Les élections du 13 octobre à la Diète régionale de Bavière ont donné lieu de ce côté-ci du Rhin aux commentaires les plus fantaisistes et les plus fielleux.
La CSU, parti chrétien social bavarois, étant l'allié de droite du parti de Frau Merkel au plan national, et désormais la troisième composante de la Grosse Koalition au gouvernement, GroKo, formée avec les socialistes, il est extrêmement tentant pour des commentateurs français[1] de pontifier sur un prétendu effondrement de la droite.
En même temps ils alimentent à peu de frais la chronique de la fin du long règne de Merkel. Ils anticipent ainsi un peu vite. On ne pourra commencer à confirmer l’affaiblissement de la chancelière véritablement, après son recul de 8 points à 32,7 % en 2017, qu'au soir du 28 octobre, au vu des résultats du Land de Hesse, dans la mesure où ce sera la CDU et non la CSU qui sera comptabilisée.
On peut le souhaiter éventuellement mais on ne saurait, comme le fait si élégamment Donald Trump aux Etats-Unis, vendre la peau de cet ours avant de l’avoir tué.
La CSU a lourdement reculé, certes. Mais son leader national le ministre actuel de l'Intérieur Seehofer, critique ouvertement depuis des mois la politique migratoire, affirmée depuis 2015 par Mme Merkel. Il est donc assez difficile de confondre le recul de l'un avec l'usure évidente du pouvoir de l'autre et son impopularité relative en tant que chancelière. Mais, ne l'oublions jamais, la France se montre, plus encore que le pays de Descartes, celui de Voltaire et de ses sarcasmes.
Le parti bavarois n’a nullement atteint son plus bas historique : après avoir obtenu 52,3 % des suffrages en 1946, il en obtiendra 27,4 % en 1950. Cette CSU a pris le contrôle du pouvoir à Munich en 1957, étant alliée à l'époque avec les libéraux du FDP et le parti des réfugiés.
Avec 37,3 % des voix cette année, ce qui est souligné comme un très important recul (-10,4 %), la CSU se trouve toujours à la première place, une fois de plus, depuis un demi-siècle. Très peu de forces politiques en Europe peuvent se prévaloir d'un pourcentage pareil et d'une stabilité comparable. Remarquons aussi sa forte résilience : en 2008 déjà la CSU avait perdu la majorité absolue. Elle l'avait retrouvée en 2013.
Il semble donc aujourd'hui qu'elle formera à nouveau le prochain gouvernement du Land. On observe que les Grünen, avec 17,6 % des voix, prennent petit à petit la place des sociaux-démocrates, eux-mêmes en crise, dans toute l'Europe.
Le parti dit des électeurs libres, FW, Freie Wähle mériterait un peu plus d'attention. Car, alliée de la CSU cette petite formation de tendance libérale-conservatrice a obtenu 11,6 % des voix et compte 27 élus, avec lesquels les 85 députés CSU pourront former une majorité plus cohérente que celle de Berlin.
Si le slogan Merkel muß weg continue de se répandre, nul ne sait le jour et l'heure. En revanche la cause en semble assez claire : sa politique d'accueil des réfugiés et immigrés provoque une explosion de mécontentements dans toute l'Europe, sous des formes différentes, depuis la Suède jusqu'à l'Italie, en passant par l'Angleterre[2] et jusqu'en Hongrie. En Autriche elle a conduit à la chute historique des sociaux-démocrates. En Bavière elle a produit une nouvelle poussée du parti Alternativ für Deutschland qui obtient 10,21 % et fait avec 22 députés son entrée au Landtag.
On est tenté de poser la question : est-ce grave docteur ?
Ce qui est gravissime c'est que nous soyons gouvernés par des gens qui jugent ces réactions des peuples, pourtant logiques et prévisibles, immorales, incorrectes, inappropriées, en un mot : populistes.
Apostilles
[1] "Spécialistes" qui souvent ne semblent manifestement pas parler un mot d'allemand.
[2] Le refus de l'immigration semble la grande cause du Brexit.
http://www.insolent.fr/2018/10/baviere-la-le%C3%A7on-des-elections-regionales.html