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social - Page 549

  • Europe : À la rencontre des “décroissants”

    Notre monde peut aussi fonctionner sans croissance, avec des effets positifs sur l’environnement et la qualité de vie. C’est en tout cas ce qu’affirment les partisans d’une économie post-croissance, qui s’affranchit du ” toujours plus “. Ce mouvement, baptisé ” décroissance ” en France, ” decrescita ” en Italie, ” degrowth ” en Angleterre et dans le monde entier, fait de plus en plus d’adeptes en Europe.

    Leur diagnostic : une croissance ininterrompue est incompatible avec nos ressources naturelles limitées, et la dignité humaine est sacrifiée sur l’autel de la mondialisation. Leur réponse : une modification radicale de notre mode de vie – tempérance, abstinence, ” démondialisation ” – et un retour à une logique économique régionale.

    Un réseau européen d’adeptes de la décroissance s’engage pour créer un cadre de vie commun, de qualité et respectueux de l’environnement.

    Partie 1 : Conférence sur la décroissance à Venise
    Partie 2: « Transition Town »
    Partie 3: France, La décroissance, le mensuel
    Partie 4: Réparer plutôt que jeter

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Florange : de la gauche caviar à la gauche Judas

    Florange : de la gauche caviar à la gauche Judas La « nationalisation » d’ArcelorMittal a fait long feu. Les hauts fourneaux ne redémarreront pas. Un goût très amer est l’unique résultat d’une comédie dont les prétentions affichées se sont dégonflées comme un ballon de fête électorale. On en a « gros sur le cœur ». Ce n’était donc que cela... La nationalisation, même « temporaire », du site sidérurgique de Florange, n’était, au mieux, qu’un moyen naïf de faire chanter Lakshmi Mittal, qui en a vu d’autres, au pire une tromperie aussi niaise. Les imbroglios insensés qui ont accompagné ce qui est présenté comme un compromis, mais qui n’est en fait qu’un pari, bien fragile au demeurant, porteraient à sourire, tellement le personnage haut en couleur qu’est Montebourg, affublé du titre grotesque de « ministre du redressement productif », s’est époumoné en promesses réduites impitoyablement en poussière par Ayrault. Mais où sont passés les « repreneurs fiables » ? Et que valent ses rodomontades pseudo-révolutionnaires, qui s’en prenaient aux méthodes du patron indien, lesquelles ne devaient pas trouver leur place en France ? Même pas peur ! Du reste, le pauvre Montebourg ne sait plus à quel saint se vouer : la raffinerie Petroplus, par exemple, n’a pas plus de repreneur libyen que de repreneur russe ou chinois pour Florange. Peut-être au fond sa tâche est-elle d’occuper la galerie, pendant que le sale boulot s’effectue hors du théâtre des opérations médiatiques. Par exemple quelque chose qui ressemblerait à la fermeture, malgré son activisme presque sarkozyen, du site d'Aulnay PSA.
    Remarquons au passage que la nationalisation, qui est, littéralement, la reprise en main d’une entreprise par la Nation, est une action tout à fait légale, et envisagée par le préambule de la Constitution de 1946. Gageons que ce qui a pu choquer une ultralibérale comme Parisot a été justement cette évocation d’un geste qui heurte les libre-échangistes fanatiques qui nous dominent, plutôt que le poncif du manque de savoir-faire économique de l’Etat. Il aurait fallu plutôt se demander pourquoi un secteur qui concerne, en France, 40 000 personnes, qui produit un acier de très haute qualité, n’a pas été sauvegardé, protégé du dumping de prédateurs comme Lakshmi Mittal, qui a constitué son empire à coups de rachats d'entreprises défaillantes dans les pays émergents et pourquoi, au nom du dogme de la « main invisible », on réserve à l’industrie nationale et européenne les grands coups de poings qui la mettent à terre. Question oratoire, bien sûr... On préfère, dans un cadre mondial, sacrifier notre économie, notre pays, notre terre, au nom des principes. Et quels principes ? Tout le monde sait que Mittal contracte la production d’acier, dans un contexte de crise, pour sauvegarder des prix élevés. Sa démarche est entièrement financière. Une logique préoccupée de garantir des conditions de vie décentes à notre peuple aurait dû se fonder sur un volontarisme industriel, qui n’existe plus en France et en Europe, nonobstant notre ministre du Redressement productif. Que valent les leçons de « réalisme » lorsqu’on verse des milliards d’euros aux banques pour les sauver, et qu’on est soumis aux intérêts financiers transnationaux, voraces et cyniques ? Les dépenses occasionnées par des mesures d’ampleur, ambitieuses et véritablement soucieuses de notre intérêt, coûteraient bien moins cher que cette lente agonie qui nous ravale irrésistiblement au niveau de pays pauvre, désindustrialisé et dépouillé par les marchands apatrides. Nationaliser Florange, par exemple, exigeait 450 millions d'euros, mais n’oublions pas qu’après avoir été nationalisée, puis revendue, Alstom, qu’on donnait pour obsolète, lui a permis d'encaisser 1,6 milliard d'euros.
    Autre source d’embrouille et d’enfumage : la solution alternative est loin de rassurer. Le projet européen «Ulcos» n’a d’ailleurs pas été mentionné dans le communiqué final. Du reste, il a la réputation d’être peu rentable et grevé d’incertitudes techniques et financière. Un avenir fondé sur du sable, en quelque sorte... «Il n'y aura pas de plan social à Florange. Le groupe Mittal s'est engagé à investir au moins 180 millions dans les cinq prochaines années» affirme Ayrault. Cinq ans, c’est long... Quant au « plan social », qui peut garantir que ce n’est pas partie remise ?
    Toutefois, la seule question qui vaille la peine d’être posée est de savoir si la décision du gouvernement Ayrault sera aussi dévastatrice politiquement que celle de Jospin, en 1999, qui avouait, du ton technocratique qu’on lui connaît, qu’il ne pouvait rien faire, après des licenciements boursiers provoqués par Michelin. Décidément, la gauche s’est pliée à la logique libérale mondialiste, et ce ne sont pas les couinements de la patronne Parisot qui nous feront croire le contraire. En vérité, l’hypothèse de la nationalisation, outre qu’elle avait été envisagée par Sarkozy, qui s’y connaît pourtant lui aussi en matière d’enfumage, pour ce même ArcéloMittal, a été appuyée par une grande partie des responsables politiques, nationaux et locaux, de droite comme de gauche, adhésion qui ne plaide pas pour le caractère révolutionnaire d’une telle mesure. Il faut croire que, dans le jeu de dupe qu’est devenue la pratique politicienne contemporaine, on s’évertue à parodier les signes du combat ancien, où les affrontements idéologiques pesaient encore, et que cette agitation de pantins télévisuels, qui remuent leur verbe avec les accents faux d’une rhétorique surannée, ne vise qu’à préparer les trahisons futures, qui nous présenteront le dilemme entre un libéralisme mondialiste soft, contre un libéralisme mondialiste hard. Tant les mots sont plus importants que l’on ne croie pour faire avaler les choses.
    Il est en tout cas certain que les 2 700 employés de Florange sont insignifiants par rapport aux 260 000 salariés du groupe, et surtout par rapport aux quelque 50 000 chômeurs qui, en ces temps de crise, restent, en France, chaque mois sur le carreau. Leur poids est symbolique, comme l’est le mot « nationalisation », qui renvoie à une France jadis industrialisée, dont le secteur sidérurgique, sans parler des autres, était florissant, où la classe ouvrière était fière, digne, orgueilleuse et combative, et, pour tout dire, quand la France était encore la France.
    Le temps est donc au « réalisme », vertu que l’on brandit volontiers pour se donner un air d’honnête gestionnaire, et l’on ne prend même plus la peine d’user de ces feux d’artifices lyriques, qui faisaient frissonner la Mutualité. La chair est triste, hélas !, et je ne prends même plus la peine de lire tous les programmes, tellement ils se ressemblent et s’alignent platement sur les prétendues nécessités de l’économie mondiale.
    Il est clair que Hollande a « écouté », dans l’affaire, Michel Sapin et Pierre Moscovici, plus sensibles à « l'image de la France » auprès des investisseurs étrangers qu’à la détresse des ouvriers français. La bourse vaut bien une fermeture. Le capitalisme prospère sur les cadavres économiques. Il n’est qu’à mesurer la hausse des cours boursiers quand des licenciements sont annoncés dans un secteur. « Say Oui to France » - certainement pas à la France des travailleurs !
    Les économistes ont toujours d’excellentes raisons pour justifier les capitulations. On peut même dire que les brigades de « spécialistes », dont le nombre ne semble pas très rentable en matière de prévisions, si l’on prend la peine de rassembler toutes les erreurs d’analyse et de prédiction qui ont ridiculisé la profession depuis des lustres, occupent et saturent petit écran, grandes ondes et torchons baveux, et qu’ils n’ont jamais assez de mots pour assurer qu’en matière de rêve, c’est assez. Un jour, il faudra se pencher sur la condition de ces plumitifs qui prospèrent à Science Po, dans des fondations grassement subventionnées par des multinationales, et sur les petites chaises qui serrent de près les arrière trains de ces princes qui nous gouvernent. Ces tristes sires ont pour sale besogne de faire accepter l’inévitable, ou considéré comme tel, et de prôner la résignation.
    La réalité économique que ces messieurs de la moulinette à Phynance est pour le coup assez peu ragoûtante, car on a eu souvent affaire, ces dix dernières années, à des licenciements boursiers, qui visaient à accroître les dividendes des actionnaires, en contractant la masse salariale. Danone, Lu, Michelin, Mark&Spencer, Hewlett-Packard, Moulinex, Aventis, Valeo et d’autres sont restées dans les mémoires.
    La gauche n’a jamais essayé d’empêcher ces dérives. Du moins, comme pour le cas Danone, a-t-elle fait mine de prendre des mesures qui se sont révélées impuissantes. Car depuis le tournant de la « rigueur », que l’inénarrable et ex-stalinien Yves Montant avait bénie de sa gouaille d’histrion, en 1983, elle n’a de cesse que de prouver son « sérieux », c’est-à-dire, in fine, sa collusion avec la finance internationale, que Hollande, quand il était candidat, a rassuré, dans la patrie de la banque, en Grande Bretagne, en avouant que ses quelques piques contre elle était de la rigolade électoraliste. Avec Fabius et Bérégovoy, le mot d’ordre avait été la « réconciliation avec le monde de l’entreprise », en clair avec le fric, ce que les champions de la gauche caviar ont bien compris. On ne jura alors que par la concurrence, les privatisations, les baisses d’impôts, les déréglementations.
    Rappelons les exploits d’une gauche qui a le culot de s’appeler encore « socialiste » (« Je n’aime pas les socialistes, parce qu’ils ne sont pas socialistes », disait déjà De Gaulle) : gouvernement Rocard : Crédit local de France, 5 avril 1991, privatisation partielle ; Renault, 1990, ouverture du capital ; gouvernement Jospin : Air France, 1999, ouverture du capital ; Autoroutes du sud de la France (privatisation partielle), mars 2002 : mise en bourse de 49 % du capital, recette : 1,8 milliard d'euros ; Crédit lyonnais , 12 mars 1999 (décret) ; France Télécom, 1997, ouverture du capital, 42 milliards de FF ; Octobre 1997 : mise en bourse de 21 % du capital ; Novembre 1998 : mise en bourse de 13 % du capital ; Framet, 1999; GAN, 1998; Thomson Multimedia ; 1998, ouverture du capital ; 2000, suite ; CIC, 1998; CNP, 1998; Aérospatioale (EADS), 2000, ouverture du capital.
    Si Jean-Marie Le Pen n’avait pas été là en 2002, rien ne les empêchait de continuer sur cette lancée. La droite la fait pour eux.
    Comment maintenant le gourvernement actuel va-t-il réagir quand des « plans sociaux » seront annoncés à Renault, SFR, Aetos ; aux Charcuteries Alsaciennes Iller , aux Rillettes Sarthoise Boussard, à la Société Générale, à Coca Cola, à l'AFPA (association nationale pour la formation professionnelle des adultes), à GOL, aux quotidiens régionaux La Provence, Nice Matin, Var matin et Corse Matin sont en vente, à la chaîne télé régionale TLM (Lyon), etc. ?
    Les cadavres risquent de ne pas loger dans le placard !
    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • France : L’ornière des aides sociales

