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culture et histoire - Page 831

  • David l’Épée : "Contre le nouveau puritanisme"

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    Rébellion : Vous donnez le 19 mai à Bordeaux à l’invitation du Cercle Rébellion bordelais une conférence intitulée Le nouvel ordre moral. De quoi sera-t-il question ?

    David l’Épée : Il sera question d’un phénomène très inquiétant qu’on voit à l’œuvre depuis quelques années et qui est en train de prendre un poids considérable : la mise en place, dans les mœurs et dans les lois, d’un nouveau puritanisme d’inspiration féministe.

    En rupture avec le féminisme historique et avec la tradition de progrès social dans laquelle il s’inscrivait jusqu’alors, cette nouvelle idéologie se présente comme un pur produit universitaire, une doctrine hors-sol qui a pris peu à peu le visage d’une espèce de jésuitisme laïcisé. Le nouvel ordre moral dont parle le titre est en quelque sorte un retour du refoulé victorien qui hante encore l’inconscient collectif des cultures anglo-saxonnes et scandinaves, qui sont précisément celles à qui nous devons cette offensive néo-féministe. Je tâcherai, dans le temps qui m’est imparti, de faire la généalogie de ce phénomène, d’expliquer sa cohérence et d’examiner quelles sont ses implications. J’ai rassemblé ces dernières années de nombreux exemples concrets et éloquents de ce raidissement des rapports entre les sexes voulu et promu par une partie de nos élites. Mais rassurez-vous, je ne vais pas livrer un discours complotiste ou décliniste, je crois fermement qu’une révolte du bon sens se prépare contre cette chape de plomb et nous sommes là pour nourrir la critique. C’est une causerie où, je l’espère, nous aurons aussi l’occasion de rire : les méfaits des nouveaux flics de la pensée sont souvent si ubuesques et si surréalistes qu’ils inspirent forcément la rigolade, et cette rigolade pourrait bien, face à ce système qui se méfie de l’humour comme de la peste, s’avérer un instrument de résistance.

    Rébellion : Ce que vous dites est étonnant car les opposants qu’on a entendu au moment de réformes telles que l’introduction de l’idéologie du genre à l’école ou le « mariage pour tous » parlaient peu de puritanisme : au contraire ils étaient souvent accusés, par leurs adversaires ou par les médias, de faire eux-mêmes preuve de puritanisme !

    David l’Épée :  C’est vrai, mais vous aurez remarqué que dans tous ces mouvements de contestation, les médias ont bien pris soin de ne donner la parole qu’à des représentants de mouvements religieux (catholiques la plupart du temps, musulmans parfois) et si possible en tendant leurs micros aux plus fondamentalistes et aux plus caricaturaux d’entre eux, et ce dans le but de pouvoir les décrédibiliser auprès de l’opinion publique. S’il faut reconnaître que les mouvements catholiques ont effectivement joué un rôle de poids dans cette opposition (et on peut les en remercier), ils n’étaient pas les seuls, et les raisons qui ont poussé tant de Français à tenter de faire barrage aux savants fous du gouvernement n’étaient pas toutes d’ordre religieux ou moral. Si je ne me retrouve pas dans le combat de ces gens-là, c’est parce que – outre le fait, somme toute anecdotique, que je ne suis pas croyant – leur critique est incomplète, elle ne tire pas toutes les conséquences qu’elle devrait de cette contestation du néo-féminisme. Je ne vais pas me faire des amis en disant cela mais il me semble depuis un moment qu’un chrétien qui s’en prend à l’idéologie du genre, c’est comme un gauchiste (ou un droitard) qui s’en prend au libéralisme : il ne fait le boulot qu’à moitié, il botte en touche rapidement et se prend tôt ou tard les pieds dans le tapis. Le problème n’est pas tant qu’ils aient été traités de puritains mais que, bien souvent, ils l’étaient en effet. On a vu les partisans de la vieille Eglise descendre dans la rue pour chahuter les représentants de la nouvelle Eglise, celle qui occupe actuellement le pouvoir. Certains croyaient en Dieu quand d’autres croyaient au progrès, ils n’étaient certes pas d’accord sur tout mais beaucoup d’entre eux, des deux côtés de la barricade, se situaient dans un rapport conflictuel avec des notions aussi centrales que la nature, le corps, le sexe. Aux calotins indignés et aux prêcheurs mahométans qui vocifèrent contre les jupes trop courtes, la nudité au cinéma et la gauloiserie, j’ai envie de dire : pas la peine de gueuler les gars, pas la peine d’aller manifester sur les grands boulevards, les féministes font le boulot à votre place dans les ministères, il vous suffit de patienter encore un peu et d’attendre que les choses se fassent !

