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culture et histoire - Page 1488

  • C’était un 20 septembre : la bataille des champs catalauniques

    En l’an 451, les Huns connurent une défaite lourde de conséquences.

    Cette confédération de barbares européens et asiatiques menée par Attila, dont le gigantesque empire était basé en Pannonie (Hongrie), entendait conquérir la Gaule.
    Après avoir franchi le Rhin, les Huns détruisirent Metz. Mais ils se détournèrent de Paris suite à l’opposition menée par Sainte Geneviève, avant de se casser le nez sur la résistance d’Orléans. Quinze jours après, près de Chalons-en-Champagne se déroulala bataille des Champs catalauniques où les Huns furent battus par une coalition.

     

    Celle-ci, dirigée par le général romain Aetius, regroupait – outre les troupes romaines – des Francs (menés par Mérovée), des Gaulois, des Alains, des Burgondes, des Sarmates, des Wisigoths et d’autres peuples.
    Attila et ses troupes pouvaient de leur côté compter notamment sur l’appui des Ostrogoths et des Alamans.
    Après cette défaite les Huns ne revinrent jamais plus vers la Gaule.

    Ils s’en prirent à l’Italie.

    La bataille des champs Catalauniques fut importante car elle amena un changement fondamental dans les rapports des peuples soumis vis-à-vis de Rome. En paiement de ses loyaux services, Mérovée, roitelet des Francs saliens, fut reconnu par Rome comme roi de la Gaule belgique. A partir de cet instant, les Francs imposèrent graduellement leur domination sur toute la Gaule gallo-romaine pour les trois siècles à venir. Gondioc, chef des Burgondes dont le royaume outre-Rhin avait été ruiné 20 ans plus tôt par les Romains avec l’aide des Huns, se tailla le royaume de Bourgogne. Il ne resta bientôt plus qu’un seul patrice romain en Gaule, Syagrius, îlot dans un océan de rois « barbares ».

    http://www.contre-info.com/cetait-un-20-septembre-la-bataille-des-champs-catalauniques#more-12941

  • La quête du roi fait apparaître dans toute sa réalité le pouvoir des mythes anciens

    Il y a aussi une tout autre histoire, une authentique quête – véritable pendant celle de l’Anneau – qui sillonne le livre. Elle donne à la faërie une autre dimension, une dimension proprement humaine. Conduite exclusivement par les hommes et pour les hommes, sous l’œil bienveillant de Gandalf et des Elfes, c’est la quête d’Aragorn pour devenir ce qu’il est ! Cet engagement elfique pour que les hommes puissent avoir un destin en Terre du Milieu est tout aussi essentiel que la destruction de l’Anneau de Sauron. Mais cette quête-là est bien plus « calculée » : elle fait apparaître dans toute sa réalité le pouvoir des mythes anciens. 

         Quel sens peut bien avoir ce Retour du Roi, d’un Roi imaginaire, comme dit du Seigneur des Anneaux ? Les temps présents ignorent très largement ce que peut être un roi, et même ce que les rois, au cours de l’histoire humaine, ont pu représenter. On peut même voir une contradiction dans la manière dont Tolkien exploite ce thème. 

         Dans une faërie, un tel retour du Roi est tout à fait compréhensible : on peut parfaitement le concevoir comme faisant partie des thèmes incontournables de ce type de récit. Nombreux sont les textes médiévaux, en effet, qui se concluent sur cette eucatastrophe (néologisme tolkenien pour signifier la fin heureuse des faëries). 

         Mais son importance dans les livres du Seigneur des Anneaux est singulière. Ce n’est pas simplement un roi qui revient en puissance, mais une véritable quête qui parcourt le livre. Les livres I, II et IV sont entièrement consacrés à la quête de l’Anneau – mais les livres III, V et la moitié du livre VI sont, eux, consacrés à la guerre du Roi, au Roi, au retour du Roi et à la libération du Comté, terme de l’histoire. Si la vaste entreprise du professeur Tolkien a un sens – et, pour cela, on peut lui faire confiance : dans tous ses écrits, il a rigoureusement respecté la logique – ce sens, sans nul doute, il faut aussi le chercher là. 

         Tolkien a beaucoup écrit. Surtout pour répondre aux interrogations de ses lecteurs et critiques. Dans l’une de ses nombreuses lettres, à propos du pouvoir de l’Anneau, il dit ceci, qui peut sans difficulté s’appliquer à toutes les formes de pouvoir : « Si je devais philosopher à propos de ce mythe, je dirais qu’il s’agissait de représenter d’une façon mythique une vérité qui consiste à dire que la puissance (ou plutôt la potentialité), si elle doit être exercée et produire des résultats, doit être externalisée. A un degré plus ou moins important, elle doit, en quelque sorte, passer hors du contrôle direct de son propriétaire. Un homme qui veut exercer un pouvoir doit avoir des sujets extérieurs à lui-même et dont il dépend » (Lettre 211). Phrase éclairante : on y voit ce qui précisément différencie un pouvoir ayant comme « externalité » l’élection – dont la légitimité ne dépend alors que de l’efficacité de sa propagande, de sa « communication » – et un pouvoir dont « l’externalité » s’établit sur une tradition dans le respect des lois écrites et non écrites... Un pouvoir royal est contraint parce qu’il représente, parce qu’il est : c’est ainsi qu’il est tenu en laisse par son « externalité ». 

         Tolkien affirme à plusieurs reprises qu’il n’aime pas beaucoup ce que nous appelons démocratie. Mais on ne trouve sous sa plume aucun discours qui tenterait de théoriser un anti-démocratisme politique. Son livre n’a rien d’un livre politique. Ce n’est pas du tout de ce côté-là qu’il faut chercher. 

