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entretiens et videos - Page 867

  • Une petite histoire de la tyrannie médiatique

    Par La Voix de la Russie | (lundi 14 octobre 2013).
    Le président fondateur de la Fondation Polémia a été interviewé par La Voix de la Russie (french.ruvr.ru/‎), station de radio russe émettant depuis Moscou des émissions en langue française et présentant les actualités russes, françaises et internationales. Cet entretien a été principalement consacré au dernier ouvrage de Jean-Yves Le Gallou, « La tyrannie médiatique » et aux particularismes des médias français.
    Polémia

    La Voix de la Russie : Jean-Yves Le Gallou bonjour, pourriez vous tout d’abord vous présenter aux lecteurs de La Voix de la Russie qui ne vous connaitraient pas ?
    Jean-Yves Le Gallou : Je suis énarque, j’ai été co-fondateur du Club de l’Horloge (un influent « think tank » national-libéral) et député européen. J’ai créé en 2002 la Fondation Polémia (1), centre de réflexion dont le but est de « fournir des clés d’analyse des évènements en dehors de la grille d’interprétation du politiquement correct et du conformisme ambiant ». Fondamentalement, je me considère comme un combattant politique national et un dissident intellectuel identitaire.

    LVdlR : Vous avez écrit un livre assez exceptionnel et qui à mon avis fera date, intitulé  La Tyrannie médiatique (2) Vous y mettez dedans en lien l’orientation du flux médiatique et informationnel global avec les intérêts de l’oligarchie régnante. Pourriez-vous expliquer ?
    JYLG : Le système « démocratique » français (et de manière plus générale occidental) est simple : les médias sélectionnent les hommes politiques (ceux qui « méritent » de devenir maires de grandes villes, ceux qui sont ministrables, ceux qui sont présidentiables) en choisissant les personnalités qu’ils font connaître (en les invitant) et en fabriquant leur image (en opposant les « bons » et les « méchants »). Or, les médias dépendent de l’argent. D’abord du capital financier qui les contrôle : les banques (Rothschild, Lazard, BNP-Paribas, Crédit agricole, Crédit mutuel) et le monde du luxe (PPR, Saint-Laurent, LVMH). De la manne publicitaire ensuite, là aussi répartie par de grands oligopoles (Publicis et Havas, Euro-RSCG). Ces forces-là ont intérêt à un monde sans frontières, sans racines, sans traditions, pour que le capitalisme et la société marchande puissent se développer sans limites (3). Résultat, les hommes politiques ne sont pas des hommes d’État – ni des démagogues d’ailleurs – ce sont des médiagogues, des hommes qui flattent les médias, qui tiennent le discours conformiste qui plaît aux médias.

    LVdlR : D’après vous, le traitement médiatique de l’actualité est donc conforme à des objectifs politiques, sociétaux ou moraux définis qui sont en général conforme avec le profil unique du journaliste qui serait un « homme de gauche » à en croire les sondages et analyses que vous citez sur les votes des étudiants en journalisme et des rédactions lors des élections en France. L’analyste Xavier Moreau pense lui qu’il ne « faut pas surestimer la corruption et la malhonnêteté et sous-estimer la bêtise. Les journalistes français étant bien plus stupides et paresseux que méchants ». Qu’en pensez-vous?
    JYLG : Parbleu ! Un journaliste qui veut faire carrière a intérêt à être stupide et paresseux. Car s’il se met à vérifier les faits, il va travailler moins vite que ses collègues et risque de s’éloigner de la doxa dominante : ce ne serait pas bon pour sa carrière. Ce qui est le plus grave, c’est que globalement l’engagement à gauche des journalistes (mondialistes et internationalistes, immigrationnistes, favorables aux réformes sociétales, pour le mariage homo par exemple) recoupe les intérêts du capital financier. Le journalisme français, c’est un exemple réussi de l’association capital /travail : servir ses idées en servant son patron, c’est plutôt sympa, non ?

    LVdlR : Vous avez créé la cérémonie des Bobards d’or (4) destinés à « primer » les pires mensonges journalistiques, pourriez vous rapidement la présenter aux lecteurs et donner quelques exemples parlants ?
    JYLG : C’est un peu comme les « Césars » ou les « Oscars » mais sur le mode de la dérision. Il s’agit de récompenser les « meilleurs des journalistes », ceux qui mentent, qui « bobardent » le mieux pour servir le politiquement correct. En 2012, des attentats ont endeuillé la région de Toulouse et de Montauban. Tant que le tueur n’était pas connu, les médias (tous les médias) ont lourdement sous-entendu qu’il serait « d’extrême droite », qu’il « sentait le nazi » (Le Canard enchainé) et qu’il était « de type européen, blond, aux yeux bleus » selon TF1 et France 2. Ce qui est quand même très fort puisque le tueur opérait avec… un casque de moto intégral. Quand la police a neutralisé le tueur, un islamiste franco-algérien, changement de ton. Les médias – tous les médias – parlent alors d’« un jeune français de Toulouse », « gentil garçon », « au visage d’ange ».

    LVdlR : Votre livre met également le doigt sur le traitement médiatique totalement incroyable dont souffre la Russie au sein des medias français. Pourriez-vous en parler ? A quoi est due cette agression médiatique assez systématique contre la Russie d’après vous ?
    JYLG : Pour les médias français, il y a les « bons » et les « méchants », les « héros » (du politiquement correct) et les salauds (ceux qui s’y opposent). Quand Obama a été élu, c’était selon l’hebdomadaire l’Express « l’homme qui peut changer le monde ». Poutine, c’est différent, c’est le méchant qui vient du froid puisqu’il s’oppose à l’impérialisme américain. Tous les moyens de le diaboliser sont bons : lorsqu’il y a eu des manifestations à Moscou, les médias français ont grossi les manifestations anti-Poutine et minoré les manifestations pro-Poutine : le grand quotidien Le Parisien a poussé le zèle jusqu’à utiliser en « une » une photo d’une manifestation pro-Poutine pour vanter le succès d’une manifestation d’opposition ! Lorsqu’un islamiste tchétchène a tué un collégien breton, son nom a été changé dans Le Monde : Souleymane est devenu Vladimir. Suivez mon regard. Tout est à l’avenant.

    LVdlR : Quel est votre regard d’intellectuel et d’homme politique français sur l’élite politique russe actuelle ?
    JYLG : Elle montre six qualités qui font singulièrement défaut aux dirigeants français : patriotisme, sens de l’État, indépendance, courage, tenue, habileté aussi, comme on l’a vu lors de l’affaire syrienne. Ils servent une vue du monde, l’identité russe, et inscrivent leur action dans une perspective géostratégique.
    A rebours, des dirigeants français qui sont cour-termistes et à la remorque d’intérêts étrangers : ceux des États-Unis, d’Israël et des pétromonarchies sunnites.

    LVdlR : Revenons aux médias. Face à la crise de la presse française, l’État français en 2010 aurait versé 1,8 milliard d’euros d’aides, à ajouter aux recettes croissantes de la publicité. Cela prouve que la presse est non seulement en total déficit mais donc également de moins en moins indépendante. Qu’en pensez-vous, et dans cette tendance lourde, pourriez-vous présenter votre fondation Polémia ? Pensez vous qu’apparaisse dans le futur proche un réel media d’opposition d’un nouveau genre ?
    JYLG : La presse écrite française est sous assistance respiratoire : il faut la débrancher ! Radios et télévisions sont sous perfusion publicitaire : ce sont les troupes d’occupation mentale de la société marchande et de l’« empire du bien ».
    Mais les médias dominants sont en crise. Crise financière avec des déficits croissants. Crise de confiance car leur parole est de plus en plus mise en doute (à juste titre). Crise commerciale car leur audience est en baisse.
    Les médias alternatifs les contestent et leur taillent des croupières. Les flux de la réinformation (une vision non conformiste et complémentaire des faits) circulent grâce aux sites internet, aux blogs et aux réseaux sociaux. La prochaine étape, c’est l’arrivée de télévisions dissidentes sur Internet. Ainsi, les actualités de ProRussia.tv sont vues chaque semaine par plus d’un million de personnes. Radio Courtoisie va filmer et diffuser sur Internet les temps forts de ses émissions. Un autre projet, lancé grâce au « found raising », Télé liberté, est en train de voir le jour. Entre médias dissidents et médias dominants, le rapport de force était de 1 à 1000, il est en train de passer de 1 à 10, cela change tout.
    Dans cette perspective, Polémia a un triple rôle : conscientiser l’opinion, mobiliser des forces dans la bataille médiatique, préalable de la bataille politique, être une passerelle entre les différentes formes et les différents acteurs de la dissidence.

    LVdlR : Vous parlez du rétrécissement du champ démocratique, en mentionnant les choix de plus en plus restreints offerts aux lecteurs ou aux citoyens. Vous citez par exemple les débats types entre des journalistes du même bord même s’ils sont dans des organes de presse différents, ou encore les duels politiques entre candidats qui sont de bords différents mais au fond d’accord sur tout. Comment analysez-vous et expliquez-vous cette tendance ?
    JYLG : Le parti unique est un mode d’expression dépassé. Mais la France (et l’occident) vivent sous le régime d’une idéologie unique camouflée par un pluralisme de façade et un simulacre d’alternance. Tout ce qui sort d’une idéologie convenue est interdit d’antenne. Patrick Cohen, l’un des principaux journalistes de radio et télévision, a sommé l’un de ses confrères (Frédéric Taddei) de France 3 « de ne pas inviter d’esprits malades » (sic). Et à l’objection de la liberté de pensée, il a concédé « dans le cadre des lois qui l’encadrent et l’organisent » (re-sic). Et ce sont ces petits esprits médiocres et totalitaires qui prétendent donner des leçons de droit de l’homme au monde entier…

    LVdlR : Vous citez l’existence d’un carré carcéral de l’idéologique médiatique auquel il est impossible d’échapper et constitué par :
    1) le mondialisme et le libre échangisme économique ;
    2) l’antiracisme et l’immigrationisme ;
    3) la rupture avec les traditions ;
    4) la repentance et la culpabilisation historique. Pourriez-vous précisez de quoi il s’agit exactement ?
    JYLG : Si vous êtes journaliste (ou homme politique) et que voulez faire carrière (ce qui est bien humain), il vous faut inscrire vos propos dans ce cadre. Sinon, on vous reprochera des « dérapages » qu’on qualifiera de « nauséabonds » et vous serez diabolisé et marginalisé. Seuls les esprits les mieux trempés y sont prêts.

    LVdlR : Un désaccord de fond subsiste pour savoir s’il faut qualifier l’idéologie dominante au sein des médias de voix « libérale ou assimilée » via la domination structurelle et financière de flux et d’intérêts financiers transnationaux, ou de « de gauche ou assimilée », via la pernicieuse pensée dominante de journalistes qui sont très majoritairement de gauche sur le plan moral ou sociétal. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
    JYLG : Les deux marchent la main dans la main. Les médias français fonctionnent sur la sainte alliance du capitalisme financier et du trotskysme de salle de rédaction. Les uns et les autres promeuvent la révolution capitaliste mondiale : c’est-à-dire la suppression de toute frontière physique et de toute frontière morale.
     Entretien avec Jean-Yves Le Gallou
    Président fondateur de Polémia, 14/10/2013
    http://www.polemia.com/une-petite-histoire-de-la-tyrannie-mediatique/

    Rédaction en ligne, Alexandre Latsa
    Radio http://french.ruvr.ru
    14/10/2013

    Notes :

    (1) Voir le site de la Fondation Polémia
    (2) Voir sur le site Boutique en ligne
    (3) Voir Les médias en servitude
    (4) Voir Les Bobards d’Or

