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culture et histoire - Page 830

  • Marion Maréchal crée l'Institut des sciences sociales économiques et politiques

    6a00d83451619c69e20224e03b9230200d-200wi.pngMarion Maréchal a donc créé l'Institut des sciences sociales économiques et politiques (ISSEP), qui devrait être inauguré le 22 juin.

    Marion Maréchal
     
    @Marion_M_Le_Pen
     

    Une nouvelle aventure commence pour moi avec l’@Issep_Lyon. Fière d’y participer et de contribuer à l’émergence d’une génération prête à entreprendre et à relever les défis de demain. http://www.issep.fr .

    Basé à Lyon, l'ISSEP desservira à partir de septembre deux types de formations: une formation continue le week-end ainsi qu'un magistère (niveau Bac+5) sur deux ans - intégrable à niveau bac+3 - pour quelque 5500 euros par an. Seront dispensés des cours de gestion de projet, de droit constitutionnel, d'analyse électorale comme plusieurs activités «afin de transmettre aux étudiants les richesses du savoir-vivre et du savoir être à la française.» 

    Le conseil scientifique est composé de neuf membres, parmi lesquels

    • le secrétaire général du Mouvement pour la France et proche de Philippe de Villiers, Patrick Louis ;
    • Pascal Gauchon, directeur de la revue de géopolitique Conflits,
    • le constitutionnaliste Guillaume Drago
    • le directeur de la revue l'Incorrect, Jacques de Guillebon.
    • Raheem Kassam, rédacteur en chef de l'antenne anglaise de Breitbart news et membre de l'UKIP, le parti pour l'indépendance du Royaume-Uni de Nigel Farage.

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Mai 68 • Les acteurs de la contestation [3]

    Guerre contre eux-mêmes ... 

    Par Rémi Hugues 

    Dans le cadre de la sortie de son ouvrage Mai 68 contre lui-même, Rémi Hugues a rédigé pour Lafautearousseau une série dʼarticles qui seront publiés tout au long du mois de mai.

    Les auteurs de Génération. Les années de rêve, Hervé Hamon et Patrick Rotman, ont dressé une longue liste des protagonistes de Mai 68. Nous reprenons ce qu’ils disent du milieu familial et social de chaque acteur.

    Henri Weber 

    Henri Weber, né le 23 juin 1944 à Leninabad, à proximité du fleuve Amour, débute son parcours de militant politique aux jeunesses communistes. « Son père tient une échoppe d’artisan horloger rue Popincourt. Et toutes ses études, à Jacques-Decour, ont eu pour environnement Barbès, Anvers, la Goutte d’or – la zone la plus chaude de Paris pendant la guerre d’Algérie. […] Les coups, la haine venaient battre jusqu’à la loge du lycée. Une société qui a sécrété Vichy, puis les ʽʽaffairesʼʼ d’Indochine, puis les ʽʽévénementsʼʼ d’Algérie, une société qui a traqué les juifs, les Viets, les Arabes, ne saurait être qu’intrinsèquement mauvaise. […] Avant la Seconde Guerre mondiale, les parents d’Henri Weber, juifs l’un et l’autre, vivaient en Pologne, à Czanow. Une petite ville de haute Silésie, séparée par treize kilomètres dʼOswieciw – que les Allemands désignent d’un autre nom : Auschwitz. »[1] En 1949 la famille Weber émigre à Paris. « On parle yiddish et polonais, rue Popincourt. Toutefois, chez les Weber, un subtil équilibre tend à s’établir entre l’assimilation et la préservation de la tradition originelle. […] Le père, qui publie des articles dans de confidentielles revues juives, incite ses fils à ʽʽréussirʼʼ, mais les éduque simultanément dans le mépris du fric. Les cousins du Sentier qui se taillent peu à peu quelque fortune au fil de l’expansion du prêt-à-porter, malgré leurs voitures et leurs cadeaux, resteront dépeints comme d’éternels joueurs de cartes analphabètes, incapables de s’émouvoir devant une page de Heinrich Heine. Les pauvres ! La première affiliation militante d’Henri est imposée. Il a neuf ans et, pour calmer ses turbulences, on l’inscrit à l’association Hachomer Hatzaïr (en français : la Jeune Garde), qui rassemble dans un style mi-politique mi-scout les cadets du Mapam, le parti des sionistes de gauche. À quatorze ans, d’ailleurs, il séjourne en Israël dans un kibboutz. L’expérience est passionnante, chaleureuse. »[2] 

