culture et histoire - Page 1242
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I Media S2e34 - Les médias dans la tourmente de l’après attentats.
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1er décembre : Philippe de Villiers au Cercle de Flore
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Premier Forum de la Dissidence de Polémia – Les tables rondes
Synthèse de Bernard Mazin, essayiste.
♦ « Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître » : c’est sous l’égide de cet alexandrin du Cid que s’étaient résolument placés les organisateurs de ce Premier Forum de la dissidence de Polémia. Et ce fut un vrai coup de maître, puisque cette manifestation a rassemblé plus de 600 auditeurs – et ce sont les vrais chiffres ! – dont l’attention n’a pas faibli durant les cinq heures d’interventions et de débats.
Il est vrai qu’après les Journées de la Réinformation et les Bobards d’Or, Jean-Yves Le Gallou et son équipe n’ont plus rien à prouver en matière de savoir-faire ni de capacité à mobiliser toutes celles et tous ceux qui refusent le Système.
Je ne m’étendrai pas sur l’allocution introductive de Jean-Yves Le Gallou (1), qui a déjà été mise en ligne sur le site, ni sur la conclusion de Michel Geoffroy (2), qui va l’être incessamment. Au risque d’être accusé de flagornerie, car ils m’honorent tous deux de leur amitié depuis plus de quatre décennies, je me bornerai à remarquer que l’un comme l’autre ont su communiquer à l’auditoire la passion qui les anime, liée à la profondeur des analyses que requiert la gravité des sujets abordés.
C’est sous la houlette talentueuse de Philippe Christèle, l’un des animateurs et contributeurs « historiques » de la Fondation Polémia, que se sont enchaînés les trois temps des travaux de l’après-midi :
Table ronde n°1 – Les valeurs, ou l’épuisement de Mai-68 et le retour des permanences anthropologiques
Animée par Gabrielle Cluzel, chroniqueuse à Boulevard Voltaire, cette première table ronde réunissait trois participants de qualité qui ont expliqué les raisons de leur engagement pour la dissidence et la manière dont ils le traduisent dans leur vie individuelle et collective.
Béatrice Bourges, fer de lance de la Manif’ pour Tous et animatrice du Printemps français, a eu dès 2005-2006 le pressentiment que la question de l’homoparentalité allait être un sujet fondamental des années à venir. C’est donc tout naturellement qu’après l’élection de François Hollande, elle s’est jointe au combat contre le mariage pour tous, jusqu’à en devenir l’un des hérauts, en même temps que l’une des héroïnes.
En quoi est-ce une dissidence ? Au cœur de son attitude est la question des valeurs, entendue comme la conviction que l’homme est un être spirituel, une personne sacrée. Si l’on partage cette conception de l’homme et du monde, il en résulte que ce dernier doit être organisé en fonction du Bien commun.
Si, au contraire, l’homme n’est qu’un amas de cellules, on débouche sur la recherche d’un « homme augmenté » au service de la marchandisation du monde.
La dissidence, c’est s’opposer au Système de façon résolue, car une société qui ne se fonde pas sur des valeurs court à sa perte. Cela signifie, certes, s’associer à des actions de groupe anti-Système, mais cela commence par des actes individuels, et être prêt à des sacrifices, jusqu’au sacrifice ultime s’il le faut.
Béatrice Bourges précise ensuite, au fil du débat, plusieurs points de sa pensée :
• A la suite des attentats du 13 novembre, les mesures prises ne peuvent pas être à la mesure des enjeux, car on ne désigne pas l’ennemi. Lors des manifestations contre le mariage pour tous, les gens ne se sont pas mobilisés parce qu’ils étaient concernés personnellement, mais parce qu’ils avaient conscience qu’il s’agissait d’un enjeu de civilisation, et qu’ils étaient confrontés à une menace, à un ennemi identifiables.
• Les vrais ennemis des dirigeants en place ne sont pas les djihadistes, mais les dissidents que nous sommes, et l’oligarchie en est de plus en plus consciente. Il faut donc s’attendre, et être prêt, à faire face à une intensification des mesures liberticides.
• Dans l’option : être libérale ou pas ?, Béatrice Bourges se qualifie de non libérale, car la forme exacerbée du libéralisme que nous observons laisse la porte ouverte à la marchandisation du monde. Il faut donc décrypter la novlangue, dénoncer sans relâche l’oligarchie et la confiscation de la démocratie.
• Une rupture sera nécessaire, mais avant de se compter à nouveau, il faut avant tout savoir si l’on peut compter sur soi-même. Notre patrie est sous une chape de plomb qui se fissure et finira par exploser, mais il ne faut pas se cacher que lorsque le Système va exploser, on va en baver. Toutefois, comme la France est bourrée de talents, Béatrice Bourges est convaincue que le redressement sera plus rapide que prévu et, en attendant, prêche pour la radicalité contre le modérantisme. Le jour du choix radical viendra, mais on ne sait pas quand. Dans l’immédiat, il faut s’y préparer avec nos sacrifices et nos dissidences individuels, si dérisoires puissent-ils paraître.
Charlotte d’Ornellas, chroniqueuse à Boulevard Voltaire, est venue à la dissidence par refus des compromissions du monde médiatique : journaliste de formation, elle s’est rapidement tournée vers les médias alternatifs, et a fait sien le combat pour la défense des Chrétiens d’Orient.
Elle a toujours orienté son activité en fonction de la réponse à la question : Que veut-on défendre ? Elle constate qu’après les attentats contre Charlie Hebdo, les médias revendiquaient le droit de se vautrer dans le blasphème : ils ne trouvaient rien d’anormal à ce qu’on caricature Mahomet, au risque de choquer les pieux musulmans et faisaient l’impasse sur les caricatures beaucoup plus violentes qui avaient été publiées au fil des années contre la religion catholique. La liberté d’expression était le faux-nez du « Jouissons sans entraves » des héritiers de Mai-68. Après le 13 novembre, Libé a tenté, mais sans succès cette fois-ci, de reprendre la même tactique en refusant de prier pour Paris et en appelant à une partouze géante contre l’EI !
Là où nos ennemis proposent de s’éclater, Charlotte d’Ornellas propose de s’enraciner. Il faut en effet réveiller notre peuple qui souffre de désespérance. On ne peut livrer tout ce que notre pays représente à des étrangers. Et il n’est pas mauvais de rappeler que le catéchisme de l’Eglise catholique énonce expressément que l’amour de la patrie est un acte de charité.
Thibaut Degarde, l’un des jeunes espoirs de la Génération 2013 et de l’Institut ILIADE, rappelle brièvement les objectifs de l’Institut voulu par Dominique Venner. Il met l’accent sur la destruction de la France et de l’Europe voulue par le Système.
Le libéralisme est l’ennemi de toutes les civilisations, car il refuse ce qui fait leur essence, à savoir la conscience de leurs limites, de leur finitude, et le partage de valeurs communes. Autrement formulé, la mondialisation prétend, contre toute évidence et contre toute logique, instaurer une civilisation planétaire et c’est ce contre quoi nous devons nous battre. La dissidence n’est rien d’autre que la conscience de la permanence des limites et des valeurs partagées.
ILIADE veut aider à la prise de conscience de la déchéance historique de l’Europe, conséquence du cosmopolitisme libéral-libertaire.
En définitive, il ne s’agit pas, en retrouvant nos racines françaises et européennes, d’appeler à un Grand Soir, mais à un retour à l’Ordre. Cette perspective peut paraître utopique, mais l’intervenant souligne que des possibilités d’agir existent dans les interstices de l’Europe bruxelloise, comme en témoigne le succès de la « révolution conservatrice » menée en Hongrie par Viktor Orban.
A une question posée sur la Suisse, pays à la fois libéral et identitaire, Thibaut Degarde note qu’à ses yeux, il s’agit largement d’un faux semblant : certes, la Suisse résiste mieux que le reste de l’Europe aux assauts migratoires et à l’invasion de l’islam, et se maintient à un niveau de patriotisme que l’on peut lui envier. Mais cela est dû à sa situation géographique. Sur le fond, il est à craindre qu’elle ne suive la même pente que ses voisins, tant la pression de l’idéologie du « tout-marché » paraît irrésistible. Thibaut Degarde invoque à ce sujet l’ouvrage de Jean-Claude Michéa L’Empire du moindre mal.
Dans un intermède consacré à « la dissidence en libraire », Claire Chardon nous a présenté le blogue Metapo infos ((http://metapoinfos.hautetfort.com), qui se propose, pour lutter contre le Système, de diffuser « des idées venues d’ailleurs » et qui, à ce titre, a toute sa place dans la réinfosphère. Elle commente six ouvrages récents qui participent à la dissidence, dans des genres différents (3). Certains d’entre eux, nul ne s’en étonnera, ont été recensés sur le site de Polémia.
Table ronde n°2 – L’art de la dissidence
Ce n’est pas minimiser le prestige et les qualités des intervenants précédents et de ceux qui ont suivi que de souligner l’impatience particulière de l’auditoire et l’ovation qui s’est déclenchée à l’arrivée de Robert Ménard, orateur de la deuxième table ronde. Le maire de Béziers, ancien patron de Reporters sans frontières, et cofondateur du site Boulevard Voltaire, est l’un de nos plus fins connaisseurs des médias, et les campagnes de dénigrement auxquelles il est en butte de leur part depuis qu’il est passé de l’autre côté de la barrière lui donnent une légitimité particulière à parler de « l’art de la dissidence ».
