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géopolitique - Page 597

  • Corée du Nord : La grande illusion

    En 2012, après deux ans de tractations, Michaël Sztanke et Julien Alric avaient obtenu un visa pour pénétrer en Corée du Nord. De ce premier voyage, ils sont revenus avec des images officielles. Jamais ils n’ont pu observer ce qui se cachait derrière la vitrine de Pyongyang.

    En 2014, ils ont obtenu un nouveau visa afin de terminer leur film. Cette nouvelle plongée dans le royaume ermite leur a permis de répondre aux questions restées en suspens lors de leur premier voyage.

    Comment vivent les Nord-Coréens ? Quelle est la véritable nature de ce régime ubuesque ? Ils se sont également rendus en Corée du Sud afin de rencontrer des réfugiés nord-coréens qui, miraculeusement, ont pu s’échapper vers le sud et témoigner.

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Ni Mistral, ni Rafale… mais tempête sur l’Élysée

    « Le dossier est clos », tranchait l’Elysée le 5 août après la décision de ne pas livrer à la Russie deux navires dont la commande s’était élevée à 1,2 milliard d’euros. Tel n’était pas l’avis de Présent (voir Présent du 8 août) qui, outre l’incalculable perte de crédit frappant désormais, et sans doute durablement, nos industries d’armement, s’interrogeait sur « le montant exact de l’ardoise » laissée par le refus de vente des Mistral.

    Sans doute informé par un ponte de la Direction des constructions navales (DCNS) constructrice des deux porte-hélicoptères et furieuse du mauvais coup qui lui a été porté, Le Canard enchaîné vient de répondre à la question : plus de 2 milliards d’euros. Au remboursement à Moscou des arrhes déjà versés (896 millions d’euros), il faudra en effet ajouter ceux des « frais engagés pour aménager le port de Vladivostok afin d’accueillir les nouveaux navires », de « l’adaptation en version maritime des 32 hélicoptères K52 emmenés par les navires », ainsi que « la formation de 400 marins russes pendant un an et demi ». Soit 300 millions d’euros. Mais il faudra aussi dédommager la DCNS (350 millions d’euros environ), « dérussifier » les navires en les adaptant aux normes de l’OTAN (200 millions) et continuer à assurer jusqu’à leur revente – éventuelle – le gardiennage et la maintenance, évalués à un million par jour, des Mistral à quai dans le port de Saint-Nazaire. Alors que l’argent manque si cruellement pour secourir les agriculteurs et les entreprises touchées par la crise, la servilité de Paris face au diktat de Washington va donc nous coûter 2 milliards d’euros. Et il y a encore plus grave : avant de reprendre sa parole, la France aurait en effet effectué un transfert de technologie par la transmission de 150.000 pages de spécifications techniques à la Russie… qui a donc maintenant tous les éléments en main pour construire des clones du Mistral ! Comme on sait, un malheur n’arrive jamais seul.

    En même temps que Paris et Moscou arrivaient au « meilleur accord possible » (cf. l’inénarrable Le Drian dont on espère que, probable tête de liste socialiste aux régionales en Bretagne, il paiera cher sa complicité dans cette dilapidation des deniers publics), le premier ministre indien Narendra Modi, qu’un Hollande épanoui avait reçu avec faste à Paris en avril dernier, lançait le 3 août sa bombe à fragmentation : réflexion faite, il « annulait » le fabuleux contrat de 22 milliards d’euros pour 126 Rafale envisagé avec Dassault, ces bijoux étant décidément trop chers et trop sophistiqués (voir Présent du 5 août). L’aviation indienne ayant cependant un besoin urgent de renouveler sa flotte, quels appareils seront donc choisis à la place ? Sans doute des… Mig-35 russes, auxquels ses pilotes sont habitués ! Vladimir Poutine n’est pas seulement un pêcheur et chasseur émérite. C’est aussi un judoka et un redoutable joueur d’échecs, sachant anticiper les coups. Le contraire du paltoquet Hollande à l’éternel sourire de ravi de la crèche, qui vient de s’auto-infliger le pire désastre de son quinquennat.

    Camille Galic, 16/08/2015

    Source : Présent

    http://www.polemia.com/ni-mistral-ni-rafale-mais-tempete-sur-lelysee/

  • Amiens, 4 septembre : conférence sur la guerre en Ukraine

    A l'invitation de Thomas Joly, Secrétaire général du Parti de la France, Guillaume Cuvelier, militant nationaliste français qui est parti se battre au Donbass aux côtés des forces pro-russes, donnera une conférence vendredi 4 septembre à Amiens (19h30) sur le thème Ukraine, les nationalistes face au retour de la guerre en Europe.

    Erreur

    L'objectif de cette conférence ne sera pas de faire de la propagande pour un camp ou un autre mais de partager l'expérience de quelqu'un qui a vécu sur le terrain une guerre civile européenne moderne et d'en tirer les conséquences pour les nationalistes français qui risquent, eux aussi, d'y être un jour confrontés.

    La participation aux frais est de 10 € par personne et comprend un apéritif avec amuse-gueules.

