Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1629

  • Les Français, leur histoire et la république

    Parmi toutes les nations du monde, la France présente le spectacle unique d’un peuple qui a pris son propre passé en aversion. On dirait une population d’esclaves qui vient de renvoyer ses maîtres et qui ne veut plus se souvenir du temps de sa servitude… Je ne crois pas que les luttes de la fin du XVIIIe siècle et la mauvaise littérature du nôtre suffisent pour expliquer une aussi étrange répulsion. On ne peut haïr à tel point que ce qu’on ignore, et la principale raison d’un état d’esprit si peu naturel, c’est que l’imagination du peuple a gardé le souvenir amplifié des crimes et des misères du temps passé, sans qu’on ait pris soin de lui en rappeler les bienfaits et les grandeurs.
    Michel Bréal
    Quelques mots sur l’Instruction publique en France (1873)
    L’auteur de ces lignes n’était pas un penseur politique mais un professeur et un savant. Linguiste, professeur de grammaire comparée, Michel Bréal (1832-1915) enseigna à l’École pratique des Hautes Études et au Collège de France. Fondateur de la sémantique, étude de la signification des structures linguistiques, il inventa le mot avec son Essai de sémantique paru en 1897. Il fut inspecteur de l’enseignement supérieur. Ajoutons pour la petite histoire que Michel Bréal suggéra au baron Pierre de Coubertin, en 1894, d’introduire le marathon dans les premiers Jeux Olympiques modernes en 1896.
    Le professeur, l’érudit, qui n’était pas un rat de bibliothèque et qui était libre de préjugés idéologiques, avait été effrayé, au lendemain de la guerre de 1870, de constater la désaffection des Français pour leur passé, et il y voyait une des causes de nos malheurs.
    Un mal français
    Cet état d’esprit ne datait pas de la Révolution, puisque, au-delà des philosophes des “Lumières”, on considérait au XVIe siècle les écrivains des siècles passés comme des barbares et que sévissait à l’époque classique – XVIIe et XVIIIe siècles – une profonde inintelligence du Moyen Âge dans les milieux les plus instruits. Voilà un défaut national. Mais tant qu’il ne touchait que les Lettres et les Arts, ce travers gaulois ne présentait aucun danger. La Révolution et son fils spirituel, le romantisme républicain, l’utilisèrent pour leur propagande et en firent un dangereux venin mettant en cause l’existence même du pays en minant ses forces morales.
    L’école de la République contre la France
    La IIIe République transforma cette haine du passé en un moyen de s’attacher les enfants qui crurent que la Révolution leur avait épargné la vie atroce que rois, seigneurs et hommes d’Église avaient infligée à leurs ancêtres. Il faut lire à ce propos Les préjugés ennemis de l’histoire de France de Louis Dimier. Le développement des principes démocratiques qu’on trouve chez Michelet et Hugo menait logiquement à la ruine de l’idée de patrie : expulsion des religieux, séparation de l’Église et de l’État, affaire Dreyfus, propagande antimilitariste, désagrégation par étapes de l’enseignement traditionnel, attirance pour la lutte des classes et sympathies pour l’Internationale sortirent de cette haine du passé. Certes, on exhuma le patriotisme du placard où on l’avait relégué, en 1914, puis en 1939, mais il fut affublé d’oripeaux démocratiques : « En vous battant pour la France, vous combattez en fait pour l’humanité, et cette guerre sera la dernière ! »
    Guerre civile et capitulation
    On pourrait prolonger la démonstration historique jusqu’à l’envoi par le gouvernement de notre porte-avions pour figurer aux cérémonies qui célébrèrent, l’an dernier en Grande-Bretagne, notre désastre naval de Trafalgar. Il n’y a que la République française pour fêter officiellement les défaites du pays. Mieux encore, ceux qui avaient tenu à la seule France pendant la Deuxième Guerre mondiale sont assimilés à des traîtres car le patriotisme démocratique avait déserté la patrie et s’était envolé pour l’Angleterre. Tout ce qui a pu faire la grandeur du pays, comme l’épopée coloniale qui fut civilisatrice, est systématiquement sali aux yeux d’une jeunesse qui, de repentance républicaine en repentance républicaine, finit par avoir honte de son pays et par penser que le patriotisme et le nationalisme constituent de criminels obstacles au bonheur de l’humanité.
    Charles Maurras a intitulé justement l’un de ses livres paru en 1916 Quand les Français ne s’aimaient pas, mais il ajouta Chronique d’une renaissance (1895-1905) car l’Action française s’était donné pour tâche de réconcilier avec la France les Français égarés par la République.
    Gérard Baudin L’Action Française 2000 du 18 au 31 octobre 2007

  • Cela n’intéressait évidemment pas le gouvernement...

    La Patte à Catoneo - Bouvines 14

    Où serons-nous le 27 juillet ? Peut-être au village de Bouvines dans le Nord, dont l’équipe municipale a fait des pieds et des mains pour commémorer dignement la bataille qui (c’est notre avis) fonda la nation française.

    Avec seulement 750 habitants et une quête inlassable de soutiens, ils ont réussi à monter une kyrielle d’événements du 16 mars au 27 juillet 2014.

    Un site très accueillant vous dit tout : http://www.bouvines2014.fr/ duquel j’extrais le premier argument :

    " L’association BOUVINES 2014 a été créée pour commémorer le 800ème anniversaire de la bataille (1214-2014). Nous souhaitons faire de cet anniversaire un événement majeur sur le plan régional, national et européen. Ces événements recouvreront trois thèmes forts : la paix, la jeunesse et l’Europe."

    La suite sur La Faute à Rousseau

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Cela-n-interessait-evidemment-pas

  • Fin du 1er Empire : La campagne de France

    L'épopée guerrière de Napoléon 1er, soit une dizaine d'années de guerres presque ininterrompues, se termine provisoirement en 1814 par la campagne de France et les émouvants adieux de Fontainebleau...

    Fabienne Manière

    Les Alliés franchissent le Rhin et les Pyrénées

    Après la «bataille des Nations», près de Leipzig, au coeur de l'Allemagne, du 16 au 19 octobre 1813, Napoléon 1er et ses troupes se préparent à une invasion du territoire français pour la première fois depuis une vingtaine d'années !

    Assaillis de tous côtés, ils doivent faire face à une sixième coalition qui rassemble pratiquement toute l'Europe, de l'Angleterre à la Russie en passant par la Prusse, l'Autriche, la Suède et les États allemands.

    Sur les Pyrénées, le général anglais Arthur Wellesley (44 ans) progresse depuis le Portugal. Ses exploits face aux maréchaux de Napoléon lui ont valu d'être anobli avec le titre de marquis et plus tard duc de Wellington.

    Après sa victoire de Vitoria, dans le Pays basque, le 21 juin 1813, il oblige les Français à repasser les Pyrénées et les franchit lui-même le 8 octobre 1813, à la poursuite du maréchal Soult.

    Au nord, les armées alliées, au nombre de trois, se disposent à franchir le Rhin. Craignant toujours les coups de griffe de Napoléon et divisées sur les buts de guerre, elles ne s'y décident qu'après que les Hollandais aient chassé les Français et acclamé le retour de leur ancien souverain, le prince d'Orange. 

    1- L'armée du nord entre en Belgique sous les ordres du Français Jean-Baptiste Bernadotte (50 ans), un maréchal d'Empire passé dans le camp ennemi (avec le titre de prince héritier de Suède), assisté du Prussien Frédéric-Guillaume von Bülow (58 ans).  

    Bernadotte caresse l'espoir que les Alliés lui offriront le gouvernement de la France après la chute de Napoléon. Il veut éviter d'avoir à tuer des Français pour ne pas gâter ses chances et ralentit en conséquence sa marche.

    Il en va autrement des autres armées.

    2- L'armée de Silésie est commandée par le feld-maréchal prussien Gebhard von Blücher (71 ans), une vieille connaissance des Français, assisté du chef d'état-major August von Gneisenau. Elle est composée de Prussiens mais inclut aussi des corps d'amée russes. Elle franchit le Rhin du côté de Coblence le 31 décembre 1813.

    3- L'armée de Bohême, avec le prince autrichien Charles Philippe de Schwarzenberg (42 ans) à sa tête, a traversé quant à elle le Jura dix jours plus tôt, le 21 décembre 1813.

    Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le vieux Prussien est aussi impétueux et désireux d'en découdre que son jeune allié autrichien est prudent et hésitant.

    Ajoutons que, de l'autre côté des Alpes, le vice-roi Eugène de Beauharnais, beau-fils de l'Empereur, doit défendre son royaume d'Italie contre la double offensive des Autrichiens et des Napolitains, lesquels sont commandés par leur roi, qui n'est autre que le maréchal d'Empire Joachim Murat, époux de Caroline Bonaparte, la soeur de Napoléon !

