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entretiens et videos - Page 866

  • Forum catholique : la liberté est sur Internet

    Depuis plus de dix ans, le Forum catholique a ouvert ses colonnes virtuelles à tous ceux qui, sur Internet, veulent discuter de leur Église en temps réel. Une fois de plus les catholiques traditionalistes sont en avance sur le reste du troupeau. En avance pour la technique, peut-être, pour la liberté surtout, une liberté de parole et de jugement qui oblige l'Institution à de vraies réformes de comportement. Nous avons interrogé le premier protagoniste et le responsable de cette aventure spirituelle unique au monde.

    Monde et Vie : Xavier Arnaud, vous animez depuis 12 ans le Forum catholique, institution internautique unique en son genre qui regroupe pour des discussions libres autour de l’Église et de la Foi tous ceux qui reconnaissent l'enseignement unanime des papes. Ce lieu de Foi et de camaraderie s'est tout récemment vu menacé dans son existence même. Panne, sabotage ? Que s'est-il passé ?
    Xavier Arnaud : À l'heure qu'il est, nous n'avons pas pu identifier les raisons de cette défaillance technique. C'est la troisième fois en six mois que le forum connait une telle mésaventure. Autant les deux premières étaient manifestement la conséquence d'attaques, autant cette fois-ci notre hébergeur reste très évasif sur le sujet. Intervenue le 28 décembre, cette panne du serveur est tombée à un bien mauvais moment, ce qui a justifié une moindre réactivité des services.

    Pour quelles raisons aujourd'hui fréquente-t-on le FC et qu'y trouve-t-on?
    D'un liseur à l'autre, je crois que les motivations sont différentes. Certains viennent y chercher des réponses à des questions d'ordre liturgique ou catéchétique. D'autres font part de leurs
    interrogations face à tels ou tels textes, documents, déclarations, articles. D'autres encore recherchent à échanger tout simplement dans un esprit de camaraderie, comme vous le disiez précédemment. Une chose est certaine : tous sont mus par un amour certain de l’Église, avec toutes les maladresses que peut commettre une âme transie...

    Peut-on dire que vous êtes la mémoire virtuelle des catholiques traditionalistes, la banque de données, l'organe sensoriel mettant en alerte les catholiques français ?
    Il serait orgueilleux de ma part de l'affirmer tel quel. Une chose est sûre : les archives du forum constituent une source d'informations très riche, pour peu que l'on prenne la peine de s'y pencher. On y retrouve l'histoire de la mouvance catholique traditionnelle depuis 2000, et Dieu sait que les événements ont été nombreux depuis lors. Peu d'informations échappent à la sagacité des liseurs, et le FC constitue à l'occasion une caisse de résonance inattendue, parfois gênante pour certains qui préféreraient agir discrètement.
    À titre d'exemple, on se souviendra des événements de fin 2006 à Lyon, lorsque la Fraternité saint Pierre était quasiment mise à la porte du diocèse. La forte mobilisation des fidèles sur la toile a contrarié les projets d'alors qui n'avaient pas anticipé une telle médiatisation. On se souviendra aussi des événements de 2005 lors de l'exclusion de la Fraternité Saint-Pie X de plusieurs prêtres, dont les abbés Laguérie et de Tanoüarn. Les pressions d'alors étaient fortes pour tenter d'empêcher tout débat sur la question sur le forum. À chaque fois, l'argument est le même : il s'agit d'une question interne qui ne regarde que les clercs. Mais les fidèles ont tout de même « voix au chapitre », si vous me permettez ce jeu de mots. Car sans leur aide et leur soutien, telle ou telle Fraternité aurait bien du mal à développer ses apostolats. Peut-on légitimement les museler et exiger d'eux qu'ils se taisent et masquent leurs émotions ? Je ne le crois pas.
    D'ailleurs, au sein de l’Église, les fidèles laïcs ont aussi pris part à son Histoire. On parle systématiquement du combat de Mgr Lefebvre pour la liturgie traditionnelle. Mais on ne saurait oublier les résistances d'un Jean Madiran, d'un Jean Ousset, d'un Marcel Clément ou d'un Michel de Saint Pierre qui ont largement contribué à la formation des laïcs et à cette défense de la messe grégorienne. Bref, les échanges du forum jouent aussi régulièrement, selon moi, ce rôle formateur grâce aux contributions de liseurs chevronnés, qui aident à mieux comprendre telle ou telle situation à un moment donné.

    Quels sont vos projets ?
    Ils sont nombreux, mais nous nous heurtons à des difficultés d'ordre technique, de même que nous manquons de moyens. La technique de mande du temps, dont nous ne disposons pas toujours suffisamment. Aujourd'hui, « l’équipe du forum » n'est constituée que de deux personnes : M. Tabudeux, pour la partie technique, qui fait un formidable travail au vu de ses disponibilités, et moi-même pour l'animation. Parmi les projets, je souhaite reprendre les Rendez-vous du forum, qui permettent le temps d'une soirée un échange avec telle ou telle personnalité, de Yann Moix à Jeanne Barbey en passant par Maurice Dantec ou l'abbé Ribeton et le Père de Blignières. Ce devrait être le cas dès le mois de février
    J'aimerais également lancer un sous-forum consacré aux livres. Ce serait une façon pour lei liseurs de publier des critiques personnelles sui tel ou tel ouvrage et d'échanger autour de cette oeuvre. On pourrait imaginer d'ailleurs invita les auteurs sur le même format que les Rendez vous. Il faudra vraisemblablement plusieurs semaines avant que le projet n'aboutisse. Mais nous y travaillons.
    Avant cela, il nous importe de réparer définitivement le forum, qui a beaucoup souffert de la dernière panne. On peut compter sur notre détermination et notre envie de poursuivre.
    Propos recueilli: par Claire Thomas monde & vie 15 janvier 2013
    Pour aider le FC, rendez-vous à la page www.leforumcatholique.org/soutienFC.php

  • Russie, Europe et Mondialisation : Entretien avec Jean-Michel Vernochet

    Francis Ross : La Russie tente de reprendre sa place dans l’échiquier géopolitique indépendamment du contentieux qui l’oppose à Washington à propos du projet américain de bouclier antimissiles. En dépit de cette zone d’ombre qui brouille ses relations avec les États-Unis, le Kremlin semble considérer son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce comme une priorité majeure. Quelles concessions, selon vous, devront accompagner cette admission tant convoitée au sein de la communauté d’échanges internationale ?
    • JMV : Toute chose a un prix et chacun sait que si Paris vaut bien une messe (le futur Henri IV abjurant le protestantisme pour voir les portes de Paris s’ouvrir devant lui), Washington détient les clefs qui permettront à la Russie de se voir admettre dans le club ultra libre-échangiste mondial… Dire quel intérêt elle en escompte n’entre pas dans le cadre de votre question, laquelle met cependant le doigt sur l’ambivalence actuelle de la Russie vis-à-vis de ce qu’il convient d’appeler le monde occidental, Japon compris. La Russie est en effet prête à un certain nombre de concessions pour être admise, de façon générale, dans le club occidentaliste… Le terme « occidentaliste » est repris de l’ex ministre socialiste, Hubert Védrine, et désigne l’ensemble des multiples protectorats et des « alliés » des États-Unis et du Royaume-Uni au sein d’une zone d’influence à dimension planétaire.
    Zone d’influence qui couvre le bassin Asie-Pacifique et l’Océan indien, de la mer de Chine (avec la Corée du Sud, Taïwan, le Japon), à l’Afrique de l’Est avec les reliquats anglophones de l’Empire britannique, auxquels viendra bientôt certainement s’ajouter le Sud Soudan devenu indépendant… En un mot, le Commonwealth britannique.
    Ce pourquoi il nous faut parler d’une sphère d’influence anglo-américaine qui comprend au premier chef l’Atlantique Nord et l’Union européenne dont l’expansion à l’Est progresse presque aussi vite que son intégration économique et commerciale avec le continent Nord-américain… Intégration au sein d’un vaste marché commun transatlantique qui devrait être achevé en 2018.
    Aussi quand nous parlons de « club occidentaliste », il ne s’agit pas seulement pour la Russie d’adhérer à l’OMC mais également de devenir membre à part entière de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Adhésion par laquelle la Fédération de Russie pourrait trouver des garanties pour sa propre sécurité : n’oublions pas que l’une des constantes de la politique américaine depuis soixante ans a toujours été l’endiguement de la puissance continentale, hier soviétique, russe à présent. Une politique toujours active aujourd’hui comme le montre le système antimissile supposé devoir contrer une très hypothétique menace transcontinentale iranienne !
    Quant aux concessions consenties par la Russie pour se faire admettre au sein d’une Communauté internationale dominée par le monde anglo-américain, ces concessions se trouvent conditionnées par une sorte de double contrainte. D’un côté le Président Medvedev qui apparemment s’est laissé ensorceler par les sirènes occidentalistes est prêt à lâcher plus et autrement que ne le fera le Premier Ministre Poutine, bête noire des euratlantistes, lesquels n’auront de cesse qu’ils ne parviennent à l’éliminer de la scène politique, ceci afin de reconduire dans ses fonctions un Medvedev sans doute plus « docile ».
    On voit cet effet de cisaille à l’œuvre sur des dossiers sensibles tels la vente de systèmes de défense antiaérienne S300 PMU-2 à l’Iran avec des annonces totalement contradictoires entre les services relevant de la présidence russe et celle des Affaires étrangères, en l’occurrence du ministre Sergueï Lavrov. Mais les dissonances ne se limitent pas à ce cas…
    Bref, parmi les concessions déjà faites ou à venir, il semble que le dossier du nucléaire iranien y occupera, plus que le Caucase, une place déterminante. Déjà, la Russie a voté, le 11 juin 2009, au Conseil de Sécurité des NU des sanctions renforcées à l’encontre de l’Iran ; cependant dans le même temps des pourparlers étaient ouverts avec Téhéran pour la construction de nouvelles centrales nucléaires après la mise en service de la centrale de Bouchehr… centrale dont la montée en puissance est en cours à l’heure actuelle. Ajoutons que la Russie, à la suite du vote de sanctions internationales – lesquelles soit dit en passant ont offert le prétexte aux É-U et à l’UE de resserrer leur propre dispositif d’étranglement de l’économie iranienne – n’a pas suivi les occidentalistes et n’a décrété aucun embargo sur les produits pétroliers raffinés aux contraire de l’UE et des É-U. Précisons que l’Iran, pays exportateur de brut, doit importer en grande partie sa propre consommation d’hydrocarbures car ne disposant pas du parc de raffineries nécessaire à la satisfaction de sa demande intérieure.
    Pour nous résumer, l’étendue des concessions accordées à l’Occident sur le dossier iranien en contrepartie d’une admission à l’OMC sera essentiellement fonction de l’avantage pris par le camp présidentiel ou par celui du premier ministre dont les positions apparaissent comme de plus en plus divergentes par rapport à celles des occidentalistes russes. Il est cependant à peu près assuré que la Russie, dans sa continuité historique et politique, ne resterait pas indifférente, voire passive, en cas d’une attaque contre les installations nucléaires iraniennes par une coalition de forces israélo-américaines… Autant dire qu’au-delà des divergences réelles existant en Russie entre occidentalistes et grands russiens, des terrains consensuels existent potentiellement en raison de l’intérêt bien compris de la Fédération russe.
    Ainsi, la Russie a ouvert ses voies aériennes (et terrestres) aux frets nécessaires à l’approvisionnement des quelque 150 000 américano-européens combattant en Afghanistan alors que la résistance pachtoune a rendu vulnérables les flux logistiques depuis le Pakistan par la Passe de Kyber… Patriotes et internationalistes russes savent qu’ils doivent marchander, ou imposer, aux occidentaux, leur présence, ou mieux leur participation, dans le règlement de la guerre afghano-pakistanaise. Cela aussi a un prix et chacun avance ses pions, ou en concède à l’adversaire, volontairement ou involontairement, sur le grand échiquier géoplitique.