    La réservation est obligatoire au 07.83.52.55.83 ou pdfdu80@yahoo.fr

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2015/08/26/amiens-4-septembre-conference-sur-la-guerre-en-ukraine-5675401.html

  • Tactique hégémonique bien rôdée : Les coups d’Etat fomentés par les USA – Vidéo

    L’art de mettre de l’huile sur le feu, une spécialité yankee pour dominer.

    Parmi les révolutions à mettre au compte du procédé états-unien on peut compter la série les révolutions dites de couleurs :

    – L’Ukraine avec ces deux révolutions orange en 2004 et 2014; la première ayant échouée, la seconde à réussi.

    – La Yougoslavie en 2000

    – La Géorgie, Révolution des Roses en 2003.

    – Le Kyrgyzstan, la révolution des Tulipes en 2005

    – Le Liban, la révolution des Cèdres en 2005 

    La Macédoine est actuellement menacée, peut-être d’autres pays encore ?

    Il y a également eu une tentative à Moscou en 2011 et 2012.

    Lire la suite 

  • Brésil : Quand la France réclamait l’Amazonie

    La frontière entre la Guyane française et le Brésil ne fut fixée qu’en 1900. Un arbitrage suisse mettait alors fin à deux siècles d’incertitudes au cours desquels la France se rêvait à la tête d’un vaste territoire allant jusqu’à l’embouchure du fleuve Amazone. Récit d’une bataille historique entre la France et le Brésil qui a duré près de deux siècles et reste méconnue dans l’Hexagone.

     

    L’histoire de ce territoire contesté entre la France et le Brésil est méconnue dans l’Hexagone. Et pour cause: c’est celle d’une défaite diplomatique pour les Français. Les Français ont un pied sur le plateau des Guyanes depuis le XVIIe siècle. Cette zone revenait aux Espagnol d’après letraité de Tordesillasde 1494 tranchant les terres à conquérir entre Portugais et Espagnols.

    Mais ces derniers délaissèrent le plateau des Guyanes, jugé hostile, pour de plus riches colonies en Amérique du Sud et centrale. Français, Hollandais et Anglais purent donc avoir leur part, à la traîne des empires portugais et espagnols.

    Entre l’Oyapock et l’Araguari En 1713, le traité d’Utrecht fixe une frontière entre les territoires français et portugais du plateau des Guyanes. C’est «la rivière de Japoc ou Vincent Pinson [qui] servira de limite aux deux colonies» dit l’article 8 dudit traité. Seulement voilà, si l’on se rappelle plus ou moins qui est Vincent Pinson –un compagnon de Christophe Colomb et parmi les premiers à avoir aperçu l’estuaire de l’Amazone–, l’emplacement du fleuve portant son nom est lui incertain. Chaque partie y voit son avantage. Pour les Français, ce serait le fleuve Araguari, au nord de l’estuaire de l’Amazone. Pour les Portugais, puis le Brésil indépendant à partir de 1822, ce serait l’Oyapock, bien plus au nord. Japoc, Oyapock: les Brésiliens ont la phonétique avec eux, mais lorsque l’on sait que japoc signifie fleuve dans la langue amérindienne wayampi, on reste peu avancé. «Quatre-vingt-mille kilomètres carrés sont furieusement contestés, entre l’Oyapock et le fleuve Araguari. Il y a également une revendication française farfelue pour un territoire encadrant les trois Guyanes et couvrant une superficie de plus de deux-cent-mille kilomètres carrés» explique Stéphane Granger, auteur d’une thèse de géographie sur les relations entre la Guyane et le Brésil. Ce contesté franco-brésilien devient un lieu neutre, refuge d’aventuriers, de bagnards fuyant les pénitenciers guyanais et d’esclaves en marronnage. Y vivent également des populations amérindiennes autochtones. L’immense territoire compte à peine quelques milliers d’habitants. «Un accord diplomatique de 1841 garantit cette neutralité. Le territoire est administré par des envoyés des deux côtés», détaille Stéphane Granger. La rivière de Japoc ou Vincent Pinson servira de limite aux deux colonies Une République indépendante, dite de Counani, y est même proclamée en 1886. Donnant lieu à un épisode historique grandiloquent et ubuesque, où un certain Jules Gros, publiciste de son état, est nommé président à vie de Counani. Distribuant médailles et frappant monnaie. Il ne mit au final jamais les pieds dans le contesté. Arbitrage suisse Si cela fait rire dans les salons parisiens, au Brésil, la fixation de cette frontière est prise plus au sérieux. Car l’enjeu est de taille. Il s’agit pour le géant d’Amérique du Sud de protéger le bassin de l’Amazone. Ainsi le Brésil propose des négociations dans les années 1850. «Le Brésil était prêt à couper la poire en deux, en acceptant le fleuve Calçoene comme frontière et donnant ainsi la partie occidentale du contesté à la France. Cela faisait une frontière à 300 km de l’Amazone, qui convenait aux Brésiliens. Mais Napoléon III refusa l’accord car il voulait la totalité ou rien. Les négociations furent donc arrêtées, alors qu’elles auraient pu être à moitié favorables pour la France. Puis la situation pourrit»,décrit le géographe. La découverte d’or dans la région et des troubles en 1895 hâtent le besoin d’un arbitrage. Brésil et France optent pour la neutralité suisse; mais ne s’y présentent pas avec le même zèle. Du côté français, on traîne des pieds:

    «Le géographe Vidal de la Blache prend certes sa tâche à coeur. Il développe des arguments géographiques. Mais les diplomates, eux, s’en fichent, commente Stéphane Granger. La Guyane est alors une colonie pénitentiaire, qui plus est insalubre. Cela aurait certes agrandit la France jusqu’aux bouches de l’Amazone, mais la priorité est alors donnée à la colonisation de l’Afrique subsharienne et de l’Indochine.»