    Bernard Kouchner 

    Bernard Kouchner alias le French doctor « a rejoint l’UEC pendant la guerre d’Algérie, par antifascisme. Fils d’un médecin de gauche, il s’inscrit vers quatorze ans à lʼUJRF[3]. Militant actif du lycée Voltaire, il n’hésite pas, pour ses débuts politiques, à prendre l’autocar et à apporter son soutien – décisif – aux dockers grévistes de Rouen. […] Mais le virus ne l’atteint pas jusqu’à la tripe ; aux distributions de tracts, il préfère les boîtes de jazz, les filles. […] Schalite repère ce carabin fin et cultivé, et l’attire à Clarté. Kouchner débute par un compte rendu du livre de Salinger LʼAttrape-cœur et atteint d’emblée les frontières de l’autonomie – louanger un ouvrage américain... »[4] À travers les articles qu’il rédige pour Clarté, Kouchner dévoile que sa réussite personnelle lui importe plus que le triomphe du prolétariat, dont il n’est pas, lui le fils de notable. Il « lʼavoue dans un papier irrévérencieux et qui fait scandale. Sous la forme d’une ʽʽLettre à un moderne Rastignacʼʼ, publiée par Clarté, il donne aux jeunes gens de 1963 quelques conseils pour ʽʽarriverʼʼ. Rastignac, s’il entend parvenir à ses fins, doit décrier la société – il n’est pas de réussite sans contestation. Provocant en diable, Kouchner lance : ʽʽJe suis communiste et Rastignac. Paradoxe ? Détrompez-vous : le mélange n’est pas détonant. Il est même étonnamment efficace. Vous riez ? Je vous attends.ʼʼ »[5] Repéré par un ancien résistant et ministre de De Gaulle qui côtoya Staline, Emmanuel d’Astier de La Vigerie, qui « ressent plus que de la sympathie pour les rebelles de lʼU.E.C. »[6], il est propulsé par ce dernier rédacteur en chef de LʼÉvénement. Après son départ de lʼU.E.C., vers 1965, il se lance avec dʼautres dissidents communistes – ceux qui se faisaient appeler les « Italiens » – dans le mouvement de solidarité avec le Sud-Vietnam. Le pays subit alors un intense pilonnage aérien au niveau du dix-septième parallèle : les B 52 déversent du napalm sans discontinuer. L’ampleur du massacre est telle que partout dans le monde l’indignation est totale. L’émoi provoqué par les corps brûlés que révèlent les photos des magazines réveille la fibre humanitaire de Kouchner. Avec Laurent Schwartz, Jean Schalit et Alain Krivine il fonde le Comité Vietnam national, dont il est membre du comité directeur. 

    Robert Linhart 

    Robert Linhart, sorti de la khâgne de Louis-le-Grand, est admis à lʼÉcole normale supérieure de la rue d’Ulm. Il est le « fils de juifs polonais réfugiés, […] né en France pendant la guerre (son père, avocat à l’origine, est devenu représentant de commerce, puis ʽʽhommes dʼaffairesʼʼ) »[7]. Rue d’Ulm, sous la houlette de son professeur de philosophie Louis Althusser, il devient « le Lénine de lʼE.N.S. »[8], place éminente que seul Benny Lévy, lui aussi ʽʽulmardʼʼ, pouvait lui contester. 

    Benny Lévy 

    Benny Lévy, dont le « père, qui parfois gagne et souvent échoue au jeu de l’import-export, ne pèse guère à la maison ; ni Benny ni son plus proche frère, Tony, ne comprennent exactement ce qu’il vend. »[9] Benny Lévy n’est pas français, il est né en Égypte, « où les Lévy mènent une existence tribale. La part de religieux est faible dans l’éducation des enfants (quoiqu’une grand-mère soit fille de rabbin). Le rite est plutôt un repère culturel, le rendez-vous du vendredi soir. On parle français. […] Mais l’usage de cette langue ʽʽétrangèreʼʼ est infiniment plus, pour la circonstance, qu’une séquelle de l’histoire. C’est un commun dénominateur entre l’aile religieuse et sioniste de la famille, qui se délite peu à peu, et l’autre aile, celle qui domine en participant de la subversion communiste. L’intériorité juive s’estompe, le ʽʽprogressismeʼʼ prend le dessus et les mots français servent de truchement à cette conversion. Que deviendront-ils plus tard, Tony et Benny, les deux jeunes garçons de la tribu ? En pareils lieux et à pareille heure, le choix est restreint. Commerçants ? Comme papa ? Jamais ! Rabbins ? Leur mère fut sioniste de cœur pendant les années trente, mais la pente n’est plus celle-là. Les figures fortes, l’oncle, le frère aîné, l’emportent. Tony et Benny ne seront ni commerçants ni rabbins. Ils seront révolutionnaires. »[10] Conséquence de l’opération franco-britannique de Suez, la famille Lévy quitte l’Egypte en mars 1957. D’abord pour Bruxelles, où Benny impressionne ses professeurs. En 1965, il est accepté à Normale Supʼ : « Sʼil pénètre en ces augustes lieux, ce n’est certes pas pour des raisons universitaires. Il est là parce que là se joue son rapport à la France. Et il est là non pour se couler dans le moule de l’élite française, mais pour le muer en bastion révolutionnaire. » [11] 

    Alain Geismar 

    Alain Geismar, qui est « un petit Juif né en 1939 »[12] et qui étudie à lʼÉcole des Mines de Nancy, « passe le plus clair de son temps au local parisien des Étudiants socialistes unifiés, dont il est un des chefs sous la houlette de Jean Poperen […]. En quatrième, il était dans la même classe qu’André Sénik, aujourd’hui son concurrent de l’UEC. Le jour de la mort de Staline, Sénik l’orthodoxe arborait une boutonnière et un brassard noirs. ʽʽEncore un cochon de moins !ʼʼ, lui a aimablement décoché Geismar. Sénik a répondu avec ses poings. »[13] 

    Daniel Cohn-Bendit 

    Le plus connu des soixante-huitards, Daniel Cohn-Bendit, étudiant à Nanterre où il est « le leader de la petite bande qui récuse les leaders »[14], est « un juif allemand né en France – complexe histoire qui produit un fils d’émigrés pas vraiment juifs et assez juifs pour mériter l’étoile jaune sous Vichy. Les parents Cohn-Bendit sont agnostiques, la mère parle un peu le yiddish, le père, pas du tout. À Berlin, où réside la famille, ce dernier exerce la profession d’avocat et défend les communistes et socialistes emprisonnés. Quand Hitler prend le pouvoir, les Cohn-Bendit s’exilent en France. Pendant la guerre, ils participent à la Résistance. Daniel naît à Montauban en 1945. Il ne reçoit aucune éducation religieuse, n’est pas circoncis. […] En 1951, son père regagne l’Allemagne pour y reprendre son métier d’origine. La mère reste en France avec Daniel et son frère aîné, Gaby. […] Son père meurt en 1959, sa mère en 1963. Bac en poche, il revient en France et s’inscrit à la faculté de Nanterre »[15] où il se revendique membre d’un groupuscule libertaire, Noir et Rouge, et s’inspire des réflexions de lʼInternationale situationniste de Guy Debord, qui a été fondée en 1957, mouvement politico-artistique à l’on doit la maxime « L’humanité ne sera vraiment heureuse que le jour où le dernier bureaucrate aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste. » (Dossier à suivre)  

    [1]  Ibid., p. 144.

