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  • De Marx à Heidegger

    On a reproché beaucoup de choses à Karl Marx : le caractère systématique de sa pensée, son économicisme (surtout sensible chez ses épigones, car chez lui le primat de l’économie se situe beaucoup plus dans l’ordre des causes que dans l’ordre des fins), sa définition quasi métaphysique de la classe sociale, son incapacité à sortir de la philosophie de Hegel, dont il prétend seulement « remettre sur ses pieds » l’interprétation dialectique, sa philosophie de l’histoire où le communisme primitif prend la place du jardin d’Éden et la société sans classes celle de la Parousie, son attitude ambivalente vis-à-vis de la bourgeoisie (d’un côté ennemi à combattre, de l’autre classe ayant joué dans l’histoire un rôle « éminemment révolutionnaire »), son adhésion à l’idéologie du progrès – idéologie typiquement bourgeoise elle aussi, comme le rappellera Georges Sorel –, qui l’amène à lire l’histoire comme Révélation progressive, et à voir dans la colonisation un « progrès de la civilisation », etc.

    Certains de ces reproches étaient sans nul doute fondés. Au moins serait-il honnête de ne pas discréditer la pensée de Marx en la réduisant à l’usage que ceux qui s’en sont réclamés (les « marxistes ») en ont fait : en toute rigueur, nul ne sait comment Marx aurait jugé Lénine ni ce qu’il aurait dit du Goulag.

    Il y a au moins deux bonnes raisons d’examiner à nouveaux frais l’œuvre de Marx. La première est que le « marxisme » est largement passé de mode, ce qui permet d’en parler sans passion. La seconde est que les rapports sociaux propres au capitalisme sont aujourd’hui devenus dominants dans le monde, de façon telle que le propos de Marx retrouve une certaine actualité. En triomphant à l’échelle planétaire, le capitalisme n’a en effet pas seulement retrouvé la brutale agressivité qui fut la sienne au XIXe siècle. Il semble aussi avoir épuisé ses effets positifs – à défaut d’avoir épuisé son champ de développement. On a beaucoup critiqué ce que Marx a pu dire sur la baisse tendancielle du taux de profit, en lui reprochant de n’avoir pas tenu compte du caractère productif du capital constant. Or, toutes les études disponibles confirment à l’heure actuelle une baisse du taux de profit dans les pays capitalistes. C’est précisément pour remédier à cette érosion de la rentabilité du capital que le capitalisme tend aujourd’hui à briser tous les équilibres sociaux nés du compromis fordiste, à libéraliser totalement les marchés financiers, à intégrer les pays émergents dans une nouvelle division internationale du travail, à découvrir sans cesse de nouveaux marchés. D’où la marche accélérée vers une globalisation sous l’égide de la Forme-Capital, véritable réorganisation planétaire des processus productifs de la valeur, laquelle va de pair avec un retour de l’impérialisme (néo)colonial, dont l’occupation de l’Irak n’est que le plus visible aspect.

    L’ancien capitalisme prétendait satisfaire des besoins exprimés par la demande, le nouveau vise à satisfaire des désirs stimulés par l’offre. Dans tous les cas, le capitalisme se définit par une dynamique d’accumulation par dépossession – une dynamique de l’illimité –, et c’est pourquoi il ne peut que s’étendre à toute la terre en détruisant tout ce qui risque d’entraver la logique du capital. Or, Marx n’a pas seulement montré que les lois économiques, loin d’être « naturelles », sont le produit d’une histoire sociale. Disons-le tout net : en soulignant que le capitalisme vise par nature à l’accumulation infinie de la valeur, puisque le capital n’est que l’abstraction de la valeur en mouvement, il a mieux compris qu’aucun autre la nature profonde du capitalisme, son essence prométhéenne et sa force démiurgique. C’est ce que montrent son analyse de la marchandise et sa théorie de l’aliénation.

    Pour Marx, le travail n’est pas la source, mais la substance de la valeur. Il convient dès lors de s’interroger sur l’origine des valeurs surajoutées aux valeurs existantes. Marx a très bien compris que le problème essentiel n’est pas la propriété, mais la marchandise. En tant que valeur, la marchandise n’est que du travail humain cristallisé, mais en tant que marchandise le travail devient qualitativement autre chose que ce qu’il était auparavant. Derrière le double aspect de toute marchandise (valeur d’échange et valeur d’usage) s’exprime d’un côté le caractère différenciateur du travail concret et, de l’autre, le travail anonyme et abstrait qui égalise tous les travaux. La forme monétaire revêtue par les échanges aboutit alors à la réification ou « chosification » (Verdinglichung) des rapports sociaux, ce que Marx appelle le « fétichisme inhérent au monde marchand ».

    L’aliénation va donc très au-delà de ce que la simple critique socialiste dénonce comme « exploitation sociale ». L’aliénation signifie que, sous le règne de la marchandise, l’homme devient étranger à lui-même. « L’argent, écrit Marx, réduit l’homme à n’être qu’une abstraction ». Il réduit l’être à l’avoir, la qualité à la qualité. Lorsque l’argent, médiateur de toute chose, devient le seul critère de la puissance, le travailleur et le patron, en dépit de tout ce qui les oppose, sont l’un et l’autre aliénés. Qui n’a pas d’argent est prisonnier de ce manque, qui possède de l’argent est possédé par lui.

    Pour Marx, toute production est une appropriation de la nature par l’homme dans une forme déterminée. Le moteur de l’histoire, de ce point de vue, n’est pas tant l’économie elle-même que la technique, dont l’évolution modifie sans cesse les formes de travail, d’appropriation et de production. Mais ici Marx reste en chemin, car il ne s’interroge pas sur l’essence de la technique. Il ne saisit la technique que dans un sens instrumental, comme simple mode de la praxis, entendue comme « travail humain », sans voir qu’il se pourrait bien que la technique soit elle-même le sujet dont « bourgeoisie » et « prolétariat » ne sont que des prédicats. Pour penser véritablement la technique, et comprendre que l’essence de la technique n’a, elle, rien de technique, il faudra attendre Heidegger.

