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culture et histoire - Page 1716

  • Hérodote : Léonidas et la bataille des Thermopyles

     Les forces grecques 

    (202). Voici les gens postés là pour attendre l'assaut du Perse : il y avait trois cents hoplites de Sparte, mille de Tégée et de Mantinée (cinq cents de chacune des deux villes), cent vingt d'Orchomène en Arcadie, et mille du reste de la région ; c'est tout pour l'Arcadie. Corinthe avait envoyé quatre cents hommes, Phlionte deux cents, et Mycènes quatre-vingts. Voilà les forces qui venaient du Péloponnèse. De Béotie venaient sept cents Thespiens et quatre cents Thébains. 

    (203). Appelés à la rescousse, les Locriens d'Oponte avaient envoyé toutes leurs forces, et les Phocidiens mille hommes. Les Grecs les avaient d'eux-mêmes invités à les rejoindre : ils formaient l'avant-garde des confédérés, leur avaient-ils fait dire, et ils attendaient d'un jour à l'autre la venue du reste des alliés ; la mer était bien gardée, surveillée par les Athéniens, les Éginètes et les autres membres de leurs forces navales, et il n'y avait rien à redouter, car la Grèce n'avait pas devant elle un dieu, mais un homme, et jamais on n'avait vu, jamais on ne verrait d'homme qui, du jour de sa naissance, n'eût le malheur mêlé à son destin, — et plus grand l'homme, était mortel, devait lui aussi connaître un jour l'échec. Ces arguments avaient décidé les Locriens et les Phocidiens à leur envoyer des secours à Trachis.

    (204). Les Grecs de chaque cité obéissaient à leurs propres généraux, mais l'homme le plus remarquable, le chef chargé du commandement suprême, était un Lacédémonien, Léonidas, fils d'Anaxandride, qui, par ses aïeux Léon, Eurycratidès, Anaxandros, Eurycratès, Polydoros, Alcaménès, Téléclos, Archélaos, Hégésilaos, Doryssos, Léobotès, Echestratos, Agis, Eurysthénès, Aristodèmos, Aristomachos, Cléodaios et Hyllos, remontait à Héraclès, et qui devait au hasard son titre de roi de Sparte.

    (205). Comme il avait deux frères plus âgés que lui, Cléomène et Dorieus, il était bien loin de penser au trône ; mais Cléomène mourut sans laisser d'enfant mâle, et Dorieus avait déjà disparu, frappé lui aussi par la mort, en Sicile : le trône échut donc à Léonidas parce qu'il était né avant Cléombrotos (le plus jeune fils d'Anaxandride), mais aussi parce qu'il avait épousé la fille de Cléomène. C'est lui qui vint alors aux Thermopyles, avec les trois cents hommes qui lui étaient assignés, et qui avaient des fils. Il avait avec lui des Thébains (que j'ai indiqués tout à l'heure en dénombrant les forces des Grecs) sous les ordres de Léontiadès fils d'Eurymaque. La raison qui le fit insister pour avoir des Thébains avec lui, entre tous les Grecs, c'est qu'on accusait nettement leur cité de pencher du côté des Mèdes ; et Léonidas leur demanda de partir en guerre avec lui pour savoir s'ils lui enverraient des hommes ou s'ils se détacheraient ouvertement du bloc hellénique. Ils lui envoyèrent bien des renforts, mais leurs intentions étaient tout autres.

    (206). Léonidas et ses hommes formaient un premier contingent expédié par Sparte pour décider les autres alliés à marcher eux aussi en les voyant, et pour les empêcher de passer du côté des Mèdes à la nouvelle que Sparte temporisait ; les Spartiates comptaient plus tard (car la fête des Carnéia les arrêtait pour l'instant) laisser, les cérémonies terminées, une garnison dans Sparte et courir aux Thermopyles avec toutes leurs forces. Les autres alliés faisaient de leur côté les mêmes projets, car les fêtes d'Olympie tombaient à ce moment-là ; comme ils pensaient que rien ne se déciderait là-bas de sitôt, ils avaient envoyé de simples corps d'avant-garde aux Thermopyles.

    (207). Tels étaient leurs projets ; mais aux Thermopyles les Grecs furent saisis de frayeur quand le Perse approcha du passage, et ils parlèrent de se retirer. Les Péloponnésiens étaient d'avis presque tous de regagner le Péloponnèse et de garder l'Isthme, mais cette idée provoqua l'indignation des Phocidiens et des Locriens, et Léonidas fit voter qu'on resterait sur place et qu'on enverrait demander du secours à toutes les villes en leur rappelant qu'ils n'étaient pas assez nombreux pour repousser l'armée des Mèdes.

    (208). Pendant qu'ils discutaient, Xerxès envoya en reconnaissance un cavalier pour voir combien étaient les ennemis et ce qu'ils faisaient. On l'avait informé, quand il se trouvait encore en Thessalie, qu'il y avait quelques troupes en ce lieu, peu nombreuses, et qu'elles étaient menées par des Lacédémoniens avec Léonidas, un descendant d'Héraclès. Le cavalier s'approcha du camp et regarda, sans tout découvrir, car les hommes postés derrière le mur relevé par les Grecs qui le défendaient échappaient à sa vue ; mais il put observer les soldats placés devant le mur, et leurs armes disposées au pied du rempart. Or le hasard fit que les Lacédémoniens occupaient ce poste pour l'instant ; l'homme les vit occupés les uns à faire de la gymnastique, les autres à peigner leur chevelure : il les regarda faire avec surprise et prit note de leur nombre, puis, après avoir tout examiné soigneusement, il se retira en toute tranquillité personne ne le poursuivit et personne ne fit même attention à lui. De retour auprès de Xerxès, il lui rendit compte de ce qu'il avait vu.

    (209). Xerxès en l'entendant ne pouvait concevoir la vérité, comprendre que ces hommes se préparaient à mourir et à tuer de leur mieux : leur attitude lui semblait risible ; aussi fit-il appeler Démarate fils d'Ariston, qui était dans son camp : il vint, et Xerxès l'interrogea sur tout ce qu'on lui avait rapporté, car il désirait comprendre le comportement des Lacédémoniens. Démarate lui dit ceci : "Tu m'as déjà entendu parler de ce peuple, au moment où nous entrions en guerre contre la Grèce ; et tu as ri quand je t'ai dit comment, à mes yeux, finirait ton entreprise. Soutenir la vérité devant toi, seigneur, voilà qui est bien difficile; cependant, écoute-moi encore. Ces hommes sont ici pour nous barrer le passage, ils se préparent à le faire, car ils ont cette coutume : c'est lorsqu'ils vont risquer leur vie qu'ils ornent leur tête. Au reste, sache-le bien : si tu l'emportes sur ces hommes et ce qu'il en reste dans Sparte, il n'est pas d'autre peuple au monde, seigneur, qui puisse s'opposer à toi par les armes ; aujourd'hui, tu marches contre le royaume le plus fier, contre les hommes les plus vaillants qu'il y ait en Grèce." Xerxès jugeait ces propos parfaitement incroyables, et il lui demanda de nouveau comment des gens si peu nombreux pensaient lutter contre son armée. Démarate lui répondit : "Seigneur, traite-moi d'imposteur si tout ne se passe pas comme je te le dis."

    (210). Mais il ne put convaincre le roi. D'abord Xerxès attendit quatre jours, dans l'espoir que les Grecs s'enfuiraient d'un instant à l'autre ; le cinquième jour, les Grecs toujours là lui parurent des gens d'une insolence et d'une témérité coupables ; il s'en irrita et lança contre eux des Mèdes et des Cissiens, avec ordre de les lui amener vivants. Les Mèdes se jetèrent sur les Grecs ; beaucoup tombèrent, d'autres prenaient leur place et, si maltraités qu'ils fussent, ils ne rompaient pas le contact ; mais ils ne pouvaient déloger l'adversaire malgré leurs efforts. Et ils firent bien voir à tout le monde, à commencer par le roi, qu'il y avait là une foule d'individus, mais bien peu d'hommes. La rencontre dura toute la journée.

