Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 676

  • Gaspard Proust à propos de la France : « La réalité, c’est que la France est devenue un pays multiculturaliste : alors quel intérêt de devenir français ? »

    Gaspard Proust à propos de la France : « La réalité, c’est que la France est devenue un pays multiculturaliste : alors quel intérêt de devenir français ? »

    Le numéro du Point en date du 28 novembre publie un entretien avec Gaspard Proust.

    On y apprend que l’humoriste a une double nationalité suisse et slovène (la Slovénie étant son pays d’origine) et n’a pas la nationalité française. Il est d’ailleurs interrogé sur ce sujet :

    « Pourquoi n’avoir jamais demandé la nationalité française ? ».

    Sa réponse est franche et cruelle :

    « En 1990, j’étais au lycée français d’Alger. J’étais un petit Slovène. A cette époque, je regardais la France, admiratif, me disant que, si un jour j’avais le passeport français, je pourrais dire à mes enfants : Voyez, maintenant vous faites partie d’une nation immense où vos ancêtres –même si vous avez chopé le train en route- s’appellent désormais Charlemagne, Louis XIV, Napoléon, de Gaulle, Hugo, Molière, Baudelaire, Camus, Monet, Rodin, David, Poussin etc… La France, ce n’est pas seulement une vague idée fumant au-dessus de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, c’est une réalité brute, c’est une terre, un peuple, une culture ; bref, un monde. Aujourd’hui je connais peu de personnes venant des pays de l’Est –et je ne parle même pas des amis suisses- qui voudraient du passeport français. Car un pays qui se méprise à ce point-là, qui s’incline devant tout n’est plus attirant… Je vois du matin au soir les hommes politiques éructer « La République : La République ! La République ! » Mais des républiques, il y en a plein dans le monde. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le mode d’organisation de votre démocratie, mais ce qui fait que la France est la France et non pas la Slovénie, l’Allemagne, l’Algérie ou la Corée du Sud. La réalité, c’est que la France est devenue un pays multiculturaliste : alors quel intérêt de devenir français si on me fait l’éloge de pouvoir tout le temps la ramener avec mes origines ? J’ai même changé mon prénom et mon nom, car je ne voulais pas qu’on me renvoie d’où je viens. Je veux me fondre parmi les Français. Or ce n’est plus audible aujourd’hui.»

    https://www.lesalonbeige.fr/gaspard-proust-a-propos-de-la-france-la-realite-cest-que-la-france-est-devenue-un-pays-multiculturaliste-alors-quel-interet-de-devenir-francais/

  • Les falsificateurs de l’histoire et le mythe d’al-Andalus

    Le-mythe-Al-Andalus-320x400.jpgFaut-il répondre aux attaques insidieuses, aux violences verbales, aux débordements de haine des historiens polémistes qui contestent l’existence du mythe d’al-Andalus? Pour ma part, j’ai toujours préféré le silence réprobateur à la polémique partisane estimant que celle-ci ne mène à rien et qu’elle est une perte de temps. Mais une fois n’est pas coutume et je me sens aujourd’hui le devoir d’éclairer le lecteur qui se laisserait abuser de bonne foi par le discours captieux et malveillant de quelques spécialistes ou prétendus tels.

    J’ai contribué à faire connaitre en France les travaux démythificateurs et démystificateurs de trois grands spécialistes du sujet, deux Espagnols et un Américain: d’abord, Serafín Fanjul, arabiste, professeur de littérature arabe, membre de l’Académie royale d’histoire, auteur d’Al-Andalus contra España (2000) et  de La quimera de al-Andalus (2004), publiés dans l’Hexagone en un seul volume sous le titre Al-Andalus, l’invention d’un mythe (2017) ; ensuite, l’Américain Darío Fernández Morera, professeur de littérature romane et hispanique, auteur de The Myth of the Andalusian Paradise (2015) [en français : Chrétiens, juifs et musulmans dans al-Andalus (2016)], et, finalement, Rafael Sánchez Saus, professeur d’histoire médiévale, ex-doyen de faculté et recteur d’université, membre de l’Académie royale hispano-américaine, auteur d’Al-Andalus y la Cruz (2016) dont la traduction vient d’être publiée sous le titre Les chrétiens dans al-Andalus. De la soumission à l’anéantissement (2019).

    J’ai écrit les introductions des livres de Serafín Fanjul et de Rafael Sánchez Saus et Rémi Brague, spécialiste reconnu de philosophie médiévale, a bien voulu préfacer l’ouvrage de Dario Fernández Morera dès que je lui ai appris son imminente publication en français. J’ajoute que bien sûr d’autres ouvrages mériteraient d’être traduits, notamment Acerca de la conquista árabe de Hispania. Imprecisiones, equívocos y patrañas (2011) [Autour de la conquête arabe. Imprécisions, équivoques et supercheries] (2011) du professeur d’études arabes et islamiques de l’Université de Salamanque Felipe Maíllo Salgado qui, je l’espère, ne tardera pas à trouver lui aussi un éditeur français.

