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culture et histoire - Page 1102

  • L’exception russe par Georges FELTIN-TRACOL

     

    C_LATSA_Printemps-183x300.jpgAlexandre Latsa est un Français qui vit et travaille en Russie. Avec son blogue Dissonances et par ses articles mis en ligne sur le site Sputnik, il présente au public francophone un point de vue différent de l’opinion dominante très orientée. Dans deux ouvrages de médiocre qualité, plus proche de l’enquête en pissotière que de la grande politique (1), certains plumitifs voient en lui un formidable agent d’influence du Kremlin. Qualifié de « véritable ode à la Russie poutinienne (2) », son essai, Un printemps russe, mérite mieux que ces approximations malveillantes.

    Alexandre Latsa explique que depuis l’arrivée au pouvoir en 1999 de Vladimir Poutine, la Russie connaît une phase de renouveau au point que « le poutinisme est en train d’émerger comme un modèle, sorte de gaullisme amélioré et moderne qui, dans les années à venir, devrait faire de nombreux émules dans le monde et en Europe (p. 285) ». Le pays sort pourtant d’une longue transition chaotique. L’auteur a bien raison d’insister sur ces nouveaux « Temps des troubles », les années 1991 – 1999, même si le déclin commença au temps de l’URSS avec la Perestroïka de Gorbatchev.

    Une décennie troublée

    La soudaine disparition de l’Union Soviétique cumulée à l’application immédiate et idiote d’une politique économique ultra-libérale inadaptée au contexte psychologique et social post-soviétique plongèrent la Russie dans un désordre multiple. Des républiques fédérées telles le Tatarstan ou la Tchétchénie cherchent à se libérer de la tutelle moscovite. Parallèlement, l’armature étatique détériorée passa sous la coupe de la Sémibankirchtchina (les sept oligarques les plus puissants). Leur fortune rapidement acquise reposait sur des connivences entre jeunes loups avides de gains, hauts fonctionnaires véreux et apparatchiks ex-communistes corruptibles. Il est clair que « la prise de contrôle de groupes mafieux s’était faite de façon tout à fait “ légitime ” durant la Perestroïka et avec le soutien indirect (volontaire ?) de gouvernements étrangers, du FMI et de la Banque mondiale (p. 47) ». La Russie perdit alors son rang de grande puissance et certains misèrent sur son implosion territoriale imminente quand ils ne tablaient pas sur sa rétractation proprement européenne. Deux chercheurs français, affiliés aux cénacles atlantistes, Françoise Thom et Jean-Sylvestre Mongrenier, envisagent encore « à très long terme […], une Russie revenu aux frontières de la Moscovie, délestée de la Sibérie et de l’Extrême-Orient (3) ». Ils ne font que reprendre une hypothèse émise par le géopolitologue Yves Lacoste, auteur de Vive la nation !, il y a plus de dix ans, quand il s’interrogeait sur l’avenir de la Russie. « L’indépendance des peuples non russes inclus plus ou moins sous la contrainte dans la Fédération de Russie est sans doute le moyen pour la Russie de reprendre son développement économique, social et politique sur des bases géographiques nouvelles certes restreintes par rapport à l’ancien empire, mais encore de très grande taille, notait-il. La reconstruction de la Russie passe sans doute moins par le maintien de son autorité sur de vastes territoires où les Russes sont de moins en moins nombreux, que par la lutte contre les facteurs de l’excessive mortalité (l’alcoolisme, la misère des hôpitaux, les carences de l’habitat) qui en font un cas très exceptionnel en Europe et qui le conduisent au déclin. L’« homme malade » de l’Europe doit d’abord se guérir et une Russie convalescente, au territoire mieux organisé, pourrait alors raisonnablement demander son entrée dans l’Union européenne (4). » Ces spéculations ne sont pas nouvelles et n’appartiennent pas aux seuls nationistes républicains français. Alexandre Latsa remarque que l’« obsession anglo-saxonne de démembrement de la Russie est ancienne et a historiquement commencé dans le sud du pays, au cœur du Caucase russe (p. 27) ». Faut-il rappeler que « de 1989 à 2016, l’alliance entre les États-Unis et les islamistes radicaux s’avérera une constante de la géopolitique américaine en Eurasie, en particulier de la lutte contre la Russie (p. 45) » ? Au soir de sa vie, le géo-penseur réaliste national-grand-européen Jean Thiriart répétait que le retrait soviétique d’Afghanistan fût une erreur géopolitique considérable que les Européens regretteront. Cette défaite accéléra l’effondrement soviétique et stimula l’islamisme. En outre, « les années 1990 avaient transformé la Russie en une sorte de IVe République déformée, avec des partis éphémères, rendant le jeu politique favorable à la stratégie des alliances et à l’achat de députés (p. 79) ».

    Ruinée par des krachs à répétition, victime d’une insécurité record, exaspérée par l’alcoolisme chronique d’Eltsine, la population réclamait un « Pinochet » russe. D’abord séduite par le discours nationaliste du « libéral-démocrate » Jirinovski, elle se tourne ensuite vers le Parti communiste, puis vers le général Alexandre Lebed qui obtint à la présidentielle de 1996 14,5 % des suffrages. L’entourage présidentiel sut détourner cette revendication en promouvant Evgueni Primakov. L’auteur souligne avec raison qu’avant Poutine, « c’est Evgueni Primakov qui historiquement mit la Russie sur les rails du “ grand redressement ”, même s’il ne resta pas en poste bien longtemps (pp. 49 – 50) ». Ministre des Affaires étrangères de 1996 à 1998, puis Premier ministre de septembre 1998 à mai 1999, l’ancien journaliste arabophone du KGB donna à la diplomatie russe son impulsion eurasienne actuelle. Mais de féroces querelles intestines le chassèrent du pouvoir, remplacé par quelques politiciens plus occidentalistes, libéraux et américanophiles. Sur un point, Alexandre Latsa commet une erreur. Vladimir Poutine serait selon lui le « huitième Premier ministre de la Fédération de Russie au cours des dix-huit derniers mois (p. 60) ». En fait, avant sa nomination, occupèrent successivement la fonction Sergueï Kirienko (24 avril – 23 août 1998), Viktor Tchernomyrdine (23 août – 11 septembre 1998), Evgueni Primakov et Sergueï Stepachine (19 mai – 9 août 1998).