    Le jeune tsar Alexandre 1er (36 ans), auréolé par les succès de ses généraux dans la campagne de Russie, marche avec les armées d'invasion, de même que le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III (43 ans), lequel n'a jamais brillé par son énergie et son courage.

    Tous les deux espèrent agrandir leurs territoires après  la chute de Napoléon, au détriment de la Pologne pour le premier, des autres États allemands pour le second. Le Prussien souhaiterait même un dépeçage de la France.

    Ces perspectives inquiètent quelque peu le ministre autrichien des Affaires étrangères Metternich et l'empereur François 1er, restés à Vienne.

    Père de Marie-Louise et beau-père de Napoléon dont il a le même âge, l'empereur hésite encore sur la conduite à tenir : maintenir son gendre à la tête de la France ? le remplacer par son fils de trois ans, le roi de Rome, avec un Conseil de régence ? par Bernadotte ou un autre militaire ?...

    Seuls les Anglais ont une idée bien arrêtée. Ils veulent préserver sur le Continent l'«équilibre des puissances» et pourquoi pas? restaurer l'ancienne dynastie des Bourbons en la personne de l'héritier légitime, le comte de Provence (59 ans), frère du roi guillotiné, qui a pris le nom de Louis XVIII.

    Pour beaucoup de Français, cette hypothèse paraît fantasque car les Bourbons, qui ont quitté la France un quart de siècle plus tôt, sont pour eux devenus  des inconnus qui relèvent d'un passé révolu ! Mais dans l'ombre, le parti royaliste attend son heure.  

    Ultimes préparatifs

    À Paris, le 19 décembre 1813, débute la session du Corps Législatif. D'emblée s'éveillent les rancoeurs et les peurs chez les députés, lesquels doivent néanmoins leur statut à l'Empereur. 

    En réponse à Napoléon, qui en appelle à la solidarité nationale dans son discours du Trône, le député Laîné entame un violent réquisitoire qui aurait été impensable quelques mois plus tôt. En référence à l'alourdissement de la fiscalité et de la conscription, il condamne «l'excès des contributions, l'excès plus cruel encore du régime pratiqué pour le recrutement de nos armées».

    Napoléon laisse dire mais, le 1er janvier suivant, recevant les députés, les apostrophe violemment : «Le trône lui-même, qu'est-ce? Quatre morceaux de bois doré recouverts de velours? Non, le trône, c'est un homme, et cet homme, c'est moi, avec ma volonté, mon caractère et ma renommée ! C'est moi qui puis sauver la France et non pas vous. C'est en famille, ce n'est pas en public qu'on lave son linge sale...».

    Surpris que les Alliés lancent leur offensive en plein hiver, Napoléon hâte le rassemblement des troupes et anticipe même la levée de la classe 1815. Ces très jeunes conscrits enrôlés à la hâte savent à peine charger un fusil. On les surnomme les «Marie-Louise», du nom de la jeune impératrice. Élevés dans le culte de l'Empereur, ils compenseront leur inexpérience par leur courage. 

    Il tranche au passage le problème espagnol en rendant sa liberté au roi légitime Ferdinand VII et en rappelant ses troupes d'Espagne. Il libère également le malheureux pape Pie VII, cloîtré à Fontainebleau.

    Au palais des Tuileries, Napoléon 1er installe un Conseil de régence autour de l'impératrice, avec des personnalités indispensables mais dont la fidélité laisse à désirer (Talleyrand, Cambacérès...) ainsi que son frère aîné Joseph, médiocre parmi les médiocres. Ce conseil doit gouverner en son absence et dans l'éventualité de sa mort au combat.

    Le chant du cygne

    Dans son malheur, Napoléon 1er a la chance que les coalisés soient divisés sur les buts de guerre. Exploitant leur mésentente, il va les tenir en échec pendant trois mois en dépit d'une écrasante infériorité numérique. Mais à vrai dire, ses succès stratégiques n'auront d'autre effet que de retarder l'échéance tout en durcissant les exigences ennemies...

    L'armée de Silésie et celle de Bohême, les plus menaçantes dans l'heure, totalisent environ 250.000 hommes.

    Elles ne font qu'une bouchée des armées des frontières, confiées aux maréchaux Macdonald, Marmont, Victor, Mortier et Ney. La première, la plus nombreuse avec 180.000 hommes, remonte la Seine et se dirige vers Troyes. La seconde arrive à Saint-Dizier et progresse vers l'Aube et la Marne.

     Face à elles, Napoléon 1er n'arrive à rassembler qu'un maximum de 70.000 hommes. Qu'à cela ne tienne. Le 25 janvier 1814, embrassant pour la dernière fois sa femme et son fils, il quitte Paris pour Châlons, en Champagne, où il retrouve Marmont, Ney, le vieux Kellermann et quelques milliers d'hommes.

    La campagne de France, 1814
    La campagne de France, 1814 La campagne de France, 1814 La campagne de France, 1814

    Retrouvant la virtuosité de ses jeunes années, l'Empereur des Français va dès lors voler de l'une à l'autre des armées ennemies en s'efforçant de n'affronter à chaque fois que des forces d'un effectif inférieur ou équivalent aux siennes.

    À partir de Saint-Dizier, il emprunte des chemins marécageux réputés impraticables et surprend Blücher et son état-major à  Brienne-le-château, le 29 janvier 1814, près de l'école militaire où il a suivi ses études ! Devenu indifférent au danger, il manque toutefois  d'être tué à bout portant par un Cosaque. 

    Schwarzenberg se précipite à la rescousse de Blücher de sorte que les Français, au nombre de 33.000 seulement, subissent un grave échec à La Rothière, un peu plus au sud, le 1er février, face à pas moins de 150.000 hommes. Ils doivent se replier sur Troyes. 

    Mais Prussiens et Autrichiens se séparent une nouvelle fois, chacun ambitionnant d'arriver le premier à Paris. Napoléon saisit cette chance inattendue. Chance supplémentaire, il reçoit d'Espagne deux nouvelles divisions en renfort.

    Tandis que ses généraux Victor et Gérard retiennent Schwarzenberg à Nogent-sur-Seine, lui-même se précipite sur Champaubert où il défait le 10 février, en deux heures, l'un des corps d'armée de l'armée de Silésie , celui du Russe Olsuviev (8.000 hommes). Sans attendre, il attaque dès le lendemain les corps d'armée de Sacken (6.000 hommes) et York (17.000 hommes) à Montmirail avec le concours de la Vieille Garde. Il étrille ce qui reste de l'armée de Silésie à Château-Thierry le 12 et à Vauchamps le 14.

    Après cette «campagne des Cinq-Jours» qui laisse Blücher exsangue, ses troupes parcourent une centaine de kilomètres à pied, sac au dos, pour attaquer l'armée de Bohême dans la vallée de la Seine, au Sud. Le 17 février, elles arrivent à Mormand. Pleines de confiance, avec l'Empereur à leur tête, elles s'élancent le lendemain à l'attaque de Montereau, au confluent de l'Yonne et de la Seine, et en chassent l'ennemi.

    Napoléon retrouve la fougue de sa jeunesse avec une touche d'inconscience suicidaire. Il pointe lui-même un canon et lance à ceux qui s'inquiètent : «Allez, mes amis, ne craignez rien, le boulet qui me tuera n'est pas encore fondu».

    Schwartzenberg offre un armistice. Napoléon le repousse : «Je suis plus près de Vienne que l'empereur d'Autriche de Paris !» Il reçoit le soutien inattendu d'un vieux et farouche républicain, le jacobin Lazare Carnot (60 ans), surnommé en 1794 l'«organisateur de la victoire». Il lui confie le gouvernement d'Anvers, en Belgique.

    Par ailleurs, il sermonne le timoré Augereau (56 ans), dans une lettre fameuse : «Si vous êtes toujours l'Augereau de Castiglione, gardez le commandement. Si vos soixante ans pèsent sur vous, quittez-le et remettez-le au plus ancien de vos officiers généraux. La patrie est menacée et en danger, elle ne peut être sauvée que par l'audace et la bonne volonté et non par de vaines temporisations (...). L'ennemi fuit de tous côtés sur Troyes. Soyez le premier aux balles. Il n'est plus question d'agir comme dans les derniers temps, mais il faut reprendre ses bottes et sa résolution de 93. Quand les Français verront votre panache aux avant-postes, et qu'ils vous verront vous exposer aux coups de fusil, vous en ferez ce que vous voudrez».

