Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1162

  • L’Être des nations et l’Avoir des marchands par Lionel RONDOUIN

    Intervention de Lionel Rondouin, normalien, enseignant en classe préparatoire, lors du colloque de l’Institut Iliade « Face à l’assaut migratoire, le réveil de la conscience européenne » à Paris le 9 avril 2016.

    Chers amis,

    Je ne peux en vingt minutes que lancer des thèmes et suggérer des pistes. Excusez donc le caractère apparemment sommaire ou « graphique » de mes propos. 

    Le MIM, le Mondialisme Immigrationniste Marchand, est une idéologie à la fois politique et économique. 

    Car il y a une idéologie économique, travestie en science exacte.

    Les fondements de cette représentation du monde économique sont les mêmes que ceux de la prétendue science politique qui voudraient faire remonter la société politique à un contrat social. 

    On sait que, dans l’histoire de la philosophie politique, la notion de pacte social est théorisée par Thomas Hobbes au milieu du XVIIe siècle dans son Léviathan. L’Angleterre des années 1640 est ravagée par une guerre civile. C’est un accident de l’histoire, très similaire à ce qui se passe au même moment en France avec cette guerre civile qu’on appelle la Fronde. 

    En revanche, Hobbes y voit une réalité transcendante et permanente. L’homme est, par nature, égoïste, dirigé par ses seuls intérêts. Toute alliance entre les hommes de cet état « natif » imaginaire n’est que de circonstance. Ils ne connaissent aucun lien de solidarité. La nature humaine, c’est la guerre de tous contre tous. Pour Hobbes, l’homme n’est donc pas de naissance un animal social, le « zôon politicon » d’Aristote intégré à une société concrète, préexistante à lui, dotée d’une dimension traditionnelle, juridique, culturelle, linguistique (ce qu’on appelle aujourd’hui une identité), cette société qui constitue un ensemble de liens et qui, sous certains aspects, le détermine dans ses rapports aux autres individus et à la collectivité. Pour Hobbes donc, les hommes, lassés de cette anarchie sanglante et contre-productive, imaginèrent de passer entre eux un contrat de type commercial et de déléguer une partie de leur liberté à une entité nouvelle, l’État, maître et arbitre, qui ferait régner l’ordre nécessaire. 

    Les théories de Hobbes sont à l’origine de toutes les théories de la table rase qui, sous des formes diverses, se succèdent en Occident depuis trois cents ans. L’humanité, ses sociétés, ses générations successives sont des « tabulas rasas », des tablettes de cire sur lesquelles le temps a écrit des mots, des histoires, des conceptions du monde et des pratiques des rapports sociaux. On pourrait, en chauffant un peu la tablette, faire fondre la cire qui redeviendrait lisse, « rase » et donc vierge, et l’on pourrait donc écrire dessus, en toute liberté, de nouvelles aventures, un nouveau droit, de nouvelles sociétés, un homme nouveau. « Du passé faisons table rase », dit l’Internationale. Ces théories sont l’origine du constructivisme politique, de la théorie des constitutions et de la prétention à rompre avec une nature et des héritages, à « remettre les pendules à zéro » dans l’histoire. Cette problématique est d’actualité puisque rien dans cette logique n’empêche de voir des individus allogènes s’agréger au contrat social. 

    Dans le domaine de la théorie économique maintenant, qui ne voit la similitude entre la théorie politique de Hobbes et la théorie économique d’Adam Smith, le père et toujours pape de la « science économique » libérale ? 

    L’homme économique est réduit à sa double fonction de producteur et de consommateur, c’est un « agent économique ». Dans sa relation aux autres agents, l’homo œconomicus ne vise qu’à maximiser son utilité, c’est-à-dire son intérêt individuel en dehors de toute considération de solidarité. La relation économique est à la fois concurrentielle et contractuelle, que ce soit le contrat d’achat-vente ou le contrat de travail. La concurrence pure, parfaite et non faussée est garantie par l’État et les Codes, civil et de commerce, en sont les instruments de contrôle. 

    Les principes de ces deux idéologies sont communs : les individus sont de purs atomes, des monades leibnitziennes qui flottent quelque part dans le plasma inorganique de l’espace et du temps, des individus hors-sol, interchangeables et équivalents, sans aucune détermination culturelle ou historique. 

    Deux conceptions des sociétés s’opposent. 

    Soit les sociétés humaines sont des êtres collectifs dont la valeur est plus que la somme des parties qui les constituent. Ces sociétés sont inscrites dans un espace déterminé et dans une profondeur historique. Elles ont une culture qui peut évoluer dans le temps mais sur la base d’un héritage. Elles acceptent la nouveauté mais avec le regard critique de celui qui juge un arbre à ses fruits. Les activités culturelles, sociales, économiques, les rapports entre individus et les rapports collectifs entre groupes familiaux, sociaux et économiques sont régulés par des normes et – j’ose le dire – des interdits qui assurent le respect de la solidarité. Les sociétés, comme tous les êtres vivants, ont pour objectif de se reproduire, de transmettre. C’est le principe de pérennité et de tradition-transmission. 

    Soit à l’inverse les sociétés sont des agrégats modelables et remodelables ad libitum en fonction des situations et des intérêts du moment. Les individus maximisent leur intérêt individuel et tout peut librement être marchandisé, temps, travail, procréation. Rien ne s’oppose à ce que l’étranger participe librement à la concurrence locale sur le marché du travail si les élites économiques y trouvent un intérêt. Si le « premier capitalisme » conservait un grand nombre de valeurs patrimoniales et familiales traditionnelles, nous sommes aujourd’hui dans la phase trois du système, le capitalisme financiarisé régi par la loi du rendement immédiat et de l’économie hors-sol. Rien ne s’oppose non plus à ce que l’étranger vienne remplacer l’autochtone défaillant et stérile pour abonder les caisses de retraite, du moment que le retraité touche sa pension et puisse faire sa croisière annuelle. Le temps individuel et collectif est normé par le court-termisme. Après moi, le déluge. Enfin, dans cette société, toute « novation » est reçue comme bienvenue dans cet « hôtel de passage » qu’est la société selon Jacques Attali. 

    Tout repose donc sur la conception de l’individu. 

    Malheureusement pour nous, la dernière chose dont nos contemporains accepteront de faire leur deuil est le culte et le primat de l’individu, individu politique et social libre de toute détermination, individu libre de jouir sans entraves dans l’instantanéité du temps, « l’homo festivus » qu’a bien défini Muray. Le « vivre ensemble » de « l’homo festivus » est un mélange paradoxal de consommation matérialiste, de jouissances fugitives et de convivialité factice où des individus « font la teuf » en racontant leur « fun » sous forme de messages adressés à des inconnus autistes par des zombies autistes, tous rivés à leur écran. 

    Et c’est pourtant à cet individualisme qu’il faut renoncer pour revenir à une conception et une définition holiste et organique de la société. Notre tâche est donc rude. 

    Le débat n’est pas moral. C’est aujourd’hui une question de survie individuelle et collective.

    Nous vivons sur une confusion, qui date de l’époque où nous autres Européens avons constitué le concept d’individu, en mêlant un peu de philosophie grecque socratique et beaucoup de métaphysique chrétienne (c’est le Christ qui a inventé le rachat de l’individu par lui-même alors que le péché et la malédiction du peuple juif sont collectifs). 

    Cette illusion est de nature juridique.

    Le droit ne connaît de responsabilité qu’individuelle, alors que l’histoire connaît la responsabilité collective. Une nation (collectivité humaine, sociale, politique et culturelle) ou une génération (un tronçon temporel de la même collectivité) assument une responsabilité, et nous sommes tous – même les opposants et les dissidents – indéfiniment co-responsables des décisions et des options qui auront été prises de notre temps. 