    (211). Les Mèdes, fort malmenés, se retirèrent alors et les Perses les remplacèrent, ceux que le roi nommait les Immortels, avec Hydarnès à leur tête ; ceux-là pensaient vaincre sans peine, mais, lorsqu'ils furent à leur tour aux prises avec les Grecs, ils ne furent pas plus heureux que les soldats mèdes, car ils combattaient dans un endroit resserré, avec des lances plus courtes que celles des Grecs et sans pouvoir profiter de leur supériorité numérique. Les Lacédémoniens firent preuve d'une valeur mémorable et montrèrent leur science achevée de la guerre, devant des hommes qui n'en avaient aucune ; en particulier ils tournaient le dos à l'ennemi en ébauchant un mouvement de fuite, sans se débander, et, lorsque les Barbares qui les voyaient fuir se jetaient à leur poursuite en désordre avec des cris de triomphe, au moment d'être rejoints ils faisaient volte-face et revenaient sur leurs pas en abattant une foule de Perses ; des Spartiates tombaient aussi, mais en petit nombre. Enfin, comme ils n'arrivaient pas à forcer le passage malgré leurs attaques, en masse ou autrement, les Perses se replièrent.

    (212). Tandis que la bataille se déroulait, Xerxès, dit-on, regardait la scène et trois fois il bondit de son siège, craignant pour son armée. Voilà comment ils luttèrent ce jour-là. Le lendemain, les Barbares ne furent pas plus heureux ; comme leurs adversaires n'étaient pas nombreux, ils les supposaient accablés par leurs blessures, incapables de leur résister encore, et ils reprirent la lutte ; mais les Grecs, rangés en bataillons et par cités, venaient à tour de rôle au combat, sauf les Phocidiens chargés de surveiller le sentier dans la montagne. Les Perses constatèrent que la situation ne leur offrait rien de nouveau par rapport à la veille, et ils se replièrent.

    (213). Xerxès se demandait comment sortir de cet embarras lorsqu'un Malien, Éphialte fils d'Eurydèmos, vint le trouver dans l'espoir d'une forte récompense : il lui indiqua le sentier qui par la montagne rejoint les Thermopyles, et causa la mort des Grecs qui demeurèrent à leur poste. Par la suite Ephialte craignit la vengeance des Lacédémoniens et s'enfuit en Thessalie ; mais, bien qu'il se fût exilé, lorsque les Amphictyons se réunirent aux Thermopyles, les Pylagores mirent sa tête à prix ; plus tard il revint à Anticyre où il trouva la mort de la main d'un Trachinien, Athénadès ; cet Athénadès le tua d'ailleurs pour une tout autre, mais il n'en fut pas moins récompensé par les Lacédémoniens. Telle fut, plus tard, la fin d'Éphialte.

    (214). Cependant une autre tradition veut qu'Onétès de Carystos, fils de Phanagoras, et Corydallos d'Anticyre aient renseigné le roi et permis aux Perses de tourner la montagne, — tradition sans valeur à mon avis : une première raison, c'est que les Pylagores n'ont pas mis à prix les têtes d'Onétès et de Corydallos, mais celle d'Éphialte de Trachis, et ils devaient être bien informés ; ensuite nous savons qu'Éphialte a pris la fuite à cause de cette accusation car, sans être Malien, Onétès pouvait bien connaître l'existence du sentier s'il avait circulé dans le pays, mais l'homme qui a guidé les Perses par la sente en question, c'est Ephialte, c'est lui que j'accuse de ce crime.

    (215). Xerxès apprécia fort l'offre d'Éphialte et, tout heureux, fit aussitôt partir Hydarnès et ses hommes ; vers l'heure où il faut allumer les lampes, ils étaient en route. Le sentier avait été découvert par les gens des environs, les Maliens, qui l'avaient alors indiqué aux Thessaliens pour leur permettre d'attaquer les Phocidiens, à l'époque où ce peuple, en élevant le mur qui fermait la passe, s'était mis à l'abri de leurs incursions ; depuis ces temps lointains les Maliens l'avaient jugé sans intérêt pour eux.

    (216). Il se présente ainsi : il part de l'Asopos qui coule dans cette gorge ; la montagne et le sentier portent tous les deux le nom d'Anopée. La sente Anopée franchit la crête de la montagne pour aboutir à la ville d'Alpènes, première ville de Locride du côté des Maliens, en passant par la roche qu'on appelle Mélampyge — Fesse Noire — et la demeure des Cercopes, sa partie la plus étroite.

    (217). C'est par ce chemin, si malaisé qu'il fût, que passèrent les Perses après avoir franchi l'Asopos ; ils marchèrent toute la nuit, avec les contreforts de l'Œta sur leur droite et les montagnes de Trachis sur leur gauche. Aux premières lueurs du jour, ils arrivèrent au sommet de la montagne ; là se trouvaient postés, comme je l'ai dit plus haut, mille hoplites phocidiens qui défendaient leur propre sol tout en gardant le sentier ; car au pied de la montagne le passage était gardé par les Grecs indiqués tout à l'heure, tandis que les Phocidiens s'étaient spontanément offerts à Léonidas pour garder le sentier de la montagne.

    (218). Les Phocidiens furent avertis de l'arrivée des Perses grâce au fait suivant : en gravissant la montagne, l'ennemi leur demeurait caché par les chênes qui ta couvraient, mais, sans qu'il y eût de vent, le bruissement des feuilles les trahit, car le sol en était jonché et, naturellement, elles craquaient sous leurs pieds ; les Phocidiens coururent donc prendre leurs armes et les Barbares, au même instant, leur apparurent. Quand les Perses virent devant eux des soldats qui s'armaient, ils s'arrêtèrent, déconcertés : ils comptaient n'avoir aucun obstacle sur leur route, et ils se heurtaient à des combattants. Hydarnès craignit d'avoir affaire à des Lacédémoniens et s'enquit auprès d'Ephialte de la nationalité de ces hommes ; renseigné sur ce point, il rangea les Perses en bataille. Mais les Phocidiens lâchèrent pied sous la grêle de leurs flèches et se réfugièrent sur la cime de la montagne. Ils se croyaient spécialement visés par cette attaque, et ils acceptaient la mort ; telle était leur résolution, mais les Perses que menaient Éphialte et Hydarnès ne s'occupèrent pas d'eux et se hâtèrent de descendre la montagne.

    (219). Les Grecs qui défendaient les Thermopyles apprirent du devin Mégistias, d'abord, que la mort leur viendrait avec le jour : il l'avait vu dans les entrailles des victimes. Ensuite il y eut des transfuges qui leur annoncèrent que les Perses tournaient leurs positions ; ceux-ci les alertèrent dans le courant de la nuit. Le troisième avertissement leur vint des sentinelles qui, des hauteurs, accoururent les prévenir aux premières lueurs du jour. Alors les Grecs tinrent conseil et leurs avis différèrent, car les uns refusaient tout abandon de poste, et les autres étaient de l'avis opposé. Ils se séparèrent donc, et les uns se retirèrent et s'en retournèrent dans leur pays, les autres, avec Léonidas, se déclarèrent prêts à rester sur place.

    (220). On dit encore que Léonidas, de lui-même, les renvoya parce qu'il tenait à sauver leurs vies ; pour lui et pour les Spartiates qui l'accompagnaient, l'honneur ne leur permettait pas d'abandonner le poste qu'ils étaient justement venus garder. Voici d'ailleurs l'opinion que j'adopte de préférence, et pleinement quand Léonidas vit ses alliés si peu enthousiastes, si Peu disposés à rester jusqu'au bout avec lui, il les fit partir, je pense, mais jugea déshonorant pour lui de quitter son poste ; à demeurer sur place, il laissait une gloire immense après lui, et la fortune de Sparte n'en était pas diminuée. En effet les Spartiates avaient consulté l'oracle sur cette guerre au moment même où elle commençait, et la Pythie leur avait déclaré que Lacédémone devait tomber sous les coups des Barbares, ou que son roi devait périr. Voici la réponse qu'elle leur fit, en vers hexamètres : 

    Pour vous, citoyens de la vaste Sparte,

    Votre grande cité glorieuse ou bien sous les coups des Perséides

    Tombe, ou bien elle demeure ; mais sur la race d'Héraclès,

    Sur un roi défunt alors pleurera la terre de Lacédémone

    Son ennemi, la force des taureaux ne l'arrêtera pas ni celle des lions,

    Quand il viendra : sa force est celle de Zeus. Non, je te le dis,

    Il ne s'arrêtera pas avant d'avoir reçu sa proie, ou l'une ou l'autre.

    Léonidas pensait sans doute à cet oracle, il voulait la gloire pour les Spartiates seuls, et il renvoya ses alliés; voilà ce qui dut se passer, plutôt qu'une désertion de contingents rebelles, en désaccord avec leur chef.