         Pour Tolkien, chrétien, catholique, la seule égalité qui vaille est devant Dieu : « Non pas que je sois un démocrate dans ses aspects habituels, sauf que je pense, pour parler littérairement, que nous sommes tous égaux devant le Grand Auteur » (Lettre 163). Cette pensée a conduit à certains esprits un peu limités à imaginer qu’il pourrait avoir quelque accointance avec des pensées et des penseurs hostiles à la démocratie. Il n’en est absolument rien ! Ce n’est vraiment pas son sujet. Son biographe Humphrey Carpenter précise : « Tolkien, en jargon moderne, était ‘de droite’ en ce qu’il honorait le roi et sa patrie et qu’il ne croyait pas au gouvernement du pays par le peuple ; mais il ne s’opposait à la démocratie que parce qu’il ne pensait pas qu’en fin de compte les hommes en tireraient profit » (Une biographie). 

    François-Marin Fleutot, Les mythes du Seigneur des Anneaux

    http://www.oragesdacier.info/2014/09/la-quete-du-roi-fait-apparaitre-dans.html

  • Bismarck : le mythe du peuple

    N'en déplaise à Michelet, il n'existe pas de peuple conscient de lui-même en tant qu'entité politique. La démocratie est une escroquerie !

    Dans le cinquième tome de ses Mémoires, un des plus riches, Maurice Barrès cite le chancelier Bismarck, manipulateur lucide et froid des assemblées germaniques parce qu'il savait que les élus du suffrage universel ne représentent qu'eux-mêmes. Dès 1847, dans ses discours au premier parlement prussien, Bismarck raillait les premiers théoriciens du Contrat social, des Droits de l'Homme ; il définissait ainsi le peuple, après une vive critique du suffrage universel :

    « Le peuple vrai est une multitude invisible d'âmes. Il est la nation vivante et organisée pour sa mission historique. Il est la nation d'hier et de demain. Il n'a point de voix matérielle qui le dénonce : dans la conscience de sa tradition il puise la force qui le mène aux fins prédestinées : c'est le souverain seul qui sait écouter en lui les voix silencieuses de son vouloir providentiel. » (1)

    L'histoire racontée par Michelet ressemble à la tragédie grecque : comme le choeur des Danaïdes dans les Suppliantes ; le choeur des vieillards d'Argos dans Agamemnon, de Thèbes dans OEdipe Roi, comme le choeur des esclaves troyennes dans les Choéphores, des matelots dans Philoctète, le peuple français représenté par ses paysans, ses bourgeois, ses femmes et ses enfants, pleure ses larmes, verse son sang, exprime sa joie, sa colère, son enthousiasme, son indignation, participe activement aux événements, ou au moins les juge, comme une personne consciente, comme un acteur du drame national. C'est de la belle littérature, souvent réussie malgré l'emphase romantique, mais il ne convient de s'instruire dans ce livre, d'y puiser les leçons du passé qui doivent éclairer l'action des hommes dans la cité (2). Le Théâtre, le Roman, ne disent pas l'Histoire, et Michelet « fit de la pensée avec son coeur ».

    S'il existe une population, des masses populaires, un peuple, le peuple au sens politique, lui, n'est qu'une nuée sortie d'imaginations enfiévrées par le mythe démocratique. Il n'existe pas, dans la réalité, de peuple visible, conscient de lui-même en tant qu'entité politique. Parler au nom du peuple, déclarer "le peuple a dit", "le peuple a voulu" représente un abus de confiance. La république romaine était dirigée par le Sénat, formé d'anciens magistrats, et le Peuple romain réuni en Comices et votant d'après un processus complexe, d'une structure fort inégalitaire. Le mot république ne doit pas faire illusion : "Le Sénat et le Peuple romain" étaient plus proches de la formule "Le roi en ses Conseils, le peuple en ses États" que du mensonge démocratique qui fait parler "au nom du peuple français". Les représentants des partis qui ont été élus grâce aux machinations de leurs comités ne représentent pas plus la masse des Français que ne le feraient des députés tirés au sort ! Présidentielle, représentative, participative, la démocratie n'a été, n'est et ne sera jamais qu'une escroquerie.

    Seul un souverain qui n'a pas besoin de flatter les masses, un monarque absolu, ce qui signifie indépendant, peut non seulement considérer le salut de ses peuples, mais aussi se mettre objectivement à l'écoute de leurs aspirations "silencieuses", "providentielles", et en tenir compte dans la mesure où leur application ne met pas en danger l'intérêt général que lui seul peut discerner.

    Gérard Baudin L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 décembre 2008

    1 - Maurice Barrès, Mes Cahiers, tome V (1906-1907), Plon, Paris, 1932.

    2 - Charles Maurras, Trois Idées politiques, Champion, Paris, 1898. Il est indispensable, pour connaître Jules Michelet, de lire, dans cet ouvrage le chapitre Michelet ou la Démocratie. L'ouvrage a été repris dans les OEuvres capitales, tome II, Essais politiques, Flammarion, Paris, 1954.

  • Entretien avec le groupe musical « FTP »

    On peut visionner en fin de cet entretien deux clips de ce dynamique groupe musical patriote.
    Leurs deux premiers disques sont disponibles ici.

    C-I : Bonjour et merci d’avoir répondu à nos questions ! Le label Patriote Productions a récemment annoncé officiellement que vous avez débuté l’enregistrement de votre troisième album, peux-tu nous en dire plus ?

    Philippe (FTP) : En effet, nous avons commencé les enregistrements cet été après un boulot acharné pour composer les titres de ce nouvel album. Moins de deux ans sépareront Rupture de ban de son futur petit frère, ce qui est très satisfaisant !

