Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1049

  • Krisis 46 : Nation et souveraineté ?

    6a0147e4419f47970b01bb0973a776970d-800wi.jpg

    Nous vivons à l’ère de la mondialisation. Les flux de communication n’ont jamais été aussi intenses. Nous échangeons sur les réseaux sociaux avec des Américains, des Brésiliens ou des Chinois, alors que, dans le même temps, nous ignorons parfois jusqu’au nom de notre voisin de palier. Le monde moderne rétrécit la distance qui nous sépare du lointain, tout en nous éloignant paradoxalement de notre prochain, c’est-à-dire de celui qui se trouve au sens propre «juste à côté de nous».

    La modernité engendre des bienfaits indéniables, sans lesquels nous ne pourrions plus vivre : nous sommes heureux de voyager, de découvrir d’autres contrées avec une facilité inédite dans l’histoire. Mais la mondialisation implique un brouillage des repères. Tout évolue à un rythme frénétique. Autrefois, les hommes vivaient dans le même monde, de la première à la dernière heure de leur vie. Or, depuis un demi-siècle, notre paysage a été considérablement dépaysé. Nous sommes confrontés à des produits matériels et culturels venus des quatre coins du globe, comme les plats que nous mangeons, les films que nous regardons ou les vêtements que nous portons.

    Et nous voyons surgir à chaque décennie une véritable révolution technologique qui bouleverse la société: l’automobile, la télévision, le téléphone portable, l’Internet. Face à des changements aussi rapides, l’ici et l’ailleurs n’ont plus guère de signification. Les gens finissent par se demander qui ils sont, et d’où ils viennent. Cette situation explique la résurgence de l’idée nationale dans le discours politique. Devant l’infini de l’horizon, on cherche à renouer des racines. Reste à savoir sous quelle forme, et par quels moyens.

    Lire la suite

  • Pour que la droite retrouve sa liberté, elle doit réduire les interdits édictés par la gauche

    Suite de notre entretien avec François Bousquet sur son ouvrage, La Droite buissonnière (première partie à retrouver ici) :

    6a00d83451619c69e201b7c8d12e68970b-250wi.jpg4) Patrick Buisson est l'un des penseurs de la fameuse droite HLM (hors les murs). Mais, depuis les primaires LR, on peine à voir l'espace politique de cette droite HLM. N'est-elle qu'un concept culturel ou peut-elle aussi avoir une existence politique et même électorale ?

    Sur le papier, le scénario était séduisant, manquait seulement une tête d’affiche électorale pour lui donner corps dans cet espace politiquement inoccupé qui va de Laurent Wauquiez à Marion Maréchal Le Pen. La droite hors les murs a vécu, faute de personnalité susceptible d’en porter le projet. Il s’agissait dans l’esprit de Buisson de conjurer le spectre du régime des partis et de créer les conditions d’une candidature hors les murs. Lui et d’autres ont pu imaginer un temps qu’une initiative portée par les réseaux sociaux pourrait accoucher de ce candidat. Mais si l’initiative populaire ne manque pas de vertus, elle n’a pas celle de créer ex nihilo un homme providentiel. Si politiquement parlant la droite hors les murs a été un échec, il en va différemment métapolitiquement. La troïka, Zemmour, Villiers, Buisson, collectionne les succès de librairie et les « unes » de magazine. Faute de mieux, tous les trois œuvrent seulement dans le champ culturel, mais avec une force de frappe médiatique et éditoriale redoutable.

    5) Le positionnement de Patrick Buisson est étrange : il semble plongé dans la politique électorale et déclare, dans le même temps, que le seul combat qui l'intéresse est le combat culturel. Comment concilier ces deux axes stratégiques ?