    Côté brésilien, la donne est toute autre:

    Napoléon III refusa l’accord car il voulait la totalité ou rien. Les négociations furent donc arrêtées, alors qu’elles auraient pu être à moitié favorables pour la France

    «Pour les Brésiliens, c’est au contraire un enjeu vital: pour une question de prestige et surtout pour protéger l’Amazone. Ils travaillent donc vraiment le sujet avec des arguments géographiques et géopolitiques.»

    Le dossier brésilien est pris en main par le Baron de Rio Branco, un diplomate auquel le Brésil doit également des tracés avantageux avec l’Argentine et la Bolivie. Mémoire perdue Sans surprise, le Brésil l’emporte. La Suisse retient le fleuve Oyapock comme frontière entre la Guyane française et le Brésil. En Guyane, ordre est donné aux ressortissants français de ne plus s’installer sur la rive désormais brésilienne. «Si le souvenir du contesté y a aujourd’hui disparu, il reste toutefois quelques noms de lieux, comme un hameau qui s’appelle Carnot, en référence au président de la République française Sadi Carnot. Et certains Amérindiens de cette partie du Brésil ont pour langue maternelle le créole guyanais. Utilisé alors comme langue de communication, il s’est substitué à des langues amérindiennes. Le créole est d’ailleurs enseigné comme langue indigène dans l’Amapa [État brésilien frontalier avec la Guyane française].» En France aussi la mémoire du contesté s’est perdue, à peine compte-t-on quelques travaux universitaires sur le sujet. L’historiographie brésilienne, elle, est plus bavarde. «Tout simplement parce que c’est une défaite diplomatique française et une victoire brésilienne. Les autorités nationales françaises s’en fichent. Dans la presse de 1900, c’est trois lignes dans les journaux», résume Stéphane Granger qui a consacré une partie de sa thèse à cette histoire. Une histoire qui montre par ailleurs que le potentiel ubuesque de la plus longue frontière française ne date pas d’hier. L’été dernier sur Slate, nous vous contions l’histoire du pont sur l’Oyapock, enjambant ce fleuve-frontière, toujours fermé à l’heure actuelle, quatre ans après la fin des travaux. 

    Slate

    http://fortune.fdesouche.com/389209-bresil-quand-la-france-reclamait-lamazonie#more-389209

  • Ces femmes yézidies qui terrorisent à leur tour Daesh

    Elles ont décidé de ne plus subir la terreur et ont formé un bataillon de 123 femmes de 17 à 30 ans qui font littéralement trembler de crainte les combattants terroristes. Leur particularité ? Être entraînées par une ancienne chanteuse à succès.

    Xate Shingali, 30 ans est une ancienne chanteuse yézidie. Après avoir obtenu le feu vert du président kurde Massoud Barzani, elle a formé un bataillon exclusivement féminin combattant aux côtés des Pershmergas en Irak.

    «Ils nous violent. On les tue.»

    Ces amazones ciblent spécifiquement les combattants de l'Etat islamique. Ce dernier en effet kidnappe régulièrement des filles yazidies, les vend et en fait des esclaves sexuelles. Au total, les djihadistes ont tué plus de 5.000 Yazidis et capturé 500 femmes et enfants.

    En savoir plus : Daesh exécute 19 filles qui refusaient de devenir esclaves sexuelles

  • La crise syrienne entre l’Ukraine et l’Arctique…

    Durant ces dernières semaines, la crise syrienne a fait l’objet de plusieurs évolutions diplomatiques et militaires de différentes natures et origines, susceptibles de faire bouger quelques lignes, sans pour autant remettre en cause les tendances lourdes. En définitive, la Maison Blanche, les pays européens satellites dont la France, l’Arabie saoudite, la Turquie et Israël veulent toujours faire la peau de Bachar al-Assad. Moscou, Téhéran, le Hezbollah libanais, voire la Chine ne laisseront pas faire, tenant fermement les positions d’un jeu à somme nulle qui finira par déboucher sur l’adoption d’une espèce de « Yalta régional », parce qu’aucun des deux pôles ne peut l’emporter durablement sur l’autre… Ce grand jeu s’étire entre l’Ukraine et le Grand nord arctique !

    Symptôme analytique, sinon psychanalytique : la démultiplication de « reportages » et d’éditoriaux, dans la presse occidentale et notamment parisienne, pour nous annoncer l’affaiblissement, sinon la chute prochaine de Bachar al-Assad, que les mêmes rédactions prédisent depuis l’été 2011… Cette résurgence de propagande repose sur une très mauvaise interprétation du dernier discours du président syrien qui a dit essentiellement deux choses : la guerre est plus longue et meurtrière que prévue et « nous avons besoin de tous nos soldats pour défendre l’intégrité territoriale et politique de la Syrie » ; l’accord sur le nucléaire iranien ne modifie en rien l’alliance militaire de la Syrie avec l’Iran et le Hezbollah libanais, appuyée par la Russie qui réaffirme sa présence en mer Noire, Méditerranée, en Asie et dans le Grand nord arctique.