    [2]  Ibid., p. 145.

    [3]  Le nom de la branche jeunesse du PCF avant qu’elle soit rebaptisée MJCF.

    [4]  Ibid., p. 133.

    [5]  Ibid., p. 134.

    [6]  Ibid., p. 294.

    [7]  Ibid., p. 230.

    [8]  Ibid., p. 265.

    [9]  Ibid., p. 272.

    [10]  Ibid., p. 272-3.

    [11]  Ibid., p. 279.

    [12]  Jean Birnbaum, Les Maoccidents. Un néoconservatisme à la française, Paris, Stock, 2009, p. 62.

    [13]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, op. cit., p. 76-77.

    [14]  Ibid., p. 392.

    [15]  Ibid., p. 392-393.  

    L'ouvrage de l'auteur ...

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    Dossier spécial Mai 68

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Fantôme Déconnecté & Daniel Conversano : compositeur de musique de jeux vidéo (VIVE L'EUROPE)

  • Histoire & Actualité • Hilaire de Crémiers : « Mai 68, c’est l’irrespect, dans tous les domaines. »

    Un entretien avec Hilaire de Crémiers

    Entretien avec Hilaire de Crémiers directeur de Politique magazine et de La nouvelle Revue Universelle. Propos recueillis Par Philippe Ménard 

    Hilaire de Crémiers, vous avez participé aux événements de Mai 68 dans une position bien spécifique : étudiant royaliste. Quelles étaient vos fonctions à l’époque ?

    Je m’occupais des cercles d’étude, des camps d’été… J’étais secrétaire général des étudiants d’Action française – ou quelque chose d’équivalent. C’était une époque de renouveau : nous avions des groupes structurés, avec des gens brillants, dans toutes les grandes villes universitaires, comme Lille, dont Jean-Pierre Dickès était l’animateur, Toulouse, Nantes, Aix et Marseille, Nanterre, avec Bernard Lugan, qui était auparavant responsable du lycée de Saint-Cloud. Il était membre de la Restauration nationale étudiante. Nous tenions des congrès et des conférences d’étudiants royalistes qui regroupaient des centaines de jeunes. Nous avions nos propres publications, comme Amitiés Françaises universitaires, que nous appelions AFU, et nous essayions de créer des dossiers d’Action française, des DAF ! Sur tous les sujets, Monarchie, Décentralisation, Enseignement et universités…

    Mai 68 va arriver, vous sentez monter la tension… Comment les royalistes considèrent-ils alors cette effervescence ?

    Aujourd’hui, on parle moins des royalistes que des gens d’Occident, qui se contentaient souvent d’un fascisme sans rigueur intellectuelle ; ils nous accusaient justement de maintenir les normes d’une sagesse politique dans notre réflexion, en raison de ce qu’ils appelaient notre « maurrassisme ». Ces groupuscules vivaient dans l’agitation. Ils se battaient, certes, mais nous aussi, et presque toutes les semaines, contre les étudiants communistes, les trotskystes, les maoïstes. Nous nous battions à la Sorbonne, à l’Odéon, à Saint-Lazare, bien avant les barricades – et souvent à un contre cinquante, car les communistes n’attaquaient qu’avec la certitude du nombre. Nous nous battions avec les Krivine, les Goldman. Cela pouvait se terminer à l’hôpital comme au poste de police. Les étudiants communistes ou déjà « gauchistes », sous la banderole de l’UNEF, tenaient les universités, la Sorbonne notamment. Ils avaient obtenu des espaces où ils pouvaient se réunir. L’administration apeurée leur était bienveillante. Il m’arrivait d’aller vers eux, fleur de lys à la boutonnière, pour leur proposer de discuter plutôt que de se battre. J’ai eu des discussions invraisemblables avec des trotskistes et des althussériens, à Normale Sup’, où nous avions un petit groupe. Spinoza, Kant, Hegel, Marx, Lénine… Nous connaissions leurs auteurs ; je lisais du Marcuse à la bibliothèque de la rue Croix-des-Petits-Champs, mais eux ne lisaient pas « nos » auteurs. C’est toujours la même chose. Les mêmes récitent le même catéchisme indéfiniment ! Il semblerait qu’aujourd’hui il y ait une jeunesse qui serait prête à s’ouvrir l’esprit. Tant mieux !

    L’agitation précédait donc largement Mai 68. Quand cela a-t-il commencé ?

