culture et histoire - Page 1104
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Passé présent n°122 : La fabuleuse histoire du drapeau français
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L'effondrement du Christianisme à l'origine de la crise française et européenn
Le présent article est une analyse synthétique et interdisciplinaire de l'histoire de longue durée, à rebours des analyses superficielles et compartimentées sur les causes profondes des crises politiques (au sens large), économiques et sociales que traverse une partie du monde, et tout particulièrement l'Europe.
Ces crises superposées sont la manifestation d'une crise civilisationnelle dont la cause principale est la quasi-disparition de la religion traditionnelle européenne, à savoir le Christianisme.
Rome sauvée par le christianisme
L'on ne s'est pas suffisamment penché sur le lien de causalité entre la décadence de Rome à partir du IIP siècle (crise socio-économique) et l'effondrement préalable des religions païennes romaines. D'ailleurs, ce « vide religieux » avait provoqué des tentatives d'élaboration philosophique d'un sens de la vie terrestre comme celle de Sénèque (4 av. J.C.- 65 ap. J.C.) ou de l'empereur stoïcien Marc-Aurèle (121-180)(1).
Sans exagération, le parallèle entre la période historique de déstructuration religieuse de Rome et de sa subséquente décadence et la présente séquence historique que traverse l'Europe qui est caractérisée par le vide religieux, doit être fait. D'autant plus que certains se prenant pour des Sénèque et des Marc-Aurèle modernes, à l'instar de Vincent Peillon ou dans un genre plus candide, le philosophe de bistrot Michel Onfray, proposent - dans la tradition maçonnique, républicaine et laïque - une religion mondaine de substitution au Christianisme (j'y reviendrai plus bas).
C'est bien grâce à l'Eglise catholique romaine (dont la liberté est garantie en 325 par l'Empereur Constantin) que l'Empire romain a survécu à la domination de l'Europe par les barbares à partir du IV siècle. Le grand historien médiéviste Henri Pirenne (1862-1935) écrit à propos de l'Europe dominée par les barbares Ostrogoths, Wisigoths, Vandales et Mérovingiens :
« La cour des Mérovingiens est un lupanar... Partout règne un manque de moralité presque incroyable... L'ivrognerie semble être la manière de tous. Des femmes font assassiner leur mari par leur amant. Tout le monde est à vendre pour de l'or. Et tout cela sans distinction de race, aussi bien chez les Romains que chez les Germains. Le clergé même - et jusqu'aux religieuses - est corrompu, encore que ce soit chez lui que la moralité se soit réfugiée... Le sol de la Remania a bu la vie barbare... Au milieu de la décadence, il n'y a qu'une force morale qui subsiste : l'Église, et pour l’Église, l'Empire subsiste encore... »(2).
L’Église va, par ailleurs, jouer un rôle central de stabilisateur de l'Europe à partir du Ve siècle pour remédier aux carences impériales durant la longue et tumultueuse période des invasions barbares. L'Eglise sera aussi l'institution indispensable au bon fonctionnement des royaumes européens ; c'est elle qui formera les hauts fonctionnaires. Sans elle, l'Europe aurait certainement sombré dans une anarchie durable.
Comme le souligne Henri Pirenne, à partir de la période carolingienne (en particulier sous Charlemagne à la fin du VIIIe siècle), avec l’Église, apparaît une grande communauté chrétienne aussi large que l’Ecclesia et l'Occident vit alors de sa vie propre. Dès lors, l'Europe existe en tant que civilisation dont le socle est indéniablement le Christianisme.