    Certes, l’armée syrienne a connu quelque revers avant de regagner d’autres positions, mais son option stratégique principale reste inchangée depuis l’été 2011 : « la défense du pays utile », à savoir l’axe Damas/Homs/Hama/Alep avec ses débouchés portuaires, le long de la côte Lattaquié/Tartous. L’armée gouvernementale, qui dispose toujours d’un format opérationnel de quelques 50 000 hommes, ne peut couvrir l’ensemble du territoire de Deraa, Deir ez-Zor à Palmyre… Il est aussi avéré que la coordination de ses forces avec les unités iraniennes et celles du Hezbollah pose, évidemment quelques problèmes : différences de chaînes de commandement, de matériels et de cultures militaires. Mais, au final, les positions stratégiques sont tenues et bien tenues face à Dae’ch, Nosra et autres mercenaires de Tchétchénie, du Daghestan, du Maghreb et des pays européens.

    Comme ils l’avaient fait pour les milices du Kosovo et de Bosnie, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux continuent à fabriquer des combattants susceptibles de s’engager contre les forces gouvernementales syriennes. Mais aujourd’hui, cet effort vise moins le renversement du régime qu’à rassurer l’allié saoudien et à persuader Moscou d’intensifier ses efforts afin d’engager son partenaire syrien à envisager l’ouverture d’une nouvelle médiation diplomatique et politique. Le voyage, fin juin dernier, du patron des services syriens – le général Ali Mamlouk – à Riyad constitue l’un des événements les plus spectaculaires de ce processus qui n’a pas encore dit toutes ses ruses…

    De son côté, Washington appuie officiellement les efforts russes tout en laissant Ankara massacrer les Kurdes qui sont pourtant les principaux combattants à contenir - au sol - l’expansion de Dae’ch. Ainsi, quelques 600 soldats turcs et une soixantaine de blindés sont désormais engagés sur le territoire syrien, dans la région d’Alep. Les deux brigades turkmènes qui ont fait leur entrée en Syrie par le poste frontière de Bab-el-Salame/Öncüpinar, face à la ville turque de Kilis, sont baptisées « Sultan Murat » et « Fatih Sultan Mehmet », du nom de deux empereurs ottomans. Elles constituent l’avant-garde d’une unité turkmène de quelque 5 000 hommes nommée « Armée de la Révolution » — Devrim Ordusu —, portée sur les fonds baptismaux fin juillet par Ankara qui lui fournit équipement, logistique et renseignement.

    Fort de cette nouvelle dimension turco-kurde, Washington resserre les liens de l’OTAN - même si Erdogan poursuit ses propres objectifs -, cherchant à modifier un rapport de force en sa faveur au détriment du poids de la Russie et d’un Iran qui, malgré l’accord sur le dossier nucléaire, continue à soutenir Damas, le Hezbollah libanais et plusieurs factions palestiniennes. L’accord « technique » sur le dossier nucléaire ne concerne pas la gestion des crises régionales, réaffirment régulièrement les différents cercles de pouvoirs iraniens. 

    Fidèle à la doctrine de « l’instabilité constructive », chère aux idéologues néoconservateurs américains et français, l’administration Obama cherche ainsi à établir une espèce de « paix froide » à somme nulle, un « Yalta oriental » entre les pôles sunnite et chi’ite pour la reconduction des intérêts américains aux proche et moyen-orient. A plus moyen et long termes, les priorités stratégiques de Washington concernent trois autres théâtres : l’Asie-Pacifique, l’Ukraine et le Grand nord arctique. En effet, ces trois zones hautement stratégiques sont essentielles aux yeux des décideurs civils et militaires du Pentagone pour contenir la Chine et la modernisation des capacités opérationnelles de la Russie.

    Dans ces circonstances, l’arrimage de la Turquie à l’OTAN vaut bien le sacrifice des Kurdes, même si ces derniers restent en première ligne contre les barbares de l’ « Etat islamique ». On voit bien que depuis sa création et son expansion territoriale, Dae’ch n’a jamais, ô grand jamais constitué, pas plus hier qu’aujourd’hui, une priorité américaine, turque, ni israélienne. Entre le foyer ukrainien, les enjeux centre-asiatiques, ceux de l’Asie-Pacifique et les perspectives arctiques, la crise syrienne et ses débordements régionaux demeurent périphériques, sinon secondaires dans le nouveau grand jeu qui concerne la maîtrise des nouvelles routes et des richesses naturelles de l’Eurasie et du Grand nord. Par conséquent, la crise syrienne n’est pas gérée - par et pour elle-même - par les grandes puissances mais en fonction des contraintes d’un autre espace-temps.

