Charles Péguy nous vient de loin, du fin fond de l'histoire de France. C'était un républicain qui ne votait pas et un chrétien qui ne communiait pas, disait de lui Jean Guehenno. Légataire d'une tradition pluriséculaire, il aura incarné plus que nul autre l'âme d'une nation. Auteur d'un roboratif Péguy de combat (Les Provinciales, 2007), Rémi Soulié en dévoile toutes les facettes.
Lorsque Bernanos évoque Péguy, c'est d'abord le rythme de la marche qu'il entend « Une deux, une deux... » Comme tous les grands écrivains, il a l'oreille musicale et, en l'occurrence, se montre à l'écoute de l'essentiel : les pas du laboureur, du fantassin et du pèlerin. Péguy arpentait les rues du Quartier latin ou les plaines du Hurepoix et de la Beauce comme ses ancêtres les champs de l'Orléanais et du Bourbonnais, avec patience, ténacité et obstination. Nuls vers (nulle prose aussi, sans doute) n'illustrent plus justement l'antique étymologie latine du versus, le « sillon », la versura étant l'extrémité du sillon où les bœufs se retournent, comme le rappelle Pierre Boutang dans son Art poétique. Têtu, Péguy ressasse en litanies, manière pour lui d'être fidèle à son catéchisme et à la grammaire - qui sont au fond une même chose autant dire, à sa race.
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