Présenté par Gabrielle Cluzel, il s’est livré, avec sa faconde habituelle et son style très direct, au jeu des questions réponses. Voici le résumé de ses propos :
A la question de ce qui avait été l’élément déclencheur de sa prise de conscience de la nécessité d’une posture dissidente, notamment lorsqu’il a décidé de se présenter à l’élection municipale à Béziers, il répond que « le réel lui a sauté à la gorge ». Il ne s’agissait pas de débats idéologiques, ni de la France présentée par les journalistes : il a été littéralement sidéré par les difficultés quotidiennes de la France réelle, par la souffrance vécue par les habitants. Etant lui-même originaire de Béziers, où sa famille pied-noir s’est installée après l’abandon de l’Algérie, il a vu comment la ville s’est transformée au fil des années et il a voulu passer du comportement du râleur qui se contente de tout critiquer à celle de l’acteur du changement. Il est en effet convaincu que l’on peut changer les choses en s’engageant résolument, pour peu évidemment que le contexte soit favorable.
Encore faut-il ne pas s’éparpiller ; c’est pourquoi il est hostile au cumul des mandats et se borne à être « maire à plein temps ».
Comment rendre les gens courageux ? lui demande Gabrielle Cluzel : pour Robert Ménard, le courage, c’est de dire à un moment donné « ça suffit ! » et en tirer les conséquences. Force est toutefois de constater que s’il y a beaucoup de gens brillants et talentueux, sur cent personnes brillantes, il n’y en a guère plus d’une qui soit courageuse.
Quelle est la recette de son succès ? Il faut s’adresser aux gens directement en contournant les médias installés. Ainsi a-t-il créé, pour s’opposer au monopole de la Dépêche du Midi, qui lui est hostile, et pour tenir un discours de vérité, un journal municipal qui est distribué gratuitement à tous les Biterrois.
En même temps, il faut :
être extrêmement attentif à la légalité, car tous les adversaires sont en embuscade. Pour illustrer le résultat de cette politique prudente, il rappelle qu’il a gagné les 6 procès intentés par la LDH ;
éviter les exagérations dans lesquelles se complait parfois notre mouvance. Même si la restriction des libertés doit nous préoccuper, nous ne sommes pas dans un régime totalitaire, et il existe encore de nombreux interstices dans lesquels se loger.
Robert Ménard observe que sur le terrain médiatique des batailles sont en train d’être gagnées : le Monde n’est plus le « quotidien de référence » qu’il était autrefois, les médias sont de plus en plus sous le feu de la critique et se battent désormais dos au mur.En ce qui concerne le lien entre son expérience locale et la politique nationale, il rappelle qu’il est en désaccord avec le FN sur trois sujets :
le programme économique, qui ne lui paraît pas réaliste ;
le mariage pour tous, car il déplore la discrétion dont le FN a fait preuve dans le débat ;
l’abandon de l’euro, thème qu’il considère comme inutilement anxiogène et peu audible par le peuple de droite.
Pour autant, sa position est claire : on ne peut pas gagner sans le FN et on ne peut pas gagner qu’avec le FN. Il faut donc tous concourir à faire triompher Marine Le Pen, sans tenir compte des querelles du passé, qui n’ont aucun intérêt. « Arrêtons de nous chamailler, car sinon, il sera trop tard. » Les Français ont envie d’entendre un discours d’union, pas de division, et il n’y a pas de différence essentielle entre Marine Le Pen, Philippe de Villiers et Nicolas Dupont-Aignan.En saluant l’orateur, Jean-Yves Le Gallou remarque que la dissidence ne se borne pas à l’action électorale, mais qu’en ce qui concerne ce type d’action, il n’hésite pas à préconiser de voter MLP aux prochaines régionales, même si, comme Robert Ménard, il n’est pas d’accord avec toutes les options stratégiques et tous les modes de management du FN.
Table ronde n° 3 – La dissidence sur l’identité
On ne présente plus Renaud Camus, écrivain et essayiste de talent, que l’on a parfois le tort de réduire à « l’invention » du Grand Remplacement. C’est à lui que revient le privilège de lancer l’échange sur le réveil des identités.
Il précise en premier lieu qu’il n’est pas le premier « prophète de malheur » à avoir pronostiqué le Grand Remplacement : Jean Raspail et Enoch Powell l’ont fait avant lui et ils ont aussi payé au prix fort leur discours de vérité.
L’attitude de Renaud Camus est paradoxale, car il n’est pas chauvin de nature et il est devenu patriote par désespoir et par refus : refus de la société du mensonge dans lequel nous vivons, refus de la novlangue et de ce qu’il a dénommé le « faussel », c’est-à-dire le déni de réalité, refus enfin des pensées et des paroles interdites.
Comme il a tout perdu du fait de sa dissidence, il a fait le choix de l’assumer jusqu’au bout. A titre d’illustration, il défend bec et ongles le maintien dans le vocabulaire du terme de « race », qui a été confisqué par les racistes et par les antiracistes, et que certains entendent faire disparaître purement et simplement de la langue française. Il rappelle qu’il s’agit d’un mot très ancien, qui ne recouvrait aucunement une acception biologique, et qui a été utilisé depuis des siècles par les écrivains pour signifier la beauté, l’art ou la poésie (cf. le « génie de la race »).
A la question « Qu’est-on prêt à perdre ? », Renaud Camus note qu’il y a une grande similitude entre les dissidents « antiremplacistes » et ceux de l’URSS. Ces derniers se battaient contre tout le Système communiste, et les antiremplacistes se battent contre les remplacistes qui sont de gauche, mais aussi de droite. Il relève avec humour que l’UMP devenue Les Républicains adopte un sigle qui pourrait tout aussi bien désigner Les Remplacistes…
On peut être prêt à perdre beaucoup lorsqu’on combat pour la vérité contre le mensonge. On perd, certes, une certaine sérénité d’esprit devant les échecs et les déceptions, par exemple en constatant la faiblesse de la mobilisation pour défendre notre identité. Pourtant, il reste toujours l’espoir que l’éveil se produira : l’effondrement brutal du Système soviétique offre à cet égard un précédent qui doit inciter les dissidents d’aujourd’hui à rester confiants dans l’avenir.
Tout est fait pour nous faire croire que nous sommes des monstres, alors que la morale est de notre côté. C’est le remplacisme qui est une monstruosité, car il procède de l’idée que l’homme est un objet jetable et remplaçable.
Il ne suffit donc pas de dire, selon une conception purement mathématique et démographique, qu’il faut faire plus d’enfants pour remplacer les remplaceurs. Il faut avoir une conception plus écologique du monde : nous vivons dans un monde de laideur, et ce n’est pas parce que nous n’aurons plus d’enfants « de souche » qu’ils vivront dans la beauté, entre le MacDo, le centre commercial et les éoliennes.
Julien Rochedy, Génération 2013, ancien directeur du FNJ, adopte une position plus pessimiste : il considère que les déséquilibres liés à l’immigration ont d’ores et déjà provoqué une hétérogénéité irrémédiable des populations, et que les Etats continuent à raisonner en termes de peuples, alors qu’il faudrait raisonner en termes de populations. Quelle attitude adopter entre l’acquiescement au Grand Remplacement, la remigration et l’assimilation, qui lui paraissent tout autant de chimères ? Dans l’immédiat, il lui semble que la seule option raisonnable est de commencer à s’organiser.
En quoi cela consiste t’il ? Il n’est pas question d’action à court terme, mais de vision de longue durée. Son postulat est que le « peuple français » n’est plus qu’un concept vide de sens. Notre monde est mort, ou à tout le moins en déclin. Il faut donc penser à des « sanctuaires », qui permettront de prendre la suite et de redémarrer, même si nous ne travaillons que pour nos arrière-petits-enfants.
Renaud Camus est d’accord avec Julien Rochedy sur la multiplication des sanctuaires dans les domaines culturel, éducatif, spirituel, mais il observe que l’idée sous-jacente d’une nouvelle féodalité suppose une temporalité longue de plusieurs siècles, qui n’est guère mobilisatrice.
Le troisième intervenant, Damien Rieu, Génération 2013, ancien porte-parole de Génération identitaire, apporte une autre vision de la dissidence. A ses yeux, la dissidence n’est pas qu’une posture individuelle, elle doit s’incarner dans des mouvements, de jeunesse notamment, dont Génération identitaire offre un exemple très éclairant.
Relatant les différentes actions destinées à occuper le terrain médiatique, Damien Rieu souligne que ces actions n’ont de sens que si elles obéissent à une stratégie, et si elles s’accompagnent d’efforts importants de formation (Universités d’été qui prennent de plus en plus une dimension européenne). L’objectif ne se résume pas à « faire des coups » mais en obligeant les médias à parler des actions menées, le but est de transmettre des messages à notre peuple.
En complément, un travail métapolitique monte en puissance : activités sportives ; accueil des SDF de souche ; organisation de lieux de vie, etc.
Damien Rieu ne partage pas le pessimisme de Julien Rochedy. Il lui semble que les jeunes sont de plus en plus mobilisés à droite. La gauche est idéologiquement moribonde, la mouvance identitaire est extrêmement présente sur les réseaux sociaux et les connexions européennes augmentent.
En conclusion, Julien Rochedy ne conteste pas le constat que les jeunes ont enterré la gauche, mais il persiste à penser que nous vivons dans un monde mort. Il faut donc s’organiser, pour défendre notre culture, notre sécurité et notre avenir. L’inscription dans le temps long n’est peut-être pas roborative, mais à la fin, c’est nous qui triompherons.