    Rébellion : On a un peu de peine à vous suivre. Dans une récente émission sur TV Libertés, on vous a vu démolir un livre d’Esther Vilar (que vous avez qualifiée d’ « Otto Weininger additionnée d’un utérus »), qui est pourtant considérée par beaucoup comme une référence du combat anti-féministe…

    David l’Épée : Mais je ne suis pas anti-féministe ! Je pourrais difficilement l’être puisque ce terme (tout comme le terme de féminisme) est bien trop polysémique si on ne précise pas ce qu’on met derrière. Esther Vilar est une pamphlétaire complètement névrosée et percluse de haine de soi, ses livres ne sont intéressants que comme témoignages d’une pathologie – et une pathologie pas très éloignée de celle qu’on trouve chez ces hommes honteux d’être hommes, ces blancs honteux d’être blancs, ces Français honteux d’être Français, etc. J’ai tenu à parler d’elle dans cette émission car le fait qu’elle trouve un écho favorable parmi les critiques actuels du féminisme me semble assez préoccupant. Le problème n’est pas dû qu’à son manque de rigueur intellectuelle mais au postulat violemment misogyne de sa thèse. La fréquentation de la nébuleuse anti-féministe m’a malheureusement révélé que derrière une critique commune (ou commune en apparence) on trouvait souvent des motivations et des présupposés diamétralement opposés. Ceux qui considèrent comme de sérieux instruments de critique anti-féministe les livres d’Esther Vilar ou La Pornocratie de Proudhon (et pourtant je suis un grand admirateur de Proudhon mais pour de tout autres raisons !) font preuve d’une grande erreur d’appréciation, une erreur qui ne peut s’expliquer que par le problème qu’ils ont non pas avec le féminisme mais avec les femmes. Vous noterez d’ailleurs – et on revient incidemment au sujet de ma causerie – que la plupart des misogynes sont de fieffés puritains. Le puritanisme est avant tout une haine de la nature, du créé, or le corps et le sexe sont nature par excellence, et dans nos représentations culturelles plurimillénaires, c’est toujours avant tout la femme qui est liée à cette corporéité, qui est ramenée à son sexe : c’est sans doute arbitraire mais c’est ainsi. Ne parlait-on pas, au XIXème siècle encore, d’une « personne du sexe » pour désigner une femme ? Ceux qui dévalorisent la femme et affirment son infériorité, qu’ils soient imams fondamentalistes ou puceaux tourmentés lecteurs de Sexe et caractèred’Otto Weininger, sont donc les pires des puritains, et ce au même titre que les néo-féministes qu’ils pensent combattre et dont ils ne sont que le reflet inversé.

    Rébellion : Que le féminisme soit pris parfois de bouffées androphobes, on s’en doutait un peu et on l’avait remarqué, mais comment pourrait-il s’en prendre aux femmes alors qu’il constitue l’idéologie censée défendre leurs intérêts ?