La Révolution de 1789 comme outil de destruction de la civilisation européenne
L'on ne peut s'empêcher de voir dans la Révolution française la redite et même la prolongation continentale de la révolution cromwellienne qui avait, entre autres choses, pour objet la disparition du Catholicisme par le massacre de masse des populations catholiques, la destruction des églises et le meurtre des prélats(3). L'anthropologue, et psycho-sociologue Gustave Le Bon (1841-1931) a parfaitement saisi la finalité de la Révolution française, à savoir l'instauration d'une nouvelle religion (occulte) et d'un nouvel ordre à vocation universelle :
« On ne comprend bien, je le répète encore, certains événements historiques - et ce sont précisément les plus importants - que lorsqu'on s'est rendu compte de cette forme religieuse que finissent toujours par prendre les convictions des foules. Il y a des phénomènes sociaux qu'il faut étudier en psychologue beaucoup plus qu'en naturaliste. Notre grand historien Taine n'a étudié la Révolution qu'en naturaliste, et c'est pourquoi la genèse réelle des événements lui a bien souvent échappé. Il a parfaitement observé les faits, mais, faute d'avoir étudié la psychologie des foules, il n'a pas toujours su remonter aux causes. Les faits l'ayant épouvanté par leur côté sanguinaire, anarchique et féroce, il n'a guère vu dans les héros de la grande épopée qu'une horde de sauvages épileptiques se livrant sans entraves à leurs instincts. Les violences de la Révolution, ses massacres, son besoin de propagande, ses déclarations de guerre à tous les rois, ne s'expliquent bien que si l'on réfléchit qu'elle fut simplement l'établissement d'une nouvelle croyance religieuse dans l'âmes des foules. »4 Gustave Le Bon avait compris le fond de l’histoire... et ceci a été admis récemment par Vincent Peillon, ancien chercheur et ministre, dont les travaux ont porté sur les origines de la laïcité, et qui écrit à ce propos :
« La laïcité elle-même peut alors apparaître comme cette religion de la République recherchée depuis la Révolution... On ne peut pas faire une révolution uniquement dans la matière, il faut la faire dans les esprits. Or, on a fait la révolution essentiellement politique, mais pas la révolution morale et spirituelle. Et donc on a laissé le moral et le spirituel à l’Église catholique... Il faut remplacer ça... Il faut inventer une religion républicaine. Cette religion républicaine qui doit accompagner la révolution matérielle, mais qui est la révolution spirituelle, c'est la laïcité. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a pu parler au début du XXe siècle, de foi laïque, de religion laïque, et que la laïcité voulait être la création d'un esprit public, d'une morale laïque…»(5).
Ce que Vincent Peillon affirme, à savoir la volonté d'instaurer cette religion de substitution au Christianisme qu'est la laïcité, correspond - et ceci n'est pas une coïncidence - à la période de renforcement du Christianisme(6).
Conséquence sur la société contemporaine
Les conséquences générales de ce long processus commencé par la Révolution française ont été analysées en détail par l'historien, anthropologue et démographe Emmanuel Todd. Ses travaux mettent en évidence que le fond de la crise politique est la disparition de la religion qui structurait la société. Ainsi il écrit : « Républicanisme, socialisme, communisme se sont en pratique définis contre un catholicisme résiduel, qui les structurait pour ainsi dire négativement. La mort de cette religion a tué comme par ricochet les idéologies modernes.
Nous sommes ici tout proches de l'un des points nodaux de la crise qui, bien loin de n'affecter que la surface politique des choses, touche en réalité le socle métaphysique de la société, fonds de croyance irrationnelles et inconscientes venues d'une histoire très lointaine.
L'identification du fonds religieux de la crise nous permet d'éclairer certains aspects du malaise actuel, et en particulier la difficulté que peut avoir une société à vivre sans croyance religieuse.
L’athéisme a triomphé... L'histoire concrète de l'athéisme nous dit ; loin de mener au bien-être, l'émergence d'un monde sans Dieu conduit à l’anxiété, au sentiment d'un manque... Privé d'adversaire, l'athéisme doute, fléchit et s'effondre, La "déchristianisation conduit donc à une situation paradoxale : l'incroyant semble ne se sentir bien dans sa certitude que s'il y a encore dans la société une Eglise, minoritaire, mais porteuse d'une croyance positive en l'existence de Dieu, qu 'il peut critiquer et nier...
La disparition du dernier groupe solidement organisé de croyants donne le signal du mal être pour les vainqueurs, qui, libérés de tout, ne peuvent que constater qu'ils ne sont rien, rien qui ait un sens du moins. La mort de l’Église réactive la question de la mort de l'individu.
Au-delà de l'interrogation métaphysique de base, toutes les constructions idéologiques et politiques ayant pour fondement théorique l'inexistence du Ciel sont ébranlées. La disparition du paradis, de l'enfer et du purgatoire dévalorise bizarrement tous les paradis terrestres, qu'ils soient grandioses, de types stalinien, ou d'échelle plus modeste, républicain.
