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culture et histoire - Page 694

  • GRANDS TEXTES XXIV: Politique naturelle et politique sacrée, par Charles Maurras

    (Ce texte est tiré de l'Introduction générale à l'ouvrage intitulé Le Bienheureux Pie X, Sauveur de la France, Plon, éditeur, Paris 1953).

                On ne croit pas être contredit par personne de renseigné si l'on juge que la politique catholique pose toute entière sur le mot de Saint Paul que tout pouvoir vient de Dieu, OMNIS POTESTAS A DEO. La légitimation du pouvoir ne peut venir que de Dieu.

                Mais, dans le même domaine catholique, ce pouvoir divin est entendu d'au moins trois manières et vu sous trois aspects.

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    Christ pantocrator, Basilique Saint Paul hors les murs, Rome; Mosaïque de l'abside

                    Il est d'abord conçu comme l'expression de volontés particulières impénétrables, insondables, décrets nominatifs qui ne fournissent pas leurs raisons, qui n'en n'invoquent pas non plus: choix des hommes providentiels, les César, les Constantin, les Alexandre, vocation des peuples, libre et souveraine grâce accordée ou refusée, profondeur et sublimité que l'on constate sans avoir à les expliquer ni à les commenter. Une volonté divine toute pure s'y donne cours (O altitudo !) qui provoque la gloire et l'adoration. 

                Secondement, l'exercice ou le spectacle de ces volontés suprêmes peut devenir, pour l'esprit ou le coeur de l'homme, un thème d'instruction, de moralisation et d'édification, tantôt pour étonner l'orgueil ou honorer l'humilité, tantôt pour les confondre l'un et l'autre et les persuader d'une sagesse qui manifeste la hauteur de ses conseils mystérieux. Nous avons dans l'oreille les magnifiques alternances de Bossuet: "Soit qu'il élève les trônes, soit qu'il les abaisse...", "de grandes et de terribles leçons". Là le Potestas a Deo semble attesté pour l'enseignement de la morale et de la justice, le progès des vertus personnelles de l'homme et son salut éternel. L'argument vaut pour discipliner ou discriminer les valeurs vraies et fausses. C'est aussi un thème de confiance et d'espoir pour ceux qui traversent une épreuve et qui appellent, d'en bas, l'innocence un vengeur et l'orphelin un père.

               Une haute éthique politico-métaphysique s'en déduit régulièrement.

                Mais, en sus des premiers déploiement des pouvoirs de la gloire de Dieu, comme des manifestations exemplaires de sa bienfaisance protectrice de l'homme, un troisième aspect doit être retenu: il arrive que l'OMNIS POTESTAS A DEO découvre un arrangement supérieur divinement établi. Ce qui est alors évoqué, c'est une suprême raison, la raison créatrice d'un plan fixe, clairement dessiné, d'un ordre stable et défini: de ce point de vue, les familles, les corps, les cités, les nations sont soumis de haut à des constantes d'hygiène, à des lois de salut, qui règlent leur durée et leur prospérité. Le substances vivantes, les corps physico-chimiques, même les arts humains, ont leurs conditions de stabilité et de progrès. De même les sociétés s'élèvent ou s'abaissent selon qu'elles se conforment ou non à cet ordre divin.

                Les deux Testaments s'accordent à dire: que les foyers soient bien assis, et vos enfants pourront être nourris, dressés, et éduqués; que les parents ne mangent pas de raisins verts, et leurs enfants n'auront pas les dents agacées; que l'Etat ne soit point divisé, il ne sera pas menacé de périr; que les corps sociaux naturels ne soient ni asservis ni desséchés par l'Etat, celui-ci et ceux-là auront ensemble la vigueur, l'énergie, la luxuriance; que la nation soit soutenue par l'expérience des Anciens et la force de la jeunesse, ses ressources en recevront le plus heureux emploi; que la tradition règle et modère les initiatives; que la jeune vie spontanée ravive et renouvelle les habitudes traditionnelles, les groupes sociaux en seront sains, solides, puissants; qu'au surplus le tendre amour de l'ascendance et de la descendance, comme celui dusol natal, ne cesse de gonfler le coeur de tous, le bien public s'en accroîtra du même mouvement, etc... etc... Mais surtout qu'on ne perde pas de vue qu'il y a ici un rapport d'effets et de cause ! Le bon arbre porte un bon fruit. Que le mauvais arbre soit arraché et jeté au feu. Si vous voulez ceci, il faut vouloir cela. Vous n'aurez pas de bon effet sans prendre la peine d'en cultiver la haute cause génératrice. Si vous ne voulez pas de celle-ci, la sanction du refus est prête, elle est très simple, elle s'appellera la "fin". Non votre fin, personne humaine, mais celle du composé social auquel vous tenez et qui dépérira plus ou moins lentement, selon que le mal, non combattu, aura été chronique ou aigu, superficiel ou profond. Les conditions de la société, si on les transgresse, laissent la société sans support, et elle s'abat.

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    "On s"en convaincra par une rapide lecture de la Politique tirée de l'ecriture sainte, où l'optime arrangement terrestre ne cesse d'être illustré, soutenu et, rappelons-le, légitimé, par un ordre du ciel..."

                Ce langage, nourri des "si" qui sont propres aux impératifs hypothétiques de la nature, n'est aucunement étranger aux théologiens dont je crois extraire ou résumer les textes fidèlement. Ce qu'ils en disent n'est pas tiré en en corps du Pater ni de Décalogue. Ils n'en signifiant pas moins un "Dieu le veut" indirect, mais très formel. On s'en convaincra par une rapide lecture de la Politique tirée de l'écriture sainte, où l'optime arrangement terrestre ne cesse d'être illustré, soutenu et, rappelons-le, légitimé, par un ordre du ciel.

                Or, s'il est bien curieux que cette POLITIQUE sacrée ait été inscrite par Auguste Comte dans sa bibliothèque positiviste, il ne l'est pas moins que tous les physiciens sociaux, qui se sont succédé depuis Aristote, ne parlent guère autrement que le docteur catholique Bossuet. A la réflexion, c'est le contraire qui devrait étonner: à moins que, victimes d'une illusion systématique complète, les théologiens n'eussent enchaîné ces déductions au rebours de toute réalité, l'accord n'était guère évitable. Les phénomènes sociaux se voient et se touchent. Leurs cas de présence, d'éclipse ou de variations, leurs durées, leurs disparitions, leurs croissances ou décadences, tombent sous les sens de l'homme s'il est normal et sain. Comment, s'il existe un ordre des choses visibles, ne serait-il pas déchiffré de quiconque a des yeux pour voir ? Bien entendu, il ne s'agit en ceci d'aucun Surnaturel révélé. C'est la simple lecture du filigrane de l'Histoire et de ses Ordres. Que disent-ils ? Quel est leur texte ? Voilà la question, non une autre. Car la question n'est pas ici de savoir quelle main a écrit cet ordre: qualem Deus auctor indidit, dit Léon XIII. Est-ce Dieu ? Ou les dieux ? Ou quelque nature acéphale, sans conscience ni coeur ? Cet Être des Êtres, créateur ou ressort central, peut, quant à lui, se voiler, Deus absconditus, qu'on affirme ou qu'on nie. Ce qui n'est pas caché, ce qui n'est pas niable, ce que voit un regard clair et pur, c'est la forme ou figure du plan (crée ou incréé, providentiel ou aveugle) tel qu'il a été invariablement observé et décrit jusqu'à nous. Quelques uns de ces impératifs conditionnels apparaissent comme des "aphorismes" à La Tour du Pin. Or cette rencontre, où convergent la déduction religieuse et l'induction empirique, est encore plus sensible dans ce qu'elle critique et conteste de concert que dans ce qu'elle a toujours affirmé.

                Le coeur de cet accord de contestation ou plutôt de dénégation entre théologiens et naturalistes porte sur le point suivant: LA VOLONTE DES HOMMES NE CREE NI LE DROIT NI LE POUVOIR. NI LE BIEN. PAS PLUS QUE LE VRAI. Ces grandes choses-là échappent aux décrets et aux fantaisies de nos volontés. Que les citoyens s'assemblent sur l'Agora et le Forum ou leurs représentants dans le palais de Westminster ou le Palais-Bourbon, il ne suffira pas d'accumuler deux séries de suffrages, de soustraire leur somme et de dégager ainsi des majorités. Si l'on veut "constituer" un pays, lui donner une législation, ou une administration qui vaille pour lui, c'est-à-dire le fasse vivre et l'empêche de mourir, ces dénombrements de volontés ne suffisent pas; aucun bien public ne naîtra d'un total de pures conventions scrutinées s'il n'est participant ou dérivé d'un autre facteur. Lequel ? La conformité au Code (naturel ou divin) évoqué plus haut: le code des rapports innés entre la paternité et la filiation, l'âge mûr et l'enfance, la discipline des initiatives et celle des traditions. Le code inécrit des conditions du Bien est le premier générateur des sociétés. Si le contrat envisagé ne se subordonne, en tout premier lieu, à ce Code, il ne peut rien, il ne vaut rien. L'esprit éternel de ce Code se rit des prétentions volontaristes, du Contrat, comme des contractants. Telle est la moelle intérieure des leçons que recouvrent ou découvrent les faits.

                Oublions tous les faits, dit Jean-Jacques au début du plus fameux et du plus funeste des CONTRATS. Son système exige cet oubli des faits. Si, en effet, on ne les excluait pas, les faits viendraient en foule revendiquer dans la fondation des sociétés une très grande part du volume et de l'importance que s'est arrogés le contrat.

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    "Oublions tous les faits, dit Jean-Jacques au début du plus fameux et du plus funeste des Contrats..."

                Il n'est pas question de méconnaître le nombre ou la valeur des pactes et des conventions auxquels donne lieu la vie sociale de tous les temps. L'erreur est de prétendre ne former cette vie que de contrats. Énorme erreur. Car le contrat ne représente ni le plein de la vie sociale, ni la partie la plus vaste ou al plus profonde. Quand l'homme se sera entendu répéter cent fois que son vote choisit et crée le bien ou le mal social, il n'en sera pas beaucoup mieux obéi par les faits: pas plus que ses préférences ne seront suivi des obédiences de la pluie et du beau temps, il ne sera pas rendu maître de l'heur ou du malheur de sa ville ou de son pays qui, l'un et l'autre, dépendront non pas de la loi qu'il édicte, mais de celle qu'il tire de l'expérience de son passé, comme le physicien de l'observation des astres en courses et des tensions de l'air supérieur.