  • “Homoparentalité” : les enfants réussissent moins bien à l'école

    Enfin une étude de grande envergure sur les enfants élevés par des paires homosexuelles : elle a porté sur une enquête ayant comme base 20 % des Canadiens recensés en 2006, et sa conclusion est pour le moins significative. Les enfants ayant grandi au sein de foyers gays ou lesbiens ont 65 % de chances d'obtenir leur diplôme équivalent au baccalauréat par rapport à ceux élevés dans une famille avec un père et une mère mariés. Et parmi les enfants de foyers homosexuels, les filles s'en sortent encore nettement moins bien que les garçons.
    L'étude a été menée par Douglas W. Allen et publiée le 10 octobre par la Review of Economics of the Household. Elle a identifié les personnes qui se déclarent elles-mêmes comme élevées dans un foyer homosexuel au sein de cet échantillon de 20 % de la population recensée en 2006, suffisamment grand pour distinguer le statut matrimonial, les différences selon le sexe des parents et celui des enfants qu'ils élèvent.
    Pour l'heure le lobby gay et les gros médias n'ont pas réagi ; on ne trouve sur l'internet anglophone, hormis des recensions par des sites pro-vie ou pro-famille, qu'un article sur un site homosexuel titrant sur le fait que Douglas W. Allen est un « chercheur de droite » et rejetant sa « pseudo-science », l'article lui-même semblant avoir été retiré puisqu'on n'y accède que par le cache, ici.
    Les résultats de son enquête sont pourtant spectaculairement opposés à ce qu'on nous a répété pendant des mois sur le fait que les enfants sont aussi bien élevés par des couples de même sexe que par les autres, au point qu'on est qualifié d'« homophobe » si l'on ose affirmer le contraire.
    Le chercheur, professeur d'économie à la Simon Fraser University, a répondu aux questions de MercatorNet pour rendre compte de sa méthode et de ses résultats : une passionnante interview dont je vous propose la traduction complète ci-dessous, tant le sujet est fondamental dans les batailles qui nous mobilisent. – J.S.
    — MercartorNet : Qu’a permis de découvrir votre étude sur l’issue du parcours scolaire des enfants de couples de même sexe par rapport aux enfants de couples de sexe opposé ?
    ­— Doug Allen : On compte sur les quinze dernières années quelque 60 études posant la question de savoir si « l’évolution des enfants est différente pour ceux élevés dans des foyers de même sexe ». La quasi totalité de ces publications est marquée par les caractéristiques suivantes : les échantillons sont minuscules et penchent dans une direction, les mesures des résultats sont subjectives et difficiles à reproduire, et le résultat est toujours qu’il n’y a « pas de différence ».
    Malgré la validité scientifique limitée de ces études, elles aboutissent toutes à des recommandations
    politiques de grande échelle. Il ne s’agit pas véritablement de littérature scientifique, mais d’une littérature politique qui a pour cible les juges, les juristes et les hommes politiques.
    Puis il y a eu un papier de Michael Rosenfeld, publié par Demography en 2010. Cet article s’appuie sur un grand échantillon aléatoire et étudie le parcours scolaire normal aux Etats-Unis. Il s’agit, à mon avis, du premier travail statistique solide sur la question ; l’auteur confirme le résultat « pas de différence ». Par la suite, Joe Price, Catherine Pakaluk et moi-même avons répliqué son étude – et découvert deux problèmes.
    Premièrement, il n’a pas trouvé « aucune différence ». Ce qu’il a trouvé, c’est beaucoup de bruit, il a donc été incapable de faire une distinction statistique entre les enfants de foyers homosexuels et ceux issus de n’importe quel autre type de foyer – y compris ceux dont nous savons qu’ils ne sont pas bons pour les enfants.
    Deuxièmement, le manque de précision de ses estimations vient du fait qu’il a décidé de ne retenir aucun enfant n’ayant pas habité au même endroit pendant cinq ans. Un facteur qui s’est révélé très fortement corrélé avec la vie au sein d’un foyer homosexuel. Il a ainsi sans y faire attention écarté la plupart des foyers homosexuels de son échantillon. Sans cette information, il n’avait pas le pouvoir statistique de distinguer parmi les différents types de familles.
    Ainsi donc, mes deux collègues et moi avons restauré l’échantillon et utilisé la technique statistique du contrôle de la stabilité du foyer. Nous avons découvert que les enfants de foyers homosexuels avaient 35 % de risques supplémentaires de ne pas réussir une année.
    Pendant que nous travaillions là-dessus, j’étais aussi en train d’utiliser le recensement canadien pour regarder d’autres questions. J’ai remarqué plusieurs choses qui le distinguent du recensement des Etats-Unis. Premièrement, et contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis, le recensement canadien identifie lui-même les couples de même sexe. Cela permet de résoudre un gros problème par rapport au recensement américain, qui peut inclure des colocataires, les membres d’une même famille, les couples de sexe opposé comme les couples de même sexe.
    Deuxièmement, le recensement canadien fait un lien bien pratique entre les enfants et les parents, ce qui permet de contrôler le niveau d’éducation des parents et leur statut matrimonial. De mauvais résultats à l’école sont corrélés avec les ruptures maritales des parents, il s’agit dont d’un contrôle important. De bien des manières, donc, le recensement du Canada offre un bien meilleur ensemble de données pour évaluer cette question, et j’ai donc décidé de tout simplement refaire l’étude Rosenfeld en les utilisant. (Le recensement ne rend pas compte de l’évolution au long du parcours scolaire, au lieu de celle-ci j’ai donc examiné les taux de réussite à l’examen final d’études secondaires.)
    Qu’ai-je trouvé ? D’abord, j’ai tout simplement regardé comment n’importe quel enfant dans un foyer gay ou lesbien réussissait par rapport aux enfants vivant auprès de parents mariés ou concubins ou d’un seul parent. La partie la plus longue du papier compare les enfants de foyers de même sexe à des enfants vivant auprès de parents mariés, mais le lecteur peut faire toutes les comparaisons en regardant les tableaux.
    J’ai constaté qu’en moyenne, les enfants de foyers de même sexe ont à peu près 65 % de chances d’obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires par rapport à des enfants similaires vivant dans un foyer de parents mariés. C’est un résultat qui semble très voisin de celui que nous avons trouvé aux Etats-Unis pour le progrès normal.
    Ensuite, je me suis demandé si la composition par sexe avait une incidence, alors j’ai distingué garçons et filles. J’ai été très surpris par les résultats.
    Côté garçons, j’ai surtout trouvé du bruit. Certains garçons ont de bons résultats, d’autres ont de très mauvais résultats. Je ne peux pas déterminer l’effet statistiquement.
    Si on ne regarde que les estimations ponctuelles, les garçons dans des foyers lesbiens ont 76 % de chances d’obtenir leur diplôme, et dans les foyers gays ils ont 60 % de chances en plus d’obtenir leur diplôme. Mais aucun de ces chiffres n’est statistiquement significatif, ce qui veut dire qu’on ne peut pas les distinguer de zéro.
    Pour les filles, c’est une autre histoire. D’abord, les estimations sont très précises. Et deuxièmement, elles sont très basses. Une fille au sein d’un foyer gay a une probabilité de 15 % d’obtenir son diplôme ; dans un foyer lesbien le pourcentage atteint 45. Le résultat que l’on obtient en prenant la masse de tous les enfants est alimenté par l’effet fille. Et pour elles le résultat est très solide, j’ai essayé de nombreuses spécifications, des restrictions d’échantillon, et des techniques d’estimations, mais il demeurait toujours.
    Ainsi mon étude ne rejette pas seulement le consensus autour du « pas de différence », elle renvoie par un résultat qui – si d’autres études le confirment – semble incroyablement important.
    — C’est particulièrement dur pour les filles, donc. Pourquoi ?
    — Il est important de souligner que je ne fais aucune affirmation théorique dans ce papier. Je ne fais que pointer une découverte empirique basée sur un grand échantillon de très bonne qualité, et qui ne confirme presque rien de ce qui a été affirmé auparavant.
    Cela dit, en tant qu’économiste, j’envisagerais la supposition suivante : la spécialisation. Cela me paraît tenir la route que pères et mères ne sont pas parfaitement interchangeables. En fait, il se peut que les mères apportent des services parentaux qu’un père ne peut apporter, et que les pères apportent des services parentaux dont les mères ne peuvent apporter. Ces services pourraient bien être nécessaires aux filles mais pas aux garçons.
    Par exemple, des gens médicaux m’ont dit que lorsqu’un père biologique est présent au foyer, les filles ont leurs premières règles plus tard. Et ce fait est corrélé avec une activité sexuelle plus tardive, etc., et cela peut impliquer une meilleure probabilité d’achever le cursus secondaire.
    Il me semble que cela peut fonctionner pour des dizaines de facteurs. En tant que père de deux filles et d’un garçon, j’ai souvent discuté avec d’autres parents en notant qu’il suffit de nourrir les garçons et de les éloigner des explosifs, alors qu’élever une fille est un peu plus compliqué. C’est de l’humour un peu facile, mais tous comptes faits on a affaire à une question intéressante qui mérite d’être étudiée.
    L’une des explications de la moins bonne réussite scolaire en général est que les enfants de couples de même sexe pourraient subir des discriminations à l’école. Cela paraît moins probable vu les différences de résultats entre garçons et filles. Ou alors il faudrait trouver une histoire de discrimination différente et plus compliquée.
    — Voilà qui met la sagesse conventionnelle sens dessus dessous, n’est-ce pas ? La plupart des gens pensent qu’il n’y a pas de différence. Les études précédentes avaient-elle des défauts ?
    — Je crois que j’ai répondu à cela plus haut. Mais je voudrais quand même signaler autre chose. J’ai lu chaque papier ou presque sur le sujet publié depuis 1995. Et bien que bon nombre d’entre eux assurent ne trouver « aucune différence », ils trouvent pourtant bien quelque chose. Une fois de plus, leurs résultats viennent d’un petit échantillon qui penche dans une direction, mais on trouve bien des différences. Par exemple, les enfants qui grandissent dans des foyers de même sexe ont plus de probabilités d’essayer des styles de vie alternatifs, etc.
    Je dois aussi souligner que toutes les études ne sont pas créées égaux. Ainsi, un sociologue australien nommé Sotirios Sarantakos a fait au cours des années 1990 un travail considérable qui, sans être aléatoire, utilise d’importantes études longitudinales de mesures de réussite objectives, vérifiables et certaines. Il aboutit à de nombreuses différences pour les enfants de foyers de même sexe en ce qui concerne les mathématiques, la langue et d’autres mesures de performance scolaire. Il est intéressant de noter que son travail n’est pas référencé dans la plupart des recensements d’études. Cela met aussi en évidence la nature politique de cette littérature.
    — Vos conclusions se fondent sur les données du recensement canadien. Pourquoi sont-elles meilleures que celle des Etats-Unis.
    — J’ai mentionné cela plus haut, mais je vais donner un peu plus de détails. Le recensement américain n’identifie pas les couples de même sexe selon qu’ils sont mariés ou concubins. Qu’est-ce qui a permis à Rosenfeld et les autres de les identifier. Ils ont regardé une série de questions : par exemple, quel est votre sexe, êtes-vous marié, quel est le sexe de votre conjoint. Toute réponse homme/oui/homme a été considéré comme indiquant un couple gay.
    Le problème est que cela peut causer des erreurs de mesure. Supposez que je sois un homme marié, logeant un avec un autre homme dans un camp de travail (l’exemple peut paraître tiré par les cheveux, mais il est réel). Quand je réponds à l’enquête je dis que je suis un homme, marié, vivant actuellement avec un homme. Et on peut me compter parmi les couples de même sexe alors que je n’en suis pas. La même erreur peut se faire à propos des membres de même sexe d’une famille vivant ensemble, à propos de camarades de chambre et d’autres.
    Il y a aussi la question des erreurs aléatoires. Personne ne remplit parfaitement les formulaires, parfois on coche la mauvaise case. Parce qu’il y a un si grand nombre d’hétérosexuels par rapport aux gays et lesbiennes, il suffit d’une petite fraction de personnes âgées qui cochent la mauvaise case pour leur sexe pour envahir l’échantillon de couples de même sexe. Le recensement canadien évite ces problèmes. Il ne se contente pas d’identifier les couples de même sexe, il doivent être dans une relation de cohabitation ou de mariage.
    Le Canada avait par ailleurs légalisé le mariage de couples de même sexe avant le recensement. Beaucoup sont d’accord pour dire que le Canada est plus ouvert et accepte mieux le mariage de même sexe. Résultat, la tendance à l’erreur dans la déclaration de données est probablement plus basse qu’aux Etats-Unis.
    Pour finir, comme je l’ai dit plus haut, j’ai été en mesure de contrôler l’histoire maritale des parents. Cela se révèle également important sur le plan statistique, et dans mon papier je montre ce qui arrive lorsque ce point n’est pas contrôlé. Les enfants vivant dans des foyers de même sexe ont de bien plus grandes chances de provenir d’un mariage hétérosexuel antérieur que de l’adoption ou d’autres moyens. Cependant, le divorce réduit la probabilité de réussir son cursus scolaire. Si vous ne contrôlez pas cet effet, les enfants de foyers de même sexe réussissent encore moins bien au moment de l’examen final. C’est donc une variable importante à prendre en compte.
    —Votre étude prouve-t-elle de manière définitive qu’il n’y a pas de différence ? Quelles questions soulève-t-elle ?
    — En admettant qu’elle ne comporte pas d’erreurs, elle invalide l’affirmation selon laquelle il n’y a « pas de différence ». Je pense à titre personnel qu’en sciences sociales nous de devons jamais donner trop de poids à une étude donnée. Il est important que nous regardions les faits en provenance de différents pays, etc. Je dirais que cette étude se superpose à quelques autres qui remettent en cause un consensus longtemps partagé. L’examen des études publiées montre que ce consensus ne s’est construit que sur une série de travaux préliminaires. Depuis que des chercheurs ont commencé à étudier la question de manière plus sérieuse, nous ne trouvons pas de faits à l’appui de cette conclusion-là.
    Dans un champ aussi conflictuel, pensez-vous que votre étude aura un impact sur le débat public ?
    — Je n’en sais rien, mais j’ai l’intuition qu’elle aura peu d’impact. Le débat semble s’être déplacé depuis le laboratoire de statistiques vers le niveau du slogan placardé. Le concept d’« égalité du mariage » et l’alignement des droits au mariage de même sexe sur le mouvement pour les droits civils semble tellement puissant que je pense qu’une petite étude va beaucoup peser.
    Si cette étude a un mérite, et si vraiment il y a une différence qui a de l’importance, il me semble bien plus probable que d’ici à 20 ans nous nous demanderons : « Comment en sommes-nous arrivés là et comment nettoyer les  dégâts » – un peu de la même façon qu’aujourd’hui nous nous demandons comment nous avons abouti à un monde où tant d’enfants sont élevés par un seul parent.
    — Le sociologue Mark Regnerus a publié un papier qui a abouti à la même conclusion l’an dernier et aussi bien ses collègues et les activistes lui ont à peu près tout fait, si ce n’est le crucifier. Vous attendez-vous à une réaction semblable ?
    — Avant la publication de son article je ne connaissais pas l’existence du Pr Regnerus. Parce que je travaillais dans le même domaine que lui j’ai immédiatement vu ce qui se passait. J’ai été frappé par l’hypocrisie de ceux qui l’attaquaient.
    Voilà quelqu’un qui avait regardé les publications scientifiques et qui avait décidé de faire quelque chose de mieux. Il n’y avait que des échantillons minuscules, il s’est mis à la recherche d’un grand échantillon et l’a trouvé. Il n’a trouvé que des tendances à pencher d’un côté et de l’effet boule de neige (le processus par lequel on demande à des amis de participer à une étude), alors il a adopté une procédure aléatoire. Il y avait beaucoup trop de questions complaisantes, alors il a posé des questions quantifiables. Il essayait d’améliorer le travail, et cela mérite d’être salué.
    Son étude était-elle parfaite ? Non – mais aucune ne l’est. Sa grande erreur, évidemment, fut de trouver la mauvaise réponse. Ceux qui sont venus après et qui se sont plaints en parlant de ce qu’il aurait dû faire aurait dû être tout aussi en colère contre ce qui avait été fait auparavant. Si Regnerus avait conclu différemment, ils auraient applaudi sa recherche en la qualifiant de pionnière.
    J’ai tendance à croire que cela ne m’arrivera pas pour nombre de raisons. Premièrement, après le commentaire sur Demography publié l’an dernier, mon université a reçu diverses lettres – envoyées au président, à plusieurs autres administrateurs, et à de nombreux collègues – demandant que je sois mis à la porte. C’étaient la même tactique qui avait été employée contre le Pr Regnerus.
    Heureusement pour moi, je suis bien connu et respecté au sein de mon institution et nous avons une haute idée de la liberté académique. J’ajouterai que la Simon Fraser University a récemment été classée parmi les premières universités où l’on peut exprimer des idées qui peuvent être politiquement incorrectes.
    Deuxièmement, mon étude ne considère qu’un aspect marginal des performances des enfants : le diplôme de fin d’études secondaires. Le Pr Regnerus en a évalué beaucoup, et de beaucoup de points de vue il a trouvé davantage de problèmes que moi.
    Troisièment, mon échantillon est un échantillon de 20 % du recensement du Canada. Personne ne peut m’accuser d’avoir un petit échantillon partisan ni prétendre que l’agence chargée de le collecter n’est pas digne de foi.
    Quatrièmement, le Pr Regnerus était le premier, et je pense qu’être le premier expose bien plus à essuyer le feu.
    Cinquièmement, la Cour suprême des Etats-Unis a déjà pris une décision sur la proposition 8 et sur DOMA (Defense of Marriage Act), et ainsi les plus fortes incitations aux attaques ne sont plus d’actualité.
    Cela dit, j’ai effectivement été attaqué, et j’aimerais relayer un incident qui s’est produit.
    La semaine dernière j’ai reçu un courriel de David Badash, rédacteur en chef de The New Civil Rights Movement, un site de premier plan pour les droits gays. Il m’écrivait qu’il avait entendu parler de l’étude, et n’en était pas heureux, mais qu’il voulait m’en parler avant d’écrire à son sujet. Je répondis par retour, lui envoyai une copie et l’invitai à me poser toutes les questions qu’il voudrait sur ce travail.
    Le lundi en arrivant à mon travail j’ai trouvé nombre de courriels haut en couleurs, me donnant toutes sortes de noms d’oiseaux. J’ait vite compris qu’ils venaient de personnes qui avaient lu un message sur le blog de M. Badash.
    Alors je suis allé voir. J’y ai trouvé un mélange d’attaques ad hominem, des contresens et des représentations erronées de mon travail, et un esprit de méchanceté généralisé. A l’exact opposé de ce que j’ai toujours cru devoir être un vrai débat public.
    Alors, je suis peut-être naïf ; peut-être les attaques viendront-elles. Quiconque veut lire mon travail y est cordialement invité, et je suis prêt à en discuter de manière raisonnable avec quiconque.