Bernard Mazin, 23/11/2015
Notes :
(1) http://www.polemia.com/premier-forum-de-la-dissidence-de-polemia-introduction-de-jean-yves-le-gallou/
(2) http://www.polemia.com/premier-forum-de-la-dissidence-de-polemia-conclusion-de-michel-geoffroy-premiere-partie/
http://www.polemia.com/premier-forum-de-la-dissidence-de-polemia-conclusion-de-michel-geoffroy-deuxieme-partie/
(3) Charles Robin, La Gauche du capital, Ed. Krisis
Rodolphe Christin, L’Usure du monde, Ed. L’Echappée
Jean Bricmont, La République des censeurs, Ed. L’Herne
Paul Fortune, Poids lourd, Ed. 1975
Serge Michailof, Africanistan, Ed. Fayard
Jean-Philippe Jawosky, Rois du monde, Ed. Les moutons électriques.http://www.polemia.com/premier-forum-de-la-dissidence-de-polemia-les-tables-rondes/
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GeoPoles : L'Iran : puissance régionale incontournable
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Le choc des non-civilisations
Choc des civilisations vraiment ? De part et d’autre, l’entretien de cette fiction permet surtout d’oublier l’état réel de la civilisation que l’on prétend défendre, et de se lancer en toute bonne conscience dans de lyriques et exaltantes considérations identitaires. Dans ce ridicule concours des fiertés (civilisation pride ?), les divers gardiens de néant oublient l’essentiel : ils veillent sur un champ de ruines.Dans Respectez la joie, chronique publiée il y a déjà douze ans, Philippe Muray posait la question suivante : « Comment spéculer sur la défense d’une civilisation que nous ne faisons même pas l’effort de voir telle qu’elle est, dans toutes ses extraordinaires et souvent monstrueuses transformations ? » Face à l’ennemi islamiste, à sa haine de « l’Occident », qu’avons-nous à faire valoir pour notre défense, hormis « la liberté d’expression », « les jupes courtes », « le multipartisme », « le sexe » ou « les sandwichs au bacon » ? Pas grand-chose. Et ces éléments sont eux-mêmes illusoires : « Le seul ennui, écrit Muray, c’est que ces mots recouvrent des choses qui ont tant changé, depuis quelques décennies, qu’ils ne désignent plus rien. » Ainsi de la liberté sexuelle, brandie comme un progrès civilisationnel (ce qui en soi peut se contester), alors même qu’elle est de moins en moins effective : « On doit immédiatement reconnaître que c’est la civilisation occidentale elle-même qui a entrepris de détruire, en le criminalisant, le commerce entre les sexes ; et de faire peser sur toute entreprise séductrice ou galante le soupçon du viol ; sans d’ailleurs jamais cesser de se réclamer de la plus grande liberté. »L’Occident s’est tiré deux balles dans le piedL’Occident post-moderne a achevé l’Occident moderne, celui de la liberté individuelle et de la pensée critique. Et l’Occident moderne était né lui-même de la destruction de l’Occident traditionnel, de sa civilisation, de son histoire et du christianisme. L’Occident post-moderne est le fruit d’un double meurtre : d’abord celui de la royauté de droit divin, avec tout ce qu’elle comporte de représentations symboliques traditionnelles, avec toute la conception hiérarchique de l’ontologie qu’elle suppose. Puis, celui de l’individu. Muray, en vieux libéral qu’il est, est évidemment plus touché par ce dernier meurtre : l’individu réellement libre – c’est-à-dire : ayant les moyens intellectuels de l’être – n’est plus. Cela n’empêche pas toute l’école néo-kantienne de la Sorbonne – entre autres – de répéter à l’envi que le respect de l’individu caractérise notre civilisation, par opposition à la « barbarie » médiévale d’une part, et au « retard » des autres civilisations d’autre part, encore prisonnières d’un monde où le groupe, la Cité, importent davantage que l’individu. La réalité est pourtant plus amère, et il n’y a pas de quoi fanfaronner : notre civilisation a fini par tuer l’individu réellement libre, si durement arraché à l’Ancien Monde.Par un étrange paradoxe, c’est précisément en voulant émanciper l’individu que nous l’avons asservi. En effet, nous avons souscrit à la thèse progressiste selon laquelle la liberté politique et intellectuelle de l’individu suppose son arrachement à tous les déterminismes sociaux, à tous les enracinements familiaux, culturels, religieux, intellectuels. Seuls les déracinés pourraient accéder à la liberté dont l’effectivité « exigerait au préalable un programme éducatif ou un processus social (ou les deux) capable d’arracher les enfants à leur contexte familier, et d’affaiblir les liens de parenté, les traditions locales et régionales, et toutes les formes d’enracinement dans un lieu ». Cette vieille thèse, résumée ici par Christopher Lasch (Culture de masse ou culture populaire ?), est toujours d’actualité : Vincent Peillon, ex-ministre de l’Éducation nationale, a ainsi déclaré vouloir « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ».Elle est pourtant contredite par la réalité de la société de marché que nous avons bâtie. Ainsi que le remarque Lasch, « le développement d’un marché de masse qui détruit l’intimité, décourage l’esprit critique et rend les individus dépendants de la consommation, qui est supposée satisfaire leurs besoins, anéantit les possibilités d’émancipation que la suppression des anciennes contraintes pesant sur l’imagination et l’intelligence avait laissé entrevoir ».Le cas de l’islam en FranceComment alors s’étonner des phénomènes que l’on constate dans les « quartiers difficiles », de l’illettrisme généralisé et de la violence banalisée qui s’y côtoient ? Comment s’étonner des effets du double déracinement des immigrés ? Voilà des gens que l’on a arraché à leur terre (ou qui s’en sont arrachés), qui ont abandonné leur culture, ont oublié leur langue, et qui n’ont dès lors plus rien à transmettre à leurs enfants. Ces enfants, parfaits cobayes de l’expérimentation de la liberté par le déracinement, sujets idéals de l’idéologie délirante d’un Peillon, sont les premiers post-humains. Sans racines, et bientôt, après un passage par l’école républicaine, sans savoir et sans attachement à leur nouvelle terre. Coupés de leurs origines sans qu’on leur donne la possibilité de s’enraciner dans une civilisation qui se sabote elle-même, ils incarnent au plus haut degré le néo-humain sans attaches, sans références, celui que rêvent les idéologues de la post-modernité. Ce n’est donc pas en tant qu’étrangers à la France que les déracinés de banlieue posent problème, mais en tant qu’ils sont les parfaits produits de la nouvelle France, celle qui se renie elle-même.Ce règne, chaotique dans ses effets, de la table rase n’est pas sans provoquer un certain malaise chez les individus les plus conscients. On a beau déraciner, la réalité demeure : l’enracinement est un besoin essentiel à l’humanité. On y revient toujours, d’une manière ou d’une autre. « Le déracinement détruit tout, sauf le besoin de racines », écrit Lasch. D’où le phénomène de réislamisation, processus de ré-enracinement parmi d’autres (car il en est d’autres), qui s’explique par la recherche d’une alternative à ce que l’on nomme le « mode de vie occidental » (en réalité le mode de vie mondialisé de la consommation soumise).Il est d’ailleurs amusant de constater que le plus grand grief que la koinè médiatique fait aux beurs réislamisés ou salafisés, plus grave encore que les attentats qu’ils projettent ou commettent, c’est « le rejet du mode de vie occidental ». Horreur ! Peut-on imaginer plus atroce blasphème ? « Comment peut-on être pensant ? » comme dit Muray. Faut-il donc être un odieux islamiste tueur d’enfants (juifs de préférence) pour trouver à redire à ce merveilleux monde démocratico-festif, qui n’est pourtant plus que l’ombre d’une ombre ?Face à la chute des anciens modèles occidentaux, les jeunes déracinés que nous avons produits cherchent à reprendre racine. Que certains se tournent vers l’Islam, comme vers un modèle qui leur semble traditionnel et producteur de sens, doit être compris comme une réaction au modernisme du déracinement culturel. Dans la mesure où toute alternative au « mode de vie occidental » est présentée comme une régression barbare, la radicalité de la réislamisation, le fait qu’elle se fasse notamment – mais pas uniquement – dans les termes du salafisme, paraît inéluctable : le néo-Occident permet qu’on le fuie, à condition que l’on se jette dans les impasses qu’il ménage à ses opposants.La déchéance civilisationnelle de l’islamIl est une autre raison à la radicalité de la réislamisation. Elle tient à la chute de l’islam comme civilisation. À l’instar de l’Occident, à sa suite et sous son influence, l’Orient en général et l’islam en particulier subissent les effets de la modernité et des bouleversements politiques, sociaux, intellectuels, théologiques qu’elle entraîne.Historiquement et politiquement, cela s’est fait d’abord par la pression occidentale sur le califat ottoman, qui ployait déjà sous son propre poids. N’oublions pas que le monde arabo-musulman est mis au contact de la pensée des Lumières dès 1798, avec l’expédition d’Égypte de Napoléon. À peine la France avait-elle accompli sa Révolution qu’elle tentait déjà d’en exporter les principes, appuyés par une subjuguante supériorité technique. Les Britanniques, mais aussi, dans une moindre mesure, les Français, n’eurent ensuite de cesse d’encourager l’émergence des nationalismes, insufflant chez les peuples arabes le désir de révolte contre la domination turque : ils posèrent en termes modernes, ceux des nationalismes, un problème qui ne se posait pas ainsi. Plus tard, ce fut l’islamisme dont se servirent cette fois les Américains. À ces facteurs, il faut ajouter l’apparition de la manne pétrolière, mise au service du wahhabisme (lui-même soutenu originellement par les Britanniques) et la révolution islamique iranienne. Tout concourrait à la destruction des structures politiques et sociales traditionnelles de la civilisation islamique : les interventions étrangères