    Indispensable restauration de l’État

    La nomination surprise du chef du FSB, Vladimir Poutine, à ce poste, allait confirmer et amplifier les esquisses posées par Primakov. Ce n’est pas étonnant, car Poutine appartient à l’époque du KGB aux « réformateurs » dont le chef de file n’était autre que le directeur lui-même, Youri Andropov. Dans ses articles de Monde et Vie du début des années 2000, l’ancien résistant et journaliste spécialisé dans la guerre secrète, Pierre de Villemarest, le qualifiait de « national- soviétique ». Conscient de l’ampleur de la tâche à mener, Poutine parvient néanmoins à réduire l’influence délétère des oligarques et à restaurer une « verticale du pouvoir », ce qui assure à l’État depuis Moscou le contrôle de « cet immense territoire en quelque sorte laissé à lui-même et au sein duquel il était vital pour l’État d’accentuer son autorité afin de contrecarrer les dynamiques naturelles d’inertie territoriale dues principalement à la géographie du pays (pp. 81 – 82) ». L’administration du pays le plus étendu au monde n’est pas une mince affaire. « La recomposition du modèle russe s’opère selon une équation assez surprenante visant à reconsolider la solidarité et l’unité nationale en affirmant la diversité culturelle par l’essor du patriotisme. Ce dernier élément vise également à atténuer les tendances nationalistes jugées dangereuses, car pouvant remettre en cause l’équilibre polyethnique et multiconfessionnel russe, et surtout contribuer à l’essor du nationalisme régional et donc aux pulsions indépendantistes (p. 71). » La restauration d’un État fort accorde une priorité aux « aspirations et besoins de la communauté […] sur les aspirations individuelles, et […encourage] au maximum les cultures et identités locales en accentuant leur intégration (et leur compatibilité) avec l’identité fédérale (p. 116) ».

    État-continent, la Russie dispose de spécificités qu’ignorent les États-nations d’Occident. Par exemple, elle « n’a pas besoin de l’immigration pour connaître un système naturellement pluriculturel et pluriethnique (p. 131) ». Ainsi, depuis le XIIIe siècle et l’invasion tataro-mongole, les peuples slaves de l’Est cohabitent-ils avec des peuples musulmans qui rejettent (pour combien de temps encore ?) l’islam wahhabite et ses succédanés. Sait-on à ce sujet que la Russie a depuis 2005 rang de membre observateur à l’OCI (Organisation de la coopération islamique) ? Héritière tout autant de Byzance que du khanat de la Horde d’Or, la Russie applique le polyethnisme, c’est-à-dire un cadre socio-historique et politique de cohabitation ethno-culturelle très variée agencée et ordonnée autour du noyau ethnique majoritaire, le peuple russe. Cela signifie que « le modèle de l’État-nation ne lui sied pas puisque la Russie comprend en son sein des nations et des républiques (p. 118) ». Mieux encore, « le patriotisme et le monde polyculturel sont intrinsèquement liés et […] chaque citoyen peut se sentir appartenir à la Fédération (p. 136) ».

    Ni Asie, ni Europe. Russie !

    Alexandre Latsa explique qu’à rebours de cette tradition politique, des nationalistes russes les plus radicaux et les plus hostiles à Poutine prônent le départ complet de toute présence russe au Caucase du Nord, voire de la Sibérie, parce qu’ils adhèrent précisément à une logique stato-nationale incompatible avec l’histoire de la Russie, l’ultime ensemble supranational au sens traditionnel du terme. « Alors que le manifestant moyen de Bolotnaïa est souvent hostile aux immigrants d’Asie centrale, nationaliste et libéral, et rêve de Rome et de Paris, son opposant politique est un patriote étatiste, croit au monde russe et rêve d’une Russie slave et orthodoxe, mais non occidentale (p. 263). » Ce constat surprend l’Occidental intoxiqué par ses médiats. Pour le patriote étatiste russe, « cette expérience historique, qui fait clairement de la Russie un empire et non un État-nation, l’éloigne non seulement de l’expérience historique de l’Europe, mais lui procure une capacité d’appartenance et de projection à cet ensemble culturel à part qu’est l’Eurasie, cette zone du monde qui se situe géographiquement entre la plaine hongroise et la frontière chinoise, et culturellement entre Moscou, Athènes et Astana (p. 273). » Par conséquent, le patriotisme politique, civique et civilisationnel russe « est en réalité nécessaire pour maintenir une unité nationale bien plus difficile à conserver qu’au sein des États-nations européens, plus homogènes sur le plan ethnique, religieux et culturel (p. 114) ». Il importe, d’une part, de relativiser cette dernière affirmation, car, suite à quatre décennies d’immigration de masse extra-européenne, les sociétés d’Europe occidentale deviennent hétérogènes sur le plan ethnique, se fragilisent et tentent de pallier ce délitement désormais quasi inévitable par l’avènement d’un État de droit sécuritaire ultra-moderne. L’auteur mentionne, d’autre part, la surprenante demande du « nationaliste » Vladimir Jirinovski qui aurait aimé « loger la moitié de la population du Japon au centre de la Russie (p. 269) ». Le chef du Parti libéral-démocrate de Russiepensait ici en homme d’Empire et non pas en politicien stato-national. Si un jour (proche ?) la guerre civile et le chaos embrasaient l’Occident européen, la Russie accueillerait peut-être des exilés (définitifs ?) venus de France, de Belgique, d’Allemagne, d’Italie ? Déjà, sous la Révolution, de nombreux émigrés vécurent dans l’Empire des tsars. Joseph de Maistre en retira ses magistralesSoirées de Saint-Pétersbourg.

    « En développant une politique de puissance sur le long terme, la Russie apparaît désormais pour un nombre croissant d’Européens mais aussi d’Africains, d’Asiatiques ou de ressortissants du monde musulman comme une forme d’anti-modèle, de contre-modèle, capable de proposer une alternative à la voie sans issue dans laquelle s’est engagé le modèle dominant actuel (p. 160). » Cela agace les médiats occidentaux dirigés par des financiers et des banksters. « La censure existe autant en France qu’en Russie. […] N’est-il pas plus juste que ce soit l’État et non des oligarques ou des banquiers qui contrôlent les médias (p. 200) ? » Dans l’Hexagone, les puissances industrielles et d’argent financent les structures médiatiques. Vincent Bolloré n’a-t-il pas le groupe Canal + (iTélé, C8) et le quotidien gratuit Direct Matin ? Serge Dassault le groupe Le Figaro ? Patrick Drahi Libération, L’Obs, les télés BFMTV et N° 23, la radio RMC ? Martin Bouygues TF1, TMC et LCI ? Arnaud Lagardère Europe 1, Paris Match et Le Journal du Dimanche ? Le groupe bancaire Le Crédit mutuel de nombreux titres de la presse quotidienne régionale de l’Est de la France ? Souvent en contact avec des journalistes « dont le travail s’est, au cours des dernières années et concernant la Russie, avéré être un mélange de militantisme idéologique, d’incompréhension, de mensonge et de mauvaise foi (p. 184) », Alexandre Latsa ne cache pas ses critiques à leur égard. En effet, « majorité de gauche, parisianisme, morale petite-bourgeoise, le journalisme français est devenu la courroie de transmission d’un courant d’idées qui a tendance à négliger l’information et la vérité au profit de l’éducation du grand public (p. 195) ». Il dénonce « cette diabolisation, que certains analystes ont qualifié de guerre médiatique totale, vise essentiellement la gouvernance russe actuelle ainsi que ses prises de position internationales contribuant à l’établissement d’une nouvelle architecture mondiale, davantage multipolaire, que pourtant chacun devrait souhaiter (p. 20) ». Pis, « les années qui passent démontrent le manque d’imagination des commentateurs et leur totale incompréhension de la Russie d’aujourd’hui et de ses élites, mais surtout elles prouvent l’alignement des agences de presse avec les intérêts stratégiques américains et leurs relais actifs de relations publiques (p. 76) ». Les campagnes de presse russophobes réussissent souvent du fait de grandes lacunes sur « le front médiatique, où la Russie connaît une certaine faiblesse (p. 184) ».