    La sidération qui frappe nos contemporains devant les « attentats aveugles » (comme si des attentats étaient aveugles…) tient largement à une conception erronée de la responsabilité. « Je ne leur ai rien fait ». Or les terroristes ont raison. Il n’y a pas d’innocents. 

    Nous sommes responsables d’être ce que nous sommes, d’être les héritiers de notre civilisation et des décisions prises par nos prédécesseurs. Nous sommes déterminés par nos racines à être blancs, croisés, descendants des défricheurs de la Beauce et des constructeurs de Sainte-Sophie de Constantinople, paysans italiens devenus artisans français, etc… Les destins sont collectifs. 

    Cette illusion juridique individualiste – « je, en tant qu’individu, ne leur ai rien fait » – ne va pas sans paradoxe, puisqu’elle s’accompagne d’un ethno-masochisme, la haine de soi en tant qu’être collectif historique, dont les manifestations les plus visibles sont la repentance historique constante, la commémoration maladive des prétendus péchés de notre civilisation, et les lois xénophiles dans le domaine social et politique. 

    Le « vivre ensemble » qu’on nous propose repose sur le postulat de l’accueil et de la déclaration de paix. Or il ne sert à rien de dire « je t’aime » à celui qui répond « moi non plus ». « Faites l’amour, pas la guerre » est une proposition frappée d’une absurdité logique. De deux parties, une peut, toute seule, déclarer la guerre à l’autre, alors que pour faire l’amour, il faut être d’accord tous les deux. Ou alors, c’est un viol et c’est une autre histoire. 

    Quelles sont donc les voies qui nous sont ouvertes pour faire face au défi, au danger le plus grave qu’ait connu l’Europe depuis 1650 ans, c’est-à-dire depuis les dernières grandes invasions de peuplement ? 

    Que faire, donc ? 

    J’évoquerai plusieurs pistes, non exclusives les unes des autres, dans le domaine politique, éducatif, culturel, économique. 

    Les principes de ces différentes actions sont identiques : 

    • il faut répéter que nous sommes la majorité, mais agir comme si nous étions déjà une minorité. Rien n’est plus désastreux que le concept de « majorité silencieuse » qui a fait tant de mal à la droite, car la majorité a en permanence élu et laissé faire sans rien dire des élites qui l’ont trahie. Les minorités conscientes et actives mènent le monde, 

    • il faut alerter, dénoncer les contradictions du système, revendiquer et défendre la liberté d’expression, 

    • il faut éduquer, transmettre, former la génération montante, 

    • il faut mettre à profit les tendances actuelles et les initiatives qui vont dans le sens du localisme et d’une conception holiste de la société.

    Dans le domaine politique, nous avons un rôle de lanceurs d’alerte, de propagateurs d’information et de défenseurs d’internet contre le totalitarisme mou qui s’instaure. Actuellement, ce ne sont pas les sites djihadistes ou immigrationnistes que l’on ferme ou que l’on persécute, ce sont les lanceurs d’alerte qui sont persécutés par le prétendu état d’urgence. Le gouvernement français avait déjà refusé l’asile politique à Snowden, dénonciateur de l’espionnage généralisé par des intérêts étrangers. Aujourd’hui, les sites d’information sont surveillés. Le dimanche soir précédent les attentats de Bruxelles, Marion Maréchal-Le Pen s’est fait incriminer sur BFM-TV par la responsable des informations politiques du Parisien. Son crime était d’avoir twitté lors de l’arrestation de Salah Abdesselam : « Je me réjouis de cette arrestation, mais combien en reste-t-il dans la nature ? » La journaliste lui a demandé si elle n’avait pas honte de tenir des propos « anxiogènes »… Et 36 heures après, les complices d’Abdesselam encore dans la nature faisaient plus de 30 morts… Et bien, non, nous n’avons pas honte de tenir des propos anxiogènes ! Et je vous propose de réfléchir à la manière d’amplifier notre voix. 

    Dans le même domaine politique, nous devons nous attacher à expliquer et diffuser auprès du plus grand nombre, en tout temps et en tous lieux, où se situe l’escroquerie économique la plus flagrante du MIM. Non, les migrants n’assureront pas le financement de la retraite par des cotisations sociales ! Dans un contexte historique de vieillissement de la population européenne, il serait déjà hasardeux d’escompter que la solidarité trans-générationnelle fonctionne parfaitement, sans remise en cause de cette situation d’exploitation des classes jeunes par les baby-boomers qui ont refusé les contraintes de l’éducation d’une famille pour mieux profiter des plaisirs de la société de consommation. Peut-on donc penser que, quand bien même les nouveaux arrivants trouveraient leur place sur le marché du travail avec les normes de productivité que nous exigeons des salariés, ces salariés accepteraient de subvenir aux besoins de personnes avec lesquelles ils n’ont et ne se sentent aucun lien de solidarité ? Je pense que le message est rude à entendre pour nos concitoyens, mais il est nécessaire. Tant pis pour le niveau de vie des retraités, à titre individuel. C’est leur génération qui a collectivement pris les mauvaises décisions. C’est comme la dette, il faudra payer l’addition… 

    Nous devons aussi nous faire les pourfendeurs de toute forme de marchandisation du vivant. Non seulement contre la marchandisation du corps comme nous le faisons pour la GPA et ce message me semble porteur et efficace, mais aussi contre la brevetabilité du vivant sous toutes ces formes. Il y a là une synergie à trouver avec les opposants aux lobbies pharmaceutiques et aux Monsanto en tout genre, qui peut nous donner de la visibilité, en pleine cohérence avec notre vision du monde. 

    Il faut enfin dénoncer préventivement les naturalisations massives à venir. Le peuple votant et pensant mal, les élites n’ont d’autre voie que de diluer le peuple en procédant à ces naturalisations, si possible dès le prochain quinquennat en France. 

    En revanche, l’action politique ne peut pas être l’alpha et l’omega de notre action. En effet, comme l’a très bien vu Laurent Ozon par exemple, pour réussir en politique, il faut être élu et donc s’abstenir de discours excessivement traumatisants. L’inaudible – ce que l’on ne veut pas entendre – est donc indicible. À ce titre, nous savons tous ici que cela sera très dur dans l’avenir – troubles civils et sociaux, baisse générale du niveau de vie, etc… – mais on ne peut incriminer un parti politique lorsqu’il affirme détenir les moyens de contrôler la situation. Je dis cela pour les impatients et les radicaux…

    Il convient donc d’agir aussi hors de la sphère politique. 

    Un des axes prioritaires d’action est l’éducation, afin de former des élites capables d’assumer leur responsabilité à venir. 

    Le système, avec l’assentiment fataliste de nos contemporains, a fait s’effondrer l’enseignement de tous les savoirs et de toutes les méthodes qui permettent de comprendre et de juger le monde. Cette faillite profite bien entendu au projet du MIM car l’Éducation nationale (à laquelle j’inclus généralement l’enseignement confessionnel sous contrat) produit des individus hors-sol, hors-histoire, indifférenciés, interchangeables et disposés à accepter tout projet qui ferait table rase de notre identité. 

    Le niveau général est lamentable en capacité logique d’analyse et de déduction, en histoire, géographie physique et humaine, économie politique, philosophie, sociologie. Le français est lu et parlé avec un vocabulaire pauvre et approximatif, proche du niveau d’une langue étrangère moyennement maîtrisée plutôt que de celui d’une langue maternelle. Même l’apprentissage du calcul est rendu difficile du fait de la pauvreté du vocabulaire français, car les élèves ne peuvent pas comprendre les mots du problème posé. 

    Je vous propose donc de réfléchir à la création d’écoles hors contrat ou au renforcement d’écoles existantes. Ce projet supposerait la mobilisation de bonnes volontés, de compétences juridiques et de moyens financiers, mais cela me semble la suite logique de notre entrée en sécession. 