    Mais c’est précisément la pensée de Heidegger et celle de Marx que l’on pourrait comparer. Car ce que Marx appelle « Capital », Heidegger l’appelle Ge-stell : arraisonnement de tous les étants en vue de la production généralisée, c’est-à-dire déploiement planétaire de l’inauthentique. Ce que dit Marx de l’argent évoque pareillement ce qu’écrit Heidegger sur le règne de l’« on » : d’un côté, la « fausse conscience », de l’autre la « facticité » (Faktizität). Marx cherche à restituer à l’homme son « être générique », tandis que l’herméneutique heideggérienne propose de faire retour à l’« ek-sistence », laquelle désigne « l’habitation ek-statique dans la proximité de l’être ». Les deux démarches critiquent le capitalisme à partir de prémisses distinctes, mais se rejoignent dans un même appel à se libérer de l’inauthentique (Selbstentfremdung).

    « Ce que Marx, partant de Hegel, a reconnu en un sens important et essentiel comme étant l’aliénation de l’homme plonge ses racines dans l’absence de patrie de l’homme moderne », écrit Heidegger (Lettre sur l’humanisme). « C’est parce que Marx, ajoute-t-il, faisant l’expérience de l’aliénation, atteint à une dimension essentielle de l’histoire, que la conception marxiste de l’histoire est supérieure à toute autre historiographie ». Le compliment n’est pas mince. C’est pourquoi Heidegger cite comme l’une des tâches de la « pensée à venir » ce qu’il nomme un « dialogue productif avec le marxisme ». Essayons d’engager ce dialogue.

    Robert de Herte, Éléments n°115, 2004.

    http://grece-fr.com/?p=3774

  • La France ne peut rester inactive face au drame irakien.

    Depuis le mois de juin, la République commémore, non sans quelques bonnes raisons, des événements guerriers, du débarquement allié en Normandie de juin 1944 à la déclaration de guerre d’août 1914 en passant par l’assassinat de Jaurès à Paris le 31 juillet d’il y a un siècle, et c’est l’occasion pour le président Hollande d’en appeler au devoir de mémoire, à la paix éternelle et aux grands principes démocratiques, parfois sans beaucoup de respect pour l’histoire elle-même, beaucoup plus complexe que ne le laissent supposer les discours officiels. Il n’est pas inutile de se rappeler l’histoire mais cela ne doit pas être dans le même temps l’alibi ou la couverture pour ne rien voir ou ne rien faire au présent : l’histoire n’est pas un champ de ruines ou de gloire, elle est aussi ce vaste champ d’expériences qui devraient nous inciter à la prudence ou, au contraire, à l’audace ; elle est ce livre des hommes et de leurs combats, de leurs passions et de leurs injustices, du pire comme du meilleur ; elle est aussi cette vie des espaces politiques, des sociétés et des hommes qui les composent, cette vie qui peut s’avérer mortelle pour les uns comme pour les autres…L’histoire est cruelle et elle se joue souvent des bons sentiments et de la justice !

    Au début des années 1990, certains néoconservateurs états-uniens annonçaient la fin de l’histoire : après la chute du communisme, le monde, pris dans le grand mouvement d’une globalisation désormais sans limites, accédait au stade final de son évolution qui ne pouvait être que la démocratie sur le modèle anglosaxon, les Droits de l’homme étendus à la planète bientôt « une et indivisible » et le libre-marché obligatoire avec son corollaire, le libéralisme mâtiné d’un esprit libertaire et consumériste dans lequel on pouvait « jouir sans entraves »… Le 11 septembre 2001 mit un terme à cette illusion millénariste, et pourrait être évoqué comme la naissance d’une guerre de cent ans, même s’il me semble que c’est l’invasion occidentale de l’Irak baassiste de 2003 (alors refusée avec panache par la France de MM. Chirac et Villepin, dans une posture capétienne et gaullienne…) qui ouvre véritablement une boîte de Pandore apparemment impossible à refermer aujourd’hui.

    L’invasion menée par les Etats-Unis de M. Bush et ses alliés au début de 2003 a détruit une dictature laïque qui, malgré ses aspects terribles (la politique de terreur à l’égard des opposants politiques et des Kurdes indépendantistes) et ses injustices flagrantes, avait au moins le mérite de maintenir une certaine paix civile entre des communautés fort différentes (musulmanes sunnites et chiites, chrétiennes, etc.), obligées de s’entendre dans le cadre politique d’un nationalisme d’Etat qui sublimait les différences en un seul corps national. La logique démocratique a permis aux diverses communautés d’exercer une forme de « principes des nationalités » qui s’avère destructrice de la nature de l’Etat, le « vote ethno-religieux » prenant le pas sur le « vote politique » et assurant la « revanche » de la majorité chiite sur la minorité sunnite, provoquant en retour une radicalisation extra-électorale des perdants, celle-là même qui va favoriser, aujourd’hui, le ralliement d’une part importante de la population sunnite locale à l’Etat islamique nouveau qui se proclame califat… Dans cette affaire, les Etats-Unis ont commis les mêmes erreurs qu’en 1917-1919 en Europe, au nom des mêmes principes que la Révolution française et ses années républicaines comme impériales avaient mis en avant… avec les mêmes et sanglants résultats, comme sur notre continent quelques années seulement après les traités de paix de Versailles et des environs ! L’histoire oubliée ou négligée se venge durement de ceux qui ont cru pouvoir la modeler ou la contourner sans la respecter ou, du moins, l’écouter et en tirer les leçons…

    Mais le drame des minorités chrétiennes, des yézidis ou des Chabaks en Irak ne doit pas être regardé de loin, avec quelques larmes de crocodile versées par ceux-là mêmes qui sont responsables de cette situation tragique, ou avec la bonne conscience de « ceux qui savent mais ne font rien pour ne pas aggraver les choses »… : au-delà de la bienvenue aide alimentaire et de l’accueil des plus faibles, la France peut agir aussi par une aide militaire appropriée qu’elle apporterait aux combattants kurdes et aux chrétiens désireux de protéger leurs terres et leurs familles, mais surtout en armant et entraînant les armées libanaise et jordanienne avant que les choses n’empirent et que les « califistes » ne déstabilisent toute la région par leurs violences et leurs offensives. Encore faudrait-il que la France ait une stratégie claire et sur le long terme, et une véritable politique étrangère qui ne soit pas dépendante des seuls choix états-uniens ou « européens » (l’Union européenne, d’ailleurs, brillant par son absence totale d’engagement sur ces questions orientales alors même que le Califat compte de nombreux combattants venant de celle-ci et, donc, « de citoyenneté européenne »…) : mais, au regard des hésitations et des revirements fréquents de la diplomatie hexagonale ces dernières années, on peut s’inquiéter de l’actualité tragique de la formule d’Anatole France qui, il y a un siècle déjà, expliquait en quelques mots que la République, par principe, n’avait pas et, surtout, ne pouvait pas avoir de politique étrangère digne de ce nom et inscrite dans la durée et dans l’histoire…

    Sans doute serait-il utile d’engager quelques Rafales dans la bataille pour desserrer l’étreinte des troupes du Califat et protéger les minorités persécutées désormais réfugiées dans les montagnes du Sinjar ou dans la capitale du Kurdistan irakien : après tout, M. Hollande n’a pas hésité à lancer les troupes françaises contre les islamistes au Mali ou en Centrafrique, ce qui a évité au premier de ces pays et à ses voisins de connaître le sort que connaît aujourd’hui l’Irak ! De plus, la France, dans son histoire, a toujours été la protectrice des chrétiens d’Orient : en cette période de commémorations, comment pourrait-elle l’oublier ?

