Nous avons vu dans la première ; partie de cet article (RIV. du 22 décembre 2016) la persistance des basses manœuvres des démocrates cherchant absolument à contester, ou du moins à délégitimer, l'élection de Donald Trump, le 8 novembre 2016. Elles se sont poursuivies fin décembre jusqu'au plus haut niveau, avec les accusations réitérées du président sortant Obama contre la Russie, dont l'espionnage électronique aurait biaisé l'élection présidentielle américaine au-delà de la volonté de créer une crise diplomatique grave avec un grand pays par un président sur le départ, il y a encore et toujours la propagande visant à faire de Trump un agent russe, ce qui est absurde, faut-il le rappeler.
Trump appliquera-t-il son programme de construction du Mur, étanche, à la frontière avec le Mexique, et d'expulsion massive des dizaines de millions de clandestins ? Ce n'est plus si évident, car il a édulcoré, sitôt élu, ces promesses électorales essentielles, même s'il est attendu sur ces engagements forts, centraux dans son élection. En revanche, il est demeuré "une fermeté exemplaire sur sa vision ultrasioniste du monde que nous ne partageons pas du tout à Rivarol ! -, soutenant explicitement l'œuvre colonisatrice sioniste dans ce qui liste de lambeaux de terres en Cisjordanie aux Palestiniens. A l'inverse, le président sortant Obama a tenu subitement, à quelques jours de son départ, à s'élever contre de telles pratiques colonisatrices , cette position nouvelle d'Obama est du reste tout sauf sur une remise en cause de l'Entité Sioniste en tant que telle et de sa légitimité, malgré les hauts cris de son Premier ministre Benjamin Netanyahu. Quels seraient les autres axes essentiels de la politique future de son gouvernement, précisés par Donald Trump avant son entrée en fonction le 20 janvier 2017?
Sortir de la logique d’affrontement et coopérer avec la Russie ?
Les présidents Bush II puis Obama ont campé sur une ligne constante d'affrontement avec la Russie. Le président Obama a tenu à déclencher durant ses derniers jours de mandat une crise diplomatique avec Moscou, sur le thème de l'espionnage électronique russe aux États-Unis, et a ordonné l'expulsion de 35 diplomates russes. Beaucoup de membres du parti républicain, par réflexe antirusse remontant aux années 1950 et à la lutte idéologique contre le communisme soviétique - idéologie à laquelle ne se rattache pas, ou plus, depuis 1990, Vladimir Poutine, quoi que l'on puisse penser par ailleurs de son patriotisme russe, prosioniste et islamophile - ont chaudement approuvé cette conduite irresponsable. Le sénateur républicain John MacCain a même tenu à visiter dans les derniers jours de décembre 2016 l'Ukraine de l'Est, y compris Marioupol sur la ligne de front, pour y fans de dangereuses déclarations bellicistes antirusses. Barack Obama n'a apporté nulle preuve effective de tels agissements russes, et le pays qui espionne le plus les autres États du monde, et toutes les populations du monde, n'est autre que les États-Unis, dont les dirigeants font preuve une fois de plus d'une hypocrisie formidable. Obama a agité le spectre d’une imaginaire menace russe contre les États-Unis, et il a été cru.
Les extrapolations à partir de divergences majeures au Proche-Orient ou en Europe de l'Est ne tiennent pas : la Russie y défend ses intérêts stratégiques, indiscutables dans le premier cas, vitaux dans le second, sans qu'il y ait une volonté agressive contre les États-Unis en tant que tels. Ces derniers se conduisent de manière agressive contre la Russie et ses alliés, tout en accusant Moscou, selon la rhétorique habituelle de la prétendue « communauté internationale », ou camp du "Bien", d'agressivité. Washington a en effet très longtemps soutenu des groupes armés djihadistes sunnites en Syrie contrairement à Moscou soutenant le gouvernement syrien. Soutenir des mouvements rebelles contre un Etat reconnu est en outre contraire en principe à la Charte de l'ONU, car sapant à l'évidence toute possibilité de paix nationale et internationale. En Europe de l'Est, l'Ukraine antirusse depuis la Révolution de Maïdan est obstinément soutenue dans son effort de guerre contre les républiques sécessionnistes de Nouvelle-Russie - soutenues elles par Moscou -. Des combats, de faible intensité pour l'instant, s’y poursuivent. De même les soutiens les plus ostensibles, avec des grandes manœuvres de l'Otan, sont-ils accordés à l'Estonie et à la Lettonie, pays anciennement soviétiques et russes depuis le début du XVIIIe siècle. Toutefois, peuples non russes, ils ont été soumis de manière coercitive à la Russie, et colonisés après 1945. Ils ont connu deux brèves périodes d'indépendance, de 1918 à 1940 et depuis 1991. Leur crainte se conçoit compte tenu de leur contentieux historique avec la Russie, mais le zèle otanesque n'est peut-être pas la plus habite stratégie de long terme. Il y a là pour les États-Unis une claire provocation envers Moscou, non seulement dans ces manœuvres mais aussi dans leur publicité.