    Les deux ne sont pas incompatibles. Une des singularités de Buisson, c’est d’être à la croisée de plusieurs disciplines habituellement étanches les unes aux autres : le monde des idées, le journalisme, le conseil politique, l’ingénierie des sondages. Cette rencontre, à l’interface de la pratique et de la théorie, fait son originalité. Il aurait pu se contenter d’être un spécialiste de la carte électorale, mais il y ajoute sa connaissance du temps long et l’éclairage de l’histoire des mentalités, ce qui donne à ses analyses une profondeur de champ qui fait généralement défaut aux commentateurs de la vie politique. Cela étant dit, l’essentiel demeure pour lui le combat culturel. Il a repris à la Nouvelle Droite et à Alain de Benoist l’idée d’un gramscisme de droite, du nom du théoricien italien marxiste qui a théorisé le concept d’hégémonie culturelle, préalable à la prise du pouvoir politique. C’est cette perspective du combat des idées qui est prédominante chez lui et c’est dans une dynamique typiquement gramscienne qu’il a inscrit son action auprès de Sarkozy. Si d’un mot on doit résumer les enjeux de la ligne Buisson, c’est de s’être donné pour mission de réduire le périmètre de l’interdit. En clair : est souverain celui qui maîtrise le champ symbolique des interdits, celui qui a le pouvoir de dire le licite et l’illicite. La souveraineté politique procède de cette souveraineté symbolique, pour l’heure propriété exclusive de la gauche morale, culturelle et institutionnelle. Tout le travail de Buisson auprès de Sarkozy aura consisté à réduire cet avantage moral et à délester la droite de son « surmoi » gauchiste.

    6) Il est beaucoup question de « droitisation » de la vie politique ou de mouvement « dextrogyre ». Pourtant, la gauche paraît toujours très forte et la droite très éloignée de ses valeurs traditionnelles (même François Fillon qui a manifestement séduit l'électorat « conservateur » tient à manifester qu'il est prudemment éloigné…). Cette droitisation n'est-elle pas un fantasme ?

    La droitisation est agitée comme un épouvantail par la gauche pour dénoncer les « paniques morales » qui affecteraient les droites. Il n’empêche : difficile de contester ce mouvement dextrogyre. C’est Guillaume Bernard qui a lancé l’expression. Buisson préfère parler de dextrisme, image renversée du fameux sinistrisme observé par Albert Thibaudet et qui, depuis la Révolution, décrit le glissement à gauche de la vie intellectuelle. À la droite, le style (et lui seul), disait Thibaudet. À la gauche, tout le reste, qui se réduit aujourd’hui à peau de chagrin. De toute évidence, la gauche touche à la fin d’un cycle historique. Dans tous les cas, la promesse d’égalité dont elle était porteuse n’a plus lieu d’être. La gauche articulait l’idée de justice sociale et celle de progrès. Deux mythes, celui de l’égalité et celui du progrès, l’un et l’autre en crise. Il s’est peut-être produit en politique ce qui se produit à intervalles réguliers, mais très lointains, au niveau du champ magnétique terrestre : une inversion des pôles. On n’en voit pas les effets immédiats, sinon à travers la poussée des populismes, parce que ses effets se déploient dans le temps long et se heurtent à une fin de non-recevoir de la part du pays légal, où l’emprise de la gauche et sa rente de monopole dans les médias, la culture et l’enseignement sont pour ainsi dire totales. C’est elle qui sermonne et qui exclut suivant un processus de raidissement idéologique connu. Quand le temps des théologiens est révolu, vient inévitablement celui des exorcistes. D’où les rituels de conjuration collective, les procédés d’hystérisation, les épurations sémantiques.

    7) À beaucoup d'égards, le phénomène Macron est une sorte d'antithèse de la « ligne Buisson ». Comment interpréter ce phénomène qui, d'une part récuse le clivage droite-gauche si important dans les analyses de Patrick Buisson, et d'autre part semble totalement « hors-sol », aussi éloigné que possible du peuple français ?