    Dernières illusions

    Les Alliés en viennent à douter d'eux-mêmes. Leurs soldats sont épuisés par ces courses-poursuites dans la boue, le froid hivernal, la pluie, le vent et la neige. Ils sont également harcelés par les partisans. Il est vrai que, depuis leur entrée sur le territoire français, ils ont multiplié les exactions à l'égard des paysans : pillages, incendies, meurtres, tortures et viols, de sorte que les civils se sont mués en combattants et en franc-tireurs. On les qualifie de «blouses-bleues» en référence à leur vêtement de travail.

    Pendant que se déroulent ces combats, les diplomates, réunis à Châtillon-sur-Seine, négocient un éventuel traité de paix. Le représentant de Napoléon 1er est son nouveau ministre des Relations Extérieures, le général Armand de Caulaincourt, duc de Vicence (c'est le frère aîné d'un autre général, Auguste de Caulaincourt, tué à la bataille de Borodino). Il a reçu de l'Empereur carte blanche pour négocier un traité de paix qui préserve autant que faire se peut les conquêtes de la Révolution (les «frontières naturelles» de la France) et bien sûr le trône impérial.

    Son adversaire le plus coriace est le Secrétaire d'État britannique, lord Castlereagh. Dans l'ombre, Charles Pozzo di Borgo conseille la plus extrême fermeté au tsar Alexandre 1er. Ce Corse a combattu aux côtés de Pasquale Paoli et voue depuis lors une haine inexpiable à Napoléon. 

    Le congrès de Châtillon s'étant soldé par un échec, le tsar, déterminé à abattre l'«ogre», réunit les Alliés à Chaumont et leur fait signer le 9 mars un pacte de vingt ans renouvelable ! Il servira plus tard de base à la Sainte-Alliance.

    Par ce pacte antidaté au 1er mars, Anglais, Prussiens, Russes et Autrichiens s'engagent à ne pas conclure de paix séparée et à maintenir chacun un contingent d'au moins 150.000 hommes jusqu'à la victoire.

    L'Angleterre, bien qu'à bout de souffle, garantit à la coalition un financement adéquat de six millions de livres par an (l'or anglais, arme essentielle dans la guerre contre Napoléon, est qualifié de «cavalerie de Saint-Georges»).

    Sur le terrain, c'est reparti mais le coeur n'y est plus. Les désertions se multiplient chez les Français et les maréchaux d'Empire n'ont plus qu'une ambition, sauver ce qui peut l'être de leur fortune, leurs hôtels particuliers et leurs titres et savourer enfin une retraite tranquille. Ils gardent rancune à l'Empereur de n'avoir pas négocié un traité de paix l'année précédente, en Allemagne, quand il en était encore temps.

    À Lyon, le maréchal Augereau n'en finit pas de tergiverser face aux demandes pressantes de l'Empereur d'attaquer l'ennemi sur ses arrières.

    Même réticence chez le prince Eugène, en Italie. Qui plus est, un certain général Moreau, qui commande la garnison de Soissons, en Picardie, livre la ville le 3 mars sans combattre. C'est un soulagement inespéré pour Blücher, qui n'a plus rien à craindre de ce côté.  

     Napoléon remporte néanmoins de nouveaux succès sur l'armée de Silésie. Sa cavalerie culbute les Cosaques à Berry-au-Bac le 5 mars.

    Le surlendemain, le 7 mars, les «Marie-Louise» remportent la victoire la plus sanglante de la campagne sur les Prussiens et les Russes sur le plateau de Craonne, en un lieu qui entrera un siècle plus tard dans le grand livre des tragédies de l'Histoire, le Chemin des Dames

    Mais l'ennemi se retire en bon ordre sur les hauteurs de Laon. Napoléon tente de le surprendre par un mouvement tournant les 9 et 10 mars, avec le concours du maréchal Marmont. Mais celui-ci est repoussé par le général d'York et ne doit son salut qu'à l'intervention de la Garde impériale.

    Blücher demeurant tétanisé sur la «montagne couronnée» de Laon, Napoléon en profite pour faire un tour du côté de Reims, qui vient d'être prise par les Alliés. Le 13 mars au soir, après un combat acharné, il en chasse les Prussiens et les Russes et fait une entrée triomphale dans la ville sous les acclamations de la population, à la lumière des torches. 

    Là-dessus, dans un dernier sursaut, il retourne ses dernières divisions contre l'armée de Bohême. Mais à Arcis-sur-Aube, le 20 mars, Schwarzenberg résiste à ses assauts. Rien ne semble plus pouvoir empêcher la marche des Alliés sur la capitale.

    Désespérant de protéger Paris, Napoléon décide par un coup d'audace de remonter sur Saint-Dizier, à l'Est, et de couper les lignes de ravitaillement des Alliés afin de les obliger à la retraite.

    Mais les Alliés ont intercepté un courrier porteur d'une lettre de Berthier à Macdonald dans lequel le premier exposait le plan de l'Empereur et un courrier de ce dernier à Marie-Louise qui confirmait son projet de remonter sur l'Est. Dans le même temps, ils saisissent des lettres du ministre de la Police Anne Savary, duc de Rovigo, dans lequel celui-ci fait état de l'extrême lassitude de la population parisienne. 

    Après une brève discussion sur un petit tertre aux environs de Sommepuis, les Alliés décident donc le 24 mars, à l'initiative - une nouvelle fois - du tsar, de jouer leur va-tout et de marcher sans plus attendre sur la capitale. Au passage, le lendemain, à Fère-Champenoise, ils refoulent Marmont et Mortier qui ont joué d'imprudence et prennent les devants pour gagner Paris.

    Enfin, les Alliés investissent la capitale le 29 mars. Après un baroud d'honneur de ses défenseurs Moncey, Marmont et Mortier, la ville se rend le lendemain sans se faire prier, après que l'impératrice et son fils l'aient quittée pour Chartres, de même que Joseph Bonaparte.

    Déjà Lyon, le 20 mars, a été abandonnée à l'ennemi par Augereau. Bordeaux, de son côté, s'est livrée à l'armée de Wellington dès le 12 mars au terme d'une mascarade organisée par le maire de la ville, le comte Lynch, secrètement partisan de la restauration des Bourbons. C'est la première manifestation publique des royalistes. 

    Défendue par Soult, Toulouse résistera quant à elle jusqu'au 10 avril 1814 à l'attaque de Wellington et ne se rendra que sur l'injonction du nouveau gouvernement.

    La chute du «tyran»

    Le 31 mars, après la difficile campagne de France, les Alliés entrent en vainqueurs à Paris. Les habitants, stupéfaits, découvrent les Cosaques campant sur le Champ-de-Mars ! Mais la haine n'est pas au rendez-vous et l'on reste entre gens du monde.

    Le 3 avril, le Sénat, habilement manoeuvré par Talleyrand, prononce la déchéance de l'empereur, «coupable d'avoir violé son serment (?) et attenté aux droits des peuples en levant des hommes et des impôts contrairement aux institutions».

    De son côté, l'empereur, déconfit, revenu en hâte vers la capitale, apprend à Juvisy la reddition de celle-ci. Déconfit, il se détourne sur Fontainebleau avec les 60.000 hommes qui lui restent. Là, ses plus fidèles compagnons, les maréchaux Ney, Berthier et Lefebvre, le pressent d'abdiquer en faveur de son fils. Il s'exécute le 4 avril. Le tsar, consulté, ne s'opposerait pas à une régence.

    Tout d'un coup, patatras. Voilà que l'on apprend la défection des troupes du maréchal Marmont, duc de Raguse, avec 10.000 hommes sous ses ordres. L'homme capitule sans en référer à l'empereur. Le tsar, voyant qu'il n'y a plus rien à craindre de Napoléon, exige dès lors une abdication sans conditions et se laisse convaincre par Talleyrand de restaurer la dynastie des Bourbons, en la personne de Louis XVIII, au nom du sacro-saint principe de légitimité dynastique : «La République est une impossibilité, lui dit-il. La Régence, Bernadotte, sont une intrigue. Les Bourbons seuls sont un principe».

    Acculé par ses propres maréchaux, l'empereur se résigne et signe l'acte d'abdication le 6 avril. Il se voit promettre en contrepartie la souveraineté sur l'île d'Elbe, une principauté italienne à la latitude de la Corse, ainsi qu'une pension de deux millions de francs par an qui doit lui être versée par la France. Il conserve le titre d'empereur !

    Cependant que les souverains alliés font, le 10 avril 1814, une entrée triomphale dans la capitale, le Sénat ne perd pas de temps. Il appelle Louis XVIII à monter sur le trône. C'est le «retour des lys» ! Le roi, qui se fait appeler le Désiré (!), quitte tant bien que mal sa retraite anglaise de Hartwell et débarque à Calais (obèse et impotent, il est presque incapable de marcher).