Alors commence la quête désespérée du sens qui, banalement, va se fixer sur la recherche de sensations extrêmes dans des domaines historiquement répertoriés : argent, sexualité, violence - tout ce que la religion contrôlait.
L'examen empirique de la réalité sociale montre la validité de cette séquence... L'argent, la sexualité et la violence sont désormais au centre de notre dispositif mental et médiatique. »(7).
L'examen empirique de la situation actuelle vérifie aussi par là même ce qu'anticipait Gustave Le Bon lorsqu'il affirmait dès 1895 que ce n'est pas l'évidente faiblesse des croyances socialistes actuelles (qu'on peut mettre dans la même catégorie que le républicanisme ou encore l'ultra-libéralisme) qui empêchera les religions de triompher dans l'âme des foules, puisque, affirmait-il, l'idéal de bonheur que promettaient ces dernières (les religions) ne devant être réalisé que dans une vie future, personne ne pouvait contester cette réalisation. Mais l'idéal de bonheur socialiste, disait Gustave Le Bon, devant être réalisé sur terre, dès les premières tentatives de réalisation, la vanité des promesses apparaîtra aussitôt, et la croyance nouvelle perdra du même coup tout prestige. L'Histoire, qui témoigne de l'échec de ces idéologies modernes, a donné raison à Gustave Le Bon(8).
Par conséquent, l'enjeu, dans un futur proche, sera de préparer le terrain, en France et en Europe, au retour du Christianisme. À moins qu'au point où en sont les choses il n'y ait plus qu'à attendre le retour du Christ en gloire et en majesté lors de la Parousie.
Jean Terrien. Rivarol du 22 septembre 2016
1. Voir : Emmanuel Todd, Après la démocratie, Gallimard, 2008, pp. 32-34.
2. Henri Pirenne, Mahomet et Charlemagne, Presses Universitaires de France, 1970, pp. 22-23,24.
3. Sur le rôle de Cromwell et l'implantation du messianisme juif en Angleterre voir : Youssef Hindi, Occident et Islam - Tome l ; Sources et genèse messianiques du sionisme, pp. 59-65.
4. Gustave Le Bon, La psychologie des foules, 1895, cité dans : Youssef Hindi, Les mythes fondateurs du Choc des civilisations, chap. V : Religion et modernité, souveraineté divine et laïcité, p. 183.
5. Vincent Peillon, La Révolution française n'est pas terminée, Seuil, 2008, cité dans : Youssef Hindi, op. cit., p. 176.
6. Voir : Emmanuel Todd, Après la Démocratie, p. 23.
7. Emmanuel Todd, op. cit., p. 32-34.
8. Youssef Hindi, Les mythes fondateurs du Choc des civilisations, chap. V ; Religion et modernité, souveraineté divine et laïcité.
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Éléments n°162. Demain la guerre civile ?
Le capitalisme a été pendant des décennies largement accepté dans la population pour trois raisons : il favorisait la croissance, il élevait le niveau de vie moyen et il permettait d’augmenter la consommation très au-delà du simple besoin matériel. Ces trois modes de légitimation ont aujourd’hui disparu. (…) Incapable de tenir plus longtemps sa promesse de progrès collectif, le capitalisme se trouve de ce fait dans un état critique sans commune mesure avec les crises conjoncturelles qui l’ont affecté dans le passé. (…)
L’économie réelle ne portant plus le système, celui-ci est en même temps devenu de plus en plus spéculatif et financier, non sous l’effet d’une « dérive », comme le croient beaucoup, mais tout simplement pour survivre : la financiarisation n’est qu’un dispositif de fuite en avant. Mais cette façon de faire a elle-même atteint ses limites. À l’endettement du secteur privé s’ajoute aujourd’hui une dette souveraine, étatique, qui a augmenté de manière exponentielle depuis vingt ans, et dont on sait parfaitement qu’en dépit des politiques d’austérité elle ne sera jamais payée. (…)
Faute de mieux, le système tente de gagner encore un peu de temps en faisant fonctionner à plein rendement la planche à billets, c’est-à-dire en fabriquant toujours plus de capital fictif. (…) Ces injections de liquidités massives, poussant à des placements spéculatifs plutôt que productifs, sécurisent artificiellement (et momentanément) les banques, mais ne font pas redémarrer l’économie. Et comme le progrès capitaliste a maintenant détruit tout ce qui pourrait le réguler ou le limiter, un nouveau krach mondial, beaucoup plus terrible qu’en 2008, se profile à l’horizon. (…)