    • Francis Ross : L’élargissement de l’Europe a créé un conglomérat de pays particulièrement hétérogènes. Une association d’États disparate mais soumise à un pouvoir central comparable par bien des côtés, à celui l’ex Union soviétique. Alors que dire de cet « ensemble gazeux » comme l’a désigné Hubert Védrine, sans frontières tangibles et sans limites définies ?
    • JMV : « Sans frontières tangibles et sans limites définies » dites-vous. C’est d’autant plus vrai que Bruxelles fait aujourd’hui les gros yeux à la Grèce parce que celle-ci construit une barrière de séparation sur sa frontière avec la Turquie zone par où transitent 90% de l’immigration clandestine (africaine, asiatique entre autres) qui pénètre dans l’Union européenne… Selon l’agence intergouvernementale Frontex 33000 migrants illégaux auraient ainsi franchi la ligne de démarcation depuis le 1er janvier 2011 !
    Cette question des frontières passoires – laquelle illustre à bien des égards le mode de fonctionnement totalement divaguant de la Commission de Bruxelles incapable de gérer ses propres contradictions – est représentative d’une construction européenne sans architecture véritable, sans colonne vertébrale pourrait-on presque dire, mais basée sur le consensus mou des « Droits de l’Homme »… Droits parfaitement insuffisants à définir et à mettre en œuvre une politique européenne cohérente et surtout efficace face aux défis de la mondialisation avec ses déplacements massifs de populations des zones pauvres de l’Est ou du Sud vers les zones de relative prospérité du grand Ouest… D’où l’impuissance de nos eurocrates prisonniers de leur dogmatique ultralibérale – les Droits de l’homme n’en étant que le volet, l’aspect humanitarien - à penser ou à gérer l’évaporation des activités manufacturières, d’arrêter l’hémorragie des emplois liée à la migration industrielle vers l’Asie ou l’Europe orientale.
    Rappelons que la dogmatique ultralibérale fait un devoir absolu à chaque État – ne parlons pas de cette aberration tragique que constitue le dogme tragique de la concurrence pure, libre et parfaite ! – de vivre jour et nuit portes et fenêtres ouvertes et tant pis si au passage des pillards viennent se servir, le libre marché est à ce prix… Et ceux qui auraient l’audace de se plaindre sont aussitôt désignés comme « ennemis du genre humain » et du droit fondamental pour chacun d’aller et venir, d’acheter, de vendre ou de voler à sa guise.
    Ce laisser faire, laisser passer à outrance, évangile des ultralibéraux a déjà ruiné l’Europe. Les crises, les nouvelles formes de pauvreté en témoignent. Comme on juge l’arbre à ses fruits, on doit juger l’Europe de Bruxelles à cette aune… Une eurocrature intrinsèquement liée au Nouvel Ordre International, autrement dit une Europe entièrement dévolue à l’Unification du Marché mondial… Or, cette « globalisation » n’a d’autre vocation que d’instaurer un monothéisme du marché qui ne saurait se développer que sur les cadavres des nations précurseurs de l’agonie des peuples !
    Car ne nous y trompons pas la Crise actuelle ne doit pas grand chose au hasard ou à la malchance, cette crise n’est in fine que l’expression visible, immédiatement expérimentale, de la reconfiguration du hypercapitalistique du monde. Il en existe d’autres manifestations, moins directement évidentes mais d’autant plus terribles si l’on songe aux conflits en cours et à venir au Proche Orient (Liban, Iran ?) et en Asie centrale. Des guerres provoquées et criminelles qui sont l’autre versant de la mondialisation et nous en montre la face immonde et nous en révèle l’ultima ratio… L’Europe est à l’image du monde, elle se déconstruit en s’étendant sans limites ni frontières, tout cela pour placer les hommes sous la férule d’une économie dégénérée… Une économie que je qualifie de « dégénérée » parce que sa finalité n’est plus de servir le développement humain, le développement de l’homme en tant qu’Humain. Une économie qui n’est plus au service de la Vie, de son épanouissement, est déjà, au moins en partie, totalitaire.
    Pour ceux qui n’auraient pas tout à fait compris où nous conduisent les mauvais bergers de Bruxelles, l’Union européenne ne peut que s’étendre de façon indéfinie vers l’Est puis qu’elle n’est rien d’autre que le marché unifié en marche. Ce pourquoi nos idéocrates et européistes chevronnés l’ont conçue comme une entité abstraite, un contrat passé entre États destinés à dépérir inexorablement avant de périr tout à fait comme le prophétisait Karl Marx. Un contrat social de suicide programmé mais adossé à des « valeurs » dont la noblesse d’intention devait garantir une segmentation et une fluidité maximale des marchés ex-nationaux et justifier par avance toutes les guerres d’ingérence dite humanitaire.
    Bref, pour ceux qui donc ne l’auraient pas encore deviné, l’Union européenne n’a rien à voir avec l’Europe. Entendons l’Europe réelle, charnelle… Quand « ils » nous parlent d’Europe c’est pour mieux nous tromper par la confusion des mots. L’Union ne bâtit pas l’Europe mais sa destruction. L’Union européenne n’est pas l’Europe mais un carrefour d’échanges et de commerce, une tâche d’encre qui s’étend peu à peu sur le reste du Continent… Védrine a donc fortement raison lorsqu’il parle d’un « ensemble gazeux, diffus »… L’UE n’est pas une réalité organique, historique et culturelle, c’est un espace ouvert, anonyme, massifié laboratoire d’un Marché mondial en voie d’unification.
    Si l’Europe doit exister, ou simplement survivre, ce sera nécessairement contre l’Union européenne. Ce sera l’une ou l’autre. Par conséquent l’Europe pour exister et s’édifier en tant que puissance émergente doit, en premier lieu, tourner le dos à l’Union euratlantique et échapper à la condition de l’homo æconomicus devenu une marchandise comme les autres dans un monde où tout se vend et s’achète, à commencer par les consciences et le respect des lois… L’Europe ayant emboîté le pas aux États-Unis ne sombre-t-elle pas dans la corruption avouée et totale de ses élites dirigeantes ? Inutile de donner des noms ou des exemples au moment où les premières condamnations pleuvent sur les parlementaires anglais coupables de malversations et de détournements de fonds publics et alors que la Chambre des députés vote une loi d’absolution préalable pour tout représentant ayant truqué ses déclarations de patrimoine…

    • Francis Ross : Dans le cadre d’un retour à une Europe réelle, nécessaire à relever les défis du XXIe Siècle, doit-on envisager à terme l’entrée de la Russie dans l’Europe ?
    • JMV : Certainement, mais ça ne semble pas pour être dans l’immédiat… Encore que, l’histoire s’accélérant, les crises aidant – et parmi les crises je pense aux guerres régionales qui peuvent déferler dans les années à venir – les choses aillent plus vite que nous ne pouvons aujourd’hui le concevoir.
    Arrimer la Russie à l’Europe, de Brest à Brest-Litovsk – ou comme de Gaulle « de l’Atlantique à l’Oural » - paraît tout à fait essentiel… Pour des raisons de sécurité d’abord une grande alliance continentale s’impose, même si, comme c’est à prévoir, il sera nécessaire de rétablir peu ou prou des frontières nationales à l’intérieur d’un espace européen qui reste pour le moment à redéfinir. Frontières extérieures à l’Europe, frontières intérieures parce que la liberté de circulation n’est pas une liberté abstraite, une liberté totale et une idole qu’il faudrait adorer les yeux fermés. La « Liberté » ou la permissivité inhérente au laisser faire des libéraux et des mercantis, ne sont pas à confondre avec « les libertés » concrètes, celles que nous devons farouchement défendre et garantir pour tous. Encore faut-il au préalable les définir et les fixer.
    La Russie ne saurait enfin rester hors de l’Europe, en prenant ce seul exemple, pour une raison aussi triviale que la pérennisation de nos approvisionnements énergétiques et d’abord gaziers. Notre énergie ne nous est pas fournie par la grande Amérique mais par la Fédération de Russie. La saine politique commence par une vision claire de ce que sont et où se situent les intérêts premiers. Ajoutons que la Russie de Nicolas Gogol, de Dostoïevski, de Konstantin Leontiev, de Soljenitsyne, participe au fonds culturel européen dans toute l’acception du terme… la continuité culturelle est totale, n’en déplaise au sieur Huntington (Cf. « Le choc des civilisations » 1996), entre peuples germanophones, latins et slaves, entre catholicité et orthodoxie. Voir les différences qui existent entre les peuples et les cultures d’Europe ne doit pas nous rendre aveugle quant au formidable socle commun de Culture, de Foi et d’Histoire qui fonde l’Europe des peuples… Celle que l’ex ministre socialiste de l’Intérieur et de la Défense, Jean-Pierre Chevènement appelle de ses vœux dans son dernier livre « La France est-elle finie ? » - et qui, un jour, unira, espérons-le, des peuples certes distincts mais dont le destin est de s’allier pour le meilleur et surtout pas pour le pire comme à l’heure actuelle, à l’heure des crises qui vont précipiter la chute de l’eurocrassie européiste.
    Pour Geopolintel, le 11 janvier 2011

  • Le Paganisme, recours spirituel et identitaire de l’Europe

     

     

    Gilbert Sincyr démontre ce qui oppose sémites et européens, dans leurs spiritualités comparées. De Stonehenge au Parthénon en passant par Lascaux.

     

    D’Odinn à Homère et Athéna, l’auteur nous explique ce qui est spécifique du Paganisme européen, comparé aux valeurs bibliques du Judéo-christianisme. Plus généralement il oppose l’esprit du Paganisme européen à celui du monothéisme moyen-oriental.

     

    « Le Paganisme est une Vue du monde basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme. Il est fondé sur le sens de l’honneur et de la responsabilité de l’Homme, face aux évènements de la vie. »

     

     

    Entretien avec Gilbert Sincyr, auteur du livre Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europe (préface d’Alain de Benoist).

     

     

    Votre livre « Le Paganisme, recours spirituel et identitaire de l’Europe » est un succès. Pourtant ce thème peut paraître quelque peu « décalé » à notre époque.

     

     

    Bien au contraire : si les églises se vident, ce n’est pas parce que l’homme a perdu le sens du sacré, c’est parce que l’Européen se sent mal à l’aise vis-à-vis d’une religion qui ne répond pas à sa sensibilité. L’Européen est un être qui aspire à la liberté et à la responsabilité. Or, lui répéter que son destin dépend du bon vouloir d’un Dieu étranger, que dès sa naissance il est marqué par le péché, et qu’il devra passer sa vie à demander le pardon de ses soi-disant fautes, n’est pas ce que l’on peut appeler être un adulte maître de son destin. Plus les populations sont évoluées, plus on constate leur rejet de l’approche monothéiste avec un Dieu responsable de tout ce qui est bon, mais jamais du mal ou de la souffrance, et devant qui il convient de se prosterner. Maintenant que l’Église n’a plus son pouvoir dominateur sur le peuple, on constate une évolution vers une aspiration à la liberté de l’esprit. C’est un chemin à rebours de la condamnation évangélique, originelle et perpétuelle.

     

     

    Alors, qu’est-ce que le Paganisme ?

     

     

    C’est d’abord un qualificatif choisi par l’Église pour désigner d’un mot l’ensemble des religions européennes, puisqu’à l’évidence elles reposaient sur des valeurs communes. C’est donc le terme qui englobe l’héritage spirituel et culturel des Indo-européens. Le Paganisme est une Vue du monde basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme. Il est fondé sur le sens de l’honneur et de la responsabilité de l’Homme, face aux évènements de la vie. Ce mental de combat s’est élaboré depuis le néolithique au fil de milliers d’années nous donnant une façon de penser, une attitude face au monde. Il est à l’opposé de l’assujettissement traditionnel moyen-oriental devant une force extérieure, la volonté divine, qui contrôle le destin de chacun. Ainsi donc, le Paganisme contient et exprime l’identité que se sont forgés les Européens, du néolithique à la révolution chrétienne.

     

     

    Vous voulez donc remplacer un Dieu par plusieurs ?

     

     

    Pas du tout. Les temps ne sont plus à l’adoration. Les Hommes ont acquis des connaissances qui les éloignent des peurs ancestrales. Personne n’a encore apporté la preuve incontestable qu’il existe, ou qu’il n’existe pas, une force « spirituelle » universelle. Des hommes à l’intelligence exceptionnelle, continuent à s’affronter sur ce sujet, et je crois que personne ne mettrait sa tête à couper, pour l’un ou l’autre de ces choix. Ce n’est donc pas ainsi que nous posons le problème.

     

    Le Paganisme, qui est l’expression européenne d’une vue unitaire du monde, à l’opposé de la conception dualiste des monothéismes, est la réponse spécifique d’autres peuples aux mêmes questionnements. D’où les différences entre civilisations.

     

    Quand il y a invasion et submersion d’une civilisation par une autre, on appelle cela une colonisation. C’est ce qui s’est passé en Europe, contrainte souvent par la terreur, à changer de religion (souvenons-nous de la chasse aux idoles et aux sorcières, des destructions des temples anciens, des tortures et bûchers, tout cela bien sûr au nom de l’amour). Quand il y a rejet de cette colonisation, dans un but de recherche identitaire, on appelle cela une libération, ou une « Reconquista », comme on l’a dit de l’Espagne lors du reflux des Arabes. Et nous en sommes là, sauf qu’il ne s’agit pas de reflux, mais d’abandon de valeurs étrangères au profit d’un retour de notre identité spirituelle.

     

    Convertis par la force, les Européens se libèrent. « Chassez le naturel et il revient au galop », dit-on, et voilà que notre identité refoulée nous revient à nouveau. Non pas par un retour des anciens Dieux, forme d’expression d’une époque lointaine, mais comme un recours aux valeurs de liberté et de responsabilité qui étaient les nôtres, et que le Paganisme contient et exprime.

     

    Débarrassés des miasmes du monothéisme totalitaire, les Européens retrouvent leur contact privilégié avec la nature. On reparle d’altérité plutôt que d’égalité, d’honneur plutôt que d’humilité, de responsabilité, de volonté, de défi, de diversité, d’identité, enfin de ce qui constitue notre héritage culturel, pourchassé, rejeté et condamné depuis deux mille ans.

     

     

    S’agit-il alors d’une nouvelle guerre de religion ?

     

    Pas du tout, évidemment. Les Européens doivent dépasser ce qui leur a été imposé et qui leur est étranger. Nous devons réunifier sacré et profane, c’est-à-dire réaffirmer que l’homme est un tout, que, de ce fait, il est le maître de son destin car il n’y a pas dichotomie entre corps et esprit. Les Européens ne doivent plus s’agenouiller pour implorer le pardon de fautes définies par une idéologie dictatoriale moyen-orientale. Ce n’est pas vers un retour du passé qu’il nous faut nous tourner, gardons-nous surtout d’une attitude passéiste, elle ne serait que folklore et compromission. Au contraire des religions monothéistes, sclérosées dans leurs livres intouchables, le Paganisme, comme une source jaillissante, doit se trouver de nouveaux chemins, de nouvelles expressions. À l’inverse des religions du livre, bloquées, incapables d’évoluer, dépassées et vieillissantes, le Paganisme est l’expression de la liberté de l’homme européen, dans son environnement naturel qu’il respecte. C’est une source de vie qui jaillit de nouveau en Europe, affirmant notre identité, et notre sens du sacré, pour un avenir de fierté, de liberté et de volonté, dans la modernité.

     

    Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europe de Gilbert Sincyr, éditions de L’Æncre, collection « Patrimoine des Religions », dirigée par Philippe Randa, 232 pages, 25 euros.