    Nécessaire stabilité politique et institutionnelle

    Favorable au libéralisme politique, social, économique et sociétal, la caste intello-médiacratique hexagonale exècre la Russie, défenseur de la « dimension illibérale de l’État [qui] est une constante historique (p. 121) ». La particularité de son système politique, qu’on peut définir comme une démocratie charismatique ou une démocratie illibérale, se caractérise par des forces politiques agencées « dans trois cercles concentriques, en fonction de leur nature davantage que de leur corpus idéologique (p. 84) ». Le premier représente, avec Russie unie, le bloc central de gouvernement. Dans le deuxième gravite l’« opposition de gouvernance (p. 85) », à savoir les communistes, Jirinovski, Russie juste de centre-gauche (membre de l’Internationale socialiste), les libéraux deIabloko et les libéraux-conservateurs de l’Union des forces de droite aujourd’hui dissoute. « Cercle marginal (p. 85) », le troisième rassemble tous les partis dits extrémistes, y compris les nationaux-bolcheviks d’Édouard Limonov. Les belles âmes s’offusquent du manque de renouvellement politique. Et en Afrique du Sud alors ? L’ANC gouverne depuis 1994 sans soulever les mêmes condamnations…Idem pour le géant de la Corne de l’Afrique, l’Éthiopie dirigée depuis 1991 par le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens. Alexandre Latsa n’évacue pas les dysfonctionnements dus à une politique libérale qui assèche le secteur public, et reconnaît même volontiers que « la corruption est un problème qui fait partie de l’ADN de la Russie (p. 102) » en le replaçant sur la longue durée historique, la seule pertinente pour mieux comprendre.

    Avec la politique poutinienne de redressement, « la Russie est […] incontestablement redevenue, malgré les récurrents soubresauts qui la traversent, l’un des principaux acteurs de la scène politique mondiale (p. 11) ». Pour l’auteur, on l’a vu, la Russie « apparaît également comme un nouveau modèle alternatif, que ce soit sur le plan politique, mais aussi sociétal via la promotion des valeurs traditionnelles, religieuses et familiales, qui étaient finalement celles de la “ Vieille Europe ” (p. 12) ». Vraiment ? Et la GPA ? Maria Poumier rappelle que, rémunérée, cette procédure biotechnique « y est légale depuis 2009 et connaît un boum effrayant. Mais l’Église orthodoxe s’y oppose (5) ». Elle tient toutefois à préciser que « cas unique, la législation russe permet à la mère porteuse de garder l’enfant pour elle si elle change d’avis à la naissance. La culture chrétienne orthodoxe règne donc bel et bien encore sur le pays, conclut-elle (6) ».

    Alexandre Latsa se penche enfin sur le dessein géopolitique immédiat de Moscou qui se traduit à travers une Union douanière, une Union eurasiatique calquée sur le modèle de la pseudo-UE et une politique d’hydrocarbures. Le dynamisme russe exercerait un tel attrait que « l’Inde, la Moldavie, le Chili, Singapour, Israël ou la Nouvelle-Zélande ont émis le souhait de rejoindre l’Union douanière, tandis que l’Union eurasiatique pourrait s’étendre à l’est et l’ouest de l’Eurasie en englobant, par exemple, la Bulgarie, la Hongrie, la Mongolie, le Venezuela ou encore le Vietnam et la Syrie (p. 162) » ? Tous ces projets indiqueraient plutôt la résurgence, plus étendue, du COMECON soviétique. Il compare aussi la création de l’État fantoche du Kossovo avec le rattachement de la Crimée à la Russie et juge que le précédent criméen permettra aux Bélarussiens et aux Khazaks de réintégrer la Russie. En est-il si sûr ? Les régimes forts du Bélarussien Alexandre Loukachenko et du Khazak Noursoultan Nazerbaïev construisent de véritables nations reposant aux identités politico-culturelles originales dorénavant moins malléables que des Moldaves tiraillés entre Moscou, Kiev et Bucarest. Sinon pourquoi le tracé du gazoduc North Stream contournerait-il le Bélarus pourtant guère sensible aux sirènes occidentalistes ?

    La difficile question ukrainienne

    Le gouvernement russe entend contester les visées néo-conservatrices occidentales. L’auteur insiste sur le rôle délétère majeur joué par Jean Monnet dans l’intégration de la construction pseudo-européenne au cadre atlantiste dont l’OTAN, le TAFTA et le CETA (le traité de libre-échange avec le Canada) parachèveront l’exclusion finale des Européens de l’histoire. En revanche, « la France, en se rapprochant de l’OCS, pourrait devenir la première puissance européenne membre stricto sensu et ainsi conforter ses positions (p. 291) ». Mais faut-il pour autant qu’une France libérée de la tutelle atlantiste rejoigne un bloc continental eurasiatique ? Certes, Alexandre Latsa a raison d’affirmer que la Russie a une vocation – méconnue – de thalassocratie potentielle. L’URSS le savait comme l’a montré en 1982 le jeune stratégiste Hervé Coutau-Bégarie avec La Puissance maritime soviétique(7).

