Le libéralisme est aujourd'hui critiqué de toutes parts, la crise économique et financière ayant clairement fait apparaître ses limites. Est-ce cependant en se bornant à souligner la malfaisance de la finance de marché que l'on peut sérieusement comprendre le libéralisme comme programme philosophique global fondé sur l'axiomatique de l'intérêt et la dynamique des droits subjectifs ? Que penser de ceux qui lui opposent l'idéologie des droits de l'homme, la défense des « minorités » et la « lutte-contre-toutes-les-discriminations » au sein d'un monde où toutes les frontières auraient disparu ?
C'est effectivement tout le problème comment, à partir du constat évident (que seul un cadre du MEDEF -ou un animateur de Canal Plus - pourrait feindre d'ignorer) d'une dysfonctionnalité structurelle du modèle capitaliste, devient-il possible de produire une critique à la fois radicale et totalisante de la « civilisation libérale », c'est-à-dire une critique capable d'identifier le mal à sa racine et prenant en compte la multiplicité de ses modes de manifestation? La question paraît d'autant plus légitime qu'elle se trouve, en règle générale, totalement éludée du débat public contemporain - y compris par ceux qui ont fait de la dénonciation du « monde de la finance » et de la critique de la « société de consommation » un titre honorifique ou une rente médiatique.