Balbino Katz, chroniqueur des vents et des marées
Je venais de quitter le bar de l’Océan au Guilvinec, abandonnant derrière moi le brouhaha des voix et ce mélange tenace de café corsé et de vin blanc qui imprègne l’air des ports. En longeant le quai, je gagnai le pont qui conduit à Lechiagat. Tandis que je le franchissais, je me surpris à évoquer les récits de ma mère : avant-guerre, me disait-elle, cet ouvrage n’existait pas. À marée basse, on passait d’une rive à l’autre en sautant de pierre en pierre, au risque de choir sur les goémons luisants. À marée haute, il fallait recourir aux passeurs, silhouettes robustes maniant à la godille leurs canots trapus pour conduire hommes et femmes d’un bord à l’autre.