certes, mais également un certain essoufflement de l’Empire ottoman, qui avait manqué le train de la révolution industrielle et se trouva dépassé par les puissances occidentales.En l’absence de structures sociales fortes, ce fut bientôt la pensée islamique traditionnelle elle-même qui succomba. Face aux puissances occidentales, les musulmans réagirent de deux façons antagonistes, que l’excellent historien Arnold Toynbee a qualifiées de « zélotisme » et d’ « hérodianisme ». Voyant une analogie entre la réaction des musulmans à la domination occidentale, et celle des Juifs à la domination de l’Empire romain, Toynbee explique que tout bouleversement venu de l’étranger entraîne historiquement une réaction de repli sur soi, d’une part, et une réaction d’adhésion et de soumission totales aux nouveaux maîtres, d’autre part. Mais dans les deux cas, on sort de la sphère traditionnelle : ni les zélotes ni les hérodiens ne peuvent prétendre représenter la pensée islamique traditionnelle. Leurs conceptions respectives de l’islam obéissent à des circonstances historiques déterminées, et ne sont plus le résultat de la réflexion sereine d’une civilisation sûre d’elle-même.Les nombreuses manifestations de l’islamisme contemporain sont autant de variétés d’un islam de réaction. Couplée à la mondialisation, qui est en réalité occidentalisation – au sens post-moderne – du monde, et à ses conséquences, cette réaction a fini par produire un islam de masse, adapté aux néo-sociétés, et qu’Olivier Roy a admirablement analysé dans ses travaux. Dans L’Islam mondialisé, il montre ainsi en quoi le nouvel islam est un islam déraciné pour déracinés, et en quoi la réislamisation est « partie prenante d’un processus d’acculturation, c’est-à-dire d’effacement des cultures d’origines au profit d’une forme d’occidentalisation ».Dès lors, il apparaît clairement que le prétendu « choc des civilisations » procède d’une analyse incorrecte de la situation. Il n’y a pas de choc des civilisations, car il n’est plus de civilisations qui pourraient s’entrechoquer ; toutes les civilisations ont disparu au profit d’une « culture » mondialisée et uniformisée, dont les divers éléments ne se distinguent guère plus que par de légères et inoffensives différences de colorations. Ce à quoi on assiste est donc plutôt un choc des non-civilisations, un choc de déracinés.[Cet article est une version modifiée d’un texte paru initialement sur le blog de l’EPHES.]Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, immigration, islamisme 0 commentaire -
Le choc des non-civilisations
Choc des civilisations vraiment ? De part et d’autre, l’entretien de cette fiction permet surtout d’oublier l’état réel de la civilisation que l’on prétend défendre, et de se lancer en toute bonne conscience dans de lyriques et exaltantes considérations identitaires. Dans ce ridicule concours des fiertés (civilisation pride ?), les divers gardiens de néant oublient l’essentiel : ils veillent sur un champ de ruines.Dans Respectez la joie, chronique publiée il y a déjà douze ans, Philippe Muray posait la question suivante : « Comment spéculer sur la défense d’une civilisation que nous ne faisons même pas l’effort de voir telle qu’elle est, dans toutes ses extraordinaires et souvent monstrueuses transformations ? » Face à l’ennemi islamiste, à sa haine de « l’Occident », qu’avons-nous à faire valoir pour notre défense, hormis « la liberté d’expression », « les jupes courtes », « le multipartisme », « le sexe » ou « les sandwichs au bacon » ? Pas grand-chose. Et ces éléments sont eux-mêmes illusoires : « Le seul ennui, écrit Muray, c’est que ces mots recouvrent des choses qui ont tant changé, depuis quelques décennies, qu’ils ne désignent plus rien. » Ainsi de la liberté sexuelle, brandie comme un progrès civilisationnel (ce qui en soi peut se contester), alors même qu’elle est de moins en moins effective : « On doit immédiatement reconnaître que c’est la civilisation occidentale elle-même qui a entrepris de détruire, en le criminalisant, le commerce entre les sexes ; et de faire peser sur toute entreprise séductrice ou galante le soupçon du viol ; sans d’ailleurs jamais cesser de se réclamer de la plus grande liberté. »L’Occident s’est tiré deux balles dans le piedL’Occident post-moderne a achevé l’Occident moderne, celui de la liberté individuelle et de la pensée critique. Et l’Occident moderne était né lui-même de la destruction de l’Occident traditionnel, de sa civilisation, de son histoire et du christianisme. L’Occident post-moderne est le fruit d’un double meurtre : d’abord celui de la royauté de droit divin, avec tout ce qu’elle comporte de représentations symboliques traditionnelles, avec toute la conception hiérarchique de l’ontologie qu’elle suppose. Puis, celui de l’individu. Muray, en vieux libéral qu’il est, est évidemment plus touché par ce dernier meurtre : l’individu réellement libre – c’est-à-dire : ayant les moyens intellectuels de l’être – n’est plus. Cela n’empêche pas toute l’école néo-kantienne de la Sorbonne – entre autres – de répéter à l’envi que le respect de l’individu caractérise notre civilisation, par opposition à la « barbarie » médiévale d’une part, et au « retard » des autres civilisations d’autre part, encore prisonnières d’un monde où le groupe, la Cité, importent davantage que l’individu. La réalité est pourtant plus amère, et il n’y a pas de quoi fanfaronner : notre civilisation a fini par tuer l’individu réellement libre, si durement arraché à l’Ancien Monde.Par un étrange paradoxe, c’est précisément en voulant émanciper l’individu que nous l’avons asservi. En effet, nous avons souscrit à la thèse progressiste selon laquelle la liberté politique et intellectuelle de l’individu suppose son arrachement à tous les déterminismes sociaux, à tous les enracinements familiaux, culturels, religieux, intellectuels. Seuls les déracinés pourraient accéder à la liberté dont l’effectivité « exigerait au préalable un programme éducatif ou un processus social (ou les deux) capable d’arracher les enfants à leur contexte familier, et d’affaiblir les liens de parenté, les traditions locales et régionales, et toutes les formes d’enracinement dans un lieu ». Cette vieille thèse, résumée ici par Christopher Lasch (Culture de masse ou culture populaire ?), est toujours d’actualité : Vincent Peillon, ex-ministre de l’Éducation nationale, a ainsi déclaré vouloir « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ».Elle est pourtant contredite par la réalité de la société de marché que nous avons bâtie. Ainsi que le remarque Lasch, « le développement d’un marché de masse qui détruit l’intimité, décourage l’esprit critique et rend les individus dépendants de la consommation, qui est supposée satisfaire leurs besoins, anéantit les possibilités d’émancipation que la suppression des anciennes contraintes pesant sur l’imagination et l’intelligence avait laissé entrevoir ».Le cas de l’islam en FranceComment alors s’étonner des phénomènes que l’on constate dans les « quartiers difficiles », de l’illettrisme généralisé et de la violence banalisée qui s’y côtoient ? Comment s’étonner des effets du double déracinement des immigrés ? Voilà des gens que l’on a arraché à leur terre (ou qui s’en sont arrachés), qui ont abandonné leur culture, ont oublié leur langue, et qui n’ont dès lors plus rien à transmettre à leurs enfants. Ces enfants, parfaits cobayes de l’expérimentation de la liberté par le déracinement, sujets idéals de l’idéologie délirante d’un Peillon, sont les premiers post-humains. Sans racines, et bientôt, après un passage par l’école républicaine, sans savoir et sans attachement à leur nouvelle terre. Coupés de leurs origines sans qu’on leur donne la possibilité de s’enraciner dans une civilisation qui se sabote elle-même, ils incarnent au plus haut degré le néo-humain sans attaches, sans références, celui que rêvent les idéologues de la post-modernité. Ce n’est donc pas en tant qu’étrangers à la France que les déracinés de banlieue posent problème, mais en tant qu’ils sont les parfaits produits de la nouvelle France, celle qui se renie elle-même.Ce règne, chaotique dans ses effets, de la table rase n’est pas sans provoquer un certain malaise chez les individus les plus conscients. On a beau déraciner, la réalité demeure : l’enracinement est un besoin essentiel à l’humanité. On y revient toujours, d’une manière ou d’une autre. « Le déracinement détruit tout, sauf le besoin de racines », écrit Lasch. D’où le phénomène de réislamisation, processus de ré-enracinement parmi d’autres (car il en est d’autres), qui s’explique par la recherche d’une alternative à ce que l’on nomme le « mode de vie occidental » (en réalité le mode de vie mondialisé de la consommation soumise).Il est d’ailleurs amusant de constater que le plus grand grief que la koinè médiatique fait aux beurs réislamisés ou salafisés, plus grave encore que les attentats qu’ils projettent ou commettent, c’est « le rejet du mode de vie occidental ». Horreur ! Peut-on imaginer plus atroce blasphème ? « Comment peut-on être pensant ? » comme dit Muray. Faut-il donc être un odieux islamiste tueur d’enfants (juifs de préférence) pour trouver à redire à ce merveilleux monde démocratico-festif, qui n’est pourtant plus que l’ombre d’une ombre ?Face à la chute des anciens modèles occidentaux, les jeunes déracinés que nous avons produits cherchent à reprendre racine. Que certains se tournent vers l’Islam, comme vers un modèle qui leur semble traditionnel et producteur de sens, doit être compris comme une réaction au modernisme du déracinement culturel. Dans la mesure où toute alternative au « mode de vie occidental » est présentée comme une régression barbare, la radicalité de la réislamisation, le fait qu’elle se fasse notamment – mais pas uniquement – dans les termes du salafisme, paraît inéluctable : le néo-Occident permet qu’on le fuie, à condition