    C’est 1961-1962 qui est le vrai départ des événements de Mai 68, pas 1965-1967, comme il est dit aujourd’hui. J’ai bien vécu cette période, ayant fait de la détention administrative en 1962, puis ayant été assigné à résidence. Je faisais en même temps mes études de droit et de lettres. C’est à ce moment que la gauche s’est littéralement emparée des lycées et des facultés et que le gaullisme a laissé la porte ouverte à la gauche, car la gauche l’avait soutenu dans l’abandon de l’Algérie. Nous, les royalistes d’Action française, étions alors en métropole les seuls opposants à un tel abandon, les seuls qui avions protesté non seulement contre l’abandon de la communauté française en Algérie, mais encore plus contre l’abandon des musulmans fidèles à la France. Il y avait une solution à trouver autre que le bradage honteux et qui n’a fait que repousser le problème ! Tout le monde en paie le prix aujourd’hui. Il y avait aussi la Cité catholique qui partageait la même manière de voir. J’ai assisté de l’intérieur au délitement des universités, de l’enseignement même et de la culture d’une manière générale parce que le gaullisme a systématiquement laissé la place à une gauche culturelle avant la lettre qui, en même temps, de marxiste-léniniste est devenue maoïste, spontanéiste – on parlait de « mao-spontex » –, lambertiste ou anarchiste, conséquence de l’abandon de toutes les idées de nation, d’ordre, de tradition, d’honneur, de beauté. Les professeurs étaient encore des gens remarquables, mais ils avaient déjà, en partie, abandonné leurs toges et leur autorité. Avant les cours magistraux, en Sorbonne, pendant un quart d’heure, une bande de zigotos prenaient la parole et faisaient passer leurs idées et leurs consignes. Ils tenaient l’Université. C’étaient des « professionnels de l’agitation », comme dit Macron : Krivine n’étudiait pas, il passait d’amphi en amphi pour semer l’agitation ; et l’agitation montait. J’avais écrit, alors, des articles, plusieurs mois avant Mai 68, pour signaler cette montée que nous percevions, que nous vivions, et qui allait déboucher sur un phénomène de masse. Cohn-Bendit et sa bande se sont aperçus qu’ils pouvaient faire n’importe quoi sans que jamais l’autorité leur réponde de façon cohérente : il n’y avait plus de respect. L’événement originel de Nanterre est caractéristique. Le mouvement du 22 mars est dans la logique du temps. Mai 68, c’est l’irrespect, dans tous les domaines. La libération sexuelle n’était que le refus de respecter la féminité : concrètement, dans les campus, ce n’était que la liberté de coucher. La pilule était libératrice d’abord pour le mâle ! La voyoucratie bourgeoise a pris le pouvoir dans les facultés avant d’essayer de le prendre dans la société. Et dans cette prise de pouvoir, dans cette dégradation de l’autorité, l’affaire de l’Algérie et l’évolution de l’Église, après Vatican Il, ont eu leur importance. Le christianisme de gauche a incontestablement joué un rôle déterminant dans l’évolution de la société, après la guerre, et tout spécialement après 1962. Les jeunes chrétiens gauchardisés par leurs aumôniers sont devenus les militants de la Révolution avant de devenir les cadres du parti socialiste !

    Mai 68 arrive, encouragé par un pouvoir qui a accepté d’être fragile dans les facultés, alors qu’il avait su montrer ailleurs sa dureté. À ce moment-là, les royalistes se sont-ils dit que la République pouvait vaciller, qu’il y aurait quelque bénéfice à retirer de cette agitation marxiste ?

    C’est une réflexion qui s’est faite au cours des événements. Ce sont les royalistes qui ont eu l’idée des contre-manifestations. Après la manifestation des gauchards qui étaient allés à l’Arc de Triomphe chanter l’Internationale et pisser sur la tombe du Soldat inconnu, nous avons pris la décision, en discutant avec les responsables du mouvement d’Action française de l’époque, Bernard Mallet, président des comités directeurs, et Pierre Juhel, secrétaire général de la Restauration Nationale, d’organiser des contre-manifestations. Et ça a tout de suite pris de l’ampleur : nous avons défilé tous les jours pendant huit jours, passant de 800 à 40 000 personnes sans difficulté. Mais les gens du SAC essayaient alors de prendre en main la manifestation – ils voulaient la récupérer –, ce qui n’était pas du tout dans nos objectifs ! Le SAC tentait d’entraîner la contre-manifestation sur la rive gauche pour créer des heurts frontaux. Mais je répondais aux policiers qui venaient, en quelque sorte, s’informer, et même plus que s’informer, car il n’y avait plus rien, que nous n’étions pas de la chair à canon, que nous n’allions pas jouer le jeu des barricades. L’idée est alors venue, vers la mi-mai, d’aller faire le tour systématique des lycées et des facultés, y compris les plus rouges, pour aller porter la contradiction dans un climat surréaliste de grève générale, de barricades et d’Odéon occupé ! J’ai, personnellement, fait le tour de la périphérie communiste de Paris, et de quelques lycées parisiens les plus rouges. Devant des salles de classe bondées, il était amusant d’expliquer que le totalitarisme universitaire contre lequel les émeutiers prétendaient lutter, avait été inventé par la République !

    Les étudiants manifestent avant l'intervention de la police au carrefour du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain, à Cluny, avec pour leader Alain Krivine des Jeunesses Communistes Révolutionnaires. On remarquera le caractère très bourgeois de ces manifestants. Politique magazine

    Les étudiants manifestent avant l’intervention de la police au carrefour du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain, à Cluny, avec pour leader Alain Krivine des Jeunesses Communistes Révolutionnaires. On remarquera le caractère très bourgeois de ces manifestants. 