    David l’Épée : C’est tout le paradoxe du néo-féminisme qui, en radicalisant certaines positions de l’ancien, a fini par se retourner contre ce dernier. Une partie du féminisme classique défendait, presque de manière « corporatiste », les intérêts des femmes, que ce soit en matière de droits, de salaires, d’égalité, de liberté, etc. Que l’on soit d’accord ou non avec ce programme, c’était une cause cohérente puisque sur de nombreux points très concrets les femmes réelles y trouvaient effectivement leur avantage. Mais le néo-féminisme, passé au filtre des idéologies de la déconstruction et de l’ultra-culturalisme universitaire, en est venu à nier la nature, c’est-à-dire le fait qu’il existe une moitié de l’humanité ressortissant du sexe féminin. Le sujet du féminisme classique était la femme mais le but du néo-féminisme est de déconstruire et d’évacuer toute catégorie sexuelle. Or qu’est-ce qu’un féminisme sans femmes ? Ce serait aussi absurde qu’un anti-racisme qui, tout en condamnant les discriminations raciales, nierait la notion de race… Ah non tiens, ça existe aussi. Bref, si le féminisme a commencé par s’attaquer au patriarcat, à la domination masculine, à la phallocratie et même parfois, dans ses expressions les plus radicales, à l’homme lui-même (on trouve, chez certaines théoriciennes lesbiennes séparatistes, de Ti-Grace Atkinson à Valérie Solanas, une véritable haine du mâle poussée parfois jusqu’à des fantasmes quasiment génocidaires), il est désormais passé à l’étape suivante et a fait de la femme sa nouvelle cible. Ce qui procède d’une certaine logique : on ne peut pas liquider la masculinité sans liquider dans le même mouvement la féminité puisque c’est le principe même d’identité sexuée qui est attaqué. Contrairement à ce que dit un Eric Zemmour qui me semble avoir une vision un peu superficielle de la chose, je ne pense pas que le mouvement à l’œuvre vise à une féminisation mais bien plutôt à une neutralisation. Si les néo-féministes partent à l’assaut de toutes les spécificités et caractéristiques de la femme, qu’elles soient culturelles (comme la coquetterie ou la minauderie) ou biologiques (comme les rapports hétérosexuels ou la maternité), c’est bien parce que c’est la féminité qui est leur ennemi. Pensez-vous vraiment que des personnalités du féminisme radical comme Beatrice/Paul Preciado ou Marie-Hélène/Sam Bourcier auraient décidé de changer de sexe si elles étaient animées par l’idée de défense de la femme et de la féminité ?

    Rébellion : Vous travaillez depuis plusieurs années sur ces questions-là. Qu’est-ce qui vous a motivé à entreprendre ces recherches ?

    David l’Épée : J’ai un peu fréquenté les milieux féministes lorsque j’étais engagé à l’extrême gauche, non pas parce que j’y croyais mais parce que je ne pouvais pas faire autrement, ça faisait partie du package trotskiste et étant secrétaire de section il me fallait bien ménager la chèvre et le chou. J’avais déjà les plus grands doutes sur le sens et le bien-fondé de ce combat, bien éloigné des grands exemples du féminisme socialiste ou anarchiste de jadis (Louise Michel, Rosa Luxembourg, Emma Goldman, etc.) et plus proche du tournant bourgeois et culturaliste qu’il a pris aujourd’hui. Mais ce qui m’a vraiment fait réagir et m’a décidé à m’intéresser plus précisément à la question, c’est la montée du climat de pénalisation et le retour au puritanisme que je sentais venir lentement mais sûrement. Ma réaction n’avait rien de politique à proprement parler, elle était motivée par la crainte diffuse que beaucoup de choses que j’aimais et qui occupaient une grande place dans mon existence me paraissaient menacées par cette idéologie en pleine croissance : les beaux-arts, l’érotisme, l’humour, la drague, le cinéma, la séduction, un certain art de vivre, un certain goût pour la beauté et pour la différence des sexes – tout cela était peu à peu remis en cause, voire placé en accusation par ces nouvelles doctrines caporalistes importées d’outre-Atlantique. C’est la raison pour laquelle j’écris depuis plusieurs années des articles et donne des conférences à ce propos et c’est également le sujet d’un livre sur lequel je travaille depuis un certain temps. Mon optique étant résolument différentialiste, je renvoie dos à dos néo-féministes et misogynes et j’espère parvenir à convaincre celles et ceux qui me lisent ou m’écoutent que l’harmonie entre hommes et femmes ne sera possible que si nous réapprenons à valoriser nos spécificités plutôt qu’à les nier, à les criminaliser ou à les « déconstruire ».