                Pour mieux saisir cette société-née, et la distinguer de nos contrats voulus, voyons-en les effets capitaux.

                Ma vie d'animal social compte deux grands évènements qui la fondent.

                Le premier m'a fait naître dans une famille plutôt que dans une autre, et cela s'est fait sans l'ombre de consultation ou de consentement de ma part; le groupe élémentaire que j'ai formé, enfant, avec mes parents, n'a rien de contractuel. Personne n'est allé demander au marchand le garçon ou la fille qui lui convenait; personne n'est allé solliciter une père et une mère à son goût, et à sa mesure. Je n'ai signé ni pétition ni postulance. S'ils ont désiré de m'avoir, c'était de façon très confuse et très générale, sans la moindre possibilité de rien stipuler sur mon personnage, caractère, poids, taille, visage, couleur de teint. Ni d'eux à moi, ni de moi à eux, pas trace d'option libre ! Nous avons été tous les trois serfs de nécéssités aussi inéluses qu'invoulues. Eh bien ! vus d'un peu haut, ce sont pourtant là les faits dont le genre humain se trouve le moins mal et se plaint dans la plus faible mesure. A peine leur étais-je tombé de la lune, et même un peu avant, mes père et mère se sont mis à m'aimer inconsidérément. De mon côté, je me suis mis à les préférer au reste du monde, ce qui ne pouvait être en raison du don de la vie: j'ignorais si c'était un bien ou un mal. Leurs bons traitements, leurs caresses agissaient beaucoup moins que cette forte idée confuse de leur appartenir et de le sposséder dans une étroite correspondance, non de devoirs et de droits, mais de besoins et de services, qui s'imposaient tout seuls, et sans que j'eusse idée de les compter sur mes doigts. Donc, rien qui ressemblât au contrat avec ou sans notaire. Qu'il se trouve des idiots pour dire après cela: Familles, je vous hais ! ils ont eu rarement le front d'appliquer ce principe. Gide, qui le posait, l'a contredit à tous les instants de sa vie. Pas plus que moi, ni personne, il ne s'était pourtant choisi son toit. A lui, à moi, à tous, la plus forte partie de notre destin nous fut imposée avec notre sang.

                Un autre très grand évènement de ma vie de société aura été l'échéance de ma patrie. Je ne l'ai demandée, ni personne la sienne, sauf la troupe, abusive mais négligeable, de nos métèques; encore leurs enfants doivent-ils rentrer dans la règle. Il n'y a pas eu de plébiscite prénatal (ou prénational), comme l'exigerait la clause du juste contrat. L'honneur, la charge, les devoirs d'une patrie si belle sont des grâces imméritées. Pour être Français et non Huron, je me suis donné la peine de naître. Ce n'est pas 'juste", s'accorderont à dire Basile et son souffleur. Mais non ! Mais pas du tout ! Seulement il n'aurait pas été plus juste de naître Boche ou Chinois.

                Donc, inférieur ou supérieur au juste ou à l'Injuste, ce "fait" auquel ma volonté individuelle n'a rien apporté, dans lequel nul contrat n'est entré absolument pour rien, ce "fait" vraiment gratuit ne se contente point de devoir figurer entre ceux qui ont le plus d'influence sur tout le cours de la vie: il a aussi le caractère d'inspirer à des millions d'hommes des sentiments de profonde et haute satisfaction, au point de leur faire risquer l'intégrité de leur corps, leur vie elle-même, pour en attester l'énergie. Pour déployer plus fièrement ce que l'on est sans avoir voulu l'être, on trouve naturel, heureux et glorieux d'affronter mille morts. Cela fut instinctif avant d'avoir été appris. Ce vieil instinct peut être combattu par des sentiments artificiels, acquis, formés sur des systèmes. On ne les trouve pas au départ. Le départ, le voilà ! Dans les méandres de la longue histoire humaine, il arrive d'acheter et de vendre des guerriers mercenaires. Le cas des guerriers volontaires est le plus fréquent: ils se donnent pour rien. Le conscrit fait de même neuf fois sur dix. L'idée de la justice est-elle donc étrangère à l'homme ? Point du tout. Mais l'idée de la Patrie et du sentiment qu'il lui doit est fort antérieure et tient bien autrement à la racine de la vie ! Qu'il en soit demandé de durs sacrifices, nul n'en doute. Mais, au total, il est plus honteux de les refuser que pénible de les consentir. Tel est l'homme. Fait comme il est, selon sa norme, ce goût fait partie de son être, et même de son bien-être.  

                Devant ces deux piliers d'angle de notre vie, berceau et drapeau, maison et cité, qui échappent si complètement l'un et l'autre au cycle de l'adulte vivant capable de contrat, c'est tout au plus s'il doit être permis de se fâcher un peu contre le bon Dieu, ou tout autre mainteneur de l'Ordre des formes crées. C'est la déclamation de Job. C'est le chant de Byron. Je ne vois pas du tout quelle interpellation en serait valablement portée, ni à quel parlement de planètes, ni quel questionnaire de Théodicée générale, quelle objection au gouvernement temporel de la Providence pourraient être dressées en notre nom dans une affaire où nous sommes agis et poussés sans doute, mais aussi, et de toute évidence, avec des résultats que nous acceptons sans nous plaindre et tout au rebours. Si nous nous étions mis en tête de les fabriquer de nos propres mains, que seraient ces résultats, que vaudraient-ils ? Je pense à Caro, à son gland, à sa citrouille: cela règle tout. Ce que j'ai fait par liberté ne m'a pas toujours servi, ni même toujours plu. Ce que j'ai fait par force ne m'a pas toujours nui, ni froissé, ni meurtri. Bien au contraire. 

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    "L'homme est d'abord un héritier. La fiction la plus dévastatrice de notre époque est celle du spontanéisme : « Je suis qui je suis, et cet être que je suis doit pouvoir s’exprimer pour s’épanouir. » Il suffit de regarder la télévision, tout le monde est spontané et tout le monde dit la même chose, car la spontanéité a partie liée avec la banalité. L’homme est d’abord un héritier. Mais, aujourd’hui, on rêve de se soustraire à tout ce que l’on a reçu pour décider de son être, alors que notre civilisation s’est fondée sur l’idée que la culture était la médiation nécessaire à chacun pour accéder à lui-même..." Alain Finkielkraut.

                Or, la disproportion du libre et du forcé, du volontaire et du naturel est immense. L'un est à l'autre à peu près comme un à cent mille; les conditions de nos naissances et de nos patries ne prévalent donc pas seulement par leur qualité, mais par une énorme puissance de nombre et de quantité. La vaste étendue de l'essentiel de notre caractère et de notre vie est enveloppée dans des données imposées par des forces supérieures. Elles entrent chez nous sans façon. Elles pèsent sur nous au point de nous former et de nous confisquer. Non contents de nous en accommoder, nous y abondons. Nous murmurons contre notre fortune, mais non contre notre être et notre caractère, jamais contre notre humeur. La plupart d'entre nous sont contents d'eux au point de se plaire follement. Et l'ardent amour-propre est le cas le plus courant. L'être dans lequel ils veulent perséverer n'est pas du tout un être quelconque, ni l'être d'autrui, envié, jalousé, mais le leur; ils l'ont pourtant reçu tout fait, tel que l'hérédité, le sang, le ciel, les eaux, le milieu, l'éducation et des imitations à peine conscientes les ont modelés. Ils ne se sont ni faits, ni choisis. Eux, qui eux ? Nous tous, en somme. Combien peu se restent étrangers ! Le pourquoi suis-je moi ? le je voudrais être ce monsieur qui passe, ce monsieur qui passe est charmant sont des songe-creux romantiques ou de rapides curiosités d'analyses qui n'ont rien de commun avec la vérité quotidienne des habitudes de nos coeurs. Ce n'est point par justice ou par liberté que nous nous préférons, mais, pour parler en géomètre, par position: nous sommes là, enfermés et emprisonnés en nous, là où l'on nous a mis: l'existence nous a fait et voulus ainsi. Non notre volonté.

                Il n'y a donc pas de comparaison entre ce vaste plan de notre nature réelle et l'étroit canton où se meut cette volonté mesurée. Rêver de faire entrer les prodigieuses étendues de ce domaine naturel dans le petit coin du contrat, revient à vouloir verser ce tonneau dans ce petit verre. Pis encore: ce postulat des philosophies révolutionnaires suppose ridiculement qu'il puisse y avoir des contrats là où les contractants n'existent pas ou ne peuvent pas exister. C'est enfin méconnaître la force et l'action de ce qui nous surpasse, nous entoure, et nous presse en nous marquant du principal des signes qui nous font homme. La lettre sociale écrite avec le fer n'est qu'un beau vers, trop vite écrit, qui travestit l'essentiel de notre humanité. Cette lettre nous donne poste et rang, siège et appui, sur l'échelle sacrée. Du moins le poète a-t-il vu qu'on ne se l'inscrit pas à soi-même. La marque vient de plus haut. Divine ? Surhumaine ? Vigny dit: inhumaine parce qu'il pense: involontaire. Mais, si l'on ne fait pas tenir toute la nature de l'homme dans sa volonté, et si l'on ne chasse pas hors de nous tout ce qui vit en nous sans dépendre de nous, la "marque" sociale doit venir de quelque portion vénérable et profonde de la plus mystérieuse des causalités humaines, à laquelle il faut penser en tremblant. Les Mères ! les Mères ! Cela résonne de façon étrange. C'était l'avis de Faust.

                Cette importance philosophique, génératrice de respect, reconnue à tant de phénomènes sociaux déterminants, quoique inélus et invoulus, emporte pour première conséquence une dévalorisation générale des arrangement arbitraires que produisent les seules volontés, intentions, opinions, les seuls décrets, votes et voeux. Ces autorités, fabriquées de main d'homme conscient, sont les simples créatures de notre moi: elles doivent prendre un certain nombre d'illusions sur elles-mêmes dès qu'elles se sentent subordonnées à l'ordre objectif supérieur de la Nature et de l'Histoire, qu'elles ne peuvent pas créer; il leur suffit de le connaître, comprendre et nommer. Là, le cycle de ce que l'on commande le cède à l'ordre de ce que l'on connaît. L'homme politique met la Vérité à plus haut prix que son propre diktat, s'il veut que celui-ci soit viable....