    En 2009, 11,2 millions de Français ont bénéficié d’aides sociales pour un montant total de 59,5 milliards d’euros. Cela équivaut au budget de l’Éducation nationale soit 1/5 du budget de la France. Ces 11,2 millions de bénéficiaires ont des familles (parents, épouses, enfants, etc…). Ce sont donc au total plus 35 millions de personnes qui bénéficient, d’une manière ou d’une autre, des aides sociales, c’est-à-dire plus de 50% des Français.

    Le modèle social français, au prix où il coûte aux contribuables, fonctionne-t-il ?

    […] Pour savoir si notre modèle social français fonctionne, prenons trois indicateurs qui permettront de le juger sur des résultats concrets : le taux de pauvreté, le revenu de solidarité active (RSA) et les « Restos du Cœur ».

    Premier indicateur, le taux de pauvreté pris sur 20 ans et qui fournit un constat étonnant. En 1990, 13,8% de la population française était considérée comme pauvre, soit 7,9 millions de personnes sur une population totale de 57,3 millions. En 2009, le pourcentage de pauvreté a légèrement baissé puisqu’il est de 13,5%, mais cela représente 8,7 millions de personnes sur une population de 64,7 millions. Sur 20 ans, la pauvreté n’a pas diminué. C’est un premier constat d’échec.

    Deuxième indicateur, le RSA qui a repris le flambeau du RMI, les deux noms recouvrant une même aide sociale rendant ainsi possible une observation sur la longue durée. Créé en 1989, le RMI a bénéficié cette année-là à 370000 personnes. En 2009, exactement vingt ans plus tard, 1,697,357 personnes percevaient le RSA, soit une augmentation de 359 %. C’est un deuxième constat d’échec.

    Troisième indicateur, les “Restos du Cœur” qui ont été créés en 1985. Durant l’hiver 85-86, ils ont distribué 8,5 millions de repas. Lors de l’hiver 2010-2011, ce sont 109 millions de repas qui ont été servis, soit une augmentation de 1282 % en 25 ans. C’est un troisième constat d’échec.

    Force est de constater, sur le terrain, que le modèle social français qui a pour but d’améliorer les conditions de vie des français,  ne fonctionne pas. La question qui vient à l’esprit est : pourquoi ?

    Il existe une explication économique à cet état de fait. Tel qu’il est conçu, notre système social ne crée pas de richesse ; pire, il incite à ne pas créer de richesse. En dépit d’une intention qui reste en théorie généreuse – aider autrui -, le modèle social français a mis en place une trappe à pauvreté : une fois tombé dans cette ornière, il est très difficile d’en sortir. Pour vérifier cette assertion, observons un exemple concret.

    Prenons une mère vivant seule avec ses deux enfants de 6 et 10 ans. Pourquoi un tel cas ? Parce que, selon l’Insee, 284,445 foyers recevant des aides étaient dans ce cas en 2010, ce qui constitue le nombre le plus important de tous les cas de figure familiaux, hormis les célibataires.