    Pour l’heure, la France apparaît bien timide dans sa réaction à ce que de nombreux observateurs signalent comme un génocide des minorités chrétiennes, yézides, chabakes ou chiites turcomanes, et à la disparition programmée, après deux millénaires d’existence, de la présence et du patrimoine chrétiens, destinés à finir en gravats et cadavres par les califistes. Sans doute faut-il y voir aussi une des conséquences du « désarmement français » initié il y a déjà quelques années pour des raisons budgétaires mais aussi au nom de principes généreux mais bien imprudents, des raisons et des principes qui risquent bien, si l’on y prend garde, de mener à de nouveaux « Mai 1940 »…

    Jean-Philippe Chauvin

    http://www.actionroyaliste.com/articles/actualites/1395-la-france-ne-peut-rester-inactive-face-au-drame-irakien

  • Les néoconservateurs à la française

    Le néoconservatisme pourrait se caractériser par un attachement aux « valeurs traditionnelles » et un rejet de l’islam sur le plan identitaire et géopolitique. C’est du moins sous cet aspect qu’il s'est popularisé aux Etats-Unis, parfaitement symbolisé par l’administration Bush. En France, de nombreux articles, plus ou moins bienveillants, se penchent désormais sur le sujet. Il est un fait désormais acquis qu’il existe un néoconservatisme à la française. C’est un avatar de l’américanisation de notre pays, qui touche non seulement les modes de vie, mais aussi les modes de pensée et donc la politique. Si l’existence du FN, et dans une moindre mesure, du Front de gauche, peuvent limiter à la marge le caractère bipolaire de la vie politique française, cela ne signifie pas que le néoconservatisme ne se développe pas, principalement à droite. Les récents événements autour du mariage pour tous et les positions sécuritaires et anti-islam qui se développent en politique vont tout à fait dans le sens d’un néoconservatisme à la française qui pourrait devenir le nouveau fond « idéologique » de la droite, qui serait opposé aux projets de la gauche sur la famille et le multi-culturalisme. Cet article ne nie pas les aspects positifs des mobilisations ayant eu cours ces derniers mois et nous faisons une très nette distinction entre le militantisme acharné, souvent courageux, et respectable de nombreuses personnes, souvent jeunes, et les leaders qui n’ont jamais fait de mystères sur les basses volontés de récupération politique. Alors qu’Aymeric Chauprade vient de publier une tribune déroutante et que LMPT reprend ses activités en octobre, il m’a semblé nécessaire de publier ce texte que j’avais initialement destiné à être mis au rebut de mon ordinateur et que j’ai actualisé à la lumière des derniers événements.

    Les catholiques français, des protestants américains ?

    Pas de néoconservatisme américain sans protestants, pas de néoconservatisme à la française sans catholique.

    Autant le préciser d’emblée, les lignes qui vont suivre ne sont ni antichrétiennes, ni anticatholiques, ni même, d’ailleurs, antiprotestantes. Nous allons tenter d’établir un parallèle entre les WASP et les catholiques français. Exercice périlleux ? Surement. Mais regardons de plus près.

    La Manif pour tous, sur laquelle nous reviendrons plus bas, a été l’occasion de faire « renaître » la France catholique sur le plan politique. Si nous autres, militants politiques, n’étions pas étrangers à la présence d’activistes catholiques, il s‘agissait bien souvent de catholiques « tradi », fortement liés aux idéologies nationalistes (maurrassienne, entre autre). Mais nous n’avions pas vraiment l’habitude de côtoyer les « autres », cette masse catholique, majoritaire, qui se mêlait alors peu de politique à l’exception de quelques associations ridicules, comme celle de Christine Boutin destinée à faire interdire le festival métal de Clisson, le Hellfest (combat prioritaire, n’est-ce pas ?).

    Ces échanges furent assez « édifiants » sur une partie de la population alors présente : obsédés par les questions sociétales et par les « mœurs » elle est autant prompte à se mobiliser contre le mariage homo qu’elle est muette et absente contre l’immigration de masse ou pour soutenir les français qui perdent leurs emplois. A l’instar des protestants américains, en première ligne sur l’avortement, l’homosexualité et le genre, certains catholiques français ne se mobilisent pas, dans une immense majorité, sur d’autres thèmes. Tout comme les WASP qui font de la victoire des « Républicains » contre les « Démocrates » leur unique cheval de bataille politique, certains catholiques français mettent un point d’honneur à faire dégager Hollande alors que nombreux sont ceux qui garnissent les officines umpistes pro-Sarkozy ou des partis centristes à tendance européiste.

    Principalement issus de la bourgeoisie, le programme pour les enfants est déjà tracé : filières internationales et écoles de commerce. La réussite avant tout. Comme nos protestants pour qui la réussite sociale par le « travail » est un impératif social, moral et eschatologique. La réussite dans le système capitaliste serait-elle une preuve de la bienveillance de Dieu ? La philosophie personnaliste au service du dieu argent. Ils sont loin nos « catho tradi », pétris de culture savante et antique, lecteurs  d’Homère, d’Aristote ou de Platon, fiers officiers de l’armée française. Aujourd’hui c’est JMJ pour la bourgeoisie blanche catholique post conciliaire. Le catholicisme qui a forgé Primo de Rivera, Codreanu, Bernanos, Jünger ou encore Bloy et Péguy laisse place aux drapeaux roses et bleu ciels de LMPT.

    La LMPT, un Tea party à la française ?