Le système capitaliste est confronté à une contradiction de fond incontournable. Cette contradiction est celle qui tient à la baisse de la valeur des produits individuels comme conséquence inéluctable de la diminution du temps de travail moyen nécessaire pour la production d’une marchandise donnée, en raison des gains de productivité. D’un côté, le capitalisme repose sur la transformation du travail vivant en travail abstrait, qui contient la valeur, et donc le profit, de l’autre il ne peut résister aux gains de productivité qui permettent de faire face à la concurrence. (…)
Annoncer la fin du capitalisme, c’est assurément faire preuve de beaucoup d’audace. Combien de fois, dans le passé, n’a-t-on pas annoncé une « fin » – de l’histoire, du travail, de la politique, etc. – qui ne s’est jamais produite ? La nature sociale et politique, comme la nature tout court, n’en a pas moins horreur du vide. Qu’est-ce qui remplacera le vide ? Tout le problème est là.
Au sommaire du N°162 d’Eléments
- Alain Valterio, un psy contre les psys
- Cinéma : 40 raisons d’aimer Fritz Lang
- La tentation de la guerre civile
- Entretien avec Jean-Yves Camus
- Portrait d’une cinéaste : Cheyenne-Marie Carron
- Cheyenne-Marie Carron : « Je suis une catho-païenne »
- Humeurs : Les femmes iront en enfer
- La haine du sexe
- Le scandale des antibiotiques
- Avec Hillary Clinton, les néocons sont de retour !
- Entretien avec Xavier Eman
- À la rencontre des conservateurs de gauche
- Actualités de Drieu La Rochelle
- Portrait de Jean-Louis Curtis
- Série télé : Turn
- Philosophie : la vérité scientifique
- L’esprit des lieux : New Delhi
Dossier
- Pourquoi notre monde devient de plus en plus laid
- Le triomphe de la laideur
- L’enlaidissement des villes
- L’art européen
- La biologie du beau
- L’invention du marché de l’art contemporain
http://www.voxnr.com/4698/elements-n162-demain-la-guerre-civile
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[Antiquité] Les grandes batailles de l'Histoire - Alexandre contre les Perses
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Du homard au plug anal - Orages d'acier - 16/10/2016
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L'identité, c'est si simple
Français de souche, de sang, de sol, d’empire, tout se vaut, tout se fond ? On a pu souligner le caractère factice du roman national - même dans sa version la plus fidèle ; il n’en reste pas moins que la définition d’une tradition politique, culturelle, religieuse est nécessaire. Elle permet l’enracinement et la transmission.
Charles Maurras écrivait, dans un texte publié en 1954 : « Ces Gaulois, qu'étaient-ils au juste ? À quoi correspondait leur unité de dénomination ? On n 'était ni fixés ni d'accord. Quel aurait pu être, sans Rome, leur développement ou leur chance déformer un corps de peuple ? » En questionnant les "Gaulois", Maurras soulignait qu'ils sont d'abord une construction sociale et idéologique proto-républicaine (Mably, Sieyès) puis républicaine. Il n'y avait pas de nation gauloise sur laquelle décalquer la France de 1870.
La thèse du brassage permanent
Aujourd'hui, les adversaires du roman national pratiquent une curieuse double-pensée : d'une part, en historiens, ils contestent la pertinence de la catégorie Gaulois (Najat Vallaud Belkacem déclare sur iTélé « qu'il y a aussi des Romains, des Normands, des Celtes, des Burgondes »), qui ne rend pas compte de la diversité des premiers siècles précédant et suivant la conquête de la Gaule par Rome (soulignons au passage le curieux caractère identitaire de cette approche, qui veut que les communautés se juxtaposent et ne se fondent pas) ; d'autre part, en scientifiques, ils affirment que la nation française, hier et aujourd'hui, n'est que le vaste brassage de populations déferlant en permanence, pacifiquement ou non, sur le territoire, se mélangeant à une population de souche elle-même originairement migrante. Clémentine Autain pousse le plus loin le bouchon de la fausse science en affirmant que « la biologie moléculaire est formelle, l'Européen de souche est un Arabe noir » (en reprenant un article de Regards.fr). Bref, on est tous pareils car on est tous différents, et on ne sera jamais si semblables qu'en préservant ces irréductibles différences.