    C-I : Où en êtes-vous précisément ?
    Ph : Etant donné les difficultés que nous éprouvons à nous retrouver tous ensemble, nous avons opté pour plusieurs séances d’enregistrements séparés. A l’heure actuelle sont intégralement enregistrés les pistes de guitare et de basse, quelques morceaux de flûte traversière, et la batterie est en cours. Il reste principalement le chant et quelques instruments tels que du saxophone ou du violon. Vous l’avez compris, il y a encore du boulot à abattre car nous voulons faire de cet album un produit riche et achevé.

    C-I : Avec le recul, quelles sont vos impressions concernant votre précédent disque, Rupture de ban ?


    Ph : Le ressenti du public est clairement positif, et largement au-delà de nos espérances. Cet album a touché beaucoup de monde, et parfois bien au-delà de la sphère militante. Les CD se vendent encore régulièrement, les écoutes sur Internet cartonnent aussi, et les échos que nous obtenons de nos chansons sont très élogieux. Cela étant dit, de notre point de vue d’artistes nous éprouvons parfois un certain sentiment de déception du type « ç’aurait pu être encore mieux ! » Sur certaines chansons, je donnerais cher pour pouvoir ajouter quelques harmonies et les enrichir davantage. Mais je pense que c’est une réaction logique, et très positivement constructive pour l’album que nous préparons !

    C-I : Justement, parle-nous de cet opus. Quel sera son esprit, tant au plan musical que des thèmes abordés ?
    Ph : « On ne change pas une recette qui marche, mais on l’améliore ! » En d’autres termes, on reste globalement sur l’équilibre trouvé avec Rupture de ban, mais en enrichissant les styles que nous explorons. Vous trouverez dans ce disque du pop-rock, du punk, du métal confinant au symphonique, de la variété française et j’en passe… La seule règle que nous nous fixons est de ne pas nous limiter à un seul style. Il y a bien sûr une dominante dans la composition, mais les digressions sont indissociables de l’identité du groupe. La progression majeure par rapport à Rupture de ban consiste dans le souci du détail, en recherchant en permanence des enrichissements harmoniques et instrumentaux ne laissant pas de place à la monotonie un peu simpliste qu’on peut déplorer parfois ici et là dans le RIF. Les thèmes abordés seront assez variés, la lutte contre les lois immorales, le combat personnel contre les idées du monde, l’exaltation de certaines vertus, un week-end d’amis en province, une balade sur notre belle ville de Paris, une satire du citoyen moyen, etc… Onze titres au total pour ne rien vous cacher !

    C-I : Le très fameux groupe « In Memoriam » vous a cités dans une émission de radio comme le groupe qui a repris le flambeau du RIF, partagez-vous cette analyse ?
    Ph : Nous sommes très honorés de recevoir ce commentaire de la part du groupe qui a vraiment été le fer de lance de cette musique alternative de droite. Nous avons toujours revendiqué notre appartenance au courant du RIF, pour la bonne et simple raison que nos jeunes années militantes ont été bercées par des groupes tels qu’In Memo bien sûr mais aussi IDF ou Vae Victis (qui est d’ailleurs le groupe dont nous nous sentons musicalement les plus proches), et que notre style de composition y est tout naturellement lié ! FTP s’est en effet créé durant une période de disette musicale et avait donc un boulevard à occuper. Je pense que nous avons bien creusé notre trou, et le retour d’In Memoriam est plus qu’un encouragement pour le petit frère que nous sommes ! Maintenant, notre ambition est aussi de toucher un public extérieur au milieu nationaliste : notre démarche n’a de sens que si elle convainc d’autres gens de rejoindre notre combat, on ne peut pas se contenter de l’aspect communautaire de nos chansons. Il y a un public que j’appellerai catho-droitard à conquérir, dont l’importance en termes de nombre comme de désir d’engagement s’est révélée lors des manifs pour tous : notre objectif est de leur visser nos paroles aux oreilles.

    C-I : peux-tu nous parler de la composition du groupe ?
    Ph : Il est inchangé depuis un an : Tanguy au chant avec moi-même, Max notre guitare lead (autre belle plus-value pour notre futur album), Julien à la basse et Fasc aux baguettes !

    C-I : Question pour les artistes qui nous lisent ou qui hésitent à se lancer, comment compose-t-on une chanson de RIF ?
    Ph : Plus facile de poser la question que d’y répondre ! Cela dépend un peu des compositeurs, certains préfèrent écrire un texte d’abord et ensuite trouver une musique qui lui correspond. A titre personnel je commence quasi systématiquement par composer une musique avec ma guitare. Une fois que j’ai la mélodie, l’harmonie et le rythme, je sais déjà dans quel esprit je dois écrire le texte et donc chercher le thème: plutôt militant, plutôt solennel, drôle ou portant à la réflexion… Après c’est un travail sur la durée, on écoute, on corrige, on aménage ! Julien et Max on écrit chacun une compo pour l’album, leur méthode est sans doute différente de la mienne et c’est ce qui enrichit les styles du groupe !

    C-I : Peux-tu nous dire quand sortira cet album tant attendu ?
    Ph : Pas encore, il reste du travail à abattre et nous ne voulons avoir aucun regret, ce qui suppose un bon délai d’écoute une fois les enregistrements terminés.