    Un autre volet de cette éducation est celui des valeurs. Nous pouvons transmettre les valeurs holistes et solidaires et former les élites qui nous seront nécessaires. 

    Une des faiblesses constitutives de la société marchande a bien été mise en lumière par François Perroux, dont je vous rappelle qu’il a été l’un des économistes français les plus brillants, professeur au Collège de France, grand mathématicien, avant d’être méprisé par l’Université de la pensée unique. Il avait en effet comme projet de constituer une économie politique globale permettant une compréhension des phénomènes économiques comme l’une des dimensions de la société, mais pas la seule et en tout cas pas autonome par rapport à ses autres dimensions. Il écrit, dès 1969 : 

    « Toute société capitaliste fonctionne régulièrement grâce à des secteurs sociaux qui ne sont ni imprégnés ni animés par l’esprit de gain et de la recherche du plus grand gain. Lorsque le haut fonctionnaire, le soldat, le magistrat, le prêtre, l’artiste, le savant sont dominés par cet esprit, la société croule, et toute forme d’économie est menacée. […] Un esprit antérieur et étranger au capitalisme soutient durant une durée variable les cadres dans lesquels l’économie capitaliste fonctionne. Mais celle-ci, par son expansion et sa réussite mêmes, dans la mesure où elle s’impose à l’estime et à la reconnaissance des masses, dans la mesure où elle y développe le goût du confort et du bien-être matériel, entame les institutions traditionnelles et les structures mentales sans lesquelles il n’est aucun ordre social. Le capitalisme use et corrompt. Il est un énorme consommateur de sève dont il ne commande pas la montée […]. » 

    Ce texte magnifique doit nous rappeler que, lorsque le MIM et le capitalisme de troisième type échoueront dans leur projet comme le parasite meurt de l’épuisement de son hôte, nous aurons plus que jamais besoin de ces élites animées de valeurs de service, ces valeurs « libérales » au sens grec du terme. C’est le rôle que nous devons assigner à nos activités communautaires et de scoutisme, qui seront une source de sève dans les périodes troublées à venir. 

    Passons maintenant à la manière dont nous pouvons nous appuyer sur des tendances existantes dans la société actuelle, sur d’autres écoles de pensée et d’action que nous avons souvent considérées comme éloignées de nos préoccupations, mais qui se sont insensiblement rapprochées de nous comme nous nous rapprochions d’elles. J’entends par là tous les mouvements qui se revendiquent de la notion de responsabilité collective. La responsabilité sociale et environnementale, la consommation responsable, la sobriété étaient des concepts plutôt universalistes. Mais la réalité des faits et l’influence de certaines personnalités comme Michéa ont amené les promoteurs de ces théories et de ces pratiques à comprendre enfin que le commerce équitable, ce n’est pas seulement pour les petits producteurs de café du Costa-Rica chers à Max Havelaar. C’est aussi pour nos frères agriculteurs et éleveurs gaulois qui se crèvent au travail, exploités par le système et la mondialisation, à 30 kilomètres du centre-ville de Paris. Commerce équitable de proximité, circuits courts, voilà qui nous convient parfaitement et où nous avons un rôle concret à jouer. J’y rajouterai une réflexion sur la manière d’organiser ou de relayer des campagnes de boycott à l’encontre d’enseignes ou de marques. 

    Dans le domaine économique, nous devons entreprendre et aider nos entrepreneurs, avec un esprit de communauté minoritaire. Financement, relations comme fournisseurs ou clients, qu’importe. Et, pour ce qui concerne l’entreprise, nous devons systématiquement nous constituer en forme juridique de sociétés de personnes, SCOP, SARL, etc., et non pas en sociétés de capitaux. Cela permet de coopter les personnes et, de surcroît, comme les associés ne relèvent pas du contrat salarial, cela nous permettra de contourner plus efficacement les contraintes xénophiles du droit du travail, qui ne feront que se renforcer. Tous les domaines sont ouverts : services dont l’éducation dont j’ai déjà parlé, mais aussi commerce, voire industrie dans une politique de relocalisation. 

    Voici, mes chers amis, les quelques pistes de réflexion et les quelques propositions que je souhaitais vous soumettre. 

    Je vous remercie de votre attention. 

    Lionel Rondouin 

    • D’abord mis en ligne sur Institut Iliade et repris par Cercle non conforme, le 18 avril 2016.

    http://www.europemaxima.com/

  • Tintin en colère à la une du dernier numéro d’Eléments

    Eléments-160-Couv-254x350.jpgC’est un Tintin déterminé, brandissant une arme de poing, qui fait la une du dernier numéro d’Eléments titré : « Je suis la guerre. Oser désigner l’ennemi », référence qui n’échappera pas aux lecteurs de Carl Schmitt ou de Julien Freund et dont voici l’éditorial :

    « Voici des années, des décennies peut-être, qu’on répète que « ça ne peut plus durer », que « ça va craquer », que « nous sommes en 1788 », qu’« on danse sur un volcan ». Et pourtant, tout continue. (…) On se traîne, on grogne, on déprime, mais on vit plus que jamais sous l’horizon de la fatalité. Le désespoir n’engendre que la résignation. (…)

 Dans cette époque molle, souple, flexible, précaire, où l’on préfère les formes rondes aux formes droites, on déteste la verticalité. On aime le vocabulaire maternel : le dialogue, la compréhension, la tolérance, l’accueil, l’ouverture, quitte à se montrer féroce avec ceux qui ne communient pas dans l’idéal du magma. Terrorisme du Bien, compassionnel et lacrymal à tous les étages. Le sentimentalisme a tué le sentiment, tout comme la sensiblerie a tué la sensibilité. (…)

    « Les attentats, qui viennent çà et là troubler la torpeur ambiante, sont un révélateur remarquable. Ils ne suscitent pas le désir de prendre les armes, ils n’aiguisent pas les volontés, mais ouvrent les vannes d’un Niagara de pleurs.On allume des bougies, on récite des hymnes à l’amour, on fait des minutes de silence, on organise des « marches blanches » et autres pitreries. On ne chante pas le Dies Irae, mais Give Peace a Chance.

    « Homo festivus, quand il est pris pour cible, n’a qu’un souci : montrer comme on est injuste avec lui, alors qu’il est si gentil. Dans le monde des bobos, il y a quelques cerveaux et beaucoup de ventres. On demande des colonnes vertébrales.
On est en guerre, paraît-il. Mais pour l’immense majorité de nos concitoyens, la guerre est un gros mot, une réalité du passé. Personne ne veut la guerre. C’est pourquoi on proclame que les méchants ne nous empêcheront pas de rigoler, d’aller en discothèque et de boire un verre sur les terrasses. Ah, mais !
 On est en guerre, mais contre qui ? Il y a apparemment un ennemi, mais on s’applique à ne jamais donner son nom. Pour brouiller les pistes, on préfère montrer du doigt des abstractions. On fait la guerre au « terrorisme », au « fanatisme », à la « radicalisation », à la « haine ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Le terrorisme n’est pas un ennemi, c’est seulement un moyen auquel l’ennemi a recours. (…)

    « À « Nuit debout », on multiple les assemblées populaires sans peuple (le peuple doit se lever tôt le matin). On refait le monde dans la stratosphère, ce qui est sympathique, mais en réclamant simultanément la fin de la logique du profit et l’abolition des frontières – comme si le capitalisme, qui lui ne dort jamais, pouvait s’en laisser remontrer en matière de sans-frontiérisme ! Des mots contre les maux. (…) Mais de révolution, il n’est bien sûr plus question. (…) La grève générale de Mai 68 est plus loin que jamais, et ceux qu’on appelle encore des gauchistes ne sont plus aujourd’hui que des libéraux qui veulent seulement que le marché s’ouvre encore plus aux exigences du « désir ». Le peuple, le vrai peuple, voudrait conserver sa sociabilité propre, préserver ses manières de vivre, ses valeurs partagées. »

    Le sommaire de ce n° 160, daté de mai-juin 2016, est à consulter ici. Eléments(pour la civilisation européenne), une revue des idées à lire sans modération.

    http://fr.novopress.info/201025/tintin-colere-a-dernier-numero-delements/

  • Livres • PIERRE BOUTANG, MODE D'EMPLOI

    L'oeuvre de Pierre Boutang est un continent dont les falaises abruptes paraissent plonger droit dans les profondeurs de l'océan. Une voie d'accès possible — la plus pénétrante, peut-être — est de le suivre sur les chemins escarpés de sa vie. C'est ce que nous propose Stéphane Giocanti. Dont il est fait ici une remarquable analyse*.