    Cette mère reçoit le RSA qui, grâce à ses deux enfants, se monte à 845,88 euros. Si elle loue un appartement à 500 euros par mois, elle bénéficie d’une APL de 473,22 euros. Ses allocations familiales seront de 125,87 euros. Son allocation de rentrée scolaire, en général très attendue, sera de 575,68 euros, soit 47,97 euros si nous la lissons sur 12 mois. Cette mère pourrait sûrement bénéficier d’autres aides, mais nous ne prendrons que ces quatre-là qui sont les plus communes. Ainsi, elle touchera un total de 1501,85 euros par mois.

    Maintenant imaginons que cette même mère de famille trouve un travail au smic, soit 1398,37 euros brut par mois ce qui lui fait 1096,94 euros net. Elle ne reçoit donc plus le RSA. Son APL est réduite à 354,89 euros, mais elle percevra toujours les allocations familiales – 125,87 euros – et l’allocation de rentrée scolaire – 575,68 euros. En conséquence, son revenu total sera de 1625,58 euros par mois.

    Travailler, pour cette mère, ne représentera qu’un bénéfice net de 123,73 euros. En outre, ce bénéficie sera probablement perdu dans les coûts de transports ou frais de nourrice pour garder les enfants. Pire, ces deux dépenses additionnelles coûteront plus que 123 euros par mois, faisant du travail une perte de revenu.

    Dans ce cas, le plus commun, travailler n’est pas motivant, voire même déconseillé. Chacun étant mu par la recherche de son intérêt personnel, le choix entre recevoir des aides et travailler est rapidement fait : les aides sont un meilleur « deal ». Lorsqu’un citoyen fait un tel choix, il tombe alors dans la trappe à pauvreté, dans l’ornière des aides sociales qui le transformera, petit à petit, sans qu’il s’en rende compte, en un assisté profitant du système de redistribution.

    Un bon modèle social est celui qui soutient tout en incitant à la reprise du travail et à la production de richesse, mais ce n’est pas le cas du modèle français, nous l’avons constaté. Sortir de l’ornière des aides sociales est le défi majeur de la France actuelle : il s’agit d’une priorité non seulement pour la réduction des dépenses publiques, mais aussi pour la reprise économique de notre pays.

    Contribuables Associés

    Lire aussi : Trop de personnes éligibles ne demandent pas les aides sociales

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  • Lorsque Proudhon eut les cent ans…

    Au lendemain du jour où l'Italie fête le centenaire de Cavour, nous verrons une chose horrible : le monument Proudhon, à Besançon, sera inauguré par M. Fallières. Le fonctionnaire qui représente l'Étranger de l'intérieur, la créature des Reinach, Dreyfus et Rothschild officiera devant l'image du puissant écrivain révolutionnaire, mais français, à qui nous devons ce cri de douleur, qu'il jette à propos de Rousseau : « Notre patrie qui ne souffrit jamais que de l'influence des étrangers… »

    Les idées de Proudhon ne sont pas nos idées, elles n'ont même pas toujours été les siennes propres. Elles se sont battues en lui et se sont si souvent entre-détruites que son esprit en est défini comme le rendez-vous des contradictoires. Ayant beaucoup compris, ce grand discuteur n'a pas tout su remettre en ordre. Il est difficile d'accorder avec cet esprit religieux, qu'il eut vif et profond, sa formule « Dieu, c'est le mal », et, dans une intéressante étude du Correspondant, M. Eugène Tavernier nous le montre fort en peine d'expliquer son fameux « La propriété, c'est le vol ». Nous remercions Proudhon des lumières qu'il nous donna sur la démocratie et sur les démocrates, sur le libéralisme et sur les libéraux, mais c'est au sens large que notre ami Louis Dimier, dans un très beau livre, l'a pu nommer « Maître de la contre-révolution ».

    Proudhon ne se rallie pas à la « réaction » avec la vigueur d'un Balzac ou d'un Veuillot. Il n'a point les goûts d'ordre qui dominent à son insu un Sainte-Beuve. Ses raisons ne se présentent pas dans le magnifique appareil militaire, sacerdotal ou doctoral qui distingue les exposés de Maistre, Bonald, Comte et Fustel de Coulanges. La netteté oblige à sacrifier. Or, il veut tout dire, tout garder, sans pouvoir tout distribuer ; cette âpre volonté devait être vaincue, mais sa défaite inévitable est disputée d'un bras nerveux. On lit Proudhon comme on suit une tragédie ; à chaque ligne, on se demande si ce rustre héroïque ne soumettra pas le dieu Pan.

    Son chaos ne saurait faire loi parmi nous, et nous nous bornerions à l'utiliser par lambeaux si ce vaillant Français des Marches de Bourgogne ne nous revenait tout entier dès que, au lieu de nous en tenir à ce qu'il enseigne, nous considérons ce qu'il est. De cœur, de chair, de sang, de goût, Proudhon est débordant de naturel français, et la qualité nationale de son être entier s'est parfaitement exprimée dans ce sentiment, qu'il a eu si fort, de notre intérêt national. Patriote, au sens où l'entendirent les hommes de 1840, 1850, 1860, je ne sais si Proudhon le fut. Mais il était nationaliste comme un Français de 1910. Abstraction faite de ses idées, Proudhon eut l'instinct de la politique française ; l'information encyclopédique de cet autodidacte l'avait abondamment pourvu des moyens de défendre tout ce qu'il sentait là-dessus.

    Et, là-dessus, Proudhon est si près de nous que, en tête de son écrasant réquisitoire contre les hommes de la Révolution et de l'Empire, à la première page de Bismarck et la France 1, Jacques Bainville a pu inscrire cette dédicace : « À la mémoire de P.-J. Proudhon qui, dans sa pleine liberté d'esprit, retrouva la politique des rois de France et combattit le principe des nationalités ; à la glorieuse mémoire des zouaves pontificaux qui sont tombés sur les champs de bataille en défendant la cause française contre l'unité italienne à Rome, contre l'Allemagne à Patay. »

    — Quoi ? Proudhon avec les zouaves pontificaux ?

    — Oui, et rien ne va mieux ensemble ! Oui, Proudhon défendit le Pape ; oui, il combattit le Piémont. Au nez des « quatre ou cinq cent mille badauds » qui lisaient les journaux libéraux, il s'écriait, le 7 septembre 1862 : « Si la France, la première puissance militaire de l'Europe, la plus favorisée par sa position, inquiète ses voisins par le progrès de ses armes et l'influence de sa politique, pourquoi leur ferais-je un crime de chercher à l'amoindrir et à l'entourer d'un cercle de fer ? Ce que je ne comprends pas, c'est l'attitude de la presse française dominée par ses sympathies italiennes. Il est manifeste que la constitution de l'Italie en puissance militaire, avec une armée de 300 000 hommes, amoindrit l'Empire de toutes façons. » L'Empire, c'est ici l'Empire français, dont je vois le timbre quatre fois répété sur mon édition princeps de La Fédération et l'Unité en Italie.

    « L'Italie », poursuivait Proudhon, votre Italie unie, « va nous tirer aux jambes et nous pousser la baïonnette dans le ventre, le seul côté par lequel nous soyons à l'abri. La coalition contre la France a désormais un membre de plus… » Notre influence en sera diminuée d'autant ; elle diminuera encore « de tout l'avantage que nous assurait le titre de première puissance catholique, protectrice du Saint Siège ».