    Quant aux menées expansionnistes en Ukraine, si elles se comprennent du côté russe, elles n’en demeurent pas moins datées. Alexandre Latsa considère que « le Maidan sera donc une révolution de couleur qui verra une minorité d’activistes radicaux d’extrême droite faire basculer dans la violence des manifestants critiquant, avec sans aucun doute une réelle légitimité et une réelle sincérité, la mauvaise gestion de l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch (p. 250) ». Tous ces événements signifient-ils que « l’Ukraine pour notre pays n’est ni une zone d’influence française historique, ni un partenaire économique de poids (p. 288) » ? Et les soldats morts devant Sébastopol lors de l’odieuse Guerre de Crimée (8) ? Et la princesse Anne de Kiev qui épouse le Capétien Henri Ier et devient d’abord reine de France, puis plus tard première régente du royaume ? Et le duc de Richelieu, gouverneur général de l’Ukraine, fondateur du port d’Odessa ? L’auteur commet d’autres erreurs factuels. Il parle de l’« armistice du 8 mai (p. 113) » alors qu’il s’agit de la capitulation de l’Allemagne. Plus grave, l’Ukraine n’aurait aucun « projet national réel (p. 258) ». C’est exact pour les nabots qui dirigent ou ont dirigé l’Ukraine. C’est faux en ce qui concerne les nationalistes « néo-bandéristes ». Certes, ce projet d’ordre national n’existe pas chez Svoboda, cette sorte de FN de pacotille. Il est en revanche tangible, réfléchi et fort avancé au Prevy Sektor et surtout au sein duBataillon Azov. Avec les Italiens de CasaPound, les Grecs d’Aube Dorée et des Espagnols, les patriotes ukrainiens ont eux aussi commémoré le sacrifice de Dominique Venner en 2013 et traduisent ses œuvres. Comprenant le caractère mortifère de l’Union soi-disant européenne, ils ne se résignent pas à rejoindre une Union eurasienne qui nierait leur identité nationale, car le peuple ukrainien existe comme existent en France les peuples corse, basque, breton ou alsacien. Les nationalistes ukrainiens postulent une véritable alternative au-delà du rapprochement avec Moscou, l’alignement obligatoire sur le complexe atlantiste ou le maintien d’une Ukraine seule et isolée. Ils ont réactivité l’ambitieuse vision de l’Intermarum, soit la coopération stratégique entre les nations de la Baltique, de la Mer Noire, voire de l’Adriatique. Le conflit dans les contrées orientales de l’Ukraine est inacceptable d’autant que les descendants de Boréens meurent dans les deux camps. Pourquoi tous ces drames, ces morts, ces familles déchirées ? Une Europe-puissance aurait certainement pu éviter cette tragédie. Aujourd’hui, la réconciliation russo-ukrainienne devient presque impossible. Les Ukrainiens en colère prouvèrent en tout cas leur indéniable courage tandis qu’à Paris, La Manif pour Tous montrait sa couardise foncière et son légalisme pathologique. versant dans la nostalgie soviétique, les républiques indépendantistes de Donetsk et du Donbass acceptent l’appui de mouvements antifas et reprennent les antiennes anti-fascistes qui abrutissent les Européens de l’Ouest depuis 1945.

    L’Ukraine est une jeune nation à qui il a manqué dans les premières années de son indépendance unecolonne vertébrale politique ainsi qu’un État fort que les Khazaks apprécièrent dès 1991, les Bélarussiens à partir de 1994 et les Russes en 1999 ! Cette absence étatique favorisa l’instabilité politique et l’émergence d’oligarchies locales dans une situation comparable aux indépendances post-coloniales d’Amérique latine au début du XIXe siècle. La guerre qui dévaste l’Est de l’Ukraine est proprement intolérable pour tout authentique Européen qui ne peut que déplorer que « pour les Ukrainiens, une rupture terrible est en train de se produire avec leurs frères russes, tandis qu’il est évident que nulle intégration de l’Ukraine, ni dans l’Europe, ni dans l’OTAN, ne devrait voir le jour (p. 256) ». Anthropologiquement boréenne, la Russie – comme l’Amérique du Nord – n’est pas européenne. Elle doit suivre sa propre voie hors de toute ingérence étrangère. Enterrons donc le mythe eurosibérien et l’idée d’une Grande Europe de l’Islande au Kamtchatka. À l’heure où l’Occident ultra-moderne, cosmopolite et humanitariste subit la submersion démographique des peuples de couleurs d’Afrique et d’Asie, détournons-nous des abjectes « Lumières », récusons l’occidentalisme et privilégions plutôt une coopération boréale intelligente de Dublin à Vladivostok en passant par Paris, Madrid, Rome, Berlin, Budapest et Moscou.

    Georges Feltin-Tracol

    Notes

    1 : Cécile Vaissié, Les réseaux du Kremlin en France, Les petits matins, 2016; Nicolas Hénin, La France russe. Enquête sur les réseaux Poutine, Fayard, 2016. Il manque cruellement une grande enquête sur l’Hexagone yankee et les larbins français de la Maison Blanche. Un ouvrage pareil serait à coup sûr plus volumineux qu’un gros bottin téléphonique.

    2 : Anne Dastakian, dans Marianne, du 19 au 25 août 2016.

    3 : Jean-Sylvestre Mongrenier et Françoise Thom, Géopolitique de la Russie, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2016, p. 120.

    4 : Yves Lacoste, « Dans l’avenir, une très grande Europe de l’Atlantique au Pacifique ? », dansHérodote, n° 118, 3e trimestre 2005, pp. 211 – 212.

    5 : Mari Poumier, Marchandiser la vie humaine, Le Retour aux Sources, 2015, p. 137.

    6 : Idem, p. 139.

    7 : Hervé Coutau-Bégarie, La Puissance maritime soviétique, Économica, 1983.

    8 : Érigée en 1860 sur le rocher Corneille avec la fonte du fer des canons russes pris à Sébastopol cinq ans plus tôt, la statue de Notre-Dame de France surplombe Le Puy-en-Velay.

    • Alexandre Latsa, Un printemps russe, Éditions des Syrtes, 2016, 309 p., 20 €.

    http://www.europemaxima.com/lexception-russe-par-georges-feltin-tracol/

  • Dé-penser: l’école rêvée du libéralisme

    L’école française d’aujourd’hui repose sur deux idéologies délétères : un égalitarisme nivelant par le bas et un utilitarisme réduisant l’écolier au rôle d’apprenant en production et consommation. Deux paradigmes, mais une même conséquence : la progression de l’ignorance.

    Deux types de critique sont généralement adressées à l’école. La première porte sur son idéologie égalitariste et sa malheureuse tendance à niveler par le bas les exigences, depuis l’OPA idéologique réalisée par la sociologie critique bourdieusienne.

    L’autre problème est celui du triomphe d’une conception utilitariste et libérale de l’école. Épaulé par son modèle théorique de l’Homo oeconomicus, l’idéologie libérale a assigné à l’école un bien triste rôle : former des producteurs et des consommateurs. Là est toute la subtilité – et la perversité – du système libéral qui a pour tâche de former ces deux entités à première vue antithétique. Il s’agit pour l’école de produire – notons qu’elle est devenue un agent économique, producteur de services, comme les autres – à la fois un consommateur compulsif et hédoniste et un producteur efficient et rentable. Bien sûr une telle schizophrénie n’est pas tenable, si bien que cela mène aux inégalités colossales que l’on connaît entre producteurs se tuant à la tâche mais gagnant des monts d’or et des consommateurs peu éduqués, paresseux et aliénés.