    Source : rebellion-sre.fr

    http://blogelements.typepad.fr/blog/2018/05/david-l%C3%A9p%C3%A9e-contre-le-nouveau-puritanisme.html#more

  • Mai 68 • Les acteurs de la contestation

    Par Rémi Hugues 

    Dans le cadre de la sortie de son ouvrage Mai 68 contre lui-même, Rémi Hugues a rédigé pour Lafautearousseau une série dʼarticles qui seront publiés tout au long du mois de mai.

    Dire à la fois que les mouvements radicaux d’extrême-gauche étaient dirigés par des Juifs et que ce sont ces mouvements qui sont à la source de la révolte étudiante qui déclencha la crise de mai-juin 1968 revient à considérer que le rôle joué par ces jeunes Juifs a été déterminant. Sans eux, il est légitime de se poser la question, Mai 68 aurait-il eu lieu ? 

    Yaël Auron insiste sur leur rôle majeur dans l’irruption des événements quand il écrit que « Mai 68 revêt des spécificités juives indéniables, authentiques et profondes. Ce sont dans une large mesure des motivations juives qui ont propulsé toute une génération de jeunes juifs dans la lutte révolutionnaire universelle. Elles trouvent leurs fondements dans les événements du passé le plus proche, la Seconde Guerre mondiale et la Shoah »[1]. Pour lui, leur faible nombre était compensé par la position éminente qu’ils occupaient dans les mouvements gauchistes. Ils se trouvaient aux places les plus stratégiques, de direction. En quelque sorte ils en étaient les pivots : « les juifs n’étaient qu’une infime minorité, bien que fortement représentés au sein des instances dirigeantes des groupes contestataires étudiants. »[2]

    Outre la J.C.R. de Krivine, Yaël Auron souligne qu’« [i]l en était de même au sein de la direction des autres organisations trotskistes où les juifs représentaient une majorité non négligeable si ce n’est la grande majorité des militants. […] Le mouvement maoïste, la Gauche prolétarienne, avait à sa tête deux juifs, Alain Geismar et Pierre Victor (Benny Lévy). »[3] Sans oublier le plus informel Mouvement-du-22-mars et son leader emblématique Daniel Cohn-Bendit, le plus célèbre des soixante-huitards.

    Dans un livre autobiographique ce dernier raconte une expérience qui l’a grandement marquée : « à quinze ans, je suis allé en Israël. J’ai travaillé dans un kibboutz. C’était très joli, tout le monde vivait en communauté, les gens s’entraidaient, solidarité, égalité, etc. Intuitivement, je devais avoir une position sioniste de gauche. […] J’étais à Nanterre lorsque éclata la guerre des Six-Jours. […] Nous n’avions pas conscience réellement du problème d’Israël : nous étions encore sous l’influence de l’idéologie sioniste que nous avions acceptée pendant des années »[4].

    Plus loin il développe le raisonnement suivant : « L’extrême-gauche, comme la gauche, a toujours répugné à se poser le problème de l’identité individuelle. Pour définir quelqu’un, on se réfère toujours à son appartenance de classe. Mais notre identité est le fruit de multiples expériences, parmi lesquelles le cadre de vie de notre enfance joue un rôle important. […] Cette société m’impose d’être viril – je suis un garçon, plus tard un homme – juif allemand, rouquin, plus ou moins beau »[5]

    Les auteurs de Génération. Les années de rêve, Hervé Hamon et Patrick Rotman, ont dressé une longue liste des protagonistes de Mai 68. Nous reprenons ce qu’ils disent du milieu familial et social de chaque acteur. 