    « Protestants et anglicans le comprennent et s'en réjouissent ; ce n'est pas pour la gloire d'une thèse de théologie qu'ils combattent le pouvoir temporel et demandent l'évacuation de Rome par la France ! » Conclusion : « Le résultat de l'unité italienne est clair pour nous, c'est que la France ayant perdu la prépondérance que lui assurait sa force militaire, sacrifiant encore l'autorité de sa foi sans la remplacer par celle des idées, la France est une nation qui abdique, elle est finie. »

    Et, comme ces observations de bon sens le faisaient traiter de catholique et de clérical, « oui », ripostait Proudhon, « oui, je suis, par position, catholique, clérical, si vous voulez, puisque la France, ma patrie, n'a pas encore cessé de l'être, que les Anglais sont anglicans, les Prussiens protestants, les Suisses calvinistes, les Américains unitaires, les Russes grecs ; parce que, tandis que nos missionnaires se font martyriser en Cochinchine, ceux de l'Angleterre vendent des Bibles et autres articles de commerce. » Des raisons plus hautes encore inspiraient Proudhon, et il osait écrire : « La Papauté abolie, vingt pontificats pour un vont surgir, depuis celui du Père Enfantin, jusqu'à celui du Grand Maître des Francs-Maçons » , et il répétait avec une insistance désespérée : « Je ne veux ni de l'unité allemande, ni de l'unité italienne ; je ne veux d'aucun pontificat. »

    Deux ans après avoir écrit ces lignes, Proudhon expirait ; assez tôt pour ne pas assister à des vérifications qui devaient faire couler à flots notre sang, mutiler notre territoire, inaugurer le demi-siècle de l'abaissement national ! Cet « immense échec » qu'il avait prévu sans parvenir à comprendre, comme il le disait encore, « l'adhésion donnée par la presse libérale française à cette irréparable dégradation », confirma point par point ce regard d'une sublime lucidité. L'unité italienne et l'unité allemande nous ont fait perdre tout à tour la prépondérance qu'assurait notre force militaire et l'autorité qu'imposait notre foi. Le cléricalisme a été vaincu, le pape dépouillé, et l'on nous a imposé ce gouvernement dont la seule idée stable est l'abaissement du Saint-Siège, le règne de la franc-maçonnerie et de ses grands maîtres divers. Si l'Empereur a disparu, sa politique dure ; la parti républicain en a été quarante ans légitime et fidèle héritier.

    Certes, et nous l'avons dit, avec Dumont, avec Georges Malet, avec le Junius de L'Écho de Paris, aux avocats de l'empereur : rien n'efface cette responsabilité napoléonienne que Napoléon III lui-même rattache à la tradition de Napoléon Ier ; mais la vérité fondamentale établie, il faut en établir une autre et rappeler aux hommes de gauche, que leurs aînés, leurs pères, leurs maîtres et, pour les plus âgés, eux-mêmes, en 1860, ils étaient tout aussi Italiens et Prussiens que Napoléon III ! Sauf Thiers, en qui s'était réveillé l'ancien ministre de la monarchie, l'élève de Talleyrand, qui fut l'élève de Choiseul, tous les républicains et tous les libéraux du dix-neuvième siècle ont été contre le Pape et contre la France avec l'Empereur des Français. Il faut relire dans Bismarck et la France ces textes décisifs auxquels nous ramène Bainville ; le ministre Ollivier développant à la tribune la thèse idéaliste des nationalités et M. Thiers, traditionnel pour la circonstance, s'écriant : « Nous sommes ici tantôt Italiens, tantôt Allemands, nous ne sommes jamais Français », toute la gauche applaudissait qui ? Émile Ollivier ! Guéroult défendait l'unité allemande, Jules Favre, un des futurs fondateurs de la République, déclarait le 4 juillet 1868 que nous n'avions « aucun intérêt à ce que les rivalités se continuent entre les deux parties de l'Allemagne » !

    Telle était la tradition révolutionnaire impériale ou républicaine et Proudhon s'y étant opposé presque seul, la présence de M. Fallières au monument de Proudhon est plus qu'un scandale, c'est un contresens. Je partage sur la personne de M. Fallières le sentiment de Léon Daudet l'appelant le plus lâche et le plus méprisable des ruminants ; et l'appréciation de Jacques Delebecque, telle qu'on la lira plus loin sur l'harmonie de cet animal et de la fonction constitutionnelle, me semble l'expression de la vérité pure. Mais le nom de Proudhon met en cause plus que la personne ou la magistrature de M. Fallières ; le nom de Proudhon met en accusation le régime avec son revêtement de blagologie nuageuse, avec son fond de sale envie et de bas appétits. Ce grand nom de Proudhon frappe d'indignité et Fallières, et sa présidence et la démocratie parce qu'il évoque le grand nom de la France et l'étoile obscurcie de notre destin national. Ce régime ne signifie que le pontificat de la maçonnerie que Proudhon avait en horreur. Il ne figure rien que les hommes et les idées que Proudhon combattait en France, en Europe, partout. Proudhon était fédéraliste ; que lui veut cette république centralisatrice ? Il était syndicaliste ; que lui veut cette république étatiste ? Il était nationaliste et papalin ; que lui veut cette république anticatholique, antifrançaise ?

    Je ne sais quelles bouffonneries l'on débitera à la louange de ce grand écrivain sorti, comme Veuillot et tant d'autres, des entrailles du peuple ; mais les lettrés devront répondre à la venue de M. Fallières par la dérision et le peuple par les huées.

    Charles Maurras http://maurras.net

    1907. (n.d.é.)

  • « Le culte de la performance nous a transformés en larbins »

    Un texte stimulant de Flore Vasseur, auteur (entre autres) du roman paru il y a deux ans : «  Comment j’ai liquidé le siècle »…

    [...] « Je suis très intriguée, depuis longtemps par cette question de la performance. Je suis née dans les années 70, j’ai grandi dans les années 80, vous savez, ces années « Duracelle ». Bref, j’ai été biberonnée au concept de performance. D’ailleurs, j’ai fait du sport à haut niveau, HEC, j’ai été chef d’entreprise à New York à 25 ans. Et puis, et puis… j’ai vu les Tours Jumelles s’effondrer un matin de septembre. J’ai senti notre obscénité.

    Et depuis, je suis très remontée contre le culte de la performance. Je pense qu’il s’agit d’une méta loi, qui nous a transformé, à peu près tous, en larbin. Pour vous expliquer ce concept, le mieux est de vous montrer un film, réalisé par des Argentins et intitulé : Le syndrome du larbin


    Le syndrome du larbin (spéciale dédicace aux... par juliendusud

    Je suis tombée sur ce film l’hiver dernier un peu par hasard et j’ai eu un choc. Tout à coup, on mettait en mot et image quelque chose d’inexprimé. Le larbin c’est vous et moi, c’est un peu tout le monde aujourd’hui. C’est une attitude d’asservissement consenti. C’est la justification et la diffusion d’un syndrome d’allégeance permanente au nom précisément de la performance, de l’efficace.

     

    On n’est pas très content de ce qui se passe, on trouve cela injuste, pas sain, dangereux mais on ne s’en accommode : « c’est bon pour la boîte », « l’actionnaire a toujours raison ». On grommelle mais on obéit. Mieux, on le justifie. Sans en avoir conscience, on passe notre temps à chercher à s’attirer la bienveillance des puissants, sans jamais en discuter les décisions. Qu’elle que soit sa position, on est toujours le larbin de quelqu’un. Un PDG dépend de ses actionnaires, un employé de son supérieur, un commercial de son client. C’est vrai du rapport entre employé et entreprise mais aussi entre politique et puissance financière.

    La quintessence du syndrome du larbin aujourd’hui c’est le «il faut rassurer les marchés» du politique. Il faut « rassurer les marchés » coûte que coûte, sans en questionner la rationalité.