    Dans les deux cas, la priorité est plutôt de gagner de l’argent pour consommer toujours plus que d’acquérir un savoir.

    Dépenser plutôt que penser

    « Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience » Jean Jaurès

    Tout dans l’évolution de l’éducation ces dernières décennies semble montrer le triomphe d’une conception utilitariste de l’école. Comme l’écrit Christian Laval dans la Revue du MAUSS, pour les libéraux, « l’école a une fonction essentiellement économique, elle doit être au service de la compétitivité dans le cadre de la mondialisation et de “l’économie de la connaissance” […] L’école tend à devenir ainsi un ersatz d’entreprise dont l’objectif principal est la “production de capital humain” selon des voies gouvernées par le principe économique d’efficience. » Ainsi, on ajoute des heures de formation professionnalisante, de stages, de disciplines liées à l’entreprise, le nouveau Graal à atteindre. Finir ses études et entrer prestement sur le marché du travail deviennent les deux objectifs de l’école, pour qui l’élève représente un vrai poids financier.

    Certes il n’est pas mauvais en soi que les élèves se familiarisent avec le monde du travail, ne serait-ce que pour qu’ils puissent s’orienter convenablement. Mais il n’est pas juste de penser qu’« une bonne école propose un enseignement pratique, des stages, un réseau et des cours d’anglais ! », comme l’écrit ironiquement Mathieu Detchessahar dans Le marché n’a pas de morale. Ce qui est problématique, c’est plutôt que cette formation se fait le plus souvent au détriment de ce qu’on nomme “humanités”, mais qui correspond plus exactement à la culture. Réduire drastiquement l’enseignement du latin et du grec peut paraître un excellent coup : il libère du temps pour des vrais matières, vraiment utiles. Detchessahar déplore ainsi que la culture soit de plus en plus perçue comme « le détour auquel on nous oblige encore mais que l’on espère le plus court possible avant d’attaquer le véritable enseignement : concret, professionnel, utile. »

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    La nature même de la culture n’est pas d’être utile, mais d’être tout court. « C’est de la culture que nous avons à partager, dans sa gratuité première, que viendra toute la créativité, toute la liberté, toute l’humanité même du monde de demain. », écrit très justement sur son blog François-Xavier Bellamy, philosophe et auteur du remarqué Les déshérités. Ainsi, doit se comprendre le mépris de l’école libérale pour les travaux des mains et du cœur, Fabrice Hadjadj soulignant dans Puisque tout est en voie de destruction que « le savoir dont il s’agit ne prend ni corps ni âme, il ne s’intéresse ni aux mains ni au cœur de l’homme, mais il promet un job très rémunérateur, l’accès au monde de la consommation ainsi que des gadgets en grand nombre. C’est pourquoi, sous le règne des moyens sans fins, ces sciences applicables se maintiennent comme critère de sélection, tandis que recherche fondamentale, histoire et poterie, littérature et horticulture, ne cessent de déchoir. Certes, nul ne saigne pour elles, mais tout le monde devient exsangue. »

    Déshumaniser

    « Avoir ! Avoir ! Vous êtes tous comme ça, hein ? On ne vous a jamais appris à conjuguer le verbe être à l’ école ? Demande-toi ce que tu dois être plutôt que ce que tu peux avoir. » Étienne Davodeau, Le Constat (1996)

    1119325889.pngOr, on remarque qu’éduquer un élève pour qu’il développe son humanité, et ceci via sa culture, n’est absolument pas le but recherché par la logique éducative libérale. En effet, celle-ci est soumise à une contrainte évidente : pour former des consommateurs dociles, il faut développer leurs instincts et pulsions égoïstes – toutes choses inverses de l’éducation, de la raison, de l’humanité, de la culture en somme.

    L’introduction progressive du numérique à l’école est l’exemple type d’une réforme inspirée par la logique éducative libérale. Familiariser les enfants avec le matériel numérique dès l’école peut apparaître une idée séduisante… si les enfants n’en usaient pas déjà bien trop chez eux ! Si l’école devient comme la famille, si on y fait la même chose, à quoi sert-elle ?

    Dans Limite, Gaultier Bès présenteLe Désastre de l’école numérique, un livre-enquête sur le numérique à l’école, citant un passage intéressant :« Pendant que certains cadres de la Silicon Valley inscrivent leurs enfants dans des écoles sans écrans, la France s’est lancée, sous prétexte de “modernité”, dans une numérisation de l’école à marche forcée – de la maternelle au lycée. Un ordinateur ou une tablette par enfant : la panacée ? Parlons plutôt de désastre. L’école numérique, c’est un choix pédagogique irrationnel, car on n’apprend pas mieux – et souvent moins bien – par l’intermédiaire d’écrans. C’est le gaspillage de ressources rares et la mise en décharge sauvage de déchets dangereux à l’autre bout de la planète. C’est une étonnante prise de risque sanitaire quand les effets des objets connectés sur les cerveaux des jeunes demeurent mal connus. C’est ignorer les risques psychosociaux qui pèsent sur des enfants déjà happés par le numérique. »

    On sait la conséquence des délires de l’Éducation nationale – un délire qui a franchi un seuil encore inédit sous le ministère de Najat Vallaud-Belckacem : l’effondrement du niveau scolaire général. Dès lors, les politiques éducatives égalitaristes sont justifiées. La boucle est bouclée. Le libéralisme a rencontré l’égalitarisme, leurs deux projets se rejoignent dans leur acharnement à déconstruire l’école – ce qui ne produira néanmoins ni liberté ni égalité.

    Ainsi, Bellamy peut écrire avec colère et tristesse : « La crise que traverse notre pays, sous toutes ses formes, est profondément liée à sa faillite éducative. S’il faut refaire l’école, c’est parce qu’elle est le premier lieu de notre défaite collective. Ne gardons qu’une seule statistique, l’une des plus récentes : l’enquête Cedre, publiée par le Ministère de l’Éducation nationale en juillet dernier, se concentrait cette année sur la maîtrise de la lecture. Cette enquête statistique officielle fait apparaître que, parmi tous les collégiens en fin de 3e, seul un quart d’entre eux peuvent être considérés comme “bon lecteurs”. De l’autre côté du spectre, 15 % des élèves “s’avèrent n’avoir pratiquement aucune maîtrise ou une maîtrise réduite des compétences langagières” ; cette situation, qui selon le ministère lui-même les rend “incapables de poursuivre leurs études”, concerne donc chaque année près de 125 000 jeunes… Entre les deux, des centaines de milliers d’autres naviguent dans le flou, ayant passé des milliers d’heures sur les bancs de nos classes sans avoir pu même devenir “bons lecteurs”. Cette pauvreté langagière, culturelle, intellectuelle est une bombe à retardement pour notre pays. »

    Elie Collin

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  • Livre : « Les grandes figures catholiques de France »

    L’historien François Huguenin raconte dans son dernier livre quinze grandes figures catholiques de France (« Les grandes figures catholiques de France »).

