Stimuler le sens de l'identité nationale et de la patrie
Cependant, Rousseau réalise aussi qu'à la différence du corps humain, l'unité du corps politique reste toujours précaire, car les intérêts particuliers menacent constamment de prévaloir sur le bien commun. La société, selon lui, est un moi collectif qui doit s'instituer politiquement pour se doter d'une âme commune. L'harmonie sociale ne peut donc résulter que de la mise en œuvre d'une volonté politique veillant à toujours stimuler le sens de l'identité nationale et de la patrie, ainsi que c'était le cas dans la cité antique. C'est la tâche qui revient au Législateur, à l'exemple de Lycurgue, de Solon ou de Numa. Le Législateur ne doit pas être vu comme un démiurge, mais comme chargé d'exprimer la nature sociale des hommes en les transformant en « vertueux patriotes », c'est-à-dire en les aidant à reconnaître leurs intérêts partagés. Instituer le citoyen, c'est se préoccuper des conditions de formation du patriotisme, c'est-à-dire de la suprématie de la volonté générale sur les intérêts égoïstes. Pour édifier une « âme nationale », il faut une éducation publique qui apprenne au citoyen ce qu'est son pays, son histoire et ses lois, et qui les lui fasse aimer au point qu'il se tienne toujours prêt à défendre sa terre, son peuple et sa patrie. On a parfois accusé Rousseau de professer un subjectivisme de la volonté, de situer l'essence de l'homme dans la volonté, celle-ci étant du même coup placée au-dessus de toute loi morale (c'était l'interprétation de Hegel). Cependant, pour Rousseau, la loi naturelle reste une autorité supérieure à la volonté individuelle comme à celle de l'Etat. C'est ce qui explique ses positions en matière de religion.
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