    Aujourd’hui, au dessus de tout, des personnes, de la vie, de l’environnement, de la politique, il y a le chiffre. On dit souvent « est-ce que ça crache ? » (sachant qu’à terme, ça crash a coup sûr). Alors, PDG, commercial, employé, électeurs, on s’accroche à notre confort que l’on prend, misérabilisme ambiant, pour de la survie.

    Nous les larbins ne sommes pas des victimes. Nous avons juste arrêté de penser. Nous avons tout gobé parce que cela nous a arrangé. Nous savons au fond que notre place dans la société dépend de notre capacité à la faire fonctionner. Et la société a décidé de ne viser qu’une chose : son efficace, ses points de PIB.

    Le syndrome du larbin, c’est la manifestation d’un certain réflexe de survie dans une société (et pas seulement une entreprise) qui a totalement éjecté l’homme. Au nom de la performance, on a écarté tout ce qui pourrait nous ralentir : spiritualité, pensée, doute, émotion, différence.

    Tout à notre affaire, pour sauver notre poste ou notre peau, nous avons éjecté l’autre, le différent et le temps. Nous sommes devenus des monstres d’efficacité. Le résultat ? Le sentiment partagé aujourd’hui, d’une société, d’un travail, d’une vie qui ne servent à rien. Le cynisme est la dernière parade à une société sans projet. Ce sentiment d’abandon, de dépossession et de vacuité est un terreau de choix pour tous les fascismes. Notre faillite est totale. Sous le turbo capitalisme, nous avons laissé notre âme (consommation d’anxiolitiques), nos emplois (chômage de masse), notre environnement. Armés de notre Smartphone, nous allons au casse-pipe. Cette photo aussi a déclenché quelque chose de profond.

    Cela se passe à Ishinomaki, 12 mars 2011. Les opinions publiques se réveillent face à l’absurde, face à elles-mêmes : le pays du Zéro défaut, du dogme de l’efficacité, est à terre. L’excellent élève du culte de la performance et de la technique est rayé de la carte. Au delà du drame, la métaphore d’un peuple abandonné, d’un politique dépassé, de marchés financiers tout puissants et de contre-pouvoir amorphes est terrible pour nos démocraties étouffées par le dictat du chiffre. Le culte de la performance. Cette femme sur la photo, c’est un peu nous tous ! C’est l’humanité qui a oublié la nature, qui a cru que la technologie la sauverait de tout.

    Le contexte de l’exercice de – et de la vie en – la démocratie a changé. Dans ce monde limité et interconnecté, chaque décision politique influe sur d’autres, où chaque événement politique inter-agit avec d’autres, ailleurs. Nous n’avons pas changé, rien pensé. Tout à nos accommodements avec la réalité et le temps, nous avons trahi notre héritage. Et notre responsabilité. Nous avons laissé faire, en bons larbins. Nous avons totalement arrêté de faire des liens, entre les événements, entre nous.

    Nous nous sommes affranchis des dogmes pour en inventer d’autres. Dans cette religion du résultat, nous nous sommes vus libres de ne plus croire en rien. Nous avons voulu nous libérer du poids des autres, des traditions, du collectif, des anciens. De l’Histoire. Nous sommes seuls à crever devant le plateau TV, paniqués à l’idée de ne compter pour rien. A force d’être des moutons, nous finirons égorgés.

    Nous traversons une période historique : l’explosion en vol du capitalisme financier se déroule sous nos écrans, 24h sur 24. Les tentatives d’explication par les politiques, intellectuels et journalistes français en disent long sur leur sidération et leurs peurs. La crise systémique révèle l’irrationalité du système. Les plans de sauvetage, stabilisation, relance, austérité, s’accumulent. C’est couche d’absurde sur couche d’absurde. La classe moyenne va trimer. La larbinite gangrène le pouvoir. Le courage a déserté. Où est passé l’intérêt général ? N’a-t-il pas été écrasé par les chiffres ?

    Alors oui, je trouve formidable que l’on s’interroge sur le culte de la performance. La culture du résultat infecte les relations humaines. On ne pense qu’à rentabiliser son portefeuille, son achat, son temps. C’est hyper intériorisé. On milite le samedi matin contre les délocalisations. On se rue le samedi après midi chez H&M pour un énième tee shirt. Sans faire de lien. Il faudrait voir si les hommes et les femmes sont prêts à sortir du rôle dans lequel la société les a assigné. Il faudrait nous donner les moyens de nous libérer de notre position de larbin.

    Les politiques ont en face à eux des citoyens qui, s’ils le souhaitent, peuvent être aussi informés qu’eux. Et voir la réalité telle qu’elle est : les « démocraties » occidentales meurent d’avoir trop menti. Leur modèle est fini. Reste à savoir si les populations veulent vraiment savoir ; ce qui leur en coûte : et ce qu’il ressortira.

    Car tout est là. N’avons-nous pas nous aussi quelque chose à ré-investir, à récupérer, à ré-exiger ? Le culte de la performance, comme dogme, nous a dressé les uns contre les autres, salariés contre fonctionnaires, jeunes contre vieux… Seuls nous ne sommes rien.

    Aujourd’hui, contre la pulsion de mort de l’argent, la passion mortifère chiffre il y a la colère, la résistance. Il y a la volonté de comprendre, la recherche du possible. Il y a la vie. Il faut entendre ces mouvements, les Occupy, l’Islande, l’économie solidaire : nous nous sommes trompés, il nous faut renoncer à cette fausse toute puissance. Les rois sont nus. La liberté c’est autre chose que de bénéficier de prix toujours plus bas. La liberté c’est autre chose que consommer.

    Écœurés par les objets, le tout technologique, nous devons trouver une nouvelle narration du progrès. C’est une bataille au corps à corps : forces de vie contre forces de mort.

    Ce qu’il faudrait aujourd’hui ce n’est pas une cure d’austérité ni même un plan de relance. Ce qu’il faudrait c’est un projet de société affranchi du culte de la performance qui engloutit tout. Il nous faudrait retrouver la liberté face au pouvoir des marchés financiers, face au pouvoir de la publicité ; la liberté dans et par la technologie. Plutôt que d’assécher un peu plus la classe moyenne, Il nous faudrait briser l’aliénation, économique et psychique.

    Qu’est-ce qu’une société de richesse, de performance et de prospérité ? Des flux ? Des désirs ? De la capacité de vie ?

    L’utilité sociale qui lie et inclut n’est-elle l’alternative au rendement en tout qui stigmatise et sépare ?

    Nous devrions tous dire que nous sommes tous trompés. La somme des intérêts individuels n’aboutit pas à l’intérêt collectif ; les marchés n’ont pas toujours raison. Le PIB n’est pas un indicateur de progrès. Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on a, mais ce qui nous relie.

    D’après feu la politologue Thérèse Delpech « Les dictatures tomberont lorsque les populations seront prêtes à choisir leur dignité plutôt que leur vie ». J’ajouterais : toutes les dictatures.

    « Pour une éthique de la performance» (thème du colloque lors duquel cette allocution a été donnée), oui mais commençons par chercher notre dignité ! Tout vient de là. On ne s’est jamais aussi peu dépassé que depuis que c’est devenu obligatoire (pour appartenir à quelque chose). Le vrai dépassement, c’est s’affranchir de tout cela. Une « éthique de la performance », ce serait précisément celle qui consisterait à nous en libérer. C’est ça la révolte du larbin. Et nous avons tous notre part. Comme l’a dit une personne dans la salle hier : qu’avons nous fait de l’amour? Et comme vient de l’expliquer Roland Meyer, « qu’avons nous fait de l’improvisation » ?

    Merci ».