    En route vers Paris, il publie le 2 mai à Saint-Ouen une déclaration dans laquelle il promet un gouvernement représentatif et le respect des acquis de la Révolution. Soulagement chez les Français de tous bords, désireux de retrouver enfin la paix.

    On se quitte

    À Fontainebleau, l'ex-empereur, confiné dans le château, attend en vain l'arrivée de sa femme Marie-Louise et de leur fils, mais ceux-ci ont déjà pris le chemin de l'Autriche. Ses proches et ses compagnons de combat le quittent en songeant à leur reconversion. Le fidèle Berthier s'occupe de transférer l'armée sous les ordres du gouvernement provisoire. 

    Résigné, Napoléon fait le 20 avril ses adieux à la Garde impériale dans la cour du Cheval Blanc, devant l'escalier monumental du château, avant de prendre la route de l'île d'Elbe.

    http://www.herodote.net/Fin_du_1er_Empire-synthese-1894.php

  • Proposition de loi visant à interdire l'école à la maison (suite)

    Le sénateur UMP des Hauts-de-Seine Jacques Gautier a déclaré à un correspondant qu'il s'était retiré le 6 février de la liste des signataires de cette proposition de loi visant à restreindre de façon drastique la liberté de faire l'école à la maison.

    Il précise par ailleurs que cette proposition avait pour unique objet d’attirer l’attention sur la dimension éducative de la montée du communautarisme dans les cités, notamment dans des communautés musulmanes salafistes et d'essayer d'y répondre. C'est compréhensible mais c'est ce qui s'appelle jouer avec le feu : comment ne pas comprendre que les ennemis de la liberté utilisent les problèmes créés par l'islam pour réduire la liberté des honnêtes gens ?

    Cette proposition n'est plus portée que par 6 représentants ; elle ne sera pas appelée en séance et elle n'est pas portée par l'UMP.

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Des communautés européennes en voie de disparition...

    Recension: Karl-Markus GAUSS, Die sterbenden Europäer, Unterwegs zu den Sepharden von Sarajevo, Gottscheer Deutschen, Arbëreshe, Sorben und Aromunen, Mit Photographien von Kurt Kaindl, DTV, München, Nr.30.854, 2011 (5. Ausgabe), ISBN 978-3-423-30854-0.
    die_sterbenden_europaeer-9783423308540.jpgDans l’ABC politique qui nous est cher, déplorer avec anxiété la disparition des faits communautaires, des communautés humaines réelles, de chair et de sang, est une constante, couplée à une anthropologie pessimiste qui ne voit pas de “progrès” dans leur disparition mais qui constate, amèrement, que ce que l’on baptise “progrès” est en réalité une terrible “régression” dans la diversité humaine. Bon nombre d’ethnologues, d’écologistes, d’anthropologues déplorent, à très juste titre, la disparition de langues et de petites communautés ethniques dans la jungle d’Amazonie ou dans les coins les plus reculés de Bornéo ou de la Nouvelle-Guinée. Mais ce triste phénomène se passe en Europe aussi, sous l’oeil indifférent de toutes les canailles qui donnent le ton, qui détiennent les clefs du pouvoir politique et économique, qui n’ont aucune empathie pour les éléments humains constitutifs d’une réalité charnelle irremplaçable si elle venait à disparaître. Pour se rappeler que le phénomène de la “mort ethnique” n’est pas seulement d’Amazonie ou d’Insulinde, il suffit de mentionner la disparition des Kachoubes, des Polaques de l’Eau ou des derniers locuteurs de la vieille langue prussienne (du groupe des langues baltiques), suite à la seconde guerre mondiale.
    Karl-Markus Gauss, né en 1954 à Salzbourg, est aujourd’hui le directeur de la revue “Literatur und Kritik”. Ses livres sont traduits en de nombreuses langues et obtiennent souvent des prix très prestigieux. “Die sterbenden Europäer” part d’un axiome philosophique fondamental: l’Europe doit sa dimension plurielle, sa qualité culturelle intrinsèque, à l’existence de ces communautés battues en brèche, laminées sous les effets délétères de la pan-médiatisation —qui, comme l’avait prévu Heidegger, allait induire les hommes à oublier ce qu’ils sont vraiment, à ne plus river leurs regards sur les chemins de leur lieu natal— du “tout-économique”, des idéologies réductrices et universalistes, et, enfin, des avatars du jacobinisme étatique et éradicateur qui ne cesse de sévir.

    La communauté sépharade de Sarajevo

    Gauss commence par évoquer la communauté sépharade de Sarajevo, issue de la diaspora venue de l’ancienne Espagne musulmane, après la chute de Grenade en 1492 et les autres expulsions qui se sont succédé jusqu’aux premières années du 17ème siècle. La langue espagnole, castillane, s’est perpétuée à Sarajevo jusqu’en 1878, où une autre communauté juive, celle des Achkenazim germanophones, va donner le ton et administrer la Bosnie auparavant ottomane. Les Sépharades de Sarajevo tombaient de haut, en voyant arriver de drôles de coreligionnaires non hispanophones, et n’ont guère montré d’enthousiasme quand il s’est agi, pour eux, de céder la place à ces nouveaux venus qu’ils ne considéraient pas vraiment comme étant des leurs. La guerre de Bosnie commence le 5 avril 1992 précisément par le coup de feu d’un “sniper” embusqué dans le vieux cimetière juif de la ville, aux innombrables tombes portant des poèmes en “spaniole” et aux quelques tombes achkenazes, évoquant des noms hongrois, autrichiens ou bohémiens. Plus tard, l’artillerie des assiégeants s’y arcboutera pour pilonner la ville. Pour empêcher tout assaut contre les pièces, le cimetière a été miné. Il a fallu six mois à une association norvégienne pour enlever les mines. La guerre de Bosnie, et la guerre de 1999 contre la Serbie, qui s’ensuivit, ont donc éradiqué une communauté ancienne, détentrice d’une certaine mémoire d’Espagne transplantée en terres balkaniques. Des 1500 juifs de Sarajevo, 750, les plus jeunes, ont quitté définitivement la ville. Un témoin issu de cette communauté judéo-spaniole, officier instructeur de l’aviation militaire yougoslave, ingénieur et concepteur de drônes avant la lettre, témoigne du départ de tous les jeunes et dit de lui: “Je ne suis pas Israélien, pourquoi donc irais-je en Israël? Je ne suis pas Américain, pourquoi irais-je maintenant en Amérique ... pour y mourir?”.
    Gauss tire la conclusion: toutes les factions belligérantes s’étaient mises d’accord pour évacuer les Juifs de Sarajevo sous la protection de l’ONU. Ce ne fut donc pas une nouvelle forme d’antisémitisme mais bien un mode nouveau de “philosémitisme” qui porta la responsabilité de cette éradication ethno-communautaire. Le témoin, Moshe Albahari, est clair: il n’y avait pas d’antisémitisme en Yougoslavie ni au sein des factions qui s’entretuaient dans la guerre inter-yougoslave des années 90. Toutes ses factions entendaient protéger la communauté sépharade: elles se haïssaient tellement, qu’il n’y avait plus de place pour d’autres haines en leurs coeurs, précise Albahari. Mais la Bosnie indépendante et divisée, née des conflagrations inter-yougoslaves, est une “entité à drapeaux”, des drapeaux particularistes, à laquelle Albahari, sépharade, ottoman et yougoslavo-titiste, ne peut s’intéresser. Question: ces “drapeaux particularistes” n’ont-ils pas été, paradoxalement, voulu par les théoriciens de l’universalisme pour installer à terme —car tel était le but véritable de la manoeuvre— l’armée américaine dans les Balkans, plus précisément au Kosovo, autre entité étatique nouvelle à idéologie “particulariste” (islamo-albanaise)? Par voie de conséquence, ces idéologies universalistes, tant prisées par les intellocrates et les médiacrates de la place de Paris, y compris les intellocrates sionistes ou judéophiles, ne sont-elles pas les premières responsables, avec leurs commanditaires de Washington, de la disparition de la vieille communauté sépharade de Sarajevo, en dépit du fait que ces intellocrates chantaient les louanges du modèle unificateur et polyethnique de la ville? Une ville qui deviendra essentiellement musulmane, non pas selon un islam ottoman (et tolérant), au sens ancien du terme, mais, comme le souligne Gauss (p. 42), sur un mode néo-islamiste, djihadiste, financé par les Wahhabites saoudiens qui n’ont pas la moindre affinité avec l’islam “spaniole” en exil. Nous touchons là à l’un des paradoxes les plus tragiques de la dernière décennie du 20ème siècle.