    Macron apparaît comme la réponse du système à la montée des populismes, sur le modèle des coalitions à l’allemande, dont il aimerait incarner la version hexagonale, renvoyant les populismes dos à dos dans un isolement sans issue. Ce à quoi on assiste, bien plus qu’au dépassement du clivage droite-gauche, c’est à la reconstitution de l’unité philosophique des deux libéralismes, l’économique et le culturel, dont l’œuvre de Michéa retrace depuis vingt ans la généalogie. Macron en est incontestablement la déclinaison française. Il répond à la nouvelle sociologie électorale des grandes métropoles, une population intégrée à la mondialisation, qui a tourné le dos à la France déclassée et majoritaire pour épouser la cause des minorités et imposer son agenda politique sorti tout droit des Femmes savantes et des Précieuses ridicules, où Bélise, Philaminte et Trissotin (le trois fois sot) dissertent du sexe des genres. Il ne faut pas désespérer : si Molière a triomphé des pédants, le sens commun devrait pouvoir retrouver droit de cité dans les années qui viennent.

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2017/02/pour-que-la-droite-retrouve-sa-libert%C3%A9-elle-doit-r%C3%A9duire-les-interdits-%C3%A9dict%C3%A9s-par-la-gauche.html

  • La monarchie républicaine à la française, par Philippe Conrad

    nrh88-300x378-278x350.jpgLe texte que nous publions ci-dessous est l’éditorial du n° 88 de la Nouvelle Revue d’Histoire, dont Philippe Conrad est le directeur, daté de janvier-février 2017. Son dossier : « La République et ses présidents ». De Louis-Napoléon Bonaparte à Charles de Gaulle. A noter que ce numéro comprend également un entretien avec Philippe de Villiers, « Faire de l’histoire autrement ».

    « Les citoyens vont bientôt être appelés à désigner le successeur à l’Élysée de François Hollande et le suffrage universel sacrera ainsi celui qui sera le neuvième président de la Ve République. Institué depuis le référendum constitutionnel de 1962, et régulièrement renouvelé depuis les élections de 1965, ce rituel fait aujourd’hui partie de notre paysage politique. L’élection présidentielle demeure pour les Français le moment démocratique par excellence, un scrutin plébiscité par l’opinion et qui bénéficie de la participation électorale la plus forte. Un demi-siècle après les empoignades qui accompagnèrent l’adoption du suffrage universel direct pour désigner le chef de l’exécutif, les protestations indignées des juristes et des ténors du « Cartel du non » paraissent aujourd’hui bien dérisoires. Les velléités de certains d’en finir avec un « pouvoir personnel » soupçonné de violer les grands principes démocratiques ne paraissent guère en mesure de changer une pratique désormais solidement installée.

    Vieille de plus d’un siècle et demi, l’institution présidentielle a connu plusieurs mutations significatives. Une fois la République proclamée en 1792, les constituants de l’an I et de l’an III prirent bien soin d’écarter toute personnalisation du pouvoir exécutif susceptible de rappeler une royauté désormais honnie. Mais les hommes de thermidor ne purent empêcher un jeune général couvert de gloire d’instaurer une monarchie impériale fondée sur le culte de l’homme providentiel.

    Les révolutionnaires de 1848, s’inspirant du modèle américain, confièrent le pouvoir à un président élu au suffrage universel, mais Louis-Napoléon Bonaparte eut vite fait d’en finir avec la seconde République. Les constituants de 1875, qui souhaitaient une rapide restauration monarchique, introduisirent le septennat, conçu sur mesure pour Mac Mahon. Mais la victoire électorale des républicains, et l’épreuve de force qui suivit, conduisit le vieux maréchal à « se démettre » pour laisser la place à Jules Grévy qui, dès 1848, n’avait pas caché son hostilité à l’institution présidentielle.