    Blog de Flore Vasseur

  • Parisot ferait mieux de se taire

     FPI-Le Gaulois - « Menacer de nationaliser le site ArcelorMittal de Florange comme le fait le gouvernement si le groupe refuse de le céder est scandaleux », a déclaré jeudi la présidente du Medef, Laurence Parisot, dans une logique ultra-libérale totalement étrangère à l’intérêt national et à celui des ouvriers.

    Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a annoncé avoir trouvé un repreneur pour la totalité du site mosellan. Il a également déclaré que le gouvernement était disposé à aller jusqu'à sa « nationalisation provisoire » si les négociations n'aboutissent pas d'ici vendredi, veille de la date-butoir fixée par ArcelorMittal pour la fin des négociations.
     
    « Cette déclaration est purement et simplement scandaleuse », a dit Laurence Parisot sur RTL. « Envisager une nationalisation, lancer simplement le débat sur un tel principe, est vraiment scandaleux. » C’est bien connu : on ne débat pas avec l’ultra-libéralisme…
    « C'est une expropriation », a ajouté la présidente de la première organisation patronale française. « Ébranler le principe du droit de propriété comme ça, à la va-vite, c'est très grave et en plus c'est très coûteux. »
    Et pas un mot pour les ouvriers de Florange… C’est pas scandaleux, ça ?...
    Au moins les choses sont claires !
    QUID D’UNE VRAIE NATIONALISATION ?
    Reste maintenant à savoir ce que Montebourg entend par « nationalisation ». En effet, commentant l’affaire, les médias ne cessent de reprendre benoîtement l’exemple d’Alsthom en 2003 comme « dernière nationalisation en date ».
    En fait de « nationalisation », à l’époque, l’État n’avait fait que prendre une participation à hauteur de 23% dans le capital de l’entreprise. Drôle de « nationalisation » en vérité !... et cela avait déjà provoqué des vagues à Bruxelles. Pour mémoire, Marion Monti, commissaire européen à la Concurrence avait déclaré : « Les Français peuvent aider Alstom par des mesures transitoires, comme des prêts à court terme; mais il est hors de question de faire dans le structurel, que ce soit par des prises de participation en capital ou des prêts à long terme. »
    Vous avez bien lu : « Il est hors de question… ». Déjà en 2003, Monti se sentait pousser des ailes… Ordonnant comme si l’Etat français devait obéir à ses injonctions. Qu’est-ce que ce sera alors la prochaine fois si Montebourg procède concrètement à une « vraie » nationalisation ?...
  • La fusillade des ouvriers à Fourmies :

    La fusillade du 1er mai 1891 est entrée à jamais dans l’histoire de France et des luttes ouvrières ! Retour sur la fusillade du 1er mai 1891 à Fourmies

    A l’origine, le 1er mai était la fête du printemps ! Dès le Moyen-Age, le 1er Mai était fêté dans les campagnes et la coutume voulait qu'un arbre de Mai (arbre vert enrubanné) soit planté devant la porte de la personne à honorer dans le village. Ce jour de fête était par excellence un symbole du renouveau. Un peu plus tard, dans les années 1700, le 1er Mai fut aussi choisi pour être la date traditionnelle du renouvèlement des baux ou des contrats de travail. On ne peut pas parler de la fusillade de Fourmies, sans évoquer un autre évènement qui a marqué le monde ouvrier à Chicago, en 1886. En effet, le 1er Mai 1886 à Chicago, devant les usines Mac Cormick, une manifestation est organisée. Plusieurs militants sont arrêtés, condamnés et pendus. C'est en hommage à ces « martyrs de Chicago » que la date du 1er Mai est choisie en 1989, par l’internationale ouvrière, comme étant une journée d'action des ouvriers dans le monde entier.

    La ville de Fourmies a atteint son apogée industrielle et démographique à la fin du XIXe siècle. Elle compte alors 16 000 habitants, en majorité des ouvriers. En 1891, à l'approche du 1er mai, on craint des mouvements de grèves comme chaque année à la même date (depuis qu'en 1886 les syndicats ouvriers américains ont décidé de faire de ce jour une journée de revendications). Le 1er mai, jour de travail ordinaire donc non chômé, est devenu un jour de manifestations ouvrières marqué traditionnellement par des grèves. Dès le printemps 1891, la journée du 1er Mai à Fourmies est préparée par des meetings auxquels participent des militants du Parti Ouvrier Français, tels Hippolythe CULINE et Paul LAFARGUE (le gendre de Karl MARX). Les auditeurs se pressent nombreux à ces réunions publiques et les idées sont reprises par : "le 89 des Prolétaires" à Fourmies et le mouvement ouvrier "les défenseurs du Droit" à Wignehies. On y dénonce les conditions de travail déplorables et on revendique la journée de 8 heures de travail.

    Hippolythe Culine, le leader local, est né à Sedan en 1849. Il est représentant de commerce pour une maison de confection et décide de s’installer à Fourmies en 1888. Il y développe alors la propagande socialiste et organise dans la région des conférences du Parti Ouvrier Français. Au lendemain du 1er Mai 1891, il sera arrêté, puis traduit quelques jours plus tard, devant la cour de Douai. Il sera finalement condamné à 6 ans de prison, avant d’être libéré en Novembre 1892 et de s’installer à Reims. Il était convenu dès le départ que cette fête internationale du travail devait être une grande journée festive ! Selon le programme qui avait été établi par Culine, les ouvriers étaient invités à porter leurs revendications à la mairie de Fourmies, à 10h. Des festivités l'après-midi et un bal en soirée étaient également inscrits au programme. Le 1er Mai 1891 n’aurait jamais du se terminer dans un bain de sang...

    - Les Délégués ouvriers désignés en Assemblée générale des Travailleurs et réunis à Fourmies, au Café du Cygne, rue des Eliets, avaient retenu 8 revendications prioritaires :
    1) La journée de huit heures
    2) L'application de l'unification de l'heure pour la rentrée et sortie des fabriques et la même heure pour toutes, annoncée par la cloche locale
    3) Création d'une Bourse du Travail
    4) Révision générale des tarifs, suppression des règlements léonins, abrogation des amendes et des mal façons
    5) Fixation de la paie tous les huit jours et l'obligation réciproque de prévenir 8 jours à l'avance en cas de cessation de travail
    6) Suppression des octrois
    7) Amélioration hygiénique à apporter dans certains ateliers en particulier à Fourmies et sa région.
    8) Création de Caisses de retraites pour les ouvriers.

    Les patrons répliquent par une adresse très vive "contre les meneurs étrangers" et les "théories révolutionnaires". Affichée le 29 avril et signée par tous les entrepreneurs, sauf un, elle tente de dissuader les ouvriers de participer à la manifestation. A la veille du 1er mai, les patrons ont exprimé leur inquiétude au maire qui demande un renfort de troupes au sous-préfet d'Avesnes en prévision de la journée du 1er Mai. Histoire de dissuader les ouvriers à se mettre en grève, le patronat menacera également de licenciement tous les ouvriers qui arrêteront le travail. Devant les risques de débordements, ils finiront par obtenir du préfet qu'il mobilise un important dispositif de maintien de l'ordre. En cette journée du 1er mai, 2 compagnies d'infanterie seront donc mobilisées.