que l’on se jette dans les impasses qu’il ménage à ses opposants.La déchéance civilisationnelle de l’islamIl est une autre raison à la radicalité de la réislamisation. Elle tient à la chute de l’islam comme civilisation. À l’instar de l’Occident, à sa suite et sous son influence, l’Orient en général et l’islam en particulier subissent les effets de la modernité et des bouleversements politiques, sociaux, intellectuels, théologiques qu’elle entraîne.Historiquement et politiquement, cela s’est fait d’abord par la pression occidentale sur le califat ottoman, qui ployait déjà sous son propre poids. N’oublions pas que le monde arabo-musulman est mis au contact de la pensée des Lumières dès 1798, avec l’expédition d’Égypte de Napoléon. À peine la France avait-elle accompli sa Révolution qu’elle tentait déjà d’en exporter les principes, appuyés par une subjuguante supériorité technique. Les Britanniques, mais aussi, dans une moindre mesure, les Français, n’eurent ensuite de cesse d’encourager l’émergence des nationalismes, insufflant chez les peuples arabes le désir de révolte contre la domination turque : ils posèrent en termes modernes, ceux des nationalismes, un problème qui ne se posait pas ainsi. Plus tard, ce fut l’islamisme dont se servirent cette fois les Américains. À ces facteurs, il faut ajouter l’apparition de la manne pétrolière, mise au service du wahhabisme (lui-même soutenu originellement par les Britanniques) et la révolution islamique iranienne. Tout concourrait à la destruction des structures politiques et sociales traditionnelles de la civilisation islamique : les interventions étrangères certes, mais également un certain essoufflement de l’Empire ottoman, qui avait manqué le train de la révolution industrielle et se trouva dépassé par les puissances occidentales.En l’absence de structures sociales fortes, ce fut bientôt la pensée islamique traditionnelle elle-même qui succomba. Face aux puissances occidentales, les musulmans réagirent de deux façons antagonistes, que l’excellent historien Arnold Toynbee a qualifiées de « zélotisme » et d’ « hérodianisme ». Voyant une analogie entre la réaction des musulmans à la domination occidentale, et celle des Juifs à la domination de l’Empire romain, Toynbee explique que tout bouleversement venu de l’étranger entraîne historiquement une réaction de repli sur soi, d’une part, et une réaction d’adhésion et de soumission totales aux nouveaux maîtres, d’autre part. Mais dans les deux cas, on sort de la sphère traditionnelle : ni les zélotes ni les hérodiens ne peuvent prétendre représenter la pensée islamique traditionnelle. Leurs conceptions respectives de l’islam obéissent à des circonstances historiques déterminées, et ne sont plus le résultat de la réflexion sereine d’une civilisation sûre d’elle-même.Les nombreuses manifestations de l’islamisme contemporain sont autant de variétés d’un islam de réaction. Couplée à la mondialisation, qui est en réalité occidentalisation – au sens post-moderne – du monde, et à ses conséquences, cette réaction a fini par produire un islam de masse, adapté aux néo-sociétés, et qu’Olivier Roy a admirablement analysé dans ses travaux. Dans L’Islam mondialisé, il montre ainsi en quoi le nouvel islam est un islam déraciné pour déracinés, et en quoi la réislamisation est « partie prenante d’un processus d’acculturation, c’est-à-dire d’effacement des cultures d’origines au profit d’une forme d’occidentalisation ».Dès lors, il apparaît clairement que le prétendu « choc des civilisations » procède d’une analyse incorrecte de la situation. Il n’y a pas de choc des civilisations, car il n’est plus de civilisations qui pourraient s’entrechoquer ; toutes les civilisations ont disparu au profit d’une « culture » mondialisée et uniformisée, dont les divers éléments ne se distinguent guère plus que par de légères et inoffensives différences de colorations. Ce à quoi on assiste est donc plutôt un choc des non-civilisations, un choc de déracinés.[Cet article est une version modifiée d’un texte paru initialement sur le blog de l’EPHES.]Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, immigration, islamisme 0 commentaire -
Perles de Culture n°65 - Décryptage du film de Robert Guédiguian, "une histoire de fou".
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Mondialisme et Nouvel Ordre Mondial
Paris, le 25 mai 1999
Voici un siècle, l’empire Victorien, le plus vaste empire de l’Histoire, dominait déjà le monde. Par leurs alliances avec les familles de l’élite wasp (White, Anglo-saxon, Protestant), les élites dirigeantes britanniques de cet empire favorisèrent l’émergence des États-Unis sur la scène mondiale, entrés délibérément en guerre en 1898 contre l’Espagne après l’explosion (très suspecte) du cuirassé américainMaine dans le port de La Havane. Alors déjà, les dirigeants des États-Unis camouflaient leur cynique soif d’hégémonie et leurs brutales ambitions impériales derrière un discours qui instrumentalisait en les magnifiant, la Démocratie, la Liberté et le Droit, comme les principes humanitaires, ainsi que le rappelle Henry Kissinger dans son dernier ouvrage intitulé Diplomatie.
Début du nouvel empire mondial : la création de la banque centrale en 1913
Ce sont ces mêmes élites anglo-saxonnes qui, après avoir organisé la panique monétaire de 1907 aux États-Unis (comme le révèle le pris Nobel Milton Friedman), jetèrent les bases de leur nouvel empire mondial en imposant à l’opinion publique en 1913 la création de la banque centrale des États-Unis, le Federal Reserve System, dont elles conservent toujours depuis lors le contrôle étroit. Elles créèrent en outre à cette même époque, sur les modèles de laRound Table et de la Fabian Society de l’empire Victorien, de nombreuses organisations, réunissant discrètement les personnes des milieux financiers, politiques, médiatiques, industriels, syndicaux, intellectuels et universitaires, les plus puissantes de la planète : elles fondèrent ainsi entr’autres, sous la houlette du “colonel” Edward Mandel House, mentor du Président Woodrow Wilson, le Council of Foreign Relations (CFR) à New-York, et le Royal Institut of International Affairs (Chattam House) à Londres, qui essaimèrent par la suite en d’autres organisations similaires dans bien d’autres pays.
À l’issue du premier conflit mondial, c’est encore la “diplomatie” des États-Unis qui imposa largement aux états européens les nouveaux découpages des empires centraux vaincus, abrités derrière les fameux “quatorze points”, attribués, pour les innombrables naïfs, au Président W.Wilson. Un quart de siècle plus tard, le CFR et le RIIAA ont pu à nouveau exercer leurs influences lors du partage de l’Europe et du monde qui a prévalu lors des conférences de Yalta et de Postdam, après l’écrasement des puissances de l’Axe. Les ouvrages du professeur américain Caroll Quigley (cf. par ex. Tragedy and Hope ou The Anglo-American Establishment) auquel le Président Bill Clinton a rendu publiquement hommage lors de son allocution d’investiture, font désormais autorité sur le sujet.
Bien que toujours inconnu du grand public, le CFR de New-York, associé à son homologue britannique, le RIIA de Londres, continue de gérer depuis les premières décennies du siècle le destin et la vie politique des États-Unis, et prétend à présent régenter le monde entier en imposant son Nouvel Ordre Mondial, conforme aux conceptions, et surtout aux intérêts et à la soif de puissance de leurs chefs. Ces organisations ont du reste, depuis une trentaine d’années, essaimé en de multiples cercles “externes” transnationaux, dont certains, tels le Groupe Bilderberg (en 1954), la Commission Trilatérale (en 1973) ou le Forum de Davos (en 1978), commencent désormais à être connues du grand public, les médias n’acceptant que maintenant seulement, d’en parler peu à peu à l’occasion.
Dans son allocution inaugurale à la session de juin 1991 du Bilderberg Group, en effet, M. David Rockefeller, président de la Chase Manhattan Bank, fils du grand John Davison Rockefeller, l’un des fondateurs du CFR, que lui, son fils, préside aujourd’hui, lui-même fondateur et actuel président de la Commission Trilatérale, n’accueillait-il pas ainsi à Baden-Baden les personnalités venues du monde entier participer aux travaux :
« Nous remercions le Washington Post, le New-York Times, Time Magazine et les autres grandes publications dont les directeurs ont assisté à nos réunions et respecté leurs promesses de discrétion pendant au moins 40 ans… Il eut été impossible pour nous de développer notre place mondiale si nous avions été l’objet d’une publicité quelconque pendant ces années-là. Mais le monde est aujourd’hui vraiment plus sophistiqué et préparé à marcher vers un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et des banquiers mondiaux est certainement préférable aux décisions nationales qui se pratiquent depuis des siècles… »
Des champions du malthusianisme
Soulignons en passant que les Rockefeller, père et fils, se sont par ailleurs, depuis au moins les années 1930, constitués les champions du malthusianisme mondial, et de la lutte contre la fécondité humaine. À la suite des recherches qu’ils ont financées avec persévérance, ce sont leurs firmes qui possèdent aujourd’hui les premiers brevets des pilules contraceptives à œstrogènes, ainsi que ceux des premiers stérilets abortifs. Leurs immenses richesses et les multiples fondations privées exemptées d’impôts, dont le Population Council, qu’ils ont créées aux États-Unis, leur ont en outre permis d’exercer depuis les années 1950 dans ce domaine, un véritable magistère sur les organisations internationales, en particulier sur le système des Nations Unies. Cette influence prend aujourd’hui tout son sens en Europe, dont les peuples sous-féconds sont désormais largement engagés depuis 25 ans dans un processus cumulatif mortel d’implosion démographique qui renverse leurs pyramides des âges.