    Ces trois livres publiés récemment constituent autant de jalons définitifs dans la démythification de l’histoire d’al-Andalus. Ils sont distincts par leurs approches et leurs méthodes mais aussi en raison des expertises différentes de leurs auteurs et ils se complètent parfaitement. Serafín Fanjul analyse minutieusement l’idée du caractère paradisiaque ou de l’Eden terrestre d’al-Andalus puis les survivances « arabes » ou musulmanes qui seraient prétendument passées d’al-Andalus à l’Espagne et auraient modelé le caractère espagnol. Le second, Darío Fernández Morera, examine les pratiques culturelles concrètes des communautés musulmanes, chrétiennes et juives sous l’hégémonie islamique, en les comparant avec d’autres cultures méditerranéennes, plus particulièrement avec celles de l’Empire chrétien gréco-romain ou byzantin. Le troisième, enfin, Rafael Sánchez Saus, étudie le sort des chrétiens d’Afrique du nord et d’Espagne : l’irruption de l’islam et la constitution de l’Empire arabe, la conquête et la naissance d’al-Andalus, les premières réactions des chrétiens, le régime d’oppression de la dhimma, la soumission, la collaboration, l’orientalisation et l’arabisation, le mouvement des martyrs, la résistance, la révolte, la persécution et l’éradication finale des chrétiens d’al-Andalus.

    Le mythe d’al-Andalus est évidemment nié, contesté, voire dissimulé, non seulement  par des militants extrémistes mais aussi par des universitaires soucieux de défendre leur pré carré. Ce mythe c’est l’idée du « Paradis perdu », de « l’Âge d’or » ou de « l’Eden », soutenue par une infinité de textes arabes, mais tout aussi chérie par bon nombre d’européens. En contrepoint, on trouve la notion, non moins omniprésente, de la menace du monde chrétien qui est qualifié d’ignorant, brutal, barbare, intolérant, militariste et… européen. C’est l’idée d’un islam tolérant, avancé ou « progressiste » avant la lettre, reprise par nos contemporains soucieux de démontrer le caractère ouvert, modernisateur et tolérant de l’islam. C’est la vision « iréniste » de la coexistence harmonieuse des trois cultures d’al-Andalus, si répandue, qu’il est devenu presque impossible de la corriger. Une sorte de dogme imposé en dépit de toutes les recherches historiques de spécialistes rigoureux et désintéressés qui ont démontré le contraire.

    Ce mythe d’al-Andalus est actuellement répandu par trois catégories de personnes. Premièrement, par des hommes politiques et des journalistes, qui sont parfois de bonne foi et/ou ignorants mais plus souvent opportunistes (ceux-là craignent la censure du « politiquement correct ») ; deuxièmement, par des exaltés ou des islamophiles extrémistes ; enfin, troisièmement, par des universitaires conformistes qui défendent bec et ongles leurs intérêts corporatifs. C’est plus particulièrement dans les deux dernières catégories que se recrutent les plus virulents polémistes contre les travaux de Fanjul, Fernandez Morera, Sanchez Saus et généralement contre tous les auteurs qui critiquent ce mythe.

    Les plus exaltés sont souvent des partisans de la thèse fantaisiste selon laquelle les Arabo-musulmans n’auraient jamais envahi militairement l’Espagne. Cette thèse cherche indirectement à montrer que le catholicisme est une religion étrangère à l’Espagne. Elle aurait été, disent-ils, répudiée par les habitants de l’ « Hispanie », et n’aurait triomphé, par la force et la violence que quelques temps avant la présence musulmane. Elle a été développée à la fin des années 1960 par le paléontologue Ignacio Olagüe (qui avait été membre des JONS dans sa jeunesse, le mouvement politique national-syndicaliste de Ramiro Ledesma Ramos). Elle est reprise aujourd’hui par les nationalistes andalous et notamment par le philologue néo-marxiste, professeur de l’Université de Séville, Emilio González Ferrín.  Dans la même ligne, on peut citer les travaux de l’orientaliste et théoricienne de l’Universalisme unitarien, Sigrid Hunke qui avait travaillé dans sa jeunesse pour la SS (Institut de recherche Ahnenerbe). Partisane du néo-paganisme national-socialiste, apologiste de l’islam, « religion virile contre la religion chrétienne des esclaves efféminés », elle considérait que l’héritage arabo-musulman de l’Occident était plus direct voire plus important que l’héritage gréco-romain. Ces thèses, ou plutôt ces élucubrations, ont autant de crédibilité que celles qui font des extraterrestres les constructeurs des pyramides.

    Dans la seconde catégorie, celle des universitaires conformistes, parfois figés et routiniers voire rétrogrades, on trouve un bon nombre d’arabistes, d’anthropologues et quelques médiévistes. Ainsi l’anthropologue antisioniste José Antonio González Alcantud, ne craint pas le ridicule en affirmant que « Les négationnistes du lien andalou emploient des méthodes semblables à celles des négationnistes de l’Holocauste » (voir son livre : Al Ándalus y lo Andaluz, 2017).  Mais on doit citer ici surtout un exemple archétypal, bien qu’il s’agisse d’un parfait inconnu hors d’Espagne, celui de l’historien de l’Université de Huelva, Alejandro García Sanjuán (Voir ses recensionsdans Historiografías, 12, juillet-décembre 2016 et dans Les cahiers de civilisation médiévale, CESCM, juillet-septembre 2018). García Sanjuan s’oppose avec véhémence aux tenants de la thèse « catastrophiste » qu’il qualifie d’« espagnoliste », de « nationale-catholique », ou de « franquiste ». Il a pour bête noire les historiens qui utilisent les notions d’ « invasion » arabo-musulmane et de Reconquista / Reconquête, parce qu’elles sont – selon lui – associées « à une idéologie déterminée ». Amateur de polémique, nostalgique d’une Andalousie supposée « communautariste », affichant ouvertement ses préjugés, García Sanjuán laisse libre cours à ses trois obsessions ou phobies : le christianisme, l’Église et la Nation.