    (221). D'ailleurs, voici qui prouve, je pense, assez clairement ce que j'avance : le devin qui suivait l'expédition, Mégistias d'Acarnanie, un descendant, disait-on, de Mélampous et l'homme qui vit dans les entrailles des victimes et dit aux Grecs le sort qui les attendait, était lui aussi congédié, c'est certain, par Léonidas qui voulait le soustraire à la mort ; mais il refusa de s'éloigner et fit seulement partir son fils, qui l'avait accompagné dans cette expédition et qui était son seul enfant.

    (222). Les alliés renvoyés par Léonidas se retirèrent donc, sur son ordre, et seuls les Thespiens et les Thébains restèrent aux côtés des Lacédémoniens. Les Thébains restaient par force et contre leur gré, car Léonidas les gardait en guise d'otages ; mais les Thespiens demeurèrent librement et de leur plein gré : ils se refusaient, dirent-ils, à laisser derrière eux Léonidas et ses compagnons ; ils restèrent donc et partagèrent leur sort. Ils avaient à leur tête Démophilos fils de Diadromès.

    (223). Au lever du soleil Xerxès fit des libations, puis il attendit, pour attaquer, l'heure où le marché bat son plein, — ceci sur les indications d'Éphialte, car pour descendre de la montagne il faut moins de temps et il y a moins de chemin que pour la contourner et monter jusqu'à son sommet. Donc, Xerxès et les Barbares attaquèrent, et les Grecs avec Léonidas, en route pour la mort, s'avancèrent, bien plus qu'à la première rencontre, en terrain découvert. Ils avaient d'abord gardé le mur qui leur servait de rempart et, les jours précédents, ils combattaient retranchés dans le défilé ; mais ce jour-là ils engagèrent la mêlée hors du passage et les Barbares tombèrent en foule, car en arrière des lignes leurs chefs, armés de fouets, les poussaient en avant à force de coups. Beaucoup d'entre eux furent précipités à la mer et se noyèrent, d'autres plus nombreux encore, vivants, se piétinèrent et s'écrasèrent mutuellement et nul ne se souciait de qui tombait. Les Grecs qui savaient leur mort toute proche, par les Perses qui tournaient la montagne, firent appel à toute leur valeur contre les Barbares et prodiguèrent leur vie, avec fureur.

    (224). Leurs lances furent bientôt brisées presque toutes, mais avec leurs glaives ils continuèrent à massacrer les Perses. Léonidas tomba en héros dans cette action, et d'autres Spartiates illustres avec lui parce qu'ils furent des hommes de coeur, j'ai voulu savoir leurs noms, et j'ai voulu connaître aussi ceux des Trois Cents. Les Perses en cette journée perdirent aussi bien des hommes illustres, et parmi eux deux fils de Darius, Abrocomès et Hypéranthès, nés de la fille d'Artanès, Phratagune (Artanès était frère du roi Darius et fils d'Hystaspe, fils d'Arsamès ; il avait donné sa fille à Darius avec, en dot, tous ses biens, car il n'avait pas d'autre enfant).

    (225). Donc deux frères de Xerxès tombèrent dans la bataille, et Perses et Lacédémoniens se disputèrent farouchement le corps de Léonidas, mais enfin les Grecs, à force de vaillance, le ramenèrent dans leurs rangs et repoussèrent quatre fois leurs adversaires. La mêlée se prolongea jusqu'au moment où survinrent les Perses avec Éphialte. Lorsque les Grecs surent qu'ils étaient là, dès cet instant le combat changea de face ils se replièrent sur la partie la plus étroite du défilé, passèrent de l'autre côté du mur et se postèrent tous ensemble, sauf les Thébains, sur la butte qui est là (cette butte se trouve dans le défilé, à l'endroit où l'on voit maintenant le lion de marbre élevé à la mémoire de Léonidas. Là, tandis qu'ils luttaient encore, avec leurs coutelas s'il leur en restait un, avec leurs mains nues, avec leurs dents, les Barbares les accablèrent de leurs traits : les uns, qui les avaient suivis en renversant le mur qui les protégeait, les attaquaient de front, les autres les avaient tournés et les cernaient de toutes part.

    (226). Si les Lacédémoniens et les Thespiens ont montré un pareil courage, l'homme brave entre tous fut, dit-on, le Spartiate Diénécès dont on rapporte ce mot qu'il prononça juste avant la bataille : il entendait un homme de Trachis affirmer que, lorsque les Barbares décochaient leurs flèches, la masse de leurs traits cachait le soleil, tant ils étaient nombreux ; nullement ému le Spartiate répliqua, sans attacher d'importance au nombre immense des Perses, que cet homme leur apportait une nouvelle excellente : si les Mèdes cachaient le ciel, ils combattraient donc à l'ombre au lieu d'être en plein soleil. Cette réplique et d'autres mots de la même veine perpétuent, dit-on, le souvenir du Spartiate Diénécès.

    (227). Après lui les plus braves furent, dit-on, deux frères, des Lacédémoniens, Alphéos et Macon, les fils d'Orsiphantos. Le Thespien qui s'illustra tout particulièrement s'appelait Dithyrarnbos fils d'Harmatidès.

    (228). Les morts furent ensevelis à l'endroit même où ils avaient péri, avec les soldats tombés avant le départ des alliés renvoyés par Léonidas ; sur leur tombe une inscription porte ces mots :

    Ici, contre trois millions d'hommes ont lutté jadis

    Quatre mille hommes venus du Péloponnèse.

    Cette inscription célèbre tous les morts, mais les Spartiates ont une épitaphe spéciale :

    Étranger, va dire à Sparte qu'ici

    Nous gisons, dociles à ses ordres. 

    Voilà l'épitaphe des Lacédémoniens, et voici celle du devin Mégistias :

    Ici repose l'illustre Mégistias, que les Mèdes 

    Ont tué lorsqu'ils franchirent le Sperchios ; 

    Devin, il savait bien que la Mort était là, 

    Mais il n'accepta pas de quitter le chef de Sparte.

    Les stèles et les épitaphes, sauf celle de Mégistias, sont le tribut aux morts des Amphictyons ; celle du devin Mégistias fut faite par Simonide fils de Léoprépès, qui avait avec lui des relations d'hospitalité.

    (229). Deux des trois cents Spartiates, Eurytos et Aristodèmos, pouvaient, dit-on, prendre tous les deux le même parti, et soit sauver leur vie en s'en retournant à Sparte (car Léonidas les avait autorisés à quitter le camp et tous deux gisaient dans Alpènes, atteints d'une très grave ophtalmie), soit, s'ils ne voulaient pas rentrer chez eux, mourir avec leurs camarades ; ils pouvaient faire l'un ou l'autre, mais ils ne parvinrent pas à s'entendre et décidèrent chacun pour soi. Dès qu'Eurytos apprit la manoeuvre des Perses, il demanda ses armes, les revêtit, et se fit conduire par son hilote au lieu du combat ; arrivés là, son guide prit la fuite et lui se jeta dans la mêlée où il trouva la mort ; Aristodèmos manqua, lui, de courage et resta en arrière. Or, si Aristodèmos était seul rentré dans Sparte en raison de sa maladie, ou s'ils étaient revenus tous les deux ensemble, les Spartiates, je pense, ne s'en seraient pas indignés ; mais l'un était mort et l'autre, placé dans la même situation que lui, n'avait pas accepté de mourir, et les Spartiates ne pouvaient pas ne pas s'en irriter vivement contre Aristodèmos.

    (230). Voilà, selon les uns, comment Aristodèmos évita la mort et revint à Sparte, en invoquant cette excuse ; pour d'autres il fut chargé de porter un message hors du camp, mais il se garda bien de revenir à temps pour la bataille, comme il le pouvait il traîna en route pour sauver sa vie, tandis que son collègue revint se battre et succomba.

    (231). De retour à Sparte Aristodèmos y vécut accablé d'outrages et déshonoré ; il avait à supporter certains affronts, et, par exemple, pas un Spartiate ne consentait à lui procurer du feu ni à lui adresser la parole, et il avait la honte de s'entendre appeler "Aristodèmos le Poltron". Cependant, à la bataille de Platées, sa conduite effaça tous les soupçons qui pesaient sur lui.

    (232). Un autre Spartiate, dit-on, chargé lui aussi de porter un message, s'était rendu en Thessalie et survécut aux Trois Cents ; il s'appelait Pantitès et, de retour à Sparte, il se vit déshonoré, et se pendit.