    Il est fréquent d’entendre dire que LMPT est un « Tea Party » à la française. C'est-à-dire une sorte de lobby conservateur qui tente d’influencer la droite mais dont la forme se veut assez moderne et « jeune ». C’est vrai que c’était quand même déroutant cette Manif pour tous, drapeaux roses et bleu ciel, musique techno, « happening », tous les modes de séduction et de communication issus des « shows » à l’américaine ont été déployés pour s’opposer au mariage homo ou garnir les manifs anti-avortement. Festivus festivus (Muray) contre la « culture de mort » et la reprogrammation du cerveau de nos gosses. Curieux. On a du mal à voir comment on pourrait œuvrer contre la destruction de la famille et de l’enfant sous fond de musique pop et techno. LMPT est le fruit pourri du système, en cela il se meut selon les codes du système, notamment le bougisme et la festivité. Or c’est précisément l’américanisation de notre pays qui détruit notre âme.

    L’américanisation de la vie politique pose au moins deux problèmes.

    D’une part elle implique l’impossibilité de bâtir notre propre alternative au système en essayant de trouver les solutions au sein même du système, en l’influençant par un lobbying important (comme la fameuse charte de LMPT). Dans le cadre de LMPT on pourrait voir cela comme ça : plutôt que de créer nos écoles, on fait du lobbying sur l’école républicaine. Bien que je sois partisan du fait de ne pas lâcher de terrain au système, notre prise sur les événements est à peu près nulle et ce qu’il faut c’est assécher le système. A ce titre les théories anarchistes seront bien plus intéressantes au militant de l’ultra-droite que les littératures nostalgiques ou les manuels de marketing (politique). D’ailleurs l’anarchisme chrétien a un temps d’avance dans la réflexion (sur l’éducation, la monnaie, par exemple). Relisez Anarchie et Christianisme de Jacques Ellul.

    D’autre part, elle renforce le cadre bipolaire, opposant un projet « de gauche » à un projet « de droite » alors qu’il a été mainte fois démontré que s’il existe probablement une « droite des valeurs », il n’y a pas de différence de fond entre la droite et la gauche dans l’avancement de l’offensive du Capital. Il est donc difficile d’édifier un front révolutionnaire, anti-système, si nous devons composer avec une droite attachée à ces privilèges de classe. Il ne s’agit pas ici de rhétorique marxiste mal dégrossie, mais d’un constat. Le vote de droite est encore largement animé par des intérêts de classe. Il y a encore un bon tiers de français qui votent « à droite » uniquement car ils sont contre la politique économique « de la gauche » : taxation des hauts revenus, taxations du capital, taxation des retraités, augmentation des minima sociaux et des avantages des fonctionnaires. Pourtant les politiques de droite et de gauche font essentiellement peser le coût de la dette sur les classes moyennes et Hollande mène une politique anti-sociale.

    Si derrière ce grand mouvement de plusieurs centaines de milliers de personnes, certains ont pu y voir une mobilisation du peuple français contre les plans de l’oligarchie, le temps leur aura donné en grande partie tort. A l’exception du Printemps Français qui a musclé le discours et embrassé une grande diversité de thème, une bonne partie de LMPT n’est devenue qu’une excroissance de la droite molle de gouvernement, comme le montre le ralliement de nombres d’entre-eux à l’ancien parti de Jean-François Copé et ce malgré les annonces comme quoi l’UMP ne reviendra pas sur le mariage pour tous. D’autres se sont lancés en politique, et se sont présentés aux européennes pour le mouvement de Christine Boutin pour défendre les « valeurs ». De quoi aider à recomposer la droite, mais certainement pas de quoi mettre à mal le système. On comprend mieux la distance critique du FN à ce sujet qui très vite a surement compris ce qui se tramait. Aucun discours sur la reprise de la souveraineté. Aucune attaque contre l’oligarchie mondialiste. Par contre chez certain, un rejet sans nuance de l’islam, partagé par l’ensemble du spectre des droites et qui est dans la ligne du néoconservatisme américain qui a historiquement activé et nourri cette opposition. Ajoutons à cela les drapeaux européens qui flottent au vent alors que certains drapeaux régionaux ou nationaux sont interdits. Un beau cocktail pour constituer la droite forte systèmo-compatible, ou cette droite qui veut l’économie capitaliste sans la marchandisation des femmes et des gosses. Au même titre que la gauche veut la marchandisation des femmes et des gosses avec la GPA et la PMA mais sans le capitalisme d’entreprise. Ou ceux qui veulent l’immigration sans l’islam. Comme les autres veulent la fin du dumping-social tout en encourageant l’immigration. Tout cela parait bien incohérent.

    L’islam et l’insécurité, les deux mamelles du reniement ?

    Il faut également constater que le discours sur les valeurs et la civilisation s‘accompagne d’un discours sur l’islam. L’islam a remplacé dans la mythologie de droite et d‘extrême-droite les communistes. Or il a été mainte fois démontré la collusion entre l’Occident et les pétro-monarchies ou encore le rôle trouble de la CIA dans l’émergence d’Al-Qaida (n’est-ce pas Aymeric Chauprade qui utilisait l’expression islamérique ?). Il est certain qu’un danger ne peut qu’exister si on fait tout pour le renforcer et lui donner un corps. Au même titre que le « péril communiste » n’était que le fruit de la stratégie des alliés de choisir l’URSS au détriment de l’Axe n’en déplaise à nos tartuffes patriotards. Et à ce jeu là le système a été très fort, même pour nous qui sommes sur une ligne qui ne confond pas l’islam et l’islamisme et qui fait la part des choses, il devient de plus en plus évident que cette distinction s‘atténue à mesure que les musulmans se soudent contre les discours simplistes des vipères du choc des civilisations. Plus les anti-islams (qui ne sont pas forcément issus du camp national) s’évertuent à lutter contre l’islam de façon caricaturale, plus l’islamisme se renforce et recrute chez les jeunes en rupture avec le système. C’est ainsi qu’en Irak, des anciens baassistes se sont ralliés à l’EIIL, que le Hamas a pris le contrôle à Gaza et que l’islamisme progresse dans nos banlieues et nos prisons. Ainsi aujourd’hui la plupart des discours sur l’islam sont orientés sur la laïcité et sur l’immigration choisie. Alors que le problème de fond demeure le même : la submersion migratoire. Mais comme l’immigration demeure utile au patronat et qu’une partie du système convient à en former une partie pour être les relais zélés du Capital dans leur communauté, il n’est pas décidé à combattre le problème.