    Celui-ci nous projette à l’horizon 2030/2050, dans les postures d’une nouvelle Guerre froide qui oppose déjà les Etats-Unis, la Chine et la Russie…

    Richard Labévière

    notes

    Journaliste, Rédacteur en chef du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch

    Euro-synergies lien

    http://www.lesobservateurs.ch

    http://www.voxnr.com/cc/di_varia/EuupVEylEuTXbuhiPv.shtmlsource : Euro-synergies :: lien

  • Les Etats-Unis auront le dessous face à l’axe Moscou–Pékin

    Interview de Folker Hellmeyer,* analyste en chef de la Bremer Landesbank

    Folker Hellmeyer, analyste en chef de la Bremer Landesbank, n’a aucun doute à propos de l’avenir du système économique mondial: l’axe Moscou–Pékin l’emportera sur l’ancien dominateur que furent les Etats-Unis. Ces deux capitales élaborent une stratégie à long terme et ne recherchent pas de profit à court terme. En raison de son obéissance aveugle, l’Union européenne pourrait compter parmi les perdants. Aujourd’hui déjà, les sanctions causent des dommages considérables à l’Allemagne et aux autres Etats de l’Union européenne.

    Deutsche Wirtschaftsnachrichten: Les Etats de l’Union annoncent toujours de nouvelles pertes en raison des sanctions contre la Russie. A votre avis, quel dommage les sanctions ont-elles déjà causé?

    Folker Hellmeyer: Le dommage dépasse de loin les chiffres suggérés par les statistiques. Commençons par l’économie et par le dommage enregistré jusqu’à maintenant. La diminution annuelle des exportations allemandes en Russie, qui s’est chiffrée à 18% en 2014 et à 34% durant les deux premiers mois de 2015, ne reflète qu’un effet primaire. Il y a aussi des effets secondaires. Les pays européens qui commercent beaucoup avec la Russie, tels la Finlande et l’Autriche, accusent un refroidissement sensible de leur conjoncture. Par conséquent, ces pays passent moins de commandes en Allemagne. Pour éluder les sanctions, de grands groupes européens envisagent d’implanter des sites de production particulièrement efficients en Russie. Nous perdons ainsi des capitaux potentiels, qui constituent la base de notre bien-être et qui échoient à la Russie.

    Il n’est pas encore possible d’envisager une fin prochaine des sanctions. Quel pourrait être le montant de la facture que devra régler l’industrie allemande d’exportation?

    Envers la Russie, l’Allemagne et l’Union européenne ont mis en péril leur crédibilité économique. Elles ont ébranlé la confiance mise en elles. Il faudra plusieurs années pour rétablir cette confiance. Entre la signature et la livraison d’exportations de biens d’équipement allemands et européens s’écoulent jusqu’à cinq ans. Pour cette raison, Siemens vient de faire son deuil d’un gros projet. Alstom n’a pas reçu commande du trajet Moscou–Pékin. Non seulement pour l’Allemagne, mais aussi pour l’UE dans son ensemble, les dommages potentiels sont donc beaucoup plus importants que les données actuelles ne l’indiquent. Les dommages futurs ne peuvent être évalués avec précision, mais ils sont considérables.
    De plus, l’axe Moscou–Pékin constitue, dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et des pays BRICS, le plus grand projet de croissance des temps modernes, l’établissement de l’infrastructure eurasienne de Moscou à Vladivostok, à la Chine méridionale et à l’Inde. On apprendra ultérieurement dans quelle mesure ces pays en pleine expansion considèrent, dans le cadre de ces projets énormes, la politique des sanctions comme un affront non limité à la Russie.
    Visiblement, la capacité d’abstraction fait défaut à quelques protagonistes de la politique européenne dans leur action en notre nom.

    Qui supportera finalement le dommage?

    Le dommage mesurable consiste en une croissance non réalisée, en des salaires non perçus, au manque de contribution aux assurances sociales ainsi que de recettes fiscales. Il en va ainsi des derniers douze mois et des prochaines années. Les citoyens allemands et des autres pays de l’UE payent ce prix par la limitation de leur bien-être et de leur stabilité. Le dommage non mesurable consiste en risques géopolitiques accrus que courent les habitants de l’UE.

    Considérons maintenant la situation en Ukraine de façon terre-à-terre. Le gouvernement de Kiev semble avoir pour intérêt primordial de maintenir une situation telle qu’il reçoive toujours de nouveaux crédits. Quand se décidera un politicien occidental à parler clairement?

    En fait, c’est énervant. Les gens qui ne sont pas axés seulement sur les «médias occidentaux de qualité» s’étonnent que les médias cachent les agressions de Kiev et les lois discriminatoires adoptées par le gouvernement de Kiev, qui ne correspondent pas du tout aux valeurs et à la démocratie occidentale. Je veux bien croire que M. Steinmeier s’exprime sans ambages à portes fermées. Décisif est toutefois si le comportement au-delà de l’Atlantique le soutient. A cet égard, j’attire l’attention sur les propos curieux tenus par Mme Victoria Nuland, représentant les intérêts des Etats-Unis en Europe orientale. C’est un fait que, lors du coup fomenté en Ukraine, une oligarchie de tendance amicale envers Moscou a été remplacée par une oligarchie favorable aux Etats-Unis. Il s’agissait de géopolitique qui servait des forces tierces, mais assurément ni l’Allemagne, ni l’UE, ni la Russie, ni l’Ukraine.