    Accumulant clichés et jugements de valeur, incohérences conceptuelles et platitudes présentées avec emphase, il se situe finalement en dehors de la connaissance historique. Les nations, dit-il avec élégance, « naissent, comme les hommes couvertes de sang et de merde » ; l’ « épisode » (sic !) des martyrs de Cordoue est sans importance parce qu’il n’est pas mentionné dans les sources arabes (sic !) ; la dhimma doit être resituée dans son contexte pour comprendre « sa vraie nature », son caractère protecteur (sic !) qui, évidemment, était « très distinct » de l’ « apartheid  authentique » pratiqué par les États-Unis au XIXe siècle et par l’État d’Israël encore aujourd’hui. Feignant de s’étonner qu’on ne parle pas « d’invasion catholique d’al-Andalus », García Sanjuán sombre dans la plus puérile et superficielle défense corporatiste lorsqu’il prétend que la mythification de la « tolérance andalouse » aurait été minime chez les arabistes et que ces derniers auraient été bien plus habitués à l’autocritique que les médiévistes. En résumé, un modèle de pseudo-histoire dénigrante, infamante et vindicative.

    Idéologue sans vergogne, Sanjuan affirme que l’œuvre de Fanjul se « rattache directement à la montée actuelle du fascisme au niveau international », ce qui ne manque pas de saveur lorsqu’on sait que le célèbre académicien et arabiste est un ancien communiste, un antifranquiste notoire, un agnostique qui, à ce jour, n’a jamais été mêlé ni de près ni de loin à l’extrême droite ou aux populismes européens. Mais qu’importe, tout est bon pour décrédibiliser son adversaire ; García Sanjuan s’en prend donc aussi au passage, non pas à mon introduction au livre du prestigieux académicien – l’absence et la pauvreté de l’argumentation étant chez lui la règle -, mais directement à ma personne.

    L’anecdote est révélatrice de l’agressivité, voire de l’esprit de la Tcheka qui anime cet auteur et qui malheureusement contamine aussi de petites publications universitaires. C’est un modèle parfait de manière tendancieuse, partielle et partiale de rapporter les faits. Il est sidérant de devoir rappeler à un universitaire, qui soi-disant se réclame des Lumières (un courant qui, il est vrai, n’a jamais été que la convergence de tendances idéologiques distinctes, contradictoires et souvent opposées), que l’enseignement de l’histoire consiste moins à présenter des vérités incontestées que des hypothèses contestables, à éveiller des curiosités, plus qu’à donner des certitudes définitives sur le passé. Mais fermons le ban !

    Reprenons les propres mots de García Sanjuan : « La présence de ce texte dans le travail de S. Fanjul doit être considérée comme un fait très significatif » écrit-il. « Apparaissant (sic !) comme membre correspondant de l’Académie royale d’histoire Espagne », l’auteur A. Imatz s’est fait connaitre dans la péninsule, « par sa présence dans des réseaux tels que la Fondation José Antonio du nom du fondateur de la Falange Española, principal parti politique fasciste espagnol ». On voit bien sûr où il veut en venir. Quelques précisions et éclaircissements s’imposent donc ici pour répondre aux semi-mensonges et demi-vérités de ce néophyte en matière d’histoire des idées politiques.

    D’abord, García Sanjuan omet bien évidemment de dire que je suis l’auteur d’une thèse de doctorat d’État sur la pensée politique de José Antonio Primo de Rivera (1975), qui m’a valu en son temps une mention très honorable, les félicitations unanimes du jury et une recommandation officielle pour son édition. Je rappelle au passage à ce professeur ignorant ou de mauvaise foi (on ne sait ?) que le national-syndicalisme josé-antonien était plus proche du non-conformisme personnaliste français ou du Fianna Fáil irlandais que du fascisme italien et que les témoignages d’estime et de respect pour le jeune et très chrétien avocat madrilène, exécuté après une parodie de procès en 1936, sont légions (Il existe pas moins de 1000 témoignages qui proviennent de contemporains et de compatriotes aux sensibilités et convictions très diverses tels ceux des libéraux, socialistes et anarchistes Miguel de Unamuno, Salvador de Madariaga, Julián Zugazagoitia, Félix Gordón Ordás, Indalecio Prieto, Teodomiro Menéndez et Diego Abad de Santillán ou des écrivains Federico García Lorca et Rosa Chacel). En Espagne, cette thèse a fait l’objet de quatre éditions dont trois préfacées par l’un des plus grands économistes espagnols, membre de l’Académie royale des sciences morales et politiques, président de la Société royale de géographie, Juan Velarde Fuertes. Ce dernier a bien été un phalangiste… mais il y a plus de 50 ans, dans les années 1960 (N’importe quel connaisseur du thème sait par ailleurs que nombre d’Espagnols se déclarent josé-antoniens sans être pour autant phalangistes ou national-syndicalistes).

    En ce qui concerne la Fondation culturelle José Antonio Primo de Rivera, il n’est pas inutile de rappeler que son président d’honneur, Miguel Primo de Rivera y Urquijo, neveu de José Antonio, a été une figure clef durant la transition démocratique en raison de sa proximité et de son amitié avec le roi Juan Carlos I et que son influence a été déterminante pour qu’Adolfo Suarez devienne le premier président du gouvernement dans l’Espagne démocratique. J’ai en effet une relation amicale avec l’un des membres de cette Fondation, le professeur Cansino, qui vient de se voir attribuer la chaire d’économie de l’Université de Séville en raison de la qualité de ses travaux. Il a présidé l’hommage public qui m’a été rendu en octobre dernier à Séville au club Jovellanos (du nom de l’un des plus fameux représentants espagnols de la philosophie des Lumières). Quant à mon militantisme ou plutôt mes sympathies politiques passées et réelles, elles sont gaullistes ; elles remontent aux années 1965-1969 et je ne les renie pas.