Stabilité démographique
Mais on peut contester les bases prétendument scientifiques de ce rejet du roman national dans toutes ses versions. Jacques Dupâquier, démographe, coordonnateur d'une monumentale Histoire de la population française (PUF, 1988), détruit un certain nombre d'idées reçues. Le mythe des origines, d'abord : l'équivalent du territoire français actuel est passé entre le 6e et le 3e millénaire de quelques dizaines de milliers à deux millions d'individus, les nouvelles techniques (agriculture, poterie) permettant une multiplication in situ. Les techniques agricoles sont sans doute venues de l'actuel Moyen Orient, via de très petits groupes (et prétendre qu'ils étaient des « Arabes noirs » est un grotesque anachronisme) : rien d'une immigration massive. C'est le niveau de vie qui permet la multiplication des habitants. Et chaque invasion barbare ne concerne que quelques dizaines de milliers d'individus, les vaincus (autrement dit les autochtones) contribuant toujours plus à l'essor démographique : « c'est toujours le vieux fond ethnique issu du néolithique qui domine » y conclue donc Dupâquier, jusqu'à l'arrivée des Romains (120 av. JC). Même les invasions des Germains et des Francs (Ve siècle ap. JC) ne représentent que des morts, pas du tout un nouveau peuplement massif.
Le mythe du brassage, ensuite : une fois installée la monarchie franque, la France aurait été un aimable parc de reproduction pour tous les immigrants possibles. Mais les Arabes, les Normands n'ont laissé aucune trace durable, ce qui est logique car les envahisseurs venaient peu nombreux et sans femmes, et arrivaient dans un pays si dense qu'en fait c'était les "Français" qui immigraient, jusqu'au XIXe. Quant aux autres brasseurs, on peut affirmer qu'Anne d'Autriche, Mazarin et Gluck ont peu brassé et n'ont jamais entraîné dans leur sillage que quelques dizaines de personnes. « Au total combien d'étrangers a pu compter la France d'Ancien Régime ? C'est difficile à dire mais, d'après les estimations de Jean-Pierre Poussou, jamais plus de 70 000 ou 80 000 à la fois, et la plupart n 'ont pas laissé de descendance, les milieux en question se reproduisant peu. » Bref, les Français sont vraiment de souche, la petite propriété terrienne, très répandue dès avant les Romains, enracinant l'homme à la terre. Évidemment, passé le XIXe siècle, l'histoire se modifie.
Même si l'approche génétique de la politique constitue une dangereuse absurdité, on doit constater en France la réalité de l'enracinement dans une population de souche, sans laquelle aucune construction sociale ne serait possible.
Hubert Champrun monde&vie 12 octobre 2016
NB. Toutes les citations de J. Dupâquier sont extraites d'un long et passionnant entretien qu'il a accordé à Renaissance catholique il y a quelques années :
http://wwwjenaissancecatholique.org/Naissanc e-d-un-peuple-1-histoire .html
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[Guerre de Sécession] La Guerre de Sécession - Épisode 9
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Pour « ces imbéciles heureux qui sont nés quelque part ! »
La cause du peuple, comme son titre l’indique assez, est une réflexion sur l’avenir des Français, notre avenir ? Pour Buisson comme pour monde&vie, il est national et il est chrétien.