    Nous manifestions contre le désordre et en même temps nous commencions à apporter une réponse au questionnement légitime d’une partie du public. Et nous avons installé nos propres présentoirs, avec notre presse, à côté de Clarté, le journal de l’Union des étudiants communistes, et de L’Humanité. À partir du moment où nous nous sommes installés, tout le monde a accouru, gaullistes, giscardiens en tête ! Nous avions ouvert la voie ; il avait fallu se battre un peu. Nous étions assez nombreux pour nous imposer, à Paris comme en province. Nous avions une imprimerie en banlieue où nous allions la nuit, tous feux éteints, faire tirer nos journaux, Aspects de la France et AFU. Nous étions toute une bande ; il y avait Gérard Leclerc, Jean-Pierre Dickès et bien d’autres. Nous écrivions le journal, le portions à l’imprimerie, le tirions à des milliers d’exemplaires et le rapportions en passant les chicanes de la CGT. Comme il n’y avait plus de presse et que, seules, deux radios fonctionnaient, les ventes à l’Opéra, à Saint-Lazare, explosaient ! Au lieu de vendre difficilement en faisant le coup de poing, un numéro partait à la seconde ! Je descendais en voiture à Lyon, les gens de Marseille montaient, on faisait la même chose à l’Ouest, Poitiers – Bordeaux – Toulouse, et le journal était distribué dans toute la France. Aspects de la France est le seul journal qui a paru pendant trois semaines, en alternance avec AFU. Mais tout était flou… Les gaullistes achetaient les révolutionnaires, Chirac se promenait avec un revolver et des valises de billets, De Gaulle allait consulter à Baden-Baden, nous faisions le tour des lycées et des facultés, nous chahutions Duverger et les profs bourgeois qui jouaient les émeutiers, on s’amusait beaucoup. C’était formidable, mais où menions-nous ces étudiants qui nous suivaient ? … Nous ne le savions pas. Et c’était une pensée lancinante et terrible. Tout le monde agité ne pensait en fait qu’au pouvoir à prendre et ils se sont arrangés pour s’y faire leur place, presque tous ! Devenus eux-mêmes ce qu’ils étaient censés renverser ! Et je peux vous dire que beaucoup d’argent a circulé. Jamais pour nous évidemment, toujours pour les gauchards et les sbires du gouvernement.

    Vous existez : du coup ceux qui avaient peur de réagir s’enhardissent et vous confisquent la réaction. Comment vivez-vous ce moment où tout s’échappe ?

    Douloureusement. Le milieu royaliste était en train de se fracturer entre partisans de l’ordre et partisans du chambardement. J’imposais à mon niveau une direction mais c’était fragile. Je devinais ce qu’il fallait faire mais nous n’en avions pas les moyens. Pompidou s’en est tiré après les accords de Grenelle ; De Gaulle est revenu, mais il avait, malgré les apparences, perdu la partie : un an plus tard, il sera contraint de partir, et pourtant sur une de ses meilleures propositions de réformes. La gauche a misérablement tenté de reprendre le pouvoir au stade Charlety. Le Parti communiste et la CGT ne voulaient pas aller au-delà de ce que Moscou souhaitait – et l’URSS voulait maintenir De Gaulle, personnalité « de droite » qui avait une politique internationale dite « de gauche », mais nous ne savions pas jusqu’à quel point. Nous avons eu le sentiment, d’une certaine manière, d’avoir été manipulés puisque notre contre-révolution avait servi le pouvoir républicain qui s’était ressaisi. Nous avons fait un camp, à l’été 68, très suivi. Mais la société avait changé. Les événements relevaient à la fois d’une mascarade bourgeoise et d’un bouleversement en profondeur, et nous n’avions pas la capacité de mener à son terme la dynamique que nous avions lancée. À la Mutualité, 2000 étudiants criaient « Vive le Roi », mais à quoi bon, si l’État, l’Église, la société se reconstituaient sur un pacte de consolidation républicaine où le désordre sert finalement l’ordre établi et où l’ordre établi ne cesse d’alimenter le désordre. La loi Edgar Faure en fut l’expression la plus évidente.

    Mgr Marty avait déclaré dans un mandement que Dieu n’était pas « conservateur » ! La formule aurait pu être comprise intelligemment. Ce ne fut pas le cas. Etait-ce possible ? On ne peut imaginer la sottise de l’époque. Nous avions établi, avec quelques étudiants, une sorte de PC à l’Institut catholique, mais de l’autre côté de la cloison, nous entendions de jeunes séminaristes qui allaient sur les barricades… C’était assez désespérant ! Je pense, aujourd’hui, qu’il y avait là un vrai combat. Mais ce qui est sûr, c’est que, pour réussir, il faut préparer les forces suffisamment à l’avance de façon que les réactions nationales ne soient pas que des coups de chaud ! Indéfiniment récupérés par les aventuriers de la politique.   

    Hilaire de Crémiers

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  • DÈS MAINTENANT, UNE DATE À RETENIR : CELLE DE LA 12e JOURNÉE DE SYNTHÈSE NATIONALE

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  • Mai 68 • Les acteurs de la contestation [2]

    Guerre contre eux-mêmes ... 

    Par Rémi Hugues 

    Dans le cadre de la sortie de son ouvrage Mai 68 contre lui-même, Rémi Hugues a rédigé pour Lafautearousseau une série dʼarticles qui seront publiés tout au long du mois de mai.

    Les auteurs de Génération. Les années de rêve, Hervé Hamon et Patrick Rotman, ont dressé une longue liste des protagonistes de Mai 68. Nous reprenons ce qu’ils disent du milieu familial et social de chaque acteur.

    Jeannette Pienkny 

    Jeannette Pienkny, qui était la seule femme membre du bureau national du Mouvement de la jeunesse communiste au moment du XIVème Congrès du P.C.F., qui eut lieu au Havre en juillet 1956. Vingt ans plus tôt son père arrive en France. « Juif polonais, né à Lodz, il fut dirigeant de la Jeunesse communiste. Repéré par la police, il fuit en Allemagne, milite au P.C., que Hitler entreprend de démanteler. Arrêté durant un meeting, il est condamné, incarcéré. À peine libéré, il gagne Paris. À la déclaration de guerre, comme beaucoup d’immigrés d’Europe de l’Est, il s’engage. Il est fait prisonnier, revient en 1945. Jeannette ne découvre qu’alors son père. Elle a sept ans. Les souffrances et les déchirements intérieurs s’agrippent au cœur comme l’étoile jaune s’accroche à la poitrine : descentes de la milice, camps de réfugiés, ballottements d’autant plus effrayants qu’incompréhensibles. […] Chez les Pienkny, on parle yiddish ; la mère est couturière à domicile, le père ne ʽʽfaitʼʼ plus de politique, mais il en parle du matin au soir. Cet étrange assemblage d’éducation communiste et de culture juive – non religieuse – est au début des années cinquante le terreau commun de la bande que fréquente Jeannette. […] Pour ces jeunes juifs, l’antifascisme est incarné par le parti communiste. »[1] 