    Par Christian Tarente

    4107098197.jpg« Vous parlez comme un livre ! » lançait un jour Boutang, moqueur, à un jeune fanfaron. Mieux qu'à nul autre, c'est pourtant à lui-même que cette boutade pourrait s'appliquer à la lettre : il parlait comme il écrivait, d'un même rythme, sans rupture ni rature. L'habitait une sorte de densité permanente, que seuls désarmaient, à certains moments, l'humour ou l'émotion. Ce poids spécifique, propre à sa nature même, issu de quelque grâce inexpliquée, n'est évidemment pas pour rien dans le sentiment répandu que son oeuvre est d'un accès difficile. Aussi est-ce souvent par certains aspects particuliers de son travail, notamment la critique littéraire (Les Abeilles de Delphes, La Source sacrée, La Fontaine politique), que beaucoup parviennent à l'aborder. Avec le risque d'être tentés d'en rester là, de ne pas oser affronter ses autres grands livres - Ontologie du secret, Apocalypse du désir, Le Purgatoire, ou le Maurras... -, dont la lecture peut prendre l'allure d'une épreuve rebutante, voire dissuasive.

    DEUX PERSONNAGES CAPITAUX, TOUS DEUX PRÉNOMMÉS CHARLES...

    On ne se risquera pas ici à prétendre que Boutang est plus facile à lire qu'on ne le croit. Entrer dans sa vision des choses et dans son mode de pensée implique indéniablement un effort, une ascèse si l'on veut. Il faut l'admettre d'emblée : ce n'était pas un adepte de la clarté classique, son oeuvre ne s'ordonne pas comme un jardin à la française. Non qu'il ne soit pas lumineux, mais la lumière procède chez lui d'harmoniques complexes qui ne demandent qu'à révéler leurs surprenantes richesses. Il y a quelque chose d'essentiellement musical dans la manière dont sa pensée s'élabore et se déploie. Parfums, couleurs et sons s'y répondent d'une manière qui n'appartient qu'à lui, et qu'il va chercher dans tout ce qui a fait la matière même de sa vie.

    Né sous la calamiteuse IIIe République, marqué au fer par la Seconde Guerre mondiale, son itinéraire s'est vu éperonné par l'enchaînement diabolique des événements. Deux personnages capitaux, tous deux prénommés Charles, vont y jouer, à des titres bien différents, un rôle déterminant À 14 ans, le jeune Pierre découvre le bouleversant Corps glorieux de Maurras (reproduit dans le Dossier H « Pierre Boutang »), que son père lui lit les larmes aux yeux. Sans encore bien le comprendre, il découvrait l'inquiétude métaphysique du chef de l'Action française. Dès lors, le discours sur l'amour de Diotime dans Le Banquet de Platon suffira à faire de lui un platonicien à vie. Et décider de son destin de philosophe. Le débat Maurras-Boutang sur Platon et Aristote, dialogue d'une vie, restera au coeur de l'étonnante et indestructible fidélité, « jusqu'au bout de son souffle », de Boutang à son vieux maître. En dépit - et peut-être à cause - de l'antisémitisme d'État, de Vichy, de l'épuration, de la prison, de la vieillesse...

    L'autre Charles, ce général qui s'est forgé une légitimité de la manière poignarde que l'on sait, sera pour Boutang, loin de sa vie intime certes, l'occasion de grandes rencontres d'idées et de vives espérances pour le pays, mais aussi (surtout ?) de cruelles déceptions et d'amères frustrations.

    C'est sur ce fond de décor que les grandes étapes de sa vie vont s'installer, induisant plus ou moins directement la parution de ses oeuvres. 1947 : journaliste à Aspects de la France ; 1950 : lettre de Maurras lui interdisant le découragement (« Il faut que l'arche franco-catholique soit mise à l'eau face au triomphe du pire et des pires ») ; 1955 : fondation de La Nation française, qui paraîtra chaque semaine pendant douze ans ; 1967 : réintégration à l'Université : il devient professeur de lycée ; 1973: soutenance de thèse portant sur l'ontologie du secret ; 1976: nommé professeur à la Sorbonne, malgré la cabale menée contre lui par Derrida, il y enseignera jusqu'en 1989, marquant de son empreinte toute une génération de jeunes philosophes (Marion, Bruaire, Colosimo, Mattéi,...).

    LA VIE MOUVEMENTÉE DE BOUTANG, VOIE D'ACCÈS À SON OEUVRE

    L'étroite imbrication entre une vie hors du commun et une oeuvre qui ne l'est pas moins forme la substance même de la magistrale biographie que vient de publier Stéphane Giocanti. S'appuyant notamment sur les Cahiers que Boutang a tenus de 1947 à 1997 (des milliers de pages, encore inédites, mais bientôt publiées), il fournit une masse considérable d'informations, des plus simples - notamment les agitations de sa vie personnelle, traitées avec délicatesse - aux plus décisives. Leur grand mérite est de grandement contribuer à éclairer le sens de son oeuvre.

    Prenons par exemple Ontologie du secret, son « maître-livre », salué par les plus grands. Simple sujet de thèse ? Non, dit Giocanti, c'est depuis la fin de la guerre qu'il porte en lui un traité de métaphysique tournant autour du « désir de l'origine », et de « l'origine comme fondement du désir » : l'origine absolue, c'est Dieu même, et sa Parole créatrice qui se révèle dans le secret. Au service de sa réflexion, Boutang mobilise des lectures considérables qui touchent à presque toute la culture occidentale : des présocratiques, Platon (le Parménide, qu'il récitait par coeur) et Saint Augustin à Musil et Pound, en passant par tous les grands noms de la philosophie, de Descartes et Kant à Heidegger et Wittgenstein, mais aussi Giambattista Vico (le napolitain de la Scienza nuova, sa grande redécouverte), Dante, Nicolas de Cusa, Shakespeare, Pascal, le cardinal de Retz, Max Scheler, Simone Weil, Freud, Dostoïevski... Pas l'ombre d'une cuistrerie, pourtant : de l'érudition, certes, mais au seul service de ses démonstrations. Sans compter un large appel fait aux rencontres et aux souvenirs personnels.

    Comme l'a noté Gabriel Marcel, Ontologie du secret est un périple, une sorte d'Odyssée à la manière, peut-on dire, de James Joyce. D'ailleurs, Boutang s'en souviendra en écrivant Le Purgatoire, ce roman-confession dont Giocanti nous fournit, là encore, et comme il le fait pour l'ensemble de. ses livres, les tenants et aboutissants biographiques.

    Avec cet ouvrage, nous disposons désormais de deux outils majeurs d'explicitation de l'oeuvre du Forézien : l'autre est le « Dossier H » publié à L'Âge d'Homme en 2002, sous la direction du même Giocanti et d'Axel Tisserand. Parmi ses contributions, Stéphane Giocanti s'était attaché à explorer le lien entre Boutang et Maurras. Ce lien indéfectible ne cesse de nous interroger. Chez un esprit de cette trempe, la fidélité filiale n'explique pas tout.