                Quelques-uns que je sais me demanderont insidieusement ce que devient chez moi la liberté de l'Homme. Réponse: -A peu près ce qu'elle devient après que l'on a placé entre ses mains soit le texte du Décalogue, soit une bonne carte de géographie. La loi qui enchaîne est libératrice, je ne l'ai pas dit le premier.

                Il ne faut d'ailleurs pas confondre la "nature des choses" avec la "force des choses". Qui connaît la première peut espérer de la vaincre. Qui entend la seconde s'entend proposer de subir une espèce de fatalité qui prend une manière de revanche sur le volontarisme universel, dont on s'est d'abord prévalu. Cette force mythique, à laquelle on donne l'article singulier "la", qu'a-t-elle qui lui soit propre ? Qu'est-elle d'un ? Comment s'assure-t-on d'un sens où elle aille ? Ses itus et reditus, comme dit Pascal, sont flagrants. Si on la suppose multiple, mais engagée dans un même parallélogramme, ses effets devraient être convergents. Ils ne le sont pas du tout. On lui fait l'honneur de la tenir pour agent universel et omnipotent des transformations, elle qui donne rarement une direction définie, encore moins utile et salutaire, ses de plus en plus ne se vérifiant jamais que dans le sens de la destruction.

                Cependant l'on affecte toujours d'opposer l'irrésisitible courant de cette force des choses aux entreprises intelligentes où la volonté de l'homme s'exerce légitimement. On a beau dire: elle n'en a ni les calculs, ni la sagesse, ni les bienheureux coups de frein. Pour mieux nous diffamer nous-mêmes, nous lui composons un autel avec nos ruines, dont elle est l'auteur. Reconnaissons-là donc sous son dernier masque: le "fil" ou le "sens de l'Histoire", nisus ou impetus, élan ou effort de la Vie, c'est la grande idole sous laquelle nous a jetés l'Allemagne postkantienne, Hegel en tête, Marx en queue, pour nous faire adorer, comme des divinités, les plus risibles des pétitions de principe. Un nom conviendrait à ce destin-là: c'est celui de mauvais destin, à la condition de bien voir qu'il n'est pas aussi prédéterminé qu'on le croit. Rien n'empêche de se mettre d'accord avec la nature des choses pour le vaincre et le soumettre, par le bon emploi des vraies forces, à la justesse d'un regard clair. Celui-ci percevant la vérité naturelle, ces forces seront mises à la place où elles agiront bien. 

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     Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770 - 1831)

    "Reconnaissons-la donc sous son dernier masque : le "fil" ou le "sens de l'Histoire", nisus ou impetus, élan ou effort de la Vie, c'est la grande idole sous laquelle nous a jetés l'Allemagne postkantienne, Hegel en tête, Marx en queue, pour nous faire adorer, comme des divinités, les plus risibles des pétitions de principe..."

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     Karl Heinrich Marx ( 1818 - 1883 )

                Ce n'est pas dans la seule matière de politique extérieure générale que les programmes volontaristes du pays légal se mettent en conflit avec la Nature des choses; il est d'autres cas de conflits en très grand nombre: leurs dérogations à l'ordre essentiel ont causé partout des malaises, des diminutions et des décadences, mais plus enchevêtrées, peut-être plus nuisibles ici qu'ailleurs. On peut énumérer:

                La structure des familles. - Le régime des mariages. - L'appartenance de l'enfant. - L'éducation, l'instruction, l'école. - La structure de la commune et de la province, celle du pays et du métier. - La structure de la nation, de l'Etat central, des Etats décentralisés. - Le rapport du temporel et du spirituel.

                Il est extrêmement curieux que, sur ce point, les chrétiens séparés de Rome inclinent, qui plus, qui moins, aux volontés prétendues réformatrices du pays légal. La physique de la politique réelle se trouve, au contraire, tout naturellement rangée du côté catholique où l'on respecte, sans prétendre les réformer, les structures fondamentales.

                Ces structures sont préétablies pour la plupart; pas une qui ne doive échapper nécessairement, dans une proportion très forte, au faible impératif des volontés humaines et à l'artifice de leurs accords. Tout ce que ces derniers usurpent est perdu pour le bon sens et le bonheur des hommes. Vrai du haut en bas de l'échelle sociale, cela nous est apparu particulièrement clair à son sommet, l'intérieur de l'Etat. 

                Un Etat central livré aux choix électifs de volontés populaires, sa législation élue et voulue, sa centralisation contractualiste ne peuvent guère, dans leur essence, viser qu'à rechercher ou à réaliser le bon plaisir plus ou moins consistant d'un despote plébiscité ou d'un Parlement scrutiné; cet Etat élu, rééligible, envahit l'aire du travail et de l'économie privée, pendant qu'il est lui-même envahi par des bandes, compagnies et factions alimentaires, dont le parasitisme onéreux le ronge obscurément ou le brigande cyniquement.

                On peut dire que nous voilà dans cette perfection du jeu démocratique où le capital national, aspiré par l'Etat, va subir la grande pillerie qui est le but pratique et la fin logique de Démos souverain. Mais ce n'est encore qu'une avant-dernière phase, car, il est bien vrai, ce que l'on a réussi dans le même sens, aux années récentes, a fait peur au pays: étatisme, dirigisme, nationalisationisme (des industries), confiscation et absorption par l'impôt et par les taxes sociales, où cela mène-t-il ? Le pays répond : -A ma ruine, à l'appauvrissement de tous et de chacun.

                Il regimbe, il recule. Faute de dessein plus que de courage, il lui sera difficile de réagir positivement. Ce qu'il veut gagner, c'est du temps: Encore un moment, Monsieur le bourreau !

                 Conclusion: - Qu'est-ce qui arrivera premier, l'inévitable saut dans la grande faillite, ou quelque heurt brutal, fait à nos portes, d'un nouvel ennemi armé ?

                On en discutait au lendemain des gloires et des chutes du Front populaire. On en rediscute. Le Front nouveau, différent, et presque contraire, est assez semblable à celui de 1919, et, comme alors, les mauvais conseillers de Démos l'entourent et l'adjurent pour l'empêcher d'utiliser son pauvre avantage: - Qu'il ne précipite et ne fasse rien ! Qu'il ne bouge pas ! Qu'il laisse faire !  Ils seront écoutés, n'en doutons pas. Cependant ne se trouvera-t-il personne pour lui apprendre qu'il ne peut plus marcher les pieds en l'air et la tête en bas et comment revenir à des positions naturelles ? Oubliera-t-on également de lui dire que son bien-être consistera toujours dans ses groupes naturels et élémentaires, foyers, communes, pays, provinces, où il excellerait à organiser sa sécurité matérielle, son progrès social, ses fortes libertés politiques et morales, - en même temps que son salut viendra de la bonne gestion des affaires nationales supérieures, si follement jouées à tout brelan de carrefour, après qu'elles auront été arrachées aux premiers venus, pour être concentrées et réservées à la compétence, à la réflexion, au savoir prévoyant des conseils du Roi.....

                Démos sera sauvé, du moins dans notre France, quand il saura cela. Il n'en saura rien tant qu'on lui laissera ignorer comment toute volonté démocratique multiplie indéfiniment les fonctionnaires, dont l'usage électoral et l'office centralisateur sont l'un et l'autre réunis au bénéfice d'un Etat totalisateur. Qui veut les libertés civiques doit renoncer au gouvernement électif. Qui préfère l'Election-Reine adopte et sauve par là-même toutes les ficelles dirigistes et étatistes qui paralysent et anémient le Gulliver français.

                   Telles sont les relations solides que, du fond du ciel aux profondeurs inférieures, forme la suite inflexible des causes de la vie et de la mort du peuple. On ne s'en affranchira point par des mots. Inscrire dans un Statut, nommé Constitution, le respect de la "personne humaine" ne mène à peu près à rien qu'à stimuler l'orgueil ou la paresse de l'intéressée: l'élément personnel et profondément respectable de l'homme réside dans la conscience de lui-même, dans sa mémoire et dans la maîtrise qu'il en a (sui conscia, sui memor, sui compos), à condition qu'elle ne se croie pas démiurge et ne veuille créer ce qu'il lui convient seulement de connaître. Aussi faut-il distinguer ce qu'elle a de vraiment humain d'avec le caprice de ses imaginations végétales, comme de ses passions animales, nées d'instincts pervertis et de bestialité insurgée. Car, la Personne et l'Individu sont deux: quand cet âne broute un chardon, c'est un individu qui en dévore un autre. Mais le choix personnel d'une volonté d'électeur peut être canonisé et divinisé par la Constitution: il ne fondera pas  plus le droit domestique, politique ou social, que l'individu broutant ou brouté ne sera capable de former une unité sociale.

                La vraie vie sociale reconnaît sa cellule fondatrice et régulatrice dans la famille. Livrer la société à al volonté de l'individu, c'est les perdre tous les deux. Les lois sont faites pour l'en sauver. Nous parlons d'un salut temporel accompli dans ce monde et non dans l'autre, sur lequel nous sommes insuffisamment informés: il ne semble pas y avoir de survie spirituelle des sociétés, pas même des ménages. La Cité de Dieu se définit comme un concert d'âmes affranchies. Il n'en est que plus curieux de prendre garde que la Loi de Moïse, à laquelle on m'excusera de me référer, dit à l'article IV: Honore tes père et mère si tu veux vivre longuement sur cette bonne terre que le Seigneur Dieu t'a donnée (version des Septante). C'est le seul Si du Décalogue; le reste y est ordonné, catégoriquement, indépendamment de tout si. Un tel si doit avoir un sens: voudrait-il dire que la Maison qui tiendra, la Nation qui vivra, doit avoir pratiqué la piété filiale en tête des autres devoirs ? Les Physiciens sociaux ne disent pas le contraire: l'un d'eux, Le Play, prouve que l'autorité paternelle, vivante et morte, règle la prospérité des Etats comme des Foyers. 