    Historien-militant, aveuglé par le sectarisme, García Sanjuan ne se soucie, ni ne s’embarrasse de précisions ou de nuances. À l’entendre, l’Académie royale d’histoire d’Espagne, où siègent des membres aux convictions différentes, depuis Podemos jusqu’au Parti populaire en passant par le PSOE, ne serait que « le bastion de l’académisme espagnol le plus traditionaliste ». Fait significatif (pour reprendre l’expression qu’il semble affectionner), García Sanjuan est l’un des deux seuls historiens qui ont fait partie de la Commission d’experts nommée par la municipalité de Cordoue pour se prononcer sur la titularité de la propriété de la Cathédrale-mosquée (Cathédrale Assomption de Notre Dame de Cordoue), polémique réactivée périodiquement par la gauche et l’extrême gauche depuis le début des années 2010. Cette commission de six membres, dont une majorité appartenait au PSOE, était présidée lors de sa formation par Carmen Calvo, future vice-présidente du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez. Elle a émis, en septembre 2018, un avis défendant la propriété publique du monument aux dépens des droits de l’Église ce qui lui a valu la réponse cinglante de plus de quarante médiévistes, chercheurs et professeurs des universités dénonçant son absence totale de rigueur (Voir : Document – manifeste, El Mundo, 22 septembre 2018).

    Bizarrement, la légèreté et l’aveuglement de García Sanjuan n’empêchent pas Emmanuelle Tixier du Mesnil, maître de conférences en histoire médiévale à l’Université Paris-Ouest de Nanterre, de citer voire de reproduire de manière acritique (sans toujours le citer) ses arguments fallacieux, ses fantasmes et ses stupidités (voir L’Histoire nº 457, mars 2019). Critiquant misérablement l’élection de Fanjul à l’Académie, cette apprentie enseignante sombre dans le racolage et la démagogie et atteint le comble du grotesque et de l’odieux lorsqu’elle prétend que l’académicien a rencontré « un certain écho, y compris en France, au-delà des cercles d’extrême droite auxquels était jusque là cantonné son auteur ». 

    Parmi les historiens polémistes et militants du même acabit on pourrait encore citer l’Américaine d’origine cubaine, María Rosa Menocal, ou, en France, Alain de Libera, Jean Pruvost et Abderrahim Bouzelmate. L’arabiste Espagnole Maribel Fierro est sans doute la plus modérée dans la diatribe (voir Revista de Libros, mars 2019), bien qu’elle reproduise sur un mode « soft » quelques uns des clichés les plus rebattus. C’est, dit-t-elle, «  faire beaucoup de bruit pour ne rien dire » ; les  spécialistes savaient tout déjà depuis longtemps ; il y a bien eu des violences, mais somme toute normales dans une société médiévale ; par ailleurs « il y avait un cadre légal », et « la dhimma avait aussi ses avantages ». En tant que fille de républicain, elle sait, ajoute-t-elle, « ce qu’est  la liberté d’expression ». Mais elle ne nous dit pas si les communistes, les socialistes bolchevisés et les anarchistes des années trente étaient vraiment des modèles de démocrates (?) En résumé, il n’y aurait selon elle de mythe que dans la tête de ceux qui le prétendent, qui bien sûr ne font que forcer la note. « No pasa nada » disent les Espagnols, nous disons : « Circulez y’a rien à voir ! ». Un procédé classique, bien connu, qui dans le fond est assez puéril. Il s’agit de construire une image négative de son adversaire pour mieux faire valoir la qualité de la cause que l’on défend.

    Un dernier facteur important explique les charges ou réquisitoires cités contre Fanjul, Fernandez Morera et Sanchez Saus : le ressentiment devant l’accueil positif voire admiratif qu’une bonne partie de la grande presse a réservé à leurs travaux et plus encore l’envie devant leurs incontestables succès d’éditions. Quatre mois après la parution du livre de Fanjul, celui-ci avait déjà été vendu à plus de 10 000 exemplaires. Un record pour un livre d’histoire qui vient d’être republié en édition de poche. Les livres de Fernández Morera et Sanchez Saus sont aussi, d’ores et déjà, des succès. Le silence n’est désormais plus de mise. Aussi, quelques universitaires aigris et manichéens, condamnés à ne connaitre que quelques centaines de lecteurs, recourent-ils à l’habituelle panoplie des armes et des stratagèmes les plus conventionnels pour essayer d’allumer des contre-feux: d’où les calomnies, les insultes, les insinuations, les attaques contre les convictions religieuses ou les supposées options politiques, les accusations, d’islamophobie, de nationalisme, de fascisme ou encore celle de vouloir fomenter le choc des civilisations, sans oublier, bien sûr, l’usage terroriste de l’argument prétendument « scientifique » et l’appel à la répression ou à l’exclusion de la communauté académique. En somme, la banale et sempiternelle rhétorique ad hominem et ad personam, plus propre des mœurs de l’Union soviétique, de l’Allemagne national-socialiste ou des républiques bananières que des pays démocratiques. Mais l’ennui avec Fanjul, Fernández Morera et Sánchez Saus, c’est que leurs démonstrations sont solides, rigoureuses, pondérées et que leurs sources sont irrécusables.