    Pour conjurer toute tentation de « césarisme », l’oligarchie parlementaire s’imposa ensuite comme seule détentrice de la souveraineté nationale, l’hôte de l’Élysée se voyant réduit au rôle « d’inaugurateur de chrysanthèmes ». Quand Grévy doit démissionner pour « avoir le malheur d’avoir un gendre », Clemenceau, grand pourfendeur de la présidence, annonce publiquement qu’il « vote pour le plus bête », avant de la réduire à « un organe aussi inutile que la prostate »… Après lui, Casimir-Perier et Alexandre Millerand veulent disposer, dans l’intention de jouer un rôle significatif, des pouvoirs que leur accorde la constitution de 1875 mais ils sont contraints à la démission. Fallières et Doumergue brillent par la popularité dont ils bénéficient dans l’opinion, alors que le malheureux Albert Lebrun apparaît à peu près inexistant.

    L’éphémère IVe République reproduit la IIIe, même si René Coty sait prendre ses responsabilités en 1958. Tout change avec le retour au pouvoir du général de Gaulle qui fonde, en s’appuyant sur une très large majorité de Français, une Ve République dont le président constitue la clef de voûte. Une mutation contestée par ceux qui dénoncent alors « le coup d’État permanent » mais qui s’accommoderont très bien, une fois leur tour venu, du nouveau régime…

    L’adoption de l’élection du président au suffrage universel viendra compléter l’édifice institutionnel et conforter le lien particulier désormais établi, au-delà des combinaisons partisanes, entre un homme et le peuple français. Bientôt sexagénaire, la Ve République paraît solidement établie, même si l’introduction du quinquennat et la récente apparition des primaires ont quelque peu modifié la donne. Reste la qualité des hommes, alors que les tentations démagogiques, la vacuité idéologique et l’hégémonie de la « communication » ont lourdement plombé les derniers mandats.

    Le cadre institutionnel n’est pas en cause mais peut on espérer, à la veille d’une échéance majeure, le succès d’un(e) candidat(e) qui, porteur d’un diagnostic solide quant à l’état du pays, sera en mesure, au nom de l’intérêt général, d’échapper à la bien-pensance imposée par la médiacratie et aux blocages nés de corporatismes devenus obsolètes.

    Philippe Conrad

    En vente chez les marchands de journaux ou à commander ici.

    http://fr.novopress.info/page/6/

  • L’Humanisme c’est la guerre (II/VI)

    Ou comment faire de Jean Bodin l’icône de l’humanisme.

    Aux racines de notre monde

    Réinterpréter l’aphorisme de Jean Bodin devrait nous permettre de comprendre comment on en est arrivé là. C’est un homme du 16e siècle prenant acte de toutes les mutations s’opérant à cette époque qualifiée de ‘Renaissance’ par les Moderne, car elle rompt avec l’esprit du ‘Moyen-âge’ animé par une conception religieuse de l’Homme. Aux 14e et 15e siècles, peste et guerres incessantes amènent à s’interroger sur la viabilité de pratiques politiques d’essence religieuse. Les mutations surviennent. Alors que le 13e siècle était un âge d’or, le 14e et le 15e sont catastrophiques. La peste noire aurait fait mourir un tiers, voire la moitié de la population européenne, faisant entre 40 et 100 millions de victimes. C’est ensuite la Renaissance. La féodalité cède le pas à la constitution des Etats envisagés plus stables qu’un modèle politique reposant sur le morcellement de l’espace politique.