    (233). Les Thébains qui étaient sous les ordres de Léontiadès combattirent, par force, les soldats du Grand Roi tant qu'ils furent encadrés par les Grecs ; quand ils virent que les Perses prenaient l'avantage, ils s'écartèrent de Léonidas et des Grecs au moment où ceux-ci se repliaient en hâte sur leur butte, et ils s'approchèrent des Barbares en leur tendant les mains et en protestant, ce qui était parfaitement exact, qu'ils étaient du parti des Mèdes, qu'ils avaient été des premiers à céder au Grand Roi la terre et l'eau, qu'ils étaient venus par force aux Thermopyles et n'étaient pour rien dans l'échec qu'il avait essuyé. Ces paroles leur valurent la vie sauve, car ils avaient pour les confirmer le témoignage des Thessaliens ; mais ils n'eurent pas à s'en réjouir entièrement, car, lorsqu'ils vinrent se rendre aux Barbares, ceux-ci en tuèrent quelques-uns au moment où ils s'approchaient d'eux et, sur l'ordre de Xerxès, ils en marquèrent le plus grand nombre du chiffre royal, à commencer par leur chef Léontiadès, — dont les Platéens tuèrent plus tard le fils, Eurymaque, qui, avec quatre cents Thébains, s'était emparé de leur ville.

    (234). Voilà comment luttèrent les Grecs des Thermopyles ; Xerxès alors fit venir Démarate et lui posa d'abord cette question : "Démarate, tu es un homme honnête, je le vois en vérité, car tout ce que tu m'as annoncé s'est accompli. Maintenant, dis-moi, combien reste-t-il de Lacédémoniens et combien sont-ils à être aussi vaillants ? Ou bien le sont-ils tous également ? — Seigneur, répondit Démarate, les Lacédémoniens for. ment un peuple nombreux, tous ensemble, et ils ont beaucoup de cités ; mais tu vas savoir ce qui t'intéresse. Il y a dans leur pays une cité, Sparte, d'environ huit mille hommes : ceux-là sont tous les égaux des soldats qui se sont battus ici. Les autres Lacédémoniens ne les égalent certes pas, mais ils sont braves. — Démarate, reprit Xerxès, comment ferons-nous pour vaincre ces gens sans trop de peine ? Allons, ne me cache rien, car tu sais bien ce qu'ils ont dans l'esprit, toi qui fus leur roi."

    (235). Démarate lui répondit : "Seigneur, si tu tiens si fort à mes conseils, il est juste que je t'indique le parti le meilleur : tu devrais envoyer trois cents navires de ta flotte sur les côtes de la Laconie. Il y a dans ces parages une île nommée Cythère, dont le plus sage de nos compatriotes, Chilon, a dit que l'intérêt des Spartiates était qu'elle fût au fond de la nier plutôt qu'à la surface, parce qu'il s'attendait toujours à la voir utilisée justement pour le genre d'opération que je t'indique, — non pas qu'il eût prévu ton expédition, mais il craignait toute expédition éventuelle. Que tes hommes, basés sur cette île, inquiètent les Lacédémoniens : comme la guerre menacera leurs foyers, ils ne risqueront pas d'aller au secours du reste de la Grèce quand tes forces terrestres l'attaqueront ; et, quand le reste de la Grèce aura passé entre tes mains, la Laconie reste seule, trop faible désormais pour te résister. Si tu n'adoptes pas mon plan, voici ce qui t'attendra : un isthme étroit donne accès au Péloponnèse ; là, comme tous les Péloponnésiens se seront ligués contre toi, compte que tu auras à livrer de nouvelles batailles, plus rudes que celles d'hier. Si tu l'appliques, il n'y aura pas de bataille et l'Isthme, ainsi que toutes les cités, tombera en ton pouvoir."

    (236). Après lui ce fut Achéménès, le frère de Xerxès et le chef de ses forces navales, qui parla ; présent à l'entretien, il craignait de voir Xerxès adopter ce projet. "Seigneur, lui dit-il, je te vois prêter l'oreille aux propos d'un homme qui est jaloux de tes succès, qui peut-être même trahit ta cause ; ces procédés sont d'ailleurs chers aux Grecs : tout succès soulève leur jalousie, toute supériorité leur haine. Dans notre position, si tu ôtes trois cents navires à ta flotte, qui en a déjà perdu quatre cents dans la tempête, pour les envoyer sur les côtes du Péloponnèse, tes adversaires deviennent aussi forts que toi ; rassemblée, notre flotte est invincible pour eux et, de prime abord, ils ne seront pas de taille à te résister. De plus la flotte entière appuiera l'armée, qui l'appuiera de son côté si elles marchent ensemble ; si tu les sépares, tu ne pourras pas être utile à tes forces navales, qui ne pourront pas non plus t'aider. Veille à tes propres intérêts, et sois bien résolu à ne pas te soucier des projets de tes ennemis ; ne cherche pas sur quel point ils porteront leurs armes, ce qu'ils feront, combien ils sont. Ils sont assez grands pour s'occuper de leurs propres affaires, occupons-nous des nôtres. Si les Lacédémoniens viennent livrer bataille aux Perses, ils ne guériront pas la blessure qu'ils viennent de recevoir."

    (237). Xerxès lui répliqua : "Achéménès, ton avis me semble juste et je le suivrai. De son côté, Démarate indique le plan qu'il pense être le meilleur pour moi, quoique le tien l'emporte : car je n'admettrai jamais qu'il ne me soit point dévoué, — à en juger par les propos qu'il m'a tenus jusqu'ici, et par un fait certain : un homme peut être jaloux des succès d'un concitoyen et garder à son égard un silence hostile ; il s'abstiendra même, si l'autre le consulte, de lui donner le conseil à son avis le meilleur, à moins d'être fort avancé dans le chemin de la vertu, et les gens de cette espèce sont rares. Mais un hôte se réjouit par-dessus tout de la prospérité de son hôte et ne peut que lui donner les meilleurs conseils, s'il le consulte. Ainsi donc, j'entends qu'à l'avenir on se garde de calomnier Démarate, qui est mon hôte."

    (238). Après cet entretien Xerxès traversa le champ de bataille, au milieu des cadavres ; comme il avait appris que Léonidas était le roi et k chef des Lacédémoniens, il fit décapiter son corps et fixer la t celle-ci, que Léonidas, de son vivant, avait été le principal objet du courroux de Xerxès ; sinon le roi n'aurait jamais infligé cet outrage à son corps puisque, de tous les peuples que je connais, les Perses accordent le plus d'honneur aux soldats courageux. Il en fut donc fait comme le roi l'avait ordonné.

    (239). Je dois maintenant revenir sur un point où mon récit présente une lacune. Les Lacédémoniens avaient appris les premiers que le Grand Roi préparait une expédition contre la Grèce ; ils avaient, dans la circonstance, envoyé consulter l'oracle de Delphes et reçu la réponse que j'ai citée un peu plus haut. Ce renseignement leur était parvenu de curieuse manière. Démarate fils d'Ariston s'était exilé chez les Mèdes, il devait avoir pour les Lacédémoniens (la vraisemblance vient ici corroborer mon opinion) des sentiments peu bienveillants, et l'on peut se demander s'il fut guidé par la sympathie ou par la malignité. En tout cas, lorsque Xerxès décida d'envahir la Grèce, Démarate, qui était à Suse, connut ses projets et voulut en avertir les Lacédémoniens. Il ne pouvait pas le faire directement, car il risquait d'être surpris ; il eut donc recours à un subterfuge : il prit une tablette double, en gratta la cire, puis écrivit sur le bois même les projets de Xerxès ; ensuite il recouvrit de cire son message : ainsi le porteur d'une tablette vierge ne risquerait pas d'ennuis du côté des gardiens des routes. La tablette parvint à Lacédémone et personne n'y comprenait rien, lorsque enfin, suivant mes renseignements, Gorgo, la fille de Cléomène et la femme de Léonidas, eut une idée et comprit l'astuce ; elle dit à ses concitoyens de gratter la cire : ils trouveraient un message inscrit sur le bois. Ils le firent, déchiffrèrent le message et le communiquèrent à toute la Grèce. Voilà ce que l'on raconte.  http://www.theatrum-belli.com

    Hérodote, In L'Enquête, Livres V à IX  Folio Classique

  • Révoltes populaires au Moyen-Age

    Les révoltes populaires constituent un phénomène qui reste encore mal connu, aussi bien dans leur forme populaire qu’insurrectionnelle. Cela tient aux sources qui proviennent presque exclusivement des autorités et qui ne donnent que le point de vue des pouvoirs en place et des couches sociales dominantes. Les historiens ont certes étendu le champ de leur approche en complétant les chroniques par des sources judiciaires ou comptables. Mais ils restent tributaires du langage de la répression.