    Les Allemands du Gottschee

    Pendant 600 ans, une communauté allemande a défriché la forêt du “petit pays”, le Gottschee, 850 km2, et l’a transformé en terres arables et fertiles. Il n’a pas fallu cinquante ans pour que la forêt reprenne tous ses droits et que les villages, jadis florissants, soient devenus inaccessibles derrière un écran touffu d’arbres et de sous-bois. Le Gottschee n’est pourtant pas loin: il se trouve en Slovénie dans le district administratif de Kocevje, à une heure de route de la capitale Ljubljana (Laibach). Le village de Verdreng, comme beaucoup d’autres, a aujourd’hui disparu, à une ou deux maisons près, où vivent encore une poignée d’Allemands, vestiges humains d’un passé totalement révolu.
    Gotschee.jpg
    Leur communauté, réduite aujourd’hui au minimum du minimum, s’était constituée au 14ème siècle et, à force de défricher une forêt particulièrement dense, avait fini par bâtir 171 villages agricoles où la culture des céréales et des fruits ainsi que l’élevage du bétail étaient pratiqués. Ces paysans venaient de Carinthie ou du Tyrol oriental; il étaient surtout des cadets de famille, condamnés, en d’autres circonstances, à la domesticité ou au mercenariat: s’ils cultivaient leurs terres pendant neuf ans et un jour, elles leur appartenaient définitivement. Une aubaine dont tous voulaient profiter. Après la grande peste de 1348, qui décime la moitié de la population, le recrutement de nouveaux venus s’effectue en des régions germaniques plus lointaines: le reste du Tyrol, la Franconie et même la Thuringe. En 1492, l’Empereur Frédéric III leur accorde le privilège de devenir marchands itinérants dans la zone alpine, ce qu’ils sont restés jusqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, participant ainsi au désenclavement de leur communauté et en lui apprenant les choses du vaste monde, en modernisant leur allemand médiéval. Leur manière de commercer est demeurée la même au cours de ces cinq siècles: elle était basée sur la seule force physique du colporteur, qui avait sur le dos un “kraxn”, dispositif de bois permettant de porter une charge, un peu comme celui des Franc-Comtois qui transportaient loin vers la Bourgogne, la Champagne ou le Lyonnais des pendules fabriquées à Morteau ou dans les villages du “Pays horloger”. Les natifs du pays de “Gottschee” partaient peut-être au loin mais ils restaient fidèles à leur site d’origine, au “là” de leur Dasein, pour parler comme le Souabe Heidegger.
    Cette communauté de Gottschee, théoriquement libre, souffrira considérablement du pouvoir des familles qui prendront misérablement le relais des Ortenburg, qui les avaient fait venir en Slovénie, dans l’arrière pays du diocèse d’Apulée, et leur avaient accordé le droit de devenir pleinement libres au bout de quelques années de labeur à peine. Pire: quand les armées ottomanes ravageaient la région, elles pillaient les réserves et emmenaient les paysans allemands en esclavage pour les faire trimer en Anatolie et les y dissoudre dans une population hétéroclite et bigarrée qui n’avait qu’un seul dénominateur commun: l’esclavage. En 1640, les Comtes d’Auersperg héritent du pays et décident de le développer: l’âge d’or du pays de Gottschee vient alors de commencer pour se terminer au lendemain de la Grande Guerre. Au 18ème siècle, les idées éclairées de l’Impératrice Marie-Thérèse et de l’Empereur Joseph II contribuent au développement de ces Allemands de souche exclavés, vivant de leur agriculture traditionnelle et autarcique et de leur commerce réduit à l’aire alpine et véhiculé à dos d’homme. Au 19ème siècle, cette communauté isolée envoie tant de ses enfants en Amérique qu’il y aura plus de “Gottscheer” au-delà de l’Atlantique en 1920 que dans le pays lui-même. Le premier Etat yougoslave commence une politique de “slovénisation” et de “dégermanisation” forcée, tant et si bien que lorsque les autorités nationales-socialistes rassemblent la population pour la déplacer à l’intérieur des frontières du Reich, les jeunes gens du pays ne parlent quasiment plus l’allemand: leur langue natale est si mâtinée de slovène que leurs voisins autrichiens ne les comprennent plus.
    Pendant l’hiver 1941/1942, Hitler —qui, ici, ne se fait pas le défenseur des communautés allemandes excentrées— donne en effet l’ordre de déplacer la population locale allemande (13.000 habitants) pour offrir le terrain aux Italiens, en passe d’annexer cette partie de la Slovénie; simultanément, les partisans communistes slovènes s’emparent de la région et commencent l’épuration ethnique contre le millier de germanophones qui avaient décidé de rester, en dépit des ordres de Berlin. Quand les Italiens s’emparent d’un village tenu par les partisans, ils le rasent. Quand les partisans chassent les Italiens, ils font sauter toutes les maisons, désormais vides. On estime à 650 le nombre de “Gottscheer Deutsche” qui demeureront en Slovénie au lendemain de la seconde guerre mondiale. Tous contacts avec les “Gottscheer Deutsche” émigrés (de force) vers l’Allemagne ou l’Autriche sera formellement interdit par les autorités titistes jusqu’en 1972.
    Ni les Allemands ni les Italiens ni les Slovènes ne tireront bénéfice de ces confrontations fratricides entre Européens: 80% de la région sont redevenus forêt. Cette régression est due aussi, explique Gauss (p. 58), à l’idéologie communiste: aucune famille paysanne, d’aucune nationalité que ce soit, n’était prête à se retrousser les manches pour redonner vie au pays, s’il fallait bosser selon les directives d’apparatchiks ignorants. Pire, le gouvernement titiste-communiste ordonne que la moitié de la région, désormais désertée, devienne une zone militaire, d’où les derniers Slovènes sont à leur tour expulsés en 1950. La “vox populi” chuchote que la nomenklatura avait décrété la militarisation de cette micro-région, non pas pour des motifs de défense nationale, mais pour qu’elle soit une réserve de chasse et de pêche exclusive, au bénéfice des apparatchiks, ou une zone de ramassage des meilleurs champignons, fins des fins de la gastronomie slovène et carinthienne.
    L’ère titiste est désormais définitivement close. Le projet du nouvel Etat slovène et des financiers eurocratiques est de transformer la micro-région, auparavant germanophone, en une zone vouée au tourisme écologique, aux citadins randonneurs et aisés, aux chasseurs d’ours, aux amateurs de kayak sur petites rivières à débit rapide. La région ne retrouvera donc pas son charme d’antan. Après l’effondrement de la Yougoslavie dans les années 90 du 20ème siècle, la Slovénie post-communiste organise un sondage qui demande aux habitants du nouvel Etat à quelle nationalité ils s’identifient: 191 Slovènes se déclareront de nationalité autrichienne, 546 de nationalité allemande et 1543 se définiront comme “germanophones”. Ces quelques deux mille Slovènes germanophones ne sont toutefois pas tous des “Gottscheer Deutsche”, car la Slovénie abritait d’autres minorités allemandes. La répartition des “nationalités” effectives —que l’on distinguera du ridicule concept franco-jacobin de “citoyenneté” (où le citoyen est alors un être totalement désincarné et sans substance, un être fantômatique et zombifié, que tous peuvent devenir par simple déclaration, fussent-ils originaires des antipodes)— est extrêmement complexe dans la région, explique Gauss: Maribor/Marburg, aujourd’hui en Slovénie, comptait 80% d’habitants germanophones en 1910, alors que Klagenfurt/Celovec, aujourd’hui ville autrichienne de Carinthie, comptait bien plus que 20% de slovénophones à la même époque. En 1991, année du sondage slovène sur les nationalités effectives du pays, deux associations regroupant les germanophones de la micro-région de Gottschee se créent pour encadrer vaille que vaille le reste bien chiche d’une population qui avait compté environ 70.000 Allemands. Pourtant, la modestie de cette communauté germanophone résiduaire a fait paniquer les Slovènes qui entrevoyaient tout à coup le retour offensif des Autrichiens et des Allemands, après le départ des Fédéraux yougoslaves et des Serbes. Entretemps, 60.000 citoyens des Etats-Unis se déclarent originaires du “Ländchen” de Gottschee, plus qu’il n’en vivait là-bas, en Slovénie, à l’âge d’or de cette communauté.