En refermant ce livre de 450 pages, je me disais qu'il n'a pas son pareil, que cette longue chronique offre surtout à qui veut s'en saisir un programme politique et que Patrick Buisson, au fond, ne fait dans ces pages que républicaniser un certain Charles Maurras. On appréciera par exemple, ses pages sur la constitution de la Ve République, qui devait tenir la fonction présidentielle au-dessus des luttes de Partis mais qui, à contre-emploi, fait de cette élection, tous les cinq ans, la lutte finale. Reste, très clairement, une logique présidentielle, qui est une logique d'incarnation, avec la part de sacralité que cela comporte dans ce pays depuis la monarchie de droit divin. Sarkozy, arrivant à l'Elysée, pour la première fois de sa présidence, comme un joggeur, en short et baskets, n'a assurément jamais voulu de cette dimension transcendante, mais il n'est pas le seul. « De Giscard à Hollande, en passant par Sarkozy, la crise de la fonction présidentielle, quelle qu 'en aient été les formes, n'aura eu en définitive qu 'une seule origine : le refus des présidents successifs d'incarner la place du sacré dans la société ». Même s'il n'a sans doute pas beaucoup changé sur l'affaire algérienne, comme il le confie dans un chapitre évocateur, intitulé "La Guerre d'Algérie n'est pas terminée", on constate, chez Patrick Buisson des accents profondément gaulliens. Le Général reste pour lui la référence, ce gouvernant qui a gouverné pour la France. Quant à ses successeurs, le costume de président de la Ve est manifestement trop grand pour eux. Leur impéritie mène à une situation explosive. Le problème français est donc d'abord un problème d'incarnation du pouvoir.
Le deuxième problème est la question des priorités : quelle peut être la priorité d'un Président en exercice ? La réponse fuse : c'est la nation. « Le collectif reprend le pas sur le connectif [le réel sur la télé]. Voici que le XXI siècle qui devait marquer l'avènement d'un monde postnational, s'ouvre sur une demande de réenracinement. Voici que contre toute attente, ta terre, l'attachement au territoire reprend place dans l'imaginaire politique et affectif des Français. Voici que sonne l'heure de la revanche pour les imbéciles heureux qui sont nés quelque part ». Telle est la foi inoxydable de Patrick Buisson, telle est l'intuition mère de sa stratégie politique. Elle est valable plus que jamais... Mais en même temps, elle ne suffit pas. Il faut préciser que, pour Buisson, la France qu'on aime ne saurait être que la France chrétienne. C'est naturel !
Je ne résiste pas à citer une improvisation de Nicolas Sarkozy lui-même, dans une salle des fêtes de Vaucouleurs où l'on avait réuni les écoliers de la commune : « Jeanne d'Arc, ce n'est pas une légende, c'est une histoire vraie, comme les historiens viennent de vous l'expliquer. Et ce qui est extraordinaire dans cette histoire, c'est la dimension du sacré, de la transcendance. Les voix que Jeanne entend ne s'adressent pas à son for intérieur, elles lui intiment de prendre la tête d'une aventure collective. Ce n'est pas un miracle religieux qu'elle va accomplir, c'est un miracle politique. C'est rare les miracles politiques, croyez-moi, je sais de quoi je parle. Ce qui est inouï dans notre histoire, c'est ça : c'est que la France est née de la rencontre de l'Église et de la monarchie ». Du Sarkozy dans le texte, collationné par Patrick Buisson. C'était en 2012, pour le sixième centenaire de la naissance de la sainte de Domrémy.
C'est sans doute la dimension la plus originale du livre de Buisson, celle que l'on pourrait placer sous le signe du « populisme chrétien ». La laïcité est traditionnellement un système de partage des pouvoirs spirituels et temporels. Mais comme ciment social, elle ne fonctionne pas ; elle ne fait qu'exaspérer les populations étrangères, surtout quand elles sont d'origine musulmane. La laïcité, transformée en laïcisme n'est ni un moteur ni une espérance. Telle est « la supériorité des valeurs spirituelles sur des valeurs démocratiques que ne soulève aucune transcendance ».
Le livre de Buisson commence par une phrase de Bernanos, continue avec force citations de Chesterton et se clôt sur une formule de Péguy, qui me semble donner le sens de toute la réflexion du Conseiller et la signification des deux voyages au Vatican de Nicolas Sarkozy : « Il faut que France, il faut que chrétienté continue. Par chrétienté, Péguy entendait, non pas tant une adhésion confessionnelle, que cette amitié supérieure, qui lie les Français entre eux...».
Il faut lire Buisson de toute urgence !
Abbé G. de Tanoüarn monde&vie 12 octobre 2016
Patrick Buisson. La Cause du peuple éd.Perrin 466p. 21.90€.
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XXIe table ronde de Terre & Peuple (11/12/2016)