  • Le Moyen-Âge européen, période de progrès

    Entrevue avec Christian Feyerabend, historien et réalisateur de films

    Les temps modernes semblent avoir oublié ce qu’ils doivent au Moyen Âge. Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux pour qui la période comprise entre l’Antiquité et les temps modernes est synonyme de ténèbres et de barbarie. Mise au point.

    Le Moyen Âge est souvent associé à l’obscurantisme. Monsieur Feyerabend, vous réfutez ce préjugé dans un de vos films « Voyage au temps des ténèbres » (2004). Quelles ont été les principales découvertes et innovations faites au Moyen Âge qui perdurent encore aujourd’hui ?
    Commençons par des choses toutes simples : tout à l’heure, je suis allé vider ma boîte aux lettres ; j’y ai trouvé un extrait de compte sur lequel figuraient les termes « crédit, débit, et Girokonto (compte courant en allemand) ». Notre système bancaire moderne, les transactions financières et le commerce sont encore marqués par un grand nombre d’innovations lancées au Moyen Âge essentiellement dans les villes commerçantes du nord de l’Italie, telles Gênes et Venise. Ce qui explique pourquoi de nombreux termes bancaires sont d’origine italienne. Prenons par exemple « Banco » qui vient du mot table en italien, table sur laquelle l’argent était échangé. « Giro » signifie que l’argent effectue un mouvement circulaire.
    Cela me fascine de voir que tant de choses datent du Moyen Âge, comme les instruments de mesure du temps, puisque c’est à cette époque qu’ont été inventées les premières horloges mécaniques. Presque toutes les villes d’Europe ont été fondées au Moyen Âge, exceptées quelques cités datant de l’époque romaine. De même, la pensée scientifique s’est développée au Moyen Âge. Sans oublier l’esprit européen : en effet, l’Europe s’est formée au Moyen Âge, après le déclin de l’Empire romain.

    Avant la création des universités, les monastères étaient les cénacles scientifiques de l’Europe. Dans quelle mesure ont-ils été un moteur d’innovation ?
    Ils l’ont été à de multiples égards. Cela tient également au fait qu’après le déclin de l’Empire romain, il n’existait plus d’organisation centralisatrice, hormis l’Eglise. Les monastères ont alors joué un rôle déterminant, notamment grâce au latin, la langue liturgique qui s’est imposée en tant que langue commune. Le latin était parlé du Portugal à la Lettonie, de la Sicile à l’Ecosse. Par ailleurs, les monastères détenaient le savoir de l’Antiquité. Les moines étudiaient les théories d’Aristote, de Platon, et des autres scientifiques de l’Antiquité. Comme l’imprimerie n’existait pas encore à cette époque, il leur fallait tout recopier, ce qui les obligeait à se pencher de très près sur les sciences.

    Et les moines ont-ils fait progresser les sciences ?
    Oui, parce qu’ils étudiaient les sciences. Notre film illustre très bien ce propos à partir de manuscrits anciens : les moines recopiaient les écrits d’Aristote et ajoutaient leurs commentaires. Ils étudiaient le savoir et les connaissances de l’Antiquité, les vérifiaient et en tiraient leurs propres conclusions. Le rationalisme, qui est né en Europe, vient de la scolastique. Il faut également noter qu’à cette époque, le Nord et l’Est de l’Europe en particulier étaient recouverts de forêts, à l’exception des cités antiques. Puis les monastères ont aménagé des champs, se révélant des pionniers de l’agriculture ; ils ont pratiqué la viticulture, la production fruitière et la distillation, apprise des Arabes. C’est pourquoi les bières brassées dans les monastères sont aujourd’hui encore les meilleures.

    Un grand nombre d’innovations techniques – notamment dans le domaine de l’agriculture – étaient déjà connues en partie à l’époque des Romains, comme les moulins à eau. Pourquoi ces moulins à eau se sont-ils généralisés au Moyen Âge et quelle importance ont-ils alors revêtu dans l’économie en général ?

    Il est un fait que les Romains disposaient déjà de moulins à eau, mais ils ne dépendaient pas tellement de cette technique. Au Moyen Âge, en revanche, comme il n’y avait plus d’esclaves, la main-d’œuvre coûtait cher. De plus, la révolution agraire a entraîné beaucoup d’excédents agricoles qu’il fallait bien transformer, d’où l’utilisation et le perfectionnement des moulins à eau, tout comme des moulins à vent qui nous venaient des Arabes. Les moulins ne se prêtaient pas seulement à la transformation des céréales, ils ont aussi été mis à profit par les premières industries. Jusqu’à l’invention de la machine à vapeur, tout fonctionnait à l’énergie éolienne et hydraulique, notamment les forges à marteaux-pilons. Les moulins servaient aussi au drain pour les mines. Aujourd’hui, les historiens disent même que la première révolution industrielle, que nous associons toujours au XIXe siècle, a en fait déjà eu lieu au Moyen Âge.

    Dans quelle mesure le Moyen Âge portait-il les germes de l’Europe moderne ?
    Quand on se réfère au Moyen Âge, on dit toujours que c’est la période de la naissance véritable de l’Europe. Il est un fait qu’une grande partie de ce qui constitue aujourd’hui notre patrimoine nous vient du Moyen Âge. Cela est dû au fait que les différentes nations, à savoir l’Espagne, la France, l’Empire germanique ou encore l’Angleterre, se sont constituées après le déclin de l’Empire romain. Cela tient également au fait qu’il y avait une langue unique en raison de la religion. A cela s’ajoute le sentiment d’appartenir à une même communauté, d’être des Européens. Il y avait des valeurs fondamentales communes, qui perdurent encore aujourd’hui. Et les fondements de cette Europe, à savoir les droits de l’Homme et la dignité humaine, sont antérieures au Siècle des Lumières.

    Peut-on vraiment dire que l’idée des droits de l’Homme a émergé au Moyen Âge ?
    Parler de droits de l’Homme serait peut-être excessif. Je préfère parler de dignité humaine. L’Antiquité a toujours établi une distinction entre les personnes jouissant de droits civiques et celles qui étaient considérées comme des objets, en l’occurrence les esclaves qui n’avaient aucun droit. Au Moyen Âge, le christianisme a aboli cette distinction et accordé la même dignité à tous. Ce principe est devenu un des fondements de l’Europe.

    Source : arte.tv (via Naïf)
    http://www.fdesouche.com

  • DREYFUS TOUJOURS ACTUEL (arch 1994)

    Il y aura cent ans, en octobre prochain, débutait l'affaire Dreyfus. En avant-première d'un anniversaire qui risque d'être commémoré abondamment et de façon univoque, François Brigneau a pris l'excellente initiative d'éditer un numéro de ses "Cahiers" consacré à l'affaire et proposant un historique concis mais détaillé, ainsi qu'une analyse "vue de droite" des prémisses et conséquences politiques de ce qui fut bien plus qu'un simple problème judiciaire. Il répond ici à quelques questions d"'actualité".

    ❍ National Hebdo : Si l'on pouvait résumer la thèse de votre Cahier, Dreyfus était peut-être innocent du crime de trahison mais les dreyfusards sont eux, à coup sûr, coupables de complot ou d'agression contre la France chrétienne et l'armée. Si complot il y a, qui en a été l'instigateur ?

    ❏ François Brigneau : A mon sens, il y a eu plutôt que complot une exploitation rapidement devenue gigantesque d'une affaire somme toute modeste, au départ. Les premiers à se mobiliser sont les frères du capitaine Dreyfus et à travers eux la communauté juive française. Je rappelle comment dès le 30 octobre 1894 - Dreyfus a été arrêté le 15 octobre - le grand rabbin de Paris, Zadoc Kahn, lié familialement aux Dreyfus, est reçu par le préfet de police, Lépine, qu'il adjure de tout faire pour éviter le conseil de guerre à Alfred Dreyfus sinon, dit-il, on verra « tout le pays coupé en deux, tous mes coreligionnaires debout et la guerre déchaînée entre les deux camps ». Et le grand rabbin ajoute aussitôt : « Quant aux moyens de la soutenir (cette guerre), vous pouvez vous fiez à nous ». Ensuite, à partir de la déportation de Dreyfus en Guyane, à l'île du Diable, la gauche radicale et franc-maçonne monte au créneau, parce qu'elle voit très vite dans cette affaire un moyen à la fois de se refaire une virginité après le scandale de Panama qui l'a abondamment éclaboussée, et d'attaquer les milieux politiques catholiques et nationalistes. C'est toute la démarche d'un Clemenceau, considéré comme fini politiquement après Panama, et à qui l'affaire Dreyfus permettra de redémarrer la carrière que l'on sait.

    ❍ Voyez-vous d'autres instigateurs ?

    Il y a pu avoir le rôle de factions militaires françaises opposées les unes aux autres. La franc-maçonnerie a des relais dans l'armée pourtant largement dominée par le parti catholique ou monarchiste. On ne peut exclure des manœuvres d'intoxication des services secrets allemands, visant à désorganiser l'efficace service de contre-espionnage français mis en place après 1871 .

    Mais à l'évidence ce qui est frappant dans l'affaire Dreyfus c'est le rôle joué par les lobbies progressistes ou juifs pour médiatiser et internationaliser la cause d'un obscur officier français. On peut même dire qu'il s'agit d'une première dans le genre. Je cite dans mon Cahier la réaction exemplaire à ce propos de Wilhelm Liebknecht. Exemplaire car Liebknecht, juif, est le fondateur du parti socialiste allemand et le père du dirigeant révolutionnaire allemand de 1917 Karl Liebknecht - et n'a vraiment pas le profil d'un antidreyfusard. Or, écrivant dans un journal socialiste viennois sur l'affaire en 1899, il dénonce de façon virulente le montage politico-médiatique et les "trucs" du parti dreyfusard, parle d'un « charivari bien répété (...) conduit par un chef d'orchestre au moindre signe duquel tous les exécutants obéissaient (...) Quand, dans tous les pays, cinq cents journaux de partis différents entonnent chaque jour, une fois, deux fois et plus, la même mélodie, il n'est vraiment pas possible de croire à un ''pur hasard", ou à de mystérieuses "sympathies" des nerfs et des âmes. »

    Et Liebknecht, s'il ne nomme pas le "mystérieux chef d'orchestre", ajoute : « Ce qu'il y a de plus laid, de plus répugnant dans "l'affaire", dans ce truc de "l'affaire", c'est l'insincérité intérieure, la mensongère apparence de sainteté donnée à cette comédie de l'indignation, à la plus mensongère des comédies d'indignation ». Comment ne pas penser en lisant ces lignes à certaines récentes campagnes médiatiques ?