    Dans le fond, ce qui gêne peut être le plus c’est la conclusion que l’on peut tirer de leurs trois ouvrages : il ne faut pas chercher des recettes salvatrices de la coexistence harmonieuse avec l’islam dans un passé mythique, au moyen d’une baguette magique, mais la coexistence, la « vie en commun pacifique », le « vivre-ensemble » comme on dit aujourd’hui, doivent se fonder sur l’application des lois, le respect des constitutions et l’acceptation des habitudes et des coutumes culturelles européennes.

    Cela dit, de grâce, Mesdames et Messieurs les clabaudeurs, laissez donc travailler sereinement les chercheurs et les historiens.

    Arnaud Imatz

    Docteur d’État ès science politiques

    Membre correspondant de l’Académie royale d’histoire d’Espagne

    https://cerclearistote.com/2019/04/les-falsificateurs-de-lhistoire-et-le-mythe-dal-andalus/

  • «Dictionnaire des populismes» avec Olivier Dard

  • Royalistes : Formation et militantisme : Compiègne, Strasbourg, Toulouse...

    Annotation 2019-11-24 2122.jpg

    Annotation 2019-11-23 182145.jpg

     

    Annotation 2019-11-24 21.jpg

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/11/28/formation-et-militantisme-strasbourg-6192791.html#more

  • La Petite Histoire : La marine impériale sous Napoléon


    On a trop souvent entendu dire que Napoléon, après la défaite de Trafalgar, a délaissé sa marine. Pire : qu’il ne s’y intéressait pas ! Rien de plus faux. Certes, après l’échec de son projet d’invasion de l’Angleterre, l’Empereur est contraint de changer ses plans. Mais dès 1805, il lance un projet pharaonique de reconstruction de la marine, au point d’en faire une idée maîtresse dans l’expansion de l’empire. Retour sur une idée reçue sans aucun fondement.

    https://www.tvlibertes.com/la-petite-histoire-la-marine-imperiale-sous-napoleon

  • JEUDI 28 NOVEMBRE, AU COURS DE L'ÉMISSION "SYNTHÈSE" SUR RADIO LIBERTÉS, STÉPHANIE BIGNON, PRÉSIDENTE DE TERRE ET FAMILLE, NOUS PARLERA DE La Défense DE LA RURALITÉ

    Diapositive1 copie 7.jpg

    LES PRÉCÉDENTES ÉMISSIONS CLIQUEZ IC

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2019/11/23/jeudi-28-novembre-au-cours-de-l-emission-synthese-sur-radio-6192648.html

  • Recension de « Lénine, l’inventeur du totalitaris

    Courtois.jpgStéphane Courtois, Lénine, l’inventeur du totalitarisme, Perrin, 2017, 500 p.

    Stéphane Courtois, directeur de recherches au CNRS, maître d’œuvre en 1997 du Livre noir du communisme, nous livre ici une biographie politique de Lénine  inspirée de la méthode d’Alexandre Soljenitsyne lequel, « dans son grand œuvre, La Roue rouge, a cherché à dégager des nœuds structurant le récit historique des moments où l’histoire bascule et prend une direction irrémédiable. ».

    Dans ce gros ouvrage, Courtois a cherché « à établir dans quelles circonstances et par quels chemins Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, fut amené à créer le premier régime totalitaire de l’histoire. Et à démontrer l’inanité de deux idées largement répandues : d’une part, que le régime instauré par Staline après 1924 et jusqu’en 1953, qui perdura avec une plus ou moins haute intensité jusqu’à son implosion en 1991, avait peu ou rien à voir avec celui instauré par Lénine en novembre 1917 ; d’autre part, que c’est sous la contrainte des événements consécutifs à sa prise du pouvoir que Lénine mit en œuvre, entre 1918 et 1921, ce qu’on nomma « le communisme de guerre », caractérisé par des mesures extrêmes dans tous les domaines et qui donna son orientation définitive au régime. »

    Au delà de cette problématique, l’un des points forts du livre consiste dans la description des mouvements révolutionnaires russes de la fin du XIXe siècle. On y relève en permanence l’influence du Que faire ? de Nicolas Tchernichevski sur le jeune Vladimir Oulianov, tout comme celle de Netchaïev à travers son Catéchisme d’un révolutionnaire.

    Dès 1899, alors en exil en Sibérie, celui qui n’était encore que Vladimir Oulianov commence en effet à préciser ses thèses. Il revendique pour le Parti social-démocrate de Russie un double monopole, idéologique et politique. Courtois montre comment le rejet doctrinal de la société auquel il procède alors va précisément être « à l’origine de l’invention du totalitarisme, ce phénomène dont l’une des caractéristiques essentielles serait l’écrasement de la société civile et la volonté du parti au pouvoir de contrôler jusqu’aux individus. » Lénine s’oppose constamment aux socialistes réformistes et se donne comme véritable tâche « d’organiser la lutte de classe du prolétariat et de diriger cette lutte dont le but final est la conquête du pouvoir politique par le prolétariat et l’organisation de la société socialiste. » Tâche difficile dans un pays où la classe ouvrière ne représentait guère que 1% de la population.

    En 1901, furent créés à la fois, l’Iskra (« L’étincelle »), un journal destiné à l’ « agitation » (la diffusion d’un petit nombre d’idées à un grand nombre de personnes), et une revue, Zaria (« L’aurore »), réservée à la « propagande » (la diffusion d’un grand nombre d’idées à un petit nombre de personnes).