    Alain Krivine 

    Commençons par Alain Krivine : « Son père, médecin stomatologue, n’a rien d’un ʽʽencartéʼʼ. Il lit Le Figaro, se proclame antiraciste, vote régulièrement à gauche mais avec la certitude, quand son suffrage se porte sur les communistes, que ces derniers ne prendront jamais le pouvoir. Il est né en France de Juifs russes immigrés, qui ont fui les pogroms avant 1917, et la femme qu’il a rencontrée était de même souche. […] La mère d’Alain, au fond, n’éprouve ni passion politique ni passion religieuse. Elle jeûne à Kippour parce que, dit-elle, face aux antisémites, il est bon de montrer une fois l’an qu’on est juif. »[6] 

    André Sénik 

    André Sénik « est né de parents juifs polonais, petits commerçants établis à Paris dans le quartier du Sentier vers 1930, à l’époque où la communauté juive en France – cent cinquante mille âmes – double de volume sous l’afflux des réfugiés de l’Est, dont la moitié provient de Pologne. La culture familiale est teintée de marxisme mais tout autant de sionisme. La première organisation que fréquente le jeune Sénik, le M.A.P.A.M. (le Parti unifié des travailleurs, à la fois sioniste et socialiste), est ainsi orientée : à gauche, et cependant en quête dʼEretz Israël. »[7] 

    Tiennot Grumbach 

    Quant à Tiennot Grumbach : « Sa mère est la sœur de Pierre Mendès France et dirige le commerce de vêtements, devenu petite maison de couture, qu’a fondé le grand-père Mendès. [Son] père, il est ʽʽdans les affairesʼʼ, au Brésil, où laCasa Grumbach connaît des hauts et des bas. »[8] 

    Jean-Paul Ribes 

    Jean-Paul « Ribes, lui, n’est pas juif pour deux sous. Un Français, vrai de vrai, issu d’une classique famille petite-bourgeoise – le père ingénieur à l’E.D.F., la mère qui ʽʽne travaille pasʼʼ. »[9]    (Dossier à suivre)   

    [1]  Yaël Auron, Les juifs d’extrême gauche en mai 68, Paris, Albin Michel, 1998, p. 39.

    [2]  Ibid., p. 23.

    [3]  Idem.

    [4]  Daniel Cohn-Bendit, Le grand bazar, Paris, Belfond, 1975, p. 10-11.

    [5]  Idem.

    [6]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération. Les années de rêve, Paris, Seuil, 1987, p. 15-16.

    [7]  Ibid., p. 20.

    [8]  Ibid., p. 21-22.

    [9]  Ibid., p. 22.  

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    Dossier spécial Mai 68

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  • Mai 68 • L’« avant-garde chien de garde » du Capital [3]

    Par Rémi Hugues 

    Dans le cadre de la sortie de son ouvrage Mai 68 contre lui-même, Rémi Hugues a rédigé pour Lafautearousseau une série dʼarticles qui seront publiés tout au long du mois de mai.

    Le point de vue de « Rabi » 

    Par exemple, quelques mois après Mai 1968, dans la rubrique « Le carnet de route de Rabi » du périodique Information juive, on peut lire ces lignes :

    « Après la guerre des Six jours, et surtout après la conférence de presse de qui vous savez, le mécontentement était vif au sein de la communauté juive. Vinrent les événements de mai 1968. Le souci d’Israël fut écarté provisoirement, mis entre parenthèses. […]

    II faut maintenant parler des étudiants, sans paternalisme, sans complaisance. II y a un phénomène étudiant. C'est un phénomène mondial, ou semi-mondial. Partout où un mouvement étudiant a été déclenché, les Juifs s'y trouvèrent nombreux. À cela il y a des causes objectives. II faut retenir en effet que si, par exemple aux U.S.A. la classe d’âge nationale comporte 27 % d’étudiants, par contre la classe d’âge juive comporte 80 % d’étudiants. En France, il y a 8 à 10 % d’étudiants dans la classe d’âge nationale (à cause d'un secteur rural et d'un secteur ouvrier importants), mais dans leur classe d’âge, si l’on retient uniquement la masse de la communauté juive, les étudiants juifs sont au moins au nombre de 40 %. C’est pourquoi dans certaines universités ils constituent 10 % au moins de la masse des étudiants. Leurs traditions et leur culture font que ces étudiants juifs sont actifs, généreux, inventifs. Par ailleurs, la société universitaire est le type même de l’open society, ouverte à tous les courants libéraux, universalistes, socialistes. En Amérique du Nord, cette gauche étudiante est qualifiée de New left ; les étudiants qui appartiennent à cette nouvelle gauche (et n’oublions pas que tout le mouvement est parti en 1964 de Berkeley) sont généralement hostiles à tout militarisme. Placés devant le phénomène israélien, ils admettent difficilement le recours d’Israël à la violence, même pour sa défense, l’occupation militaire, les réalités implacables de tout pouvoir, et cette espèce de dichotomie qu’un attachement à Israël provoque inévitablement en eux. Cette nouvelle gauche symbolise le libéralisme messianique qui est devenu l’idéologie de la classe moyenne intellectuelle juive aux U.S.A. Ce sont là des faits que l’on ne peut minimiser, même si l’on est persuadé que nous assistons à la dernière métamorphose de l’aliénation juive. Le danger est grand, à la fois d’une rupture immédiate entre l’ancienne génération, toujours profondément attachée à Israël, et la nouvelle qui s’en écarte et surtout, à plus lointaine échéance, entre la communauté juive des États-Unis et Israël. […]