    Gilbert Sincyr  http://www.francepresseinfos.com/

  • Entretien de Robert Steuckers à “Volk in Bewegung”

    Monsieur Steuckers, pouvez-vous expliquer à nos lecteurs, en quelques mots, quels ont été les objectifs de « Synergies Européennes » ?
    Pour répéter en gros ce que j’ai déjà maintes fois dit dans plusieurs entretiens, l’objectif principal de « Synergies Européennes » a été de faire émerger une sorte de « Think Tank », de « Boîte à idées », où penseurs et publicistes non conformistes venus de tout l’espace culturel européen pouvaient participer à la mise en forme d’une alternative générale au système dominant. Pour nous, la différence majeure entre la fidélité conformiste au système, d’une part, et la critique non conformiste de ce même système, d’autre part, réside essentiellement dans la différence fondamentale qui existe entre 1) une pensée organique, consciente des forces à l’œuvre dans l’histoire et proches des hommes réels et 2) une pensée détachée de l’histoire, des continuités historiques, mécanique et par là même étrangère à l’homme. Cette dernière forme de pensée nous est présentée désormais comme le sommet du « Bien », comme un corpus intangible dont on ne peut mettre la validité en doute. Pour parvenir à notre objectif, nous souhaitions établir une coopération constante, bien que souple, entre publicistes de toute l’Europe, de façon à ce qu’un flot d’informations directes et permanentes, issues immédiatement des sources, puisse s’écrire, surtout par le biais de traductions et d’entretiens. C’est ce que j’ai essayé de concrétiser personnellement dans les différentes revues que j’ai patronnées ou dont j’ai assumé le secrétariat de rédaction, comme « Vouloir », « Orientations », « Nouvelles de Synergies Européennes », « Au fil de l’épée ». D’autres comme Alessandra Colla et Marco Battarra, pour la revue milanaise « Orion » ont aussi cherché à développer une stratégie similaire comme, avant eux, mais cette fois dans le cadre de la « nouvelle droite » historique, le Dr. Marco Tarchi de Florence, avec son bulletin « Diorama Letterario ». En fait, s’il fallait trouver un modèle pour ce type de stratégie métapolitique, il faudrait assurément aller le chercher auprès de l’hebdomadaire parisien « Courrier International » d’Alexandre Adler qui, comme on peut le constater chaque semaine, publie des traductions en provenance du monde entier. Cet hebdomadaire, qui a rapidement reçu des appuis considérables, est devenu entretemps l’une des revues françaises les plus lues et les mieux faites. Hélas, elle ne répand pas un européisme comme celui que nous souhaitions voir se consolider ! Mais une stratégie de même type, une sorte d’ « imitatio Adleri », est celle que j’ai toujours suggérée en vain à divers éditeurs de revues ou d’hebdomadaires, y compris en Allemagne. Personne ne semblait s’intéresser à un tel projet. C’est dommage ! Et pourtant le brillant succès d’Adler nous démontre que cela aurait bien valu la peine de réaliser et de soutenir un projet similaire.

    L’association et le réseau « Synergies Européennes » ont été fondés en 1993. Quel bilan en tirez-vous après plus de quinze ans ?
    Le bilan, je dois l’avouer, n’est guère satisfaisant. Entre 1993 et 2003, tout a bien fonctionné : les revues paraissaient régulièrement, les contributions rédactionnelles arrivaient du monde entier au secrétariat de rédaction, séminaires et universités d’été se succédaient sans heurts au fil des années. Ce qui a rompu cette « coulée continue », c’est l’augmentation soudaine et considérable des tarifs postaux à la fin des années 90 en Belgique, ce qui a contribué à déstabiliser totalement les finances fort précaires de l’entreprise ; il faut ajouter à cela le décès de bon nombre d’abonnés âgés, qui incarnaient une véritable culture « revuiste », et l’intérêt croissant que portaient les plus jeunes à internet. Du coup, les livres et les revues n’attiraient plus autant le chaland, surtout dans l’espace linguistique francophone ou dans la petite Belgique, néerlandophone ou francophone. Ce changement de donne a d’ailleurs entrainé la disparition de bon nombre de revues ou de bulletins similaires aux nôtres. Seules l’école des cadres de Wallonie, sous la direction de Philippe Banoy, a fonctionné sans arrêt jusqu’à aujourd’hui, en poussant des pointes en Flandre méridionale et en Lorraine, régions occupées par la France, avec, en plus, des échanges féconds avec des groupes suisses romands ou flamands. Après quelques premiers projets sans lendemains, nos deux nouveaux sites sur la grande toile donnent, depuis leur création au début de 2007, des résultats que l’on peut considérer maintenant comme satisfaisants (voir :   "http://euro-synergies.hautetfort.com"  en sept langues et alimenté chaque jour ; et   "http://vouloir.hautetfort.com"  animé depuis Paris en coopération avec d’anciens correspondants français qui se sont donné pour tâche de digitaliser et d’éditer les archives des revues francophones du groupe, comme « Vouloir », « Orientations » et « Nouvelles de Synergies Européennes », en les flanquant de textes nouveaux ou complémentaires et de bibliographies actualisées).

    Pourquoi ne parvient-on pas, malgré les bonnes intentions, à établir une meilleure coopération entre forces non conformistes, européistes et nationalistes en Europe ?
    Pour répondre de manière exhaustive à votre question, il me faudrait tout un livre ! La raison principale de ce manque de coopération rationnelle doit certainement être portée au compte du déclin culturel généralisé que nous subissons depuis longtemps. Jadis, pendant la « période axiale » de l’histoire des idées, de cette révolution culturelle pacifique, que l’Europe a expérimentée entre 1860 et 1914, on étudiait encore le latin et le grec ancien dans les lycées, gymnases et athénées d’Europe, ce qui facilitait l’apprentissage général des langues modernes, ou du moins leur acquisition passive. De cette façon, on pouvait lire, au-delà des frontières, livres, essais et articles. Aujourd’hui, nous avons sans doute comme « lingua franca » une langue artificielle et internationale que nous utilisons « pour faire de la communication » : c’est le « basic English » mais il ne nous permet pas grand chose, à part commander à l’étranger un sandwich ou un cappuccino, en bafouillant… Mais il n’y a plus de communication fondamentale. Dans les cercles non conformistes, cette tragédie est surtout perceptible, lorsqu’on constate l’absence totale de relations culturelles suivies et systématiques entre les mondes linguistiques allemand et italien ou néerlandais et italien. La formidable production italienne de livres, d’idées, de revues et d’initiatives de toutes sortes est purement et simplement ignorée dans nos régions nord-européennes, alors que les questions abordées et étudiées en Italie le sont de manière nettement moins confuse que chez nous et les réponses que les Italiens apportent sont généralement intelligentes, d’une intelligence que nous aurions pu faire nôtre si nous avions lu les livres et les textes venus de la péninsule apennine. Je pense surtout à la critique finement ciselée de la partitocratie mafieuse, qui aurait été bien utile en Belgique notamment et qu’on aurait pu combiner en Allemagne avec les thèses bien argumentées du Prof. Erwin Scheuch de Cologne, aujourd’hui décédé, ou de celles du politologue von Arnim.

    Comment jugez-vous l’option pro-sioniste que propage Guillaume Faye dans « La Nouvelle Question juive » et que certains partis de droite ou d’extrême droite ont reprise à leur compte, comme par exemple, le BNP britannique ou le mouvement « Pro Köln » en Allemagne ?
    Votre question est fort intéressante et mériterait, pour en débattre à fond, un assez long essai, car la fameuse « question juive » est de fait d’une extrême complexité. Mais, avant d’aborder le vif de ce sujet, je tiens à dire que Faye est certainement l’un de mes plus vieux amis issus du mouvement dit de la « nouvelle droite », aujourd’hui moribond ou résiduaire en France et que, malgré toutes les divergences qui pourraient éventuellement nous séparer, cette amitié demeurera. Pour être amis, il ne faut pas nécessairement partager les mêmes points de vue sur tout. Pour maintenir une amitié, il y a surtout les expériences et les déceptions communes du passé… Elles ont souvent plus de poids. Dans le lent processus de déliquescence qu’a vécu la « nouvelle droite », ses avatars et ses reliquats, Faye et quelques autres, dont moi-même, ont été, au sein du vaste camp bigarré des diverses « droites », les victimes de jalousies tenaces, des victimes certes pas toujours innocentes (car nous rendions coup de Jarnac pour coup de Jarnac, nous répondions aux sombres perfidies par des moqueries bien salées) ; ce sont surtout la force de travail de Faye et sa productivité intense qui suscitaient ces jalousies. Dans les années 80, il faut tout de même rappeler que c’était lui le moteur du « mouvement métapolitique » d’inspiration gramsciste et non d’autres, comme on l’a affirmé trop souvent à tort. Des concepts comme « le système à tuer les peuples » et, plus tard, « l’archéofuturisme » demeurent, qu’on le veuille ou non, des instruments critiques féconds pour développer une « théorie critique » alternative, qui aurait pour but, de subvertir le système dominant exactement de la même façon que la « théorie critique » de l’Ecole de Francfort avait subverti les traditions politiques classiques en Europe. Faye est l’élève de quelques personnalités importantes du monde universitaire français, ne l’oublions pas, telles Bertrand de Jouvenel, Julien Freund (le disciple alsacien de Carl Schmitt), Michel Crozier (l’observateur critique des systèmes dominants qui multiplient les blocages sociaux, un observateur qui s’inscrit dans la tradition allemande de Max Weber), Henri Lefèbvre (ancien penseur principal du PCF) et Jules Monnerot (un des plus fins analystes des processus révolutionnaires du 20ème siècle). Sur l’influence de Lefèbvre, j’ai écrit un bref article (voir :  "http://euro-synergies.hautetfort.com/" ). Sur Freund, Jouvenel et Monnerot, Faye a écrit des articles et des essais substantiels. Il n’y a encore rien sur l’influence qu’a exercée sur lui Michel Crozier.
    Je ne qualifierais pas « La Nouvelle Question juive » d’option pro-sioniste à 100% ; ce n’est pas le cas sauf pour les simplificateurs outranciers de tous bords, qui vont sans doute interpréter le contenu de ce livre de la sorte. Malheureusement les terribles simplifications ont souvent le dessus et c’est ce qu’il convient de déplorer. Surtout que personne n’a jamais demandé à Faye de justifier la curiosité qu’est le sionisme pour tout Européen moyen ou de la suggérer comme alliée. Lorsque Faye analysait ou analyse des processus sociaux, il reste un maître, qui transmet de manière percutante et didactique les idées de ses brillants prédécesseurs et professeurs. Mais, comme n’importe quel autre intellectuel non imbriqué dans la défense d’une confession religieuse ou dépourvu de formation théologique, Faye ne peut pas se muer du jour au lendemain en un théologien judaïsant ou en un spécialiste ès questions juives. C’est ce qu’il a tenté de faire, malheureusement, en écrivant ce fameux livre qu’est devenu « La Nouvelle Question juive » ! C’est ici qu’il faut voir la faiblesse intrinsèque de cet ouvrage.  Je ne trouve pas (ou pas assez) de sources ou de références sérieuses sur l’histoire proprement dite du mouvement sioniste, comme, par exemple, les travaux de Sternhell ou de Shindler, ou encore sur l’histoire de la Palestine au 20ème siècle, comme le livre de Gudrun Krämer en Allemagne. Dans les années 20 et 30 du 20ème siècle, le mouvement sioniste, comme nous l’apprend Shindler, a d’abord été inspiré par les combattants nationalistes irlandais (Michael Collins) puis, plus tard, par ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui les « Etats totalitaires » : ces engouements venaient du fait que les militants de l’Irgoun combattaient surtout l’Empire britannique. La situation a changé au cours des deux premières années de la seconde guerre mondiale, après que les services secrets britanniques aient froidement abattu les derniers sionistes pro-allemands ou pro-italiens ! Sans arguments historiques bien étayés, tout livre demeure une compilation de vœux pieux (ou impies…), ce qui n’est ni utile ni pertinent ni scientifique.
    La deuxième critique que j’avancerais après avoir pris acte de « La Nouvelle Question juive », c’est que je n’y ai pas trouvé d’évocation de voix critiques venues d’Israël même : en effet, la critique du sionisme à l’intérieur même de l’Etat hébreu ou dans la littérature israélienne actuelle me paraît plus pertinente et plus utile que tout ce qui se produit en dehors, dans le monde arabe, en Europe ou en Amérique et que l’on peut aisément qualifier d’ « antisémite ». L’affaire Avraham Burg vient encore de nous le prouver en Allemagne récemment. Faye, comme la plupart des intellectuels français d’ailleurs, semble ignorer tous ces débats et toutes ces critiques en provenance d’Israël même, alors que la presse allemande, par exemple, s’en fait régulièrement l’écho. Mais je voudrais poser ici une question impertinente : qu’est le sionisme, sinon un simple instrument de l’impérialisme américain, exactement comme bon nombre (mais pas tous…) de phénomènes islamistes et fondamentalistes d’inspiration sunnite ou wahhabite ? Les positions prises par Faye dans « La Nouvelle Question juive » sont finalement tributaires des thèses émises par le géopolitologue français Alexandre Del Valle. Celui-ci, dans la première phase de son œuvre, avait mis très justement l’accent sur l’alliance implicite entre les Etats-Unis et le mouvement moudjahiddin en Asie centrale. Cette alliance avait été conçue par Zbigniew Brzezinski dans le but de mettre hors jeu l’Union Soviétique dans le « rimland » d’Asie du Sud-Ouest, comme disent les Américains. Les fondamentalistes islamistes d’obédience sunnite, dans ce contexte, ont servi de bandes armées mobiles pour une « low intensity warfare », pour une « guerre de basse intensité » contre les Chiites d’Iran ou pour inciter les Tchétchènes à faire la guerre contre la Russie dans le Caucase. Ce sont là des faits que personne ne peut nier. Dans la seconde phase de ses activités para-politiques, Del Valle a effectivement parié sur une option clairement pro-sioniste, ce qui lui a permis d’écrire des articles dans des publications pro-sionistes comme, par exemple, « Israël Magazine ». Del Valle, dont la famille est originaire de la communauté européenne d’Algérie, ancienne colonie française, répète ainsi, quarante ou cinquante plus tard, l’alliance entre les colons « pied-noir » qui se dressaient contre De Gaulle, notamment au sein de cette armée secrète que fut l’OAS, et certaines forces sionistes de la diaspora juive d’Algérie, qui sera, elle aussi, expulsée après l’indépendance du pays. L’option de Del Valle s’explique mieux, si on tient compte des expériences douloureuses et traumatisantes de toutes ces familles expulsées. Bien entendu, cette expérience, aussi traumatisante qu’elle soit, ne peut que difficilement servir de modèle ou d’orientation pour le reste de l’Europe ou entrer en ligne de compte pour façonner une future géopolitique européenne, car elle est finalement un phénomène historique qui s’est déroulé en marge du noyau central de notre continent. Il faut ajouter que ces débats sur la guerre d’Algérie et ses retombées sont courants en France, parfois très vivaces et peuvent provoquer encore de virulentes querelles.
    J’ai exprimé mon point de vue, en présence de Faye, lors d’un colloque de la « Gesellschaft für Freie Publizistik » à Bayreuth en 2006 et, ensuite, lors de conférences publiques à Genève ou dans la région lilloise en 2009. Pour « Synergies Européennes », l’Amérique reste l’ennemi principal et donc tous les satellites de Washington doivent être considérés comme des ennemis de l’Europe, ou, du moins, comme des ennemis potentiels, même s’ils ne sont que des ennemis secondaires ou des ennemis de second rang. Dans le monde actuel, les schémas binaires, noirs/blancs, ne revêtent aucune utilité pratique, même si les médias les répandent pour tromper et gruger les masses. Les services américains et leur « soft power » médiatique ont réussi à établir un système très complexe d’alliances et de contre-alliances, que l’on peut modifier à l’envi, en inventant et en fabriquant en permanence des « vérités médiatiques », forgées sur des schémas simples et donc binaires, de manière à mieux pouvoir lancer des campagnes de haine contre n’importe quel ennemi désigné. Le « soft power » et les agences médiatiques fabriquent donc des faux amis et des faux ennemis, comme l’attestent l’histoire récente de l’Iran ou la guerre Iran/Irak, où, tour à tour, Bagdad et Téhéran ont été amis ou ennemis. Cette stratégie permet de dissimuler plus facilement les véritables intérêts impérialistes des Américains. Au Proche-Orient et au Moyen-Orient, il s’agit de maintenir aussi longtemps que possible le chaos et c’est à cela que servent les querelles permanentes entre sionistes, sunnites et chiites : la seule chose qu’il faut éviter, c’est le retour au pouvoir de nationalistes arabes laïques, inspirés par les actions et les idées de Michel Aflaq ou de Gamal Abdel Nasser, qui mettraient fin au chaos. Dans ce contexte, j’aimerais aussi rappeler que les frères musulmans sunnites d’Egypte ont été les pires ennemis de Nasser et, ainsi, des alliés implicites d’Israël et des Etats-Unis !
    Faye, comme la plupart de nos concitoyens aujourd’hui, est aussi, dans ce contexte bigarré, chaotique et incompréhensible pour le commun des mortels, une victime du « soft power » omniprésent, justement parce que les mass médias ne donnent plus un accès immédiat à du savoir historique substantiel, quand ils commentent l’actualité au jour le jour. Faye avait soif de clarté, une clarté à mon sens mal comprise et par trop simplificatrice, ce que je ne peux accepter sur le plan intellectuel. Dans cette quête de clarté, il a opté pour un schéma anti-islamiste, tandis que son ancien compagnon de combat, Alain de Benoist, a opté, lui, pour un schéma pro-islamiste et pro-iranien, tout aussi inacceptable pour un européisme raisonné et raisonnable. Seule une étude en profondeur des grands courants de l’histoire turque, ottomane, arabe et iranienne peut nous aider à forger un instrument infaillible pour comprendre la situation qui agite l’Asie Mineure, le Moyen-Orient et l’Asie centrale.
    Je ne crois pas non plus que « la Nouvelle Question juive » ait véritablement influencé le BNP britannique ou le mouvement « Pro Köln » en Allemagne, parce que, tout simplement, ce livre n’a jamais été traduit et a eu, en apparence, moins d’influence que les autres écrits de Faye. En Flandre et en Hollande, par exemple, ce sont d’autres voix, dans les reliquats du mouvement de Pim Fortuyn ou dans le parti actuel de Wilders, qui donnent le ton en matière d’hostilité à l’islamisme ; cette lame de fond hostile à l’islam des populations immigrées est partout perceptible dans ces « Bas Pays » de Par-Deça.  Signalons notamment les écrits et discours d’un professeur hollandais, le Dr. Hans Jansen (cf. « Vrij Vlaanderen », Bruxelles, n°1/2009), qui est l’une des figures de proue de l’anti-islamisme dans l’espace culturel néerlandophone, tandis que Faye, lui, y est isolé et inconnu. Je formulerai une dernière remarque : pour développer en Europe des argumentaires anti-impérialistes ou anti-américains, il me paraît dorénavant plus judicieux de se tourner vers l’Amérique latine et ses corpus doctrinaux indigénistes, bolivariens, péronistes et castristes ; le continent ibéro-américain recèle des potentialités beaucoup plus intéressantes que le monde arabo-musulman aujourd’hui, surtout parce que Chavez au Venezuela et Lula au Brésil ont inauguré une diplomatie alternative aux perspectives fécondes. Mais cette riche veine potentielle d’arguments pertinents et de réalisations pratiques demeure ignorée dans le camp des « droites », des nationalismes ou autres mouvances identitaires. Nous considérons, dans les cercles de « Synergies Européennes », que notre devoir est de faire connaître toutes ces thèses et ces thèmes. Raison pour laquelle il convient de consulter régulièrement :  "http://euro-synergies.hautetfort.com/"  La plupart des argumentaires latino-américains, qui sont parus sur notre site, y figurent en langue espagnole. Mais que ceux qui ne sont pas hispanophones ou hispanistes se consolent : il existe aujourd’hui d’excellents logiciels de traduction !