    A ce discours sur l’islam s’adjoint un discours sur l’insécurité. Là aussi, au lieu de remettre en cause le système, on lui demande de nous aider : et vas-y que je te vote une loi « contre la burqa » qui est aujourd’hui plus utilisée contre les manifestants masqués que contre les salafistes. Et vas-y que je veux des caméras de sécurité histoire que la population soit bien fliquée. Et vas-y que ça se plaint de pas pouvoir consommer tranquillement ces merdes américaines à cause des méchantes racailles. Trop dur de pas pouvoir faire les soldes pénard. C’est vrai ça ! Merde quoi ! On peut pas acheter des fringues de merde fabriquées par un gosse indien de 6 ans à cause des arabes. Trop dur la life ! Puisque depuis 68 il faut jouir sans entrave, la racaille est devenue une entrave pour l’hédoniste de droite. Alors que le problème est tout autre : c’est le grand remplacement.

    Et là aussi, vous croyez que notre néo-con va vous parler remigration ? Va vous parler de la barbarie du capitalisme, mais non, mais non : plus de police, plus de caméra, plus de lois répressives. Le paradis sur Terre. Le bonheur à la Big brother.

    Le choix d’Israël… et de la Russie, vers un néoconservatisme sans les Etats-Unis?

    Pour lutter efficacement contre « ses musulmans qui nous emmerdent », le néo-con patriotard a eu une autre idée de génie : et s'il devenait pro-israélien ? En voila une idée qu’elle est bonne. Le simple fait que  des organisations dirigées par des binationaux franco-israélien aient œuvré depuis 40 ans à empêcher toute révolte identitaire et à favoriser la submersion migratoire, cela ne semble pas lui avoir traversé l’esprit. Non, ce que voit le néo-con patriotard c’est que Tsahal nous la joue « plomb durci » et « bordure protectrice » sur les arabo-musulmans. Mais si, vous savez, les potes de ceux qui cassent tout quand ils manifestent au lieu de demander tranquillement avec des fleurs qu’on arrête de bombarder des écoles. En plus casser, c’est mal. Sauf quand c'est ceux qui ont le droit, comme l'armée ou la police. En plus Israël c’est la démocratie. On peut aller à la plage, porter des mini-shorts, discuter de sujets futiles dans des débats télévisés et aller en boîte. Y a pas à dire, c’est le poste avancé de la civilisation !

    Mais Israël n’est pas le seul pays à susciter l’admiration de nos amis, la Russie de Poutine est source de fantasme à faire passer Sasha Grey pour une vieille morue. Poutine, c’est le mec qui voulait buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes. En plus il pose avec des armes à feu, fait des sports de combat et tous ces trucs bien virils qui plaisent à l’Occidental qui de son côté baisse les yeux et courbe l’échine. En plus Poutine est contre le mariage homo ! C’est mieux que Hollande quand même ! Là où ça devient intéressant, c’est que cette alliance doit nous permettre d’être indépendant des Etats-Unis, nous allons y revenir plus bas. Notre ami a encore une idée de génie : puisqu’on est soumis aux USA, ce qui est tout à fait juste et démonte au moins un esprit gaullien, pourquoi ne pas devenir dépendants de la Russie ? Devenir dépendant d’un pays qui nous approvisionne en gaz et en pétrole et qui peut boycotter sans sourciller notre agriculture déjà moribonde, en voila une idée ! Là encore : la simple idée de sortir de la société du pétrole, de repenser notre consommation d’énergie et de se questionner sur les énergies du futur n’est pas au programme puisque l’écologie, c’est un truc de gauchiste !

    Et ce qui ne manque pas de sel c’est ce qui va suivre. Alors que Chauprade nous écrit dans sa tribune :

    "Certes Israël est aujourd’hui encore très lié aux États-Unis mais ceux-ci commencent à s’en détourner et Israël adopte une posture multipolaire en construisant des relations fortes avec la Russie, l’Inde, la Chine."

    Je lis dans la même journée au détour de mes pérégrinations un texte d’Israël Shamir où ce dernier écrit ça :

    "La semaine dernière [en juin 2014], l'historien militaire israélien Martin van Creveld est passé par Moscou. En 2003, il s'était rendu célèbre en menaçant l'Europe d'anéantissement nucléaire (l'option "Sanson") en disant: "Israël a la capacité de couler le monde entier avec nous, et c'est ce qui va se passer, avant qu'Israël se soumette à d'autres". Cette fois-ci il a expliqué aux Russes la nouvelle politique israélienne: tandis que les US entrent dans leur déclin, Israël doit diversifier et consolider ses projets en se rapprochant de Moscou, de Pékin et de Delhi, a-t-il écrit dans le quotidien Izvestia."

    Et là, comme qui dirait, la boucle est bouclée. Si Chauprade et Shamir disent la même chose à deux mois d’intervalle, on peut considérer que cette dynamique est à prendre en considération.

    Voila ce qu’écrivait Arnaud de Robert en mars :

    « Il s'agit ici de comprendre chers camarades que ce qui entoure la crise ukrainienne n'est un enfumage de première bourre. Le scénario qui nous est joué a déjà été scellé par avance. Vladimir Poutine, les serbes, les chinois et autres non-alignés de circonstances sont dans le Système. Leur apparente opposition qui s'habille de conservatisme et de valeurs morales (à la George Bush finalement) n'a qu'un objectif : faire reconnaitre leur place par l'Oligarchie. Partout dans le monde, le seul système qui s'instaure est celui de l'autoritarisme libéral, ligne partagée par notre futur président Nicolas Sarkozy. »

    Le fait que Poutine incarne un néoconservatisme à la russe (avec l’orthodoxie comme socle religieux) est d’ailleurs tout à fait probable. Avec le même acharnement à combattre les « nationalistes » que ne le font les néo-cons partout où ils sont. Poutine défend une ligne à la fois libérale sur le plan économique, conservatrice sur le plan des mœurs et autoritaire sur le plan politique.

    Guillaume Faye avait déjà préconisé cette alliance à la fois israélienne et russe.

    L'union des droites ou le tombeau du nationalisme

    In fine ce qui se trame chez nous c’est surement l’union des droites (ou des patriotes) impliquant des individus allant de la droite forte au mouvement identitaire en passant par le FN et d’autres officines plus confidentielles autour des éléments suivant : la lutte contre l’islam, l’immigration choisie et la remigration des indésirables (criminels, jihadistes, etc…), l’alliance avec Israël et avec la Russie, la défense des « valeurs » familiales.