    PIERRE BOUTANG, de Stéphane Giocanti, Flammarion, coll. Grandes biographies, 2016, 460 p., 28 euros.

    * Politique magazine, mai 2016

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • La pente despotique de l’économie mondiale (Hubert Rodarie)

    la-pente-despotique-de-léconomie-mondiale-200x300.jpgHubert Rodarie est directeur général délégué du groupe d’assurance SMABTP et auteur de plusieurs ouvrages traitant de la situation économique et financière.

    Et si le communisme soviétique et le capitalisme libéral partageaient plus de points communs qu’on ne le pense ? C’est ce que vient constater cet ouvrage écrit par un professionnel de l’assurance, des activités d’investissement et de gestion financière.

    Le monde financier veut maîtriser les activités financières en créant des organisations où chaque individu est asservi à un ensemble de règles techniques. Ce mouvement a été appelé la « robotisation des activités financières ».

    A travers ce livre, Hubert Rodarie montre qu’il existe une volonté d’installer les déséquilibres comme moteurs de croissance. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le système économique a organisé des déséquilibres structurels, générateurs continuels de dettes qui ne rencontrent aucune limite. Et cette croissance continuelle de l’endettement rend vaine toute recherche de maîtrise de la qualité des emprunteurs : inévitablement vient un jour où les bornes d’une « décence commune  » selon l’expression d’Orwell viennent à être franchies, en un endroit ou un autre de la planète, et nous pouvons alors égrener ainsi les crises financières au long des dernières décennies. 

    Au final, le monde occidental se retrouve dans une situation telle que la vivait et l’analysait Zinoviev à la fin des années 1970 en Union soviétique. Le citoyen est pris dans un système qui, tel un filet, contraint sa liberté d’action.

    La pente despotique de l’économie mondiale, Hubert Rodarie, éditions Salvator, 379 pages, 22 euros

    A commander en ligne sur le site de l’éditeur

    http://www.medias-presse.info/la-pente-despotique-de-leconomie-mondiale-hubert-rodarie/54462

  • Les Déracinés, de Maurice Barrès Partie 2

    Ce qui ne trouve en revanche aucun élément rédempteur aux yeux de Barrès, c'est le rationalisme kantien, comprenant le fameux Impératif catégorique issue du Fondement de la métaphysique des mœurs (1785). Le défaut fondamental que lui trouve Barrès est qu'il ne prend pas en compte l'existence de la chair, et qu'il s'attache exclusivement à un idéal de pureté davantage adapté à Dieu qu'à l'Homme, négatif photo du pragmatisme (le kantisme considérant, par exemple, qu'une action ne peut être jugée qu'en fonction de ses motivations, et n'a aucune valeur si elle n'est pas mue par la "volonté bonne", ce qui veut dire qu'on excusera l'enfer, tant qu'il est pavé de bonnes intentions). On a évoqué plus haut la réflexion de Kant : "agis seulement d'après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle" (appréciez la plume aérienne du philosophe). Barrès y voit une démonstration d'égocentrisme absolue. Les Déracinés est une critique du règne de la subjectivité et de la moralité individuelle, à laquelle il oppose la "conscience nationale". L'organique. Ses jeunes protagonistes veulent "devenir des individus", seuls entre eux-mêmes, mauvaise idée à laquelle Barrès oppose une pensée holistique pure (qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités et non comme des sommes de parties, s'opposant, d'un point de vue sociologique, à l'individualisme). La morale de Barrès est celle de la volonté d'accomplir un destin commun, celle de la terre et de la patrie. On retrouve sa légère obsession de la "race", qu'il emploie plus au sens territorial que biologique, comme Charles Maurras. À travers son roman, Maurice Barrès cherche à rendre meilleurs l'homme et la société dans laquelle il se meut, non à partir de concepts abstraits ou d'idées fausses, mais en se fondant sur des réalités tangibles. Aux méfaits du jacobinisme, de l'universalisme, et du centralisme sur les jeunes esprits, en un mot, du déracinement, il oppose les bienfaits de la décentralisation, de la continuité, de "tout ce qui demeure vivant de l'héritage de que nous avons reçus de nos pères", en un mot, de l'enracinement. "Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut", écrit Frédéric Mistral dans Les Îles d'or. À l'époque de Barrès, la France avait déjà cessé de monter.

    Barrès descend donc l'enseignement de ladite philosophie par le vil Bouteiller, élite formatée n'envisageant pas un instant de remettre en question son bien fondé, comme un croyant face à la vérité révélée. À travers ce personnage, on pressent la venue, lointaine mais sûre, des profs sociaux-libéraux de l'ère soixante-huitarde, et leur qualité de propagandistes solidifiée par leur conviction d'appartenir au Camp des Saints ; mais aussi des amibes technocratiques moralement désertiques comme un Alain Minc, dont les analyses du monde ignorent ses réalités sociales, culturelles, charnelles. Pour Barrès, l'enseignement de la philosophie allemande contribue à détacher la jeunesse française de ses racines. C'est en partie d'elle que se nourrit le cosmopolitisme, concept dément vieux comme l'antiquité mais appliqué depuis peu au monde. L'expression "citoyen du monde" reviendra à plusieurs reprises dans le roman, jamais sous un éclairage positif, naturellement. En tentant d'accéder à l'universel, les petits étudiants vont se défaire de leurs attaches régionales, du lien charnel à la terre, et d'un certain particularisme, devenant des créatures sans passé, employées du grand Capital, bâtards du siècle. On croyait les pages vierges qu'ils étaient remplies des "enseignements" de Bouteiller, mais ces "enseignements" ont été écrits à l'encre sympathique. L'élévation va pour beaucoup se transformer en chute, qu'elle prenne la forme d'une sévère désillusion, ou d'une authentique tragédie comme indiquée plus haut : les plus pauvres des sept jeunes Lorrains, confiants en la justesse du nouveau monde et en l'égalité des chances tant vantée, demeureront au final les perdants, victimes du système qui les aura transformés en Icare de supermarché, aveuglés par les lumières de la capitale, croyant naïvement pouvoir toucher le soleil du doigt ("L'état donne aux jeunes Français des notions exagérées de la place occupée dans le monde par les idées de droit, de justice, de devoir" - p.293). Au lieu de cela, ils auront droit à l'isolement et au vice… ils auront droit aux coulisses de leur nouveau monde.

    Les enseignements de l'Empereur

    Plus haut a été évoquée la réunion fondatrice des jeunes protagonistes du livre autour du tombeau de Napoléon 1er. Il va sans dire que la figure de l'Empereur occupe une place cruciale dans Les Déracinés, comme ce chapitre constitue un passage charnière du récit. Une façon de rappeler que le bonapartisme doit être une voie explorée attentivement par le traditionaliste à la fois méfiant de la république, et pas entièrement convaincu par la praticabilité de la restauration royaliste (on pense surtout à la notion de dynastie dans la monarchie héréditaire : vers qui se tourner ? Légitimistes ? Orléanistes ?). L'idée de l'homme providentiel émergeant des cendres du combat a de tout temps suscité la fascination des peuples - plus ou moins conscient des risques de dérive dictatoriale inhérents à ce cas de figure. On peut se demander si la tentation césariste est véritablement un danger.