    ❍ L'innocence de Dreyfus est-elle à ce jour hors de contestation, ou y a-t-il eu des éléments nouveaux ? Dans votre Cahier vous rappeliez certains faits troublants. Quelle est votre position aujourd'hui ?

    Toute l'historiographie récente reprend et développe la thèse de l'innocence de Dreyfus. Sur le fond, il faut rappeler la similitude de l'écriture de Dreyfus avec celle figurant sur le document trouvé à l'ambassade d'Allemagne et contenant des similitudes attestée par la quasi-totalité des experts graphologues des renseignements importants sur plusieurs aspects de notre défense nationale. Mais surtout il y a l'attitude de Dreyfus lui-même, qui se comportera vraiment, tant au moment de son arrestation que de son premier procès, comme un coupable : lors du test graphologique, il tremble soudain lorsque les enquêteurs lui dictent la liste des renseignements militaires livrés aux Allemands. Puis, décrété d'arrestation, il a cette phrase mystérieuse : « Je sens qu'un plan épouvantable a été préparé contre moi ». Par qui ? Il faut rappeler que Dreyfus était un des quatre ou cinq officiers stagiaires attachés aux quatre bureaux de l'état-major français et pouvant donc avoir accès aux renseignements confidentiels trouvés à l'ambassade d'Allemagne, qu'il lui a même reconnu - quitte à se rétracter ensuite - qu'il l'avait recopié pour son usage personnel certains de ces documents militaires. Enfin, juste après sa dégradation il confiera au garde Despert qui l'escorte : « Pour être coupable, je suis coupable, mais je ne suis pas le seul ».

    Pendant l'affaire, les autorités allemandes défendront la thèse de l'innocence de Dreyfus, mais là il faut penser à ''l'intox'', de bonne guerre dans pareil cas. En ce qui me concerne, j'ai longtemps été convaincu de la culpabilité de Dreyfus mais serais moins affirmatif aujourd'hui.

    ❍ Est-ce que l'on peut dire que le clivage dreyfusards / antidreyfusards correspond absolument à celui opposant gauche et droite, maçonnerie et catholicisme ?

    Il est vrai que des franc-maçons comme le ministre de la guerre Godefroy Cavaignac, le président du conseil Dupuy et jusqu'au président de la République Félix Faure ont été jusqu'au bout convaincus de la culpabilité de Dreyfus et opposés à la révision de ce procès. De même un des meneurs du parti dreyfusard, Waldeck-Rousseau, n'était pas un "frère", non plus que le très chrétien Péguy qui devint un ardent défenseur de Dreyfus. Même un nationaliste comme Urbain Gohier s'indigna des restrictions - il est vrai motivées par des considérations de sécurité militaire - apportées aux droits de la défense de Dreyfus.

    Il est vrai encore que Jaurès s'est tout d'abord désintéressé de l'affaire, estimant même qu'on aurait pu fusiller Dreyfus, et qu'une autre éminente figure du socialisme français ; Jules Guesde, considérait que le petit capitaine ne méritait pas la compassion du mouvement ouvrier.

    Il n'en est pas moins vrai que très vite les institutions maçonniques et les partis de gauche se sont engagés à fond dans la cause dreyfusarde, pour des raisons qui n'étaient toutes inspirées par la défense des droits de l'homme.

    ❍ Quelles ont été les conséquences de l'affaire ?

    Au simple niveau militaire la destruction du service de contre-espionnage français, qui ne sera reconstitué qu'à partir de 1910, la désorganisation de l'état-major et la mise en place d'un "fIicage" franc-maçon et radical dans l'armée, comme en témoignera le scandale du fichage des officiers catholiques par le général progressiste André en 1904. La capitulation de Marchand à Fachoda devant les Britanniques en 1898 s'explique aussi par cette crise paralysant l'armée.

    Sur le plan politique, l'affaire a permis à la gauche radicale et maçonne de faire oublier un passé de corruption, de conjurer la menace nationaliste et de gouverner le pays jusqu'à la guerre de 1914-1918. Elle lui a permis également de préparer l'opinion aux lois anticatholiques promulguées par Waldeck-Rousseau, puis par le "petit père" Combes en 1905.

    Enfin en ce qui concerne le judaïsme, l'affaire a été le détonateur du mouvement sioniste : c'est en observant chez nous, où il était correspondant d'un journal autrichien, le déchaînement des passions et notamment de l'antisémitisme, que Théodor Herzl, juif autrichien d'opinion jusque là classiquement pangermaniste, va concevoir le principe d'un Etat juif accueillant toute la diaspora et résolvant ainsi - en principe - la question de l'antisémitisme des patries d'accueil des Juifs.

    ❍ Voici quelques années, les autorités militaires françaises ont fait un petit scandale en refusant que soit érigée à l'Ecole militaire une statue de Dreyfus sculptée par Tim le dessinateur de l'Express (1). Comment expliquez-vous leur attitude, près d'un siècle après les faits ?

    Si prudents que soient aujourd'hui nos généraux, ils savent que l'armée a gardé de l'affaire Dreyfus avant tout le souvenir d'une agression, d'une mise en accusation de tout un corps. On lui a donné le mauvais rôle. Une telle statue en un tel lieu ne pouvait donc être perçue que comme une provocation et une humiliation.

    (1) La statue se trouve reléguée dans un coin du jardin des Tuileries. Son auteur, Tim, est à l'évidence meilleur dessinateur politique que sculpteur.

    Dans son Cahier François Brigneau relate la visite faite par Waldeck-Rousseau, député républicain de gauche, futur président du conseil et par ailleurs chef de file de la cause dreyfusarde, à Louis Ménard, greffier en chef auprès de la Cour de cassation. Nous sommes en 1898 et tout le parti dreyfusard s'affaire à obtenir la révision du procès de son héros (lequel sera condamné une seconde fois puis immédiatement gracié en 1899). Voilà donc ce que dit à Ménard ce grand défenseur des droits de l'homme et de Dreyfus qu'est Waldeck-Rousseau : « Je viens vous parler de l'affaire Dreyfus, dont vous allez avoir à vous occuper. Ce n'est pas que Dreyfus nous intéresse, mais nous voulons profiter de cette circonstance pour faire une armée républicaine et démolir l'état-major qui n'est composé que de cléricaux, de jésuites et de réactionnaires ( ... ). Nous sommes sûrs de réussir. Ceux qui seront avec nous auront ce qu'ils voudront. Tant pis pour les autres. »

    Les voies de l'humanisme sont impénétrables!

    François Brigneau : Mon affaire Dreyfus, ses causes, ses conséquences.

    A commander aux publications FB : 24 rue de l'Amiral-Roussin, 75015 Paris. 72 pages

    ✍ National Hebdo Semaine du 27 janvier au 2 février 1994

  • Thomas Joly : « L’Europe est à vendre…le Qatar achète »

     

    Autoc-16-novembre-248x300.jpgThomas Joly est secrétaire général du Parti de la France. Nous l’avons interrogé sur deux événements importants du parti ainsi que sur la loi Taubira. Il nous répond avec franchise et sans détour…

    1) Le 11 novembre, il y a la 7ème journée nationale et identitaire sur le thème : Face à la répression socialiste : défendons la liberté. Qui organise cette journée et quelle en sera le programme ?

    Chaque année, à l’initiative de la revue Synthèse Nationale, dont le directeur est Roland Hélie, se déroule une journée nationale et identitaire où se tiennent des tables rondes thématiques, où différents stands politiques, culturels, associatifs sont à la disposition des participants, et où plusieurs orateurs de la mouvance nationale se succèdent à la tribune. Le Parti de la France y est invité depuis sa création ; cette année encore nous y tiendrons un stand et Carl Lang, président du PdF, prendra la parole. Le programme de cette journée sera très bientôt dévoilé par les organisateurs. Le thème de cet événement est tout à fait d’actualité puisque, ces derniers mois, la répression socialiste a été particulièrement féroce à l’égard des nationalistes (arrestations, dissolutions, etc) et des défenseurs de la famille traditionnelle (gazage de femmes et d’enfants, répression judiciaire délirante, etc). Face aux commissaires politiques du gouvernement socialistes, à des médias aux ordres et à un certain nombre de magistrats d’extrême-gauche qui se comportent en Cerbères de la pensée unique, il existe encore des Français qui se dressent et défendent la liberté d’expression.

    2) Comment le parti a-t-il pris part à ce formidable mouvement de mobilisation contre la loi Taubira où la jeunesse avait une grande place ?
    Le Parti de la France a été de toutes les manifestations et de toutes les actions contre l’infâme loi autorisant les parodies de mariages entre invertis. A l’inverse du néo-FN où les nombreux homosexuels de sa direction nationale semblent avoir une puissante influence, le Parti de la France ne transige pas, au nom d’une prétendue modernité ou d’une démagogie électoraliste, avec cette atteinte à la famille et à l’institution sacrée du mariage. Ouvrant les portes à toutes les dérives (adoption d’enfants par les couples homosexuels et demain gestation pour autrui et légalisation de la polygamie), cette mesure socialiste est un nouveau coup porté à nos valeurs de civilisation, au respect de l’enfant et à la dignité de la personne humaine. L’abrogation de la loi Taubira est tout à fait possible et ceux qui prétendent l’inverse sont tout simplement des menteurs et des lâches soumis au lobby homosexuel. Le Parti de la France s’engage à abroger cette dénaturation du mariage. Aucune argutie juridique ne tiendra face à une consultation par référendum du peuple français où il sera proposé d’inscrire dans la Constitution que le mariage est l’union d’un homme et une femme.

    3) Le 16 novembre, vous organisez un grand rassemblement contre l’islamisation et la politique migratoire à Amiens, pourquoi avoir choisi cette ville au lieu de Paris ?

    Le Parti de la France organise en effet samedi 16 novembre à 10h30 un grand rassemblement à Amiens afin de dire non à l’islamisation et à la colonisation migratoire. Cette manifestation se tiendra symboliquement dans le quartier colonisé d’Amiens-Nord – tristement célèbre pour ses émeutes ethniques chroniques – à l’endroit-même où doit prochainement s’ériger une gigantesque mosquée. Carl Lang et moi-même prendrons tous les deux la parole. Les manifestations politiques ne doivent pas se cantonner à Paris, les problèmes de la capitale sont les mêmes dans les villes de province.

    Face à la submersion migratoire et à l’islamisation de notre société qui en découle, méthodiquement organisées par nos gouvernants et différents groupes de pression depuis des décennies, les patriotes français ont le devoir de se mobiliser pour affirmer notre droit à rester maîtres chez nous. Nous avons encore le droit de ne pas vouloir vivre dans une France africanisée et islamisée. Amiens, et en particulier ses quartiers nords, sont tout à fait symboliques de cette France envahie que nous voulons libérer. La politique ne se fait pas que sur les plateaux télés ou derrière un clavier d’ordinateur, il faut aller aussi dans ces zones lâchement abandonnées par les pouvoirs publics, où les Français qui restent doivent raser les murs et se soumettre à la loi des caïds.

    Également, ce même jour, se déroulera un déjeuner-débat présidé par Carl Lang. La participation aux frais est de 24 € par personne. Pour réserver : thomasjoly60@yahoo.fr ou 06.09.96.44.37

    4) N’avez-vous pas peur qu’on vous taxe d’islamophobe en organisant un tel rassemblement ?

    L’islamisation est un facteur aggravant de la colonisation migratoire mise en place par toute une engeance mondialiste destructrice des peuples et des Nations. Il y a 10 ans, Carl Lang faisait campagne sur le thème : « vous avez aimé l’immigration ? Vous allez adorer l’islamisation ! »Et bien nous y sommes.

    L’Islam conquérant est à la manœuvre avec les milliards de l’argent du pétrole du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Puisque l’Europe est à vendre, ils l’achètent, et puisque la France est trahie par ses dirigeants et maîtres, ils l’occupent et l’islamisent. Et les mêmes qui sont les les tenants d’un laïcisme de combat contre l’Église catholique sont devenus, face à l’Islam, des laïcistes de collaboration. Le mythe de la laïcité et des soi-disant valeurs de la République comme protection face à l’Islam est balayé par la réalité et par les faits. La laïcité républicaine n’est rien d’autre que le cheval de Troie de l’islamisation.

    Nous le disons sans détour : les règles de l’Islam ne sont pas compatibles avec nos valeurs européennes et chrétiennes de civilisation et elles menacent notre sécurité, notre identité et nos libertés. Soyons clair, la France n’est pas terre d’Islam et nous devons refuser de voir la France des terroirs et des clochers transformée en République des banlieues et des mosquées.

    Contrairement aux obsédés de la dédiabolisation et de la normalisation politique, nous entendons dire la vérité aux Français sans nous soucier des anathèmes que peuvent nous lancer nos adversaires politiques ou les islamo-collabos.

    5) Alors que ces derniers temps se multiplient des attaques contre le christianisme, le parti participera-t-il à la grande marche du 20 octobre contre l’antichristianisme, organisée à l’initiative de l’Institut Civitas avec le soutien de nombreuses autres associations ?

    Le Parti de la France soutient naturellement toute action visant à dénoncer la haine anti-chrétienne hélas orchestrée par nos gouvernants acquis ou soumis à l’idéologie franc-maçonne. Nous plaçons la France au-dessus de la République, la nationalité au-dessus de la citoyenneté et nous préférons la France fille ainée de l’Église à la République citoyenne fille ainée du Grand Orient. C’est pourquoi, nous invitons nos militants, nos adhérents et nos sympathisants à se joindre à cette marche organisée par l’Institut Civitas.

    http://medias-presse.info/?p=1187

  • La diabolisation de la Russie est injuste

    Blog d'Alexandre Latsa : « Si la Russie court derrière le modèle occidental, elle sera toujours en retard »

    Aymeric Chauprade bonjour, pourriez-vous vous présenter aux lecteurs de RIA-Novosti qui ne vous connaîtraient pas ?