    Michèle Firk 

    L’une des grandes amies de Jeannette Pienkny s’appelle Michèle Firk : « Juive comme cette dernière – sa famille avait fui les pogroms d’Europe orientale au début du siècle –, elle a connu les persécutions raciales de la guerre. […] À dix-neuf ans, en 1956, elle prend sa carte du parti communiste ; mais son besoin d’action, son dégoût viscéral devant les horreurs de la guerre d’Algérie la détournent d’un engagement trop timoré à ses yeux. Elle entre dans les réseaux de soutien au F.L.N. »[2]

    Jean Schalit 

    Jean Schalit a des origines russes « mais son arrière-grand-père était le secrétaire de Théodore Hertzl, le fondateur du sionisme – d’ailleurs il fut l’un des douze pionniers qui émigrèrent en Palestine à la fin du XIXème siècle. […] Une branche de la famille a réussi dans la presse et possède la Société parisienne d’édition qui publie Bibi Tricotin, les Pieds nickelés, l’almanach Vermot. Mais le père de Schalit, par esprit d’indépendance, préférait travailler dans un journal économique, L’information. Homme de gauche, il a collaboré au cabinet de Léon Blum en 1936. Après la guerre, la Résistance, il dirige une publication de la C.G.T. […] En 1952, la police soviétique ʽʽrévèleʼʼ que des médecins voulaient assassiner Staline. Le compagnon de route se rebiffe ; il ne croit pas un mot de ce complot des ʽʽblouses blanchesʼʼ où les praticiens accusés ont surtout le défaut d’être juifs. Il s’éloigne du communisme au moment où son fils Jean, quinze ans, s’en approche. […] Communiste de marbre, il n’hésite pas à vendre, seul,LʼHumanité aux portes de l’institut d’études politiques où il est admis à la rentrée universitaire de 1956. Les chars russes tirent sur les ouvriers de Budapest, mais il reste fidèle comme un roc. […] Bientôt propulsé au bureau national de lʼU.E.C., il est chargé du journal Clarté »[3], qui est l’organe de la branche étudiante du PCF. 

    Serge July 

    Serge July, qui n’est pas adhérent à lʼU.E.C., est cependant un lecteur assidu de Clarté. Il a pour meilleur ami René Frydman, qui est étudiant en médecine. « July et Frydman se connaissent depuis le lycée Turgot, où ils étudiaient ensemble, et sont demeurés très liés. […] Imitant la moitié de leur classe, ils suivent les initiatives du M.R.A.P., un mouvement contre le racisme particulièrement actif dans leur quartier où les élèves d’origine juive sont nombreux – les parents de Frydman, immigrés de Pologne, se sont établis dans la confection. Le père July, lui, est un ingénieur des Mines, radical-socialiste, libre penseur et sceptique, qui n’essaie pas d’inculquer à son fils une quelconque orthodoxie politique. Pas plus que sa mère, catholique bretonne qui travaille chez Lelong, un atelier de haute couture. C’est elle qui l’élève, ses parents étant séparés. »[4] 

    Roland Castro 

    Roland Castro, né en 1940 à Limoges, étudiant aux Beaux-Arts et militant au Parti socialiste unifié (P.S.U.), se rappelle avoir dit, à propos du départ de Pierre Mendès France de la fonction de président du Conseil, en 1955, « lui qui est juif d’une lignée de juifs espagnols et grecs : eh oui, ils triomphent. Ils ont flanqué dehors le petit juif qui les dérangeait tant. Mais les petits juifs, tôt ou tard, rentrent par la fenêtre...ʼʼ »[5] Son père est « issu de la diaspora juive espagnole installée en Grèce, est né à Salonique. Mais, encore jeune homme, il émigre en France où il pénètre avec de faux papiers. Devenu représentant de commerce, il épouse à Lyon une juive grecque également de Salonique. Amoureux de son pays d’accueil, il s’engage en 1939 »[6] du côté de la France contre l’Allemagne nazie. Ania Francos, qui est la « fille d’un père russe et d’une mère polonaise, cachée de famille en famille durant lʼOccupation, faisait partie de la bande d’adolescents juifs qui se retrouvaient, le samedi et le dimanche, place de la République. »[7]  (Dossier à suivre)  

    [1]Ibid. p. 48-49.

    [2]Ibid., p. 52.

    [3]Ibid., p. 53.

    [4]Ibid., p. 127.

    [5]Ibid., p. 76.

    [6]Ibid., p. 119.

    [7]Ibid., p. 89.

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    Dossier spécial Mai 68

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  • ERNST VON SALOMON (Éric de Verdelhan)

    «… Je manifeste toujours tout seul. Mes idées sont trop originales pour susciter l’adhésion des masses bêlantes ataviquement acquises aux promiscuités transpirantes et braillardes inhérentes à la vulgarité du régime démocratique imposé chez nous depuis deux siècles par la canaille régicide… »

           (Pierre Desproges)

    Plus le temps passe et plus j’ai l’impression d’être un étranger, un Patagon, dans mon propre pays : je n’en comprends plus les coutumes, la langue, les traditions, les pseudos-valeurs « ripoux-blicaines ». Cet attachement forcené aux sacro-saints « droits-de-l’homme », cette hystérie qui consiste à défendre bec et ongles un « état laïc » (imposé par les loges) alors que nous sommes, qu’on le veuille ou non, imprégnés par 2000 ans de culture chrétienne, ce goût masochiste pour la repentance et l’auto-flagellation, cette détestation du « petit blanc » au profit d’une faune allogène et bigarrée qui refuse nos lois et brûle notre drapeau.