    Quand on parle de bonapartisme, il ne s'agit pas de celui de Napoléon III, le nain qu'aimait moquer Victor Hugo, et qui aura surtout anéanti les chances de formation d'une dynastie en transformant progressivement l'Empire en régime gras, parlementaire et démocratique. Quitte à choisir un sous-courant consécutif à la dissolution du Second Empire, on préfèrera le bonapartisme "blanc" des victoriens ou impérialistes, proches de la droite royaliste et cléricale, opposée à la gauche républicaine. Mais il est conseillé de s'arrêter sur le "vrai" bonapartisme. Et pour retourner à ses  fondements, la voie la plus conseillée est sans doute la lecture du Mémorial de Sainte-Hélène, recueil des mémoires de Bonaparte rédigé par l'historien Emmanuel de Las Cases au cours d'entretiens quasi quotidiens avec l'Empereur, à Saint-Hélène. Ce que l'on peut en lire confirme le fossé qui sépare le bonapartisme du jacobinisme. Présenté à l'inverse par certains comme un libéral, Bonaparte s'en distingue également par son attachement à un exécutif puissant et sa méfiance presque maladive envers le marché (on pense à son fameux "la bourse, je la ferme"). Son antiparlementarisme et sa méfiance envers les assemblées législatives, "sources d'instabilité", accroissent le pouvoir de séduction de sa "monarchie constitutionnelle tempérée" - nous sommes loin du despotisme militaire. Le caractère plébiscitaire de sa gouvernance renforce plutôt qu'elle ne menace sa dimension héréditaire : pour lui, un peuple aspire à une dynastie de régnants, qui trouvera sa raison d'être dans l'incarnation de ses aspirations élémentaires (après tout, ce n'est pas un référendum qui a fait tomber le second empire). Enfin, Napoléon 1er aspire à la fin du règne des partis, un des éléments fondamentaux de la pensée royaliste. Pour fortifier la nation, Napoléon proclame le bien-fondé de la promotion des élites, et aspire à la création d’une aristocratie nationale sans privilèges anachroniques. Une aristocratie à mille lieues de celle, financière, de cosmocrates nomades jouant avec nos vies de leurs dirigeables de luxe.

    La gouvernance d'un de Gaulle, seul chef d'état digne de ce nom que nous ayons eu en deux siècles, comporte de nombreux points communs avec celle de Napoléon 1er. Il n'y a pas de coïncidence. Cette somme de constats suggère une réflexion de fond sur un système qui parviendrait à combiner les qualités du monarchisme selon Maurras et celles du bonapartisme originel. Le combat de la critique positive n'est pas près de finir.

    Si loin, si proche

    Une des choses qui rendent Les Déracinés d'autant plus passionnant vis-à-vis du Socle, c'est le parallèle que l'on peut faire entre nous, ses membres, et les sept jeunes Lorrains. Comme nous, ils se cherchent un positionnement politique et moral dans la société française moderne - c'est là l'ambition supérieure qui les distingue de leurs pairs. Comme nous, ils cherchent une place à la France dans un monde qui l'ensevelit chaque jour un peu plus, et un sens à l'Histoire qui, elle aussi, prend de cours un peu tout le monde. Comme nous, et en dépit de quelques convictions solides comme la primauté de la nation (issue d'une sorte de proto-boulangisme préfigurant à mon sens un socialisme national), ils bâtissent leur vision du monde sur la conscience que ce dernier est complexe, et que son sens menace de leur échapper à tout instant. Comme Barrès, comme nous, ils se nourrissent de leurs doutes et de leurs dissensions cordiales. Il est probable que la majorité des groupes d'action ou de réflexion politique qui se forment dans la France d'aujourd'hui aient, chacun, leur François Sturel, leur Maurice Roemerspacher, et leur Henri Gallant de Saint-Phlin. Certains membres de ces groupes pourront même puiser dans Les Déracinés une certaine inspiration. Au moment d'une réunion, Suret-Lefort dit : "il est évident que chacun de nous a ses vues sur la religion. J'admire Saint-Phlin ; je demande seulement que nul n'ait à endosser les idées de ses collaborateurs. Je ne pourrais écrire à La Vraie République s'il n'était pas entendu que la profession de Saint-Phlin n'engage que lui seul." (p.242) Les multiples divergence entre les membres du journal la Vraie République sont complexes, parce qu'aucun d'entre eux n'a entièrement raison, ni entièrement tort, ce magnifique patchwork illustrant les tourments existentiels de la France d'alors… tourments qui se poursuivent encore aujourd'hui.

    Les Déracinés inspirera nombre de réflexions au traditionaliste n'ayant pas encore trouvé parfaitement sa voie. Rejette-t-il la république, tel un Barrès ? Ou bien sa conception de la France pourrait-elle se satisfaire d'une république autoritaire et "virile", quitte à être portée, dans un premier temps, par un tempérament despotique ? Dans le second cas, croit-il que l'instauration d'une sixième république constituerait un début de solution ? Où se situe-t-il face à, d'un côté, les tenants d'un pouvoir centralisé, comme les césaristes, et de l'autre, l'exaltation par un Barrès de la province comme "France réelle" ? Dans le prolongement de cette réflexion, que pense-t-il du principe de subsidiarité ? Au risque d'effrayer son propre pessimisme, ne croit-il pas que la France a, comme les jeunes protagonistes du roman de Barrès, subi un processus de désenracinement déjà bien engagé ? Auquel cas, a-t-il une idée des moyens de la réenraciner, fussent-ils radicaux ? Sans forcément se positionner vis-à-vis de la figure historique de Napoléon, qui a tant inspiré nos jeunes déracinés, que pense-t-il qu'il faudrait garder de l'héritage napoléonien (d'un côté, le bilan matériel et les institutions établies de 1800 à 1804, de l'autre, le bilan mythologique et imaginaire) ? Et une myriade d'autres interrogations tout aussi substantielles.

    Pour le SOCLE 

    - Face aux menaces extérieures, la république n'a pas les moyens de protéger la France.

    - Le parlementarisme est un régime dangereusement instable et aisément corruptible.

    - Il n'existe qu'un seul nationalisme : défensif et conservateur.

    - Paris, ou du moins le Paris de son époque, est une Babylone nouvelle, dévoreuse d'âmes.

    - La Province est la "France réelle".

    - L'universalisme et le cosmopolitisme sont parmi les plus grands ennemis de la patrie.

    - Le processus de dissolution de l'identité française sous les influences étrangères avait déjà commencé dans la seconde moitié du XIXème siècle.

    - La subsistance de la patrie tient à la volonté d'accomplir un destin commun.

    - Le rationalisme kantien et son culte de la raison sont fondamentalement mauvais.

    - Le "culte du Moi" (épanouissement de sa propre sensibilité) nourrit le patriotisme : en invitant à l'introspection, il induit une célébration de ses propres origines et du passé.

    - Il est recommandé de se méfier des professeurs trop exaltés !

    http://lesocle.hautetfort.com/archive/2016/03/20/les-deracines-de-maurice-barres-5777117.html

  • Les Déracinés, de Maurice Barrès Partie 1

    Quand le traditionaliste séduit par la pensée royaliste a suffisamment parcouru l'œuvre de l'incontournable Charles Maurras, son arrêt suivant se situe généralement sur les sentiers du tout aussi grand Maurice Barrès. Présentons-le en quelques lignes hautes en couleur, pour les non-initiés : Barrès est un écrivain et homme politique français né en 1862, qualifiable de pendant mélancolique de Maurras, et autre figure de proue du nationalisme traditionaliste français. Orateur virulent, funestement antidreyfusard, boulangiste convaincu, nationaliste attaché un temps aux idées socialistes, ennemi absolu du marché absolu, figure fluctuante d'un patriotisme se cherchant un peu, tanguant entre la Ligue des Patriotes de Paul Déroulède (antiparlementaire et nationaliste) et le royalisme positif de son ami Maurras, dont il se distinguait par un rapport aux idées politiques bien plus distancié. Il  ne cèdera jamais au monarchisme, ni au républicanisme, ni à aucun autre dogme que celui de la terre et du sang. Tout en tenant à l'"équilibre du Moi" en ces temps où moult idéologies veulent transformer la personne en individu, l'homme donne une importance capitale au respect de ce qui a précédé, les ancêtres et leur héritage, et à ce qui transcende les êtres, le sacré. "Nous sommes les instants d'une chose immortelle", dira-t-il vers la fin de sa vie.