    Les royaumes deviennent des Etats. Les langues forgent l’esprit national. François 1er (1539 : ordonnance de Villers-Cotterêts) impose le français comme la langue du Royaume de France, obligeant les Anglais à construire leur propre langue au nom d’une rupture identitaire. L’Europe sort d’une crise démographique majeure ayant amputé sa population. On sait où est l’Amérique. Etc. C’est dans ce contexte de mutations profondes qu’un auteur s’interroge sur les fondements de la puissance politique. Machiavel (1469 – 1527) est reconnu comme l’auteur rompant avec le principe de l’élection et de la morale comme fondements du pouvoir pour lui préférer des pratiques plus terrestres. Apparaîtra alors la raison d’Etat culminant avec le Traité de Westphalie (1648) où la France catholique soutient les princes protestants allemands contre la maison des Habsbourg à la tête de l’Empire, elle aussi catholique. L’Eglise de Rome cesse dès lors d’être le pivot de la géopolitique européenne. Le protestantisme s’impose. Ayant été éliminé de France, la laïcité s’y substituera pour porter la Modernité. La cosmologie change avec la confirmation de l’héliocentrisme. La Science sera dans son prolongement la philosophie de référence de la Modernité. Dans son ouvrage majeur ‘Le Prince’, Machiavel analyse les jeux de pouvoir et montre comment devenir prince et le rester. Mais ces conseils sont pratiques, contrevenant aux impératifs moraux de l’époque. A l’origine de la RealPolitik fondant la raison d’Etat, le Machiavélisme est donc par essence immoral.

    Comprendre Jean Bodin

    C’est dans ce contexte que s’inscrit l’œuvre de Jean Bodin avec comme conclusion que le fondement de la puissance politique, c’est l’Homme. D’où la nécessité d’en instrumentaliser de plus en plus pour renforcer la puissance du Prince et donc par dérivation, de l’Etat. Il est alors impératif d’augmenter cette population, soit par croissance interne, soit par croissance externe.

    Les_Six_Livres_de_la_Republique_-_1576_-_couverture.jpgLes six livres de la République, de Jean Bodin

    La première sera soutenue par l’émergence d’une techno-science dont Ambroise Paré (1510-1590) en est, par exemple, un des premiers contributeurs. La maladie n’est plus une manifestation d’essence divine, mais un fléau que la techno-science combat. Quant à la croissance externe, elle sera alimentée par des conquêtes territoriales et l’exploration du monde dont la découverte des Amériques en 1492 pose le premier jalon. Le monde que nous vivons est créé à cette époque. L’encouragement à l’immigration allogène des pouvoirs publics contemporains est une manifestation de cet esprit dont les racines plongent dans le 16esiècle.

    Ainsi, alors que les pratiques sociales entre 500 et 1500 reposaient sur une économie du Salut, – le pécheur cherchant le salut de son âme – l’épanouissement du capitalisme au 16e siècle conduit à la valorisation de postures d’essence chrésmatiques. Le but est alors d’accumuler de la monnaie pour elle-même. Les mercantilistes encourageront cette pratique car elle est un moyen de renforcer la puissance du Prince par l’impôt. Adam Smith (1723-1790) louera l’égoïsme comme moteur de l’économie à l’origine de la richesse des nations, etc. Quant à Karl Marx (1818-1883), en phase avec Jean Bodin, il verra dans le prolétaire le réel créateur de plus-value économique, mais non plus au service du Prince, mais ‘volée’ par le capitaliste. L’économie politique devient alors la discipline de référence pour organiser les rapports sociaux avec comme but de favoriser l’artificialisation de l’écosphère. On appelle cela « le développement » ou « la croissance » aujourd’hui.

    Par un travestissement délicat à exposer en quelques lignes, cet humanisme envisagé comme le fondement de la puissance du Prince et de l’Etat s’est métamorphosé en impératif moral faisant de l’Homme l’essence de toute chose, justifiant sa transcendance à l’égard du monde naturel. La conséquence est que le dernier des éléphants vaut moins que le 7.678.456e humain apparu sur terre. Aussi, les humanistes ‘moraux’ pervertissant l’aphorisme de Jean Bodin voient dans les écologistes fondamentalistes les tenants d’un nouvel ordre politique dont l’Homme ne serait plus au sommet, mais simplement une partie de Gaïa. Luc Ferry a limpidement résumé cette posture dans le “Nouvel ordre écologique”… pour la combattre au nom de l’Humanisme.

    En effet, pour l’écologiste, aujourd’hui, la crise écologique remet tout en question. L’Homme n’est plus envisagé comme une richesse, mais comme une auto-menace compromettant son existence.