    Les Arbëreshe de Calabre

    Nous sommes à 250 km de Naples dans le village de Civita, 1200 habitants, pour la plupart de souche albanaise. On les appelle les “Arbëreshe” parce qu’ils ont quitté la région d’Arbënor dans le sud de l’Albanie, il y a 500 ans. Le village semble peuplé de vieux hommes, revenus au pays après avoir bossé partout dans le monde, où leur descendance est dispersée. La Calabre compte une trentaine de villages albanophones, dont les habitants sont allés travailler en Italie du Nord, en Allemagne, en Suisse, en Belgique ou en Scandinavie. Au soir de leur vie, ils reviennent au pays de leurs ancêtres. Ceux-ci sont arrivés en Italie du Sud en 1468, par bateaux entiers, l’année où leur héros national, Gjergj Kastriota, alias Skanderbeg, meurt au combat, invaincu, face aux armées ottomanes. Les réfugiés qui arrivent au 15ème siècle en Italie sont ceux qui refusent l’ottomanisation et l’islamisation. Ils repeupleront les villages de Calabre, ravagés par la peste, la guerre, les séismes. Leur religion est marquée par les formes byzantines que l’Eglise catholique italienne accepte bon gré mal gré d’abord, sans réticence ensuite: même un Paul VI, qui a voulu balancer aux orties toutes les formes traditionnelles, finit par accepter les dérogations cultuelles accordées aux catholiques albanais de rites byzantins. Les prêtres catholiques des “Arbëreshe” sont mariés (mais non leurs évêques); ils donnent du pain et non des hosties à la communion; seule différence: ils reconnaissent tout simplement l’autorité du Pape romain, qui protègeait jadis leur nouvelle patrie contre toute offensive ottomane.
    Le Roi espagnol des Deux-Siciles leur accorde des privilèges en Sicile, en Calabre, en Apulie et dans le Basilicat où leur mission est de refertiliser des terres laissées en friche. Sept vagues successives, en deux cents ans, amèneront un demi million d’Albanais en Italie. Ils sont venus en même temps que des Grecs, qui, eux aussi, ont gardé leurs rites orthodoxes, de “Schiavoni” slaves et d’“Epiroti” (d’Epire). L’ancien royaume des Deux-Siciles était certes majoritairement italien mais il comptait aussi de fortes minorités italo-albanaises et italo-grecques, parfaitement intégrées tout en demeurant fidèles à leurs racines et à leur langue. Dans les troupes de Garibaldi, de nombreux Italo-Albanais ont combattu vaillament, au point que le nouvel Etat leur a d’emblée autorisé à créer des écoles où l’on enseignait les deux langues, l’italien et l’albanais. Les Arbëreshe sont donc des “doubles patriotes”, écrit Gauss (p. 106): ils sont albanais par la langue, qu’ils refusent d’oublier, et italiens par patriotisme envers la terre qui les a accueillis jadis. Dans les armées de Garibaldi et dans celles de Mussolini, les Albanais de l’ex-royaume des Deux-Siciles ont répondu “présents”!
    Gauss a rencontré un certain Emanuele Pisarra qui lui a déclaré: “Nous ne sommes pas les meilleurs des Albanais, nous sommes les vrais Albanais!” Pourquoi? Parce que le stalinisme d’un Enver Hoxha a malheureusement transformé les fiers “Shkipetars” d’Albanie en égoïstes indignes, oublieux de leurs véritables traditions, uniquement soucieux de posséder une belle auto et une télévision, quitte à s’affilier à un réseau mafieux. Le stalinisme, pour Pisarra, avait pris le relais d’un islam ottoman, déjà annihilateur de véritable “albanitude”, de fierté nationale et d’esprit de liberté. En 1991, quand l’Albanie se dégage de la cangue communiste et que des bateaux bourrés de réfugiés abordent les côtes italiennes, Pisarra fut un des premiers à tendre la main à ces compatriotes d’au-delà de l’Adriatique, à proposer des cours, à chercher à favoriser leur intégration: il a vite déchanté. Les réfugiés islamisés et stalinisés ne veulent recevoir aucune formation, n’ont aucune empathie pour l’histoire de leurs frères albanais d’Italie méridionale. Ils veulent devenir vite riches dans le paradis capitaliste. Pire, déplore Pisarra, ils ne parlent plus la belle langue albanaise que les Arbëreshe ont cultivée pendant cinq siècles en dehors du pays d’origine: la langue s’est appauvrie et abâtardie. “Ils ont désormais une autre religion, une autre langue, d’autres valeurs, ils sont différents”, déplore Pisarra. Ils ne partagent pas la vraie culture albanaise. A l’exception, sans doute, des “Arvénites” albanophones de Grèce, qui n’avaient pas traversé la mer au 15ème siècle mais s’étaient dirigés vers le Sud grec-orthodoxe. Les “Arvénites” orthodoxes de Grèce, tout comme les “Arbëreshe” catholiques d’Italie, sont atterrés par le comportement matérialiste de ceux qui quittent l’Albanie ex-communiste ou le Kosovo pro-atlantiste pour venir embrasser de façon si obscène la “civilisation du Coca-Cola et du frigidaire de Tokyo à San Francisco”.
    La culture albanaise (la vraie!) connaît cependant une réelle renaissance en Italie depuis quelques années. D’abord parce que l’Italie accepte ses propres minorités et promeut le bilinguisme partout où il s’avère de mise. Pour Gauss, le bilinguisme des minorités constitue, au sein de la nouvelle culture italienne, une sorte d’avant-garde capable d’être pleinement et naturellement “diversifiée” et “diversificatrice”, au sens de ce pluralisme ethnique non politisé qui a toujours fait le charme de l’Europe, avec des minorités qui passent avec une aisance stupéfiante d’une langue à l’autre dans les conversations de tous les jours. Le train de lois votées en Italie en 1999 reconnaît aux Albanais le statut de minorité, le droit d’enseigner la langue dans les écoles et d’être servis en “Arbëreshe” dans les services publics. Le temps des jacobinismes est bel et bien terminé en Italie. Un exemple pour d’autres!

    Les Sorabes d’Allemagne

    La région s’appelle la Lusace. Elle est longue d’une centaine de kilomètres, à cheval sur les “Länder” du Brandebourg et de la Saxe, à proximité des frontières polonaise et tchèque. Elle englobe les villes de Cottbus, Hoyerswerda et Bautzen, et de nombreux villages pittoresques. Elle est peuplée d’une ethnie slavophone: les Sorabes, dont le parler est proche du tchèque voire du polonais. Les Sorabes résiduaires, les plus ancrés dans leurs traditions, sont catholiques dans un environnement germano-sorabe majoritairement protestant; ils sont fidèle au culte marial, notamment lors des pèlerinages de Rosenthal. Tous les Sorabes portent deux noms: un nom allemand (pour l’état civil), un nom slave (pour la vie quotidienne). Exemples: Lenka Rjelcec est Elisabeth Rönschke, Jan Mlynk est Hans Müller. C’est comme ça. Depuis quelques siècles. Et personne ne s’en formalise.
    En 805, les armées de Charlemagne s’ébranlent pour convertir les païens saxons et slaves (les “Wenden”), les inclure dans l’Empire franc afin qu’ils paient tribut. Seuls les Sorabes résistent et tiennent bon: de Magdebourg à Ratisbonne (Regensburg), l’Empereur est contraint d’élever le “limes sorbicus”. Assez rapidement toutefois, la tribu est absorbée par le puissant voisin et connaît des fortunes diverses pendant 1200 ans, sans perdre son identité, en dépit des progressistes libéraux du “Kulturkampf”, qui entendaient éradiquer la “culture réactionnaire” et des nationaux-socialistes qui suppriment en 1937 tout enseignement en sorabe et envisagent le déplacement à l’Est, en territoires exclusivement slaves, de cette “population wende résiduaire” (“Reste des Wendentums”).
    Gauss constate que les éléments sont nombreux qui ont permis à cette identité sorabe de subsister: la langue, bien sûr, mais aussi les coutumes, les pèlerinages et les processions (équestres, mariales et pascales), les costumes traditionnels. Le plus spectaculaire de ces éléments demeure indubitablement la procession équestre de Pâques, à laquelle des milliers de Sorabes prennent part. La RDA communiste, slavophile par inféodation à Moscou, au Comecon et au Pacte de Varsovie, n’a pas interdit ce folklore et cette “chevauchée pascale” (“Osterritt”), au nom du matérialisme dialectique et de l’athéisme officiel, mais les chevaux disponibles s’étaient considérablement raréfiés, vu la collectivisation du monde agricole. Peu de Sorabes possédaient encore un cheval personnel. Des coutumes païennes immémoriales ont survécu en Haute-Lusace, comme celle du “mariage des oiseaux” (“Vogelhochzeit”), où l’on sacrifie des animaux aux ancêtres avant de les consommmer collectivement, ou celle de la “décapitation des coqs” (“Hahnrupfen”), où les garçons doivent décapiter un gallinacé avant de pouvoir danser avec l’élue de leur coeur sur la place du village. Comme dans les Alpes et à Bruxelles, les Sorabes plantent aussi l’“Arbre de Mai”. Ce folklore, marque indélébile de la “culture réactionnaire” des “Wendes résiduaires”, attire cependant de plus en plus d’Allemands, lassés des religions officielles anémiées et “modernisées”. Tous, même s’ils n’allaient plus à l’église ou au temple, y redécouvrent la vraie religion populaire. La messe ou l’office dominical(e) n’épuise pas la religion: celle-ci vit bien davantage dans les pèlerinages ou les processions, expression de la religion vraie et fondamentale, en dépit du vernis chrétien.
    Les Sorabes ont donc résisté au progressisme du 19ème siècle, au national-socialisme et à sa politique de germanisation totale, au communisme de la RDA. La Lusace est le pays de la lignite, matière première nécessaire à la construction de “la première république allemande des ouvriers et des paysans”. L’industrialisation forcée, tablant en partie sur l’exploitation de ces gisements de lignite, devait englober tout le pays, jusqu’à ses coins les plus reculés. La collectivisation communiste de la Haute-Lusace s’accompagne de drames, d’une vague de suicides sans précédent. Les propriétaires de petites fermes modestes, transmises de père en fils depuis des siècles, se pendent quand les milices communistes viennent saisir leurs patrimoines immobiliers pour les inclure dans le système néo-kolkhozien. Ou quand les camions viennent chercher leurs avoirs pour transplanter leurs familles dans les clapiers des nouvelles banlieues: le parti a veillé à tout, ils ont désormais un centre culturel, une salle de sport et des jardins d’enfants. Mais, ils n’ont plus de terroir, de glèbe. La RDA a certes donné l’autonomie culturelle à ses citoyens sorabes mais l’exode forcé hors des villages vers les clapiers d’Hoyerswerda a contribué à les germaniser avec plus d’efficacité que la politique répressive des nationaux-socialistes. Quant à la RFA, après la réunification, elle a reproché aux Sorabes germanisés par les communistes de s’être insurgés contre le parcage dans leurs villes de vrais ou faux réfugiés politiques venus d’on ne sait où, pour bénéficier des avantages du système social allemand. Ces cibles du national-socialisme, soucieux de se débarrasser enfin des “résidus du ‘Wendentum’”, sont du coup devenus de la graine de néo-nazis, que l’on fustigeait à qui mieux mieux avec le zèle hystérique de la prêtraille médiatique!
    Résultat: s’il y avait 200.000 Sorabes recensés au 15ème siècle, et 300 villages bas-sorabes au 18ème, il n’y a plus aujourd’hui que quelques communes sorabes autour de Cottbus; elles sont principalement catholiques, les protestants, majoritaires et moins enclins à pratiquer les rituels ruraux qui donnent aux traditions sorabes tout leur lustre, ayant été rapidement germanisés par les pasteurs, qui, souvent, n’acceptaient que des enfants germanophones pour les préparer à la confirmation.