    C-I : Un petit scoop pour nos lecteurs alors ?
    Ph : Allez, je vais vous lâcher le nom de l’album ! Il s’appellera « Grandeur et servitude », résumant le paradoxe entre la beauté des idéaux que nous défendons et la bassesse du monde qui est aussi un peu la nôtre…

     

  • Robert Steuckers : "La figure du Katechon chez Carl Schmitt"

    Dans sa Théologie politique (1922), la figure du katechon est celle qui, par son action politique ou par son exemple moral, arrête le flot du déclin, la satanisation totale de ce monde de l’en-deçà. Catholique intransigeant, lecteur attentif du “Nouveau Testament”, Schmitt construit sa propre notion du katechon au départ de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens de Paul de Tarse. Le Katechon est la force (un homme, un Etat, un peuple-hegemon) qui arrêtera la progression de l’Antéchrist. Schmitt valorise cette figure, au contraire de certains théologiens de la haute antiquité qui jugeaient que la figure du katechon était une figure négative parce qu’elle retardait l’avènement du Christ, qui devait survenir immédiatement après la victoire complète de l’Antéchrist. Schmitt fonde justement sa propre théologie civile, après avoir constaté cette différence entre les théologiens qui attendent, impatients, la catastrophe finale comme horizon de l’advenance de la parousie, d’une part, et, ceux qui, par le truchement d’une Theologia Civilis tirée en droite ligne de la pratique impériale romaine, veulent pérenniser le combat contre les forces du déclin à l’œuvre sur la Terre, sans trop se soucier de l’avènement de la parousie. Les sociétés humaines, politiques, perdent progressivement leurs valeurs sous l’effet d’une érosion constante. Le katechon travaille à gommer les effets de cette érosion. Il lutte contre le mal absolu, qui, aux yeux de Schmitt et des schmittiens, est l’anomie. Il restaure les valeurs, les maintient à bout de bras. Le Prof. Fabio Martelli a montré comment la notion de Katachon a varié au fil des réflexions schmittiennnes: il rappelle notamment qu’à l’époque de la “théologie de la libération”, si chère à certaines gauches, où un Dieu libérateur se substituait, ou tentait de se substituer, au Dieu protecteur du statu quo qu’il avait créé, Schmitt sautait au-dessus de ce clivage gauche/droite des années 60-70, et aussi au-dessus des langages à la mode, pour affirmer que les pays non-industrialisés (du tiers-monde) étaient en quelque sorte le katechon qui retenait l’anomie du monde industriel et du duopole USA/URSS. Finalement, Schmitt a été tenté de penser que le katechon n’existait pas encore, alors que l’anomie est bel et bien à l’œuvre dans le monde, mais que des “initiés” sont en train de forger une nouvelle Theologia Civilis, à l’écart des gesticulations des vecteurs du déclin. C’est de ces ateliers que surgira, un jour, le nouveau katechon historique, qui mènera une révolution anti-universaliste, contre ceux qui veulent à tout prix construire l’universalisme, arrêter le temps historique, biffer les valeurs, et sont, en ce sens, les serviteurs démoniaques et pervers de l’Antéchrist.

    (résumé de Robert Steuckers de l’intervention du Prof. Dr. Fabio Martelli – Université d’été de la FACE, 1995 ; ce résumé ne donne qu’un reflet très incomplet de la densité remarquable de la conférence du Prof. Fabio Martelli, désormais Président de Synergies Européennes-Italie; le texte paraîtra in extenso dans Vouloir).

    http://la-dissidence.org/2014/09/21/robert-steuckers-la-figure-du-katechon-chez-carl-schmitt/

  • Maurras, l’inégalité et le racisme

    Bainville reconnaîtra un jour que c’est Maurras qui, en 1900, l’avait éloigné de toute tentation raciste, lors de la parution du livre de Vacher de Lapouge, L’Aryen, son rôle social : « Charles Maurras avait mis le très jeune lecteur que j’étais en garde contre les rêveries de la race pure. » (Lectures, p. 220).

    Dès que le jeune Maurras prit la plume, ce fut en effet pour dénoncer le racisme, qui représentait la négation même de toute civilisation — « folie pure et sans issue » dira-t-il dans L’AF du 15 juillet 1936. « Il n’y a sans doute pas de race latine [...] . L’essentiel est qu’il existe une civilisation latine, un esprit latin, véhicule et complément de l’hellénisme, interprète de la raison et de la beauté athénienne, durable monument de la force romaine » écrit-il dans L’Étang de Berre (1915). Il y reviendra dans Les Vergers sur la Mer, (1937) dans un chapitre intitulé « Que nous reste-t-il de la Grèce ? » : « Les répercussions, les ricochets et les cascades d’influences sont infinies, et leur histoire bien conduite résumerait l’office des traditions et des progrès de la Raison partout vivace, à travers les hautes sciences, les lettres humaines, les beaux-arts universels : sans préjudice de développements ultérieurs possibles dans le monde jaune et le monde noir. Les négrillons hellénisés n’y gagneront pas un nez grec, mais Socrate était bien camus ! ” N’est-ce pas, à l’époque, la meilleure réponse à tout un gobineau-nietzschéisme de mauvais aloi aux sirènes duquel Maurras ne fut jamais sensible ? En 1937, il rapporte un souvenir de 1903 : « Analysant un livre ingénieux et pénétrant que M. Seillière a consacré au comte de Gobineau, M. Paul-Boncour a remarqué à différentes reprises que je ne me référais point à la doctrine de l’Essai sur l’inégalité des races humaines. M. Paul-Boncour m’en a demandé la raison. Elle est très simple. Je n’admets pas cette doctrine. » (Devant l’Allemagne éternelle)

    Ces prises de position ne feront que s’accentuer avec la précision des menaces. Le 30 mars 1933,L’Action Française écrit : « Le racisme et l’étatisme », c’est-à-dire, le national-socialisme et le fascisme, « ne peuvent correspondre qu’à des sociétés imparfaites. Une société dans laquelle la civilisation a atteint ses sommets les plus rares ne peut se contenter de telles significations ; l’édifice des valeurs les plus aristocratiques et les plus rares ne saurait abriter ces religions grossières, dont la pauvreté spirituelle n’a d’égale que la malfaisance et la stérilité. »

    Dans un texte tardif, et d’une émouvante beauté parce qu’il résume une vie d’engagement au service de la civilisation, Soliloque du prisonnier(1950), il insiste sur l’universalité de « [s]a » Méditerranée qui « ne demande pas mieux que de devenir nordique ou baltique pourvu qu’elle rencontre ici ou là, les deux lucides flammes d’une civilisation catholique et d’un esprit latin. » Dès Anthinéa (1901), n’avait-il pas précisé : « Ce que je loue n’est point les Grecs mais l’ouvrage des Grecs et je le loue non d’être grec mais d’être beau. Ce n’est pas parce qu’elle est grecque que nous allons à la beauté, mais parce qu’elle est belle que nous allons à la Grèce » ?