    Venons-en à mai 1968. Les Juifs furent nombreux parmi les cadres. On m'affirme même que certains, anciens membres de lʼHachomer, s’interpellaient en hébreu dans les manifestations, et que dans certains comités le seul Gentil était Sauvageot. Passons sur le folklore inévitable. À les entendre, parler des barricades (en hébreu on dit barrikadim), on dirait parfois déjà des anciens combattants. Cependant, lors d'une récente table ronde, dirigée par Albert Memmi, l’un des participants a parfaitement posé le problème : pour la première fois, je me suis complètement intégré aux débats qui se posent en France. Si le Mouvement réussit, je ne vois aucun sens à mon départ en Israël. Sʼil y a une fascisation du gaullisme ou une prise de pouvoir par le P.C. Français actuel, je lutterais de l’intérieur. Je n'irai en Israël que si toutes les issues sont bouchéesʼʼ (LʼArche, juin-juillet). C'est net. Depuis un siècle, la révolution a constitué l’éternelle fascination du monde juif sorti du ghetto. La révolution marcusienne en constitue le type ultimo et le plus dégradé. Car je comprends parfaitement et j’approuve la jeunesse étudiante de Varsovie, de Prague, de Madrid, de Sao Paulo, de Buenos-Aires, de Berkeley et de Berlin. Partout elle combat pour la liberté. Je ne comprends pas la jeunesse étudiante de Paris : une classe neuve apparaît, qui réclame pour elle des privilèges qu’elle estime insuffisants. Je le dis nettement, au risque de me couper de mes amis : ce combat n'est pas notre combat. »[1]    (Dossier à suivre)  

    [1]  Information juive, n° 186, octobre 1968. 

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  • IL Y A QUARANTE ANS : KOLWEZI

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    Il y a quarante ans, le 18 mai 1978, à minuit, l’ambassadeur de France au Zaïre était appelé de Paris. Le Président Giscard d’Estaing avait décidé d’envoyer des troupes françaises à Kolwezi pour écraser la révolte katangaise. Opposés à Mobutu, les Katangais du FNLC perpétraient massacres, viols, pillages et exécutions sommaires sur la population zaïroise de la ville, et menaçaient les Européens (on disait encore « les Blancs », parce que les termes étaient alors synonymes). La semaine précédente, ils avaient assassiné douze enfants belges, en aube blanche, dans l’église où ils attendaient le sacrement de confirmation. Les mentors cubains, qui appuyaient la déstabilisation, étaient dépassés par ces rebelles drogués et ivres de sang. Yvon Bourges, le ministre de la Défense français, avait mis en alerte, à douze heures, la 1 1e division parachutiste ; au sein de cette division, c’est le 2e régiment étranger de parachutistes, stationné en Corse, qui avait été choisi pour agir.

    À 2 heures du matin, l’officier de permanence du camp Raffalli, à Calvi, actionne la sirène d’alarme. Le clairon se rend dans la cité cadres et sonne le rassemblement. La PM vide les bars et ramène les légionnaires. Le colonel Erulin rassemble son régiment : le REP va intervenir à Kolwezi. Après 175 kilomètres de route de montagne jusqu’à Solenzara, le REP attend les avions, puis embarque. 650 légionnaires parachutistes se posent à Kinshasa, à 23 heures 15, le même jour. L’opération aéroportée est validée, les ordres donnés pour le 19 mai dans la nuit.