    Félix Croissant, pour le SOCLE

    La critique positive des Déracinés au format .pdf

    2382446219.jpgAlors que Barrès est surtout un essayiste, un chroniqueur et un journaliste, son livre le plus connu est un roman publié en 1897, Les Déracinés. Bien que la bibliographie du Socle tiennent également à distance la fiction, s'arrêter attentivement sur cet ouvrage n'aura pas manqué de nourrir notre pensée politique.  

    L'action se déroule dans l'atmosphère dépressive engendrée par la débâcle militaire de 1871 face à la Prusse, cadre où les institutions, jusqu'à la République même, se trouvent en péril, et dans le contexte de la crise économique qui accable le monde depuis 1873, et a provoqué une forte montée du chômage chez les paysans et ouvriers.

    Disons-le d'entrée : Les Déracinés est un grand roman dans la lignée de l'œuvre d'un Balzac ou d'un Stendhal, ample et foisonnant, aussi stimulant intellectuellement que passionnant dans son récit. L'écriture de Barrès est un peu solennelle, parfois exagérément verbieuse, mais surtout massive, et lyrique (la description des funérailles de Victor Hugo, sur laquelle se conclura le roman, est d'une puissance inégalée), et d'une précision parfois intimidante dans ses descriptions des tourments psychologiques de ses personnages. 

    Nancy, 1879

    L'action des Déracinés démarre dans un lycée de Nancy, en 1879 (on est dans de la quasi-autobiographie, à ce stade), où sept lycéens, Sturel, Suret-Lefort, Saint-Phlin, Roemerspacher, Racadot, Renaudin et Mouchefrin, pages blanches ne demandant qu'à être remplies, voient leur monde retourné à 670 degrés par un professeur de philosophie jeune et dynamique, Bouteiller, à la fois professeur plein d'idéaux et petit commissaire politique en puissance. Son éloquence, sa verve, et sa conviction monolithique d'appartenir au camp de l'avenir et du juste va convertir sans mal ces gamins à une vision du monde républicaine (Bouteiller est un gambettiste convaincu, soit de la gauche républicaine modérée) et kantienne (sa devise : toujours agir en désirant que son action serve de règle universelle). Cette vision du monde a un corollaire : l'idée que l'avenir se joue à Paris, centre du monde d'alors… où ces jeunes hommes joueront, précisément, leur avenir. On percevra rapidement l'amour de Barrès pour la province et sa méfiance envers la cité. L'ascension des jeunots sur la capitale survient au bout d'une petite cinquantaine de pages au-delà desquelles rien n'ira plus : ivres d'espoirs et de fierté mal placée, naïvement confiants en la solidité de leurs liens face à la gargantuesque machine citadine, le groupe de jeunes hommes est déjà, sans s'en rendre compte, victime du déracinement lorrain que leur a fait subir Bouteiller, théoricien plus obsédé par sa grande idée de la France que par les âmes qui la forment. Le déniaisement parisien suivra, et se conclura cinq ans plus tard par le sacrifice sous la guillotine d'un des sept protagonistes, présenté comme le dommage collatéral de leur entreprise trop grande qui se sera brisée sur l'impitoyable réalité de cette fin de siècle comme des vagues sur un rocher. 

    Sans s'ouvrir dessus, l'action des Déracinés prend vraiment son envol lorsque les sept jeunes Lorrains se retrouvent autour du tombeau de Napoléon 1er pour lancer leur grand projet de journal "différent", La Vraie République. Napoléon, figure du grandiose et de l'accomplissement personnel, source de l'imagination condensée du siècle. Un modèle. À la fin du livre, les ex-gamins auront remplacé ces aspirations à un horizon supérieur par une place dans le système, vie faite de concessions qu'ils auraient méprisées quelques années plus tôt. La cité corruptrice… air connu.

    Nous avons donc Sturel, fils de la grande bourgeoisie provinciale et rêveur à la sensibilité maladive ; Roemerspacher, animal social cartésien et équilibré ; Gallant de Saint-Phlin, de famille monarchiste et catholique, grand optimiste ; Suret-Lefort, pur produit de Science Po, avocat anticlérical et antiromantique ; Renaudin, journaleux arriviste et avare, futur traître au boulangisme ; Racadot, petit-fils de serf et ambitieux matérialiste ; Moucherin, sans-le-sou malingre et laid trouvant sa raison d'être dans l'ombre de Racadot. Quelques uns des personnages ont de sérieux airs de Rastignac - l'œuvre de Balzac n'ayant pas échappé à Barrès. Mais l'élévation dans la société des personnages de Barrès se distingue de celle des personnages de Balzac par sa différence de ton : là où Balzac épousait le cynisme blasé de son antihéros, Barrès habite ses personnages les plus prospères et carriéristes d'un certain fatalisme stendhalien (certains rappelant davantage le Julien Sorel du Rouge & Le Noir). Par ailleurs, le mélancolique et indécis François Sturel, qui ressemble le plus à Barrès, a davantage de temps d'antenne que des personnages comme l'opportuniste Suret-Lefort. Sturel et quelques autres finiront par réaliser, trop tard, l'erreur de leur voie individualiste et de la réalité du déracinement.

    Un puissant écho dans le présent

    Se distinguant de l'œuvre d'un Zola de par son aptitude à bouleverser les idées, Les Déracinés n'offre rien de moins qu'un témoignage historique et politique d'une époque à la fois proche de la nôtre sur la frise historique, et séparée par le gouffre béant du 20ème siècle. C'est une fiction certes, mais nourrie à l'expérience barrésienne du monde, détail qui confère au romanesque une légitimité de document officiel, et une épaisseur d'ouvrage documentaire. Documentaire étonnant d'actualité : Barrès décrit un monde en connaissance de cause, et cela donne lieu à des scènes de la vie politique et sociale de Paris d'une authenticité impressionnante, et effroyablement proches de celles que l'on connait aujourd'hui. Barrès invite rétrospectivement à une mise en perspective de l'Histoire française d'après-1793, réduisant le gouffre du 20ème siècle à quelques coups de canons bien bruyants et deux-trois charniers fort regrettables : en le lisant, le patriote d'aujourd'hui, fût-il pleinement conscient que le désastre civilisationnel contemporain n'a pas surgi du néant au mois de mai 68, ne manquera pas de penser : "ventre-saint-gris, c'était exactement la même chienlit en 1880 !" Exactement, cent ans avant l'arrivée d'Attali à l'Élysée en tant que conseiller spécial de l'homme à l'écharpe rouge - non, pas Christophe Barbier. La même chienlit : le déracinement. Une société sans repère. Les Déracinés est un manifeste presque philosophique sur ses dangers, et, bien naturellement, politique (on peut y deviner, par exemple, l'antidreyfusisme de son auteur et son hostilité générale envers les Juifs non-assimilés…).

    Trouvons, page 240, un exemple illustrant le puissant écho du roman avec notre réalité : "La France débilitée n'a plus l'énergie de faire de la matière française avec des éléments étrangers. Je l'ai vu dans l'Est, où sont les principaux laboratoires de Français. C'est pourtant une condition nécessaire à la vie de ce pays : à toutes les époques, la France fut une route, un chemin pour le Nord émigrant vers le Sud ; elle ramassait ces étrangers pour s'en fortifier. Aujourd'hui, ces vagabonds nous transforment à leur ressemblance." Le caractère prophétique des Déracinés est un autre de ses joyaux : dès 1880, il aura diagnostiqué un ébranlement fondamental des valeurs annonçant un "ordre nouveau".