    Il y a du reste pour Maurras une véritable opposition de civilisation entre l’Amérique puritaine et protestante, et les peuples latins et catholiques, et le refus du racisme en est la pierre de touche. En 1928 (L’AF du 25 juillet) il note : « Le Dr R. Greenfield écrit dans l’International civil organisation : “il est un reproche premier que nous faisons nous, les Anglo-saxons, au catholicisme espagnol. Il a produit une race hybride, qui nous a empêchés d’accepter l’union avec des pays, riches il est vrai, mais habités par un peuple que nous estimons de culture inférieure. Le protestantisme, au contraire plus pratique et plus conscient de la liberté a admis comme une nécessité, ou d’exterminer les Indiens, ou de les parquer dans des réserves, afin d’empêcher tout métissage.” Une note appendice à mon vieux livre, Quand les Français ne s’aimaient pas, a jadis rappelé [...] cette politique d’ “extermination” ou de “parquage” infligée aux Indiens du Nord. Ma note réprouvait vivement ce que le docteur Robert Greenfield approuve et recommande. Cette note louait les Latins d’Amérique de ce que leur reproche le protestant anglo-saxon. »

    Aussi, on ne saurait prendre prétexte de la dénonciation par Maurras de l’égalité comme mythe révolutionnaire pour faire de lui le propagandiste d’une quelconque inégalité substantielle entre les hommes. Pour Maurras, que ce soit sur les plans social ou ethnique, il n’y a ni sous-hommes ni sur-hommes : « Tout homme, écrit-il dans sa Politique Naturelle (1937), a « le dépôt des biens spirituels et moraux dont la Raison et la Religion s’accordent à faire l’attribut de l’humanité. Tout homme, ayant cela, vaut tout autre homme, pour cela. »

    Ou comme le conclut encore Pierre Boutang (La Fontaine politique) : « Rien [...] dans l’enseignement contre-révolutionnaire [...] ne suggère que l’accroissement de l’inégalité, ni sa conservation religieuse et sacrée soient des biens. Il y a des inégalités, parce qu’il y a des fonctions et des différences ».

    François Marcilhac - L’AF 2893

    - [1] Il s’agit de Le comte de Gobineau et l’aryanisme historique, Plon, Paris, 1903, 
    - [2] Quand les Français ne s’aimaient pas, Chronique d’une renaissance, 1895-1905, Nouvelle Librairie Nationale, Paris, 1915

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Maurras-l-inegalite-et-le-racisme

  • «Comment sommes-nous devenus si cons» de Alain Bentolila /… par Véronique Soulé

     

    Un correspondant, que nous remercions, nous fait suivre un article de Véronique Soulé en charge de la rubrique Education à « Libération ».

    «Bentolila, Brighelli, Onfray : tout fout le camp».

    A toutes fins utiles, un article de Libération qui visiblement digère mal ceux qui remettent en cause  la  «refondation» de l’école, pire… approuvent à 95 % le programme du FN…
    (Hyman Rickover)

    Qu’y a-t-il de commun entre Alain Bentolila (linguiste), Jean-Paul Brighelli (professeur) et Michel Onfray (philosophe) ? Réponse : ils trouvent que l’école française n’est plus ce qu’elle était, qu’au lieu d’apprendre à lire et à écrire, elle enseigne des choses ridicules aux élèves – du type «théorie du genre» – et que tout ça est dû à Mai 1968. Pour ceux qui n’ont déjà pas le moral, mieux vaut s’abstenir. Pour ceux qui chercheraient un débat d’idées, idem.

    Comment sommes-nous devenus si cons ? Le cri de colère d'Alain Bentolila

    Comment sommes-nous devenus si cons ?
    Le cri de colère d’Alain Bentolila

    Comment sommes-nous devenus si cons ? se demande Alain Bentolila à la une de son ouvrage, question qu’il semble s’appliquer à lui-même. En dessous, un bandeau nous précise que le linguiste pousse un cri de colère – peut-être pour justifier la vulgarité de son titre.

    Apparemment, tout est parti d’une conversation avec sa fille qui aurait pas mal secoué Alain Bentolila – c’est le début de l’ouvrage. Bentolila fille, donc, regarde la télé, ce qui agace passablement son père. Passe un petit film sur les cigarettes. Il décide de faire un test et de lui demander ce qu’elle en a retenu. C’est une pub pour vanter la cigarette, répond-elle. Horreur ! C’est tout le contraire: le film vise à décourager de fumer ! Mais Bentolila fille n’a pas capté le message – la preuve que la télé rend con…

    La suite – 185 pages au total, des lignes espacées avec pas mal de blanc – est résumable : les jeunes – et nous tous par extension – sommes devenus cons. Abrutis par les écrans, vautrés devant les émissions de télé réalité, pas aidés par l’école qui ne fait plus son boulot, nos jeunes ne savent plus réfléchir, détestent lire, ont du mal à mémoriser…

    Pour illustrer, avant de passer au livre suivant, on peut citer un extrait du passage intitulé Internet et la mémoire fout le camp : «Demandez à quelques adolescents de répondre à la question suivante en cherchant sur Internet: “comment expliquer que lorsqu’on lâche une pierre, elle tombe ?”. Au bout d’une demi-heure, demandez à chacun de proposer une explication. (…) Aucun ne sera capable de donner l’embryon d’une explication cohérente. Certains citeront peut-être le nom de quelques sites sur l’archéologie ou… sur les accidents de montagne. […] Pourquoi ? Parce qu’ils ne voient pas la nécessité de mettre dans leur tête ce qui est déjà dans la machine».