    Est-ce la date du 13 mai qui me rend morose ? Sans doute : le 13 mai 1958 marque l’une des plus belles manipulations de notre histoire ; le retour aux affaires du « général-micro » pour, parait-il, sauver l’Algérie française. On connait la suite : promesses non-tenues, mensonges, trahisons et, le 19 mars 1962, l’abandon d’un merveilleux « morceau de France » aux égorgeurs du FLN…

    Le 13 mai 1968, dix ans plus tard, c’est autre chose : un caprice d’enfants gâtés, de fils de petits bourgeois, qui crachaient dans la soupe en cassant leurs jouets. La « Grande Zohra »qui, telle une lope, fuyait se réfugier auprès de Massu à Baden-Baden.

    Le seul point positif de cette pantalonnade aura été l’amnistie des défenseurs de l’Algérie française et le retour en France des clandestins de l’OAS. On raconte que cette amnistie aurait été obtenue par Massu, sans doute pour se faire pardonner de s’être défaussé lors du putsch d’Avril 1961 ? D’autres attribuent cette clémence gaullienne à l’insistance de Georges Pompidou, mais peu importe après tout… Depuis, on nous parle régulièrement des« acquis de mai 1968 ».

    Les « accords de Grenelle » sont grandement responsables de notre désindustrialisation, et la fameuse « libération des mœurs » − le droit de « baiser à c. rabattues » avec n’importe qui (les cuistres parlent de « vagabondage sexuel ») − aura provoqué, dans un premier temps, la propagation du SIDA, puis la reconnaissance des invertis, puis les revendications des féministes qui veulent toutes « balancer (leur) porc ». Mai 1968, c’est en effet une bénédiction… pour les fabricants de préservatifs les avocats spécialisés dans le divorce, et les organisateurs de « gay-pride ».

    Les « anciens combattants » de mai 68 − Con-Bandit, Alain Krivine, Serge July, Romain Goupil et quelques autres − sont invités sur les plateaux télé pour raconter « leur guerre », et, pendant ce temps-là, on occulte le centenaire de la Grande Guerre. D’ailleurs, vous aurez remarqué qu’en France, quand on évoque 14-18, c’est toujours pour parler des mutineries de 1917, des fusillés « pour l’exemple », de la chanson de Craonne, des  fraternisations entre communistes français et allemands (1). Et il est important de ne jamais dire un mot − l’omerta totale − sur celui qui mit fin aux mutineries en améliorant et en humanisant le sort des poilus, le général Philippe Pétain.   

    Pourtant la « Grande Guerre » a inspiré quelques grands romans qui marquèrent la littérature du XXème siècle. On pense volontiers aux « Croix de bois » de Roland Dorgelès, à« Ceux de 14 » de Maurice Genevoix, à « La main coupée » de Blaise Cendrars, et, naturellement, à l’extraordinaire « Voyage au bout de la nuit » de Louis-Ferdinand Céline.

    Du côté allemand, la moisson aura été aussi fertile avec, notamment : « Orages d’acier », d’Ernst Jünger et « À l’Ouest rien de nouveau » d’Erich Maria Remarque.

    Mais, pour moi, un autre grand roman mérite d’y être associé : « Les Réprouvés » d’Ernst von Salomon. Un roman que j’ai découvert en 1970, durant mes classes chez les paras, à Bayonne, deux ans à peine avant la mort de son auteur.

    Contrairement aux écrivains précités, Ernst von Salomon, né en 1902, fut trop jeune pour connaître l’enfer des tranchées.

    Il appartenait à la génération des « tard-venus, dont le héros romanesque est Fabrice del Dongo. » Pour autant, son patriotisme n’admettait ni la défaite de l’Allemagne, ni le chaos de la jeune République de Weimar.

    Le personnage principal de son livre lui ressemble comme un frère, comme un clone.

    Il y a, chez ce protestant prussien, un kantien qui ne sommeille pas. L’action qu’il va mener lui sera donc dictée par le devoir qui, non seulement sera désintéressé, mais lui coûtera cinq années de prison. C’est l’illustration, caricaturale, de son idéal moral !

    Ernst von Salomon s’engagera dans ces « Corps Francs » dont beaucoup ignorent aujourd’hui l’existence (2) tant cette période des années 1920 outre-Rhin reste nébuleuse aux yeux des Français.

    Au sein des «Corps Francs», il combattra les Spartakistes à Berlin et les Bolchevistes − c’est ainsi qu’il les nomme − dans les Pays Baltes, en Haute-Silésie.

    Il rejoindra même quelques mois, faute d’avoir trouvé un étendard germanique sous lequel servir, les rangs des Russes Blancs, pour se battre contre les Rouges.

    Ce « soldat perdu » était révolté par le mépris total dans lequel la « populace rouge » et la bourgeoisie, préoccupée par son confort, tenaient  les combattants revenus du front.

    Il ira jusqu’à participer au complot d’un groupe nationaliste qui aboutira, le 24 juin 1922, à l’assassinat de Walter Rathenau, ministre des Affaires étrangères.

    Par facilité intellectuelle, on pourrait attribuer cet engagement radical d’un garçon de 16 ans à un goût d’adolescent pour l’aventure romantique. Ce serait une erreur, car d’autres clés de lecture s’imposent, deux notions fondamentales de la culture allemande qui lui étaient contemporaines.

    D’abord la théorie géopolitique du « Lebensraum » qui fut définie par Friedrich Ratzel (1844-1904) (3) et qui dessinait les frontières du Reich incluant l’Alsace-Lorraine à l’Ouest et de nombreux territoires à l’Est (Autriche, Pologne, Tchéquie, etc.). Cette vision pangermaniste nourrissait, depuis la fin du XIXème siècle, l’imaginaire de beaucoup d’Allemands. Elle survivra à la défaite de 1918 et servira, plus tard, de prétexte à la folie expansionniste d’Adolf Hitler.