    De Clovis à de Gaulle, le catholicisme constitue la matrice profonde de la France : Saint Louis mourant de la peste à Tunis lors de la huitième croisade ; Jeanne d’Arc, la fille du peuple faisant sacrer Charles VII à Reims ; Richelieu, cardinal et ministre tenant tête à l’Europe et aux grands ; Louis XVI, martyr de la Révolution qui pardonna à ses bourreaux sur l’échafaud… Qu’ils soient monarques, saints, religieux ou laïcs, tous incarnent une part du roman national. ( (Présentation de l’éditeur)

    Pourquoi ce livre ?

    Je suis persuadé que ce sont les hommes – et les femmes – qui font l’Histoire ! Beaucoup plus que les systèmes institutionnels et les contextes socio-économiques. J’ai donc voulu leur consacrer ce voyage dans notre histoire et, pour chaque personnalité choisie, brosser un portrait qui, sans prétendre sonder les reins et les cœurs, essaie de comprendre au mieux l’homme et son tempérament. Et puis nous sommes dans une société qui s’est coupée de son histoire ; or cette histoire est consubstantielle au catholicisme.

    Ces quinze personnages que j’ai choisis illustrent cette profonde imbrication. Tous ne sont pas exemplaires, dans leur vie privée notamment, mais nul ne peut dire qu’ils n’étaient pas catholiques.

    Quinze, c’est peu ! Quel a été le critère de votre choix ?

    Cette sélection volontairement resserrée a, je crois, beaucoup de force. Aucun personnage n’est contestable. Ce sont des gens qui ont fait la France, et dont le catholicisme et la foi sont avérés, qui incarnent quelque chose de fondamental dans l’histoire de notre pays, soit dans son ébauche, avec Clovis, soit dans son déclin, avec Louis XVI. Avec un personnage très à part : sainte Thérèse de Lisieux. Elle n’a rien fait et elle a fait beaucoup. C’est la force de la prière… [...]

    Vous parlez de Louis XIV et non de Louis XIII, qui a consacré la France à la Vierge Marie…

    Louis XIV est l’homme de l’apogée français. Je ne sous-estime pas la foi de Louis XIII, ni la beauté de la consécration de la France à Notre-Dame. Mais je consacre déjà un chapitre à Richelieu, qui est une extraordinaire figure catholique. Louis XIV me paraît fondamental sur plusieurs points. Beaucoup de lecteurs vont découvrir en lisant ce chapitre que ce roi avait une foi très profonde. [...]

    Richelieu, auquel vous consacrez un chapitre, n’a-t-il pas cédé à la raison d’État, au sens machiavélique du mot ?

    Il n’a pas fait grand-chose contre la morale. On peut certes dire qu’il a géré sa fortune de façon avisée, mais à l’époque, c’était considéré comme normal, la frontière entre vie privée et vie publique n’étant pas ce qu’elle est aujourd’hui.

    À propos de sa dureté, dans l’affaire des duels, par exemple, Louis XIII est plus dur que lui. Je ne vois pas de machiavélisme chez lui. On a confondu chez lui une volonté de fer, au prix de sa santé, et sa cruauté, et son côté calculateur. Certes, il calculait, mais au service de la France. Il n’est jamais cynique, et il est très humain, il est sensible, il pleure. Et c’est un prêtre, comme l’a montré Arnaud Teyssier dans sa biographie de façon très novatrice. Il a une conception sacerdotale de la politique, il se sacrifie pour la France et pour le roi. C’est un des plus grands génies de notre histoire.

    Famille chrétienne

    http://www.fdesouche.com/770777-livre-les-grandes-figures-catholiques-de-france

  • L’épopée des croisades

    Naguère célébrées comme un grand moment de l’histoire de France, aujourd’hui dénigrées au nom du multiculturalisme, les croisades ne sont plus au goût du jour. Refusant la légende dorée comme la légende noire, les historiens nous aident à comprendre cette grande aventure collective.

    « Le bilan des croisades est mince », affirme, dans un article critique, un récent Dictionnaire de l’histoire de France (Larousse, 2006). A l’inverse, l’Histoire de France publiée avant 1914 sous la direction d’Ernest Lavisse consacrait vingt-cinq pages aux croisades. En dépit de ses réserves sur l’action du pape et des seigneurs, « l’instituteur national » de la IIIe République, selon l’expression de Pierre Nora, ne craignait pas d’intégrer cet épisode aux gloires nationales : « La première croisade, c’est la France en marche ; il faut la suivre jusqu’en Orient ».

    Quel contraste avec aujourd’hui ! Sur fond de multiculturalisme et de mauvaise conscience européenne, les croisades sont souvent dépeintes comme une agression perpétrée par des Occidentaux violents et cupides à l’encontre d’un islam tolérant et raffiné… La vision d’autrefois, simplificatrice à l’excès, entretenait un mythe qui ne rendait pas compte de la réalité. Mais la repentance actuelle, érigée en système, ne constitue pas un meilleur guide historique. Les croisades forment un mouvement qui s’est étalé sur plusieurs siècles et qui a recouvert des épisodes contradictoires. Pour être comprises dans toute leur complexité, elles doivent par conséquent être abordées sans idées préconçues.

    Lire la suite

  • Cible et flèche de Philippe Delbauvre : Najat Vallaud-Belkacem

    L’une des dernières trouvailles de Najat Vallaud-Belgacem n’est autre que la prolongation de l’âge minimum pour la durée des études, passant dès lors de 16 à 18 ans.

    Dans le cadre de ma première thèse, j’ai eu l’occasion durant plusieurs années, d’enseigner, particulièrement dans le cadre d’un collège.

    Il faut savoir que bien des élèves qui rentrent en sixième ne maîtrisent pas les fondamentaux, notamment les mathématiques et le français. Ils sont d’ailleurs, cela à plus d’un titre, déstabilisés suite à leur arrivée en collège. C’est ainsi qu’ils ne sont plus dans l’établissement auquel ils avaient l’habitude. Ils n’ont plus un seul enseignant mais plusieurs, chacun d’entre eux disposant de son propre mode de fonctionnement. Ils rencontrent aussi des élèves dans leur classe qu’ils ne connaissaient pas à l’origine. Ensuite, alors qu’en primaire, ils étaient les « grands », ils deviennent les plus « petits » une fois présents en collège. Sans parler du bus ou de l’autocar qu’ils n’étaient pas habitués à prendre …

    Par voie de conséquence, cette arrivée en collège s’avère des plus déstabilisantes et ce sont, bien sur, ceux qui sont le plus en retard qui en pâtissent le plus. On demande donc à des élèves déjà en difficulté, d’extraordinaires capacités d’adaptation, ce qu’ils ne peuvent réaliser.