    L’Humanisme : une manifestation de l’hybris anthropocentriste

    La conséquence est que l’Humanisme réunit maintenant toutes les postures encourageant la singularité humaine contre les déterminismes naturels. Ainsi, la mort est devenue une hérésie pour les transhumanistes alors qu’elle était vue comme une libération chez nos aïeux. On ne discutera pas de l’origine de ces postures humanistes. Son origine est controversée. Les uns la voient dans la Bible, les autres dans la philosophie grecque. Etc. Elle marquerait le début de la civilisation. Laissons les spécialistes discuter. Un regard écologique l’envisage comme la consciencisation de la singularité humaine et donc l’instrumentalisation du Tout à son service, dont la Nature. C’est le fondement de la démesure (l’hybris, ou aussi hubris, du grec ancien) anthropocentriste dénoncée par les écologistes.

    Alors que Jean Bodin écrivait; « Or il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de citoyens : vu qu’il n’y a richesse, ni force que d’hommes : et qui plus est la multitude des citoyens (plus ils sont) empêche toujours les séditions et factions: d’autant qu’il y en a plusieurs qui sont moyens entre les pauvres et les riches, les bons et les méchants, les sages et les fous : et il n’y a rien de plus dangereux que les sujets soient divisés en deux parties sans moyens : ce qui advient ès Républiques ordinairement où il y a peu de citoyens. », les humanistes ont résumé sa posture par un impératif moral sous forme de litote : « il n’est de richesse que d’hommes » dont le sens est très différent des réflexions initiales.

    Les conséquences sont connues :

    – explosion démographique alors que l’Eglise imposait des normes sociales la contenant;
    – apport de la techno-médecine faisant vivre des individus condamnés ;
    – apport du capitalisme comme vecteur de l’artificialisation de l’écosphère, etc.

    La conséquence est une crise écologique potentiellement létale. Aussi, les écologistes attendent, – voire espèrent – maintenant la catastrophe équivalente à celle provoquant la fin du Moyen-âge comme déclencheur d’une mutation nous imposant une société éco-vertueuse, donc renouant avec les impératifs naturels. L’Ecologie en tant que science nous fournit les instruments pour penser cela, et parmi eux, les principes de fonctionnement des écosystèmes que la Modernité transgresse démesurément.

    Frédéric Villaret 27/01/2017

    http://www.polemia.com/lhumanisme-cest-la-guerre-iivi/

  • A propos de la question identitaire : l’autre nom du déracinement, c’est la barbarie

    Auteur d’un essai percutant, Le multiculturalisme comme religion politique, Mathieu Bock-Côté est interrogé par Philippe Maxence dans le dernier numéro de L'Homme Nouveau. Extrait :

    6a00d83451619c69e201b8d259a403970c-200wi.jpg"Nous assistons actuellement à une mutation de l’espace public en France. La révolution 68 est contestée dans ses fondements mêmes et les gardiens de cette révolution sont saisis de frayeur. Ils hurlent, ils insultent, ils crachent : on l’a vu notamment entre le premier et le deuxième tour de la primaire de la droite, où la gauche médiatique n’avait pas de mots assez durs pour François Fillon. Ce qu’on lui reprochait, manifestement, c’était de ne pas représenter l’ethos soixante-huitard, de témoigner de la permanence d’une certaine France historique qu’on croyait pourtant vaincue.

