Lors d’une conversation avec Boréas, ce dernier m’indiquait l’école de la "Révolution Conservatrice". Ma première réaction fut de noter l’apparente contradiction dans les termes, les conservateurs étant essentiellement contre-révolutionnaires. L’étude des différents textes donnés (notamment Robert Steuckers et Alain de Benoist) m’ont permis de déflorer le sujet.
La Révolution Conservatrice est un mouvement (méta) politique qui a vu le jour en Allemagne dans les années 20.
Aperçu des principaux mouvements d’idées à la source de la Révolution Conservatrice
Après la Première Guerre Mondiale, en Allemagne, on assiste à un rejet de l’esprit français et de l’esprit anglais; c’est une lutte "contre les idées de la Révolution Française et plus largement, du libéralisme et du rationalisme occidental".
Trois mouvements principaux seront à la base de la Révolution Conservatrice:
- les Völkischen, populaires, exaltation de la race allemande, qui pose l’homme comme essentiellement dépendant de ses origines, mélangeant mysticisme, néo-paganisme voire merveilleux. Leur référence historique est l’antiquité germanique.
- les jeunes-conservateurs, antilibéraux sans être anticapitalistes, souvent chrétiens, les plus compatibles avec la République de Weimar, car très respectueux de la légitimité de l’Etat. Leur référence historique est le Saint Empire romain-germanique (ceux dont je me sens a priori le plus proche)
- les nationaux-révolutionnaires, opposés au capitalisme, plus proches du bolchévisme, voire du nihilisme. Leur référence historique est le mouvement prussien
Pour simplifier, Alain de Benoist applique l’idéologie tripartite des Indo-européens ainsi:
- les Völkischen correspondent à la fonction qui a trait au peuple
- les nationaux-révolutionnaires correspondent à la deuxième fonction, qui est la fonction guerrière
- les jeunes-conservateurs correspondent à la dernière fonction, la souveraineté politique et juridique
Comment être conservateur et révolutionnaire à la fois ?
Le sens du mot conservateur tel qu’employé correspond "non à la défense de ce qui était hier, mais une vie fondée sur ce qui a toujours de la valeur".
Il est en fait l’écho de l’idée que je me fais du mot réactionnaire, qui consiste à élaguer dans la touffeur de la modernité pour redonner vitalité au tronc immuable. Une façon de revenir à l’essence même de notre ordre politique.
Ensuite, le mot révolution n’est pas pris dans son sens progressiste. La révolution n’est que l’accélération brutale du changement. Elle veut remettre un ordre juste dans les décombres de l’ordre ancien (hérité de la révolution française).
Pour Steuckers, "les Allemands ont élaboré et conservé une philosophie qui cherche, elle aussi, à renouer avec les essences intimes des peuples ; de cette philosophie sont issus les nationalismes germaniques et slaves. Dans le sens où elle recherche les essences (tout en les préservant et en en conservant les virtualités) et veut les poser comme socles d’un avenir radicalement neuf (donc révolutionnaire), la KR se rapproche du nationalisme allemand mais acquiert simultanément une valeur universelle (et non universaliste) dans le sens où la diversité des modes de vie, des pensées, des âmes et des corps, est un fait universel, tandis que l’universalisme, sous quelque forme qu’il se présente, cherche à biffer cette prolixité au profit d’un schéma équarisseur qui n’a rien d’universel mais tout de l’abstraction".
Quelles correspondances avec la droite française?
En reprenant la typologie de René Rémond, on retrouve de premier abord:
- les orléanistes sont sortis du champ de l’étude, représentant l’ordre bourgeois contre lequel s’élèvent les trois mouvements
- les jeunes-conservateurs seraient plutôt les légitimistes;
- les nationaux-révolutionnaires seraient les bonapartistes;
- les Völkischen, laissés sans équivalent par Alain de Benoist, seraient les Identitaires (qui n’existaient pas du temps de René Rémond)
Une autre façon de faire le rapprochement est de classer les grands auteurs français dans les trois catégories allemandes:
- les jeunes conservateurs: Bonald, Maistre, Maurras, Daudet, Bainville et, en élargissant, Tocqueville, Chateaubriand, Balzac, Flaubert, Montherlant et Saint-Exupéry
- les nationaux-révolutionnaires: Pierre-Joseph Proudhon, Lagardelle, Drumont, Dréat, Drieu La Rochelle, Céline (Brasillach et Barrès étant à cheval entre ses deux catégories)
- les Völkischen: Mistral, La Varende, Giono, Vincenot
Ce qui me fait sourire, c’est que l’on trouve ces tendances bien inscrites dans la "dissidence". L’idée de la Révolution Conservatrice est de parvenir à une synthèse de ses courants.
Si certains principes sont clairement rejetés par les trois composantes, ce en quoi ils désignent un ennemi commun, Steuckers parle d’éventail de Weltanschauungen (vision du monde) plus que de synthèse. Cette vision dynamique ne devient effective que dans l’action, pour atteindre des objectifs communs.
Je ne vois pas encore comment elle nous permettrait de gouverner ensemble.
Merci à Boréas pour les liens, et mille pardons à Alain de Benoist et Robert Steuckers pour avoir pillé leurs écrits tout en ayant probablement travesti leurs pensées.
http://droitedavant.wordpress.com/2013/05/30/la-reacosphere-est-ellle-soluble-dans-la-revolution-conservatrice/