    Je suis géopolitologue. Une formation scientifique d'abord (mathématiques) puis de sciences politiques (docteur) et dix années titulaire de la Chaire de géopolitique de l'Ecole de Guerre à Paris, entre 1999 et 2009. J'ai aussi enseigné la géopolitique et l'histoire des idées politiques en France à la Sorbonne et en Suisse à l'Université de Neuchâtel.

    Je suis maintenant également consultant international et très heureux de travailler de plus en plus avec la Russie. Mais je suis également souvent en Amérique Latine et j'ai des réseaux africains développés.

    Vous êtes considéré comme l’un des fondateurs de la nouvelle géopolitique française, pluridisciplinaire, attentive à décrire le « continu et le discontinu » dans l’analyse des questions internationales, pourriez vous expliquer aux lecteurs de RIA-Novosti ce qu’il en est exactement ?

    Je me rattache au courant dit réaliste qui tient compte de la force des facteurs de la géographie physique, identitaire et des ressources, dans l'analyse des relations internationales. Mais pour autant, je ne néglige pas les facteurs idéologiques. Ils viennent en combinaison des facteurs classiques de la géopolitique que j'évoquais à l'instant à savoir les déterminants liés à l'espace, aux hommes dans leur identité culturelle (ethnie, religion...), et à la quête des ressources. J'insiste sur la multicausalité (il n'y a pas de cause unique mais chaque situation est la combinaison unique, un peu comme l'ADN d'une personne, d'une multiplicité de facteurs déterminants) et sur la multidisciplinarité (je refuse l'idée que ma matière, la géopolitique, puisse rendre compte à elle seule de la complexité de l'histoire ; attention au "tout géopolitique", au "tout économique" ou "tout sociologique"). La tentation de tout expliquer par sa discipline, comme le font beaucoup les sociologues aujourd'hui, est une dérive née de l'hyperspécialisation qui nous éloigne de l'époque des savants généralistes, ces savants du XVIe siècle qui étaient à la fois philosophes, mathématiciens et souvent hommes de lettres!

    Quant au "continu et au discontinu" c'est ce souci qui me vient de ma première formation scientifique de séparer la dimension continue et même parfois linéaire des phénomènes, de leur dimension discontinue et parfois erratique. Il faut savoir suivre les courbes des facteurs de temps long (la démographie par exemple) mais il faut aussi savoir lire les discontinuités, les sauts, de l'Histoire.

    Vous avez le mois dernier été invité au prestigieux Forum Valdaï, cofondé par RIA-Novosti. Pourriez-vous nous faire part de vos impressions sur ce forum ?

    D'abord j'ai été très honoré de figurer parmi les nouveaux invités du Forum de Valdaï. Ce fut une expérience véritablement passionnante. Les débats sont de qualité, l'organisation rigoureuse. C'est une sorte de Davos russe mais avec une différence notable : il n'y a pas de pensée unique mondialiste unanimement partagée. Des sensibilités différentes sont représentées. Si l'on voulait simplifier d'un côté, les Occidentalistes qui, Russes ou Occidentaux, célèbrent le "modèle démocratique occidental", essentiellement américain et considèrent que celui-ci doit être l'horizon vers lequel doit tendre la société russe, et de l'autre côté, les partisans d'un modèle original russe, dont je fais partie, bien que n'étant pas russe, qui considèrent que la Russie n'est pas seulement une nation, mais une civilisation, dont la profondeur historique est telle qu'elle permet de proposer aux Russes un modèle original. A Valdai, j'ai beaucoup entendu les Occidentalistes se lamenter du fait que la Russie était encore loin des standards occidentaux, à cause d'un prétendu déficit démocratique et d'une forte corruption. Je n'idéalise pas la Russie sous Poutine qui travaille d'arrache-pied au redressement de ce pays depuis 13 ans ; j'en mesure les maux mais je dis simplement que lorsque l'on parle de corruption il faudrait premièrement rappeler que les indicateurs de mesure sont faits pour l'essentiel par les Occidentaux, et les Américains en particulier, ce qui n'est pas une assurance d'objectivité, et deuxièmement s'intéresser non seulement à la corruption de l'Occident lui-même mais à son fort pouvoir corrupteur dans les pays en voie de développement!

    Par ailleurs je considère que si la Russie court derrière le modèle occidental, elle sera toujours en retard. Bien au contraire, un pays qui a su pousser si loin la création artistique et scientifique, me paraît plus que capable de proposer un contre-modèle, lequel ne devra pas être fondé sur la toute puissance de l'individualisme, mais au contraire sur l'âme russe, sur la dimension spirituelle de ce pays. Il faut faire attention à une chose : le communisme, comme rouleau compresseur de l'esprit critique et de la dimension spirituelle de l'homme, a été un préparateur redoutable pour le projet de marchandisation de l'homme que propose l'individualisme américain.

    Je suis convaincu que le retour à la Sainte Russie, au contraire, peut être un formidable réveil du génie créateur russe, qui seul lui permettra de reconstruire, au-delà des hydrocarbures et d'autres secteurs, une économie performante et innovatrice.

    La question de l’identité a été extrêmement discutée et le président russe a utilisé une rhétorique eurasiatique pour parler de l’Etat Civilisation russe, pensez vous comme certains que le réveil russe l’éloigne de l’Occident, et donc de l’Europe, et devrait intensifier son rapprochement avec la Chine ?

    Si la Russie s'éloigne de l'Occident ce sera de la faute de l'Occident américain. La Russie est en effet diabolisée dans les médias américains dominants et par conséquent dans les médias européens qui s'en inspirent. Cette diabolisation est injuste, c'est de la mauvaise foi qui vise à présenter le redressement russe comme agressif alors que celui-ci cherche à consolider sa souveraineté face à l'impérialisme américain qui fait glisser les frontières de l'OTAN aux frontières de la Russie et de la Chine.

    La Russie développe ses relations avec la Chine, dans le cadre notamment du groupe de Shangaï et aussi parce que les Chinois ont compris que les Russes pouvaient être des partenaires solides dans un monde multipolaire. De fait, ces deux puissances partagent la même vision de l'organisation du monde : elles respectent la souveraineté des Etats, refusent l'ingérence chez les autres, veulent l'équilibre des puissances comme garantie de la paix mondiale. Toutes deux s'opposent au projet unipolaire américain qui, il suffit de le constater, a déclenché une succession de guerres depuis l'effondrement soviétique : Irak, Yougoslavie, Afghanistan, Libye, Syrie maintenant... Où avez-vous vu les Russes dans toutes ces guerres?

    Je pense que la Russie ne veut pas se contenter d'un partenariat avec la Chine. Certes la Russie est une puissance eurasiatique, mais il suffit de s'intéresser à son histoire, à son patrimoine culturel, pour voir qu'elle est une puissance profondément européenne et qu'elle n'entend pas se couper de l'Europe. Si les Européens se libéraient de leur dépendance à l'égard des Etats-Unis tout pourrait changer et un fort partenariat stratégique pourrait se nouer entre l'Europe et la Russie.

    Vous aviez lancé le 13 juin dernier un « Appel de Moscou », quel regard global portez vous sur la Russie d’aujourd’hui ?

    D'abord j'essaie de ne pas idéaliser la Russie même si je ne vous cache pas que je me sens extrêmement bien dans ce pays, parce que le matérialisme m'y paraît sans cesse équilibré par une sorte de profondeur d'âme insondable. Je pense que quelque chose est en train de se passer dans la Russie de Poutine et j'espère seulement que le Président Poutine pense à la manière de perpétuer son héritage, car la pire chose qui pourrait arriver ce serait le retour des occidentalistes de l'ère Eltsine, qui prennent la Russie pour un pays du Tiers monde qu'il faudrait mettre aux normes occidentales. L'appel de Moscou que j'ai lancé poursuivait deux buts: d'abord montrer mon soutien au refus russe du programme nihiliste venu d'Occident (mariage homosexuel, théorie du genre, merchandisation du corps), ensuite montrer aux Français qui défendent la famille et les valeurs naturelles que la Russie peut être une alliée précieuse dans ce combat. Je suis très surpris et heureux de constater à quel point mon appel de Moscou lancé à la Douma le 13 juin 2013 a circulé en France dans les milieux catholiques qui se sont mobilisés contre le mariage homosexuel.

    Le souverainisme est à vos yeux une notion clef de l’équilibre mondial. Très curieusement ce concept est abandonné en Europe alors qu’en Russie et dans nombre de pays émergents l’affirmation et le maintien de la souveraineté semble au contraire un objectif essentiel. Comment expliquez-vous cette différence d’orientation ?

    La souveraineté est une évidence pour tous les peuples du monde, et en particulier pour ceux qui ont pris leur indépendance récemment ou qui aspirent à créer un Etat indépendant. Les Européens de l'Ouest, ou plutôt leur fausses élites gouvernantes, sont les seules du monde à avoir abdiqué la souveraineté de leurs peuples. C'est une trahison dont elles devront répondre devant l'Histoire. Des millions de Français ont péri à travers l'Histoire pour défendre la liberté et la souveraineté du peuple français, sous les monarques comme en République. Mon nom est inscrit sur les monuments aux morts français. Si les Français voulaient s'en souvenir, il n'est pas une famille française qui n'ait son nom inscrit sur ces monuments aux morts, de la Première, de la Deuxième ou des guerres de défense de l'Empire français.

    Imaginez-vous un Américain ou un Russe abdiquer sa souveraineté? Pour eux le patriotisme est une évidence, qui va d'ailleurs tellement de soi que tout parti affirmant un programme nationaliste en Russie est perçu comme extrémiste parce qu'il n'y a nul besoin là-bas d'affirmer l'évidence. Nos amis russes doivent comprendre en revanche qu'en France ce n'est plus l'évidence et par conséquent qu'il est normal qu'un parti politique qui veut rendre au peuple la souveraineté, mette celle-ci au sommet de son programme!

    Aujourd’hui nous assistons à une relative rapide modification des relations internationales, avec le basculement du monde vers l’Asie et la potentielle fin du monde unipolaire. Comment envisagez vous que cette transition puisse se passer ?

    Ce que je vois c'est que les Etats-Unis refusent de perdre leur premier rang mondial et peuvent créer de grands désordres, peut-être même des guerres de grande ampleur, dans les décennies à venir, et que les Européens, quant à eux, sont dans la gesticulation kantienne, la proclamation de belles leçons de morale qui s'accompagnent d'un déclin en puissance dramatique et donc pathétique.

    Au sein de cet basculement, la France semble quant à elle pourtant de plus en plus aligner sa politique étrangère sur les intérêts américains, cela est visible avec la crise en Syrie. Comment l’expliquez-vous ?

    Je l'explique très simplement. L'oligarchie mondialiste a pris le contrôle des principaux partis de gouvernement français, le PS et l'UMP. La majorité de ses dirigeants ont été initiés dans les grands clubs transatlantiques. Ils ont épousé le programme mondialiste et ne raisonnent plus en patriotes français comme le faisait le général de Gaulle. Lorsque le peuple français l'aura compris, ces fausses élites seront balayés car elles n'ont pour bilan que le déclin en puissance de la France et la perte de sa souveraineté.

    Vous avez soutenu Philippe de Villers en 2004, auriez appelé à Voter pour Nicolas Sarkozy en 2007 et vous venez de vous ranger au coté de Marine Le Pen. Souhaitez-vous désormais entamer une carrière politique ?

    Le mot carrière ne me va guère. Si j'avais choisi de faire une carrière dans le système, alors j'aurais choisi de proclamer autre chose que des vérités qui dérangent. Je n'ai qu'une ambition, pouvoir dire à mes enfants, au seuil de la mort, que j'ai fait ce que je pouvais pour défendre la liberté et la souveraineté du peuple français. J'ai soutenu Philippe de Villiers que je respecte.

    Mais je n'ai jamais appelé à voter pour Nicolas Sarkozy, que je vois comme soumis aux intérêts américains. Je ne sais qui a pu dire une chose pareille mais je vous mets au défi de trouver un seul texte de soutien de ma part à Nicolas Sarkozy. C'est d'ailleurs son gouvernement, en la personne de son ministre de la défense Hervé Morin, qui m'a brutalement écarté de l'Ecole de Guerre parce j'étais trop attaché à l'indépendance de la France et que je m'opposait au retour de la France dans les structures intégrées de l'OTAN. Donc de grâce que l'on ne dise jamais que j'ai soutenu ou appelé à voter Sarkozy.

    En revanche, oui je soutiens Marine le Pen et il est possible que je joue prochainement un rôle sur la scène politique à ses côtés. Marine a un caractère fort, une carapace héritée des coups que son père a pris pendant tant d'années, et je la sens donc capable de prendre en main avec courage le destin du pays. Le courage plus que l'intelligence est ce qui manque aux pseudo-élites françaises, lesquelles sont conformistes et soumises à l'idéologie mondialiste par confort.

    Comment envisageriez vous la relation franco-russe ?

    Je l'ai dit et je le redis haut et fort. Si le Front national arrive au pouvoir, il rompra avec l'OTAN et proposera une alliance stratégique avec la Russie. Ce sera un tremblement de terre énorme au niveau international et c'est la raison pour laquelle, avant d'arriver en haut des marches, et même avec le soutien du peuple, il nous faudra affronter des forces considérables. Nous y sommes prêts. Et n'oubliez pas que la France est le pays de Jeanne d'Arc. Tout est possible donc, même quand tout semble perdu!