Tous ces groupes, dont les dirigeants aujourd’hui déterminent déjà largement de facto les affaires mondiales, tentent d’unir leurs efforts pour imposer maintenant à tous les peuples du monde l’émergence et la construction de jure d’un gouvernement mondial qui se substitue aux nations, et spécialement aux états nations historiques, appelés à être dissous, qui subsistent encore. Et les textes des traités européens récents imposés aux opinions publiques européennes, tels l’Acte Unique (1986), le traité de Maastricht (1992) et celui d’Amsterdam (1998), prennent alors tout leur sens sous cet éclairage, en constituant l’étape décisive de la quête de cet objectif : Un gouvernement mondial devant très vite disposer d’une monnaie mondiale (l’euro, déjà presque à parité avec le dollar, étant appelé à fusionner avant dix ans dans une monnaie unique transatlantique), et d’une police mondiale dévolue à l’OTAN, bras armé des maîtres mondialistes, qui s’essaie aujourd’hui à son nouveau rôle en détruisant la Serbie, alliée traditionnelle de la France, pour imposer par la force et la terreur le Nouvel Ordre Mondial des Rockefeller & Co. aux peuples récalcitrants.
Même si les opinions publiques en sont toujours tenues dans l’ignorance, cet état de chose des affaires du monde n’est plus, bien sûr, au-delà des cercles des initiés, totalement inconnu d’un public averti. Ainsi Le Figaro a-t-il fait écho récemment dans sa page “Opinions” à des positions qui faisaient des allusions précises sur ce sujet : le 30 mars 1999, l’historien Dominique Venner y publiait un court article sur la guerre à la Serbie sous le titre éloquent : « Qui commande le monde ? » ; mais surtout le 18 janvier 1999, dans un article intitulé « Vers une Europe américaine, Amsterdam est l’aboutissement d’une politique hégémonique destinée à faire disparaître les nations européennes », l’ancien Ambassadeur de France Albert Chambon, révélait le dessous des cartes du traité d’Amsterdam en impliquant directement l’action du CFR et de la Trilatérale.
Il est particulièrement révélateur d’observer que, en réponse à l’article de M. l’Ambassadeur Albert Chambon qui brisait ainsi l’Omerta en révélant dans la grande presse à l’opinion française le rôle moteur du CFR et de la Trilatéraledans l’élaboration du traité d’Amsterdam, ce fut le polono-américain, Zbigniew Brzezinski, conseiller de M. David Rockefeller et de plusieurs présidents des États-Unis, qui s’est senti tenu de publier dans les mêmes colonnes duFigaro, le 26 janvier 1999, un article intitulé : « Défense de la Trilatérale. Il n’y a aucun “complot” ». Or c’est ce même personnage qui, quelques mois plus tard, à la une du journal Le Monde du samedi 17 avril 1999, sous le titre « Guerre totale contre Milosevic ! » (expression employée pour la première fois par Joseph Goebbels), rapportait avec arrogance les dernières consignes des vrais dirigeants, en rappelant le Président de la République française, Jacques Chirac, et son Premier Ministre, Lionel Jospin, ainsi que les dirigeants français, à la fidélité à leurs obligations, après près d’un mois de bombardements aériens de l’OTAN sur la Serbie.
Les drames, les atrocités et les crimes de guerre en tous genres qui ont accompagné la dislocation de l’ex-Yougoslaviedepuis 1991, en Bosnie serbo-musulmane, en Kraïna et Slavonie serbo-croates d’abord, et qui sévissent aujourd’hui auKosovo albano-serbe, masquent utilement aux opinions publiques des “grandes démocraties” occidentales les véritables enjeux géopolitiques de ces événements, enjeux qui visent en réalité l’avenir de l’indépendance et de la liberté en Europe face aux diktats des dirigeants mondialistes américains et à leurs appétits de puissance.
L'avertissement d'Attali à la France
Depuis deux ans déjà pourtant, nous en étions, nous Français, solennellement avertis : alors que M. Felix Rohatyn, l’un des dirigeants du Groupe Lazard Brothers de New-York, et l’un des gestionnaires de fonds les plus puissants sur leStock Exchange de New-York, acceptait de s’éloigner de ses bureaux de Manhattan pour remplacer l’Ambassadeur des États-Unis à Paris, Mme Pamela Harriman, qui venait tout juste de décéder subitement, M. Jacques Attali, lui-même très proche du groupe Lazard et de M. Felix Rohatyn, ancien conseiller (et sherpa) du Président français, François Mitterrand, aujourd’hui dirigeant d’un cabinet de conseil international financé par le groupe Lazard, venait de signer un article fracassant dans le journal Le Monde du 4 mars 1997 sous le titre « Géopolitique de l’immigration ». Lui aussi, avec arrogance, fidèle écho des volontés des “cénacles” supérieurs, mettait ainsi sévèrement en garde les responsables français :
« Si la France et l’Europe décidaient de s’affirmer comme un club chrétien, elles devraient se préparer à l’affrontement avec un milliard d’hommes, à une véritable “guerre de civilisations”. Avec, en prime, en France, une guerre civile. Car la France, en raison de ses choix géopolitiques antérieurs, est une nation musulmane : l’Islam est la religion de plus de deux millions de citoyens français et du tiers des immigrés sur son sol ».
M. Attali tenait soigneusement cependant le lecteur de son article du Monde dans l’ignorance de la contribution essentielle qu’il venait d’apporter, sous le titre « For a New Political Order », au numéro “special winter” 1996 que la revue américaine Time Magazine venait de consacrer quelques mois auparavant à l’Europe et à son avenir. Il y exposait, avec condescendance, les vues mondiales et mégalomanes pour les 50 prochaines années des vrais dirigeants des affaires du monde, son article, paru ensuite dans Le Monde à l’usage des seuls lecteurs français, apparaissant dès lors n’être plus qu’une simple application localisée et provinciale de l’exposé général du grand dessein et du grand œuvre des nouveaux maîtres du monde. Parmi ces aperçus admirables et impératifs, on relèvera sous la plume de M. Attali la stricte obligation américaine faite aux états membres de l’Union Européenne d’intégrer dans un avenir très proche la Turquie, alliée stratégique des États-Unis, comme membre à part entière de l’Union, obligation dont, du reste, le président de la République, M. Jacques Chirac, qui s’en était, depuis quelques années déjà, constitué le champion, apparaît aujourd’hui le premier et le plus zélé porte-parole en Europe.
Comme l’expose du reste sans détour, avec un cynisme ingénu, M. Zbigniew Brzezinski, en page 68 de son livre, publié en France en 1997 sous le titre Le grand échiquier : l’Amérique et le reste du monde, livre que tous les citoyens des pays européens se devraient d’avoir lu méticuleusement et de méditer, quand il identifie les conditions du maintien pour le prochain demi-siècle de l’hégémonie mondiale à laquelle les États-Unis sont aujourd’hui parvenus :
« Cette approche géopolitique n’a de sens qu’autant qu’elle sert les intérêts de l’Amérique, c’est-à-dire, à court terme, le maintien de son statut de superpuissance planétaire et, à long terme, l’évolution vers une coopération mondiale institutionnalisée (1). (…) Les 3 grands impératifs géostratégiques se résumeraient ainsi : éviter les collusions entre vassaux et les maintenir dans l’état de dépendance que justifie leur sécurité ; cultiver la docilité des sujets protégés ; empêcher les barbares de former des alliances offensives ».
1. Bien évidemment dominée par les actuels dirigeants mondialistes anglo-américains du CFR et du RIIA (commentaire de l'auteur de cet article)
On peut mesurer à quel point les sacro-saints principes de Démocratie, des Droits de l’Homme et autres Droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi que les fondements solennels de la Charte des Nations Unies sont ici oubliés, voire niés, car devenus alors par trop inopportuns.
Couper l'Europe des richesses de la Russie-Sibérie et chasser les Européens de leurs positions africaines
En réalité l’hégémonie américaine n’a pu s’établir au XXe siècle, et ne peut se perpétuer à l’avenir, qu’en coupant délibérément l’Europe, principal réservoir mondial des ressources humaines culturelles, scientifiques et techniques, des gigantesques réservoirs mondiaux de matières premières que constituent la Russie-Sibérie d’une part, et l’Afrique d’autre part, toutes deux géographiquement limitrophes ou proches de l’Europe.
Historiquement, ce sont les deux premiers conflits mondiaux, qui, en plongeant la Russie dans la paralysie du communisme, puis en séparant l’Europe par le rideau de fer, la coupant ainsi des richesses de l’Est, ont assis la domination des États-Unis sur notre continent au cours de ce siècle. On mesure ici ce que l’hégémonie américaineactuelle doit à l’instauration du communisme et aux deux guerres mondiales.
Le soutien des États-Unis à la décolonisation d’après guerre, qui plonge aujourd’hui le continent africain dans le marasme et les guerres ethniques, le financement qu’ils ont assuré au FLN algérien dans leur lutte contre la France dans les années 50, leurs menées actuelles en Afrique Centrale et Australe, illustre bien leur souci constant de chasser l’Europe de ses positions africaines, pour la couper de ces réservoirs de matières premières.
Cependant l’effondrement interne du communisme à l’Est, et la désagrégation récente de l’empire soviétique, en dépit des efforts désespérés de la diplomatie du Président américain Georges Bush et de son allié le Président Mikhaïl Gorbatchev, constitue désormais une menace, de nature à remettre en cause à terme la suprématie actuelle des dirigeants des États-Unis sur le monde, et susceptible de ruiner, lors même qu’ils semblent enfin accessibles, leurs rêves mondialistes.