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    Frédéric Le Play (1806 - 1882)

    "...L'un d'eux, Le Play, prouve que l'autorité paternelle, vivante et morte, règle la prospérité des Etats comme des Foyers"

                Une déduction assez claire fait du mariage un sacrement et le rend indissoluble. Précisément parce qu'il a pris l'allure et le sens d'un contrat, il n'est pas laissé à la merci des volontés qui le forment; il les dépasse et les contraint en vertu d'une loi supérieure, s'ils sont unis au nom de Dieu. Cette nuance catholique a été fort bien saisie et combattue par l'école adverse; le contractualisme volontariste a imposé le divorce à la IIIème République, en alléguant le principe que la liberté humaine n'a pas le droit de se renoncer par des engagements sans terme. La logique du système aurait été d'aller jusqu'à interdire le mariage indissoluble. Le morceau étant un peu gros, l'on s'est contenté de prohiber les autres voeux éternels.

                Il s'est ensuivi que l'on a refusé le droit d'enseigner leurs sciences aux plus savants maristes ou jésuites, capucins ou dominicains, considérés comme indignes du titre humain. Ce qu'on s'était laissé arracher du côté de l'indissolubilité du mariage était donc regagné sur les voeux monastiques. Qui y perdait ? La seule liberté de l'homme et la prospérité sociale.

                Mais, dit-on, il n'y a pas de liberté contre la liberté ? C'est un Covenant comme un autre. Il ne tient guère, en soi. J'ai souvent pressé de mon questionnaire les Buisson, les Bourgeois et les autres porte-parole du faux positiviste Jules Ferry, sur ce que peut justifier cette liberté générale indéterminée. Quand je dis la liberté de quelque chose (de tester, d'enseigner) ou la liberté de quelqu'un (les braves gens et non les pires), mon dire contient un sens. Mais eux ! la liberté de qui ? La liberté de quoi ?  Ma "colle' était trop difficile: ils n'y ont jamais répondu. Leur silence recouvre l'aveu secret de leurs deux malfaçons. Là où il fallait régler les fantaisies aisément aberrantes du divorce, ils ont dit aux couples de faire ce qu'ils voulaient: les enfants et la race et la nation l'ont payé. Là où il fallait faire taire les ridicules topos de leur Droit public et laisser le champ libre au dévouement et au sacrifice des congrégations, les entraves mises à la liberté des bons se sont soldées par la licence des mauvais, sans compter d'énormes manques à gagner infligés au pays. On a souvent fait remarquer à MM. les volontaristes et contractualistes qu'ils composaient dans la nation française une oligarchie allogène. On n'a pas assez dit combien leur valeur intellectuelle et morale s'avérait inférieure à la moyenne de la Nation.

                  Ils ont établi la lutte des classes à l'endroit où les classes devraient coopérer. Ils ont installé des barrages administratifs sur les emplacements où devraient vivre et régner les libres mouvements républicains des premiers groupes naturels et professionnels: ils veulent tout mener comme l'armée, la marine, les finances et la justice générale ! Ils font peser une tyrannie implacable, quoique anonyme et irresponsable, sur les domaines du foyer et de l'enseignement, comme si tout chef de famille normal était suspect pour en savoir plus long en de telles matières que tous les technocrates et bureaucrates conjurés. Plus on s'enfonce à travers ces désordres pour les approfondir, mieux on sent qu'on n'a même plus affaire à l'Anti-France: c'est l'Anti-Physique qui mène ce jeu contre nature. On se cramponne à la division "départementale", même rabougrie d'un quart de siècle à l'autre, parce qu'elle contredit les anciennes provinces et contrarie la carte naturelle de la Patrie. On s'éloigne de la Charte du Travail à proportion qu'elle concilie les intérêts qui doivent produire et consommer ensemble. L'excellent est mis à l'index. Dûment légitimé, le Pire bénéficie de tous les appuis, bien qu'on ne se fasse pas faute de le déclarer inévitable et fatal: alors pourquoi tant y pousser ? On ne veut pas lui laisser faire son dégât tout seul !

                ....Il est à peine utile de montrer combien ces considérations associent étroitement les intérêts religieux et les intérêts sociaux. Par là-même, théologiens et physiciens s'y trouvent réunis contre les maîtres de l'économisme libéral qui prétendent régler l'ouvrage sans égard à l'ouvrier. Là aussi, notre vieux maître Auguste Comte et sa réintégration du prolétaire dans la société se trouvait en merveilleux accord avec les empiriques romains, avec l'école sociale catholique fondée par nos Anciens, continuée par nos meilleurs amis, avec la vieille Droite conservatrice et progressiste qui s'honora par le nombre et la valeur des propositions de loi en faveur de la classe ouvrière, lois que l'opportunisme ou le radicalisme républicain rejetait de la même horreur. Si nous nous disions un peu moins tapageusement "sociaux" que d'autres, c'était en vertu de l'observation d'un fait que voici: tant qu'il y aura un parti professionnellement constitué pour vivre de la dilacération de la société, de l'exploitation de ses antagonismes et, pour tout dire, de ses plaies, toute entreprise d'accord social subira l'échec dû à la surenchère vitale organisée par cette lutte des classes que le mécanisme électif appelle à la prépondérance. Notre programme politique n'était pas moins généreusement pénétré de toutes les conditions de paix sociale; quand il le fallait, nous le montrions bien. Ce qu'il pouvait nous rester de "paternaliste" tenait à notre désir de fraternité: on n'a pas encore inventé d'avoir des frères sans la médiation d'un père commun.   

                Voilà ce que nous étions. Voilà nos personnes et nos principes. Non les monstres appliqués à subvertir la religion par la politique ni la politique par une physique sociale tirée des rêveries d'un faux déterminisme. L'éclaircissement régulier de notre pensée ne pouvait qu'accentuer l'entente avec les vieux français dont la foi religieuse n'était pas partagée (ou pas encore) par quelques uns d'entre nous. Ces progrès de lumières accentuaient un premier degré d'amitié d'esprit. Un esprit aussi peu accommodant que le sourcilleux cardinal Billot, divus Thomas redivivus, le nouveau saint Thomas d'Aquin, comme l'appelait Rome entière, n'avait pas été offusqué des petits compléments qu'une jeune philosophie apportait à sa théologie. La première édition de son Tractatus Ecclesiae Christi avait cité en note tel et tel de nos textes, comme : Il faut exclure le principe de gouvernement du nombre, parce qu'il est absurde dans sa source, incompétent dans son essence, pernicieux dans ses effets; ou : le gouvernement du Nombre tend à la désorganisation du pays;  il détruit par nécessité tout ce qui le tempère, tout ce qui diffère de lui: religion, famille, classes, organisations de tout genre.....

                Pas plus que les Ouvriers européens de Frédéric Le Play ne sortaient des Encycliques, mes vues expérimentales, venues d'Auguste Comte ou formées à son école, ne découlaient de saint Thomas. Mais la concordance finale existe ou n'existe pas. Si elle n'existe pas, il est difficile d'imaginer qu'elle ait été rêvée simultanément par des dogmatistes croyants et des observateurs incroyants que tout séparait. Si elle existe, est-il rien de plus normal ? Comment les uns et les autres n'auraient-ils pas appréhendé la même vérité, malgré la diversité de leurs voies et de leurs esprits ? Ou, pour voir l'ordre de saisons, faudra-t-il se munir d'un billet de confession ? C'est ce qu'ont soutenu contre nous quelques fanatiques, qui n'ont pas fini de divaguer:

                - Voilà, diront-ils, qui est bel et bon. Mais si nous concédons le laissez-passer à votre Physique sociale tirée de l'observation pure, tels esprits sommaires et violents en concluront très bien qu'ils n'ont plus que faire d'aucune théologie; ils diront, comme le cosmographe astronome, que, pour leur compte, ils n'ont pas "eu besoin de ces hypothèses".

                Réplique: d'esprits sommaires et violents, de sommaires violences seront toujours attendues à coup sûr. Mais sont-ils seuls au monde ? Il existe d'autres esprits. Tenons un compte particulier de ceux qui, partant de l'anarchisme ou du pyrrhonisme, viendront adhérer à telle vérité naturelle sur la société. Plusieurs d'entre eux, beaucoup peut-être, seront tentés de transcender ces vérités ou de leur trouver quelques fondements métaphysique absolu. Comme la connaissance du cantique des Sphères, la découverte d'une législation du physique et d'un ordre régulier des Sociétés peut-être fort capable d'inspirer à ces esprits la recherche et l'idée de la gloire de Dieu.....     

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    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2009/08/06/grands-textes-aurras-politique-naturelle-et-politqiue-sacree.html

  • ANNÉES 30, LA MARCHE À LA GUERRE

    Datée de 1946, l’édition originale des souvenirs d’André François-Poncet, ambassadeur de France à Berlin de 1931 à 1938, se trouve sans difficulté chez les bouquinistes. Son papier de mauvaise qualité, aujourd’hui jauni, typique des livres imprimés après-guerre, tout comme l’absence de notes, risquent toutefois de décourager le lecteur. Pour qui s’intéresse à cette période, il s’agit pourtant d’un document capital. C’est pourquoi il faut féliciter les éditions Perrin d’avoir réédité ce classique de la littérature diplomatique, avec une préface et un appareil critique confiés à Jean-Paul Bled, spécialiste incontesté de l’histoire allemande et austro-hongroise.
    André François-Poncet, successivement professeur agrégé d’allemand, journaliste, chef des services de renseignement économique en Allemagne au temps de l’occupation de la Ruhr par les troupes françaises et belges, député de centre-droit et sous-secrétaire d’Etat à l’Economie, est un ambassadeur atypique lorsqu’il est nommé à Berlin, en 1931, parce qu’il n’est pas issu du Quai d’Orsay. C’est en raison de sa connaissance de l’Allemagne et de ses compétences en économie qu’on lui attribue ce poste hautement stratégique, le gouvernement français suivant avec attention la situation de la république de Weimar. Le diplomate va avoir en réalité à en dresser l’acte de décès. Après l’accession de Hitler au pouvoir, il observe les règlements de comptes de la Nuit des longs couteaux, la mainmise du parti hitlérien sur la société allemande, le réarmement du Reich, ses avancées sur la scène européenne, jusqu’aux crises de 1938 – Anschluss, crise des Sudètes et conférence de Munich -, prélude à la guerre. Fin 1938, François-Poncet est nommé à Rome, où il tentera en vain, jusqu’en 1940, d’éloigner Mussolini du Führer. Les souvenirs de son ambassade à Berlin seront rédigés après 1945, sans recours à ses papiers, brûlés avec une partie des archives du Quai avant l’entrée des Allemands dans Paris. Ils valent surtout par les portraits des dirigeants allemands que l’auteur a rencontrés, à commencer par Hitler, par l’analyse lucide de l’idéologie nazie, et par l’évocation de l’enchaînement d’aveuglements et de lâchetés qui ont amené la catastrophe.