    Le 19 mai à 15 h 40, lumière verte dans l’avion, 350 légionnaires parachutistes sautent sur Kolwezi face à un millier de Katangais. Pas de soutien au sol, pas de tirs d’artillerie préliminaires, mais de l’audace, de la surprise et un plan foudroyant. Les capitaines Poulet, Dubos et Gausserès, après réarticulation, s’élancent à la tête de leurs compagnies respectives. En fin de journée, les points clés ont été saisis, le PC est installé et les légionnaires parachutistes se préparent à repousser les vagues d’assaut des Katangais. C’est le début d’une série de succès, au milieu d’un charnier géant, face à des adversaires sans coordination mais sans pitié.

    Les derniers éléments, après des raids sur les cités minières et des opérations de sécurisation, quitteront le sol zaïrois le 16 juin, sous les hourras de la communauté internationale.

    La France honorait ainsi son rang, l’opération était vive, brutale, pleine d’audace et de créativité. Les ordres écrits, concis et efficaces, demeurent un modèle du genre. Les légionnaires rentraient en France après un mois de présence. Simple. Basique.

    Il y a aussi la petite histoire dans la grande histoire : les commandants d’unité connaîtront tous de brillantes carrières, tout comme certains chefs de section (ainsi du lieutenant Dary, qui termina sa carrière à la tête du gouvernement militaire de Paris, ou encore du lieutenant Puga qui, aujourd’hui, exerce la prestigieuse fonction de grand chancelier de la Légion d’honneur après avoir été le chef d’état-major particulier du président de la République) ; le chauffeur du chef de corps, Ante Gotovina, retrouvera finalement la Croatie, où il gagnera ses galons de général, et refera parler de lui quinze ans plus tard.

    Enfin (sans parler du célèbre film La Légion saute sur Kolwezi), l’incontournable Jean-Pax Méfret rendra hommage au REP dans une chanson qui se fredonne encore dans les couloirs du ministère de la Défense.

    Si l’assaut aéroporté sur Tombouctou, en 2013, fut pensé comme un nouveau Kolwezi, force est tout de même de reconnaître qu’il y manquait une dimension : celle de l’armée comme ultima ratio, employée pour venir au secours de la population européenne. Alors, ce soir, dans le TER qui vous mêlera aux zombies du secteur tertiaire après une journée de tableurs Excel, pourquoi ne pas profiter de votre téléphone pour écouter « l’histoire de sept cents légionnaires/Portant un béret vert/Largués sur un coin de terre/Pour effacer l’enfer«  ?

    http://www.bvoltaire.fr/y-a-quarante-ans-kolwezi/

  • Colloque « Maurras, l'homme de la politique » : L’homme du roi par Jacques Trémolet de Villers

    Jacques Trémolet de Villers

    Simplement deux mots de présentation de cette septième - et dernière - vidéo de notre colloque Maurras, l'homme de la politique, tenu à Marseille, samedi 21 avril dernier. Et maintenu, comme on le sait, contre vents et marées, soulevés par la gauche et l'ultra-gauche. Colloque ouvert par Jean Gugliotta, président de l'Union Royaliste Provençale  - qui, regroupe les royalistes d'Action française de Provence désormais réunis. Et animé par Hilaire de Crémiers, directeur de Politique magazine et de La nouvelle Revue Universelle.

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    Voici donc la dernière des sept interventions de la journée : Maurras, l’homme du roi par Jacques Trémolet de Villers.

    L'ensemble du colloque sera désormais consultable en suivant les liens ci-dessous.

    Un appréciable instrument d'information ou, selon les cas, de formation. Bonne écoute !  LFAR  

    Réalisation de la vidéo : Paul Léonetti  

    Colloque Maurras - l'homme du Roi from Lafautearousseau on Vimeo

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2018/05/16/colloque-maurras-l-homme-de-la-politique-l-hommu-roi-par-jac-6052116.html