Le livre, paru il y a deux ans sous la signature d’Alexandre del Valle, Islamisme et États-Unis, une alliance contre l’Europe, (et, devrait-on ajouter, contre la Russie) jette une lumière crue sur la stratégie de rechange, engagée déjà depuis une vingtaine d’années par les dirigeants mondialistes américains pour faire face à ce nouvel état de chose. Il constate que, de l’Irak à l’Afghanistan, en passant par l’Iran et le Pakistan, ainsi que dans d’autres pays musulmans, en particulier en Afrique du Nord, la politique et la diplomatie américaines, sous couvert des menées de l’Arabie Saoudite, leur protégée, s’ingénient à susciter et à promouvoir délibérément les régimes islamiques les plus rétrogrades, faciles à contrôler par la corruption de leurs dirigeants impliqués dans les trafics internationaux de drogues, et à détruire les régimes laïques de ces pays fondés sur l’idée nationale, excitant ainsi potentiellement les islams les plus extrémistes contre les chrétientés européennes et slaves, dont ils sont géographiquement proches. Appelée, bien sûr, à gagner les pays musulmans d’Afrique, cette hostilité potentielle est de nature à couper un peu plus l’Europe des richesses naturelles de l’Afrique.
Mitterrand avait vu juste : l'Amérique nous mène une guerre à mort
Dans un livre paru la même année, Le Syndrome de l’ortolan, où il explicitait la stratégie médiatique d’aveuglement des opinions publiques européennes, Arnaud-Aaron Upinsky rappelait opportunément cette citation impressionnante, tirée d’un entretien du Président François Mitterrand accordé au journaliste Georges Marc Benamou :
« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans morts. Apparemment (…) Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. Une guerre inconnue, une guerre permanente, sans morts apparemment, et pourtant, une guerre à mort. (…) Les Américains voulaient envoyer les Turcs bombarder les Serbes » (Le dernier Mitterrand, 1995).
Dans la traduction française de son livre Le choc des civilisations, paru également la même année, le professeur américain Samuel P. Huntington insistait, quant à lui, longuement sur les opportunités géopolitiques qu’offre le clivage historique et culturel qui sépare la chrétienté européenne entre les peuples slaves et orthodoxes d’une part, et les pays catholiques et protestants d’autre part.
La destruction de la Serbie était préparée depuis longtemps
Dès lors s’éclaire la stratégie des cénacles mondialistes américains et leurs intentions dans les Balkans. Mme Madeleine Albright, leur porte-parole dans le gouvernement Clinton, tchèque d’origine et très liée à M. Brzezinski, exige impérieusement aujourd’hui de la part de leurs affidés européens, la destruction de la Serbie, planifiée déjà depuis plusieurs années à Washington, qui fait obstacle à la réalisation de leurs plans, destruction de la Serbie par l’Union Européenne et l’OTAN qui leur permettrait d’un seul coup d’atteindre plusieurs objectifs !
En effet, la destruction délibérée de la Serbie sous les bombes de l’OTAN, suivie de l’engagement des contingents européens sur le sol serbe, programmé sans doute pour l’été prochain, au moment où les populations des “grandes démocraties” gagnent les plages de leurs vacances annuelles, anesthésiant ainsi les opinions publiques occidentales, permettrait d’abord de creuser un fossé irrémédiable entre les peuples slaves et orthodoxes d’une part et ceux de l’Europe occidentale d’autre part, coupant en particulier la France des alliés traditionnels de sa diplomatie à l’Est. En outre, ce fossé rétablirait la coupure que le communisme avait autrefois établie en Europe, qui interdisait à celle-ci l’accès aux richesses de l’empire Russe.
La destruction impitoyable de la Serbie devrait en outre servir d’exemple pour dissuader les peuples européens de toutes velléités de retour à leur ancienne indépendance nationale, au moment où se parachève l’Union Européenne fédérale, sous protectorat des États-Unis, base décisive de la construction du rêve mondialiste de leurs dirigeants.
Les dirigeants américains veulent ré-islamiser les Balkans
L’écrasement de la Serbie aurait en outre pour effet d’abaisser la Grèce dans la région, et de lever l’obstacle grec à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
Comme le dénonce, avec autant d’obstination que de pertinence, le Général Pierre-Marie Gallois, auquel le Général De Gaulle avait naguère confié le soin d’élaborer la doctrine d’emploi de la force de dissuasion française, auteur des deux livres Le sang du pétrole (tome I : L’Irak ; tome II : La Bosnie), et qui a préfacé Islamisme et États-Unis, les dirigeants américains veulent ré-islamiser les Balkans. Les accords de Dayton leur ont déjà permis d’établir en Bosnie, après en avoir largement chassé les Serbes, la première République Islamique en Europe, dirigée par le fondamentaliste musulman Itzec Begovics. La destruction de la Serbie leur permettra de réaliser prochainement une grande Albanieislamique, placée sous leur protectorat, et sur le territoire de laquelle, comme chez leur protégée musulmane du Golfe, l’Arabie Saoudite, ils pourront disposer de larges bases militaires navales et terrestres permanentes, y installant, comme en Arabie Saoudite, du matériel lourd, et des troupes à demeure.
Ces républiques islamiques, ainsi installées dans les Balkans, deviendraient les “clientes” naturelles de la Turquie, prochain membre, de par la volonté américaine, de l’Union Européenne, le reste des Balkans restant sous influence allemande, l’ensemble de la zone, ainsi que les alliés privilégiés turcs et allemands des États-Unis, demeurant sous le contrôle de ces derniers au sein de l’Union Européenne.
Neutraliser définitivement la Russie
Cette présence Turco-islamique au cœur de l’Europe, étroitement sous contrôle des dirigeants mondialistes des États-Unis, garantirait à ces derniers la pérennité de leur suprématie mondiale pour le prochain demi-siècle : De nature, en effet, à maîtriser l’incertitude Russe, que, dans son livre, M. Brzezinski appelle “le trou noir”, en neutralisant définitivement la Russie, cette installation de son ennemi historique et culturel turc sur ses frontières du Sud-Ouest, complèterait son encerclement au sud par les républiques musulmanes turcophones, où les diplomaties américaine et israélienne, attirées par la richesse de leur sous-sol et de leur position stratégique, sont déjà très actives.
De plus, la Turquie, devenue état membre de l’Union, pourrait très vite peser d’un poids décisif sur la politique migratoire et sur l’ouverture des frontières européennes aux mondes musulmans des proche et moyen Orient et d’Afrique, alors même que les effectifs des populations de la chrétienté européenne et du monde orthodoxe ont déjà amorcé leur déclin. Après plus de 25 ans d’une fécondité toujours plus éloignée du seuil de remplacement des générations, ces populations européennes autochtones, à présent en cours de vieillissement rapide, se sont ainsi engagées en effet dans un processus d’implosion démographique bientôt irréversible. Elles ont déjà largement entamé le renversement de leurs pyramides des âges appelé à s’accélérer au cours des trois prochaines décennies. Au cours de la même période, de Dakar à Alma-Ata, les jeunes populations musulmanes, proches de l’Europe et de la Russie, vont au contraire connaître l’apogée de leur croissance démographique en doublant leurs effectifs.
Persévérance de la croisade malthusienne
Les dirigeants mondialistes des États-Unis, qui, par la persévérance de leur croisade malthusienne depuis une cinquantaine d’années, ont poussé les peuples européens dans ce processus d’implosion démographique en passe de devenir maintenant incontrôlable, tirent à présent un parti cynique de cette nouvelle donne géostratégique, parfaitement prévisible, qui bouleverse le face à face entre les chrétientés européennes et slaves et les mondes musulmans d’Afrique et du Moyen Orient, en accompagnant aujourd’hui délibérément l’islamisation rapide de l’Europe et de la Russie au cours du premier tiers du siècle qui s’ouvre, pour tenter de la canaliser au mieux de leurs intérêts et de leurs projets.
Ce nouvel état de chose garantissant à ces dirigeants, pour plus d’une génération encore, la maîtrise sans partage des affaires du monde, est de nature à leur ouvrir la perspective prochaine de réaliser enfin leur rêve d’imposer à tous les peuples du monde un gouvernement mondial dont ils pourraient espérer conserver le contrôle au cours du siècle qui s’ouvre, sous réserve de parvenir à convaincre rapidement les dirigeants de la Chine et de l’Inde de s’y associer. Du moins est-ce là la vision générale de ces dirigeants mondialiste, telle qu’elle ressort de la lecture des livres et articles récents de leurs principaux porte-parole.
► Philippe Bourcier de Carbon, Nouvelles de Synergies Européennes n°54, 2002.
◘ L'auteur : Démographe, ancien auditeur de l’IHEDN, président du Comité d’honneur de La Voix des Français(Renaissance 95).
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Les invasions barbares - Bruno Dumézil
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« Quand la science se fait propagande », par Jean-Gérard Lapacherie
« Les races n’existent pas ». C’est ce que, selon un journaliste du Point, démontrerait la Galerie de l’Homme, inaugurée en octobre 2015. Certes, mais les races ont existé, sinon dans la réalité, du moins dans la science, et la Galerie ne dit pas qui les a inventées ou dans quel but cela a été fait. Quoi qu’il en soit, si les races n’existent pas, la propagande en faveur de la non-existence des races, elle, existe, plus vivace que jamais, au point que l’on peut se demander si ce qui est montré est la non-existence des races ou leur banale existence, car la propagande a pour seule règle la dénégation, laquelle consiste à nier ce qui est avéré.