     

    Ainsi, pour désigner les révoltés du Bassin parisien en 1358, les chroniqueurs, appartenant au milieu clérical ou nobiliaire, les appellent « Jacques », de l’appellation « Jacques bonhomme » qui leur avait été donnée pour les tourner en dérision, et le chroniqueur Jean Froissart parle à leur sujet de « méchantes gens ». D’autres traitent les révoltés de Gand, en 1380, de « ribauds, chétifs et merdailles ». Dans tous les cas, ces jugements de valeur font référence aux populares, aux populaires, que les textes appellent aussi « le commun », le « peuple », « les menus » (contre les « gros »), ou encore, chez ceux qui s’inspirent d’Aristote, les « gens mécaniques ». Ces termes sont assez vagues, mais ils désignent les catégories inférieures de la société, par opposition à ceux que la fortune, le pouvoir, la notoriété sociale placent en position hiérarchiquement supérieure. Le problème consiste à situer la limite de cette stratigraphie sociale. Par exemple, parmi les révoltés de 1381, en Angleterre, on compte de nombreux membres du clergé, tel John Ball. Peut-on les considérer comme partie prenante du peuple, voire du petit peuple ? Si leur absence de fortune les place bien dans cette catégorie, ils font néanmoins partie du clergé et bénéficient d’un prestige qui les détache du peuple. A l’inverse, faut-il créer un fâcheux amalgame entre les populaires et les miséreux, ou encore les mendiants, et les englober tous dans le groupe des marginaux ? Le fait que les révoltes populaires soient, avant tout, aux yeux des contemporains, des troubles qui remettent en cause la hiérarchie sociale, ne doit pas dispenser d’une analyse fine des acteurs qui les animent. Quant à la révolte elle-même, les mots sont variés et ambigus. Elle commence avec le « murmure », lequel, dans les textes, se démarque mal de la rumeur. Le terme « effroi » ou celui de « commotion » sont employés dans un second temps pour montrer la peur et le choc que fait naître l’insurrection. Christine de Pizan et le récit anonyme du Bourgeois de Paris emplie aussi le mot « fureur » pour désigner les révoltes parisiennes de 1413 (Cabochiens) et de 1418. Les textes peuvent parler de conjuration, d’alliances ou de complots, mettant l’accent sur le serment et les contrats qui unissent les insurgés, ainsi que sur le caractère secret et inquiétant de la préparation. Enfin, l’emploi des termes « rébellion » ou « sédition » met l’accent sur l’infraction politique que commettent les insurgés par rapport aux pouvoirs établis et, du même coup, sur sa condamnation. Il est significatif que ces expressions politiques apparaissent surtout aux deux derniers siècles du Moyen Age, au moment où les pouvoirs étatiques s’affirment et où, sous l’influence du droit romain, se met en place le crime de lèse-majesté. Le vocabulaire reste donc ambigu, mais il donne quelques aperçus de la diffusion possible de la révolte par la rumeur, de sa structuration par la foi jurée, de son impact traumatisant et institutionnel. Saisir la révolte populaire est d’autant plus difficile qu’elle se confond parfois avec des manifestations hérétiques ou des dénonciations de l’hérésie, surtout pour les périodes les plus anciennes du Moyen Age. Il en est ainsi des Patarins de Milan (littéralement, ceux qui sont vêtus de chiffons) qui, entre 1045 et 1085, sont en lutte contre l’archevêque de la ville et dénoncent à la fois la simonie et le concubinage des prêtres. Ces insurgés sont en fait des fanatiques de la réforme grégorienne que leurs adversaires traitent d’hérétiques. Si leur mouvement donne aussi naissance à des revendications sociales, les Patarins ne rassemblent pas l’ensemble du petit peuple. D’autres insurrections à cette époque dans les villes du nord de la France, vont dans le même sens. De façon générale, le lien que l’hérésie entretient avec un idéal de pauvreté exacerbé facilite l’amalgame.

     

     

     

    Les révoltes populaires connaissent deux temps forts, l’un au XIIe s., l’autre aux XIVe-XVe s. Cela ne veut pas dire que des révoltes n’ont pas eu lieu en dehors de ces périodes et que, à l’inverse, ces temps forts puissent être considérés comme des « révolutions ». Le premier temps fort, celui du XIIe s., est lié à l’obtention des chartes de franchises. Il a été particulièrement violent dans le Nord où les affrontements ont opposé les bourgeois, soutenus par le peuple, aux seigneurs pour obtenir un certain nombre de privilèges, économiques, judiciaires et politiques. Mais l’Italie a aussi connu ses révoltes pour que puissent s’y développer les libertés urbaines, cette fois face à l’empereur et au Pape. La forme communale que prend le mouvement implique un serment entre les insurgés qui est, en lui-même, un acte répréhensible, puisqu’il lie des égaux, les bourgeois, et crée entre eux une alliance scellée devant Dieu. C’est l’une des raisons qui poussent certains clercs à condamner le mouvement, tel l’abbé Guibert de Nogent qui, à propos de la commune de Laon en 1115, parle de « commune » comme d’un mot « nouveau et détestable ». Les privilèges obtenus par les insurgés ne sont pas minces, tels l’abonnement à la taille, la codification des amendes, la réglementation des marchés, et une liberté personnelle qui restreint la servitude. Le second temps fort des révoltes médiévales consiste en un véritable cycle à l’échelon européen entre 1350 et 1420 environ, qui a pour cadre les villes, mais aussi les campagnes. Ces deux grandes vagues ne doivent pas faire oublier l’existence d’une violence latente. Dans le cadre de la seigneurie, des affrontements violents peuvent se produire de façon ponctuelle entre le seigneur banal et ses dépendants. C’est le cas en Catalogne (P. Bonnassie), mais aussi en France du Nord où, entre 1050 et 1150, on a pu repérer une douzaine de cas où des révoltes se terminent par la mort du seigneur (R. Jacobs). Des révoltes peuvent aussi opposer les serfs à leur seigneur, surtout à partir du milieu du XIIIe s., quand les communautés serviles œuvrent pour acheter leur liberté, par exemple dans le Bassin parisien. D’autres révoltes, surtout au XIIIe s., opposent le peuple des villes aux patriciens qui détiennent et monopolisent le pouvoir. C’est le cas en Flandre, dans les villes où la laine se transforme en drap. La société et l’économie y opposent les gens de métiers au patriciat, et, au sein des gens de métier, les tisserands, détenteurs d’outils chers et perfectionnés, aux foulons et aux teinturiers, les « ongles bleus », dont le corps est le seul outil de travail. Dès 1245, des grèves ou « takehans » éclatent à Douai et s’étendent à Gand et à Liège. A partir de 1275, la Flandre subit de plein fouet l’arrêt des importations de laine anglaise. Dans les principales villes, la population au chômage réclame une enquête sur la gestion des échevins, d’autant que le poids de la fiscalité urbaine s’accompagne de malversations. Les artisans du textile, tisserands et foulons, s’unissent pour mener les insurrections. Onze échevins sur seize sont assassinés à Douai ; le beffroi de Bruges est incendié ; de nombreuses archives urbaines sont saccagées. Le comte de Flandre, d’abord favorable aux insurgés pour mieux contrer les échevins, se range du côté de la répression et les gens de métier sont sévèrement punis. A des châtiments individuels sévères – pendaisons, décapitations et bannissements – s’ajoutèrent de lourdes amendes. En même temps, le comte profite de la situation pour réduire le pouvoir des échevins. Les révoltes de la période 1350-1420 sont les mieux connues. Elles ont un caractère européen et touchent surtout les villes, mais aussi les campagnes. Leur simultanéité interdit de les traiter comme des phénomènes isolés. Par exemple, il apparaît bien que la Jacquerie qui embrase le Bassin parisien en mai-juin 1358 a des liens étroits avec le mouvement insurrectionnel d’Etienne Marcel à Paris et sans doute avec les mouvements qui agitent les villes de Flandre, en particulier Gand. L’information circule par le biais des lettres officielles, des contacts commerciaux et de la simple rumeur. C’est un véhicule puissant de la révolte. Il en est de même dans toute l’Europe à partir de 1378, au moment où s’ouvre à Florence, avec la révolte des Ciompi, un cycle de violences qui dure jusqu’en 1391 en Espagne. Chaque ville a certes une révolte spécifique, mais les liens entre les lieux sont étroits, par exemple entre Paris où sévissent les révoltés en deux vagues successives, l’une en 1380, l’autre en 1382 connue sous le nom de révolte des Maillotins, et Rouen qui connaît une Harelle en 1382. De la même façon, le réseau des insurrections est trop compact en Languedoc et en Catalogne pour que la révolte ne se soit pas répandue de façon exemplaire.