    Déroulement de la journée du 1er mai 1891 à Fourmies :
    Le beau temps est au rendez-vous en ce premier jour du "mois de Marie", un vendredi. Sur les haies du bocage, l'aubépine veut fleurir. Les amoureux ont cueilli des rameaux de frêle blancheur pour les fiancées. Quoi qu'il arrive, les jeunes seront les héros de la fête. La scène du théâtre est prête: une esplanade rehaussée où la mairie, l'église et des estaminets invitent aux allées et venues, au rassemblement et aux harangues. A 9 heures, la plupart des ouvriers de la ville sont en grève, et une seule filature reste en activité. Des ouvriers grévistes s'en approchent afin d'obliger "les jaunes" à cesser le travail. Après une échauffourée avec les gendarmes à cheval, quatre manifestants sont arrêtés. Des renforts sont demandés à la sous-préfecture qui envoie deux compagnies du 145e de ligne casernée à Maubeuge. Le 84e RI d'Avesnes est déjà sur place. Le premier slogan de la journée "c'est les huit heures qu'il nous faut " est alors devenu "c'est nos hommes qu'il nous faut ". Le reste de la journée se déroulent sans aucun incident majeur.

    En début d'après-midi, le maire de Fourmies promet de relâcher à 17h00 les ouvriers qui avaient été arrêtés le matin. Il est 18h15, les 4 grévistes emprisonnés à la mairie n’ont toujours pas été libérés. Près de 200 manifestants arrivent alors sur la place de l’église et font face aux 300 soldats équipés du nouveau fusil Lebel qui contient 9 balles (une dans le canon et huit en magasin) de calibre 8 mm. Ces balles peuvent, quand la distance n'excède pas 100 mètres, traverser trois corps humains sans perdre d'efficacité. Il est 18h20, les cailloux volent, la foule pousse. Pour se libérer, le commandant Chapus fait tirer en l'air. Rien ne change. Il crie : " baïonnette ! En avant ! " Collés contre la foule, les trente soldats, pour exécuter l'ordre, doivent faire un pas en arrière. Ce geste est pris par les jeunes manifestants pour une première victoire. Kléber Giloteaux, leur porte drapeau s'avance alors... Il est presque 18h25....le commandant Chapus s'écrie : « Feu ! Feu ! Feu rapide ! Visez le porte-drapeau ! » La troupe tire et pour la première fois utilise le fusil LEBEL La fusillade va faire une trentaine de blessés et neuf morts parmi lesquels Maria BLONDEAU, jeune ouvrière de 18 ans tenant dans les mains un bouquet d’aubépine, Kléber GILOTEAUX, un jeune conscrit de 21 ans et Emile CORNAILLE, enfant de 11 ans avec dans sa poche un petite toupie...

    Ces morts, promus martyrs aux yeux des ouvriers, vont très vite devenir un symbole de la République répressive et de classe. « Car à Fourmies, c'est sur une gamine que le lebel fit son premier essai… » (Montéhus). Maria BLONDEAU a été effet tuée à bout portant, les yeux dans les yeux de son exécuteur, d'une balle dans la tête ! Louise Hublet, 20 ans, sera tuée de deux balles au front et une dans l'oreille. Félicie Tonnelier, 16 ans, recevra une balle dans l'œil gauche et trois autres dans la tête. Kléber Giloteaux, le porte drapeau, a été touché par trois balles dans la poitrine et deux autres dont une à l'épaule… Un dixième décès sera à déplorer le lendemain. Camille Latour, 46 ans, commotionné après avoir assisté à la fusillade, décèdera des suites de ses blessures ! Les 10 fusillés de Fourmies seront inhumés le 4 mai devant une foule estimée à près de 30 mille personnes.

    Fourmies à la une de la presse...

    La presse du monde entier va alors s'emparer de cet évènement tragique. Partout en France, en Europe et même aux États-Unis, l'émotion est à son comble. Certains retiennent l'aspect tragique de la fusillade ; d'autres soulignent le rôle de l'abbé Margerin, curé de la paroisse. A l’issue de cette fusillade, l’Abbé Margerin, avait en effet porté assistance aux blessés et aux mourants. Il est représenté comme s’interposant face à la troupe ; son rôle a ainsi été grandi car à cette date, l’Eglise catholique entamait un rapprochement avec la classe ouvrière. C’est le début du catholicisme social ce que confirme l’Encyclique Rerum Novarum, quelques jours plus tard, 15 mai 1891. Quelques jours après les évènements tragiques de Fourmies, les députés décident d’ouvrir un débat à l’Assemblée nationale. Le 5 mai 1891, les députés votent à l’unanimité un secours de 50 000 Francs destiné aux familles des victimes.

    Le 8 mai, dans l’après-midi, à la Chambre des Députés, une proposition d’amnistier tous les manifestants du 1er Mai de Fourmies est déposée par les radicaux, les socialistes et les boulangistes. Clémenceau, membre du parti Radical, déclare lors d'un discours qui restera gravé dans la mémoire des fourmisiens :
    « Messieurs, n’êtes-vous pas frappés de l’importance qu’a prise cette date du 1er Mai ? (…) Si bien qu’il éclate aux yeux des moins clairvoyants que partout le monde des travailleurs est en émoi, que quelque chose de nouveau vient de surgir, qu’une force nouvelle et redoutable était apparue, dont les hommes politiques auraient désormais à tenir compte. Qu’est-ce que c’est ? Il faut avoir le courage de le dire, et dans la forme même adoptée par les promoteurs du mouvement : c’est le Quatrième État qui se lève et qui arrive à la conquête du pouvoir. (…) Il y a quelque part sur le pavé de Fourmies une tache de sang qu’il faut laver à tout prix… Prenez garde ! Les morts sont de grands convertisseurs ; il faut s’occuper des morts ! ». La proposition d’amnistie sera finalement repoussée par 294 voix contre 191.

    En 1903, un monument sera élevé à la mémoire des fusillés de Fourmies, dans le cimetière du centre. La journée de 8 heures, soit 48 heures par semaine a été accordée par la loi du 23 avril 1919. Il faudra attendre 1936 et le « Front Populaire » pour que les autres revendications puissent enfin être entendues… Aujourd’hui encore la mémoire des fusillés du 1er mai 1891 à Fourmies est honorée chaque année…

    Ce résumé a été élaboré d’après le livre d’André Pierrard et de Jean-Louis Chappat : « La fusillade de Fourmies » paru aux éditions Maxima.

    http://www.fourmies.info via http://royalismesocial.com

  • La Monarchie, les Ouvriers et la Justice sociale :

    http://royalismesocial.com/

  • Europe : La fabrique de pauvres

    11 millions en Allemagne, 9 millions en France : c’est le nombre de personnes, comprenant de nombreux enfants, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dans ces deux pays, pourtant parmi les plus riches d’Europe.

     

    En Allemagne, des mères de famille jonglent entre des allocations chômage dérisoires et des “minijobs” à 400 euros. En Espagne, les services sociaux sont asphyxiés par la baisse des crédits et des familles endettées se retrouvent à la rue alors même que les banques ne parviennent plus à vendre les logements vacants qu’elles ont saisis.

    Cette misère n’est ni un choix ni une fatalité. Elle est le produit d’un changement de paradigme économique et politique ayant débouché sur un nouveau système.