    L’union des droites, ce n’est pas le nationalisme. D’ailleurs la lutte contre le mariage homo, la GPA et la PMA ce n’est pas non plus du nationalisme en tant que tel. La nation c’est d’abord un projet avant d‘être une succession de rejets. La nation doit défendre l’intérêt général et l’intérêt général passe par des familles « traditionnelles » qui font des enfants sans recourir à des mères porteuses (rencontre du Marché, de la Science et de la Technique). Car la nation doit non seulement limiter les effets du Marché, mais aussi ceux de la Science et de la Technique. Rien de rétrograde là-dedans. Pas d’économie au service des hommes sans primat du politique, pas de science sans conscience et pas de technique sans contrôle.

    La principale inquiétude que nous pouvons formuler c’est l’incapacité pour les nationalistes révolutionnaires à avoir su définir un projet qui soit dépassionné des questions morales et qui ne soit pas Réactionnaire. Le nationalisme ce n’est pas la morale. Ou alors seulement la morale au sens de Kropotkine (entraide et coopération) ou Orwell (décence commune). Ensuite les nationalistes ont été incapables d’être jusqu’à présent autre chose que les supplétifs de la droite. Service d’ordre, agitation, actions coup de poing, mais jamais sur la tribune pour défendre notre vision de la nation. Je ne veux pas d’une union des droites où la bourgeoisie tient les manettes parce qu’elle possède le Capital et où le prolétariat nationaliste révolutionnaire ne sert que de « gros bras » avec pour hochet une lutte contre l’islam et l’insécurité.

    Le point positif des derniers événements aura surement été le ralliement d’une partie de la jeunesse a des mouvements plus radicaux et d’avoir su dépasser le cadre de la lutte balisée par le système.

    Conclusion :

    Si le néoconservatisme à la française paraît bel et bien exister et s’inspire de ce qui se fait aux Etats-Unis dans son idéologie de base comme dans ses méthodes. La tribune d'Aymeric Chauprade reprend la plupart de ses points: le socle catholique, la lutte totale contre l'islam, l'orientation vers Israël et la Russie. Le nationalisme révolutionnaire quant à lui semble toujours bien morne. Nous ne devons pas être la queue de comète « ultra » d’une union des droites ou de néoconservateurs quelconques mais affirmer notre projet, nos principes et nos idées. Radicalement anti-capitalistes, pleinement français et européens.

    Jean/C.N.C

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2014/03/08/les-neoconservateurs-a-la-francaise.html

  • Panne de croissance et bientôt déflation pour la France

    L’UMPS a l’avantage de ne pas brusquer l’économie : l’un et l’autre donnent le même résultat d’une économie en berne et sans croissance. Les agitations de Sarkozy puis de Valls n’y ont rien changé, et pour deux raisons :

    -          en réalité la marge de manœuvre du gouvernement français est quasiment nulle, celui-ci ayant abandonné toutes ses prérogatives en matière économique à Bruxelles. Que ce soit au niveau de la politique monétaire ou douanière, ces deux leviers décisionnels ne sont plus commandés par les pouvoirs nationaux.

    -          la logique de ces gouvernants répondant au nouvel ordre mondial, ils s’inscrivent dans un carcan financier mondiale, incapable de considérer le bien commun du pays qu’ils sont sensés dirigés. Ils sont donc ballottés par les velléités des grandes puissances financières dont ils sont incapables aujourd’hui de se protéger.

    Si la croissance est nulle au 1er et 2ème trimestre 2014, la déflation n’est plus très loin, notamment grâce aux sanctions prises contre la Russie. En effet, les produits alimentaires français n’ayant plus leur place sur le marché russe, ils se retrouvent en surnombre en France. L’offre étant supérieur à la demande sur le marché national, les prix vont baisser, entraînant un manque à gagner important pour tout un pan de l’économie française avec en première ligne les agriculteurs.

    Puis viendra l’application du rapport Attali visant à libéraliser toujours plus d’autres secteurs de l’économie française, les livrant à la guerre économique. Ce rapport visant plus particulièrement les professions réglementées et les professions libérales, il contribuera de façon importante à supprimer un peu plus la classe moyenne et donc, affaiblira un peu plus l’équilibre économique du pays.

    Dans ce contexte morose, les politiques nous expliquent qu’ils veulent rendre du pouvoir d’achat pour relancer la croissance par la consommation : pourtant, ils semblent oublier que l’Etat absorbe aujourd’hui plus de 57 % de la richesse crée chaque année, ce qui représente 209 jours par an, l’assistanat pesant lourdement dans les dépenses publiques.

    A un tel stade il devient mécaniquement impossible de créer de la croissance.

    Xavier Celtillos

    http://medias-presse.info/panne-de-croissance-et-bientot-deflation-pour-la-france/14174

  • Analyse du système de santé français

    Entretien réalisé au mois de juin, dans lequel Nicole et Gérard Delépine décryptent le fonctionnement opaque du système de santé français.

    Liens complémentaires :

    Site de l’Institut National du Cancer

    Le site des docteurs Delépine ainsi que la liste de leurs publications.

    Pour signer la pétition : cliquez ici

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Le système Bygmalion

    Comment de jeunes pousses de l'UMP ont tiré profit de leur parti

    L'hebdomadaire Valeurs Actuelles vient de révéler que la société Bygmalion, fondée en 2008 par Bastien Millot et Guy Alvès était placée depuis le 17 juillet en liquidation judiciaire. Cette issue était prévisible puisque les déboires politiques de cette entreprise de communication faisaient fuir depuis plusieurs semaines la plupart de ses clients. Les parlementaires et autres élus n'ont qu'une seule crainte, que l'on révèle leurs contrats passés avec Bygmalion. L'affaire Bygmalion, révélée au printemps dernier, ne fait que commencer. Retour sur ces golden boys de la droite française qui se voyaient déjà en haut de l'affiche politique.