    Q. : La survie des peuples européens est menacée aujourd’hui plus que jamais. Quelles chances de survie l’homme blanc a-t-il encore au 21ème siècle ?
    Je repère dans le ton de votre question l’influence claire et nette du dernier ouvrage de Peter Scholl-Latour, paru début novembre en Allemagne. Oui, c’est un fait, que sur les plans démographique et purement quantitatif, l’Europe ne signifie plus autant que jadis. L’Europe a été profondément affaiblie par les deux conflagrations mondiales qui ont ravagé son territoire au 20ème siècle. L’histoire européenne nous a cependant appris que les Européens, souvent, ne réagissaient qu’à la toute dernière minute, comme à Vienne en 1529, 1532 et 1683 ou dans l’espace méditerranéen à Lépante en 1571, sans pour autant disposer, à ces moments cruciaux, de la supériorité quantitative. La quantité n’est pas aussi importante que la qualité. La tâche première des forces non conformistes d’Europe, et c’est là une tâche extrêmement ardue, sera d’éveiller à nouveau le sens de la qualité, car la qualité implique l’action, tandis que la quantité, par sa masse, implique la passivité. C’est ce que nous enseignait Michel Crozier dans « L’acteur et le système » : l’homme ou les peuples sont paralysés dans le système dominant, que ce soit par le truchement d’un quiétisme à la hippy ou par celui de l’hyperconsommation. Si tel est le cas, ils ne sont plus « acteurs » dans leur propre système politique, sclérosé et bloqué, et leur liberté de façonner leur vie politique leur est ôtée. La tâche difficile est donc de retransformer les petits moutons passifs en loups actifs, dans l’espoir que les autres, pendant ce temps, étouffent sous le poids de leur propre masse, de leur propre quantité ou tombent exténués parce qu’ils n’ont cessé d’agir avec trop de fébrilité et de frénésie. Ce travail ne sera pas achevé demain ni après-demain. Nos petits-enfants, eux aussi, devront encore monter au créneau.

    Propos recueillis par Andreas Thierry, Novembre 2009
    (rédigé à Forest-Flotzenberg, les 25 et 26 novembre 2009 ; version française : décembre 2009).
    par Robert Steuckers

  • Joseph Fadelle : « Il faut apprendre à aimer la France! »

    Son ouvrage, le prix à payer, est à ce jour traduit dans une dizaine de langues, dont l’arabe. Joseph continue ses tournées et ses conférences. Il part dans quelques semaines en Jordanie, au Liban, et en Israël, pour donner son témoignage. Il espère un jour pouvoir raconter son histoire dans son pays natal, ou au moins dans le nord, au Kurdistan.
    A ce jour, il vit toujours en France avec sa femme et ses quatre enfants, qu’il élève dans « l’amour de la France qui lui a tant donné ». Cet amour-là est pour lui la base, le ciment de la société française. Témoignage d’un réfugié sur l’amour de son pays d’accueil.

    Pourquoi cette injonction d’aimer la France ?

    J’aime reprendre ce que disait feu le patriarche Chenouda aux Egyptiens : « l’Egypte n’est pas un pays dans lequel on vit, mais c’est l’Egypte qui vit en nous ». Ces mots, je souhaite les adresser à tous ceux qui vivent en France, qu’ils en soient citoyens ou non. Il faut faire en sorte que la France vive en nous. C’est particulièrement vrai pour les hommes politiques. Cet amour peut résoudre beaucoup de problèmes actuels. Il faut être reconnaissant envers la France. Moi le premier, je lui suis infiniment reconnaissant de tout ce qu’elle m’a donné. Sans la reconnaissance qui s’incarne dans l’amour, on ne peut pas être citoyen d’une nation.

    Pensez-vous qu’aujourd’hui, il y ait un « déficit » d’amour envers la France ?

    Oui, je rencontre des gens nés en France, dont les parents sont nés en France, et qui n’aiment pas la France. Mais ils y vivent parce que la France leur offre ce que nul autre pays au monde ne peut leur offrir. La France m’a accueilli quand aucun pays ne voulait de moi. Elle m’a fait sentir que j’étais un enfant du pays. Elle m’a tout donné. Ce manque d’amour nous conduit à la perte.

    Comment expliquez-vous cela ?

    On ne peut rien construire si on n’aime pas la France. C’est aux parents de transmettre cet amour, par leur éducation. Et les écoles doivent enseigner le patriotisme et la citoyenneté. Qu’apprend-on aujourd’hui aux petits Français ? A gagner de l’argent et à penser à leur petit confort personnel. « Il faut consommer au maximum ! », leur inculque la société. Cela les éloigne d’un vrai amour de leur pays. Que sera la France si elle continue à combattre l’Amour, et à prôner le matérialisme, l’individualisme, l’égoïsme. ?

    La religion peut-elle être un frein à ce sentiment ?

    Absolument pas ! Au contraire. Mais il faut être extrêmement vigilant. Le problème naît quand la charia est mise au dessus des lois de la République. La France est responsable de l’intégration des étrangers qu’elle accueille et à qui elle offre la nationalité. Une grande communauté de réfugiés chaldéens vit près de Sarcelles, en banlieue parisienne. A l’école primaire Albert Camus, une école publique de la République Française, une institutrice à donné des devoirs sur des extraits du Coran, en dehors de tout programme officiel. Des gens sont venus distribuer des exemplaires du Coran aux élèves. Résultat des courses, on a vu des petits chaldéens rentrer chez eux et demander à leur mère si ce qu’elle leur servait à table était halal. Comment la France peut-elle fermer les yeux là-dessus ?

    Comment analysez-vous l’arrivée en France, depuis plus de 60 ans, d’une nombreuse population musulmane ?

    La présence de tant de musulmans en France doit être considérée comme providentielle. Il me semble que c’est l’occasion pour les Français d’être réveillés et de prendre conscience du trésor qu’ils ont, de les éveiller à leur responsabilité d’évangélisateurs. Il n’y en a pas assez ! Les Français sont endormis dans un sommeil qui semble se prolonger, de sorte que c’est la situation inverse qui se produit. Beaucoup ont peur de heurter leurs interlocuteurs. Mais on peut très bien parler du Christ sans blesser ! Il faut un enracinement dans la foi chrétienne. Est-ce que le Christ est tout pour moi ou est-ce qu’il est à la marge ? La France a grand besoin d’ouvriers, parce que « la moisson est abondante ». L’évangélisation n’est pas une option ! C’est le devoir de tout chrétien. Saint Paul n’est pas rentré chez lui vivre sa foi dans le confort et le calme.

    Comment initier un vrai dialogue avec un musulman ?

    Il faut commencer par l’aimer ! Ensuite tout dépend du stade dans lequel il se trouve par rapport à sa connaissance de l’Islam et du Coran. Souvent je commence par poser des questions sur l’origine du Coran. Ensuite je les questionne sur tous les versets qui invitent à tuer, à voler, à commettre l’adultère, tous ces versets que la nature humaine ne peut pas admettre. Nous avons le projet de construction d’un centre, le centre Fatima, qui accueillerait des personnes pour leur apprendre les éléments de base d’un vrai dialogue avec les musulmans. Il ne faut pas avoir peur ! Mais il faut être bien formé. Ce centre se situera à quelques kilomètres de Chartres.

    Connaissez-vous beaucoup de cas de musulmans qui, en France, souhaitent se convertir au christianisme et qui en sont empêchés pour des raisons familiales ou sociales ?

    Il y a beaucoup de cas de musulmans en France, qui se convertissent au christianisme ; ils sont nombreux à rencontrer des obstacles. L’idée de se voir obligé de couper tout lien avec la famille leur coûte et les fait réfléchir, c’est un frein. Beaucoup vont vivre intérieurement et secrètement leur conversion et leur foi chrétienne, de peur de perdre leur famille. Ils continueront à vivre socialement comme musulmans. D’autres vont interrompre tout contact avec leur famille avant d’embrasser le christianisme en recevant le baptême. J’ai accompagné et j’accompagne toujours des musulmans les aidant et les encourageant à comprendre le Coran, à oser chercher la vérité. Je les invite à découvrir l’amour de Dieu le Père. A l’issu de mes conférences-témoignages, je reçois des confidences de la part de musulmans qui se posent des véritables questions, tout en exprimant une peur face à la recherche de la vérité. Mais la vérité libère, la vérité rassure, la vérité est précieuse, encore plus précieuse que les liens familiaux humains.