    Les Aroumains de Macédoine

    Les Aroumains sont une ethnie sans terres compactes, dispersée dans une quantité impressionnante d’isolats semi-urbains ou ruraux ou dans les grandes villes des Balkans méridionaux, essentiellement dans l’actuelle République post-yougoslave de Macédoine. Au départ, ces locuteurs d’une langue romane proche du roumain avaient pour fonction, dans le Sud de la péninsule balkanique, d’escorter les caravanes qui pèrégrinaient entre Venise et Byzance. On évalue leur nombre à un demi-million d’âmes. Seule la Macédoine les reconnaît comme minorité. Au moyen âge, ce peuple de marchands et d’intermédiaires était réputé, hautement apprécié: on le connaissait en Europe du Nord, où ses ressortissants venaient acheter des marchandises, et son centre névralgique était Moschopolis, une ville aujourd’hui en ruine, totalement abandonnée, située en Albanie. Ce peuple porte aussi d’autres noms: le terme français “aroumain” dérive en droite ligne de l’appelation qu’ils se donnent eux-mêmes, les “armâni”; les Albanais les nomment “Remeri”, les Grecs, les “Vlaques”, les Serbes, les “Vlassi”. D’autres noms circulent pour les désigner, comme les Çobanë, la Macedoneni, les Kutzowlachen ou les “Zinzars” (Tsintsars). Les communautés aroumaines ne vivent pas en vase clos, rappelle Gauss, car ils ont participé à tous les mouvements d’émancipation nationaux-populaires dans les Balkans, depuis les temps héroïques de la révolte grecque chantée par Lord Byron, qui rencontrera d’ailleurs bon nombre de “philhellènes” qui étaient en réalité des Vlaques aroumains. Ne désirant pas perdre tout crédit au sein de cette population jugée intéressante, le Sultan turc Abdoul Hamid reconnaît leur nationalité dans un firman de 1905. Cependant, la phase finale des guerres de libération balkaniques s’achève en 1913, quand la Sublime Porte doit abandonner toutes ses possessions européennes, sauf la Thrace entre Andrinople/Edirne et Istanbul. Du coup, les Aroumains sont répartis sur quatre Etats nouveaux qui veulent absolument faire coïncider ethnicité et citoyenneté, ce qui n’est possible que par un alignement inconditionnel et assimilateur sur l’ethnie majoritaire. Les Bulgares et surtout les Grecs seront les plus sévères à l’égard des Aroumains: ces locuteurs d’un parler roman qui sont orthodoxes comme les Roumains auront été finalement mieux reconnus par les Ottomans d’Abdoul Hamid que par leurs frères orthodoxes, aux côtés desquels ils avaient combattu les Turcs!

    Leurs revendications actuelles, finalement fort modestes, correspondent tout simplement à ce qu’Abdoul Hamid était prêt à leur accorder le 20 mai 1905: cette date du 20 mai est devenue celle de la fête nationale de tous les Aroumains. La déréliction que vivent les Aroumains, sauf en Macédoine, a fait naître auprès de leurs conteurs une mythologie nationale grandiose: ils seraient les descendants directs des Pélasges préhelléniques et Alexandre le Grand aurait été un des leurs. De ce fait la langue “macédono-aroumaine” n’est pas une forme de néo-latin, née après la romanisation d’une partie des Balkans et surtout de la Dacie: elle est bel et bien la langue originelle de la région, à peine mâtinée de latin d’Italie.

    Sur le plan politique, les Aroumains regrettent l’ère titiste en Yougoslavie, car le régime les avait autorisés à avoir des associations culturelles propres. Ils reprochent toutefois à Tito d’avoir été un communiste car cette idéologie ne leur permettait plus d’exercer leur fonction traditionnelle de négoce. Aujourd’hui, ils se félicitent des dispositions bienveillantes que leur accordent les autorités macédoniennes mais se méfient de l’albanisation croissante de cette république ex-yougoslave car en Albanie, où les Aroumains sont la minorité la plus importante, ils ne sont nullement reconnus. Au Kosovo, nouvel Etat né par la grâce de l’idéologie américaine et “droit-de-l’hommarde”, les Aroumains sont persécutés par les bandes de l’UÇK, au même titre que les Serbes ou les Roms. En Macédoine, ils peuvent à nouveau “aroumainiser” leurs patronymes. Le peintre aroumain Martin s’est en effet appelé Martinovic en Serbie et Martinov en Bulgarie, avant de devenir Martinovski en Macédoine. Les Aroumains ont certes été respectés pour leur savoir-faire et pour leur niveau culturel élevé mais, dans les Etats ethno-nationaux des Balkans, ils ont toujours été considérés comme “suspects”: les Albanais les prennent pour des “Grecs déguisés” cherchant à arracher le Sud de l’Albanie pour la livrer aux Hellènes. Les Grecs, eux, les considérent comme un reliquat pré-hellénique au niveau de civilisation fort bas ou comme des “agents macédoniens”. Les Bulgares les accusent d’être des “Macédoniens yougoslavistes” refusant de participer à la création d’un “saint royaume bulgaro-macédonien” englobant une bonne part de l’actuelle République de Macédoine. Dans le contexte européen actuel, ces suspicions ne sont évidemment plus de mise.
    En Grèce, la plupart des Aroumains/Vlaques vivent dans un isolat de la région des Monts Pindos mais sont soumis à une politique d’assimilation forcenée: le terme qui les désigne, “Vlaque”, est devenu synonyme, en grec, de “primitif”, d’”homme des bois”, d’”inculte”, d’”idiot”. Cette propagande négative incessante fait que bon nombre de Vlaques, aussi pour éviter la déportation vers d’autres régions ou vers des îles arides de l’Egée, abandonnent leur identité romane, ne la transmettent plus à leurs enfants, phénomène navrant que l’on a vu se produire ailleurs en Europe aussi, le jacobinisme français n’ayant pas fait de cadeaux aux Bretons celtophones, jugés “arriérés” comme Bécassine, le britannisme anglais ayant également traité les sujets irlandais de leurs rois et reines de “primitifs” et le système belge ayant considéré parfois sa majorité (!) flamande de la même manière, au nom d’on ne sait trop quelle “excellence”. L’ingénieur “grec” Vasile Barba, de souche aroumaine, lutte pour la survie de son peuple en Allemagne, où il anime un “Zentrum für aromunische Studien” à Fribourg-en-Brisgau. Il est une voix très écoutée et très respectée dans les communautés aroumaines éparses de Grèce, de Bulgarie et de Macédoine.
    Le sort des minorités aroumaines nous permet de formuler quelques suggestions: 1) la mémoire balkanique ne peut se passer de la mémoire “aroumaine”, d’autant plus qu’elle est romane au beau milieu d’un monde slave, hellénique et illyrien-balkanique; cette spécificité doit donc être protégée; 2) on s’aperçoit que l’immixtion américaine au Kosovo a déjà fortement ébranlé le patrimoine serbe-orthodoxe, suite aux vandalisations des monastères et des bibliothèques par les milices atlanto-wahhabites stipendiées par Washington; le travail de Gauss nous apprend que les communautés aroumaines, parce qu’orthodoxes, subissent là-bas le même sort au nom de l’idéologie des droits de l’homme et du fondamentalisme saoudien. Il est temps, pour les esprits lucides, de dénoncer, au nom du droit concret des minorités et au nom de la défense du patrimoine mondial, cette collusion malsaine que les médias véreux camouflent soigneusement car il est bien entendu que l’Oncle Sam a, pour ces mercenaires, le droit inaliénable de s’allier avec n’importe qui, avec n’importe quel ramassis d’iconoclastes, pour pouvoir à terme disposer de sa grande base au beau milieu de la province serbe du Kosovo afin de contrôler étroitement l’espace pontique, la péninsule balkanique, l’Anatolie et le bassin oriental de la Méditerranée (avec le Canal de Suez).
    Robert Steuckers. (février 2014). 
  • L’empire du bien ou le degré zéro de la vie sociale

