le vide, la Russie a besoin d’une nouvelle idée politique. Le libéralisme ne convient pas, tandis que le communisme et le fascisme sont inacceptables (p. 13) ». Dès lors, « seule une croisade mondiale contre les États-Unis, l’Occident, la mondialisation et leur expression politico-idéologique, le libéralisme, peut constituer une réponse adéquate (p. 55) », d’où l’importance d’une Quatrième théorie politique particulièrement adaptée à la Russie.

    « La lutte contre la métamorphose postmoderniste du libéralisme en postmoderne et un globalisme doit être qualitativement autre, se fonder sur des principes nouveaux et proposer de nouvelles stratégies (p. 22). » C’est le but tactique de l’eurasisme et de la Quatrième théorie politique. Contre le « nomadisme de l’asphalte (p. 258) » célébré par les médiats occidentaux globalitaires ultra-individualistes et ochlocratiques, Alexandre Douguine, en chrétien orthodoxe vieux-croyant conséquent, désigne l’atlantisme, « mal absolu (p. 258) », comme l’hérésie contemporaine contre laquelle le combat doit être implacable. « Pour les eurasistes, le moderne est un phénomène spécifique à l’Occident tandis que les autres cultures doivent démasquer les prétentions à l’université de la civilisation occidentale et construire leur société sur leurs valeurs internes (p. 101). »

     

    De l’empire au grand espace

     

    Guidé par les travaux de Johann Gottfried von Herder, Friedrich Ratzel, Jean Parvulesco et Raymond Abellio, Alexandre Douguine veut que « l’eurasisme se positionne fermement non pas en faveur de l’universalisme, mais en faveur des “ grands espaces ”, non pas en faveur de l’impérialisme, mais pour les “ empires ”, non pas en faveur des intérêts d’un seul pays, mais en faveur des “ droits des peuples ” (p. 207) ». Dans un monde enfin multipolaire, chaque pôle d’influence mondiale s’édifiera autour d’un grand espace géo-culturel particulier.

    Homme de Tradition qui se réfère à l’ethnosociologie, à la géopolitique et à la théologie, Alexandre Douguine se défie des concepts d’État et de nation. Si le premier, malgré sa froideur intrinsèque, reste pour lui nécessaire, le second ne correspond pas à l’esprit des steppes eurasiennes. Mais sa critique ne coïncide pas avec celle des libéraux. En effet, pour un libéral, « la “ nation ” désignait l’ensemble des citoyens de l’État, dans lequel s’incarne le contact des individus qui le peuplent, unis par un territoire de résidence commun, ainsi que par un même niveau de développement de l’activité économique (p. 41) ». Quant à l’État-nation, il « représentait une sorte de “ corporation ” ou d’entreprise, créée selon l’accord mutuel de ses participants et qui peut être théoriquement dissoute pour les mêmes raisons (p. 42) ». Or, répondant aux discours tenus par des « nationaux-souverainistes » russes, Douguine affirme que le destin de la Russie n’est pas de devenir une nation, mais de rester un empire. « Entre l’Empire et le “ grand homme ” (homo maximus), il existe une homologie directe. L’Empire est la société maximale, l’échelle maximale possible de l’Empire. L’Empire incarne la fusion entre le ciel et la terre, la combinaison des différences en une unité, différences qui s’intègrent dans une matrice stratégique commune. L’Empire est la plus haute forme de l’humanité, sa plus haute manifestation. Il n’est rien de plus humain que l’Empire (p. 111). » « L’empire constitue une organisation politique territoriale qui combine à la fois une très forte centralisation stratégique (une verticale du pouvoir unique, un modèle centralisé de commandement des forces armées, la présence d’un code juridique civil commun à tous, un système unique de collecte des impôts, un système unique de communication, etc.) avec une large autonomie des formations sociopolitiques régionales, entrant dans la composition de l’empire (la présence d’éléments de droit ethno-confessionnel au niveau local, une composition plurinationale, un système largement développé d’auto-administration locale, la possibilité de cœxistence de différents modèles de pouvoir locaux, de la démocratie tribale aux principautés centralisées, voire aux royaumes) (pp. 210 – 211). »

    L’idée d’empire est plus que jamais d’actualité dans les faits, car, si l’Union européenne demeure un « empire hésitant (p. 218) », Alexandre Douguine souligne avec raison que les élites étatsuniennes raisonnent, elles, dans ces termes avec le Benevolent empire. Idem chez les islamistes qui rêvent, eux, d’un califat universel et dont « le projet islamique en tant que réponse à la mondialisation américaine coïncide pleinement avec la définition de l’empire. […] Il s’agit d’un projet d’empire mondial alternatif (pp. 217 – 218) ».