    Dépassés par les événement en école primaire, ils ont donc la tête sous l’eau en arrivant en collège. D’où leur rapide envie d’envoyer tout valser…

    Puis vient la puberté vers 14 ans qui, entre autres, les conduit à tout rejeter du modèle éducatif. Et c’est la spirale de l’échec pour tous qui se développe. Echec pour l’enfant lui même, pour ses camarades victimes du bordel qu’il institue en classe, et du professeur bien souvent dépassé.

    Naguère, l’instruction scolaire obligatoire s’arrêtait à 14 ans. Voilà qui évitait la plupart des maux dont souffre l’éducation nationale. On plaçait alors l’enfant en difficulté dans des centres spécialisés avec le plus souvent enseignements technique et professionnel, ce qui était plus conforme à l’état d’esprit de ces adolescents.

    Puis vint la scolarité obligatoire jusque 16 ans. Ce fut pour les ados en difficulté, deux ans de perdus. Encore une fois, pour eux mais aussi pour leurs professeurs et camarades de classe.

    Et la ministre de l’éducation nationale de vouloir porter la scolarité obligatoire à 18 ans. Cette fois-ci, ce ne sera plus deux ans de perdus mais quatre. Sans tenir compte qu’un adolescent de 18 ans est autrement plus difficile à maîtriser qu’un jeune de 14 ans…

    Le tout pour rien si ce n’est échec pour tous. Pas de doute, en haut, on ne pense pas !

    http://www.voxnr.com/4877/cible-et-fleche-de-philippe-delbauvre-najat-vallaud-belkacem

  • Le vent tourne (Blowin’ in the wind)

    Difficile de ne pas y voir la volonté des racailles de rééditer  le modus operandi de la récente attaque qui a grièvement brûlé des policiers  dans le quartier de à la Grande Borne (Essonne) il y a deux semaines, et une agression similaire il y a quelques jours au Val-Fourré (Yvelines). Une voiture de la BAC a de nouveau été attaquée au cocktail Molotov dans une cité sensible de Vénissieux  (Rhône) mercredi soir, au cours d’un véritable guet-apens. Une volonté de cramer du flic, de sacrifier du poulet  comme le chantait les rappeurs de Ministère Amer, qui ne manque pas d’inquiéter  sur le degré de haine des bandes, a fortiori  au vu de la faiblesse de la réponse des autorités devant ce défi jeté au visage de l’Etat par les « sauvageons » de Bernard Cazeneuve. Les policiers  étant au contact, au plus près, de la réalité  de la délicieuse et irénique France multiculturelle,« la France d’après » comme disait l’autre, projet global des partis du Système, est-il étonnant que le vote FN  progresse sensiblement dans leurs rangs ? Selon une étude du Cevipof, 57% des policiers seraient prêts à voter Marine Le Pen à la présidentielle de 2017, (contre 30% en 2012). Décidément jamais avare quand il s’agit de refourguer   aux médias ses grosses ficelles propagandistes de trotskiste fatigué  Le Premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis a dénoncé il y a deux jours, la « patte » du Front National dans les manifestations de policiers, qu’il a qualifiées d’hors la loi ». Un affolement qui sent vraiment la fin de règne chez les apparatchiks socialistes qui sont en train de lâcher à François Hollande et au gouvernement Valls.

    Fin de règne  de cette génération progressiste post soixante-huitarde encore au pouvoir, qui s’auto-congratule et se berce de nostalgie de manière bien caricaturale, comme l’atteste le prix Nobel de Littérature attribué au songwriter Robert Zimmerman (75 ans), plus connu sous le nom de Bob Dylan. (Un peu) popularisé en France par les reprises de ses chansons par Hugues Aufray, Dylan est incontestablement une icône mondiale de la musique folk, qui a accédé à une notoriété mondiale dans les années soixante avec ses chansons pacifistes, son engagement contre la guerre du Vietnam. Bien que converti au christianisme en 1979, le Jérusalem Post le classait en 2011 au nombre des 50 juifs les plus influents du monde, derrière les Français Bernard Kouchner, DSK, Simone Veil et BHL. Bob Dylan  avait  été décoré de la Légion d’honneur par le  ministre de la « Culture », Aurélie Filippetti en 2013, s’attirant les foudres du général Jean-Louis Georgelin, Grand chancelier de l’ordre de la Légion d’honneur.

    Un prix qui n’a pas fait l'unanimité, même chez les esprits éclairés. France Culture s’en est fait écho en rappelant que « ce Nobel ne fait que retarder la consécration de grands auteurs comme Haruki Murakami ou Philip Roth, (mais) quand on connaît le travail de Dylan et quand on sait combien il a inspiré de générations d’auteurs-compositeurs, la qualité de sa prose ne fait aucun doute (…).  Un grand dylanologue, Ron Rosenbaum , se pâme »:  « Dylan, dit-il, mine et sape le langage. Il a d’ailleurs exercé une subtile influence sur sur la façon dont nous parlons, ce côté contrefait et pince-sans-rire. » Et puis, « La secrétaire permanente de l’Académie suédoise a répondu d’avance aux critiques qui ont estimé qu’un auteur de chansons ne pouvait pas être considéré comme un poète. Les textes d’Homère comme de Sappho, a dit Sara Danius, étaient eux aussi destinés à être déclamés ou probablement chantés en public. Pareil pour ceux de Dylan ».

    La prose de Dylan implicitement comparée aux vers au  génial poète Homère ? Sera-t-il  encore écouté, enseigné (?), étudié (?) dans vingt-huit siècles comme l’est l’auteur de l’Iliade et l’Odyssée ? Sur le site du  Point, Marc Lambron, de l’académie française, ne se prononce pas mais explique que « ceux qui s’étonnent qu’on couronne un chanteur, je dirais que Dylan, c’est Shakespeare avec une guitare Fender. » Songe creux d’une nuit d’automne ?