    Jean Sévillia

    Souvenirs d’une ambassade à Berlin, 1931-1938, d’André François-Poncet, Perrin, 510 p., 24 €.

    Sources :  (Edition du  vendredi 11 mars 2016)

    https://www.jeansevillia.com/2016/04/05/annees-30-marche-a-guerre/

  • A Toulon, on a exalté le riche héritage de la Vendée provençale...

    Le samedi 28 septembre, la section de Toulon organisait sa réunion de rentrée.

    Pour l'occasion, elle m'a demandé d'évoquer le royalisme en Provence : voici l'audio de cette intervention sur la Provence royaliste, l'autre Vendée...

    Il s'agissait de regarder derrière nous, pour voir qui nous étions et d'où nous venions, afin de reprendre des forces pour continuer de l'avant, menant le seul combat qui vaille : une action "étant réellement d'opposition, c'est-à-dire prêchant ouvertement la subversion du régime..." (Léon Daudet)

    J'ai donc évoqué "la Vendée provençale", depuis ses origines, c'est-à-dire depuis le premier jour de la révolution; raconté (trop) rapidement comment les Conventionnels eux-même nous ont appelé, nous Provençaux, "une autre Vendée"; évoqué le baron de Vitrolles, l'un de ceux qui - Jacques Bainville l'atteste - a permis la Restauration, et aussi Alban de Villeneuve Bargemon, précurseur du magnifique mouvement des royalistes sociaux au XIXème siècle : "Je voudrais avoir autant de Bargemon qu'il y a de départements : j'en ferais 86 préfets !" disait Louis XVIII...

    Puis rappelé la "touche provençale" et son apport immense au royalisme français : Mistral, Daudet, Maurras, bien sûr, mais aussi les grands Rassemblements royalistes, ceux de l'avant guerre - Barbentane, Roquemartine... - puis ceux de Montmajour et des Baux; les présidences du Commandant Dromard, de Pierre Chauvet et de Jean Arnaud, trois personnes dont je voulais symboliquement que les noms fussent prononcés, même et surtout devant des jeunes qui ne les avaient pas connus...

    Rappelé aussi comment, après une sorte de premier essai avec Je suis Français (dont j'assurais une ou deux pages d'échos et, avec Pierre Builly, une grande série d'entretien avec une bonne trentaine de personnalités) j'avais fondé, en 2007, lafautearousseau, le premier quotidien - certes bien plus modeste qu'elle... - dont l'Action française disposa depuis la scandaleuse et ignoble Epuration de 45, qui ne fut qu'une vulgaire re-Terreur...

    De nombreuses et intelligentes questions du public, lui aussi nombreux, et jeune, m'ont permis de terminer cet exposé par un dialogue fructueux et enrichissant...

    Merci à mes amis Toulonnais de m'avoir permis, une fois de plus, d'exercer mon (beau) métier de professeur; et de m'avoir donné l'occasion, une fois de plus, de me retrouver, militant, au milieu de mes amis et frères militants... 

    François Davin

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • LA REVUE "LIVR'ARBITRES" SERA PRÉSENTE LORS DU RENDEZ-VOUS "BLEU BLANC ROUGE" DE SYNTHÈSE NATIONALE LES 12 ET 13 OCTOBRE À RUNGIS (94)

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  • Faire fructifier le capital historique

    6a00d8341c715453ef0240a4dca347200b-320wi.jpgAu moins pour le principe, on se doit d'applaudir aux succès de la 36e édition des journées européennes du patrimoine des 21 et 22 septembre. Cette intelligente invention française, remontant à 1984 et au passage remarqué de Jack Lang au ministère de la Culture, fonctionne 2 jours par an sur 365. Elle pourrait en elle-même susciter, toutefois, en tant que concept, diverses réserves.

    Pas de patrimoine durable en effet sans conception claire des droits de propriété et de leur fonction sociale. Dans un pays où le désir d'enfant, posé comme un besoin de marchandise, est supposé tout permettre, soulignons le fait qu'une église, un vieux cloître ou un château n'a été construit qu'en vertu d'un certain fonctionnement.

    On doit tout de même agréer, en règle générale, les rares exercices d'admiration pour les legs de nos aïeux, dès lors qu'ils ne s'accompagnent, par définition, ni d'un dénigrement du passé, ni, pire encore d'une entreprise de souillure.

    Dans un monde où l'on confond laideur et beauté, où l'on encourage les tags présentés comme art de la rue, où l'on assimile la destruction à la créativité, cette démarche devrait être plus intelligemment encouragée.

    Visiter la Farnesina à Rome, régulièrement pleine, c'est quand même mieux que d'arpenter un local vide du parti socialiste.

    Car, point essentiel, tout ne se vaut pas. La fête de la Musique, invention de la même Mitterandie, assimile allègrement, dans la nuit du solstice de juin, les concertos brandebourgeois et le rap, dans le même sac transformé ipso facto en sac-poubelle. Une visite à la FIAC, même espacée tous les 20 ans, pourrait, elle aussi, suffire à nous édifier quant à la déliquescence culturelle de l'art contemporain. L'anti-art de Marcel Duchamp n'est jamais bien loin.

    À l'inverse, avant de quitter Athènes, j'ai eu le bonheur de pouvoir découvrir le musée de l'Acropole inauguré il y a 10 ans en 2009. Les années passent vite, pour la vie humaine, et en l'occurrence, dans l'existence d'un peuple, les siècles s'écoulent, les uns sombres et les autres lumineux : c'est un aspect fascinant de l'Histoire grecque que d'en mesurer les cycles, de destruction par les envahisseurs, puis de reconstruction.

    Voici un musée d'un nouveau type, un lieu intelligemment dédié à la culture. On doit la construction du bâtiment à la direction de l'architecte franco-suisse Bernard Tschumi, assisté de son confrère grec Photiadis. Cette institution possède une âme. Le visiteur a la faculté d'y admirer un nombre assez impressionnant de chefs-d’œuvre, sculptures de marbre, métopes, monnaies, couronnes, vases ou amphores, voire même à l'entrée de la visite deux sublimes terres cuites retrouvées intactes, mais aussi de prendre connaissance d'explications bien faites les situant dans leur perspective historique.

    Et l'on peut y comprendre comment la colline sacrée d'une ville a pu traverser les millénaires survivant à la destruction perse, à la conquête romaine, à la transformation chrétienne, à la stérilisation ottomane, rebondissant toujours.

    Certes on pourra s'étonner que l'administration locale fasse dépendre cette institution d'un ministère gérant à la fois la "Culture" et les Sports. Quand on se représente le rôle d'abrutissement, et, disons-le, d'Inculture, associé au sport spectacle, au "sport" devant un écran de télévision, on peut s'inquiéter.

    Mais après tout le sanctuaire de Delphes ne contredit pas celui d'Olympie. Et n'est-ce pas aux Jeux olympiques d'Athènes de 1896 qu'un certain Maurras prit conscience de ce qui allait être la doctrine de sa vie, non pas le chauvinisme de masse, mais ce qui se voulait au contraire une défense de la civilisation classique.

    Nous le savons bien : la plus belle des créatures risquera toujours d'être prostituée. À nous de propulser les vraies valeurs vers le futur.

    Mais alors, nous autres Européens, sommes-nous destinés à n'être jamais plus, penseront avec dédain les orgueilleux inutiles, "que" des gardiens de musée ?

    À la vérité, ce serait déjà bien que nous soyons "au moins" les protecteurs de nos chefs-d’œuvre, en attendant de redevenir les acteurs de notre histoire. Ne perdons pas de vue que dans le développement inéluctable, finalement salubre si elle est gérée de manière pertinente, de l'industrie touristique le supplément culturel devient un atout pour le peuple sachant faire fructifier le capital historique. Une infinité de métiers et d'entreprises, d'intérêts économiques et d'opportunités humaines se trouvent attachés à ce secteur de services.

    C'est un très beau titre professionnel que celui de "conservateur", un très beau parcours universitaire que celui de l'archiviste paléographe.

    L'École des Chartes c'est autrement plus utile à la France que son école d'administration.

    JG Malliarakis  
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    Une réunion des Amis de l'Insolent

    Jeudi 17 octobre  JG Malliarakis donnera une conférence suivie d'un débat sur le thème "Les Sociétés de pensée et la Révolution" de 18 h à 20 h Brasserie du Pont Neuf 14 quai du Louvre Paris 1er

    Une publicité de bon goût pour les livres du Trident

    6a00d8341c715453ef0240a4b54a99200d-120wi.jpgFrançois-René de Chateaubriand : "Le Moment Conservateur ".

    Au gré de ces textes, choisis et présentés par JG Malliarakis, on découvre en Chateaubriand, au-delà de son génie littéraire inégalé, un penseur politique méconnu. Dans un contexte de reconstruction du pays, 15 ans avant que les Anglais s'emparent du mot conservateur, 20 ans avant La Démocratie en Amérique de Tocqueville, il définissait les bases d'un régime représentatif durable dans le cadre de la monarchie parlementaire.
    ••• Un livre de 104 pages au prix de 15 euros.
    • à commander sur la page catalogue des Éditions du Trident
    • ou par chèque en téléchargeant un bon de commande

    https://www.insolent.fr/

  • L’ÉPOPÉE DES CROISADES

    Naguère célébrées comme un grand moment de l’histoire de France, aujourd’hui dénigrées au nom du multiculturalisme, les croisades ne sont plus au goût du jour. Refusant la légende dorée comme la légende noire, les historiens nous aident à comprendre cette grande aventure collective.