    Les titres de chapitres et de sous-chapitres renvoient ainsi l’image angoissante d’un monde en pleine déliquescence, où tous les repères sautent : «L’illusion pédagogo : l’élève constructeur du savoir ! », «Sans labeur, pas de plaisir !», «Le numérique, la grande illusion éducative», «Lorsque la légitimité du maître est en cause», «L’imposture de la discrimination positive», « Aussitôt appris, appuyer sur Delete»…

    Avec Tableau noir, Jean-Paul Brighelli poursuit dans la sinistrose. Mais à la différence de Bentolila, il essaie de faire drôle et percutant – style pamphlet en  somme. Pour cela, il lâche des formules qui se veulent à la fois profondes et savoureuses. Exemple : «La sortie scolaire systématique est à la pédagogie ce qu’un certain hamburger est à la gastronomie : une récession dans l’infantile».

    Le tableau noir La suite de La fabrique du crétin de Jean-Paul Brighelli

    Le tableau noir
    La suite de La fabrique du crétin
    de Jean-Paul Brighelli

    Pas mécontent de lui, le professeur de lettres qui exerce en prépas au lycée Thiers de Marseille, cite volontiers ses précédents ouvrages. Et pour cause. Depuis La fabrique du crétin, il répète à peu près toujours la même chose. En substance : avec leurs fumeuses sciences de l’éducation, leur volonté de mettre l’élève au centre et leur méthode globale pour apprendre à lire, les «pédagos» sont responsables d’à peu près tout – du déclin de notre école, du grippage de l’ascenseur social, de la perte d’attractivité du métier, etc. En plus, comme ils ont infiltré le ministère et plusieurs partis, d’après J.P Brighelli, le cauchemar risque de durer.

    Dans Tableau noir, il règle surtout son compte à l’ex-ministre de l’Education Vincent Peillon, coupable de s’en être pris aux profs de prépas et d‘avoir voulu, pour les anéantir, opposer les enseignants entre eux. Officiellement, il s’agissait seulement de revoir leurs systèmes de rémunérations – salaires, primes et heures sups –, afin de dégager des marges pour financer des heures de décharge allouées aux enseignants en Zep.

    En réalité, selon Brighelli, le ministre poursuivait en sous-main un tout autre dessein: «éradiquer enfin l’excellence». «Geneviève Fioraso et Vincent Peillon, écrit-il, ont décidé d’en finir avec les grandes écoles, cette exception française qui nous permet, bon an mal an, de dégager les élites qui font encore fonctionner notre vieux pays. Elitisme est un gros mot, désormais, comme chacun sait. La République des égaux n’a pas besoin de savants ! On a déjà entendu ça, à d’autres périodes plus sinistres»…

    Si tout va à vau-l’eau, que faire pour reconstruire notre école ? Commentant à la fin du livre les programmes des partis sur l’éducation, Jean-Paul Brighelli explique qu’il est d’accord avec «la quasi-totalité» des propositions du Front national – retour à la méthode syllabique, à l’étude chronologique de l’Histoire de France, fin du «pédagogisme», tolérance zéro pour la discipline… «Le désespoir me prend parfois, après toutes ces années de combat stérile, conclut-il, et l’envie de me tourner vers le diable, si le diable me permet de sauver l’école». Au moins, ça a le mérite d’être clair.

    La passion de la méchanceté Sur un prétendu divin marquis de Michel Onfray

    La passion de la méchanceté
    Sur un prétendu divin marquis
    de Michel Onfray

    Enfin quelques mots sur Michel Onfray. En pleine promo de son livreLa Passion de la méchanceté, il a fait une sortie finkielkrautienne sur France Inter. Au lieu de leur apprendre à lire et à écrire, a-t-il déclaré, «on apprend aux élèves à trier les ordures et la théorie du genre». On lui doit aussi ce matin-là : «Aujourd’hui ce sont les professeurs qui ont peur des élèves», «on n’arrive plus à noter car les notes sont fascistes»…  Devant la finesse du propos, on reste sans voix.

    Michel Onfray signe aussi un article, plus apaisé, sur le sujet dans le dernier numéro de l’hebdo, le Un. Le philosophe y parle de son enfance. Fils d’un ouvrier agricole et d’une femme de ménage, placé dans un orphelinat tenu par des pères salésiens, il raconte qu’il a eu «la chance d’apprendre à lire avec la méthode syllabique». Avant de connaître les méfaits du laxisme insufflé par mai 1968. Et à partir de là, tout a foutu le camp.

    «L’apprentissage exige des vertus perdues: la modestie, la patience, la constance, la persévérance. Notre célèbre époque l’inverse : l’arrogance, l’impatience, l’inconstance, le caprice», écrit le philosophe. Ici, il rejoint le constat fait par «les pédagogues post-soixante huitards» sur les dangers de la culture de l’immédiateté et sur les problèmes de concentration des élèves.

    Le résultat de tout cela, déplore-t-il, est qu’aujourd’hui une ascension grâce à l’école est impossible : «les enfants de pauvres font les frais de l’effondrement du système d’instruction et d’éducation français. Pour les autres, les parents se substituent à l’école défaillante». Et là, il n’a pas vraiment tort.