    En mars 1902, Lénine publie à Stuttgart une brochure qui fera grand bruit : Que faire ? Il y expose sa stratégie et sa vision de l’organisation du « parti » : une organisation clandestine formée de révolutionnaires professionnels, reprenant ainsi l’idée du « permanent » déjà mise en œuvre à l’époque dans la social-démocratie allemande. Il préconisera la création de « détachements d’ouvriers révolutionnaires spécialement préparés par un long apprentissage,… dévoués corps et âme à la révolution », et qui « jouiront de la confiance illimitée des masses ouvrières. » « En substituant le parti à la classe, Lénine modifiait profondément la pensée marxiste », analyse Courtois.

    Dès cette année 1902, les métaphores militaires abondent dans la prose léniniste ce qui conduit Courtois à évoquer « une forte militarisation de sa pensée » et un discours « dominé par une vision belliciste », alors même que Vladimir Oulianov n’avait pas fait son service militaire. Selon le Que faire ? en effet, l’organisation du parti doit reposer sur « une discipline quasi-militaire », l’objectif final étant de détruire « la société capitaliste et bourgeoise » par « l’insurrection armée du peuple. »

    Courtois relève que « toute la problématique de 1917, des années de guerre civile et du communisme du XXe siècle, celle du conflit radical entre démocratie et totalitarisme », émergeait déjà en 1904 avec la brochure de Lénine intitulée Un pas en avant, deux pas en arrière, qui acte la scission bolcheviks/mencheviks intervenue en 1903 lors du IIe Congrès.

    La révolution de 1905 est l’occasion pour Lénine de publier un article prophétique sur la Vendée où il prévient déjà : « La guerre civile ne connaît pas de neutres. » Il tirera plus tard les enseignements de l’échec du soulèvement bolchévik de Moscou en décembre 1905 et le mettra sur le compte d’une trop grande pusillanimité : « Il est des moments où les intérêts du prolétariat exigent l’extermination implacable de ses ennemis… » Au début du mois de mai 1905 était survenu un phénomène nouveau, qui réapparaîtra en 1917, le soviet (conseil), élu par les classes populaires urbaines puis rurales pour prendre en charge l’administration locale. C’était en réalité le fruit d’une tactique proposée par les mencheviks, qui fut dans un premier temps violemment critiquée par Lénine.

    Le parti bolchévik est financé à cette époque grâce à deux importantes captations d’héritage et aux hold-ups réalisés par Staline dans le Caucase, qui permettent à Lénine et à ses affidés de vivre en exil une vie confortable de petit-bourgeois. Courtois relève à cet égard le charisme de Lénine, considéré par ses partisans comme un véritable « guide ».

    On peut souligner avec Courtois une autre particularité de la mouvance léniniste : « alors que les grandes social-démocraties d’avant 1914 présentaient un caractère ouvrier très marqué – en particulier en Allemagne, en Angleterre et en Belgique – , le parti bolchévique allait jusqu’en 1917 compter peu d’ouvriers mais nombre d’intellectuels déclassés et d’aventuriers n’hésitant pas à agir avec des bandits de grand chemin, des maîtres chanteurs et des escrocs. »

    A l’automne 1914, Lénine étudie attentivement le De la guerre de Clausewitz, ce qui lui permet, explique Courtois, « d’achever son puzzle intellectuel » en mettant en cohérence ses idées sur « la relation entre idéologie, violence et stratégie politico-militaire. » Il participe ensuite à la conférence de Zimmerwald, près de Berne, du 5 au 8 septembre 1915 et y défend les motions les plus radicales.

    La dernière partie de l’ouvrage est consacrée à la révolution d’octobre et à l’établissement du nouveau régime. Nous ne reviendrons pas sur les événements de 1917, suffisamment traités par l’historiographie, si ce n’est pour rappeler que l’effondrement du régime tsariste ne fut en rien provoqué par le mouvement ouvrier et révolutionnaire, alors au plus bas. En février 1917, les bolchéviks n’étaient en réalité que 2000 ou 3000 dans la capitale pour 400 000 ouvriers. « Il fut avant tout, pour Courtois, le résultat d’une crise qui minait le cœur de l’autocratie en raison même de la nature archaïque de son système politique . » Le passage d’une partie de l’armée à la révolution change la donne par rapport à 1905. En 1917, ce seront en effet les mutineries de certains régiments cantonnés à Saint-Pétersbourg, beaucoup plus que les grèves ouvrières, qui permettront aux bolchéviks de s’emparer du pouvoir.

    Dès la prise du pouvoir, on assiste à la mise en œuvre d’un « génocide de classe », l’extermination organisée par le pouvoir d’un certain nombre de catégories sociales désignées comme « ennemies ». Cette extermination est réalisée par un certain nombre d’exécutions sommaires (le 5 septembre 1918 est pris le décret instituant la terreur rouge, cette date ayant été choisie précisément pour rappeler la « mise de la terreur à l’ordre du jour » par la Convention le 5 septembre 1792), mais aussi par la déportation et par un système de rationnement privant les « oisifs » (intellectuels, aristocrates, prêtres,…) de toutes les nécessités vitales. Le pouvoir confisque finalement les biens de l’église orthodoxe précisément au moment de la grande famine de 1920-1921 causée par la saisie des récoltes.

    Inventeur d’un instrument politique inédit, inspiré du Catéchisme de Netchaïev. constitué selon le schéma développé dans Que faire ? par « un parti de révolutionnaires professionnels placé sous une direction toute puissante », la vision stratégique de Lénine saura allier attentisme et opportunisme pour s’emparer du pouvoir et éliminer ensuite ses opposants. C’est tout le mérite du livre de Courtois de nous présenter, pas-à-pas, cette stratégie et de nous montrer comment elle se met à tourner en roue libre et à se déconnecter du réel, aboutissant ainsi au totalitarisme.