    L’empire correspond de nos jours à la notion géopolitique de civilisation. « La mise en évidence de la civilisation en qualité de sujet de la politique mondiale au XXIe siècle permettra de mener une “ globalisation régionale ”, une unification des pays et des peuples qui se rapportent à une seule et même civilisation (p. 187). » En clair, faire des civilisations des « grands espaces ». Théorisé par Carl Schmitt, l’un des plus grands penseurs du XXe siècle, « le “ grand espace ” ne constitue qu’une autre dénomination de ce que nous comprenons sous le terme de civilisation dans son sens géopolitique, spatial et culturel. Un “ grand espace ” se distingue des États-nations existant aujourd’hui précisément en ceci qu’il se construit sur le fondement d’un système de valeurs et d’une parenté historique, ainsi que par le fait qu’il unit plusieurs, voire un grand nombre d’États différents liés par une “ communauté de destin ”. Dans différents grands espaces, le facteur d’intégration peut varier : dans un cas, la religion peut jouer ce rôle, dans un autre, l’origine ethnique, la forme culturelle, le type sociopolitique ou la situation géographique (p. 188) ».

    Arme géopolitique anti-mondialiste par excellence, « le “ grand espace ” découle d’une stratégie anticoloniale et présuppose (d’un point de vue purement théorique) une alliance volontaire de tous les pays du continent s’efforçant d’affirmer collectivement leur indépendance (p. 194) ». Ainsi peut-on soutenir, concernant la politogenèse européenne, que « les continentalistes affirment que les États-Unis et l’Europe ont non seulement des intérêts divergents, mais également des valeurs divergentes (p. 140) » parce qu’avec les grands espaces civilisationnels, « il n’y aura aucun étalon universel, ni matériel, ni spirituel. Chaque civilisation recevra enfin le droit de proclamer librement ce qui constitue pour elle la mesure des choses. Ici, ce sera l’homme, là, la religion, ailleurs, l’éthique, ailleurs enfin, la matière (p. 191) ». Si l’Union européenne paraît dans l’impossibilité de former un grand espace impérial conscient de son destin, Douguine appelle cependant les Européens à ne pas céder au fatalisme et au pessimisme. Certes, « aujourd’hui l’axe Paris – Berlin – Moscou apparaît plus que jamais fantomatique mais […] de ces mêmes fantômes naissent parfois de grands phénomènes (pp. 229 – 230) ». Il souhaite en revanche que la C.E.I. (Communauté des États indépendants) et les autres organisations de coopération comme l’Organisation du traité de sécurité collective (O.T.S.C.), la Communauté économique eurasiatique (C.E.E.), l’Organisation de coopération centre-asiatique (O.C.C.E.) et l’Union de la Russie et du Bélarus jettent les bases solides de « l’empire eurasiste du futur (p. 223) » capable d’affronter l’Occident financiariste et mondialiste.

     

    Dans cette lutte à venir (mais qui a dès à présent commencé avec les actions médiatiques des bandes pétassières des Pussy Riots et des FemHaine ou les attaques anti-russes des cloportes du Congrès étatsunien), la Russie est à l’avant-poste de la bataille. Toutefois, Douguine se désole que « la position du pouvoir russe contemporain envers l’Occident (dans son incarnation actuelle) demeure indéterminée. Le pouvoir a rejeté un occidentalisme direct sans pour autant occuper une position alternative (slavophile, eurasiste). Le pouvoir s’est figé, de même que quelquefois un ordinateur cesse de fonctionner. Ni dans une direction, ni dans l’autre (p. 165) ». Il déplore que les blindés ne se soient pas entrés dans Tbilissi à l’été 2008. Ces atermoiements sont préjudiciables à la Russie qui, en tant que Troisième Rome potentiel, pourrait déjà pratiquer une diplomatie multipolaire, « même si actuellement seuls l’Iran, le Venezuela, la Syrie, la Bolivie, le Nicaragua, la Corée du Nord, la Biélorussie et, avec prudence, la Chine, la défendent (p. 163) ».

     

    Dépassement des idéologies modernes et formulation nouvelle d’un conservatisme traditionnel et impérial, « la Quatrième théorie apparaît donc comme un projet de “ croisade ” contre le postmoderne, la société post-industrielle, le projet libéral réalisé dans la pratique, le globalisme et ses fondements logistiques et technologiques (p. 23) ». C’est une déclaration de guerre qu’il convient d’apprécier ! L’assomption de l’Europe passe bien par la Quatrième théorie politique.

     

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/

     

    • Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique. La Russie et les idées politiques du XXIe siècle, avant-propos d’Alain Soral, Ars Magna Éditions, Nantes, 2012, 336 p., (B.P. 60 426, 44004 Nantes C.E.D.E.X. 1). Pour recevoir le livre, écrire à l’éditeur, en accompagnant cette demande d’un chèque de 32 € franco.