Il est révélateur que ce lieu ait été nommé galerie. Une galerie, dans un palais ou un édifice d’importance, est un « lieu de promenade à couvert » et un lieu d’apparat, de montre, d‘ostension et d’ostentation, comme la Galerie des Glaces à Versailles ou d’autres galeries à Florence ou à Fontainebleau ou, dans un ordre scientifique, la Galerie de l’Evolution du Muséum d’Histoire Naturelle, le Musée de l’Homme étant justement un musée de ce Muséum prestigieux. De fait, les visiteurs sont invités à déambuler devant des vitrines ou des panneaux placés sur toute la longueur de l’aile ouest du Palais de Chaillot et sur trois niveaux, chaque niveau correspondant à une des trois questions qui organisent l’exposition : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Une admirable scénographie transforme l’exposition de fossiles, de moulages, d’artefacts anciens, de documents ethnographiques en spectacle pour le plaisir des yeux et de l’intelligence. Certaines vitrines sont exceptionnelles : ainsi la faune du paléolithique avec des animaux empaillés grandeur nature (rennes, cheval de Prjevalski, loup, crâne et défense de mammouth laineux) ; les outils ; les armes de chasse, l’utilisation qui en était faite et les techniques de fabrication ; les rites funéraires ; les moulages en cire de centaines de têtes humaines montrant la diversité des traits du visage, de la couleur des cheveux, du teint de la peau ; l’art pariétal. Si l’exposition s’en était tenue là, elle aurait été parfaite. Mais ses concepteurs ont cru bon d’y ajouter des discours, visant à distinguer le bien du mal. La déambulation à laquelle les visiteurs sont conviés se transforme en audition d’un grand sermon ou en lecture d’une épopée de l’Homme (avec un H majuscule, évidemment) des origines à nos jours. Tout est bavard, prolixe, hâbleur : la Galerie ne se contente pas de montrer ou de mettre en scène, elle patauge dans le verbiage. On se croirait sur les trottoirs des grands boulevards les jours de soldes.
C’est que cette Galerie repose tout entière sur un impensé, qui est au cœur de la Science de l’Homme et de l’histoire des disciplines qui sont à l’origine du Musée de l’Homme : anthropologie et ethnographie. Dans le cadre de ces disciplines a été inventé le concept de race, signifiant « lignée » en français et n’ayant jamais eu de sens dangereux, et cela afin de rendre compte de l’infinie diversité des hommes. Les savants du XIXe siècle ont ouvert la boîte de Pandore du racisme, en classant les hommes, c’est-à-dire en les répartissant dans des « classes », en fonction de la forme de leur crâne, de la couleur de leurs cheveux, du teint de leur peau, de l’angle de leur sphénoïde. Tout classement est ambivalent. Il est typologie ou taxinomie, ce en quoi il est bénin, mais aussi mise en ordre dans une hiérarchie, des meilleurs ou moins bons. Classer n’est pas nécessairement criminel, mais a pu le devenir quand des peuples, armés ou non, se sont déplacés vers des territoires où, depuis la nuit des temps, s’étaient établis d’autres peuples (Australie, Nouvelle-Zélande, Arménie, Amérique, Yiddishland d‘Europe de l‘Est) qui ont été exterminés lentement ou brutalement, par exemple avec des moyens industriels. On comprend que les anthropologues, préhistoriens, ethnologues aient rompu avec les errements de leurs prédécesseurs. Ils auraient pu, pour montrer l’abîme qui les sépare des fondateurs de leurs disciplines, consacrer une ou deux vitrines à l’invention des races. Les discours qui scandent la déambulation couvrent ce passé sulfureux : surtout que personne ne le voie. Un même message est sans cesse répété : il y a une seule espèce ou « une seule humanité, une et indivisible », comme l’est la république ou, sous d’autres cieux, Allah. Le nom humanité, qui désigne une propriété, est employé dans un sens collectif. Par définition, l’humanité est une et indivisible. Ce n’est plus le vocabulaire de la science auquel recourent les concepteurs de la Galerie, mais celui de la politique ou de la religion : « Il y a deux millions d’années, les hommes sortent d’Afrique » (laquelle n’avait pas d’existence pour ces nomades). La métaphore de la sortie est tirée de l’Histoire Sainte : les hommes sortent d’Afrique, comme les Hébreux sont sortis d’Egypte.
L’unité affirmée dans les discours est sans cesse démentie par ce qui est montré et par ce qui est dit. L’humanité est composée d’êtres humains divers. Comment nommer cette diversité ? Tantôt, c’est « cultures », tantôt « langues », tantôt « sociétés », tantôt « groupes humains ». Dans un discours, il est dit « notre lignée » pour désigner l’espèce humaine. Or, « lignée » est le sens premier du nom race. Le discours associe des contraires. Les hommes sont, est-il écrit sur un panneau, « si différents et si semblables », à la fois dans le temps et dans l’espace. Comment concilier différence et ressemblance ? Il suffit de placer la conjonction de coordination et entre les deux termes antithétiques et le tour est joué, d’autant plus qu’un sujet tragique est soigneusement évité, même s’il est nommé : la disparition des hommes de Neandertal sur le territoire de l’actuelle Europe. Une espèce qui était parfaitement adaptée à son environnement a disparu en quelques dizaines de milliers d’années. Disparition ou extermination ? Le fait est que la disparition est concomitante de l’arrivée sur ce territoire d’une nouvelle espèce, celle des Sapiens Sapiens. Mais la question est éludée. Les concepteurs de la Galerie qui ont réponse à tout sur des hommes ayant vécu il y deux millions d’années sont étrangement silencieux sur des faits qui, à l’échelle des temps de la préhistoire, sont nos contemporains : qu’est-ce que 40.000 ans pour une espèce qui est vieille de 4 ou 5 ou 7 millions d’années ?
La propagande atteint son acmé dans la signification qui est donnée à la galerie et que résument les trois questions « Qui sommes-nous ? », « D’où venons-nous ? », « Où allons-nous ? », que l’on croyait réservées aux potaches s’initiant à la philosophie ou aux élucubrations d’un peintre tenté par une vague mystique occulte, d’autant plus que la réponse à la dernière des trois questions tient de la bouffonnerie. Si l’on en croit ce qui nous est montré, nous allons tous vers la COP21 en taxi brousse bariolé, un lourd véhicule qui doit consommer plus de 20 livres de carburant à l’heure. Que vient faire The 21st Conference of the Partiesau Musée de l’Homme ? Ce n’est pas la science qui parle, c’est la propagande : elle ne parle pas, elle s’égosille, quitte à transformer un « musée laboratoire » en caisse de résonance d’un gouvernement aux abois. Cette comédie est d’autant plus sinistre que la réalité est édulcorée. Soit la mondialisation. Elle a commencé, est-il expliqué sur des panneaux, au XVIe siècle et elle s’accélère depuis un demi-siècle. Cette affirmation relève de la profession de foi. La mondialisation suppose une diversité de mondes, de cultures, de civilisations, de sociétés, d’êtres humains. La « mondialisation » actuelle est une globalisation. Le monde n’est plus qu’un bloc homogène en passe de s’uniformiser. Avec la « globalisation », il n’y a plus qu’un seul marché, un et indivisible : tout se vend et tout s’achète au millionième de seconde et où que l’on soit. La globalisation, et les règles financières, commerciales, économiques élaborées grâce au « consensus de Paris » (Delors, Trichet, Camdessus, Lamy, Hollande, Chavransky, etc.) abolissent l’espace et le temps et, en fin de compte, rendent caduc ce qui est montré dans la Galerie de l’Homme. De même, il est à peine fait allusion à la « démographie galopante », qui, elle aussi, menace de rendre caduque la notion même d’Homme. Le nom homme au singulier n’a plus guère de sens quand les hommes se multiplient à l’infini, partout dans le monde, détruisant le cadre de vie dans lequel ils ont évolué pendant quatre ou cinq millions d’années. La population de la France a doublé en deux siècles, celle du monde a été multipliée par plus de 7. Si elle n’avait que doublé, la planète compterait deux milliards d’êtres humains. Le gaspillage des ressources, les déchets, la pollution des océans, les animaux transformés en réserves de protéines, tout cela n’existerait pas, du moins pas à un tel degré de virulence. Où allons-nous, sinon vers l’extinction des espèces animales, la raréfaction des ressources, la destruction de l’environnement ? Le destin de Neandertal menace Sapiens. Or tout cela est caché par des mises en garde dérisoires contre les douches et les bains qui consomment trop d’eau.
Ce qui, plus encore que les discours, relève de l’idéologie, ce sont les formes. L’expression verbale se ramène à un enchaînement d’éléments de langage obligés, de formes sclérosées, des mêmes mots que l’on retrouve dans les devoirs d’élèves de classe de 3e ou les papiers bâclés de journalistes, de fautes de français (à propos de l’art pariétal, il est écrit en lettres lumineuses que des styles différents « se sont succédés » [au lieu de succédé] en 25000 ans). Ces indices sont éloquents. C’est l’idéologie (ou la propagande) qui parle. Le Musée de l’Homme est l’un des quatre ou cinq musées réunis dans l’immense Palais de Chaillot. Ce bâtiment, construit dans les années 1930, est classé. On en comprend les raisons : la rigueur des lignes, l’ampleur des masses et surtout la singularité de l’architecture. Il n’y a pas beaucoup d’édifices en France qui relèvent de ce style « moderne », et cela sur une colline qui domine Paris, ville qui, en 1937, était la capitale d’un empire colonial sur lequel le soleil ne se couchait jamais et d’une République qui se croyait universelle. En Italie ou en Russie, on qualifierait cette architecture de « mussolinienne », de « fasciste » ou de « communiste », La Galerie de l’Homme est à l’image de cette architecture : elle célèbre la parousie de l’Homme, son arrogance, sa supériorité sur le monde naturel qu’il a totalement « arraisonné », sa démesure. La Science de l’Homme n’est pas modeste ; le doute ne l’habite pas ; elle fait la propagande d’une idéologie, exactement comme à la fin du XIXe siècle cette même science a célébré la diversité des êtres humains en les répartissant en races.
http://cerclearistote.com/quand-la-science-se-fait-propagande-par-jean-gerard-lapacherie/