    « Le bilan des croisades est mince », affirme, dans un article critique, un récent Dictionnaire de l’histoire de France (Larousse, 2006). A l’inverse, l’Histoire de France publiée avant 1914 sous la direction d’Ernest Lavisse consacrait vingt-cinq pages aux croisades. En dépit de ses réserves sur l’action du pape et des seigneurs, « l’instituteur national » de la IIIe République, selon l’expression de Pierre Nora, ne craignait pas d’intégrer cet épisode aux gloires nationales : « La première croisade, c’est la France en marche ; il faut la suivre jusqu’en Orient ».

    Quel contraste avec aujourd’hui ! Sur fond de multiculturalisme et de mauvaise conscience européenne, les croisades sont souvent dépeintes comme une agression perpétrée par des Occidentaux violents et cupides à l’encontre d’un islam tolérant et raffiné… La vision d’autrefois, simplificatrice à l’excès, entretenait un mythe qui ne rendait pas compte de la réalité. Mais la repentance actuelle, érigée en système, ne constitue pas un meilleur guide historique. Les croisades forment un mouvement qui s’est étalé sur plusieurs siècles et qui a recouvert des épisodes contradictoires. Pour être comprises dans toute leur complexité, elles doivent par conséquent être abordées sans idées préconçues.

    Le 27 novembre 1095, au concile de Clermont, le pape Urbain II lance un appel à la chrétienté. En Terre sainte, explique-t-il, de nombreux chrétiens « ont été réduits en esclavage », tandis que les Turcs détruisent leurs églises. Evêques et abbés réunis autour du souverain pontife doivent alors exhorter « chevaliers ou piétons, riches ou pauvres, à se rendre au secours des chrétiens et à repousser ce peuple néfaste [les Turcs]. » A Limoges, Angers, Tours, Poitiers, Saintes, Bordeaux, Toulouse et Carcassonne, Urbain II, qui est issu de la noblesse champenoise, renouvelle son appel à l’intention des « Francs », leur promettant, en récompense de leur engagement, « la rémission de leurs péchés ». Que s’était-il passé ?

    Au VIIe siècle, les cavaliers musulmans s’emparent de Jérusalem et de territoires qui étaient le berceau du christianisme. Au gré des circonstances et des souverains en place, les chrétiens de la région, réduits au statut de dhimmis, voient leur condition évoluer dans un sens tantôt défavorable, tantôt favorable. Au IXe siècle, les califes abbassides, plutôt tolérants, concèdent à Charlemagne la tutelle morale sur les Lieux saints. Le pèlerinage en Terre sainte, pratique prisée des chrétiens d’Europe, en est facilité. En 1078, cependant, les Turcs seldjoukides, récemment convertis à l’islam et vainqueurs des armées byzantines à Manzikert (1071), chassent de Jérusalem les Fatimides qui s’y étaient installés un siècle plus tôt. Devenus dangereux, les pèlerinages à Jérusalem s’interrompent. En 1073, l’avancée des Turcs jusqu’au Bosphore avait déjà incité l’empereur byzantin Michel VII à appeler au secours le pape Grégoire VII. En 1095, par Alexis Ier Comnène renouvelle cette demande auprès d’Urbain II.

    C’est dans ce contexte qu’il faut interpréter l’appel lancé à Clermont par le pape. Ce dernier espère une réconciliation avec l’Eglise d’Orient, en rupture avec Rome depuis l’excommunication du patriarche de Constantinople en 1054.

    Le terme de croisade que nous employons pour désigner l’épopée qui va suivre est anachronique : le mot apparait épisodiquement vers 1700 et s’imposera dans les manuels scolaires des dernières années du XIXe siècle. Ceux que nous appelons les croisés qualifient en réalité leur expédition de pèlerinage, de passage, de voyage outre-mer. L’historien Jacques Heers montre en outre que le pèlerinage n’est pas « guerre sainte » prêchée à toute la chrétienté, car la papauté est alors une puissance incertaine, en conflit avec l’empereur d’Occident et le roi de France.

    Le pape a fixé le départ au 15 août 1096. Avant cette date, des bandes partent du nord de la France et de l’Allemagne en suivant des prédicateurs improvisés tel Pierre l’Ermite. Le 1er août 1096, ils sont à Constantinople. Maintenue hors la ville, la colonne franchit le Bosphore. Dès le 10 août, cette troupe mal armée se fait massacrer par les Turcs. Les survivants ne reprendront leur marche qu’à la suite de la croisade des barons.

    En Europe, quatre armées se sont formées. Flamands, Lorrains et Allemands ont suivi Godefroy de Bouillon. Les Provençaux, terme qualifiant les seigneurs de tous les pays d’oc, sont entraînés par Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse. Normands et seigneurs du nord de la Loire sont regroupés derrière Robert Courteheuse, duc de Normandie, et son beau-frère, Etienne de Blois. Quant aux Normands de Sicile, ils sont guidés par Bohémond de Tarente et son neveu Tancrède. En tout 30 000 hommes, réunis à Constantinople en mai 1097. Ils ne parlent pas la même langue mais, les Francs étant nombreux parmi eux, les croisés seront désignés ainsi. Après avoir pris Nicée et Antioche, ils progressent lentement en raison de la résistance de leurs adversaires et des rivalités entre les chefs. En juin 1099, le siège est mis devant Jérusalem, que les Egyptiens ont arraché aux Turcs l’année précédente. Le 15 juillet, la cité tombe aux mains des chrétiens.

    En entrant dans la ville, les barons chrétiens pillent et tuent. La légende noire des croisades y voit la preuve de leur injustifiable violence. C’est oublier que les croisés se sont conduits comme tous les guerriers d’alors : les Turcs, le 10 août 1096, ont massacré 12 000 pèlerins de la croisade populaire, tout comme les Egyptiens, le 26 août 1098, ont anéanti les défenseurs de Jérusalem.

    S’agit-il d’un conflit entre chrétiens et musulmans ? Cela peut être interprété ainsi a posteriori, mais dans les textes de l’époque, les mots « musulman », « islam » ou « Mahomet » n’apparaissent nulle part. Les croisés ne savent rien de la religion de leurs adversaires qu’ils qualifient de « païens », d’« infidèles » ou de « mécréants ». « L’idée de l’islam, c’est-à-dire d’un ensemble à la fois politique et religieux, observe Jean Richard, grand spécialiste des croisades, était étrangère à la pensée occidentale d’alors ».

    Après la prise de Jérusalem, un royaume latin est institué. Godefroy de Bouillon en prend la tête avec le titre d’« avoué du Saint-Sépulcre » ; quand il meurt, quelques mois plus tard, son frère Baudouin le remplace. D’autres Etats chrétiens sont créés : la principauté d’Antioche, le comté d’Edesse, le comté de Tripoli. Or leur fondation ne figurait pas dans les plans primitifs du pape. Dès la prise de Jérusalem, les croisés sont retournés massivement en Europe. Ceux qui sont restés sont isolés, car jamais les établissements francs ne seront des colonies de peuplement. Aussi le but de toutes les croisades postérieures à celle de 1096 – on en distingue traditionnellement sept autres, de 1147 à 1270, mais ce n’est qu’un classement rétrospectif et incomplet – ne sera-t-il jamais que de secourir les Etats latins implantés en Orient. Dorénavant, des enjeux temporels sont en cause. Après l’élan mystique, une autre logique s’enclenche : elle est politique, elle est militaire.

    Les Etats latins d’outre-mer n’ont pas survécu après 1291, date de la chute aux mains des Egyptiens de Saint-Jean d’Acre, la dernière citadelle chrétienne du Levant. Les croisades ont englouti de nombreuses vies humaines et de grandes richesses. Sauf pour les villes marchandes d’Italie (Venise et Gênes), leur apport économique a été faible. Du point de vue de l’histoire longue, les croisades s’inscrivent dans le prolongement d’un conflit entre l’Europe et l’Asie, conflit apparu entre Grecs et Perses à l’époque de l’hellénisme classique, repris entre l’Empire romain et les Parthes, poursuivi entre Byzance et les musulmans. Si elles ont profondément divisé le monde chrétien après la première croisade et surtout la prise de Constantinople en 1204, elles ont offert à l’Empire romain d’Orient, comme le soulignait le grand historien René Grousset, un répit de trois siècles et demi face à la menace turque, et apporté un certain allègement du péril barbaresque dans la Méditerranée occidentale. Les croisades, quoi qu’on en pense, illustrent le dynamisme européen à l’époque médiévale. Une autre conséquence de leur échec final aura été de reporter vers l’ouest et le sud l’effort des Occidentaux, bloqués au Moyen Orient par la résistance des pays musulmans : la Reconquista espagnole annoncera l’expansion européenne vers l’Amérique, les Indes et même le Japon.

    A côté de ces considérations géopolitiques, il reste l’exigence religieuse des croisades, que Jean Richard définit comme « des entreprises d’une étonnante ampleur, sources de sacrifices, d’épreuves, mais aussi d’un enrichissement spirituel difficilement mesurable, et qui demeurent l’un des épisodes majeurs de l’histoire européenne ». De cette magnifique aventure, en dépit de ses ombres, il n’y a donc pas à rougir.

    Jean Sévillia

    Pour en savoir plus sur les croisades :

    René Grousset, Histoire des croisades, 3 vol. sous coffret, Tempus, 2006 ; et L’épopée des croisades, Tempus, 2002.

    Jacques Heers, La première croisade. Libérer Jérusalem, 1095-1107, Tempus, 2002 ; et Histoire des croisades, Perrin, 2014.

    Xavier Hélary, La dernière croisade, Perrin, 2016.

    Jean Richard, Histoire des croisades, Pluriel, 2010 ; et L’esprit de croisade, Biblis, 2012.