    Merci Aymeric Chauprade.

    Les lecteurs souhaitant en savoir plus peuvent consulter votre blog ou le site Realpolitik-TV.

    L’opinion exprimée dans cet article ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction, l'auteur étant extérieur à RIA Novosti.

    Alexandre Latsa est un journaliste français qui vit en Russie et anime le site DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la Russie".

    http://fr.ria.ru/blogs/20131016/199564880.html

  • Situation de l’Union européenne, vue par Michel Geoffroy/ Entretien avec le magazine serbe « Geopolitika »

    « L’histoire est le lieu de l’inattendu »
    Michel Geoffroy répond aux questions du magazine serbe « Geopolitika » sur la situation dans laquelle se trouve l’Union européenne, sur le rôle dominant de l’oligarchie, sur la post-démocratie, sur les mécanismes du Système médiatique occidental, sur l’ampleur prise par les droits des minorités, sur l’entrée de la Serbie dans l’Union européenne et plus globalement sur les relations internationales entre l’U.E. et les deux grands pouvoirs, USA et Russie, avec leurs incidences sur les grandes questions telles que celles de la Syrie et du Proche-Orient.
    Cet entretien a été publié dans la livraison de septembre 2013 de « Geopolitika », en langue serbe. Nos lecteurs serbophones le retrouveront en cliquant ICI. Nos lecteurs habituels en prendront connaissance ci-après.
    Polémia

    1 Geopolitika - Monsieur Geoffroy, vos analyses des processus et de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui l’Europe moderne brillent d’une perspicacité, d’une approche analytique inhabituelle et d’un cynisme intellectuel. Mais, pour nos lecteurs en Serbie et dans les Balkans, pourriez-vous, pour commencer, nous donner une appréciation de la situation dans laquelle se trouve l’Union européenne ? D’autres pays, d’autres peuples passent par des crises différentes, mais les crises de l’Europe, de l’Occident, ont quelque chose de spécial, parce que jusqu’au début du XXe siècle l’Europe a été le chef de file de la civilisation, et l’Amérique, ou on peut dire aussi l’Occident, a triomphalement accueilli la fin du XXe siècle. Qu’est-ce qui s’est passé en si peu de temps, qu’est-ce qui a provoqué la crise ? S’agit-il uniquement d’une crise économique, d’une crise de modèle, d’esprit, de l’Homme ?…
    Michel Geoffroy- L’Europe occidentale traverse une crise systémique et globale, comme cela s’est déjà produit plusieurs fois dans son histoire, notamment après la Guerre de 1914/1918.
    Cette crise résulte de la convergence de plusieurs facteurs de longue durée, qui viennent à maturité au début du XXIe siècle, même s’ils ont pris racine avant. Pour ma part je vois la conjonction de trois phénomènes majeurs :
    - d’abord, le vieillissement de la population européenne, inscrit dans sa démographie et son « grand remplacement » par des populations immigrées beaucoup plus prolifiques. Ce remplacement, sans précédent dans l’histoire moderne, constitue un défi majeur à relever. Malheureusement l’oligarchie occidentale n’a pas du tout l’intention de le relever et, au contraire, elle encourage l’immigration de peuplement, car celle-ci répond aux intérêts des grandes entreprises multinationales. Cela provoque un désarroi croissant des Européens autochtones qui ont le sentiment d’être abandonnés par leurs élites ;
    - ensuite, l’Europe occidentale a perdu le monopole de la puissance, de la science et de la croissance, au profit du reste du monde et notamment des pays émergents. C’est le vrai sens du mot « mondialisation ». Les Européens n’en ont pas encore tout à fait conscience car on leur cache la réalité. Mais l’Europe occidentale ne parvient plus à s’imposer dans un monde de plus en plus concurrentiel, car elle s’est ralliée à l’idéologie libre-échangiste. Pour la première fois depuis bien longtemps les Occidentaux en viennent à douter de leur avenir ;
    - enfin, le système politique occidental est devenu post-démocratique : aujourd’hui ce ne sont plus les citoyens qui sont souverains, mais les oligarchies financières et économiques transnationales. Ces oligarchies voient les peuples non comme la fin suprême de la politique, mais comme des obstacles qu’il faut éradiquer. L’Europe occidentale n’est plus une démocratie au sens où l’entendaient nos ancêtres, mais un espace économique ouvert : c’est-à-dire un vide existentiel béant. Les Européens n’arrêtent pas de parler de leurs « valeurs » en faisant la morale aux autres, mais en réalité c’est pour cacher leur triste condition servile. D’autant que ces « valeurs » se retournent aujourd’hui contre eux comme dans le cas des droits de l’homme.
    Bref la crise européenne est globale : mais elle est d’abord culturelle et morale avant d’être économique.

    2 Geopolitika - Il est intéressant que, malgré une multitude de différents auteurs et théories selon lesquels une élite pensante globale contrôle tout, vous pensez autrement : « L’oligarchie pense qu’elle gouverne le monde ». Vous dites que l’oligarchie mondiale « ne gouverne aucun pouvoir qu’elle a imprudemment libéré. Ces pouvoirs gouvernent maintenant l’oligarchie, nous tirant tous vers un abîme ». Pourriez-vous nous donner des arguments plus détaillés concernant votre théorie ?
    M.G.- L’oligarchie s’imagine qu’elle peut gouverner le monde contre la volonté des peuples. Elle croit que l’économie constitue l’horizon indépassable de l’humanité et que la post-démocratie représente le meilleur régime politique possible. Elle croit incarner la fin de l’histoire.
    Mais tout cela n’est qu’illusion. Le petit club des privilégiés qui composent l’oligarchie prend ses désirs pour des réalités : des désirs qui reposent au surplus sur un présupposé à caractère raciste, celui qui pose que le modèle anglo-saxon serait le seul et le meilleur possible.
    Il ne faut pas surestimer le pouvoir de l’oligarchie dans la mesure où les faits ne cessent de la démentir.
    Les identités et les cultures résistent à l’impérialisme des marchés. Les crises financières à répétition montrent que l’oligarchie ne maîtrise plus l’économie. La puissance américaine est ébranlée même si elle reste encore redoutable, car les pays émergents rendent le monde toujours plus multipolaire.  Et en Europe même l’oligarchie se trouve de plus en plus contestée, au fur et à mesure que la crise se développe.
    Le Système oligarchique ne tient que parce qu’il ne fait pas encore l’objet d’une contestation globale et parce qu’aucun concurrent crédible ne se dresse devant lui, si l’on excepte le cas de l’Islam radical, mais qui ne peut concerner les Européens.
    Mais on sent que les temps d’une nouvelle alternative politique au Système oligarchique occidental approchent.

    3 Geopolitika – Nous attirons l’attention aussi sur votre analyse de l’interprétation médiatique du meurtre à Rennes, où un garçon français âgé de 13 ans avait été étranglé par un jeune immigré âgé de 16 ans, originaire de Tchétchénie, et dont les médias avaient remplacé le prénom, Souleymane, par Vladimir. Quel est le contexte de cette décision de cacher la vérité quand il s’agit de ce meurtre ou d’autres affaires basées sur des questions raciales ou ethniques, de quoi ont-ils peur ceux qui sont au pouvoir ainsi que les médias contrôlés ? Ont-ils peur de voir le rêve sur la vie multiculturelle en Europe se désintégrer ou d’autre chose ?
    M.G.- Le Système médiatique occidental est asservi aux puissances économiques et financières, qui militent toutes pour un développement de l’immigration de peuplement. Car l’immigration a été le moyen pour le patronat de se débarrasser des salariés autochtones et des lois sociales.
    Les médias s’efforcent en permanence de nous présenter l’immigration, notamment musulmane, sous des traits toujours positifs, comme « une chance pour la France ». Les médias ont donc pris l’habitude de minimiser les réalités de la délinquance  quant elle provient de l’immigration, par exemple. En clair : de travestir la réalité, comme l’a maintes fois démontré la fondation Polémia.
    Pourquoi font-ils ainsi ? Parce que montrer que l’immigration n’est pas une « chance » mais au contraire une catastrophe conduirait inévitablement à désigner les responsables de cette situation : l’oligarchie occidentale. Le Système médiatique préfère donc masquer les faits, comme changer l’identité des protagonistes par exemple.
    Mais de plus en plus d’Européens, confrontés aux dures réalités quotidiennes de l’immigration, savent « lire entre les lignes » désormais et traquer les « bobards ».

    4 Geopolitika – Nous voudrions partager avec nos lecteurs votre analyse brillante sur l’abus politique de la démocratie, où sont relativisées la gouvernance du peuple et la souveraineté en tant qu’éléments essentiels de la démocratie elle-même. La voix du peuple, la voix de la majorité est limitée par les droits des minorités, des immigrés, des minorités religieuses et sexuelles… Que s’est-il passé ? En quoi la démocratie a-t-elle été transformée dans les sociétés occidentales ? Est-ce qu’il existe toujours le danger des formes modifiées de totalitarisme et de communisme ?
    M.G.- Je ne crois pas au retour du communisme en Europe occidentale, car cette doctrine ne fait plus rêver et parce que « la classe ouvrière »  a profondément changé au cours du XXe siècle.
    Le péril qui nous menace est autre : celui d’un totalitarisme de marché à visage humain. C’est ce que l’on appelle la post-démocratie.
    La post-démocratie découle en effet du retour en force de l’idéologie libérale, après la chute de l’URSS. Elle accompagne la montée en puissance des grandes entreprises et des institutions financières comme seul pouvoir souverain, au-dessus des Etats et des frontières, au nom des bienfaits supposés de la libération des échanges et du commerce.
    L’idéologie libérale réduit la démocratie à la défense procédurale des droits individuels : elle ne repose plus sur la participation active des citoyens à la vie de la cité. Elle s’attaque aux Etats afin que les oligarchies règnent sans contrôle populaire.
    A l’âge post-démocratique les citoyens ne contrôlent donc plus leur destin : ils deviennent une simple « ressource humaine » au service des marchés. L’émancipation du pouvoir économique de toute régulation provoque en outre une augmentation des inégalités sociales, phénomène perceptible partout en Occident.
    En réduisant la démocratie à l’idéologie des droits de l’homme et au principe de « non-discrimination », la post-démocratie conduit, au surplus, à l’implosion sociale et à la guerre de tous contre tous, c’est-à-dire à la violence.
    Ainsi, par exemple, selon les juges européens qu’inspire cette idéologie, les étrangers qui entrent irrégulièrement sur le territoire ont les mêmes droits, voire des droits supérieurs à ceux des citoyens qui respectent les lois. Cette idéologie  détruit donc le lien social et l’ordre politique. Elle rend la société de plus en plus conflictuelle. C’est pourquoi en post-démocratie il y a plus de policiers que de soldats et le contrôle de la population – qu’il soit policier ou médiatique – devient une préoccupation majeure.

    5 Geopolitika – Il existait dans l’armée française des officiers qui se souvenaient de l’amitié qui existait entre la France et la Serbie. Que pensez-vous de cette amitié passée entre nos deux peuples, qui s’était forgée dans les tranchées du Front de Salonique, même si cette question peut paraître anachronique pour ceux qui voient le monde avec les yeux des grands médias ?
    M.G.- Je ne crois pas que l’on doive fonder la politique internationale sur des sentiments ni sur la réminiscence perpétuelle du passé, fût-il glorieux. La politique internationale doit, au contraire, se fonder sur les rapports de force existant ou futurs, ainsi que sur l’intérêt des Etats et des nations et cet intérêt est par nature changeant dans l’espace et dans le temps, même si la géopolitique a ses lois.
    Je crois que si les opérations de l’OTAN contre la Serbie ont provoqué un malaise chez certains militaires français, cela tenait au fait qu’ils comprenaient, malgré les bobards médiatiques auxquels on nous soumettait, que ce n’était pas l’intérêt de l’Europe ni celui de la France qu’ils défendaient en bombardant la Serbie. Ils découvraient aussi que le général De Gaulle avait raison quand il affirmait que l’OTAN ferait courir le risque d’entraîner la France dans des guerres qui ne seraient pas les siennes. La suite des événements leur a malheureusement donné raison, me semble-t-il.

    6 Geopolitika – L’élite politique de Belgrade voudrait faire entrer la Serbie dans l’Union européenne, apparemment même au prix de donner le Kosovo aux Albanais. Quel est votre message pour les Serbes ? Devraient-ils accéder à l’Union européenne ?
    M.G.- C’est d’abord aux Serbes eux-mêmes de répondre à cette question !
    Mais il faut qu’ils sachent que l’Union européenne telle qu’elle existe aujourd’hui ne protège pas l’identité ni la survie des peuples européens. Chaque jour elle devient un peu plus la « prison des peuples », comme autrefois l’Autriche-Hongrie. L’Union européenne n’est pas une zone de prospérité, de paix et de liberté comme elle le prétend, mais un espace de contrainte et l’instrument de la destruction de la souveraineté des Européens. Il faut donc soit l’ignorer soit tenter de la refonder, mais non s’y soumettre.