    Bastien Millot, avocat aujourd'hui âgé de 41 ans, est originaire de Saint-Quentin, dans l'Aisne, où il fait ses premières armes politiques aux côtés de l'ancien ministre Xavier Bertrand et de Jérôme Lavrilleux, aujourd'hui député européen suspendu de l'UMP. Millot intègre en 1991 l'Institut d'études politiques de Paris, rue Saint-Guillaume, où il sympathise avec l'un de ses professeurs d'économie, Jean-François Copé. Il va rapidement devenir un de ses collaborateurs à la mairie de Meaux, que Copé conquiert en 1995. Les deux hommes ne cesseront de se vouvoyer mais deviendront inséparables. En 2001, il est élu premier adjoint au maire de Beauvais. Son implantation dans l'Oise tournera court et Caroline Cayeux, maire de la ville, l'écartera de la majorité municipale. Dans le même temps, en 2002, il devient directeur de cabinet de Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement Raffarin. En 2005, il quitte les cabinets ministériels pour la direction de France-Télévision, dont il devient le numéro 3. Il va y rester jusqu'à l'automne 2008, où il décide de fonder sa propre agence de communication, nommée Bygmalion.

    Clientèle choisie

    Le puissant groupe des députés UMP de l'Assemblée nationale, présidé par Jean-François Copé de 2007 à 2010, va vite devenir l'un des principaux clients de Bygmalion. L'UMP également, en tant que parti politique cette fois, Jean-François Copé devenant secrétaire général du mouvement en 2010 puis président dans les conditions que l'on sait en 2012. Via différentes filiales, la société Bygmalion gère, à des prix le plus souvent bien supérieurs à la concurrence, si l'on en croit les chiffres avancés par la grande presse et les fac-similé de factures rendues publiques, diverses missions: communication internet, journées de formations, événementiel... Visiblement, Jean-François Copé et Christian Jacob, son successeur à la tête du groupe UMP, et comme lui député de Seine-et-Marne, ont largement récompensé la fidélité de Bastien Millot et de son associé Guy Alvès.

    Mais au sein du système Bygmalion on croisera également un proche du dirigeant de l'UDI Yves Jégo, Romain Mouton, ou une jeune pousse du Front national : Etienne Bousquet-Cassagne, candidat à une législative partielle dans la circonscription de Jérôme Cahuzac. Bastien Millot a en effet consenti à Bousquet-Cassagne un don personnel de 4600 euros à son ancien stagiaire pour sa campagne électorale. Sans oublier que Guillaume Peltier, Geoffroy Didier ou Pierre-Yves Bournazel, trois étoiles montantes de l'UMP, tendance Droite forte, ont également émargé occasionnellement chez Bygmalion...

    Bastien Millot et sa société faisaient donc vivre beaucoup de monde en encaissant des dizaines de contrats de prestations en provenance des élus UMP ou des collectivités territoriales qu'ils contrôlent. Bygmalion collectait ainsi avec une rare aisance l'argent public.

    Sarkozy savait-il ?

    Les liens entre Bastien Millot et le groupe UMP de l'Assemblée nationale existe toujours : comme l'a révélé le Canard enchaîné, c'est sa société personnelle qui a remplacé Bygmalion comme prestataire du groupe de députés présidé par Christian Jacob... Ayant quitté la direction de la société Bygmalion à l'été 2013, Bastien Millot s'est débrouillé pour récupérer quelques-uns de ces juteux contrats.

    Mais là où l'affaire Bygmalion risque de faire le plus mal à la droite, à l'UMP en particulier et peut-être même à Nicolas Sarkozy, c'est en ce qui concerne la double comptabilité révélée tant par Bygmalion que par Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Copé à l'UMP, concernant la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012. Cette dernière a bel et bien dérapé (ses comptes ont été invalidés) et elle aurait de surcroît vu facturer aux dépens de l'UMP plusieurs millions d'euros correspondant aux très coûteuses réunions publiques du président sortant. Selon Media-part, factures à l'appui, cet habile système de facturation aurait concerné 17 millions d'euros au total. La somme n'est pas mince.

    Il est encore trop tôt pour savoir qui sortiraexactement des investigations de la justice.Nicolas Sarkozy savait-il ? Est-ce seulement sonentourage qui a dérapé ? Il faudra certainementdu temps pour dévider l'écheveau. Mais, danstous les cas, cette affaire Bygmalion a déjà faitune victime politique d'importance: Jean-François Copé, qui a achevé d'être déconsidéré,affaibli qu'il était déjà de sa passe d'arme avecFrançois Fillon pour le contrôle de l'UMP.L'affaire Bygmalion signera peut-être dans lesprochains mois la disparition de l'UMP commeprincipale organisation de la droite libérale française.

    Antoine Ciney monde & vie 30 juillet 2014 

  • Pourquoi il ne faut pas se décourager

    Entretien avec Tugdul Derville, propos recueillis par Frédécic Aimard

    Deux ans après le début du grand mouvement social, peut-on dire que la fièvre est retombée?

    Je ne le crois pas. Le feu reste brûlant sous la cendre. Le temps permet à chacun de prendre la mesure des enjeux et de se former en profondeur. Sept mille sept cents personnes se sont inscrites à l’Université de la vie de VITA en janvier dernier! Le foisonnement d’initiatives, l’émergence publique de nouvelles personnalités, notamment d’intellectuels comme Fabrice Hadjadj, Thibaud Collin, François-Xavier Bellamy ou Gaultier Bès, contribuent à enraciner notre mouvement dans la durée, en lui offrant des perspectives de fécondité culturelle qui vont bien au-delà de l’opposition légitime à une loi.

    Pourtant, les sentiments de lassitude et de désillusion dominent chez certains…

    Cela vient d’une méconnaissance des enjeux, et de l’impatience naturelle. La première année du mouvement social s’était conclue sur la promulgation de la loi Taubira que nous combattions, mais ce texte était insatisfaisant pour ses promoteurs. Or, la seconde année a été marquée par un recul net du gouvernement. C’est d’ailleurs le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls qui a donné le premier signe de ce retrait le 3 février 2014 au lendemain des dernières grandes manifestations pour la famille. Depuis ce jour, celui qui est devenu Premier ministre a confirmé sa volonté de ne pas rallumer la guerre sociétale. Jusqu’à assurer, depuis Rome, le 27 avril, que toute réforme de la loi fin de vie ne se ferait qu’en cas de  consensus au Parlement. Assurément le ton a changé. Ce n’est pas le moment de baisser les bras.

    Sur la forme, le ton a changé sans doute, mais quelles sont à votre avis les intentions politiques du pouvoir sur le fond?