Bush II avait réalisé en 2004 l'élargissement de l'Otan jusqu'aux pays baltes, immédiatement frontaliers de la Russie pour la Lettonie et l'Estonie, chose jugée inadmissible à Moscou, à l'époque comme aujourd'hui. Pire, Bush II comme Obama ont aidé les éléments antirusses en Géorgie et en Ukraine, en promettant une intégration à terme à l'Otan, perspectives encore plus insupportables pour la Russie. Il en est résulté la guerre de Géorgie de 2008, perdue par les alliés de Washington, et celle d'Ukraine de l'Est, en cours depuis 2014. Loin de reculer encore, la Russie a au contraire annexé la Crimée en 2014, région stratégique essentielle en Mer Noire. De même a-t-on assisté à un affrontement stérile avec la Russie dans le cadre du conflit syrien, en cours depuis 2011 les États-Unis ont ainsi systématiquement soutenu les mouvements armés rebelles islamistes, dits faussement "modérés" Cette politique américaine aberrante a, involontairement mais effectivement, conduit à l'émergence du Califat à partir du printemps 2014, qui résiste encore en janvier 2017 à Mossoul, Raqqa, Palmyre. Le prétendu nouvel impérialisme russe n'est donc finalement qu'une réaction défensive contre un impérialisme, lui, très réel.
Cet impérialisme américain, qui se réclame d’un messianisme émancipateur universel confus ne sert nullement les vrais intérêts nationaux des États-Unis. Donald Trump l’a fait maintes fois remarquer avec un bon sens jusque-là trop rare, sacrilège, interdit. Il a promis de changer radicalement les choses. Il est toutefois déjà revenu sur ses déclarations de campagne envisageant alors sereinement là dissolution pure et simple de l'Otan. Un assainissement radical de long terme de la politique internationale n'est donc pas à attendre probablement, même si l'on peut espérer une sortie a minima de la logique dangereuse des manœuvres antirusses. Les présidents Poutine et Trump ont d'ailleurs échangé des mots aimables dans les derniers jours de décembre. Le président russe a eu la sagesse d'ignorer les graves provocations d'Obama, évidemment multipliées pour imposer mordicus une logique conflictuelle à son successeur. Cette basse et dangereuse manœuvre devrait heureusement rester sans effets.
Ainsi, il n'existe pas de raisons profondes d'entretenir une nouvelle guerre froide avec la Russie. À ce sujet, Donald Trump fait preuve d'un bon sens indiscutable. Les "rebelles" syriens sont des djihadistes indéfendables. Le plus simple et pertinent serait de laisser la Russie repousser, sinon détruire, l'insurrection islamiste sunnite en Syrie, en lien avec le régime de Damas. Quant aux alliés géorgiens et ukrainiens de Washington, qui ont du reste échoué dans la gestion de leurs pays, ils pourraient être sacrifiés sans trop de dommages à un rapprochement majeur entre Moscou et Washington.
Un basculement stratégique antichinois ?