    Autant de témoignages qui illustrent une pauvreté “héritée” dès l’enfance et le sentiment d’impuissance et de honte de ceux qui en sont victimes. Sociologues et politologues mettent en garde : dans des sociétés européennes “en situation d’urgence”, le démantèlement de l’État providence pourrait bien être une bombe à retardement.

    http://fortune.fdesouche.com

  • Repenser le patriotisme économique : Aux armes (économiques), citoyens ! (archive 2011)

    Aujourd'hui, la plupart des entreprises du CAC 40 sont des structures apatrides pour lesquelles la France n'est qu'un «site d'implantation » parmi d'autres, plus rarement un moyen de créer de la valeur ajoutée symbolique, en communiquant autour de la « french touch » ou du « luxe à la française ». Pour le reste, il n'y a plus, ou très peu, du point de vue industriel, de patriotisme économique. Mais est-ce là l'avenir ? Peut-être pas.
    Notre confrère L'Expansion vient de publier(1) un intéressant dossier consacré aux entreprises dites « les plus patriotes », agrémenté d'un palmarès. Qui trouve-ton au premier rang de ce prétendu « patriotisme économique » ? Bouygues, l'entreprise qui a largement accompagné l'immigration de peuplement en France et contribué ainsi à augmenter le chômage des Français de souche. Si patriotisme il y a donc, c'est que celui-ci ne se mesure plus qu'en impôts payés en France et en gains d'images apportés pour notre pays sur les marchés à l'export. Après tout, pourquoi pas ! Mais ne perdons pas de vue que le « patriotisme » de Bouygues n'est jamais qu'une conséquence subie de son activité, et non le moteur de celle-ci.
    Si l'on poursuit la lecture de ce dossier sur les « patriotes de l'économie », on y trouve des entreprises très variées : le groupe Ceci, qui va créer un millier d'emplois en Lorraine grâce à la construction de son Skylander, un bimoteur solide et bon marché; Eminence, qui va à nouveau produire des slips dans le Gard; les groupes Rossignol ou Le Coq sportif, qui commencent à relocaliser une partie de leur production en France ; Michelin, qui a recruté près d'un millier de travailleurs français en 2010, etc.
    Toutes ces entreprises n'ont pas grand-chose en commun, si ce n'est le fait d'être (re) devenues « patriotes ». Une raison et une seule à cela : c'était pour elles le meilleur choix économique. La question n'est donc pas de convaincre les entreprises de sacrifier leurs bénéfices sur l'autel de la patrie, mais de faire en sorte que leur implantation sur le sol national soit pour elles avantageuse.
    La multiplication des marques et labels de pays, comme la Marque Savoie, Produit en Bretagne, Fabriqué en Aveyron, les bières locales Lancelot ou Pietra, les Breizh Cola et Corsica Cola, les vêtements 64, les rates du Touquet et les bœufs dont l'origine est affichée chez le boucher, démontrent à l’envi que l'identité et la proximité peuvent être créatrices de valeur ajoutée et offrent la possibilité de rompre, partiellement du moins, avec la logique économique dominante. Et la ville de Strasbourg, en s'insurgeant contre la multiplication des produits « made in China » présents sur son célèbre marché de Noël, pourrait bien avoir donné des idées à d'autres...
    Pour autant, quelques entrepreneurs innovants et courageux ne font pas le printemps du patriotisme économique, car chaque matin qui passe, le réveil dans le grand marché mondial est de plus en plus brutal. La mondialisation des flux (économiques, financiers et humains) que nous avons largement contribué à mettre en place est en train de bénéficier... aux autres ! En Asie du Sud-Est, on rigole bien. Là-bas, pas de place pour la sinistrose. Là-bas, on surfe sur les vagues de la finance dérégulée et du yuan sous-évalué. Et quand les Chinois rachètent les dettes souveraines de la Grèce ou du Portugal, c'est l'Empire du Milieu qui se venge du jour où les Européens décidèrent d'ouvrir de force leurs ports au commerce mondial. Juste retour des choses.
    Une entreprise doit-elle être patriotique ?
    Pour nos grandes entreprises, dont la vocation est clairement internationale, le jeu est désormais faussé. Rappelons à ce titre que l'Europe est aujourd'hui le seul espace économique au monde qui refuse de se protéger. Et quand nos ouvriers se retrouvent confrontés au prolétariat sous-payé d'Asie ou du Maghreb, que nos produits subissent la concurrence déloyale des prix de production à la baisse ou sont copiés au détriment des droits de la propriété intellectuelle, c'est que nous avons un véritable problème que les politiciens - et non les entreprises - refusent d'évoquer au nom du dogme libre-échangiste.
    C'est pourtant à un retour du politique dans les affaires économiques qu'il faut œuvrer de toute urgence. Lui seul peut redéfinir les règles et fixer le cadre indispensable à une saine concurrence. Après tout, des lois coercitives encadrent bien la consommation de tabac et la vitesse au volant, pourquoi ne pas en faire usage pour juguler la puissance de la finance et la mondialisation sans frein des échanges marchands. C'est pourquoi la capitulation de nos élites politico-financières, face à ces enjeux, devient de plus en plus insupportable. «Délocalisons Pascal Lamy», comme l'exhortait Maurice Allais, peu avant de mourir.
    Il a peut-être été entendu. Car les mentalités évoluent. Quelques verrous psychologiques n'ont-ils pas commencé à sauter ? Songez à Mélenchon ou à Montebourg qui semblent découvrir la Lune en nous parlant de relocalisations et de protectionnisme.
    Valoriser la valeur ajoutée identitaire
    Afin de réconcilier notre souveraineté et notre génie innovateur, nos dirigeants seraient d'ailleurs bien inspirés d'entendre notre seul prix Nobel d'économie et d'identifier les secteurs stratégiques pour notre pays dans les années à venir. Notre réseau de transport reste l'un des meilleurs au monde, même s'il est souvent paralysé par les grèves et plombé par la dette de la SNCF à l'égard de Réseau Ferré de France. De même, nous sommes l'un des seuls pays au monde à être totalement autonome électriquement, de la production à la distribution, et pourtant, afin de gagner des parts de marchés, nos présidents, VRP de choc, bradent notre technologie nucléaire au prix d'insupportables transferts de technologie.
    Pareillement, nous avons beau figurer parmi les grands de l'automobile, certains de nos « responsables » estiment qu'il serait plus raisonnable pour nous d'acheter des Citroën fabriquées à 100 % en Chine, tout en gardant les bénéfices des stratégies marketing et de la R & D, ce qui, évidemment, n'a aucun sens sur le long terme.
    Des optimistes voient dans nos laboratoires et centres de recherches la clef du futur et s'imaginent, dans un esprit typiquement prométhéen, que nous parviendrons toujours à garder une longueur d'avance en matière technologique.
    C'est oublier que la matière grise est partout. S'il est vrai que, cumulées, 95 % des inventions humaines ont été européennes, la donne a aujourd'hui changé (le département du seul coréen Samsung fait travailler près de 40000 chercheurs, largement plus que notre CNRS !), sans compter que ce qui est d'ores et déjà honteusement copié et volé le sera plus encore demain, faute de réelles protections.
    D'autres optimistes parient sur la création exponentielle de nouveaux besoins, comme les services à la personne, lesquels seraient notre planche de salut, constituant une réserve d'emplois non délocalisables. Peut-être ! Mais pour créer ces armées d'aides ménagères, nous importerons une fois de plus un lumpenprolétariat étranger. Par ailleurs, tôt ou tard, en économie comme ailleurs, il faut bien atterrir, c'est-à-dire parler de création et d'échange de richesses réelles.
    Non, ce qu'il faut, c'est redonner du pouvoir aux échelons où se prennent les décisions : le national pour ce qu'il en reste, mais aussi et surtout le régional et l'européen. Les régions disposent de moyens importants et d'une identité qui crée de fait une « préférence régionale » spontanée. L'Europe s'est dotée d'une monnaie qu'elle pourrait utiliser comme une arme (comme le font les Américains et les Chinois) et d'institutions qui pourraient sans peine être repensées sur de nouvelles bases, en attendant qu'un sentiment d'appartenance plus fort, porté par la conscience de « l'ennemi principal », permette l'émergence d'un véritable « patriotisme économique ». Mais en amont de tout cela, il y a nous, consommateurs, citoyens et électeurs. Il est temps de se réveiller !
    Romain Lecap LE CHOC DU MOIS février 2011
    1) L’Expansion, n° 757, novembre 2010.