[Ci-contre : L'exode vers l'Ouest des paysans de Prusse orientale en 1945]
Vergangenheitsbewältigung, c'est un terme germanique qu'aucun francophone ne retiendra, s'il n'a pas une connaissance assez approfondie de la langue de Goethe. Que signifie-t-il ? “L'acte de vouloir surmonter le passé” ; dans le contexte de la RFA contemporaine, il s'agit de la volonté de gommer, biffer, araser des mémoires tout ce qui se rapporte objectivement au national-socialisme et aux années de guerre et traquer toutes les traces que cette idéologie et ce régime ont laissées dans la réalité allemande. Sujet généralement tabou, du moins si on veut l'aborder avec un minimum d'objectivité, la Vergangenheitsbewältigung (VB), écrit Mohler dans un brillant essai récent, est un sentiment chargé d'émotions puissantes. Mais un sentiment qui a son histoire, avant d'être devenu la routine et le lot quotidien des Allemands contemporains.
Le mirage du sensationnel
Pour Mohler, la VB est objectivement impossible à réaliser parce que le passé est bel et bien passé et que les virtuoses du camouflage, des fumigènes, auront beau jeu d'exercer leurs talents : jamais le passé d'un peuple n'a été entièrement biffé des mémoires, même si des distanciations d'inégale importance ont pu s'opérer. L'histoire referme toutes les plaies et apaise les haines. La VB a essentiellement été véhiculée par les média qui, eux, parient systématiquement sur le sensationnel, donc doivent exclure, pour des raisons pragmatiques et commerciales, toute espèce d'objectivité qui apparaîtrait fade. De ce fait, seuls ceux qui sont représentables comme “anges” à 100 % ou comme “démons” à 100 % intéresseront les média. L'homme normal, le fait banal, eux, ne sont pas instrumentalisables dans la lutte contre l'ennui et la morosité qu'engagent quotidiennement les média.
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