    La cité mortifère

    Au-delà même de sa nature de récit initiatique, Les déracinés est surtout une radioscopie de l'univers intellectuel Parisien dans la troisième république naissante, aux institutions menacées par les calculs politiques et les ambitions personnelles. Barrès connaissant le monde du journalisme parisien, on a droit à des pages entières de description des relations perverses qui lient temporairement politiciens et journalistes, et du carnaval des subventions d'état à la presse. On retrouve Bouteiller, anciennement professeur de philosophie plein de formules pompeuses, présentement boursier et aspirant-député ne reniant pas le moindre calcul, et le gotha parisien qu'il fréquente, comprenant des personnages historiques comme le banquier juif Jacques de Reinach. On passe de la haute bourgeoisie vivant dans des hôtels particuliers de l'ouest parisien, incarnée par la jeune Mademoiselle Alison, qui épousera plus tard un jeune baron un peu crétin, au Paris populaire du nord-est, où subsistent deux de nos jeunes Lorrains les moins fortunés. Barrès juxtapose l'univers érudit et ouaté du Bel-Ami de Maupassant à celui, étouffant et suintant, des Misérables d'Hugo, dimensions interdépendantes d'un Paris hypertrophié et articulé par le seul chaos, au cœur duquel fermente le tumulte à venir, cadre de la monstrueuse mosaïque de l'auteur.

    On s'évade aussi de cet imposant foutoir à travers les récits rocambolesques et mystiques de la belle aristocrate ottomane Astiné Aravian, venue de Constantinople et de passage à Paris, dont le jeune Sturel tombe vite amoureux. Elle l'aidera à prendre en partie conscience de l'ampleur du monde, et à déceler - un peu - l'absurdité certaine du petit théâtre parisien. 

    En guise de parenthèse, on rappellera que Barrès était un grand voyageur. Lorsqu'André Gide, pas son plus grand partisan, lui écrit, après lecture des Déracinés : "né à Paris d'un père uzétien (d'Uzes, située dans le Gard) et d'une mère normande, où voulez-vous que je m'enracine ? J'ai donc pris le parti de voyager", Barrès a l'autorisation de lui rire à la figure. Il faut préciser que Gide le comparera plus tard à Adolf Hitler. CQFD.

    La République, l'universalisme, Kant, et leur "nouveau monde" 

    Qui dit Paris dit république. La position de Barrès à son égard est ambigüe ; jamais vraiment antirépublicain comme un Maurras, mais conscient de ses tares inéluctables, il se fend d'une critique en demi-teinte de ce régime incandescent. Il prend lui aussi un recul saisissant pour observer cette dernière, inspiré par l'œuvre du grand historien Hippolyte Taine, à qui l'on doit le monumental livre-fleuve Origines de la France contemporaine. Ce dernier, auquel Barrès dédiera un chapitre entier de son livre, compare l'internat à de "grosses boites de pierre", machines égalitaires où la personne est réduite à l'état d'individu. Barrès n'exprimera rien de moins dans son livre avec ses sept jeunes protagonistes à la fois produits et victimes de cette machine. 

    Face au niveau de langage et de réflexion de ces jeunes Lorrains, sans commune mesure avec celui des jeunes têtes plus ou moins blondes qui garnissent nos lycées, certains de nos contemporains seront tentés de relativiser les failles de l'internat. Ce point n'échappera pas à l'esprit lucide traversant nos âges sombres et subissant les excentricités funestes du monde moderne, son néolibéralisme suintant, son progressisme vindicatif, son vivrensemble, sa discrimination positive, son relativisme culturel, sa LGBT-friendliness, son Aymeric Caron à l'incomparable chouinage poivre et sel, sa Belkacem à mini-jupe rétractable, son sapin de Noël anal, son art moderne tout autant, et son absence regrettable de Dominique Wolton. C'était déjà la chienlit en 1880, mais en lisant Les Déracinés, on mesure l'ampleur de la dégringolade pluridisciplinaire que connait la France. Pour paraphraser Orwell, à l'époque d'Entre les murs, embrasser le monde de Barrès devient un acte révolutionnaire.

    À suivre

    http://lesocle.hautetfort.com/archive/2016/03/20/les-deracines-de-maurice-barres-5777117.html

     

  • Les Déracinés, de Maurice Barrès

    2382446219.jpgQuand le traditionaliste séduit par la pensée royaliste a suffisamment parcouru l'œuvre de l'incontournable Charles Maurras, son arrêt suivant se situe généralement sur les sentiers du tout aussi grand Maurice Barrès. Présentons-le en quelques lignes hautes en couleur, pour les non-initiés : Barrès est un écrivain et homme politique français né en 1862, qualifiable de pendant mélancolique de Maurras, et autre figure de proue du nationalisme traditionaliste français. Orateur virulent, funestement antidreyfusard, boulangiste convaincu, nationaliste attaché un temps aux idées socialistes, ennemi absolu du marché absolu, figure fluctuante d'un patriotisme se cherchant un peu, tanguant entre la Ligue des Patriotes de Paul Déroulède (antiparlementaire et nationaliste) et le royalisme positif de son ami Maurras, dont il se distinguait par un rapport aux idées politiques bien plus distancié. Il  ne cèdera jamais au monarchisme, ni au républicanisme, ni à aucun autre dogme que celui de la terre et du sang. Tout en tenant à l'"équilibre du Moi" en ces temps où moult idéologies veulent transformer la personne en individu, l'homme donne une importance capitale au respect de ce qui a précédé, les ancêtres et leur héritage, et à ce qui transcende les êtres, le sacré. "Nous sommes les instants d'une chose immortelle", dira-t-il vers la fin de sa vie.

    Félix Croissant, pour le SOCLE

    La critique positive des Déracinés au format .pdf

    Alors que Barrès est surtout un essayiste, un chroniqueur et un journaliste, son livre le plus connu est un roman publié en 1897, Les Déracinés. Bien que la bibliographie du Socle tiennent également à distance la fiction, s'arrêter attentivement sur cet ouvrage n'aura pas manqué de nourrir notre pensée politique. 

    Lire la suite

  • Dissidence française #JEANNE2016 : NOTRE BILAN !

    À l’appel de la Dissidence Française, 5 mouvements patriotes se sont rassemblés ce dimanche en hommage à Sainte Jeanne, Place des Pyramides à Paris : le Parti de la France, le Front de Défense de la France, Pegida France et la Ligue Patriotique.

    Au total, plus d’une centaine de patriotes venus des quatre coins de la France firent le choix de l’unité autour de la Patronne de la Patrie à l’occasion d’un week-end militant aussi chargé que convivial.

    Le samedi, Vincent Vauclin, accompagné de plusieurs militants du Mouvement, se rendit au 3ème Congrès du Parti de la France, en signe d’amitié et de fraternité patriote. Dans la soirée, un diner de cohésion rassembla nos militants et nos cadres à l’occasion de retrouvailles conviviales destinées notamment à finaliser les préparatifs pour l’évènement du lendemain.

    Le dimanche, à 10h, notre rassemblement débuta sous une météo propice et au traditionnel chant des Lansquenets. Après les prises de paroles de Thomas Joly (Parti de la France), Marceau (Front de Défense de la France), et Vincent Vauclin (Dissidence Française), deux bouquets de roses furent déposés aux pieds de la statue équestre de Sainte Jeanne, au nom de l’ensemble des patriotes Français. La Dissidence Française adresse en particulier ses remerciements à Thomas et Marceau pour le soutien logistique qu’ils apportèrent et qui permit de faire de ce rassemblement une réussite.

    Enfin, dans l’après midi, nos militants se joignirent au défilé traditionnel organisé par l’Institut Civitas, en compagnie de plusieurs autres mouvements, dans un esprit de cohésion. Une centaine de tracts de la Dissidence Française furent distribués aux manifestants à cette occasion.

    https://la-dissidence.org/2016/05/10/jeanne2016-notre-bilan/