    Vous témoignez aujourd’hui à visage découvert. N’avez-vous pas peur des conséquences ?

    Mon père spirituel m’a accordé l’autorisation de témoigner à visage découvert, ce que je demandais depuis longtemps. J’ai survécu à la torture, à la persécution et j’ai échappé plusieurs fois à la mort. On a tiré sur moi à bout portant. Le Christ m’a protégé et aujourd’hui je suis vivant pour témoigner de son Amour et annoncer l’Evangile. Je n’ai pas peur, ma force vient du Christ ! Je suis bien conscient du danger encouru par tout converti quittant l’islam. Et je n’ai aucun doute, je serai tué par un musulman, qui appliquera la charia. Nous savons bien que l’Eglise vit par le sang des martyrs, et si un jour le Seigneur m’accorde la grâce du martyr, je suis prêt. Sa volonté triomphera face à la mort.

    Propos recueillis par Raphaelle Villemain pour aed-france

    Si vous souhaitez écrire à Joseph, adressez votre courrier à l’AED.
    AED
    Service information – à l’attention de Joseph Fadelle
    29 rue du Louvre
    78 750 Mareil-Marly

  • Tugdual Derville : « Derrière ce projet de loi se dessine en perspective un changement de statut de l'enfant »

    Monde et Vie : Tugdual Derville, vous êtes l'un des principaux organisateurs de la manifestation nationale du 13 janvier contre le projet de « mariage » entre personnes du même sexe. Au cours des dernières semaines, certaines annonces ont brouillé l'image de cette manifestation : il a notamment été question d'introduire un char « gay » au sein de la manifestation, d'homo-éducation ou de marche contre l'homophobie... Qu'en est-il exactement ?
    Tugdual Derville: La ligne qu'a choisie la Manif pour tous vise à rassembler très largement et très paisiblement ; d'où la nécessité de trouver un terrain d'unité qui rassemble le plus largement possible, derrière un mot d'ordre unique: la suspension et le retrait du projet de loi. La lucidité politique nous conduit toutefois à laisser au président de la République une porte de sortie en ouvrant un débat qui a été jusqu'à présent escamoté sur la filiation, la famille et sa fragilité dans une société en crise économique, où elle reste le refuge par excellence.
    Par ailleurs, en abordant un sujet aussi sensible que celui de la filiation et de l'engendrement, nous savons que certaines personnes ressentent notre mouvement comme une agression qui s'oppose à leur désir d'engendrer, l'un des plus nobles qui habite l'humanité. Pour échapper à la présomption d'homophobie, mot piégé, mot-amalgame utilisé pour jeter l'opprobre sur notre opposition au mariage entre personnes de même sexe assorti du droit d'adopter des enfants, nous avons choisi de lutter contre « l'homophobie » dans sa terminologie acceptable, qui désigne la stigmatisation des personnes et les discriminations injustes qu'elles peuvent subir. Mon ami Philippe Ariño, lui-même concerné par l'homosexualité, explique ainsi qu'il serait « homophobe » et stigmatisant pour les personnes homosexuelles de prétendre qu'elles devraient toutes militer pour l'effacement des repères hommes-femmes dans la filiation. Nous voulons ainsi à la fois respecter les personnes et déjouer le piège tendu par ceux qui amalgament la stigmatisation avec le légitime refus du mariage entre personnes de même sexe et de cette prétendue « homofiliation » mensongère.
    Comme vous le rappelez, des maladresses ou des incompréhensions ont eu lieu, mais elles ont été corrigées et levées. Xavier Bongibault, qui est l'un des porte-parole de la Manif pour tous et homosexuel, a clairement récusé l'idée, un moment exprimée, d'incorporer à la manifestation un char « gay », en rappelant que l'humanité se compose d'hommes et de femmes, comme le disait l'ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin à l'époque de la légalisation du Pacs.
    Un correctif a aussi été apporté aux interprétations concernant les tenues des dignitaires religieux, des prêtres catholiques en particulier. Il a été dit très clairement que ces personnes peuvent venir en portant le vêtement propre à leur état. En revanche, par respect pour les sensibilités diverses qui s'y côtoient, religieuses ou pas, la Manif pour tous a demandé que l'on ne fasse pas de la manifestation un pèlerinage ou une procession. Ce n'est pas le lieu adéquat et c'est le gage du rassemblement le plus vaste et le plus unitaire possible.
    Vous mettez l'accent sur le caractère unitaire de la manifestation. Comment se traduit-il « sur le terrain » ?
    Réussir à lancer, en France, un mouvement unitaire de cette ampleur, était une gageure. Or, sans que les diversités, voire les divergences, soient effacées, cette unité s'est réalisée et la Manif pour tous rassemble aujourd'hui plus de 30 associations, qui diffèrent à la fois par l'ancienneté, la taille et la structuration. On y trouve aussi bien les associations familiales catholiques que les associations familiales protestantes, Alliance Vita, les Enfants du Mékong, des associations de personnes adoptées, des personnes concernées par l'homosexualité, des personnes ancrées à gauche ou à droite de l'échiquier politique, ainsi que des appels, comme « Tous pour le mariage » qui regroupe déjà quelque 150 000 signataires. Les réseaux sociaux par Internet ont aussi joué un rôle déterminant, ce qui explique la rapidité de la montée de la mobilisation.
    Pour parvenir à l'unité tout en respectant la diversité des sensibilités, les associations co-organisatrices de la manifestation ont décidé de s'agréger autour d'un seul logo, d'un seul mot d'ordre et d'une seule tonalité, en sacrifiant ceux qui leur étaient propres. Ces abandons ont permis que se lève un mouvement totalement inédit, qui stupéfie les politiques et les analystes. Je suis émerveillé quand je vois le bon sens de tous ces manifestants, qui ne viennent pas pour défendre leurs intérêts personnels, ni s'opposer à des revendications, mais pour protéger le droit du plus faible afin qu'il puisse accéder à l'une des richesses immuables, les plus universelles et les plus précieuses de l'humanité : être engendré par un homme et une femme. C'est ce droit du plus faible de naître d'un homme et d'une femme plutôt que de se voir imposer une filiation mensongère, que nous défendons; c'est aussi son droit d'être, à cet égard, égal aux autres enfants qui ont un papa et une maman.
    La légitimité de l’État se fonde sur la protection de ce qu'on appelait autrefois la veuve et l'orphelin - autrement dit, le plus faible ; or ce projet de loi laisse transparaître une culture de la toute-puissance qui se croit permis d'effacer les repères intangibles sur lesquels se fonde l’écologie humaine. Lorsque j'entends Najat Vallaud-Belkacem, ministre du droit des femmes, expliquer aux enfants endoctrinés que la devise de la République, liberté-égalité-fraternité, doit les conduire à ouvrir leurs parents à l’homofiliation je réponds que cette devise, comprise dans un sens juste, voire chrétien, nous invite au contraire à défendre la richesse de l'engendrement humain qui procède de la complémentarité entre l'homme et la femme.
    Vous évoquez le christianisme, quelle place occupe-t-il au sein de la Manif pour tous ?
    Le mouvement mérite de rassembler le plus grand nombre de participants, au-delà des croyances légitimes des uns et des autres. C'est pourquoi nous veillons à ce que la Manif pour tous, née de l'initiative de quelques personnes à laquelle se sont agrégées ensuite diverses associations, ne soit pas récupérée par des partis politiques, ni prisonnière de connotations religieuses dans lesquelles ses adversaires cherchent à l'enfermer, ni transformée en un affrontement entre homosexuels et hétérosexuels - termes que je récuse -, mais qu'elle soit avant tout une marche des Français attachés à une réalité qui leur est très chère. Par certains aspects, le mouvement qui se lève aujourd'hui ressemble à l'écologie à ses débuts. C'est en effet le mouvement de l'écologie humaine.
    Il bénéficie à la fois de l'unité entre associations et chapelles diverses - les fameuses tribus gauloises - et d'experts visionnaires qui avertissent que derrière le noble désir d'engendrement, aujourd'hui manipulé par l'idéologie scientiste du « gender », se profile l'illusion dangereuse selon laquelle l'humanité va trouver son bonheur en fabriquant des enfants sur mesure et à la demande. Il ne s'agit donc pas seulement d'une revendication minoritaire chez les personnes homosexuelles ; derrière ce projet de loi se dessine en perspective un changement de statut de l'enfant, qui est en prémisses dans les lois bioéthiques et les dérives liées à ces lois : c'est l'idée d'un enfant que l'on se procure, au lieu de l'accueillir inconditionnellement au sein d'une famille, afin qu'il y acquière sa liberté et y découvre la fraternité. En tant que père de famille, je suis admiratif quand des personnes homosexuelles qui luttent à nos côtés disent qu'elles sont prêtes à sacrifier leur vrai désir d'engendrer et d'éduquer, par respect pour le plus faible et le plus fragile.
    La Manif pour tous a édicté un code d'habillement Pourquoi ?
    La question du code d'habillement, c'est aussi celle de la répercussion et de l'efficacité de notre action. Nous vivons dans une société de l'image et des nouvelles technologies, ce qui n'est en soi ni un bien, ni un mal, mais un fait. Nous utilisons donc tout notre savoir-faire pour que la manifestation soit un beau spectacle, qui exprime notre unité et le caractère joyeux de la famille. En l'occurrence, ce caractère festif et unitaire se traduit par un logo, des chants et un choix de couleurs. Ce n'est pas parce que le sujet est grave que nous sommes invités à faire une marche funèbre.
    Justement, que signifient les couleurs bleu-blanc-rose ?
    Traditionnellement, on habillait souvent un petit garçon en bleu et une petite fille en rose : ces deux couleurs représentent la différence des sexes, cette richesse de l'humanité. C'est une façon d'endosser cette diversité : le père et la mère sont extraordinairement complémentaires pour un enfant. Ça montre aussi que nous avons de l'humour, de la joie de vivre et de bonnes raisons d'en avoir. Toutefois il ne s'agit pas d'un travestissement et personne n'est forcé de s’y conformer : si des personnes préfèrent manifester dans leur tenue de ville, elles sont les bienvenues.
    Le mouvement se poursuivra-t-il après le 13 janvier ?
    Oui, cette grande manifestation nationale ne restera pas sans lendemain. Il nous appartiendra ensuite de faire vivre ce mouvement, en le faisant rebondir sur d'autres échéances, politiques et parlementaires, courant janvier, puis autour de la loi sur la filiation et la procréation médicalement assistée, à partir du mois de mars. Nous n’entendons pas laisser la rue ou le débat à nos adversaires et nous serons tenaces.
    Propos recueillis monde & vie 15 janvier 2013

  • Des frontières contre Schengen : Patrick Louis salue un retour au réel archive 2011

    Devant l'afflux toujours plus important de migrants, le Danemark a décidé de reprendre le contrôle de ses frontières, provoquant le hoquet de Bruxelles qui y voit un risque pour l'espace Schengen. L'Europe a cependant décidé de lâcher un peu de mou, et examine l'idée de contrôles temporaires en cas de situation exceptionnelle...
    Patrick Louis, député honoraire du Parlement européen et secrétaire général du Mouvement pour la France, décrypte pour nous cette confrontation au réel. - O.F.