    Tocqueville observait que, « dans les siècles démocratiques, les hommes se dévouent rarement les uns pour les autres », mais qu’ils « montrent une compassion générale pour tous les membres de l’espèce humaine » (De la démocratie en Amérique). L’observation est fort juste, mais il n’est pas sûr que cette tendance soit à porter au compte de la démocratie, ni même au processus « d’égalisation des conditions » que Tocqueville faisait aller de pair avec elle. Mieux vaudrait invoquer ici le rôle de la bourgeoisie, dont l’avènement a simultanément marginalisé les valeurs aristocratiques et les valeurs populaires, en les remplaçant par ce que Tocqueville, toujours lui, appelait les passions « débilitantes » : montée du calcul égoïste, souci du bien-être, désir de sécurité
         Le fait est qu’au cours des dernières décennies, les passions « débilitantes » n’ont pas cessé d’enfler, et que la vogue grandissante de l’idéologie des droits de l’homme y a puissamment contribué. L’égoïsme n’est pas moins présent, mais il se drape désormais dans des atours « humanitaires », s’enrobant dans un discours dont la niaiserie est le trait dominant. Une théorie de la niaiserie, une théorie du gnan-gnan, est encore à écrire. Michel Maffesoli, dans l’un de ses derniers livres, évoque avec bonheur cette « dictature des Bons Sentiments » qui, « tel un niagara d’eau tiède, se déversent quotidiennement sur les masses ». Constatant que l’idéologie des droits de l’homme se décline désormais dans tous les registres de la dévotion, qu’avec une ferveur toujours renouvelée ou regonfle des ectoplasmes sous les mêmes mots ronflants, qu’une nouvelle bien-pensance s’épanouit sur ce terreau, il pose la question : « Aurons-nous le courage de dire que c’est ce moralisme qui est à l’origine de la bêtification contemporaine ? » 
         Cette « bêtification contemporaine » a de multiples sources, l’une d’entre elles étant une inculture elle aussi grandissante, qui se déploie à tous les niveaux et dans tous les milieux. La pulsion de mort est toujours à l’œuvre dans la raison marchande capitaliste, mais ici c’est de mort de l’esprit qu’il faudrait parler. Si les enfants de Mai 68 étaient en moyenne plus cultivés que leurs parents, c’est aujourd’hui l’inverse. La crise de l’institution scolaire est suffisamment connue pour qu’il soit inutile d’y revenir : l’école a depuis longtemps cessé d’éduquer, elle a de plus en plus de mal à instruire. Dès lors que l’idée se répand qu’il est au fond inutile d’apprendre autre chose que ce dont on peut faire un usage pratique immédiat, la soif de connaître s’éteint aussitôt. Plus de curiosité, plus d’intérêt pour ce qui se passait « quand je n’étais pas encore né ». A quoi bon savoir, d’ailleurs, puisque tout est maintenant sur Internet ? Pareille attitude n’est pas l’apanage des « jeunes ». De Gaulle utilisait environ 4 000 mots dans ses discours. Le vocabulaire de Nicolas Sarkozy ne dépassait pas les 400 mots.

    Alain de Benoist, Les démons du bien

    http://www.oragesdacier.info/2014/02/lempire-du-bien-ou-le-degre-zero-de-la.html

  • Preuves de l’essence satanique de la franc-maçonnerie – par Laurent Glauzy

    Le chef des Illuminati, Adam Weishaupt affirme dans son ouvrage Le testament de Satan (1770) que le dieu de la FM est Satan.

    Cette assertion est confirmée par le général sudiste de 33° degré, le sanguinaire Albert Pike dans Morals and Dogma an 1871 : « Nous disons à la foule que nous adorons Dieu. Mais il s’agit du Dieu que l’on adore sans superstition. La religion devrait être, pour nous tous initiés de hauts grades, maintenue dans la pureté de la doctrine luciférienne. Oui ! Lucifer est Dieu. » Il ajoute que seules les plus hauts grades de l’ordre connaissent le secret de la FM, tandis que les autres sont égarés dans de fausses interprétations.

     

     

     

    Dans La Guerre occulte (1925), Paul Copin-Albancelli, Franc-maçon du 29e degré, se retire quand il adhère aux cercles internes et prend connaissance de l’essence luciférienne qui se cache derrière les « hauts grades ».

     

    Ancien responsable de l’Eglise de Satan, converti en Christ, Bill Schnoebelen déclare dans ses vidéos : « Tous les Francs-maçons ne sont pas satanistes, mais tous les satanistes sont Francs-maçons ».

     

    Et, nous pourrions ainsi continuer sur des pages, tout en ajoutant qui sont aussi les véritables instigateurs et financiers des guerres.

     

    Serge de Beketch, ancien Franc-maçon repenti devant Dieu expliquait dans ses conférences que les loges couvraient la pédo-criminalité. Ce que confirme le député belge Laurent Louis en Belgique. Dans Les Secrets de l’empire Nietzschéen, Aron Monus, ancien FM, expose les crime de la FM dont celui du président équatorien Gabriel Garcia Moreno (1821-1875) qui avait interdit les loges et mis l’Eglise au cœur de l’Etat.

     

    Bref, tout est accablant…

     

    Plusieurs ouvrages comme ceux du théologien allemand Johan Rothkranz attestent que le mage sataniste Aleister Crowley (qui a introduit le satanisme dans le monde moderne, et qui se vante d’avoir sacrifié des enfants dans les 1910 et 1920 : cf. Magick in Theory and Practice, ch. XII : Of the bloody sacrifice and matters cognate) était un Franc-maçon du 33e grade. Il en est de même pour Helena Blavatsy, fondatrice de la sete de Théosophie au XIXe siècle.

     

    Laurent Glauzy

    http://www.contre-info.com/preuves-de-lessence-satanique-de-la-franc-maconnerie-par-laurent-glauzy#more-31469

  • Les falsifications historiques du lobby gay…

    Grands dieux ! Voir la Russie homophobe accueillir ces Jeux olympiques pourtant fondés par le plus gay des peuples : la Grèce antique !

     

     

     

     

    Paradoxe, disent-ils. Grands dieux ! Voir la Russie homophobe accueillir aujourd’hui ces Jeux olympiques pourtant fondés par le plus gay des peuples : la Grèce antique ! D’ailleurs, à voir la délégation grecque arborer si ostensiblement, à Sotchi, des gants aux couleurs de l’arc-en-ciel, on croit comprendre qu’elle se sent l’héritière d’une sorte de destinée gay-friendly, celle d’une nation qui, au nom de l’ancienne Lesbos comme de l’actuelle Mykonos, aurait un rôle naturel à jouer dans la défense des intérêts LGBT.

    De même, dans un spot récent, l’Institut canadien pour la diversité et l’inclusion concluait : « Les JO ont toujours été un peu gay. Battons-nous pour qu’ils le restent. » Au Huffington Post, on met dans un même panier Socrate et Foucault.

    Lire la suite