     

    Les historiens sont de moins en moins convaincus du lien direct qui existerait entre misère et révolte. L’exemple le plus net est celui de la Jacquerie de 1358 où les acteurs sont des paysans cossus des terres riches du Bassin parisien ou des gens de métier recrutés dans les villes. Certains ont même acquis une certaine culture qui les situe parmi les élites paysannes (c’est le cas du meneur, Guillaume Cale). Les conditions que peut réunir une crise économique ne sont pas non plus suffisantes. On a pu montrer que si l’insurrection des Ciompi avait été liée au prix du pain, elle aurait éclaté dès 1375, au moment où se fait sentir une forte poussée du prix des denrées de première nécessité, qui a débuté en 1370 et chute en 1376-1377 (Ch. De La Roncière). Florence avait déjà connu une forte poussée de ce type entre 1335 et 1350, mais aucune révolte comparable à celle de 1378. Sur les quarante-trois émeutes qui se sont déclenchées à Florence entre 1343 et 1385, dans un seul cas, en 1368, le prix du pain est en question. Ce sont plutôt l’instabilité de la monnaie, les « remuements monétaires », les excès de la fiscalité et les évènements militaires qui suscitent les révoltes.

     

    La place de l’impôt dans ces mouvements de la fin du Moyen Age est essentielle, si bien qu’on peut lier les révoltes à la croissance du système étatique, à un moment où le prélèvement fiscal doit encore être consenti par les populations. Dans cette perspective, il est normal que les révoltés soient d’abord ceux qui ne sont pas privilégiés et qui ne sont pas considérés comme assez misérables pour être exclus des rôles de taille. Pour eux, l’impôt est lourd. Il est normal aussi que les insurgés se recrutent parmi ceux qui, à l’échelle de leur village ou de leur paroisse, ont pris par ailleurs l’habitude d’appliquer un certains nombre d’idées démocratiques en votant l’impôt, le guet et la garde. Ceux qui se classent dans le noyau des fortunes moyennes prennent l’initiative. A Paris, en mars 1382, le cri de révolte est venu d’une marchande de cresson, donc d’une femme ayant un métier, modeste certes, mais a l’abri de la misère. La horde des exclus ne fait que suivre le mouvement, comme à Paris en 1418. Les marginaux, qui font tant peur, ne prennent pas l’initiative de la révolte. Pourtant, les chroniqueurs ont raison : ce sont les pauvres qui jouent de la violence contre les riches. Et il est probable qu’en 1380, les Tuchins, dans le Midi de la France, ont crié « Tuons, tuons tous les riches », utilisant le vocabulaire de la vengeance qui conduit à la guerre privée. Si les révoltés s’opposent d’abord aux collecteurs d’impôts, ce sont rapidement les riches qui sont visés, ce qui montre la force des antagonismes sociaux sur lesquels sont construites les hiérarchies. Le critère de fortune est insuffisant. Il faut tenir compte du degré d’acculturation, de l’accès aux soins médicaux et à l’hygiène, de la qualité du logement et de la valorisation du métier exercé. Par exemple, les bouchers sont des gens fortunés, mais ils exercent un métier déprécié, d’où leur rôle dans la révolte parisienne de 1413. A Florence, les travailleurs de la laine sont au bas de l’échelle sociale, mais avec des nuances qui placent les fileuses et les tisserandes derrière les hommes : être Ciompa est pire que d’être Ciompo (A. Stella). Face aux riches qui dominent la ville, que valent ces nuances? A Florence, les foyers des Bardi qui résident dans la Scala concentrent entre 20 et 30% des fortunes et pèsent d’un poids énorme. On peut alors se demander si une ville comme Florence (environ 70.000 habitants en 1378) est capable de sécréter des liens d’unité entre ses groupes sociaux ou si, au contraire, les hiérachies sont à vif au point de secréter des oppositions irréductibles, prêtes à éclater quand les circonstances politiques ou économiques sont favorables. Sur l’ensemble de la population, un tiers des ménages est déclaré « misérable ». L’occupation de plus de la moitié des travailleurs est un simple gagne-pain, un travail sans honneur. Le paysage urbain porte les marques des ségrégations sociales: au centre sont les magnats ou les membres du Popolo qui ont exercé le pouvoir pendant le XIVè s., tandis que la périphérie est occupée par les pauvres ou les miséreux. Il y a bien deux villes dans la ville, à Florence comme à Milan et à Lyon où la Rebeyne de 1436 est venue des faubourgs. La muraille urbaine est aussi une fracture de chair et de sang. Les révoltés sont nées de ce dialogue devenu impossible entre les menus et les gros, parce que les menus sont des sortes d’étrangers dans leur cité, à un moment où l’esprit l’esprit civique et le sentiment d’identité urbaine se développent, partagés par tous. Il est tout à fait significatif que les révoltés tournent aussi leur violence contre les étrangers et les juifs. Les dettes et l’usure ne sont pas les seules en cause. La xénophobie s’assortit d’une sorte de croisade religieuse et les Ciompi ne revendiquent pas de s’appeler Popolo Grasso, mais Popolo di Dio. Ils défendent l’idée d’un territoire que souille la présence des juifs et des étrangers, d’un territoire dont ils doivent assurer la défense en désignant à leur tour des exclus, selon un processus qui leur fait retrouver l’identité que les riches leur ont confisquée.

     

    Les engagements de ces populations dans la révolte aboutissent rapidement à un échec et d’ailleurs, l’insurrection se déroule elle-même dans un temps court, de l’ordre de la journée, au maximum de quelques semaines. Pourquoi ? La première explication tient à la rapidité de la répression, à armes inégales. Les Jacques ont des armes de fortune, au mieux des piques, et Charles de Navarre, qui les vainc à Mello le 10 juin 1358, est armé en chevalier. Les mouvements sont aussi morts d’une absence de programme politique de remplacement. Les insurgés n’imaginent pas d’autres modes de gouvernement que celui qui est en place, en particulier dans le royaume. Ils ne remettent pas en cause la personne du roi. Ils chargent ses officiers de toutes les fautes. Quand il existe l’amorce d’un programme politique, il est le fait de meneurs appartenant à d’autres couches sociales, te le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, à Paris en 1413 et en 1418. Il existe une idéologie millénariste qui peut servir de toile de fond à ces révoltés qui rêvent d’une société sans impôts, sans contrainte, sans nobles. Ainsi, la violence des Travailleurs anglais, en 1381, se teinte de millénarisme avec la fameuse prédication de John Ball : « Quand Adam bêchait et Eve filait, où était le gentilhomme? » La violence devient alors purificatrice, déviant vers des thèses considérées comme hérétiques (Wycliff, Hus) et c’est une des causes de son échec, car elle se manifeste par flambées d’où le mysticisme n’est pas exclu et elle débouche sur un rêve à la fois passéiste et sécurisant. Il reste cependant à comprendre pourquoi la violence se met alors à flamber et à s’éteindre aussitôt. La révolte entretient avec la fête un certain nombre de points communs qui caractérisent les rites collectifs. Les dates choisies sont significatives, quand elles sont en rapport  avec le Carême et le Carnaval qui sont à la fois des temps de réformation et d’explosion sociale, comme c’est le cas à Rouen ou à Paris en 1382. Le temps de la révolte connaît aussi un déroulement inversé, puisque les révoltés commencent souvent à Vêpres et poursuivent leur action de nuit, ce qui signe un effet diabolique. Les sonneries des églises ou du beffroi deviennent anarchiques et le tumultes des Ciompi est aussi celui des petites cloches de la périphérie en discordance avec celles du palais. ce brouillage du temps, correspond celui de l’espace. Les portes de la ville sont fermées, des chaînes sont tendues dans les rues et, à l’inverse, les prisons sont ouvertes, un acte que seul peut se permettre le pouvoir souverain. Il est impossible que ces repères vacillent longtemps dans une société marquée  par des codifications rituelles très fortes comme l’est la société médiévale. Enfin, quand la violence se développe au point de transformer la révolte en massacre, il peut exister des points de non-retour que perçoivent les révoltés eux-mêmes. A Paris, en 1418, la révolte s’arrête et se retourne contre son chef, le bourreau Capeluche, quand celui-ci, enfreignant les tabous, met à mort une femme enceinte. La violence a ici transgressé plus que l’ordre social : elle a atteint les fondements de l’ordre culturel, c’est-à-dire des valeurs que partagent tous les acteurs, qu’ils soient pauvres ou exclus. La révolte trouve là ses propres limites parce que les lois de l’honneur qui unissent les hommes sont finalement encore plus fortes que les clivages sociaux.