    Sources :  (Edition du  vendredi 12 août 2016)

    https://www.jeansevillia.com/2016/09/05/lepopee-des-croisades/

  • Le fonctionnement des communautés villageoises sous l’Ancien Régime expliqué par Marion Sigaut

    L’historienne Marion Sigaut répond à quelques questions de l’équipe des Gilets Jaunes Constituants au sujet du fonctionnement des communautés villageoises avant la République. De quoi donner quelques idées à l’approche des élections municipales de mars 2020.

    https://www.medias-presse.info/le-fonctionnement-des-communautes-villageoises-sous-lancien-regime-explique-par-marion-sigaut/112942/

     

  • AU TEMPS DES CHEVALIERS

    Dans les spectacles historiques, les films ou dans les romans, ils font rêver toutes les générations. Mais qui étaient vraiment les chevaliers ? Depuis une vingtaine d’années, les historiens ont beaucoup travaillé sur la question. Révisant nombre d’idées reçues.

    Par Jean Sévillia

    Cet été, comme tous les ans, « la Légende des chevaliers », spectacle joué dans le cadre des Médiévales de Provins, fait le plein de spectateurs, tout comme « les Chevaliers de la Table ronde » et « Le Secret de la lance » au Puy du Fou ou « le Tournoi de chevalerie » de Sedan. Dans les familles, on reverra en DVD Excalibur de John Boorman (1981) ou Kingdom of Heaven de Ridley Scott (2005), ce qui n’empêchera pas l’aïeule de se remémorer Les Aventures de Robin des Bois (1938), film dans lequel Errol Flynn était si beau… Les plus jeunes préféreront Kaamelott, d’Alexandre Astier (2005), série dont l’esprit rappellera à leurs parents Monty Python, Sacré Graal, de Terry Gilliam, chef d’œuvre satirique de leur jeunesse (1975). Pour ceux pour qui ne jurent que par un bon livre, Lancelot du LacPerceval ou Ivanhoé sont des romans qui traversent les générations.

    Inusable chevalerie : cinq ou six siècles après sa disparition, elle fait toujours rêver. Elle occupe aussi les historiens. Depuis une vingtaine d’années, les travaux se multiplient à son sujet, révisant nombre d’idées reçues, à commencer par les plus répandues. Qui sait, par exemple, que les chevaliers du Moyen Age n’étaient pas toujours des nobles ? Pour comprendre cette institution qui a tant marqué l’imaginaire européen, il faut remonter aux origines.

    Avant l’an mil, les termes latins milites et militia, traduits ultérieurement par « chevaliers » et « chevalerie », désignent les soldats et le service armé qu’ils exercent. La cavalerie, alors, n’existe pas en tant que corps : les cavaliers sont en réalité des fantassins qui se déplacent à cheval et descendent de leur monture sur le champ de bataille. C’est au XIe siècle que l’art du combat à cheval, qui avait existé dans l’Antiquité, est redécouvert en Occident, en recourant à une race équine robuste, vraisemblablement venue d’Asie au VIIe siècle. Les premiers chevaliers sont donc des cavaliers d’élite qui se mettent au service des princes et des seigneurs féodaux qui les emploient.

    Ces hommes de guerre sont équipés d’armes défensives : un écu, un haubert (une cotte de mailles à manches et à coiffe, qui pèse jusqu’à 12 kilos), un heaume (un grand casque oblong enveloppant d’abord le sommet du crâne et le nez, puis toute la tête et le visage). Et d’armes offensives : l’épée, qui mesure moins d’un mètre, et la lance. Lourde et longue, cette dernière se tient à l’horizontale, calée sous le bras. Son usage inaugure une nouvelle technique : lors des charges collectives, désarçonner son vis-à-vis afin de disloquer les lignes adverses. La puissance du coup, souligne le médiéviste Jean Flori, dépend de la vitesse et de la cohésion du projectile que constitue l’ensemble formé par la lance, le cheval et le chevalier.

    L’introduction du cheval comme instrument de combat a entrainé l’invention des étriers, destinés à assurer la stabilité du cavalier, de même que les progrès de la selle. Avec le temps, le duo formé par le chevalier et sa monture seront conduits à renforcer leur protection. A partir des XIIIe et XIVe siècles, une armure métallique articulée, d’un poids de 20 à 25 kilos, enveloppe le cavalier. Son destrier est lui-même caparaçonné, la tête recouverte. Le cinéma ou la bande dessinée aiment l’image spectaculaire du chevalier harnaché, revêtu d’une tunique colorée ornée de son blason, mais cette représentation est le plus souvent anachronique car elle correspond en réalité à l’époque où la chevalerie a entamé son déclin.

    Au XIIe siècle, l’affrontement à cheval se généralise et devient l’apanage de guerriers qui ont choisi cette forme de combat. Mais au début, le groupe social qui s’appelle la chevalerie est encore issu de tous les milieux : certains chevaliers sont fils de paysans. Accompagnant le seigneur dans ses déplacements ou gardant ses forteresses au sein desquelles ils habitent et sont nourris, les chevaliers deviennent les vassaux de leur maître, obtiennent des terres, parfois un château. Les cadets, fréquemment, mènent une vie errante, courant les tournois, vendant leurs services.

    Tout puissant seigneur possède une école de chevalerie qui a pour fonction de conforter sa clientèle. C’est dans ce cercle que le postulant à la chevalerie, au cours d’un apprentissage de trois à neuf ans, s’initie à l’équitation et au maniement des armes, au milieu de garçons de son âge comme de combattants expérimentés. Ce compagnonnage prépare le jeune homme à sa vie future. Le chevalier, contrairement à une idée fausse, ne se bat pas en solitaire : sa vocation, même dans les tournois, est de combattre en groupe contre d’autre groupes. Lors de sa période de formation, le postulant apprend également la civilité, la courtoisie – au sens littéral, l’art de vivre dans une cour -, s’appropriant l’ensemble des principes qui se sont peu à peu affirmés pour fonder l’éthique chevaleresque : le service de Dieu, la protection des plus faibles.

    Lorsqu’il est prêt, le jeune homme est adoubé chevalier au cours d’une cérémonie où il reçoit ses attributs symboliques – l’épée, le baudrier, les éperons – et où, afin d’éprouver sa résistance, un coup lui est asséné sur la nuque (la colée). Au XIIIe siècle se prend l’habitude de faire précéder l’adoubement d’une veillée de prière, comme de faire bénir le nouveau chevalier, un prêtre faisant un sermon.

    L’historien Jacques Le Goff a montré que l’Eglise médiévale a longtemps manifesté son opposition à la guerre, tentant de contenir celle-ci par la Paix de Dieu – édictée au concile de Charroux en 989 – qui interdisait aux troupes féodales de porter atteinte aux clercs et aux pauvres, puis par la Trêve de Dieu, apparue vers 1040, qui prononçait l’interdiction de combattre pendant les périodes de pénitence, ainsi le carême, et du jeudi au dimanche, afin de respecter le jour du Seigneur.

    À ses débuts, la chevalerie n’inspire donc que méfiance à l’Eglise. Saint Bernard, au prix d’un jeu de mots, vilipendera la militia (la chevalerie) qui n’était rien d’autre que malitia, « péché », « crime ». Il restera des traces de cette méfiance dans l’appel que le pape Urbain II lancera à Clermont, en 1095, invitant les hommes de guerre à secourir leurs frères chrétiens d’Orient et à délivrer les Lieux saints : la croisade (terme qui date du XVe siècle, plus de deux siècles après la fin des croisades) est conçue en premier lieu comme un voyage pénitentiel, les chevaliers étant invités à renoncer à leurs pratiques violentes en Europe et à accomplir leur devoir guerrier en Terre sainte.

    Voués à la défense des Etats latins d’Orient, les premiers ordres de chevalerie naissent dans la foulée des croisades : l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (ancêtre de l’actuel ordre de Malte), l’ordre du Saint-Sépulcre, l’ordre du Temple, l’ordre Teutonique. Ce sont des ordres monastiques. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, l’Eglise achève en effet de se rallier à l’idéal chevaleresque. Pour l’Eglise, le chevalier est miles Christi, le soldat (ou le chevalier) du Christ, dont l’épée est au service de la cité terrestre, antichambre de la cité céleste. Parallèlement, l’idéal chevaleresque est adopté par la noblesse aux yeux de qui le chevalier est un maillon de la société féodale : vassal, il doit respecter ses obligations vis-à-vis de son maître (son suzerain) ; seigneur, il est tenu à la justice et à la charité envers ses vassaux.

    Hardiesse, courage, loyauté, largesse (le chevalier méprise l’argent mais est encouragé à l’utiliser avec générosité), courtoisie (notamment avec la dame de ses pensées), finesse d’esprit (le chevalier idéal est un lettré, qui maîtrise le latin, qui lit), telles sont les objectifs visés par ces hommes de guerre. Un comportement exalté par la littérature lyrique et romanesque de l’époque qui trouve son apothéose dans les œuvres de Chrétien de Troyes (LancelotPerceval), poète qui christianise la légende arthurienne en faisant du Graal le calice qui a recueilli le sang de Jésus sur la croix.

    Paradoxalement, c’est au moment où triomphe l’idéal chevaleresque que le nombre de chevaliers diminue. La multiplication des forteresses et des opérations de siège valorise d’autres types de combattants (fantassins, archers, servants de machines de guerre). Le coût croissant de l’équipement des chevaliers ainsi que des cérémonies d’adoubement, de plus en plus fastueuses, éloigne les impécunieux de cet état. Au XIIIe siècle, a fortiori au XIVe siècle, au moins dans les royaumes de France et d’Angleterre, la chevalerie est non en droit mais en fait réservée à la noblesse. Tous les nobles ne sont pas chevaliers, certes, mais tous les chevaliers sont nobles, ce qui introduit dans la chevalerie le facteur héréditaire, et renforce la cohésion sociale de la noblesse.

    Cette évolution exerce une conséquence sur les tournois, qui étaient à l’origine un spectacle collectif confrontant deux camps. Peu à peu, ce modèle cède la place à des joutes individuelles. Condamnés par les papes et les conciles, interdits par Saint Louis en 1260, les tournois reviennent à la mode aux XIVe et XVe siècles parce qu’ils constituent une fête pour les nobles qui y participent et pour le peuple qui y assiste.

    Le prestige de la chevalerie étant à son sommet, les rois et les princes créent à leur tour des ordres de chevalerie, destinés à récompenser les meilleurs serviteurs du trône et à rassembler la noblesse autour du souverain : l’ordre de la Jarretière fondé par en Angleterre par Edouard III en 1348, l’ordre de l’Etoile créé par le roi de France Jean II le Bon en 1351, l’ordre de la Toison d’or institué par le duc de Bourgogne Philippe le Bon en 1429, l’ordre de Saint-Michel fondé par Louis XI en 1469.