    Ensuite, il faut prendre en compte la « masculinité » de la culture allemande (4).

    Une masculinité qui aurait pu s’accommoder d’une « défaite honorable», mais qui ne pouvait accepter l’humiliation imposée par les Alliés (dommages de guerre colossaux, occupation partielle du territoire, désarmement…etc.). Ce sentiment demeure, pour nous Français, difficile à comprendre ; il s’exprime pourtant, inconsciemment, jusque dans les mots de nos langues respectives : notre représentation symbolique de la France est une figure féminine, « Marianne » ou la « Mère-Patrie. »

    D’ailleurs, dans ses « Mémoires de guerre », de Gaulle ne l’imagine pas dans une statue de Vercingétorix ou de Charlemagne, mais dans « la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs ». A l’opposé, le patriotisme allemand fera référence au « Vaterland », symbole résolument masculin qui tient à la fois de la « terre du père » et de la notion de « Père-Patrie ». Ces deux paramètres, négligés par le Traité de Versailles, feront le lit du Nazisme et de la seconde guerre mondiale. Pour autant, Ernst von Salomon, qui était un homme intègre, un pur, un lansquenet, n’adhèrera pas, au parti nazi et se tiendra éloigné du conflit.

    « Les Réprouvés » n’est pas un roman historique. L’histoire lui sert simplement de toile de fond. L’auteur s’y dévoile dans un texte magnifique, noir, sans illusion, parfois cynique. Il y exalte des valeurs viriles d’une manière qui déroutera parfois le lecteur.

    L’extrême-droite européenne en a fait son livre de chevet mais la bonne littérature doit échapper aux classifications partisanes et « Les Réprouvés » appartient définitivement au très grand genre littéraire : il s’affranchit de toute récupération. Le style d’Ernst von Salomon s’impose, exceptionnellement pur, puissant, habité, saisissant même. Il offre au lecteur un plaisir trop rare, celui de découvrir à chaque page un véritable chef-d’œuvre, même si ce terme est aujourd’hui galvaudé. Bien évidement, les imbéciles qui, par idéologie politique, voudraient occulter l’œuvre de Charles Maurras et les pamphlets de Louis-Ferdinand Céline, ne recommanderont jamais la lecture de ce livre magnifique.

    Citons, pour comprendre, un passage, un peu long sans doute, mais très caractéristique de l’état d’esprit de l’époque :

    « Une nuit, pendant ces temps incertains, je rêvai de l’entrée des Français, oui, j’en rêvai, bien que jamais encore je n’eusse vu un soldat français…Soudain ils étaient dans la ville… la flamme raide des drapeaux flamboyants montait droit comme un cri, et comme un cri le chant allègre des clairons dominait le bruit cadencé de leurs pas brefs et martelés – où avais-je vu cela, où entendu cela ?…

    « Cette marche du régiment de Sambre-et-Meuse, cette musique vibrante, endiablée, intrépide, qui clamait sa joie vers le ciel, qui la jetait dans le cœur de l’ennemi, en imprégnait les pierres elles-mêmes et devant elles c’était la fuite, la panique, la terreur sans nom de la fatalité.

    « Démesuré était le mépris railleur, torturant le triomphe insupportable, le rire du vainqueur, du maître, ce rire insultant à la faim, à la misère, aux gémissements, aux derniers soubresauts d’une résistance brisée, désespérée. Puis venaient des colonnes rapides de petits corps bruns, agiles et minces comme des chats, des Tunisiens au pas feutré, qui découvraient des dents d’une blancheur éclatante ; ils se dandinaient et roulaient des yeux vifs et brillants qui lançaient des éclairs. Il flottait autour d’eux comme une senteur de désert, une inquiétude née sous un soleil de feu, sur un sable blanc qui miroite… Derrière eux les spahis dans leurs manteaux flottants au lumineux coloris, sur des chevaux minuscules et tenaces, les spahis, agiles et félins, comme assoiffés de sang. Enfin, noirs comme la peste, sur de longues jambes des corps musculeux, satinés, avec des narines ouvertes et avides dans des faces luisantes, les nègres… Et nous rejetés, piétinés, domptés. Ô Dieu ! Cela ne doit pas être ! Et nous anéantis devant cet élan, nous gisant dans la poussière, réduits à l’obéissance, des vaincus, des déshonorés, des abandonnés, pour qui la gloire est à jamais perdue…. »

    L’humiliation du Traité de Versailles, le pacifisme bêlant de l’après-guerre et le « FrontPopulaire » nous ont amenés, nous Français, à la déculottée de juin 1940. On voulait se persuader, par lâcheté, que la grande boucherie de 14-18 serait « La der des der ». Depuis, on nous a fabriqué le mythe de « la France libérée par elle-même », histoire de donner bonne conscience à un peuple de lâches : ces 40 millions de pétainistes qui, comme par miracle, étaient 40 millions de gaullistes après le débarquement de juin 1944. Alors oui, j’avoue sans la moindre honte que je préfère l’exaltation des valeurs viriles d’Ernst von Salomon aux « marches blanches » pleurnichardes de notre France dégénérescente.

    Éric Zemmour a parfaitement raison quand il dit que, chez nous, « L’homme est devenu une femme comme tout le monde ». Et tant pis si ça irrite la dinde Marlène Schiappa !

    Éric de Verdelhan
    13/05/2018

    (1)- J’en veux pour preuve le dernier film de Jean Becker, « Le Collier Rouge » tiré d’un roman de Ruffin.
    (2)- Lire, sur ce sujet, le livre − remarquable − de Dominique Venner : « Baltikum ».
    (3)- Et non par Adolf Hitler comme des imbéciles se plaisent à l’écrire aujourd’hui.
    (4)- Telle que définie par le sociologue Gert Hofstede.

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