    Est-ce une remise en cause du traité de Lisbonne ?
    Le traité de Lisbonne a pour but de mettre en place le pouvoir central du futur État fédéral, et donc la fin des États-nations. Mais le principe de réalité revient à la vitesse grand V, car l'Union européenne n'est capable de prendre des décisions que pour parler de choses creuses. Elle ne peut pas prendre de vraie décision. Il faut bien distinguer le conseil des ministres et le conseil des chefs d'État qui peuvent rendre des comptes à la réalité, c'est-à-dire à un électorat, et une Commission et un Parlement qui sont un peu « hors sol ». Le traité de Lisbonne est passé en force, mais sans que les opinions publiques en aient vraiment conscience, et aujourd'hui nous sommes dans le retour du réel qui s'impose aux États. Cela prouve que l'architecture européenne est mal pensée. On a fabriqué une barque pour aller sur un lac, et cette barque se retrouve en haute mer. On se demande pourquoi cela ne va pas : mais c'est simplement le bateau qui n'est pas adapté.
    Aujourd'hui l'Europe est coincée entre deux tendances : soit elle reconnaît officiellement qu'elle est une confédération des États-nations, et alors elle pourra organiser des coopérations libres entre les nations ; soit il lui faut devenir despotique pour être efficace. Elle se retrouve face à ses mauvais fondements et à son inefficacité. Je viens d'entendre Michel Rocard lors d'une conférence être d'un euro-pessimisme qui dépasse mon euro-scepticisme. Les États aujourd'hui réagissent, les Danois les premiers, et même la France ! C'est tout de même le gouvernement Sarkozy qui a fait passer le traité de Lisbonne et c'est lui qui d'une certaine manière le met en cause.
    Mais ces États peuvent-ils le faire après avoir cédé leurs pouvoirs à Bruxelles ?
    Il y a eu un débat à Strasbourg sur cette question. Et c'était sidérant de voir que l'idéologie sans frontières était telle dans l'assemblée parlementaire qu'on considérait que contrôler l'accès dans un pays était une atteinte aux libertés. Ce qui montre que la pensée trotskyste internationaliste, qui nie les communautés naturelles comme les nations, considère que les frontières sont des murs, alors que les frontières sont des portes. Ce sont des lieux d'exclusion parce que c'est comme la porte d'une maison qui empêche d'entrer, mais ce sont également des lieux d'inclusion, qui permettent à une communauté d'exister. Quand Régis Debray écrit un livre d'éloge de la frontière, il commence à comprendre qu'il n'y a de communauté que si il y a frontières. L'Europe ne l'a toujours pas compris. En revanche, si vous voulez entrer au Parlement européen, vous devez présenter votre badge, passer à travers des systèmes de contrôle, une frontière en quelque sorte. Alors pourquoi ne serait-ce pas possible au niveau de l'espace européen ? Et au niveau des nations qui le désirent ? Il est bien évident que l'on est pour la liberté d'aller et venir, mais tous les pays ne font pas partie de Schengen. Parce que la vraie liberté d'aller et venir n'est pas contradictoire avec les frontières. On a donc besoin de réhabiliter les frontières, peut-être de nouvelles frontières, mais on ne sera jamais dans un monde sans frontières. Pour qu'il y ait du politique, il faut qu'il y ait un territoire ; pour qu'il y ait un territoire il faut qu'il y ait des frontières. En supprimant les frontières, ils sont en train de tuer les communautés, donc ils sont en train de tuer le politique au profit de la gestion.
    Se prennent-ils pour des citoyens de première catégorie ?
    Ils vivent en dehors du réel. Les anarcho-trotskystes, d'un côté, sont contre tous les mécanismes de frontières, donc contre toute forme d'organisation politique ; et certains libéraux sont contre les frontières au nom d'une conception mal pensée de la liberté économique. Il y a des conjonctions intellectuelles. Aujourd'hui, face à la mondialisation, nous allons cependant plutôt vers un monde de fragmentations, qui permettent aux communautés d'exister, donc d'avoir une régulation, donc une mutualisation des risques, parce que pour penser une sécurité sociale, par exemple, il faut bien définir un territoire, pour savoir qui y a droit et qui n'y a pas droit, qui est citoyen et qui ne l'est pas. Et ça pose nécessaire la question des frontières.
    Donc l'opération du Danemark vous rend optimiste ?
    Non parce que c'est un pas en arrière, pour trois pas en avant. L'Union européenne est tellement coincée dans ses contradictions qu'ils en sont même à réhabiliter le protectionnisme. Certains socialistes redéveloppent ainsi un protectionnisme qu'ils appellent sectoriel et temporaire tant ils se rendent compte des contradictions dans lesquelles ils ont mis les pays d'Europe. Comme ils sont quelque part, et qu'ils veulent garder le pouvoir, ils savent faire un pas en arrière pour revenir en avant, mais ils ne lâcheront pas. Ils se rendent bien compte qu'il y a un vrai problème parce que les opinions publiques ne sont pas d'accord avec eux, donc ils lâchent du mou, mais ils ne lâcheront pas l'essentiel. La fracture aujourd'hui est entre ces Européens et les populistes, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas initiés, qui ne comprennent pas la grande sagesse de Bruxelles. Les partisans de l'UE n'ont pas gagné un référendum. Leur crainte est donc que les décisions européennes deviennent prétextes à des référendums nationaux qui rendraient plus évident encore la critique de l'UE par les peuples. La crise financière aussi est révélatrice de l'absence d'enracinement dans le concret, dans le réel. La décision de l'Allemagne de ne pas payer davantage pour la Grèce en a été un autre signe. Les partisans de l'UE se rendent bien compte que la vraie subsidiarité, c'est-à-dire le sentiment national et la coopération des nations, est en train de reprendre le dessus sur leur état fédéral.
    Propos recueillis par Olivier Figueras Présent du 14 mai 2011

  • Dénoncer le nouvel ordre moral ! (archive 2011)

    Entretien avec Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique
    La vingtième université d'été de Renaissance catholique a pour thème « Le nouvel ordre moral ». Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
    Parce qu'il nous semble qu'il se répand largement aujourd'hui une erreur selon laquelle il n'y aurait plus de morale. Cela n'est pas possible. En effet, toute société, dans la mesure où elle fait vivre ensemble des personnes aux aspirations et aux intérêts divers, a besoin pour des raisons pratiques de formaliser un certain nombre de règles plus ou moins arbitraires. L'archétype de ces règles arbitraires, sans incidence morale, est que sur les routes de France la circulation est à droite alors qu'en Angleterre, elle se fait à gauche. Si l'homme a toujours besoin de règles communes partagées pour vivre en société, il se trouve cependant qu'en l'espace de cinquante ans un changement complet de paradigme s'est opéré : on rougit aujourd'hui de la vertu, de la fidélité, de la tradition comme on rougissait autrefois de ses écarts de conduite. L'avortement légal et remboursé, la stérilisation de masse, la pilule contraceptive, le mariage homosexuel, l'euthanasie, le tri embryonnaire, la théorie du gender... sont devenus les nouveaux lieux communs de la bien-pensance contemporaine. Nous ne pouvions imaginer, lorsque ce sujet a été choisi en début d'année, que nous serions à ce point rejoints par l'actualité : si les débats sur les lois de révision de bioéthique étaient bien programmés, les démêlés judiciaires de Dominique Strauss-Kahn, les déclarations de Luc Ferry mettant en cause un ancien ministre, les manuels de SVT (sciences de la vie et de la terre) des classes de Première ne l'étaient pas.
    Il était de bon ton, à une certaine époque, de déclarer que tout était politique. L'affirmation selon laquelle tous nos actes ont une portée morale paraît plus fondée dans la mesure où la morale est étymologiquement ce qui a trait au comportement, aux mœurs. C'est dire l'importance et l'actualité de ce sujet. Le programme détaillé des conférences est indiqué ci-dessous.
    -  Vous parvenez  encore  cette année a opérer un mélange assez exceptionnel puisqu'au « noyau dur » de vos conférenciers habituels ou au moins réguliers (Philippe Conrad, Claude Rousseau, Jean Sevillia, Jacques trémolet de Villers...) viennent s'adjoindre de nouveaux intervenants  (Mgr Anatrella,    Laurent Dandrieu, Hugues Kéraly, Anne-Marie Libert..,).
    - Effectivement ! Il nous semble que concernant la formule d'une université pérenne dans le temps -nous en sommes à la 20e édition - il y a deux solutions : soit vous travaillez exclusivement avec une équipe fidèle qui partage toutes vos convictions, le risque étant de rapidement tourner en rond ; soit vous acceptez de faire appel à des compétences qui sur un sujet particulier vous paraissent avoir des réflexions intéressantes à transmettre. C'est clairement ce second choix que nous avons fait.
    -    Comment s'articule le programme de cette Université ?
    —    La conférence introductive sera prononcée par le professeur Claude Rousseau qui s'attachera à mettre en lumière  toutes  les conséquences du passage, dans le langage usuel, de la notion  de morale à celle d'éthique. Ensuite nos conférenciers traiteront de la manière dont a été détruite la morale traditionnelle et dans quels domaines les destructeurs de cette morale ont fait porter l'essentiel de leurs efforts : seront ainsi abordées  les  questions  de bioéthique, d'eugénisme, la promotion de l'homosexualité et la manière dont la lutte  contre le sida a été utilisée pour banaliser des pratiques que la morale traditionnelle  réprouve. Il nous est enfin apparu indispensable de consacrer une conférence à la manière dont l'ONU est un acteur majeur de la modification de la notion de famille, conçue comme l'union stable d'un homme et d'une femme ayant pour projet commun d'avoir et d'élever ensemble des enfants.
    Dans une seconde partie, nous nous attacherons à cerner quels sont les piliers de cette nouvelle morale : refus de toute discrimination, dictature du principe de précaution, utilisation de l'écologie comme moyen d'imposer un comportement identique à tous les habitants de la planète, objectif ultime du mondialisme, et diffamation de notre histoire nationale. Notre réflexion serait cependant incomplète si nous ne nous penchions pas d'une part sur les rapports de l'économie et de la morale, d'autre part sur ceux de la morale et de la politique sans omettre de mettre en exergue la manière dont les puissances médiatiques (presse, cinéma, télévision, publicité...) ont promu ces changements de paradigme.
    En conclusion, fidèle à la pensée de Benoît XVI et reprenant une partie des réflexions de notre ami Roberto de Mattei sur le sujet, je m'attacherai à montrer que, selon l'expression connue, « il n'y a pas plus sectaire qu'un libéral », et que ce relativisme généralisé engendre un système dictatorial sans équivalent à ce jour.
    En complément de ces conférences, deux témoignages nous semblent devoir intéresser les lecteurs de Présent. D'abord celui de Philippe Isnard, professeur d'histoire, de géographie et d'instruction civique au lycée de Manosque, qui vient d'être révoqué de l'Éducation nationale pour avoir animé un débat contradictoire, conformément à la loi, dans ses classes de lycée à propos de l'avortement. Il témoignera de la manière dont l'Éducation nationale impose une pensée unique totalitaire et mensongère aux élèves et aux enseignants (cf. l'entretien dans Renaissance Catholique n° 116, 6 euros franco).
    Ensuite, Adélaïde Pouchol viendra témoigner de la passionnante enquête, publiée par notre confrère l'Homme Nouveau, qu'elle a menée dans différents centres du Planning familial. En se faisant passer pour une jeune femme enceinte se posant des questions sur la poursuite de sa grossesse, elle a concrètement observé la réalité de cette institution qui a fait du droit à l'avortement libre et gratuit, selon le slogan « un enfant si je veux quand je veux », son cheval de bataille et fonds de commerce.
    Concrètement ?
    Cette Université se déroule du jeudi 14 au dimanche 17 juillet à Grand'Maisons (Villepreux, 20 km à l'ouest de Paris). Elle n'est pas réservée aux seuls adhérents de Renaissance catholique, mais elle s'adresse à toute personne de bonne foi désireuse de s'informer sur les sujets que nous traitons. Une garderie permet aux jeunes enfants d'être pris en charge pour la journée. Au-delà des conférences, ces journées sont également un temps fort de rencontres et d'échanges. Dans le domaine Spirituel, la sainte messe est célébrée tous les jours et nous nous réjouissons du nombre de prêtres de diverses communautés d'ores et déjà inscrits, six. Le père Argouarc'h de la Sainte-Croix de Riaumont nous accompagnera en pèlerinage à la collégiale Notre-Dame de Poissy où fut baptisé saint Louis. Une activité sportive est prévue pour les jeunes ainsi qu'une visite guidée du parc du château de Versailles.
    Nous restons fidèles à notre intuition originelle : éclairer les débats du présent à la lumière de la foi et de la raison, dans la fidélité à notre tradition nationale. En ces temps de désorientation générale, ces quatre journées de formation, de détente, de culture et d'amitié chrétiennes constituent notre contribution à la toujours plus nécessaire réforme intellectuelle et morale. Croire que le zapping sur internet peut remplacer la formation un peu suivie et la lecture serait une grave illusion...
    Propos recueillis par François Franc PRESENT  25 juin 2011

  • Entretien avec Alain Soral « Cette société va finir en société de la haine » ( juin 2009)