    Dans Le Point, toujours le psychanalyste, énarque, musicologue et écrivain Michel Schneider balaye ses commentaires laudateurs, mais il est vrai qu’il est déjà accusé d’être un fieffé réactionnaire, et même  de » misogynie », de « transphobie » et d' »homophobie » par le lobby LGBT, coupable de s’être opposé au mariage et à adoption pour les couples de même sexe. Dans la liste des possibles cette année » relevait M. Schneider  » il y avait trois écrivains américains de premier plan : Philip Roth, Don De Lillo et Joyce Carol Oates. Le scandale de certains choix précédents n’était pas que Modiano, Tranströmer ou Aleksievitch soient lauréats, mais que des titans littéraires depuis des décennies ne l’aient pas été, simplement parce qu’Américains. » Aussi le couronnement de M. Dylan s’explique par le fait « qu’on croit qu’il chante contre l’Amérique ». D’ailleurs, pour preuve, le jury des Nobel  » a pardonné à Alice Munro d’être anglophone parce qu’elle n’était pas américaine mais canadienne. Le dernier auteur américain nobélisé fut Toni Morrison en 1993, peut-être parce que, noire et femme, elle n’était pas l’écrivain, homme et blanc tant honni par les Suédois progressistes et tiers-mondistes. »

    L’écrivain, psychanalyste, féministe et femme de gauche Julia Kristeva confirmait implicitement l’analyse de Michel Schneider, en confiant pour sa part sur France Culture que le Nobel attribué à Bob Dylan devait se comprendre comme une volonté de « désintégrer les frontières entre les genres, la musique et la littérature ».

    Une obsession de la désintégration que l’on retrouve dans la cabale dont est victime le sympathique et talentueux Lorànt Deutsch , dont les livres de vulgarisation (c’est tout sauf un gros mot) historique, Métronome et sa suite ont remporté un succès populaire bien mérité. Il se  trouve dans le collimateur de la gauche depuis sa réussite en librairie, et force est de constater que sa participation au   documentaire sur Céline réalisé par Guillaume Laidet (texte et scénario de Patrick Buisson) diffusé sur la chaîne Histoire dirigée par M. Buisson n’a pas arrangé sa réputation.

    L’Afp le rapporte deux enseignants d’histoire-géographie et militants du Front de Gauche de Trappes dans les Yvelines, « ont décidé ne pas assister à l’intervention de Lorànt Deutsch prévue devant les élèves de 4e et de 3e de la ville le 4 novembre prochain. Face à ce boycott, (M. Deutsch)  a préféré renoncer. »

    « Devant nos élèves ? Ce sera sans nous, ont écrit les deux professeurs dans une tribune publiée sur le blog Aggiornamento Histoire-Géo. « Sa venue à Trappes n’est que la conséquence de l’idée selon laquelle les élèves des quartiers populaires du département, d’ascendance immigrée récente, ne seraient pas assez attachés à la République; L’urgence serait de leur faire aimer la France et la République, et le seul moyen pour y parvenir serait de les divertir et de les émouvoir dans une Histoire présentée sous la forme d’un roman national. Nous refusons d’être associés à une démarche qui va à l’encontre du métier que nous exerçons : l’Histoire n’a pas pour but de faire aimer la France, c’est une science qui permet de comprendre le passé par une étude critique et dépassionnée; Notre fonction est d’amener nos élèves vers la connaissance, pas de diffuser auprès d’eux des images d’Épinal qu’habituellement on épargne (sic)  aux autres élèves de France ».

    « À une main tendue, on m’a proposé un poing fermé », a réagi Lorànt Deutsch. Du côté des organisateurs de l’événement, la stupéfaction domine : C’est une situation irréelle, souligne le président du salon Histoire de lire, Étienne de Montety. Lorànt Deutsch est un passeur, un homme qui transmet. Je croyais que l’on vivait dans un pays où règne la liberté d’expression »…

    M. de Montéty est (faussement?) naïf, la liberté d’expression est bien évidemment à géométrie variable  constate Bruno Gollnisch,  pour les petits  Robespierre (lequel dans sa monstruosité n’était  lui pas exempt d’une certaine grandeur et rectitude) qui veillent aux grains  de l’historiquement correct  et traquent les déviants qui osent rappeler que la France n’est pas réductible à 1789, à la république, mais une réalité charnelle, indissociable de la spiritualité  chrétienne. Toutes choses que n’importe quel  républicain agnostique ou athée honnête ne peut que reconnaître.

    Porte-parole  de Jean-Paul Mélenchon, dont il est le  chargé des argumentaires contre le FN, Alexis Corbière est à la tête de cette chasse au Lorant Deutsch qu’il accuse de sympathies monarchistes et de populisme chrétien. Sur son blogue, M Corbière  dénonçait en 2013 une « école buissonnière de l’histoire », clamant son indignation au sujet d’un entretien accordé par M. Deutsch au Figaro dans lequel l’auteur de Métronome  désapprouvait  « une approche de l’Histoire purement laïque. Il veut, en parlant des grands hommes une transmission de l’Histoire qui nous oblige à lever la tête, donc à risquer d’apercevoir l’ombre de Dieu. Évidement, il insiste sur le fait que la République n’a que cent cinquante ans au compteur quand la monarchie en affiche mille cinq cents. Façon de dire, que la vérité de la France est plus dans la monarchie, que dans la république, présentée presque, en creux, comme un épisode secondaire de notre longue histoire. »

    Et M. Corbière de s’offusquer encore de cette constatation de Lorant Deutsch: « Je vois bien qu’on peine à être objectif pour évoquer la décolonisation, l’Occupation ou l’Holocauste, car il existe encore des personnes vivantes qui ont souffert dans leur chair à l’occasion de ces événements. Moi-même, comment pourrais-je parler de la Seconde Guerre mondiale de manière sereine et rationnelle en sachant que la famille de mon père a disparu à Treblinka (sa famille paternelle est juive hongroise, NDLR) ? Cela m’est impossible. J’invite chacun à méditer quelques instants sur ces propos et à en mesurer toute l’ambiguïté » affirme Alexis Corbière. L‘ambiguïté, la dégueulasserie,  elle réside évidemment  dans le procès sous-jacent qui est fait à Lorant Deutsch, dont la famille a payé au prix fort les totalitarismes du XXème siècle, à fui les persécutions communistes en Hongrie en 1956,  et qui a le front de clamer sa fierté d’être catholique comme sa maman.

    Insupportable pour les commissaires politiques de la France hors sol, les grands prêtres du progressisme et autres fanatiques de la table rase? Une fois n’est pas coutume laissons la parole à Bob Dylan (Blowin’ in the wind): « Yes, ‘n’how many years can some people exist, before they’re allowed to be free ? The answer is blowin’ in the wind (Oui, et combien d’années doivent exister certains peuples, Avant qu’il leur soit permis d’être libres ? La réponse est soufflée dans le vent). Et le vent tourne messieurs les censeurs! 

    http://gollnisch.com/2016/10/21/le-vent-tourne-blowin-in-the-wind/