    7 Geopolitika – Pourriez-vous qualifier la situation actuelle des relations internationales entre les deux grands pouvoirs, les Etats-Unis et la Russie, l’Union européenne, la Chine, ainsi que sur la guerre en Syrie et la crise au Proche-Orient, qui se complique de plus en plus ?
    M.G.-Les Etats-Unis aspirent à conserver le rôle de superpuissance mondiale qu’ils ont acquis après la disparition de l’URSS et du Bloc soviétique, alors que le monde devient chaque jour plus multipolaire. Cette contradiction engendre et engendrera des conflits croissants, car il n’y a que les Européens à se soumettre encore au leadership américain.
    Les Etats-Unis ont aussi mené une politique d’encerclement stratégique de la Russie. Ils redoutent plus que tout cette Europe « de l’Atlantique à l’Oural » qu’appelait De Gaulle de ses vœux. On assiste aussi à une compétition mondiale pour la maîtrise des ressources naturelles. Sans parler du réveil de l’Islam comme universalisme concurrent.
    Tout cela démontre que, contrairement à ce que prétendaient certains libéraux, la fin de l’histoire n’arrivera pas au XXIe siècle. Au contraire, de nouveaux acteurs et de nouveaux enjeux ne cessent d’apparaître.
    Mais dans ce contexte conflictuel l’Union européenne, qui revendique le rôle de « soft power », est de moins en moins capable de proumouvoir ses intérêts malheureusement.

    8 Geopolitika – Vous êtes l’un des rares penseurs qui, non seulement analyse, mais aussi appelle à la résistance. Vous avez défini l’Europe, vous faites appel à la verticale épique européenne, les 300 Spartiates, les marins de Lépante… Vous mentionnez le pessimisme en tant qu’une force politique montante en Europe, qui peut se transformer en action. En effet, comment lutter dans l’époque du conformisme et du découragement,  comment faire revenir l’éclat de la nation chrétienne européenne et des identités irremplaçables ?
    M.G.- Si l’on s’en tient au monde factice que nous présentent les médias, il y a tout lieu de se montrer pessimiste en effet sur l’avenir de l’Europe. Mais si l’on examine plus précisément la réalité, on perçoit les germes du renouveau européen : en particulier dans la population active et dans la jeunesse.
    Car la situation de l’Europe occidentale ressemble beaucoup à celle de l’URSS sur sa fin : une nomenklatura coupée du peuple et qui cumule tous les pouvoirs, des intellectuels entrant en dissidence contre l’idéologie du Système, une propagande officielle déconsidérée, une perte de compétitivité croissante, des Etats réduits à leur rôle répressif.
    Le Système occidental apparaît puissant vu de l’extérieur, mais il est vermoulu à l’intérieur. Le mur médiatique se fissure déjà. D’autres murs tomberont. L’oligarchie ne cesse de nous répéter qu’il faudrait s’adapter – donc se résigner – à ce monde. De plus en plus d’Européens pensent au contraire qu’il est encore temps de le changer.
    Et comme aimait à l’écrire le grand historien disparu Dominique Venner, « l’histoire est le lieu de l’inattendu ».

    Geopolitika– Merci beaucoup pour votre temps précieux.
    M.G.- Merci de vos questions pertinentes.
    Geopolitika et Michel Geoffroy, Paris – Juillet 2013

    Article publié par Geopolitika en serbe

  • Alexandre Latsa : « la Russie connait un renouveau religieux sans précédent »

    Alexandre Latsa est un Français qui travaille en Russie et réside à Moscou depuis 2008. Il est blogueur et analyste politique et géopolitique pour les agences russes RIA-Novosti et Voix de la Russie. Il tient aussi un site d’information intitulé la Dissonance: un autre regard sur la Russie. Nous lui avons posé des questions sur la France et la Russie, le dossier syrien…

    1) Comment qualifierez-vous les relations entre nos deux pays qui défendent des valeurs totalement différentes (loi Taubira et loi interdisant la propagande homosexuel)?

    Du point de vue économique elles sont encore plutôt bonnes puisque les indicateurs économiques sont positifs et les échanges entre les deux pays sont croissants. On constate depuis 2009 une hausse des investissements français en Russie et surtout plus récemment une hausse des investissements russes en France. On a d’ailleurs récemment parlé de diplomatie économique pour qualifier la relation de la Russie avec nombre de pays européens, dont la France.

     Sur le plan politique, la relation semble s’essouffler, ce qui était assez prévisible avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en France. La France affirme son statut de terre d’asile pour de nombreux agitateurs politiques, qu’ils s’agissent d’opposants libéraux soupçonnés de corruption ou d’agents provocateurs comme les Femen qui bénéficient des grâces de la république.

    L’affaire Syrienne a en outre porté un coup très dur aux relations entre les deux pays car la Russie et la France ont clairement sur ce dossier des approches différentes et surtout des objectifs opposés.

    Sur le plan des mœurs enfin une rupture Russie/Europe de l’ouest semble clairement s’établir. Cette rupture semble due aux choix des modèles de société diamétralement opposés que l’Europe de l’Ouest (donc la France) et la Russie développent. Et sur ce plan la nous sommes clairement face à un nouveau rideau de fer moral et sociétal. Il y a aussi le facteur religieux qui est important, la Russie connaît en effet un renouveau religieux sans précédent et dont on ne peut que difficilement mesurer l’ampleur vu de France. A contrario la France semble être entrée dans une période d’athéisme totalitaire qui vise en premier lieu la religion catholique.

    2) Poutine a porté un sérieux coup à la diplomatie française sur le dossier syrien mais Fabius a déclaré que la position française avait obligé les Russes à négocier. Êtes-vous d’accord avec lui ?

    Malheureusement il semble que la diplomatie Française se soit un peu trop rapidement avancée dans cette affaire. La France a joué les Va-t-en guerre de façon irrationnelle et injustifiée et au final l’accord Russo-américain qui émerge de la crise nous laisse totalement à l’écart du centre de prises de décision et nous affaiblit considérablement sur la scène internationale.

    Le président Assad, qui est visiblement pour l’instant du moins en train de gagner sur tous les fronts (militaire, politique et médiatique) s’est même permis de rappeler que : « l’Europe n’avait pas mot à jouer dans le règlement de la crise ». Ce faisant on peut penser qu’il visait clairement l’Angleterre et la France.

    Laurent Fabius a été ridiculisé et au passage a fait ridiculiser la France, ce qui est plus grave. Il est bien évident que les affirmations que vous citez sont une bien piètre tentative de tenter de sauver le peu qui reste à sauver. Personne ne peut sérieusement croire que la France a dans cette affaire influé la position russe d’une quelconque façon. Au contraire, on peut plutôt penser que les diplomates français ont dans cette affaire pris une bonne leçon de la part de la diplomatie russe. N’est pas joueur d’échec qui veut.

    3) Certains parlent de l’émergence d’un monde bipolaire ou d’une nouvelle guerre froide entre les USA et la Russie, est-ce exact ?

    La guerre froide n’a jamais cessé. Elle s’était atténuée car à la chute de l’URSS les élites russes se sont retrouvées désorientées, à la tête d’un Etat à la dérive et aux mains de lobbies et groupes mafieux qui ont totalement parasitée tant le fonctionnement intérieur qu’extérieur du pays. Certains stratèges américains ont alors pensé qu’il suffisait d’accompagner l’effondrement inévitable de la Russie.

    Mais en 2000 à la surprise générale, un nouveau visage est apparu dans la politique russe. Un homme dont le projet politique, le redressement de la Russie, est en train de se réaliser. Ce redressement entre en conflit total avec les projets américains pour l’Europe et le monde, qui passait notamment par une prise de contrôle politique et militaire maximale sur la région Eurasie et la prise de contrôle des réserves énergétiques et des voix énergétiques d’Eurasie.

    Plus la Russie se relève et reprend sa position de puissance régionale et désormais (on vient d’en avoir la preuve avec la Syrie) de puissance mondiale, plus la tension entre Amérique et Russie va s’accroitre mais l’Amérique a de moins en moins les moyens de nuire à la Russie. On l’a bien vu historiquement du reste, le département d’Etat américain a d’abord mené la guerre contre la Russie sur son territoire (guerres dans le Caucase russe en 1994 et 1999), puis dans l’étranger proche russe (guerre de Géorgie en 2008) et désormais encore plus loin à l’extérieur des frontières russes (guerre en Syrie de 2011) car il s’agit d’une guerre directement dirigée contre la Russie comme je l’ai expliqué ici.

    4) En général, comment les Russes perçoivent la politique française et le mandat de Hollande plus particulièrement?

    Avec un relatif désintéressement mais une certaine incompréhension.

    Le peuple russe a clairement compris la nécessite d’un homme fort à la tête de l’état. Ils savent que la France traverse des moments troubles et donc ils se demandent pourquoi voter pour un socialiste qu’ils assimilent à raison du reste, à plus d’immigration et de laxisme.

    Par conséquent, les russes estimant qu’ils faillent moins d’immigrés et plus d’ordre, et ce de façon générale et permanente, chez eux comme chez nous, on peut comprendre leur relative incompréhension face au choix du peuple français de voter pour un candidat socialiste.

    5) Pour finir, Poutine est l’homme fort de la Russie, qui pourrait lui succéder dans un avenir plus ou moins lointain?

    Il y a une science qui est celle de la Kremlinologie et qui consiste à tenter de prévoir ce qui se passera au Kremlin. Je peux vous certifier qu’il s’agit de la science la plus incertaine et la plus improbable qui soit!

    Il y a de nombreux personnages clefs autour de Vladimir Poutine mais de la à prévoir qui sera le successeur de Vladimir Poutine c’est chose impossible croyez moi. On ne sait toujours pas du reste si Vladimir Poutine se présentera de nouveau en 2018 ce qui repousserait le nécessaire choix d’un successeur à 2024.

    D’ici la, beaucoup de choses auront inévitablement changé, en Russie comme ailleurs. Il est plausible que de nouveaux visages apparaissent et peut être de façon aussi surprenante ou inattendue que n’est apparu Vladimir Poutine en 1999.

    L’histoire russe est ouverte, contrairement à la situation actuelle dans nombre de nations ouest-européennes, et ce pour une raison principale: les élites russes ont réellement le pouvoir, elles sont souveraines et surtout elles ont un projet colossal pour le futur.

    http://medias-presse.info/?p=1022

  • Aymeric Chauprade : « Si les États-Unis n’acceptent pas le monde multipolaire, alors il y aura une guerre mondiale encore plus terrible que les deux précédentes »

    Alors que la 3e édition de la Chronique du choc des civilisations, le fameux « Chauprade », comme on dit désormais, vient de sortir en librairie, Nouvelles de France a interrogé son auteur. Entretien sans langue de bois !

    Aymeric Chauprade, vous publiez dans votre Chronique du choc des civilisations une très instructive carte du grand Moyen-Orient voulu par les États-Unis d’Amérique. Sur quoi est-elle fondée ?

    Il s’agit d’une représentation d’un possible redécoupage des frontières moyen-orientales sur une base communautaire (religieuse ou ethnique). Cette idée n’est pas nouvelle. Elle a été imaginée plusieurs fois depuis les années 1980 dans certains cercles stratégiques israéliens et américains. Elle n’a jamais été adoptée comme politique des États-Unis, puisque officiellement, c’est l’intangibilité des frontières qui prévaut, mais l’on voit bien qu’avec la création du Kosovo dans les Balkans, les États-Unis ne sont en rien fixés sur l’intangibilité des frontières existantes.
    Plusieurs auteurs issus de think tanks américains ont publié de telles cartes. Je pense que rien n’est tranché sur cette question. La vérité en la matière n’est ni noire, ni blanche, elle est grise. Ces intentions existent, et peut-être certains milieux stratégiques américains et israéliens pensent-ils que leur suprématie au Moyen-Orient sera mieux assurée si une telle recomposition se produit et qu’Israël voit naître de petits États alliés (druze, kurde…) face aux Arabes sunnites.

    Mais les forces qui remuent un État ne sont en réalité jamais unifiées, et peuvent même être contradictoires. La politique est la résultante de toutes ces forces. Mon intention est donc de permettre au lecteur d’imaginer ce qui est possible, sans pour autant l’enfermer dans une vérité systématique.

    « J’ai été l’un des premiers, en France, à éclairer le basculement de la géopolitique américaine après l’effondrement soviétique dans une stratégie de refus d’ascension de la Chine et plus généralement de refus d’un monde multipolaire. »

    L’une des grandes thèses de votre Chronique, c’est la fin progressive d’un monde unipolaire organisé autour des États-Unis d’Amérique au profit d’un monde multipolaire (Chine, etc.), le Moyen-Orient comme condition à cette évolution et l’islamisme comme barrage. En quoi cette thèse est-elle novatrice ? Est-elle opposée ou complémentaire à la thèse du choc des civilisations actualisée par Samuel P. Huntington ou à celle du choc traditionalisme/progressisme (Caroline Fourest) ?

    Je ne sais pas si ma thèse est novatrice. Ce que je sais c’est que j’ai été l’un des premiers, en France, à éclairer le basculement de la géopolitique américaine après l’effondrement soviétique dans une stratégie de refus d’ascension de la Chine et plus généralement de refus d’un monde multipolaire.

    Je pense que le Moyen-Orient est le lieu principal, mais non unique, de cet affrontement entre forces de l’unipolarité, tendues vers le projet d’une hégémonie américaine, et forces (diverses) de la multipolarité. Cette idée n’est opposée ni à la thèse de Huntington ni à celle de Fourest. Huntington a eu le mérite de rappeler que les civilisations existent et que le monde ne se réduit pas à un affrontement idéologique entre les démocraties et les tyrannies, un conte pour enfants qui est pourtant « vendu » par les politiques occidentaux à leurs électeurs.

    Moi je dis que l’Histoire ne se réduit pas au choc des civilisations, car les nations et les figures historiques jouent aussi un rôle central, mais que le choc des civilisations est une réalité du temps long de l’Histoire.

    Quant à la thèse de Caroline Fourest, cela va vous paraître curieux mais je la partage, à la différence près (essentielle) que je me situe dans le camp opposé au sien ! On peut être marxien sans être marxiste. Fourest est à la pointe du combat LGBT ; il est normal qu’elle ait compris très tôt la guerre qu’elle faisait au monde de la tradition !