    Alain Soral « boxe, boxe », comme chantait Nougaro. C'est pour ça qu'on l'aime et le déteste autant. De Marx à Le Pen et de Le Pen à Dieudonné, voilà un itinéraire qui a de quoi surprendre. C'est pourtant celui, classique, de la gauche réactionnaire. Elle se retrouve dans les positions de la droite révolutionnaire. Contre les libéraux-libertaires.
    Le Choc du mois : Bernanos disait qu'on reconnaît une civilisation au type d'homme qu'elle a formé. Quel type d'homme une société comme la nôtre a-t-elle formé ?
    Alain Soral : Elle a formé l'employé de bureau salarié en petit costume cravate, à tendance homosexuelle, qui cherche son plaisir (c'est le mot-clef), dominé par ses pulsions et qui, en dernière instance, se prosterne devant les riches et les sionistes, car pour lui, ça représente tout ce qui le fascine parce que ça lui est interdit : la domination éhontée.
    Le bobo ?
    C'est la même chose. Le bobo, c'est quoi ? L'un de ces salariés de la Nouvelle classe au service du système libéral-libertaire : l'idéologie du désir mise au service du Marché. Un jeune arrogant aux cheveux longs, mais qui terminera employé de bureau pulsionnel, dépressif, un peu chauve et vaguement obèse. C'est une affaire de temps, dix ans tout au plus. Comme le loubard de banlieue qui s'identifie à Scarface à quinze ans. Dix ans plus tard, vous le retrouvez gardien de parking, cassé par deux ou trois aller-retour en prison.
    Ce qu'on aimerait comprendre, c'est comment a bien pu se produire cette greffe du libéral et du libertaire ?
    Le premier à avoir théorisé le libéralisme libertaire est Michel Clouscard, un marxiste dissident. Les libéraux-libertaires ont compris qu'il fallait mettre au service du Marché l'idéologie du désir, celle dont les marcusiens avaient cru que c'était une force révolutionnaire. Il y a donc eu un double travail de destruction, d'une part à l'encontre du progressisme authentique fondé sur la conscience du primat du travail, de la production. D'autre part à l'encontre de la culture réactionnaire qui assumait l'exploitation. Le propre de l'idéologie libertaire, c'est d'escamoter le rôle du travail et le travailleur. Couper le lien causal entre la production et la consommation, qui fonde toute morale.
    Ce qui a rendu possible ce monde-là, c'est le passage d'un monde industriel à un monde postindustriel...
    On en revient à l'extension du tertiaire et à la prolifération des métiers qui ne sont plus directement productifs. Par suite de la mondialisation et des délocalisations, on a aussi moins vu d'ouvriers, de paysans sur le sol national... Cette idéologie libérale libertaire a détruit le sérieux classique qui entourait le travail, dans lequel j'inclus aussi le sérieux bourgeois de l'entrepreneur, parce que derrière la violence sociale de la bourgeoisie, on ne niait pas le travail, ni le travailleur, on le tenait seulement en cage comme un animal dangereux.
    C'est le grand bourgeois du XIXe siècle. On dira ce qu'on voudra de lui, mais enfin...
    C'était un entrepreneur, pas un spéculateur financier, donc aussi un travailleur - ce qui a été nié par le « luttisme des classes » -, et cet autre travailleur ne contestait pas l'existence du travailleur prolétaire. Il voulait le dominer, le contrôler de crainte qu'il ne renverse l'ordre social. Le travail était alors au cœur du monde bourgeois. Aujourd'hui, c'est tout l'inverse. L'idéologie libérale-libertaire aidant, il y a eu une double négation, celle de l'entrepreneur créateur de richesses et d'emplois, marginalisé au profit du parasitisme pur de la finance, et celle du travailleur, nié au profit du communiquant. L'idéologie du désir a chassé de lai représentation du monde la problématique du travail, comme si on pouvait jouir de choses qui ne seraient pas produites. En réalité, on jouit toujours de l'autre à travers son travail, Lacan l'a très bien dit. Une telle idéologie, destructrice du lien et du sens, a abouti à la destruction du logos occidental, pour en arriver à ce monde insensé et devenu incompréhensible à ses propres clercs.
    Il n'est pensable par personne...
    Il n'est pas plus pensé que viable. Nous avons perdu le contrôle. Les clercs ne produisent plus ni analyse, ni critique. Prenez un Bernanos. Il était au carrefour de la conscience douloureuse catholique et bourgeoise : comment être chrétien et bourgeois ? Le tourment de Mauriac ou de Bernanos n'a plus aucun sens aujourd'hui pour les jeunes. Ils ne comprennent pas pourquoi et par quoi ces hommes pouvaient être tourmentés.
    On les prend désormais pour des névropathes. L'éthique est réduite à une question clinique...
    N'avez-vous pas la nostalgie de l'éthique puritaine du travail chère à Max Weber ?
    Je ne suis pas protestant. Je n'éprouve pas de nostalgie pour ce monde. Je pense simplement que le monde actuel est bien plus déchu encore, ce qui ne veut pas dire que je veux revenir à l'ancien. Je ne crois pas au possible retour en arrière. L'histoire ne s'arrête pas. Pour autant, je pense que progressistes et réactionnaires ont raison contre les libéraux (à ne pas confondre avec les progressistes). Je rejoins en cela l'analyse de Claude Karnoouh. S'il y a bien eu un point commun entre le monde chrétien d'hier et la tentative communiste, c'est le refus du libéralisme. L'un lui est antérieur, l'autre postérieur. Mais il fallait de part et d'autre échapper à la dictature de l'argent et de la marchandise. Le monde communiste reste à mon sens profondément chrétien. Il essayait d'échapper à la logique implacable du profit et à cette ignoble théorie de la main invisible où les égoïsmes individuels travaillent, soi-disant, à l'intérêt collectif! La solution à mes yeux consisterait à réconcilier progressistes et réactionnaires contre les libéraux. Ce qui ne semblera étrange qu'à ceux qui se font de l'Histoire une représentation binaire.
    Peut-on dire du narcissisme qu'il n'est jamais que l'aboutissement du projet libéral, à savoir cette main invisible qui guiderait providentiellement les intérêts tout autant que les ego... L'aboutissement du processus de démocratisation : tous rois ?
    De démocratisation, si on veut, mais pas au sens grec. La démocratie n'a pas été inventée en 1789. La démocratie grecque - l'éthique par excellence - se situe à des années-lumière de la démocratie libérale, qui a remplacé Dieu par la banque, pour aboutir à ce narcissisme pulsionnel, névrotique, pervers, qui menace de s'écrouler sur nous. Le problème, c'est une fois que ce monde se sera écroulé sous le poids de ses contradictions, comment ensuite relever l'Homme ?
    À propos d'écroulement, vous aviez sous-titré votre Abécédaire de la bêtise ambiante : « Jusqu'où va-t-on descendre ? » On n'aurait donc pas fini de descendre ?
    On arrive quand même assez près du fond ! Une crise économique majeure, des tensions internationales, une dislocation du lien collectif... Autant de facteurs qui concourent au chaos. Avec la fin du « nous », c'est le vivre ensemble qui est attaqué de toutes parts : chez les enfants, avec la délinquance dès l'école. Au niveau de la solidarité collective avec le triomphe de l'individualisme, au niveau géopolitique avec la troisième guerre mondiale qui se profile... Sans oublier la haine entre les sexes et entre les générations, avec le féminisme, le jeunisme...
    Cette société, à laquelle Kant promettait la paix perpétuelle, va finir en une société de la haine. Relisez Marx, il disait que le libéralisme amène fatalement à la guerre de tous contre tous. Le libéralisme parfaitement accompli, c'est la guerre civile généralisée.
    Peut-on faire une lecture marxiste du narcissisme ? À savoir que c'est le produit d'une classe dominante et qu'en tant que tel, il ne fait que traduire un rapport de classe ?
    Non seulement on peut le faire, mais Clouscard l'a fait, Henri Lefebvre aussi, Lucien Sève... Le moi-je, l'arrogance du moi-je, traduit d'abord, avant de se massifier, une position de classe. Une arrogance de classe fondée sur le mépris du producteur.
    J'ai déjà eu l'occasion de l'écrire à propos du libéral-libertaire à la Cohn-Bendit, lequel n'est rien d'autre qu'un bourgeois méprisant la morale traditionnelle de sa classe sociale : plus aucun devoir en termes de production, mais tous les droits en matière de consommation. C'est la position objective des libertaires de 68. Tous enfants de la bourgeoisie, aspirant à jouir de ce que leurs parents avaient accumulé dans l'effort de l'après-guerre. Le fils à papa qui flambe les économies paternelles, qu’est-ce d'autre qu'un privilège de classe qui se prend pour de la liberté ?
    Ils veulent bien de l'héritage, mais pas du passif ?
    C'est l'éternelle dialectique du père et du fils dans la bourgeoisie. Le père accumule de la richesse, sans en jouir. Le fils à papa, qui, lui, veut jouir, s'avère incapable de faire perdurer l'entreprise et la coule. C'est l'épopée Félix Potin. Telle est la morale immanente de l'histoire de la bourgeoisie: en trois générations, tout le capital est bouffé. Toute l'histoire du roman bourgeois est là, avec de temps en temps un artiste, à qui l'on pardonne.
    Ainsi de Baudelaire, rentier dépressif qui convertit sa rente en génie poétique. Le même, moins le génie poétique, donne Beigbeder, un parasite. On peut faire une généalogie de l'écroulement de la figure du cadet de la bourgeoisie. On a Baudelaire au stade génial, Boris Vian au stade intermédiaire et Beigbeder au stade nul. Même récapitulation avec Houellebecq, qui est rapidement passé de la critique du libéralisme à l'apologie du libertaire. De la sorte, il a pu séduire les lectrices de Elle, vendre des millions d'exemplaires. Moyennant quoi, il a rétrogradé de la figure de clerc, c'est-à-dire de conscience douloureuse de la bourgeoisie, à celle d'animateur du process de consommation. Clouscard a théorisé tout cela dès les années soixante-dix.
    Un des malheurs de notre époque, c'est la disparition des médiations, le père, le parti, la nation...
    Il y a dans l'individualisme pulsionnel un déni et une destruction hystérique de toutes les médiations. La prétention d'être ex nihilo. Moi-je. Ce qui revient à n'aboyer plus que des slogans, comme dans la pub, à ne plus recourir au raisonnement. Littéralement, c'est se couper du sens. Ne pas comprendre que s'inscrire dans le réel, c'est établir des médiations, autrement dit : des liens causaux. Avec au-dessus l'idée hégélienne que le vrai, c'est le tout...
    Cela dénote un enfermement autistique...
    C'est surtout un monde qui ne peut pas fonctionner longtemps. Comme un moteur dont on séparerait les pièces, sous prétexte de ne pas les user ! Dès lors que l'on ne comprend plus la complémentarité des pièces d'un tout, une société, comme un moteur, ne peut plus fonctionner. Ainsi de l'individualisme... et de la logique libérale poussée à bout. Ça donne au final un consommateur enfermé dans sa bulle jusqu'à l'asphyxie, l'éclatement...
    Après moi le déluge...
    Cela ne fait aucun doute, du moins pour le monde occidental. Mais n'oublions pas les Chinois ! Ils ne sont pas au stade narcissique où nous en sommes. Le monde est en train de basculer géographiquement. Céline le disait déjà en 1950... Pour la première fois depuis 2 500 ans, les Occidentaux ne détiennent plus la clef de l'avenir du monde. Les contradictions libérales sont devenues mortifères et nous n'avons plus, ni la capacité critique et morale, ni l'énergie pour les surmonter. Nous sommes en train de crever de notre faiblesse, comme un fumeur qui accepte de se laisser mourir du cancer, parce qu'il sait n'avoir plus la force en lui de lutter contre son addiction. Au mieux, nous revendiquons l'esthétique de notre déchéance.
    Et les femmes, l'une de vos spécialités ? Vont-elles survivre aux hommes ?
    Il est évident que les femmes sont au cœur de l'instrumentalisation libérale. Je le théorise en tant que penseur, mais les libéraux le constatent en tant que marchands : les femmes sont le meilleur agent du libéralisme, moins polarisées sur la solidarité de classe, plus psychologisantes... Elles se sentent plus à l'aise dans ce monde de la marchandise intégrale, du désir, des pulsions... Le système l'a très bien compris, qui leur a octroyé la parité... Vers la féminisation est l'une des clefs de compréhension de notre monde. Le monde libéral se survit, malgré ses contradictions suicidaires, en liquidant l'homme au sens classique et grec du terme, l'homme conscient, en s'appuyant sur l'adolescent, la jeune fille, qui est sans doute la figure la plus aboutie de la décrépitude libérale. C'est le règne de la jeune fille bourgeoise de gauche qui trône aujourd'hui à tous les postes dans les médias, de la mannequin à l'intervieweuse politique. Quelle ironie ! C'est à elle, qui, par tout son être, est la plus inapte à comprendre le monde, qu'on confie le soin de l'analyse et du commentaire journalistique ! Ce calcul pervers, fomenté par des hommes, est aussi ce sommet de la misogynie sur lequel toutes les féministes se pâment !
    Il faudrait peut-être ajouter un chapitre de plus à votre livre, que vous pourriez appeler Vers l'infantilisation ?
    Oui mais le bébé n'est qu'un consommateur. Et il lui faut, pour consommer, l'incitation d'un animateur. Animateur qui doit maîtriser les rudiments de la séduction. Notre monde serait plutôt celui du maternage. Celui d'une jeune maman séduisante qui s'adresserait à des bébés. Avec au-dessus, caché, le père... Le mâle dominant de l'Oligarchie. Ces vieux hommes riches, durs et stratèges, constituant la surclasse dont parle Attali, et qui s'incarne totalement dans le sionisme actuel. Un petit groupe s'estimant au-dessus des autres et qui revendique, pour lui-même, tout ce qu'il interdit aux autres : la virilité, la violence, la domination, au nom de la pureté raciale !
    Au fond, si l'on devait incarner le libéral libertaire, ce serait une sorte d'union entre Cohn-Bendit et Attali...
    Celui qui psalmodie le catéchisme pour bercer les gentils, et celui qui pond le discours de contrôle et de domination. Car l'idéologie nomade n'échappe pas non plus à sa lecture de classes. Pour les classes dominées, la sous-classe, le nomadisme consiste à être à la totale disposition du Capital, dans le temps et dans l'espace (le travailleur d'hier n'était corvéable que dans le temps). Pour la classe dominante, l'hyper-classe, c'est la liberté du détenteur du Capital financier mondialisé d'être chez lui partout et d'ordonner à tous, puisqu'il a les moyens de tout acheter. Le nomade du haut, c'est BHL, le rentier parasite qui a des pied-à-terre partout : à Paris, à New York, à Marrakech, à Tel-Aviv... Le nomade du bas, c'est le CDD, noir ou blanc, à qui Attali explique qu'il a désormais le choix entre la délocalisation de son entreprise et le chômage, ou d'aller travailler en Roumanie aux conditions salariales d'un Roumain, le tout bien sûr dans le seul but de préserver le niveau de rente de BHL...
    Comment coexistent selon vous ces deux tendances, en apparence contradictoires, du monde contemporain : le communautarisme et le narcissisme ?
    Elles ne sont pas contradictoires. Le « nous » communautaire n'étant plus l'acceptation de l'autre propre au « nous » universaliste, mais l'addition fermée de « je » identiques : un narcissisme collectif. Dès lors que le narcissisme est le moteur social, le collectif ne peut être qu'un « je » étendu, c'est-à-dire des communautés narcissiques, fermées et rivales de Juifs, de musulmans, de gays... etc ! Ce narcissisme collectif emprunte beaucoup au mécanisme d'abêtissement de la mode, où chacun s'habille comme l'autre, et comme l'exige de lui le Marché, pour affirmer sa différence ! Et j'ajouterai en conclusion que ce n'est pas un hasard si la bêtise de la mode séduit en premier lieu les femmes et les jeunes !
    Propos recueillis par François Bousquet LECHOC DU MOIS juin 2009

  • Entretien avec l'équipe de Méridien Zéro : l'onde de choc (archive)

    Internet offre à toute une génération militante de nouveaux moyens d'expression. Ainsi, il est désormais possible de mettre en ligne des émissions de radio sans passer forcément par les ondes confisquées par les grands groupes commerciaux et l'État (à de rares exceptions comme Radio Courtoisie). En écoute directe le dimanche soir de 23h à minuit ou disponible en archive sur leur site (http//meridienzero.hautetfort.com), l'émission de l'équipe de Méridien Zéro est une voix rebelle contre le monde moderne. Le Lieutenant Sturm, l'un des animateurs de l'émission, présente pour nos lecteurs les buts de cette radio non-conforme.
    Nous laissons bien sûr à leurs auteurs l'entière responsabilité de leurs propos et de leurs analyses.

    RIVAROL : Avec quelques camarades, vous avez lancé, en avril 2010, une émission francophone de la station « Radio Bandiera Nera » sur le net. Pouvez-vous revenir sur les origines de cette initiative ?
    L'équipe MZ : Tout d'abord, nous souhaitons vous remercier de nous avoir invités dans vos colonnes.