    Véronique Soulé,  journaliste à Libération, 15/09/2014

    Comment sommes-nous devenus si cons? Alain Bentolila, éditions First, septembre 2014, 185 pages, 14,95 euros.
    Tableau noir, Jean-Paul Brighelli, éditeur Hugo Document, août 2014, 16 euros.
    La Passion de la méchanceté, Michel Onfray, éditeur Autrement, collection Contre-hist, août 2014, 180 pages.
    le Un hebdomadaire, n°23, 2,80 euros. Michel Onfray.

    http://www.polemia.com/cest-classe/

     

  • Pour mieux comprendre la Révolution Conservatrice allemande par Georges FELTIN-TRACOL

    En dépit de la parution en 1993 chez Pardès de l’ouvrage majeur d’Armin Mohler, La Révolution Conservatrice allemande 1918 – 1932, le public français persiste à méconnaître cet immense ensemble intellectuel qui ne se confine pas aux seules limites temporelles dressées par l’auteur. Conséquence immédiate de la Première Guerre mondiale et de la défaite allemande, cette mouvance complexe d’idées plonge ses racines dans l’avant-guerre, se retrouve sous des formes plus ou moins proches ailleurs dans l’espace germanophone et présente de nombreuses affinités avec le « non-conformisme français des années 30 ».

    Dans son étude remarquable, Armin Mohler dresse une typologie pertinente. À côté d’auteurs inclassables tels Oswald Spengler, Thomas Mann, Carl Schmitt, Hans Blüher, les frères Ernst et Friedrich Georg Jünger, il distingue six principales tendances :

    — le mouvement Völkisch (ou folciste) qui verse parfois dans le nordicisme et le paganisme,

    — le mouvement Bündisch avec des ligues de jeunesse favorables à la nature, aux randonnées et à la vie rurale,

    — le très attachant Mouvement paysan de Claus Heim qui souleva le Schleswig-Holstein de novembre 1928 à septembre 1929,

    — le mouvement national-révolutionnaire qui célébra le « soldat politique »,

    — il s’en dégage rapidement un fort courant national-bolchévik avec la figure exemplaire d’Ernst Niekisch,

    — le mouvement jeune-conservateur qui réactive, par-delà le catholicisme, le protestantisme ou l’agnosticisme de ses membres, les idées de Reich, d’État corporatif (Ständestaat) et de fédéralisme concret.

    Le riche ouvrage d’Armin Mohler étant épuisé, difficile à dénicher chez les bouquinistes et dans l’attente d’une éventuelle réédition, le lecteur français peut épancher sa soif avec La Révolution Conservatrice allemande, l’ouvrage de Robert Steuckers. Ancien responsable des revues Orientations, Vouloir et Synergies européennes, animateur aujourd’hui de l’excellent site métapolitique Euro-Synergies, Robert Steuckers parle le néerlandais, le français, l’allemand et l’anglais. À la fin des années 1970 et à l’orée des années 1980, il fit découvrir aux  « Nouvelles Droites » francophones des penseurs germaniques méconnus dont Ernst Niekisch. Il faut par conséquent comprendre ce livre dense et riche comme une introduction aux origines de cette galaxie intellectuelle, complémentaire au maître-ouvrage de Mohler.

    Vingt-cinq articles constituent ce recueil qui éclaire ainsi de larges pans de la Révolution Conservatrice. Outre des études biographiques autour de Jakob Wilhelm Hauer, d’Arthur Mœller van den Bruck, d’Alfred Schuler, d’Edgar Julius Jung, d’Herman Wirth ou de Christoph Steding, le lecteur trouve aussi des monographies concernant un aspect, politologique ou historique, de cette constellation. Il examine par exemple l’œuvre posthume de Spengler à travers les matrices préhistoriques des civilisations antiques, le mouvement métapolitique viennois d’Engelbert Pernerstorfer, précurseur de la Révolution Conservatrice, ou bien « L’impact de Nietzsche dans les milieux politiques de gauche et de droite ».

    De tout cet intense bouillonnement, seuls les thèmes abordés par les auteurs révolutionnaires-conservateurs demeurent actuels. Les « jeunes-conservateurs » développent une « “ troisième voie ” (Dritte Weg) [qui] rejette le libéralisme en tant que réduction des activités politiques à la seule économie et en tant que force généralisant l’abstraction dans la société (en multipliant des facteurs nouveaux et inutiles, dissolvants et rigidifiants, comme les banques, les compagnies d’assurance, la bureaucratie, les artifices soi-disant “ rationnels ”, etc., dénoncés par la sociologie de Georges Simmel) (p. 223) ».

    La Révolution Conservatrice couvre tous les champs de la connaissance, y compris la géopolitique. « Dans les normes internationales, imposées depuis Wilson et la S.D.N., Schmitt voit un “ instrumentarium ” mis au point par les juristes américains pour maintenir les puissances européennes et asiatiques dans un état de faiblesse permanent. Pour surmonter cet handicap imposé, l’Europe doit se constituer en un “ Grand Espace ” (Grossraum), en une “ Terre ” organisée autour de deux ou trois “hegemons ” européens ou asiatiques (Allemagne, Russie, Japon) qui s’opposera à la domination des puissances de la “ Mer ” soit les thalassocraties anglo-saxonnes. C’est l’opposition, également évoquée par Spengler et Sombart, entre les paysans (les géomètres romains) et les “ pirates ”. Plus tard, après 1945, Schmitt, devenu effroyablement pessimiste, dira que nous ne pourrons plus être des géomètres romains, vu la défaite de l’Allemagne et, partant, de toute l’Europe en tant que “ grand espace ” unifié autour de l’hegemon germanique. Nous ne pouvons plus faire qu’une chose : écrire le “ logbook ” d’un navire à la dérive sur un monde entièrement “ fluidifié ” par l’hégémonisme de la grande thalassocratie d’Outre-Atlantique (p. 35). »