    La ministre des Finances Natalie Jaresko est une ancienne collaboratrice du ministère des Affaires étrangères américain, qui n’a acquis la citoyenneté ukrainienne qu’un jour avant sa prestation de serment. L’ancienne employée de banque en placements est-elle simplement imbattable ou y a-t-il un plan de maître à l’arrière-plan?

    Je ne la connais pas personnellement. Elle a fait l’objet de nombreux écrits, dont l’expression «imbattable» ne provient pas forcément. Le fait que des postes importants de l’administration ukrainienne soient occupés par des personnes externes, extrêmement proches des Etats-Unis et de leurs institutions, reflète le caractère géopolitique du coup d’Etat. La notion de «plan de maître» peut donc s’utiliser en l’espèce.
    Une personnalité importante de la politique allemande récente qui n’est plus en fonctions disait, lors d’un entretien bilatéral, que ce qui décrit le mieux la géopolitique américaine sur l’échiquier ukrainien est le sang de «pions» ukrainiens, les champs de la bande extérieure de l’échiquier formée par Moscou et les attaques contre le centre de pouvoir de Pékin. Je partage cette opinion.
    C’est un fait que les pays en pleine expansion se dérobent à l’hégémonie des Etats-Unis. La fondation par ces pays d’institutions concurrençant la Banque mondiale (BAII) et le FMI (Nouvelle banque de développement) le manifestent clairement, ce qui déplaît au dominateur encore en fonctions. Les centres actuels de crises internationales tels que l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, la Libye, l’Egypte et l’Ukraine reflètent ces luttes de pouvoir. Ne voulions-nous pas établir partout la démocratie et la liberté? Voyons les succès remportés …

    Divers Etats de l’UE, parmi lesquels figurent l’Italie, l’Autriche et la Hongrie, bougonnent de plus en plus contre les sanctions. En revanche, une unanimité presque fantomatique règne en Allemagne. Quelles en sont les raisons?

    Le citoyen allemand est rassasié. Malgré les affaires qui lui échappent, il va bien, les prochaines vacances sont toutes proches. Pour s’exprimer de manière politiquement correcte, son attitude envers la géopolitique des Etats-Unis est fort polie, notre politique aussi. Le nivellement politique et médiatique de cet ensemble de thèmes exerce ses effets.

    Quels effets exercent les sanctions dans les relations germano-russes? 

    Les relations sont ébranlées sur le plan politique. Toutefois, les deux parties poursuivent leur dialogue, ce qui est fondamentalement positif. Moscou est très déçu de la politique allemande. La Russie estime de manière très réaliste la capacité allemande de formuler et de réaliser, dans l’intérêt de l’Allemagne et de l’Europe, une politique indépendante des intérêts américains. La situation semble meilleure sur le plan des entreprises. On recourt pleinement aux divers niveaux d’entretien. On se prépare au jour X après les sanctions. Toutefois, un rapide essor au niveau d’avant la crise est peu vraisemblable. La Russie est un ours. De nouvelles voies d’approvisionnement sont construites maintenant, qui ne seront pas simplement abandonnées après la fin des sanctions. Les choix fixés sans réflexion semblent en vogue à l’Ouest, mais non à Moscou. Chaque jour marqué par la politique des sanctions nous éloigne d’un avenir commun.

    Quelles conséquences ont les sanctions dans les économies de l’UE?

    Une croissance des exportations et un dividende de paix font défaut. Nous réformons les pays faibles de la zone euro et rétablissons, au prix de sacrifices importants, leur compétitivité internationale, avant de leur dérober des marchés. La main gauche de la politique de l’Allemagne et de l’UE sait-elle ce que fait la main droite?

    Quels sont les risques courus par les banques européennes?

    Ces risques sont calculables en grande partie. Le contrôle qu’effectuent et qu’ont effectué à cet égard les autorités de surveillance est efficace et ne tolère aucun accident durable.

    Pourquoi les grandes associations, tel le BDI [Fédération de l’industrie allemande], plient-elles les genoux? On croit naïvement que leur existence se justifie par leur représentation des intérêts de l’industrie.

    Il y a une différence sensible entre les communiqués officiels des associations et leur situation matérielle et humeur internes. Dans les entreprises, les protestations sont sensibles. Néanmoins, je suis déçu des prises de position officielles des associations, qui agissent de manière politiquement correcte. Cette attitude consiste en une correction limitée, et donc incorrecte par définition.
    Dans les branches axées sur l’exportation, la politique des sanctions est d’une importance considérable, voir existentielle. Invoquer en la matière le primat de la politique est, compte tenu de la mission de ces associations, un refus partiel de prendre ses responsabilités.

    Le mépris qu’affiche le gouvernement des Etats-Unis à l’égard des Européens est remarquable, eu égard à la NSA et au «Fuck the UE.» Les politiciens européens n’ont-ils aucun amour-propre ou sont-ils trop lâches?

    Le vrai démocrate qui prend au sérieux ses devoirs de politicien envers la res publica et ne foule pas aux pieds son droit d’autodétermination doit tirer les conséquences de ces déclarations. S’il s’en abstient, il accuse un déficit par rapport au canon de valeurs susmentionné. Je ne suis donc pas le bon interlocuteur. Vous devriez poser ces questions à nos responsables politiques.