     

    Les révoltes populaires sont un échec, mais leur répétition, en particulier à la fin du Moyen Age, a entretenu une psychose de peur. Non seulement les insurgés sont présentés comme des criminels, mais le peuple tout entier gagne en laideur, donc en mépris et en rejet. A terme il est probable que la répétition des révoltes populaire a finalement servi le développement des pouvoirs centralisés et a conforté la place des privilèges.

     

    Claude Gauvard In Dictionnaire du Moyen Age

    http://theatrum-belli.org/revoltes-populaires-au-moyen-age/

  • « Un délicieux canard laquais » de Jean-Yves Viollier

    « Quant à la sacro-sainte impertinence de l’hebdo, grand donneur de leçons devant l’Eternel, et à son indépendance sourcilleuse vis-à-vis du pouvoir, elles tiennent elles aussi du leurre. »
    Ça balance pas mal dans la presse de gauche ! Après « La Face cachée du Monde/ Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir » par Pierre Péan et Philippe Cohen (Document/Mille et une nuits), après « Les patrons de la presse nationale/ Tous mauvais » (La Fabrique éditions), dont l’auteur, l’ancien trotskiste Jean Stern (1), étrillait en particulier « Libération » et « L’Huma », c’est à une autre « institution de la République », vieille de près d’un siècle, que s’attaque ce « roman satirique », dont le titre est tout un programme. (Cl. L.)
    Aucune ressemblance, bien sûr, entre Le Canard enchaîné, fondé en 1915 par Maurice et Jeanne Maréchal, « Journal satirique paraissant le mercredi » sis rue des Petits-Pères, et L’Exemplaire, hebdomadaire créé à la même époque par Marcel Nousvoila, sis rue Saint-Simagrée et où un journaliste nommé Pierre Pica (le pica est une mesure typographique), ancien, entre autres, de L’Epopée, a l’honneur et l’avantage d’être recruté au début des années 2000.
    Transparence, impertinence et indépendance : des leurres
    Ah, se sentir membre d’une chaleureuse fraternité et pouvoir écrire en toute liberté sans se soucier des puissants, quelle joie pour notre homme qui, en compensation des joies à venir, consent à une baisse de son salaire !
    Mais cette euphorie n’a qu’un temps. Pica s’aperçoit vite que la fraternité d’armes n’est qu’une apparence, les clans s’affrontant allégrement sous la férule du tyrannique directeur Félix, et que la mesquinerie règne en maître car la direction, qui refuse par exemple de s’abonner à l’AFP (ce que confirme Wikipedia), exige de ses pigistes qu’ils le soient. Pis encore : de très ingénieux, très arbitraires et très opaques systèmes de primes et d’attributions d’actions (celles-ci quasiment sans valeur) garantissent la docilité des rédacteurs.
    Quant à la sacro-sainte impertinence de l’hebdo, grand donneur de leçons devant l’Eternel, et à son indépendance sourcilleuse vis-à-vis du pouvoir, elles tiennent elles aussi du leurre. Pica se voit vite cantonné à la rubrique « Que Pouic » (qu’à partir des récriminations de lecteurs, Jean-Yves Viollier tenait justement au Canard sous le titre « Pouac ») et, quand il est informé par une taupe gaulliste des agissement du « Petit nerveux », qui rêve de devenir calife à la place du calife Chirac, ses informations exclusives sont sciemment mal utilisées, voire snobées par Félix. Deux confrères, qui ont découvert des faits propres à empêcher le Petit nerveux de se présenter à la présidentielle de 2007 contre « la Madone », verront également leur bombe se transformer en pétard mouillé après réécriture de leur papier par la direction car « tous les sujets concernant l’UMP et le PS étaient des chasses gardées directoriales » et l’on ne vient pas « braconner sur le domaine royal ».
    Un fil à la patte
    De même L’Exemplaire fera-t-il ensuite tout un foin autour des vacances familiales au Maroc de Marie Michiot, ministre des Armées finalement contrainte à la démission – à la grande satisfaction du Petit nerveux qui ne peut la souffrir. En revanche, l’hebdo se montrera curieusement beaucoup plus discret sur le premier ministre, dit « Le Jouisseur » car « derrière son air de notaire compassé se cache un hédoniste absolu », qui, simultanément, a passé un réveillon de Noël fastueux : « Palace luxueux prêté par la présidence syrienne, avion privé mis à disposition du nabab ».
    On le voit, les situations à peine transposées et leurs héros sont transparents – à la Noël 2011, c’est l’Egyptien Moubarak qui offrit hospitalité et avion privé à la famille Fillon, et c’est en Tunisie que séjourna Michèle Alliot-Marie. Cela ne suffit pas à faire de ce « roman satirique » un grand livre : M. Viollier maltraite trop souvent la langue française (ah, cette machine à café qu’on entend « bruisser » !) et abuse des astuces vaseuses pour intituler ses chapitres (« Toc art de presse », « Conf’errance de rédaction », « Actionn’air de rien », etc.).
    Mais, le bouquin refermé, reste une certitude, ou plutôt une confirmation, d’autant plus que son auteur, dont le père était un « militant anticolonialiste », ne cesse d’exciper de sa « culture syndicaliste » et gauchiste : le canard laquais a bien un fil à la patte. Et même plusieurs, politiques, économiques et financiers, sa bonne santé dépendant en partie de la générosité du pouvoir en place, de quelque obédience que soit celui-ci, alors qu’il ne cesse de perdre des lecteurs.
    En cela, il est vrai, et malgré son anarchisme de façade, il ne se distingue guère des autres titres de presse. Les « médias en servitude » (2) sont bel et bien une (désolante) réalité française.
     Claude Lorne, 4/11/2013
     Jean-Yves Viollier : Un délicieux canard laquais, éditions du Toucan 2013, 220 pages.
    Notes :
    (1)Les patrons de la presse nationale/ Tous mauvais. De Jean Stern
    (2)Les medias en servitude, avec la collaboration de Claude Lorne,
    http://www.polemia.com/un-delicieux-canard-laquais-de-jean-yves-viollier/

  • Vendredi 8 novembre, conférence de Gérald Pichon à Bourgoin-Jallieu

    Gérald Pichon, l’auteur de “Sale Blanc”, sera vendredi 8 novembre à Bourgoin-Jallieu. Un repas entre militants suivra cette conférence. Renseignements et inscriptions : dauphine@generation-identitaire.com

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  • [Grenoble] Le Centre Lesdiguières vous invite à la conférence de Philippe Prevost

    Le Centre Lesdiguières vous invite à la conférence de Philippe Prevost, historien, il est notamment l’auteur de La France et le Canada d’un après-guerre à l’autre (1918-1944), La France et l’origine de la tragédie palestinienne (1914-1922), La condamnation de l’Action française 1926-1939, L’Eglise et le Ralliement : Histoire d’une crise 1892-2000

    sur Les trois ralliements

    L’Eglise connaît aujourd’hui une des crises les plus graves de son histoire ; jadis ceux qui s’en prenaient à sa théologie traditionnelle étaient exclus. Depuis le concile Vatican II, ils sont restés à l’intérieur à tel point que, particulièrement en France, ils occupent la plus grande partie des postes de commande. Comment cela a-t-il été possible ? Cette révolution a-t-elle été soudaine ? Ou bien a-t-elle été le fruit d’une longue maturation ? C’est à toutes ces questions que tentera de répondre Philippe Prévost lors de sa conférence.

    Lundi 25 novembre 2013 à 20 h. salle du 1er étage - 10 place de Lavalette, 38000 Grenoble (Tram arrêt : « Notre-Dame »)

    La conférence sera suivie d’un buffet convivial (Participation aux frais)

    Centre Lesdiguières - 6, rue Berthe de Boissieux - 38000 - Grenoble

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Grenoble-Le-Centre-Lesdiguieres,6613

  • Albert Camus et la mise à mort du roi

       Le centenaire de la naissance d'Albert CAMUS, célébré aujourd'hui 7 novembre, est l'occasion de de souvenir des écrits de ce philosophe originaire d'Algérie. Parmi ceux-ci, "L'Homme révolté", publié en 1951, avait pour but de comprendre pourquoi l'époque contemporaine était si horrible: "Les camps d'esclaves sous la bannière de la liberté, les massacres justifiés par l'amour de l'homme ou le goût de la surhumanité, désemparent, en un sens, le jugement. Le jour où le crime se pare des dépouilles de l'innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c'est l'innocence qui est sommée de fournir ses justifications. L'ambition de cet essai serait d'accepter et d'examiner cet étrange défi."