    Le livre appelle cependant une réserve mineure. L’auteur tente en permanence d’expliquer certains traits de comportement du leader révolutionnaire par ses « origines aristocratiques ». C’est oublier que ce n’est qu’en 1874 (soit quatre ans après la naissance du futur Lénine) que son père Ilya, fils du serf  Nicolas Oulianine, fut promu directeur des écoles primaires de Simbirsk, avec le grade de « conseiller d’État titulaire », grade qui conférait alors automatiquement, dans le système administratif russe, la noblesse héréditaire. Un peu court pour évoquer une « éducation aristocratique » comme clé d’un comportement autoritaire et distant…

    Serge Gadal

    http://cerclearistote.com/2019/08/recension-de-lenine-linventeur-du-totalitarisme-de-stephane-courtois-par-serge-gadal/

  • Passé-Présent n°260 : La nostalgie d’Ordre Nouveau

    Philippe Conrad reçoit André Posokhow pour évoquer l’action d’André Tardieu, plusieurs fois président du Conseil entre 1929 et 1932 puis Véronique Péan pour la présentation de l’ouvrage “Ordre Nouveau raconté par ses militants” aux éditions Témoignages et Documents.

    https://www.tvlibertes.com/passe-present-n260-la-nostalgie-dordre-nouveau

  • Faillite des fausses garanties

    6a00d8341c715453ef0240a4efdfcb200b-320wi.jpgAyons aujourd'hui, d'abord, une pensée pour rendre hommage aux soldats français tombés en Afrique pour la défense de l'Europe. Elle nous renvoie hélas aux centaines de milliers de nos grands-parents sacrifiés entre 1914 et 1918, dans un conflit européen, sans que nos dirigeants aient su empêcher par leurs décisions de 1919 que les combats reprennent en 1939.

    L'histoire recommence toujours.

    Ce qui se passe par exemple, en ce moment à Hong-Kong, où le régime de Pékin, cherche à tordre le bras à ceux qui croyaient aux accords de rétrocession de 1997, semble étonner nos bien-pensants. La Chine en effet, est en train de s'affirmer, sinon comme la principale puissance du monde, du moins comme la vraie rivale des États-Unis. Or, elle s'écarte des règles convenues lors de l'abandon de la dernière colonie  britannique.

    Il ne faut pas tenir pour totalement négligeables les modestes outils dont disposent les militants de la Liberté. Or, leurs seules ripostes possibles reposent, non sur les fausses garanties des accords internationaux, mais sur une lutte intelligente et courageuse, souvent soutenue par la foi chrétienne. Réponses du faible au fort, les actions de la jeunesse et du peuple de Hong-Kong ne se traduiront pas nécessairement par la défaite de l'opposition. Mais bien naïfs ceux qui croient encore possible de faire reculer un pouvoir dictatorial par de vertueuses condamnations morales.

    Les 14 points de Wilson, furent formulés en janvier 1918. Ils reflètent l'idéologie mondialiste, faussement moraliste, dans son intégralité et sa pureté. Ils réapparaîtront, au moment de Yalta en 1945, avec la Golden Peace de Roosevelt. Ils devinrent but de guerre des Alliés. À ce moment de la guerre, la finance américaine pouvait imposer ses conditions à des alliés occidentaux surendettés et abandonnés par la Russie.

    L'illusion a consisté à faire croire que cette prétendue guerre du Droit allait conduire à une paix durable, gérée la société des nations. Nous considérons aujourd'hui qu'il s'agit du premier conflit mondial mais, en fait, le deuxième en découla 20 ans plus tard, second acte d'une nouvelle et monstrueuse guerre de 30 ans.

    On a beaucoup reproché à Bismarck d'avoir, un jour, constaté que, dans l'histoire réelle des hommes, "la force prime le droit", une phrase célèbre mais qu'il a toujours démenti de l'avoir prononcée[1].

    Un lecteur de l'Insolent m'objectait hier[2] que l'on ne doit pas reprocher au traité de Versailles son injustice.

    En réalité ce n'est pas "l'injustice" qui est en cause mais l'absurdité sectaire. Aucune sortie de guerre ne saurait être considérée comme entièrement juste pour le vaincu. Je crains fort que ce soit des Gaulois qui ont immortalisé la formule Vae victis, que tous les lycéens latinisants ont apprise dans Tite-Live, et que par conséquent nous avons retenue dans la langue des Romains un moment envahis par le chef Brennos vers 387 avant Jésus-Christ.

    Ce lecteur fait référence à un livre de Chevènement, qui s'intitule "l'Europe est-elle sortie de l'Histoire ?"[3]. Ancien ministre de Mitterrand et rédacteur du programme commun de la gauche, l'auteur n'hésite pas à rappeler la condamnation bien connue, formulée par Jacques Bainville à l'encontre de la paix de Versailles "trop forte pour ce qu'elle avait de faible, trop faible pour ce qu'elle avait de fort".

    Ceci résume sans doute l'aspect géopolitique du traité qui aboutira finalement à une constitution allemande plus centralisée que celle de Bismarck. Les Français ignorent trop souvent que le fameux Second Reich, issu du Deutscher Bund de 1815, éclaté en 1866, puis réorganisé au Nord en 1867, rallia après 1871 les principautés de l'Allemagne du sud, fonctionnait en réalité sur une base confédérale. L'Empire disposait, dois-je le rappeler, d'un régime parlementaire et d'un très fort parti social-démocrate.

