Jérôme Besnard est aujourd'hui l'un des meilleurs connaisseurs de ce que l'on appelle la droite, de son histoire, des événements qui l'ont façonnée et de ses réseaux. Il nous offre une évocation bien troussée de ses deux siècles d'existence pour mieux réfléchir à son avenir. On ne s'ennuie pas !
Propos recueillis par l'abbé G. de Tanoüarn
Vous venez de publier ce livre que l'on attendait depuis longtemps sur la droite, une droite dont vous affirmez dès votre titre, qu'elle est « imaginaire ». Qu'entendez-vous par cet adjectif ?
Je voudrais souligner qu'historiquement la droite n'est pas parvenue en France à une véritable maturité, comme on peut le constater en Grande Bretagne par exemple. En 1818, Chateaubriand créa le journal Le Conservateur qui parut jusqu'en 1820, avec tout un aréopage de talents, de Villèle à Joseph Fiévée et de Lamennais à Bonald. Las… L'aventure fut de courte durée. François Fillon de son côté, deux siècles plus tard, dans les circonstances que l’on connaît, a échoué à constituer un véritable Parti conservateur, quel que soit le nom qu'il aurait revêtu. Je crois que François Huguenin, écrivant Le conservatisme impossible (La Table ronde, 2006), avait vu cette immaturité, avait sérié cette difficulté de la droite à s'identifier elle-même. On est entré en turbulence en 1789 et à la différence des Anglais, on n'a pas digéré notre Révolution. Cela se manifeste à travers des mythes fondateurs viciés. L'invocation rituelle que l'on fait aux « valeurs de la République » est toujours imprécise. Quant à « l'Être suprême », c'est un être suprême zombie. Même les droits de l'homme sont difficiles à manier. Marcel Gauchet l'a bien vu dans son récent Robespierre, il est impossible de fonder une démocratie sur les droits de l'homme. L'universalisme, c'est bien mais ce n'est pas suffisant, comme le montrent les difficultés que nous avons aujourd'hui à décider d'une politique migratoire. Les Anglais l'ont bien vu, qui parlent plutôt des droits de la personne que de droits de l'homme. Dans la tradition anglaise de l’Habeas corpus (1215), ils entendent construire « un mur de libertés » autour de la personne. Nous, on essaie toujours d'imposer une transcendance, une idée transcendante de l'homme. On va à l'échec. C'est un peu la quête en politique d'une transcendance impossible.
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