    « Les États-Unis et l’Union européenne sont devenus les promoteurs de la destruction de la famille par la THÉORIE DU GENRE, par le MARIAGE HOMOSEXUEL, par la MARCHANDISATION DU CORPS ; en face, la Russie va s’affirmer comme l’État qui défend les valeurs traditionnelles et la véritable liberté de l’homme. »

    Donc en effet, en plus des permanences et des ruptures géopolitiques, il existe un affrontement idéologique. Celui d’un monde qui pense que la liberté et la dignité de l’homme reposent sur les valeurs naturelles (et ces valeurs dépassent le christianisme, elles ne découlent pas de la religion, elles sont en chacun d’entre nous, quelques soient nos croyances) comme la famille ; et celui d’un autre monde (Fourest en est l’avant-garde) fondé sur le grand marché de « ce que nous pourrions être à la place de ce que la nature a voulu que nous soyons ».

    Ces deux systèmes de valeur vont s’affronter en effet de plus en plus dans les années à venir. Les États-Unis et l’Union européenne sont devenus les promoteurs de la destruction de la famille par la théorie du genre, par le mariage homosexuel, par la marchandisation du corps ; en face, la Russie va s’affirmer comme l’État qui défend les valeurs traditionnelles et la véritable liberté de l’homme. Je ne suis pas allé parler à la Douma par hasard !

    Quant à l’islamisme, il y a longtemps que je dis qu’il est le meilleur allié du projet américain dans la guerre contre le monde multipolaire. Il est l’idiot utile de l’Occident américain.

    Cette évolution de l’unipolarité à la multipolarité est-elle inéluctable ? Quelles conséquences la fin d’un monde unipolaire aura-t-elle pour Israël ?

    Il n’y a d’inéluctable que ce que l’on accepte. Je ne crois pas au sens de l’Histoire. La seule flèche de l’Histoire est celle du progrès des sciences et des techniques dont découle l’essentiel des révolutions mentales. Pour le reste, certaines valeurs immuables, comme la famille, traversent le temps. Le Bien et le Mal sont immuables. Ils ont traversé les siècles et malheureusement le Mal n’est pas moins fort aujourd’hui qu’il ne l’était hier.

    Ce que je pense, c’est que si les États-Unis n’acceptent pas le monde multipolaire, alors il y aura une guerre mondiale encore plus terrible que les deux précédentes. De mon point de vue, Israël ne devrait pas souhaiter cela car, alors, une nouvelle catastrophe surviendrait pour le peuple juif. Je pense pour ma part qu’Israël peut survivre et même trouver toute sa place dans un monde multipolaire.

    Je ne vois pas au nom de quoi j’empêcherai à un peuple d’exister et d’avoir la sécurité. Cela nécessite un progrès dans les mentalités tant du côté israélien, que du côté arabe. En tout cas je ne crois pas du tout que le destin d’Israël soit lié à l’hyperpuissance américaine. Israël joue de l’hyperpuissance, mais une autre stratégie viable est possible pour ce pays.

    « Sous prétexte de s’opposer à la géopolitique américaine, il ne faudrait pas non plus tomber dans l’idéalisme béat qui voudrait que les Chinois ou les Russes soient des bisounours… »

    En dévorant votre Chronique, un lecteur non-initié pourrait penser que la géopolitique est décidément bien immorale et cynique. Est-ce par principe vrai ou la cause de ce constat se trouve-t-elle dans le fait que la plupart des pays développés sont aux mains de l’oligarchie mondialiste ?

    L’oligarchie mondialiste (et les États occidentaux qu’elle contrôle) n’est pas la seule à défendre des intérêts cyniques. Ne caricaturons pas les choses. Tous les États du monde, y compris ceux qui s’opposent à l’oligarchie, obéissent au principe de la realpolitik et des intérêts.

    Ce que je dis, c’est que le réaliste accepte et prend en compte le droit des États à défendre leurs intérêts et qu’il essaie ensuite de voir comment faire en sorte que la compétition des intérêts ne se transforme pas en bain de sang. Sous prétexte de s’opposer à la géopolitique américaine, il ne faudrait pas non plus tomber dans l’idéalisme béat qui voudrait que les Chinois ou les Russes soient des bisounours…

    Je me méfie de toute façon de tous les manichéismes, aussi bien quand il s’agit de faire endosser la peau du méchant au Russe, au Serbe, à l’Israélien ou à l’Arabe. Regardons les intérêts de chacun, essayons de comprendre leur point de vue, et méfions-nous de ne pas appliquer les modes de pensée de nos adversaires, ceux de la diabolisation de l’ennemi.

    En quoi le mondialisme (idéologie) est-il distinct de la mondialisation (un fait déjà ancien, certains disent qu’elle a commencé sous l’Empire romain) ?

    La mondialisation est le résultat de l’action d’une hyperpuissance, hier Rome, aujourd’hui les États-Unis, qui décloisonne le monde dans le sens de ses intérêts propres. Le mondialisme est l’idéologie qui donne une légitimité philosophique et politique à cette action. Il existe un lien entre les deux, mais les deux phénomènes sont néanmoins à distinguer.

    Par exemple, certains aspects du progrès scientifique et technique poussent dans le sens de l’émancipation des territoires et des frontières. D’autres aspects, comme la biométrie, permettent au contraire de mieux réguler les flux et de revenir aux signatures biologiques de l’homme, au moment où son état-civil est souvent falsifié.

    Le fait que vous travailliez désormais avec Marine Le Pen et que vous l’assumiez publiquement ne risque-t-il pas de rendre moins crédible vos travaux aux yeux du grand public ?

    Vous connaissez l’adage : « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Évidemment, ce serait plus confortable de profiter de mon statut de consultant international, de rester sur les sphères tranquilles de la « métapolitique » sans mettre les mains dans le cambouis.

    Le problème c’est que je ne supporte plus d’assister à la destruction lente de mon pays, en restant les bras croisés, dans la posture d’un Cicéron assistant au déclin de Rome. Je ne sais absolument pas si mon action sera utile, mais j’ai l’envie de me rendre utile au pays. Et je me dis que ma position en géopolitique, laquelle est, me semble-t-il, respectée, peut apporter quelque chose à la dynamique engagée par Marine Le Pen.

    Après tout, la quasi-totalité des experts de mon domaine assument une appartenance politique, souvent socialiste, parfois UMP. Autrement dit, ils se sentent proches de partis qui, depuis plus de 30 ans, ont trompé les Français et affaibli la France. Pourquoi devrais-je avoir honte de dire que je me sens proche d’une femme de caractère, dont l’amour de la France n’est pas à mettre en doute et auxquels les Français ont de plus en plus envie de donner sa chance ?

    Vous ne pensez pas que cette femme, qui a grandi dans l’hostilité violente, injuste, que le système opposait au talent de son père, a justement la cuirasse qu’il faut pour affronter les défis de la France et faire les choix courageux qui s’imposent en matière d’immigration et de réforme de l’État-providence ? Je crois que le problème de la France, c’est avant tout le manque de courage de ses élites : les gens qui nous gouvernent sont conformistes et sans caractère, et ne font que suivre  les idées dominantes.

    Je connais ma valeur, mes forces et mes limites et n’ai jamais cherché la reconnaissance d’une caste d’universitaires sectaires. Il est connu et reconnu que j’ai réveillé la tradition géopolitique réaliste en France. Si cela échappe à certains ici, cela n’a pas échappé aux nombreux pays avec lesquels je travaille. Je m’honore à ne pas être honoré par un système que je combats de toutes mes forces et depuis toujours.

    Combien d’exemplaires des deux premières éditions de votre Chronique du choc des civilisations avez-vous déjà vendu ? À combien d’exemplaires a été tirée la nouvelle ?

    Pour les deux premières éditions de Chronique du choc des civilisations, nous en sommes à près de 30 000 exemplaires vendus. J’ignore à combien mon éditeur a tiré cette troisième édition. Je lui fais confiance car c’est un grand professionnel et comme je suis, par ailleurs, éditeur depuis 20 ans je n’ai pas pour habitude de harceler mes éditeurs!

    Nouvelles de France

    http://fortune.fdesouche.com/327299-aymeric-chauprade-si-les-etats-unis-nacceptent-pas-le-monde-multipolaire-alors-il-y-aura-une-guerre-mondiale-encore-plus-terrible-que-les-deux-precedentes#more-327299

  • Entretien avec Magnus Martel auteur de Plaidoyer pour l’armée française

     Entretien avec Magnus Martel auteur de Plaidoyer pour l’armée française

    « Si les militaires sont courageux physiquement, ils sont le plus souvent intellectuellement lâches. Ils ont oublié qu’ils effectuaient un véritable sacerdoce au service d’une terre et d’un peuple et non d’un gouvernement faussement élu par le jeu biaisé du parlementarisme »

    Pourquoi si peu de militaires osent-ils dénoncer la situation actuelle de l’Armée ? À cause de leur devoir de réserve ? Parce que, pour certains, ils appartiennent à la « Grande muette » comme on appelait l’armée dans le passé ?
    Cela reste un mystère. Y compris pour votre serviteur. Pourtant, je peux vous assurer que chaque jour que Dieu fait, ça râle dans les popotes militaires. Le problème essentiel réside, à mon sens, dans le fait que si les militaires sont courageux physiquement, ils ont oublié qu’ils effectuaient un véritable sacerdoce au service d’une terre et d’un peuple et non d’un gouvernement faussement élu par le jeu biaisé du parlementarisme. Ceci étant, ce devoir de réserve est plus que jamais imposé par des politiciens qui redoutent les forces armées et l’on constate tristement d’ailleurs que la parole est beaucoup moins libre aujourd’hui qu’elle l’était dans les années 1930. La « Grande muette » conserve plus que jamais son appellation.
    Les opérations auxquelles notre armée participe activement (Afghanistan, Mali, etc.) ne prouvent-elles pas qu’elle est tout à fait opérationnelle ? En tout cas pour un certain type de missions ?
    Opérationnelle pour quoi ? Par rapport à quoi ? Cela dépend avant tout de la nature de l’adversaire. À quelle armée digne de ce nom l’armée française a-t-elle été confrontée depuis la chute de l’URSS ? Quant à l’engagement en Afghanistan, une terre sur laquelle la France n’avait pas à mettre les pieds, plus de dix ans après, l’opération est loin de constituer un succès. Lors de l’embuscade de la vallée d’Uzbeen à l’été 2008, c’était la première fois depuis très longtemps que notre armée perdait autant de soldats en si peu de temps ! Tout porte à croire d’ailleurs qu’une fois les forces de la coalition otanienne parties, le pays replongera dans le chaos. Et c’est bien là le plus malheureux : songer que des hommes sont tombés ou ont été définitivement meurtris pour rien. Alors, bien sûr, il arrive que notre armée, à force de système D, de volonté et de ténacité fasse de véritables miracles. Comme au cours de l’opération Serval au Mali. Mais sérieusement, quel ennemi avions-nous face à nous ? Un adversaire certes déterminé, mais très loin de disposer de capacités militaires équivalentes aux nôtres, dans un pays permettant difficilement de se mettre à l’abri des vues et des coups de la troisième dimension. Au final, il est même permis de penser que cette victoire éclair aura nui à notre armée en donnant à penser à l’opinion comme au politique que nos forces étaient suffisamment opérationnelles comme ça et qu’il était encore possible de gratter dans les effectifs.
    Votre livre est très alarmiste… Les progrès de l’armement ne peuvent-ils suppléer à la réduction des effectifs humains ?

    Il est alarmiste parce que la situation l’exige. Les progrès de l’armement sont nécessaires, mais ils ne suffisent pas. L’Allemagne hitlérienne l’a appris à ses dépends. En outre, plus les armements sont sophistiqués, plus ils sont coûteux et moins nous pouvons nous en offrir. Songez qu’au train où vont les choses, notre pays ne disposera bientôt pratiquement plus de régiments de chars de combat dotés de Leclerc. Or, la conservation d’un spectre le plus large possible d’armements et de capacités militaires est une absolue nécessité pour un pays qui entend compter sur la scène internationale. Au final, et quelle que soit la qualité de notre armement, il sera toujours nécessaire de déployer du fantassin pour contrôler le terrain. Pour autant, il convient de ne pas tomber dans l’excès inverse en sacrifiant la technologie au nombre. Il est tout de même assez navrant de voir un général, ancien directeur de l’École de guerre, militer pour une sortie de notre pays de la dissuasion nucléaire, au motif que cela permettrait de réaliser des économies au bénéfice des forces conventionnelles.
    Qu’apporte de nouveau votre livre ? Apportez-vous des révélations gênantes pour nos dirigeants de ces vingt ou trente dernières années ? Y a-t-il un gouvernement qui a été plus « néfaste » qu’un autre ?
    L’incontestable nouveauté, c’est que je ne me contente pas de dénoncer, mais de proposer des solutions pour enrayer ce déclin. Aujourd’hui, comme d’autres dans la vie civile, je milite clairement pour un rétablissement de la conscription, seule à même de réaliser de substantielles économies tout en inculquant aux jeunes Français des valeurs en même temps qu’un véritable esprit de défense. Les dirigeants de ces trente dernières années se sont comportés de façon absolument lamentable envers notre pays. Il n’y a cependant pas eu un gouvernement plus néfaste qu’un autre. Tous l’ont été ! Tous ont apporté leur pierre à la lapidation de notre dernier véritable outil de souveraineté. Tous ont trahi et tous seront jugés et, je l’espère, définitivement condamnés par l’Histoire.

    Propos recueillis par Fabrice Dutilleul

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EFlpAAkkppIgdkmJnf.shtml

    note :

    Plaidoyer pour l’armée française, Magnus Martel, Éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 294 pages, 29 euros.