    Mais restons dans le domaine des idées : la véritable nouveauté, c’est qu’il est possible aujourd’hui de contester les fondements de la révolution 68 et non pas uniquement ses dérives. On se délivre ainsi du dispositif idéologique progressiste – j’entends par là que le progressisme n’accepte généralement d’être critiqué qu’à partir de ses propres principes. Il est permis de lui reprocher d’aller trop loin ou d’aller trop vite, mais on ne saurait lui reprocher dans la mauvaise direction. Ceux qui veulent faire autrement sont diabolisés. La droite avait accepté l’interdiction au point de consentir à évoluer dans le périmètre de respectabilité tracé par le progressisme. C’est peut-être ce qui éclate en ce moment. On ne se contente plus de dénoncer les effets pervers et les conséquences désastreuses de Mai 68. On remonte directement aux causes : on le critique dans ses fondements anthropologiques. Quelle conception de l’homme s’est imposée dans la dynamique des radical sixties ? On commence à comprendre que l’homme ne court pas seulement derrière l’accroissement des biens matériels ou des prestations sociales. On redécouvre la figure de l’homme comme héritier et les vertus de la continuité historique. C’est ce qui se trouve derrière la fameuse question identitaire, qui fait resurgir, si vous me passez l’expression, l’impensé de la modernité : le monde ne saurait être intégralement contractualisé, rationalisé, judiciarisé. Mais ne nous enthousiasmons pas trop vite : le progressisme est fragilisé mais il demeure dominant.

    Cette redécouverte est-elle une marque du conservatisme ?

    Oui. Je note avec bonheur un renouveau conservateur de la pensée politique française. En son centre, une conviction : l’homme doit résister à la tentation de l’ingratitude et au fantasme de la table rase, sans quoi il se décivilisera. L’autre nom du déracinement, c’est la barbarie. L’homme qui ne doit rien à ses pères et qui n’entend pas transmettre le monde à ceux qui suivront ne conserve pas le monde mais le consume. Le conservatisme est indissociable, aujourd’hui, du retour de la question nationale. Nous constatons enfin les limites d’un certain universalisme qui croit délivrer l’homme en le désincarnant. Et on ne peut pas définir un pays en faisant seulement référence à des valeurs universelles – ou comme on dit en France, aux valeurs républicaines. Par définition, les valeurs universelles ne sauraient caractériser l’identité spécifique d’une communauté politique. Il faut plutôt redécouvrir le particularisme qui fonde chacune d’entre elles. Le retour en force des thèmes de l’identité, du besoin d’enracinement, de la vision de l’homme comme héritier, du besoin d’autorité, témoigne d’une redécouverte de cette conception conservatrice du lien social. Et c’est tant mieux. Une philosophie politique repose toujours sur une anthropologie : nous retrouvons aujourd’hui certains besoins fondamentaux de l’âme humaine et nous cherchons à les traduire et les inscrire dans la cité. [Pour lire la suite, commander le numéro]"

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • L’Humanisme c’est la guerre (I/VI )

    I / VI – L’Humanisme, c’est la guerre ! – Comprendre l’Humanisme.

    Frédéric Villaret, chercheur indépendant, essayiste

    C’est l’Humanisme qui engendre les conflits meurtriers de ces derniers temps. Pas la nation…

    L’Humanisme en question

    Difficile de ne pas s’afficher humaniste aujourd’hui. Dire qu’il y a trop d’humains sur terre ou, pire, que nous serions trop nombreux en Europe ou en France garantit une condamnation sociale sans recours possible. La saillie de Nicolas Sarkozy sur la crise démographique que nous connaissons fut très mal accueillie par la bien-pensance et même ignorée des médias mainstream. Le buzz fit flop. Et pourtant, bien avant lui d’autres s’en étaient inquiétés. On citera Thomas Malthus (1766-1834) il y a deux siècles, et plus près de nous, Jacques-Yves Cousteau (1910-1997) ou René Dumont (1904-2001). Mais l’omerta est de rigueur sur ce thème, la bien-pensance imposant cette anarchie démographique au nom de l’humanisme. Entre un Africain de plus et un éléphant en voie de disparition de moins, la réponse s’impose : tant pis pour l’éléphant. Aussi, la posture écologiste est-elle envisagée comme un anti-humanisme, donc condamnable moralement. Et l’humaniste paraphrasant Jean Bodin (1530-1596) assène le coup définitif par : « Il n’y a de richesse que d’hommes ». Or aujourd’hui c’est la Nature qui est considérée comme une richesse. Ceci pour une raison simple. Elle se réduit comme peau de chagrin face à l’explosion d’une anthroposphère qui ne pourrait exister sans elle. Dès l’origine, les fondateurs du mouvement écologiste avaient pointé les démographies débridées comme source du mal.