    Le déclin militaire de l’institution se poursuit pourtant. Quand les fantassins et les archers l’emportent sur les cavaliers, comme à Crécy (1346) ou Azincourt (1415), les jours de la chevalerie sont comptés. A la fin de la guerre de Cent ans, le sentiment national est en germe, et l’Etat royal pose les bases d’une organisation militaire qui n’est plus celle du monde féodal. Au XVIe siècle, la chevalerie est morte. Au tout début du XVIIe siècle, Cervantès lui dresse un superbe tombeau avec son Don Quichotte. Demeurera un mythe éternel, et le titre de chevalier, utilisé jusqu’à nos jours pour désigner de nobles engagements ou récompenser de vrais mérites, mais aussi, malheureusement, pour qualifier des chevaliers de fantaisie qui n’ont rien de héros. Dans notre société matérialiste, l’authentique esprit chevaleresque se fait rare.

    Jean Sévillia

    Sources

    Martin Aurell, Le Chevalier lettré. Savoir et conduite de l’aristocratie aux XIIe et XIIIe siècles, Fayard, 2011.

    Dominique Barthélemy, La Chevalerie, Tempus, 2012.

    Jean Flori, Chevalerie et chevaliers au Moyen Age, Hachette, 1998.

    Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt, Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Fayard, 1999.

    Sylvain Gouguenheim, Le Moyen Age en questions, Texto, 2012.

    Sources :  (Edition du  vendredi 11 août 2017)

    https://www.jeansevillia.com/2017/08/22/au-temps-des-chevaliers/

  • DANS "PRÉSENT" D'AUJOURD'HUI : UN GRAND ENTRETIEN AVEC ROLAND HÉLIE AU SUJET DU RENDEZ-VOUS BLEU BLANC ROUGE DE SYNTHÈSE NATIONALE DES 12 ET 13 OCTOBRE

    3827888103.jpgRoland Hélie, directeur de Synthèse nationale, présente le rendez-vous Bleu Blanc Rouge (13e Journées nationalistes et identitaires) des 12 et 13 octobre prochains à Rungis (propos recueillis par Fabrice Dutilleul).

    Entretien publié dans les colonnes du quotidien Présent.

    Samedi 12 et dimanche 13 octobre prochains, votre revue Synthèse nationale organise à Rungis ses 13e Journées annuelles. Comment cela va-t-il se passer ?

    Pour la 13e année consécutive, Synthèse nationale organise ses journées nationalistes et identitaires. Mais cette année, il y a du nouveau. Tout d’abord, vu le succès grandissant des précédentes éditions, nous avons décidé de les tenir sur deux jours, le samedi et le dimanche. De plus, en accord avec le président Jean-Marie Le Pen, détenteur du titre et qui sera d’ailleurs présent dimanche 13 octobre, nous les avons intitulées « Le grand rendez-vous Bleu Blanc Rouge », ce qui, n’en doutons pas, évoquera bien des souvenirs aux patriotes et donnera un nouvel élan à ce rassemblement annuel des Français attachés à la défense de la France française et de la civilisation européenne…

    Dans le contexte actuel, il y a beaucoup à faire, ne croyez-vous pas, pour maintenir face au mondialisme triomphant, la volonté nationale et européenne ?

    Tout d’abord, il convient de bien faire la part des choses. Si la « mondialisation », à l’heure des voyages et transports rapides et de l’internet, est un fait, le « mondialisme » destructeur des nations et des identités, lui, est un dogme. Et c’est ce type de dogme que nous combattons.

    Il se trouve que nous sommes français et européens et que nous entendons le rester. Je dis cela sans aucun mépris pour quiconque, mais je pense que notre pays ne doit pas disparaître dans le magma nationicide et ethnocide que veulent nous imposer les promoteurs du monde globalisé dans lequel seuls les profits et la finance seraient les gagnants. Cela aux dépens des peuples qui en paieront très cher les conséquences bien sûr…

    Comment cela se caractérise-t-il ?

    Par le formatage systématique, à l’école comme dans les médias, des cerveaux. Par le grand brassage des populations avec toutes les conséquences néfastes que l’on observe de plus en plus. Par la destruction volontaire des repères, familiaux, sociétaux, historiques, géographiques… En fait, les mondialistes n’ont qu’une ambition, celle de réduire les humains à l’état de consommateurs dociles et bien gavés juste bons à enrichir les multinationales apatrides…

    Que proposez-vous face à cela ?

    Pour nous, il ne peut pas y avoir d’avenir radieux pour notre peuple sans une rupture totale avec le dogme mondialiste. Il faut que la France et l’Europe retrouvent leur liberté et leur identité. Seule une mobilisation unitaire des forces nationales et nationalistes pourra mettre à bas les prétentions de la classe politico-affairiste. Notre devoir à tous est de redonner par tous les moyens à nos compatriotes une conscience nationale et identitaire. C’est dans cet esprit que, depuis la création de la revue Synthèse nationale, en 2016, nous nous battons.

    Revenons au « Rendez-vous Bleu Blanc Rouge » des 12 et 13 octobre…

    Nous essayons de faire en sorte que toute la famille nationale, tout du moins ses composantes qui le veulent bien, se retrouve afin de montrer que, pour nous, les mots « nations » et « civilisations » ont encore un sens. Nous ne demandons pas aux gens de forcément s’unir, nous leur proposons simplement de travailler pour la même cause. Chacun a ses particularités, mais tous ont un dénominateur commun (le plus petit peut-être, mais pas le moindre à nos yeux), celui de l’amour de la France et de l’Europe. Voilà pourquoi, durant ses deux jours, une trentaine d’intervenants, aux sensibilités différentes et parfois même opposées, se succéderont lors des forums ou du meeting final.

    Notre but est de prouver, grâce à ces journées, que le courant national non renié, au sens large du terme, a plus que jamais toute sa place dans le paysage politique et culturel français…

    Dernièrement s’est déroulée à Paris une « convention de la droite » qui a beaucoup fait parler d’elle. N’est-ce pas une sorte de concurrence pour vous ?

    Absolument pas. Il faut que cent fleurs s’épanouissent. Cette convention, comme toutes les initiatives similaires, montre que le curseur se déplace de plus en plus vers « la droite » (employons ce terme pour faire simple) et je m’en réjouis. Nous n’avons pas la prétention d’agir seuls. Si d’autres nous emboitent le pas, c’est tant mieux… Nous, c’est-à-dire l’ensemble des mouvements et associations présents à nos journées, nous sommes le pôle précurseur.

    La situation se détériore de jour en jour. Nous n’avons plus le temps ni les moyens de nous offrir le luxe d’entretenir des querelles stériles. Il est regrettable que certains ne l’aient pas compris et continuent à lancer des anathèmes stériles internes à notre famille de pensée. Bientôt, il sera trop tard si rien n’est fait… C’est aussi pour instaurer un nouvel état d’esprit que nous agissons… Mais, je le rappelle, Synthèse nationale n’est ni un parti ni un mouvement. C’est simplement une revue qui propose… Après, les organisations compétentes disposent.

    Concrètement, comment cela se déroulera-t-il ?

    Ouverture des portes samedi 12 octobre à partir de 14h00. Plus de 70 stands politiques, associatifs, culturels et mêmes commerciaux seront là pour vous accueillir. Trois forums dans l’après-midi : un sur la liberté d’expression animé par Hugues Bouchu, délégué francilien des Amis de SN, avec des victimes récentes de la répression d’État comme Yvan Benedetti, Jérôme Bourbon (Rivarol), Daniel Conversano, Caroline-Christa Bernard, les responsables du Bastion social dissout en mai dernier… Un deuxième sur l’Europe, animé par Gabriele Adinolfi de l’institut Polaris avec l’écrivain Thomas Ferrier et des amis venus de Grèce, d’Italie, d’Espagne, de Belgique et d’ailleurs… Un troisième sur la culture autour de Philippe Randa (EuroLibertés et collaborateur de Présent) avec Anne Brassié, Thierry Bouclier, Pierre Gillieth (Réfléchir et Agir)… De nombreuses autres personnalités participeront à ces forums.

    Le samedi soir, à partir de 19h30, se déroulera un grand banquet patriotique et festif (concert de Dr Merlin et des Feux follets, groupe de folk traditionnel européen, auquel nous vous invitons à participer nombreux (30 euros par personne).

    Le dimanche, ouverture à 11h00 avec un forum sur l’avenir de notre nation et de notre civilisation auquel participeront entre autres Jean-François Touzé, Serge Ayoub, Vincent Vauclin (la Dissidence française) et aussi l’économiste Bernard Monot. Après le déjeuner (restauration et bar sur place), le concert très attendu de nos chères Brigandes (14h30) puis, à partir de 16 h, le meeting final avec Pierre Vial (Terre et peuple), Richard Roudier (Ligue du Midi), Pierre Cassen (Riposte laïque), Alain Escada (Civitas), Thomas Joly (Parti de la France), Martin Peltier (journaliste et écrivain), Roger Holeindre sur lequel nous venons d’éditer un livre-entretien, des amis européens, et, comme je vous l’indiquais, Jean-Marie Le Pen qui nous parlera du deuxième tome de ses Mémoires qui vient de paraître. Je conclurai pour ma part ces journées vers 18h00.

    Ajoutez à tout cela de nombreuses animations ludiques et musicales, les dessinateurs Ignace et Pinatel, des auteurs indépendants et non-conformistes… Bref, vous ne regretterez certainement pas d’être venu. Le programme complet est disponible sur notre site cliquez là

    Un nouveau succès pour Synthèse nationale en perspective ?

    Qui y sera verra…

    Rendez-vous Bleu Blanc Rouge, 13e Journées de Synthèse nationale, samedi 12 (à partir de 14 h 00) et dimanche 13 octobre (à partir de 11 h 00), Espace Jean Monnet 43 rue des Solets à Rungis (94), entrée (pour deux jours) : 10,00 euros. Facile d’accès par RER ou par métro et tram. Parking assuré.

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2019/10/09/dans-present-d-aujourd-hui-un-grand-entretien-avec-roland-he-6181462.html