     

        Dans cette quête, CAMUS montre l'importance de l'exécution de Louis XVI, qui a justifié tous les régimes totalitaires qui ont suivi 1793.

    Saint-Just a fait entrer dans l'histoire les idées de Rousseau. Au procès du roi, l'essentiel de sa démonstration consiste à dire que le roi n'est pas inviolable et doit être jugé par l'assemblée, non par un tribunal. (...) La volonté générale ne peut être citée devant des juges ordinaires. Elle est au-dessus de toutes choses. L'inviolabilité et la transcendance de cette volonté sont donc proclamées. (...)

    Au reste, Saint-Just aperçoit parfaitement la grandeur de l'enjeu: «L'esprit avec lequel on jugera le roi sera le même que celui avec lequel on établira la République.»

        Le fameux discours de Saint-Just a ainsi tous les airs d'une étude théologique. «Louis étranger parmi nous», voilà la thèse de l'adolescent accusateur. Si un contrat, naturel ou civil, pouvait encore lier le roi et son peuple, il y aurait obligation mutuelle; la volonté du peuple ne pourrait s'ériger en juge absolu pour prononcer le jugement absolu. Il s'agit donc de démontrer qu'aucun rapport ne lie le peuple et le roi.
        Pour prouver que le peuple est en lui-même la vérité éternelle, il faut montrer que la royauté est en elle-même crime éternel. Saint-Just pose donc en axiome que tout roi est rebelle ou usurpateur. Il est rebelle contre le peuple dont il usurpe la souveraineté absolue. La monarchie n'est point un roi, «elle est le crime». Non pas un crime, mais le crime, dit Saint-Just, c'est-à-dire la profanation absolue. C'est le sens précis, et extrême en même temps, du mot de Saint-Just dont on a trop étendu la signification : «Nul ne peut régner innocemment.»
        Tout roi est coupable et par le fait qu'un homme se veut roi, le voilà voué à la mort. Saint-Just dit exactement la même chose lorsqu'il démontre ensuite que la souveraineté du peuple est « chose sacrée». Les citoyens sont entre eux inviolables et sacrés et ne peuvent se contraindre que par la loi, expression de leur volonté commune.
        Louis, seul, ne bénéficie pas de cette inviolabilité particulière et du secours de la loi, car il est placé hors du contrat. Il n'est point partie de la volonté générale, étant au contraire, par son existence même, blasphémateur de cette volonté toute-puissante. Il n'est pas «citoyen», seule manière de participer à la jeune divinité.
    (...)

     

       Nous ne sommes pas en droit, nous sommes en théologie. Le crime du roi est en même temps péché contre l'ordre suprême. Un crime se commet, puis se pardonne, se punit ou s'oublie. Mais le crime de royauté est permanent, il est lié à la personne du roi, à son existence. Le Christ lui-même, s'il peut pardonner aux coupables, ne peut absoudre les faux dieux. Ils doivent disparaître ou vaincre. Le peuple, s'il pardonne aujourd'hui, retrouvera demain le crime intact, même si le criminel dort dans la paix des prisons. Il n'y a donc qu'une seule issue : « Venger le meurtre du peuple par la mort du roi. »

    http://www.af-provence.com/article-albert-camus-et-la-mise-a-mort-du-roi-121005743.html

  • Peillon va payer et il le sait…

    vincent-peillon

    Qu’a donc fait lundi matin Vincent Peillon, après son passage sur France Inter ? Gageons qu’il a commencé à rassembler ses petites affaires. Là-bas, au ministère. Rangé ses papiers, décollé ses Post-it, fait le tri des stylos, serré dans son cartable le cadre avec la photo de famille qui trônait sur son bureau. Peut-être commencé à serrer des mains émues à des secrétaires dans le couloir : « Je vous regretterai, Ginette ! »

    Car ça sent la fin. Le monsieur a réussi à mettre tout le monde en pétard. On se bouscule, on s’arrache les dates de cette première quinzaine de novembre pour aller battre le pavé : le 5, le 7, le 13, le 14. Les profs, les parents, les élèves. Les uns contre les rythmes scolaires, les autres pour Leonarda.

    Alors si Hollande doit faire un exemple, s’il doit sacrifier l’un des siens à la foule en colère qui crie sous ses fenêtres, ce sera celui-là : Peillon va payer…

    Peillon le sait si bien qu’il a déjà assuré ses arrières et annoncé, il y a quelques semaines, qu’il serait à nouveau candidat aux européennes. On s’inquiète, on s’ébaubit, on se perd en conjectures : mais comment diable va-t-il se débrouiller avec le cumul des mandats ? Bande de naïfs. Puisqu’on vous dit que Peillon va payer… Sera-t-il plus efficace dans une instance européenne qu’il ne l’a été dans son ministère ? Non, bien sûr, mais une étiquette européenne vous donne une expertise, une hauteur, une apparence de neutralité qui vous mettent à l’abri des invectives du petit peuple. Non que ce dernier ne souffre plus, mais dans votre Olympe, vous êtes comme derrière un mur anti-bruit.

    Peillon va payer et on se dit que la gentillesse, elle, ne paie pas. Car on n’a pas connu plus onctueux, plus miséricordieux, plus à l’écoute que ce ministre-là avec les lycéens. Les lycéens qui manifestent pour le retour de Leonarda, mais aussi pour celui de Khatchik, un jeune Arménien. Et puis encore, tant qu’on y est, pour celui de tous les autres, la foule des jeunes expulsés anonymes. Autant vous dire qu’à ce train-là, les boutonneux en colère ne sont pas près de revenir en classe. Peillon, sur France Inter, a demandé aux lycéens d’éviter « violence » et « blocus », mais il dit avoir entendu leur « émotion » et leur « générosité »… Voyez-vous, chers amis, nous avons été lycéens bien trop tôt. Lorsque nous autres séchions les cours, avant l’ère Peillon, personne n’entendait notre « émotion ». On ne nous disait pas « c’est de la générosité » mais plutôt « c’est une heure de colle et un mot dans le carnet de correspondance ».

    Peillon aime d’ailleurs tant les enfants qu’il veut les mettre à l’abri de leurs propres parents. Déjà, l’an passé, il parlait d’une morale laïque qui serait « indépendante de tout déterminisme familial ». Lundi, toujours sur France Inter, évoquant le courroux des parents concernant les rythmes scolaires, il a rétorqué que cette réforme était faite « pour les élèves, pas pour les parents ». Comme si, dans une famille, les intérêts des uns et des autres n’étaient pas convergents. Comme si le cher homme oubliait que, dans l’urne électorale, ceux qui glissent la petite enveloppe sont encore… les parents. Hollande lui, ne l’a pas oublié, et c’est pour cela que Peillon va payer. Mais sera-ce suffisant pour régler la facture ?

    Gabrielle Cluzel dans Boulevard Voltaire

    http://www.altermedia.info/france-belgique/uncategorized/peillon-va-payer-et-il-le-sait_88222.html

  • Bordeaux : Le Printemps Français affiche contre le Gender

    BORDEAUX (NOVOpress via Infos Bordeaux) – Plusieurs lieux « symboliques » de Bordeaux ont été choisis la nuit du 5 au 6 novembre par des militants du mouvement « Printemps Français », afin de manifester leur désapprobation contre la théorie du genre.

    Bordeaux : Le Printemps Français affiche contre le GenderDes affiches ont donc été apposées sur les murs du planning familial (avenue Thiers), du Syndicat national unitaire des instituteurs professeurs des écoles, devant les IUFM et une annexe de la CUB (photos).

    « Nos enfants ne sont pas des cobayes », « Hollande démission », « No Gender », tels sont les messages aperçus sur ces bâtiments.

    Le planning familial (proche de la gauche et de l’extrême-gauche) a porté plainte hier matin « pour dégradations et menaces de mort », par l’intermédiaire de sa présidente, Nicole Blet.

    Dans un communiqué de presse, le candidat socialiste à la mairie de Bordeaux, Vincent Feltesse, (qui avait donné 20 000 euros sur sa réserve parlementaire au Planning Familial), « apporte naturellement son soutien à l’association ».

    Bordeaux : Le Printemps Français affiche contre le Gender

    Bordeaux : Le Printemps Français affiche contre le Gender