    RIVAROL est à nos yeux un vecteur incontournable d'idées et d'analyses, un pôle d'information éternellement jeune et dynamique.
    L'émission Méridien Zéro est en fait le produit de rencontres décisives et d'une volonté militante affirmée. Une grande partie de notre équipe milite au Mouvement d'Action Sociale, une toute jeune structure radicale, patriote et sociale. Au M.A.S, nous avons à cœur d'identifier et d'utiliser les nouveaux vecteurs de communication. La web radio fait partie de cet arsenal et nous avions en projet de monter une initiative sur le net.
    Notre proximité avec les camarades italiens du mouvement Casapound (1) n'est pas non plus étrangère à notre initiative. Ils ont lancé voilà quelques années avec succès une web radio, Radio Bandera Nera (Radio Drapeau Noir en français - RBN). Aujourd'hui cette radio couvre le territoire national, ayant des émissions dans toutes les grandes villes d'Italie. Plus largement, RBN s'est ouverte à l'Europe et au reste du monde en soutenant des émissions sur le continent américain et asiatique. Il y a deux ans, de jeunes identitaires avaient bénéficié de l'aide de RBN pour monter « Derrière ta Porte », une émission hebdomadaire qui a fonctionné pendant un an. Certains animateurs de « Méridien Zéro » ont d'ailleurs participé de manière intermittente à cette émission.
    Mais le point de bascule vers la matérialisation de notre initiative a été notre rencontre avec Monsieur S., fondateur de la communauté Zentropa, animateur du blog du même nom et l'un des animateurs de l'émission francophone du Canada « Tuons le clair de lune ». Pour des raisons matérielles autant que géographiques, son équipe ne pouvait plus poursuivre l'aventure et il nous a proposé de reprendre le Créneau. Nous lui devons l'obtention du créneau sur RBN. Ses liens avec les camarades italiens ont également été déterminants pour l'établissement de relations de confiance avec la rédaction de RBN. Nous le saluons ici et le remercions encore une fois.
    Après un rapide examen de nos moyens (matériels, financiers et humains), nous avons donc accepté sa proposition. La qualité de l'équipe a fait le reste. Nous pensons ici surtout à Lord Sergueï (nous utilisons volontiers des pseudos), notre ingénieur du son qui a rendu la chose techniquement possible, mais aussi à Pascal Lassale, Georges Feltin- Tracol, Monsieur K, dont le soutien immédiat à grandement aidé au lancement de l'émission .
    Enfin, il y a l'équipe de Méridien Zéro,composée d'animateurs amateurs qui forgent leur compétence au fil des émissions. Bref, comme toujours, un coup de pouce du destin, des camarades décidés et une bonne dose de travail.

    R. : Il semble qu'il existe un esprit particulier dans votre équipe. Vous le définiriez comment ?
    L'équipe MZ : C'est amusant, cette remarque revient souvent. Il nous semble que deux choses caractérisent notre travail : la joie et la liberté. La joie parce que nous sommes avant tout une joyeuse bande de camarades et d'amis unis par les combats militants et volontaires pour cette aventure. Pas d'aigreur chez nous. Seul le désir de propager la formidable actualité de nos idées nous motive.
    La liberté ensuite, parce que nous nous sommes dégagés des carcans inconscients à l'œuvre dans nos milieux. Cette prise de position nous éloigne de toute aliénation à une quelconque chapelle ou à tel courant. Être libre enfin, c'est pouvoir entreprendre la reconquête de nos concitoyens. Nous ne perdons jamais de vue que nos auditeurs les plus importants sont ceux à venir, ceux qui ne nous connaissent pas encore.

    R. : Je crois savoir que le nom de votre émission est une référence à l'œuvre d'Ernst Jünger. Quel sens a-t-il pour vous ?
    L'équipe MZ : Ernst Jünger reste pour nous le grand esprit européen du XXe siècle. Il incarne lui-même une "figure" au sens de celles qu'il a forgé : le rebelle, le partisan, le travailleur. Son œuvre reste d'une grande actualité et est source d'inspiration et méditation pour beaucoup. Pour ce qui est du titre, nous le devons à son essai « Passage de la ligne » de 1950. Jünger explique qu'en finir avec le nihilisme impose, aux hommes et femmes différenciés que nous aspirons à devenir, de le vivre jusqu'au bout, de « passer la ligne » qui correspond au « méridien zéro ». Cette analogie avec ce que nous vivons aujourd'hui nous a paru pertinente, d'où le titre de l'émission.

    R. : Quelles sont les influences et les idées à la base de votre démarche ? Votre projet est-il une nouvelle forme de métapolitique ?
    L'équipe MZ : Une nouvelle forme de métapolitique ? Pourquoi pas. Les outils forgés par la Nouvelle droite et le travail initié par certains de ses membres restent valides à nos yeux. Nos influences sont assez composites, à l'image de notre équipe : national-syndicalisme, Révolution Conservatrice, nationalisme-révolutionnaire, nouvelle droite, dissidents de l'Action française (Valois, Brasillach, Drieu, Bernanos ... ), socialisme français du début du XXe siècle, certains écrits anarchistes, l'écologie radicale, le travail des Italiens de Casapound. des nationalistes autonomes allemands... Nous ne fermons pas la porte, nous nous remettons régulièrement en cause et cherchons toujours ce qui peut être porteur de sens et d'avenir dans nos milieux et hors d'eux.

    R. : Le rapprochement semble évident avec le site Zentropa (2). Qu'a apporté, pour vous, cette communauté aux jeunes nationalistes et identitaires d'aujourd'hui ?
    L'équipe MZ : Zentropa est à bien des égards le point de départ de nombreuses initiatives d'avant-garde. C'est un élément de combat déterminant dans l'univers militant actuel. Dans quelques années, lorsque l'on aura pris un peu de recul par rapport à ce début de siècle militant, on pourra mieux mesurer le référentiel qu'est devenu ce blog pour la jeunesse activiste nationale, patriote et identitaire. Zentropa est une entreprise colossale fondée et animée par une poignée de pionniers, d'éclaireurs qui se projettent aux avant-postes du monde pour ramener à notre mouvance les outils de sa libération, les vecteurs de sa reconquête : les idées de son avenir. On lui reproche parfois son éclectisme, mais là réside sa force.

    R. : Le syndicalisme, les conséquences économiques de la crise, la relocalisation - la question sociale revient souvent dans vos préoccupations. Que vous inspire l'impasse du système capitaliste ? Une autre voie est-elle possible pour vous ?
    L'équipe MZ : Oui la question sociale est pour nous centrale, car comment défendre son peuple si on ne se préoccupe pas de son quotidien ? Toute pensée authentiquement nationaliste, patriote ne peut et ne doit pas occulter la question sociale ni ignorer son actuelle mutation. Le capitalisme sauvage, fer de lance du Système oligarchique mondial, montre de plus en plus son vrai visage, celui d'un totalitarisme froid et cynique. S'il est sûr que le Système est une impasse, il est encore trop tôt pour dire si nous sommes au fond de cette impasse tant il a maintes fois démontré sa capacité à se régénérer en absorbant les contestations.
    Pour autant, nous ne devons pas attendre la mort de l'oppresseur pour le combattre. Nous avons le devoir de nous opposer au sens noble du terme ce qui présuppose que nous soyons en capacité de proposer une autre voie. Cette voie passe par la création, l'innovation, l'imagination... Plutôt que de défendre il nous faut conquérir les espaces laissés à l'abandon par le Système, nous emparer du réel et y planter nos drapeaux. Pour nous, cette voie de combat prend le nom de Solidarisme. Nous considérons en effet que le Solidarisme (3) est l'Idée qui saura lier combat social et combat national.

    R. : Avez-vous une idée de l'audience de votre émission ? Quel est votre public ?
    L'équipe MZ : Nous disposons de quelques indicateurs. Nous savons que la fréquentation de notre blog est en hausse constante depuis son ouverture en avril et dépasse aujourd'hui le millier de visiteurs par mois. Nous savons aussi qu'environ deux cents personnes téléchargent notre émission dès le lundi matin. Ces chiffres sont modestes, nous en sommes conscients. Mais c'est un très bon début pour une émission qui n'a qu'un trimestre d'existence. Quant à notre public, les nombreux courriels que nous recevons nous renvoient l'image d'un panel ouvert: jeunes et moins jeunes, tenants des divers courants du milieu, nos auditeurs nous encouragent et nous font parvenir leurs observations. Tout cela nous aide grandement, qu'ils en soient remerciés.

    R. : Quelle approche avez-vous d'internet ? Comment considérez-vous ses apports positifs et ses aspects négatifs ?
    L'équipe MZ : Internet est sans conteste un formidable outil qui peut constituer par bien des points un antidote au totalitarisme soft que nous subissons aujourd'hui. Pour autant et comme en toutes choses, Internet n'est pas un outil neutre. Il peut asservir autant que servir. Pour qu'il devienne un vecteur de combat, il faut lui rendre sa place, celle d'un instrument parmi d'autres. Y investir la totalité des efforts militants serait une erreur. Rien ne remplace le réel et le terrain. Ensuite, pour reprendre les enseignements que nous délivre Ernst Jünger dans le "Travailleur" : à moins d'en devenir l'esclave, l'homme doit maîtriser la technique, l'arraisonner et pour cela se former et apprendre la distance nécessaire à sa préservation. Un regret enfin : malgré de nombreuses et récentes initiatives, nos milieux sont encore un peu à la traîne sur Internet.

    R. : Vous avez consacré une émission aux nationalistes autonomes. Pouvez-vous nous présenter ce phénomène novateur en France ?
    L'équipe MZ : Au même titre que nos camarades italiens ont opéré, au travers du mouvement Casapound, une mutation salvatrice, les camarades allemands œuvrent depuis plusieurs années à la formation d'un nationalisme de combat ( 4) débarrassé de ses vieilles lunes et tourné vers l'avenir.
    Les manifestations géantes des coordinations nationalistes autonomes (Berlin, Hambourg, Dresde, Dortmund ... ) contre le capitalisme, l'impérialisme américain, la mondialisation sont des exemples éclatants d'une percée victorieuse. Quelle est leur recette ? Les ingrédients sont nombreux, certains sont liés à la réunification allemande et à l'apport des Allemands de l'Est. Mais pour l'essentiel on peut retenir : autonomie d'action, positionnement « ni gauche ni droite », indépendance par rapport au jeu électoral, gros travail social de terrain et emprunts tous azimuts aux modes vestimentaires, musicales de la jeunesse occidentale (à des fins de détournement s'entend).
    Bien des réalisations de nos camarades sont emblématiques. Pour autant la transposition du nationalisme autonome en France semble difficile, le milieu n'étant pas à notre avis encore prêt pour une telle mutation. Saluons tout de même l'initiative courageuse de nos jeunes camarades nationalistes autonomes parisiens et lorrains.
    Plus largement, c'est le concept d'autonomie qui semble le plus opérant. Autonomie entendue comme capacité à générer nos propres lois, nos propres codes, à nous libérer de la victimisation dans laquelle nous enferme le Système, à reprendre l'offensive et à croire que nos idées sont porteuses d'avenir.

    R. : Vous appelez à une « rupture militante » au sein du mouvement nationaliste identitaire. Comment jugez-vous sa situation actuelle ? Quelles sont, d'après vous, les initiatives à suivre et à soutenir ?
    L'équipe MZ : Le concept de rupture (5) est central pour nous. Pour le résumer, il consiste en une profonde mutation de nos schémas militants. Il faut en passer par un état des lieux de nos habitudes, de nos modes d'expression, de notre façon de militer et d'agir pour délaisser ce qui est obsolète, garder ce qui fonctionne et inventer de nouveaux outils de conquête.
    Aujourd'hui la mouvance nationaliste, patriote et identitaire nous paraît partagée entre fidélité statique et radicalité dynamique. Nous nous rangeons clairement dans la seconde catégorie, la première nous semblant plus ressortir de la nostalgie sclérosante qu'autre chose.
    Pour ce qui est des mouvements politiques à visée électorale, leur présence est nécessaire comme porte-voix de certaines de nos aspirations. Nous observons leurs évolutions avec le plus grand intérêt tout en maintenant notre position qui est que ce qui est nécessaire ne doit pas devenir hégémonique. Le parti n'est pas la somme du tout, loin s'en faut. Et puis, le jeu électoral est au minimum contrôlé par le Système. Croire que nous arriverons à exercer le pouvoir par ce seul biais nous semble irréaliste et démobilisateur.
    La politique s'exerce partout et nous devons garder en tête que tout est politique. En ce sens, il faut promouvoir les initiatives culturelles, artistiques, associatives, métapolitiques, écologiques et sociales comme autant de drapeaux amis plantés dans le réel. La liste de ces initiatives serait trop longue à dérouler. Retenons en vrac : le site Zentropa, la Maison Flamande et Opstaan à Lille, Nissa rebela à Nice, Vox populi à Tours, le site Europe Maxima, le blog Orages d'acier, le groupe Dextra, l'initiative Scriptoblog, le MAS à Paris, SDF, Solidarité Populaire, le livre de G. Feltin-Tracol « Orientations Rebelles », la Maison Sociale et Familiale, les jeunes nationalistes autonomes de Paris et de Lorraine, la lecture de Rivarol, de Réfléchir&Agir ... et surtout l'immense cohorte des électrons libres, des créateurs, des éveilleurs, des pirates et des éclaireurs qui commencent à se manifester dans nos milieux. De ce bouillonnement naîtra l'initiative ; le mouvement et la reconquête de notre peuple. Merci à vous et longue vie à RIVAROL !
    RIVAROL du 30 juillet au 2 septembre 2010
    (1) < http://www.cosapounditalia.org >.
    (2) < http://www.zentropa.splinder.com >.
    (3) Sur le solidarisme : < http://www.masorg.com > fondements pour-un-néo-solidarisme.
    (4) Sur le nationalisme Autonome allemand on peut consulter le portail de Nationaler Widerstand (Résistance Nationale) < http://www.nwbb.org >.
    (5) Sur le concept de rupture on pourra consulter < http://www.mas-org.com > fondements principes-de-rupture.