    Pourquoi la paix punitive de Versailles n'a-t-elle pas tenu compte de cet héritage ? Il remontait à la très ancienne constitution du Saint-Empire, à la bulle d'Or du XIVe siècle, aggravée par le traité de Westphalie imposé par la France au XVIIe siècle. Pourquoi les dirigeants radicaux-socialistes et jacobins de 1917-1918 n'ont-ils pas appliqué la politique que Maurice Barrès suggérait[4]à propos de la Rhénanie ?

    En fait le mondialisme dès le départ exprimait l'aveuglement des banquiers internationaux.

    Ceux-ci, créanciers indirects, désiraient de façon impérative ne traiter qu'avec un seul débiteur, un seul partenaire, si possible le plus solvable. On élimina d'ailleurs les autres vaincus, l'Autriche-Hongrie puisqu'on l'avait détruite, la Bulgarie parce que trop pauvre, la Turquie parce que la dette ottomane n'avait jamais été honorée.

    Et Bainville, qui se situe sur le terrain d'abord géopolitique, mais qui n'ignore certes pas les questions économiques, évoque cette attitude des experts financiers. Simplement, son fameux livre n'est publié qu'en 1920 et le débat sur la Ratification s'est déroulé l'année précédente, entre août et septembre 1919.

    Car dans ce débat ce n'est pas la seule Action française qui critique la politique de Clemenceau, on peut même dire qu'elle en partage à certains égards, par patriotisme, les mots d'ordre immédiats. À la Chambre des députés, c'est l'ensemble de la droite, qui voit juste quant à l'avenir, aussi bien les quelques élus monarchistes que le nationaliste républicain Barrès ou le chef de file des modérés Louis Marin qui dressera un réquisitoire de 30 pages[5]. Le premier intervenant, Louis de Chapdelaine[6], lui aussi élu conservateur, décrit pratiquement sans erreur de diagnostic et de pronostic, aussi bien les conséquences directes du traité que les capacités de redressement du peuple allemand cependant que presque toute la gauche s'engouffre dans la rêverie du mondialisme.

    Ainsi s'illustra le discours du socialiste Jean Longuet[7], petit-fils de Karl Marx[8] : c'est précisément à ce moment que l'on apprit que le Sénat américain ne ratifierait pas le traité et que les États-Unis n'adhéreraient pas à la SDN ce qui renversa tout l'échafaudage.

    Au bout du compte, on constate une fois de plus que l'utopisme et les slogans de la gauche se révèlent de puissants relais des erreurs des technocrates et autres financiers internationaux.

    JG Malliarakis  

    6a00d8341c715453ef0240a4c86ca3200d-320wi.jpgTout a été dit au long des débats de 1919 à la Chambre des députés...

    TABLE DES MATIÈRES : Note de l'éditeur par JG Malliarakis -- Introduction de 1945 I. Les Préambules [Chappedelaine - Raiberti - Charles Benoist] II. Pour une politique d’après guerre [Maurice Barrès - Albert Thomas] III. Plaidoyer et Réquisitoires [Tardieu - Barthou - Franklin-Bouillon] IV. La prochaine guerre viendra par Dantzig [Marcel Sembat] V. Réparations et organisation économique [Bedouce - Klotz - Dubois - Auriol - Loucheur] VI. Le désarmement [André Lefèvre] VII. Un ténor : Viviani VIII. Travail et Colonies [Colliard et Simon] IX. Du socialisme à l’extrême-droite [Longuet et Marin] X. Clemenceau intervient et XI. Dernières interventions [Renaudel - Lefèvre - Augagneur]  La conclusion de l'historien au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
    Épilogue : Quelques dates. Quelques chiffrages à propos des réparations.
    L'Occupation de la Rhénanie (1923-1930)  → Pour en savoir plus sur ce livre, lire aussi  "Les cent ans de la fausse paix de Versailles". •••  Ce livre de 204 pages paraîtra courant novembre. Il est proposé au prix de souscription de 18 euros franco de port jusqu'au 30 novembre. Paiement par carte bancaire sur le site de l'éditeur  [ou par chèque en téléchargeant un bon de commande]

    Apostilles

    [1]  On a voulu en faire son programme, alors que le chancelier de fer, comme on l'a surnommé sévèrement, remarquait  tout simplement aussi que "la diplomatie sans les armes c'est la musique sans les instruments". Déformant ces apophtegmes, on a d'ailleurs beaucoup caricaturé le prussianisme, comme réplique allemande du jacobinisme : la constitution bismarckienne de 1867-1871 était beaucoup moins centraliste que celle de la république française.
    [2] cf. L'Insolent du 26 novembre "Cette vieille gauche qui revient"
    [3] Livre publié en 2013 ed. Fayard.
    [4] cf. in "La Ratification du traité de Versailles" chapitre II "Pour une politique d'après-guerre" pp. 39 sq
    [5] cf. interventions du 18 au 23 septembre in ">"La Ratification du traité de Versailles"
    [6]  cf. ">"La Ratification du traité de Versailles" chapitre Ier pages 27sq

    [7]  cf. ">"La Ratification du traité de Versailles" chapitre IX pp. 135sq

    [8]  Aucun rapport avec son honorable homonyme qui fut président de la Région Lorraine.

    https://www.insolent.fr/2019/11/faillite-des-fausses-garanties.html