    La tendance à faire des courbettes à Washington est inversement proportionnelle à l’agressivité intérieure. Tout d’abord, les partisans d’une autre opinion sont diffamés comme admirateurs de Poutine et, plus récemment, comme trolls de Poutine, s’ils n’aboient pas avec les loups. La guerre froide nous coûte-t-elle déjà une part de nos libertés individuelles?

    Dans l’avant-propos de mon livre intitulé «Endlich Klartext» [Enfin exprimé clairement], publié fin 2007, j’écrivais: «Les marchés libres meurent les premiers, puis décède la démocratie!» Cet ouvrage analysait aussi le système hégémonique des Etats-Unis. Il est recouru aux débats géopolitiques actuels pour abolir les libertés individuelles démocratiques du pays. Le rythme de ce démantèlement s’accélère. Je suis plus inquiet que jamais. Pour l’heure, je m’occupe de la notion de «terreur du courant dominant». Nous nous prétendons tolérants et pluralistes. Cependant, celui qui s’écarte, à propos de thèmes sensibles, de l’opinion dominante, s’expose à l’isolation ou à la diffamation. Cette évolution est en opposition flagrante avec la prétention à la démocratie et à la liberté. Oui, les conflits actuels se paient sous forme de démocratie.

    Contrairement à l’Allemagne, les Etats-Unis connaissent de vifs débats, à gauche comme à droite, sur le comportement hégémonique du gouvernement. Pourquoi n’en est-il rien en Allemagne? 

    C’est vrai, mais ces débats n’ont aucun effet sur la composition du Parlement des Etats-Unis. Si, chez nous, les débats sont moins spectaculaires, le Parlement compte davantage de couleurs, même si la grande coalition limite l’efficacité de l’opposition. En fin de compte, beaucoup d’Allemands ne confondent-ils pas bien-être et liberté d’établissement avec la notion de liberté?

    Comment le conflit évoluera-t-il? Peut-on envisager que les Américains et les Russes se rassemblent – en raison de l’IS ou de la Syrie – et que les Européens suivent et paient?

    A mon avis, les vainqueurs du conflit sont déjà devant nous. L’axe Moscou–Pékin–BRICS est gagnant. Or il en a assez de l’Occident. En 1990, ces pays avaient quelque 25% du produit intérieur brut mondial. Aujourd’hui, ils en ont 56% et 85% de la population mondiale. Ils contrôlent quelque 70% des réserves de devises mondiales et leur croissance moyenne est de 4 à 5% par année. Les Etats-Unis n’étant pas disposés à partager la puissance mondiale (répartition des voix au FMI et à la Banque mondiale notamment), les pays en pleine expansion érigent leur propre système financier. L’avenir est là.
    Actuellement, l’UE est mêlée au conflit que les Etats-Unis ont déclenché en refusant de partager leur puissance et bloque ainsi ses possibilités de développement. Plus longtemps elle mène cette politique, plus haut en monte le prix, moins l’UE est prise au sérieux.
    Aucun problème ne peut être résolu dans le monde sans la contribution de Moscou et de Pékin. En fait, les Etats-Unis pourraient agir de façon beaucoup plus pragmatique qu’il nous semble aujourd’hui. Le manque de programme de l’UE et de l’Allemagne fait de nous un perdant.

    Que doit-il se passer pour que l’Allemagne ait de nouveau sa propre politique extérieure et économique?

    A cette question, je passe, et vous prie de m’en excuser.

    Quelle influence exerce sur un lieu d’exploitation le fait que le gouvernement se livre à de petits jeux géopolitiques plutôt que de défendre bec et ongles les intérêts du pays?

    Le lieu d’exploitation subira des dommages.

    Le parlementaire moyen comprend-il les effets réciproques de la politique et de l’économie?

    Je ne vous cacherai pas un certain scepticisme à cet égard.

    La politique s’améliore-t-elle quand les politiciens comprennent toujours moins l’économie, mais que leur nombre s’accroît toujours davantage?

    Certainement pas. La stabilité d’une démocratie dépend de celle de son économie. Si l’économie subit durablement des dommages, la radicalisation de sa société augmente. L’empire allemand a fait cette expérience en 1933. Outre cette variante, il y a celle dans laquelle la démocratie se transforme en démocrature, pour finir en oligarchie. A ce sujet, la version originale d’une étude publiée par l’Université de Princeton proclame: «Les Etats-Unis ne sont plus une démocratie, ce sont une oligarchie! Hoppla, ce n’était pas politiquement correct …»
    Actuellement, il y a plus en jeu que ce que le petit homme perçoit ou veut percevoir. Vous m’en voyez fort inquiet.     •

    Source: Deutsche Wirtschaftsnachrichten du 24/7/15

    (Traduction Horizons et débats)

    *     Folker Hellmeyer, né en 1961, est analyste en chef de la Bremer Landesbank depuis avril 2002. Auparavant, il avait été notamment courtier senior à la Deutsche Bank, à Hambourg et à Londres, ainsi qu’analyste en chef de la Landesbank Hessen-Thüringen. Il intervient régulièrement dans les médias au sujet des marchés internationaux.

    http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=4688

  • Le Rafale indien est-il un mirage?