    Y a-t-il encore un fond politique? Je crains fort que le fond ne soit subordonné qu’à un rapport de forces qu’il nous faut gagner. Et c’est possible. Car nous sommes témoins — à quelques exceptions près — d’un délitement de la responsabilité politique, dans la plupart des partis. Heureusement, une poignée de parlementaires courageux sauvent l’honneur en assumant la protection des faibles comme priorité politique. A contrario, la préférence des leaders est au discours conjoncturel, au double langage, aux petites phrases qui percutent sans rien révéler de leurs options de fond. Mais en ont-ils vraiment? Ils semblent tabler sur les vagues successives d’émotion qui secouent à tour de rôle les Français en effaçant de leurs mémoires les précédents sujets. Les mascarades victimaires autour de la figure du garde des Sceaux me paraissent emblématiques d’une pareille vacuité. Même constat avec la guerre des chefs à l’UMP et le déballage public du linge sale…

    Mais alors, que reste-t-il?

    Des égos, des nombrils. Chacun élabore sa stratégie de conquête de l’opinion, soigne sa crédibilité et son image. Presque tous finissent menacés par leur propre propension à la toute-puissance : comme s’ils suivaient une bonne étoile qui les autorisait à filer droit dans le mur. Nous avons vu, depuis des dizaines d’années, des personnages bien en place s’effondrer en quelques jours, victimes d’une campagne ciblée. Et de nous demander comment ils ont pu se croire invulnérables. Cette mentalité les conduit à céder au plus offrant, en fonction du coût/bénéfice politique de chaque option à court terme.

    Je crains que ce ne soit ainsi qu’il faille évaluer la nomination de Jean Leonetti par le président de la République pour réviser sa propre loi… Est-ce un coup tactique pour obtenir un changement, voire une dénaturation de l’esprit de la loi fin de vie, avec aval de l’UMP ?

    De quoi dégoûter nos lecteurs de la politique…

    Surtout pas! Le champ est grand ouvert; nous sommes la plus grande minorité structurée; nos convictions sont fondées sur une anthropologie solide ; nous défendons ensemble une vision de l’homme et non pas nos intérêts personnels comme souvent les promoteurs des transgressions libérales-libertaires… C’est plus gratifiant d’agir avec, chevillé au cœur, un sentiment d’utilité, un souci altruiste, et une certitude sur le sens de la vie. Le temps du désenchantement généralisé est propice à l’engagement de ceux qui appuient leur réflexion politique sur des repères clairs. La libération des consciences est entamée.

    Peut-on voir des signes de cette fécondité pour ce que vous appelez votre «famille de pensée»?

    Oui. Ses leaders sont désormais écoutés. Notre famille de pensée a acquis, par sa constance et sa cohérence, une réelle respectabilité. Elle conquiert de nouvelles catégories de français et de nouvelles personnalités. Elle peut de plus en plus s’exprimer dans les médias. Il lui faut accepter d’agir sur le long terme, sans trop d’impatience.

    À ce titre, les tentatives de transformation du mouvement social en résultat électoral dès 2014 m’ont paru précipitées. Mais il ne faut surtout pas déserter ce champ politique. Peu importe si les grands partis oscillent entre l’illusion ou l’explosion. C’est l’élan et l’énergie d’un nombre limité de personnes déterminées et unies qui peut favoriser la mutation culturelle de notre pays : elle est attendue en Europe et dans le monde.

    Mais cette mutation culturelle passe-t-elle par le politique?

    C’est plutôt l’inverse. La vaine politique est largement dépendante de l’état culturel de la société… Elle s’adapte aux mœurs comme la feuille morte se soumet au vent dominant. Cependant, engager la mutation culturelle par la base, aussi humble que cela puisse paraître, c’est déjà faire de la politique. Il faut peut-être que nos amis renoncent à attendre la personnalité providentielle, très vite décevante, pour découvrir que c’est à chacun d’agir autour de soi, à l’image des élus locaux, de toutes sensibilités, qui font de la politique au sens noble du terme, en servant leurs voisins.

    L’action «Parlons la mort» de VITA s’est inscrite dans ce souci de partir de ce que vivent les Français. Engager le débat, s’impliquer dans une association humanitaire, dans les organisations professionnelles, c’est faire de la politique autrement.

    C’est aussi ce que propose le Courant pour une Écologie Humaine. La démarche est exigeante mais enthousiasmante pour qui accepte d’entrer dans le processus de changement. C’est ce que les nouvelles générations font aujourd’hui dans l’élan du mouvement social, quitte à accepter de se «désembourgeoiser».

    C’est-à-dire?

    Il y a quelques années, je rencontrais beaucoup de chrétiens bien placés qui m’expliquaient s’être réfugiés dans un poste à responsabilité ne les mettant pas en porte-à-faux par rapport à leurs convictions…

    Depuis quelque temps, je rencontre de nombreux jeunes qui décident de s’exposer, de renoncer à des avantages ou des situations pour mettre en cohérence vie professionnelle et convictions personnelles. Certains se tournent vers l’enseignement quitte à ne pas prétendre aux salaires de leurs parents…

    C’est à ce prix, en investissant les «lieux où s’élabore la pensée», en y payant de leur personne, qu’ils pourront faire germer une autre culture.

    S’il faut donc patienter, est-ce à dire qu’il va falloir consentir à la GPA ou à l’euthanasie qui semblent inéluctables?

    Ce sont nos adversaires qui s’escriment à utiliser cette figure d’inéluctabilité pour décourager notre résistance. La GPA est un bon exemple. Il y a une guérilla judiciaire, avec comme dernier épisode la position de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) qui tend à faire plier la France. Mais elle a déclenché la levée de boucliers de nombreuses personnalités de gauche, à la fois attendues et inattendues, derrière Lionel Jospin et Jacques Delors, qui pressent le gouvernement de s’y opposer au nom du féminisme bien compris. Hommage implicite à La Manif pour tous qui n’a eu de cesse d’alerter sur ces thématiques, ce qui légitime aussi le projet de cette dernière de manifester à nouveau le 5 octobre prochain. Cela montre l’existence d’un large front de résistance qui transcende les clivages. C’est la même chose contre l’euthanasie. Ses promoteurs ont beau nous affubler du déguisement de l’intégrisme sans cœur, nous sommes liés à de multiples groupes qui échappent à toute stigmatisation: personnes handicapées, familles, soignants… Et face à nous, les personnes vraiment mobilisées sont peu nombreuses, même si elles disposent de relais médiatiques puissants.À chacun finalement d’agir de toutes ses forces, en se ménageant des respirations pour tenir dans la durée, mais en s’interdisant tout découragement. Très souvent, un échec cache une perspective de victoire…

    http://www.tugdualderville.fr/pourquoi-il-ne-faut-pas-se-decourager