À l'inverse de l'agressivité contre la Russie, Bush II et Obama ont été systématiquement conciliants avec la Chine. Le libre-échange, à peu près général et total en principe entre les deux pays, profite massivement à la Chine, avec des décennies de lourds déficits commerciaux américains cumulés, ce qui tue certains secteurs entiers de l'industrie américaine, et à terme en menace beaucoup d'autres. Bush II comme Obama ont toujours récité le credo libre-échangiste, dans son approche la plus naïve tous les partenaires du libre-échange y gagneraient. C'est faux en réalité, et d'autant plus faux si un des partenaires triche, protégeant subtilement son marché intérieur, comme c'est le cas de la Chine. Tout au plus les présidents américains antérieurs ont-ils émis, rarement, des protestations symboliques, ou de timides gesticulations navales, devant l'avancée territoriale de la Chine. En Mer de Chine Méridionale, l'armée chinoise transforme par poldérisation des îlots rocheux, à la souveraineté initialement contestée, à peine, voire pas du tout émergés, en îles véritables et bases aériennes et navales chinoises, ce qui inquiète tous les pays voisins. Cet alignement général sur la Chine n'a, au plus, pas exclu quelques gesticulations symboliques minimales face à un impérialisme régional chinois indiscutable, afin de manifester une solidarité minimale envers les alliés régionaux traditionnels, comme les Philippines ou le Japon. Les Nippons ont été déçus du soutien fort modéré obtenu de Washington face aux contestations régulières de souveraineté émises désormais par la Chine sur de petites îles isolées et inhabitées, mais japonaises, sises entre l'archipel nippon méridional des Ryükyü et la Chine. Donald Trump a abordé la question chinoise avant tout sous l'angle économique : ces importations chinoises massives détruisent depuis des décennies des pans entiers de l'industrie américaine, en particulier dans le secteur de l'acier. Demain, l'automobile pourrait également être menacée, en suivant la trajectoire actuelle. Dans une perspective de rudes négociations, impliquant l'application de droits de douane sévères, avec des représailles inévitables sur le charbon et les blés américains exportés en Chine, Donald Trump a manifesté sa fermeté sur ce sujet, ainsi qu'un franc soutien aux adversaires régionaux de la Chine, comme le Japon, la Corée du Sud, et même Taïwan. Il a accepté de recevoir directement les félicitations téléphoniques de la présidente de l'île de facto sécessionniste, ce qui a été considéré comme une provocation inadmissible par Pékin.
La question se pose de savoir s'il s'agit d'une agitation, pour l'instant seulement verbale, afin de faire passer sans difficulté les nécessaires mesures protectionnistes, sous la menace d'une guerre froide régionale effective aux frontières effectives de la Chine, ou s'il s'agit au contraire d’une approche de refoulement, non seulement des marchandises chinoises, mais de la puissance chinoise. Ce refoulement s'appuierait sur les alliés régionaux des États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, les Philippines, qui seraient fermement soutenus. Nombre d'indices laissent envisager plutôt la deuxième hypothèse. Peut-être s'agit-il d'une grande stratégie reaganienne voulant ruiner la Chine, comme l'URSS dans les années 1980, par un effort d'armement disproportionné. Cette stratégie comporterait des risques de dérapages réels, comme une invasion de Taïwan par la Chine continentale, qui en a les moyens. Donald Trump a également manifesté de la compréhension pour le nouveau président philippin Duterte et sa politique énergique, fort discutée, de maintien de l'ordre : elle comporte des milliers d'exécutions sommaires de "drogués" Duterte fait figure d'épouvantail pour la bonne conscience progressiste internationale, loin de s'en offusquer, le président philippin s'en amuse beaucoup. Donald Trump a osé encore une fois briser les tabous médiatiques définissant arbitrairement le bien et mal, le fréquentable et l'infréquentable. Il déclaré comprendre Duterte et sa politique. Le président élu espère certainement maintenir, sinon dans l'alliance américaine, Duterte dans une position équilibrée entre Pékin et Washington.
Face à un adversaire chinois clairement désigné, il faut donc s'attendre a priori à la plus fermeté du futur président américain. Ses déclarations de campagne avaient pu recevoir deux interprétations : ou un retrait des États-Unis de la zone Asie-Pacifique, ou un maintien sur place mais avec un effort militaire national supplémentaire des alliés régionaux, en particulier la Corée du Sud et le Japon, invités ni plus ni moins à acquérir leur propre armement nucléaire. Il ne serait du reste pas plus illégitime que celui de la Corée du Nord. Ces capacités nucléaires autonomes asiatiques donneraient davantage de marges de manoeuvre à Donald Trump en cas de conflit, quoi qu'il en soit. Signalons simplement le deux poids deux mesures consistant d'une part à envisager sereinement une capacité nucléaire militaire pour Tokyo et Séoul, et d'autre part à devenir hystérique au sujet d'un programme iranien semblable, pour le moins très hypothétique, probablement abandonné depuis de nombreuses années. (À suivre...)
Scipion de SALM Rivarol du 5 janvier 2017