    Robert Steuckers mentionne que la Révolution Conservatrice a été en partie influencée par la riche et éclectique pensée contre-révolutionnaire d’origine française. « Dans le kaléidoscope de la contre-révolution, note-t-il, il y a […] l’organicisme, propre du romantisme post-révolutionnaire, incarné notamment par Madame de Staël, et étudié à fond par le philosophe strasbourgeois Georges Gusdorf. Cet organicisme génère parfois un néo-médiévisme, comme celui chanté par le poète Novalis. Qui dit médiévisme, dit retour du religieux et de l’irrationnel de la foi, force liante, au contraire du “ laïcisme ”, vociféré par le “ révolutionnarisme institutionnalisé ”. Cette revalorisation de l’irrationnel n’est pas nécessairement absolue ou hystérique : cela veut parfois tout simplement dire qu’on ne considère pas le rationalisme comme une panacée capable de résoudre tous les problèmes. Ensuite, le vieux-conservatisme rejette l’idée d’un droit naturel mais non pas celle d’un ordre naturel, dit “ chrétien ” mais qui dérive en fait de l’aristotélisme antique, via l’interprétation médiévale de Thomas d’Aquin. Ce mélange de thomisme, de médiévisme et de romantisme connaîtra un certain succès dans les provinces catholiques d’Allemagne et dans la zone dite “ baroque ” de la Flandre à l’Italie du Nord et à la Croatie (p. 221). » Mais « la Révolution Conservatrice n’est pas seulement une continuation de la Deutsche Ideologie de romantique mémoire ou une réactualisation des prises de positions anti-chrétiennes et hellénisantes de Hegel (années 1790 – 99) ou une extension du prussianisme laïc et militaire, mais a également son volet catholique romain (p. 177) ». Elle présente plus de variétés axiologiques. De là la difficulté de la cerner réellement.

    La postérité révolutionnaire-conservatrice catholique prend ensuite une voie originale. « En effet, après 1945, l’Occident, vaste réceptacle territorial océano-centré où est sensé se recomposer l’Ordo romanus pour ces penseurs conservateurs et catholiques, devient l’Euramérique, l’Atlantis : paradoxe difficile à résoudre car comment fusionner les principes du “ terrisme ” (Schmitt) et ceux de la fluidité libérale, hyper-moderne et économiciste de la civilisation “ états-unienne ” ? Pour d’autres, entre l’Orient bolchevisé et post-orthodoxe, et l’Hyper-Occident fluide et ultra-matérialiste, doit s’ériger une puissance “ terriste ”, justement installée sur le territoire matriciel de l’impérialité virgilienne et carolingienne, et cette puissance est l’Europe en gestation. Mais avec l’Allemagne vaincue, empêchée d’exercer ses fonctions impériales post-romaines, une translatio imperii (une translation de l’empire) doit s’opérer au bénéficie de la France de De Gaulle, soit une translatio imperii ad Gallos, thématique en vogue au moment du rapprochement entre De Gaulle et Adenauer et plus pertinente encore au moment où Charles De Gaulle tente, au cours des années 60, de positionner la France “ contre les empires ”, c’est-à-dire contre les “ impérialismes ”, véhicules des fluidités morbides de la modernité anti-politique et antidotes à toute forme d’ancrage stabilisant (p. 181) ». Le gaullisme, agent inattendu de la Révolution Conservatrice ? Dominique de Roux le pressentait avec son essai, L’Écriture de Charles de Gaulle en 1967.

    Ainsi le philosophe et poète allemand Rudolf Pannwitz soutient-il l’Imperium Europæum qui « ne pourra pas être un empire monolithique où habiterait l’union monstrueuse du vagabondage de l’argent (héritage anglais) et de la rigidité conceptuelle (héritage prussien). Cet Imperium Europæum sera pluri-perspectiviste : c’est là une voie que Pannwitz sait difficile, mais que l’Europe pourra suivre parce qu’elle est chargée d’histoire, parce qu’elle a accumulé un patrimoine culturel inégalé et incomparable. Cet Imperium Europæum sera écologique car il sera “ le lieu d’accomplissement parfait du culte de la Terre, le champ où s’épanouit le pouvoir créateur de l’Homme et où se totalisent les plus hautes réalisations, dans la mesure et l’équilibre, au service de l’Homme. Cette Europe-là n’est pas essentiellement une puissance temporelle; elle est la “ balance de l’Olympe ” (p. 184) ». On comprend dès lors que « chez Pannwitz, comme chez le Schmitt d’après-guerre, la Terre est substance, gravité, intensité et cristallisation. L’Eau (et la mer) sont mobilités dissolvantes. Continent, dans cette géopolitique substantielle, signifie substance et l’Europe espérée par Pannwitz est la forme politique du culte de la Terre, elles est dépositaire des cultures, issues de la glèbe, comme par définition et par force des choses toute culture est issue d’une glèbe (p. 185) ».

    On le voit, cette belle somme de Robert Steuckers ne se réduit pas à une simple histoire des idées politiques. Elle instruit utilement le jeune lecteur avide d’actions politiques. « La politique est un espace de perpétuelles transitions, prévient-il : les vrais hommes politiques sont donc ceux qui parviennent à demeurer eux-mêmes, fidèles à des traditions – à une Leitkultur dirait-on aujourd’hui -, mais sans figer ces traditions, en les maintenant en état de dynamisme constant, bref, répétons-le une fois de plus, l’état de dynamisme d’une anti-modernité moderniste (p. 222). » Une lecture indispensable !

    Georges Feltin-Tracol

    • Robert Steuckers, La Révolution Conservatrice allemande. Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, Les Éditions du Lore (La Fosse, F – 35 250 Chevaigné), 2014, 347 p., 28 € + 6 € de port.

    http://www.europemaxima.com/?p=3947