    Dans cet esprit, c’est cet humanisme qui engendre les conflits meurtriers de ces derniers temps. La raison en est que l’humanisme en tant que composante de la Modernité transgresse tous les déterminismes naturels. Doit-on alors remplacer l’expression « Le nationalisme, c’est la guerre » par « L’humanisme, c’est la guerre ! » ?

    Le nationalisme, voilà l’ennemi

    La doxa d’aujourd’hui condamne le nationalisme au motif que celui-ci serait la cause des grands conflits depuis les guerres napoléoniennes jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Le peuple fut alors convié à ces ordalies jusqu’alors réservées à l’aristocratie terrienne instrumentalisant des déclassés sociaux dans leurs jeux.

    Mais le recours à des armes issues de la civilisation techno-industrielle oblige à mobiliser d’énormes ressources humaines pour passer à travers les balles. Sous cet angle, la guerre n’a rien à voir avec une forme politique donnée. Il y eut des conflits entre humains à toutes les époques et en tous lieux. La féodalité, le royalisme, la démocratie, l’impérialisme, les tyrannies de toute sorte et toutes les autres formes politiques adoptées ne sont ni meilleures ni pires, les unes par rapport aux autres, sur le plan écosystémique. Dans cet article, l’humanisme est sur la sellette.

    En revanche, selon ces mêmes lieux et époques, ces guerres sont plus ou moins violentes. Encore faut-il évaluer la nature de cet impact. Ainsi pendant la seconde guerre mondiale, les Américains eurent des pertes modérées par rapport aux Allemands ou aux Russes. Quelques centaines de milliers d’un côté; des millions de l’autre. Mais ces pertes étaient-elles comparables ? Les Américains perdirent environ 400.000 à 500.000 hommes jeunes en bonne santé, alors que Russes et Allemands sortirent de la guerre débarrassés de valétudinaires. Ainsi pendant le siège de Leningrad, près de 1 million de victimes civiles furent à déplorer. Mais l’essentiel était des gens fragiles; enfants souffreteux, indigents, malades, vieillards. La population en bonne santé survécut. Aussi, malgré des pertes importantes, Russie et Allemagne marquèrent l’après-guerre d’une vigueur démographique et économique remarquable. Au contraire d’une France, par exemple, dont l’atonie de l’entre-deux-guerres est attribuée aux pertes dans sa population masculine dans la force de l’âge en 14-18. Pour mémoire, 2,4 millions de pertes définitives, c’est-à-dire inaptes à se battre, donc à travailler; 1,4 millions de morts et 1 million d’invalides. D’un point de vue écologique, les morts ne se valent pas.

    Or, ce n’est pas le nationalisme qui a tué ces gens. Dans les deux derniers conflits mondiaux, des autocraties, des empires, des monarchies et des républiques luttaient contre des autocraties, des empires, des monarchies et des républiques. En revanche, ce sont des gaz, des bombes et des munitions de toutes sortes issus de la Modernité, mais à l’efficacité inconnue jusqu’alors, qui tuaient et handicapaient. Pour mémoire, la balle d’un fusil napoléonien était mortelle à quelques centaines de mètres alors qu’un fusil contemporain l’est à des milliers. On ne parlera pas de la bombe atomique ou des bombes au phosphore rasant Dresde. Il est incontestable que la civilisation techno-industrielle a permis une efficacité guerrière sans antécédent dans l’histoire. Mais ceci est-il la cause ou simplement la conséquence de postures l’ayant engendrée ? Humanisme et techno-industrie, deux composantes majeures de la Modernité, sont-ils à l’origine de ces mega-conflits ?

    Frédéric Villaret, 27/01/2017

    http://www.polemia.com/lhumanisme-cest-la-guerre-i/