    C'est hélas ce que l'on peut craindre si l'on en juge par les informations relayéespar Boulevard Voltaire (extrait ci-dessous), mais également présentées ici.

    L'Inde souveraine a décidé d'annuler l'achat de 126 Rafalecommandés à grand renfort de publicité et de promotion élyséenne. 18 milliards d'euros qui tombent à l'eau. Et quel est l'heureux élu : Vladimir Poutine, l'ennemi juré de notre mal-aimé Président qui sera très heureux de livrer 128 avions de combat made in Russia.
    Voici donc des milliards qui s'envolent en fumée, et un nouveau camouflet couronnant notre brillante politique étrangère, et signant un nouveau vrai faux succès de l'équipe de trahison actuellement en place. Et pendant ce temps-là les négociations sur le TAFTA/TTIP se poursuivent, dans une opacité de plus en plus épaisse, ...

    Paula Corbulon

  • « Eloge des frontières », de Régis Debray

    Régis Debray, venu d’une ultra-gauche mondialiste marxiste, ne cesse d’étonner. De livre en livre comme dans sa remarquable revue Médium il évolue vers un national populisme tranquille et solidement argumenté. Bousculant avec allégresse ses utopies d’origine, il établit de nouvelles frontières intellectuelles. A lire, faire lire, commenter, réfléchir, diffuser. Après Didier Marc c’est au tour de Claude Lenormand de nous y inciter avec un article à paraître dans Livr’Arbitres, la revue du pays réel.
    Polémia

    Médecins sans frontières, proxénètes saxophonistes sans frontières, sosies d’Elvis Presley sans frontières, arrêtons-nous ici, la liste est longue et la pauvre frontière semble passée de mode. Dans une Europe fatiguée, Euroland – capitale Bruxelles – ne sait même pas où sa frontière s’arrête. Les doses de Valium du Borderless World bercent des vieillards gâtés. La ville monde du libéralisme marchand et l’hyper-classe mondiale rêvent d’un monde enfin unifié (exact pendant de la bonne vieille société sans classes marxiste) où enfin hommes et marchandises, réduits à leur valeur d’échange, circuleraient librement.

    La frontière se rebiffe

    Mais la frontière se rebiffe ! Vingt-sept mille kilomètres de frontières nouvelles ont été tracées depuis 1991. Le droit international – pétrole et gaz obligent – territorialise la mer. La frontière est insubmersible tant sont profondes ses racines. Religieuses tout d’abord. Jéhovah sépare la lumière des ténèbres puis sépare la terre et les eaux. Zeus coupe l’androgyne primitif (tant regretté par Platon) pour en faire un homme et une femme. Toute création implique partage et toute frontière a un fond sacré. Sacré comme sanctuaire viennent du latin sencire : délimiter, entourer, interdire. Par la frontière le politique rejoint le religieux. Là où il y a du sacré, il y a aussi une enceinte. Ce que la communauté perd en superficie elle le gagne en durée et en intensité. La séparation nous protège comme elle nous prolonge, rejoignant Paul Valéry : « Ce qu’il y a de plus profond chez l’homme c’est la peau ».

    La frontière déclenche la guerre et établit la paix

    La frontière est par essence ambivalente. Elle déclenche la guerre et établit la paix. L’exemple du conflit israélo-palestinien en est une vivante illustration. Faute de limites territoriales clairement établies, deux peuples – aux racines historiques mais antagonistes – s’affrontent entre oppression quotidienne et défense par le terrorisme. Elle inhibe la violence et peut la déclencher. Elle dissocie et réunit. Janus, le dieu du passage, a deux faces. C’est la membrane qui détermine la cellule. La membrane, couche isolante, protège et en même temps régule l’indispensable échange entre le dedans et le dehors. Notre première maison c’est la matrice maternelle. En japonais fukuro, sac, poche, désigne aussi bien la mère que la communauté de naissance. Cette même communauté érige des frontières culturelles visibles ou invisibles. Dans L’Empire des signes Roland Barthes établit un catalogue du Japon, de ses signifiants, les corps, les visages, l’écriture et leurs entrelacs. Tous ces traits circulent et forment délibérément un système, le Japon, et un peuple, les Japonais. Le chaos initial pour le nouvel arrivant se décrypte en ordre symbolique qui forme un peuple. Nos drapeaux, nos chansons (aussi ce que Deleuze appelle la ritournelle, l’air que l’on sifflote dans le noir), nos comptines, nos hymnes, notre manière de faire la cour, de faire l’amour, ce que nous buvons, ce que nous mangeons sont des référents implicites ou explicites qui établissent autant de frontières culturelles.

    Par ces frontières culturelles la population devient un peuple

    Par ces frontières culturelles la population devient un peuple. La question en apparence secondaire de la nourriture halal est culturellement fondatrice pour le vécu le plus ordinaire de chacun : ce que les peuples européens mangent tous les jours. Manger halal et réclamer son extension (déjà faite dans nombre de cantines collectives et chez certains traiteurs) c’est marquer clairement son appartenance à une autre communauté, elle-même porteuse d’un grand nombre de valeurs culturelles implicites ou revendiquées ni inférieures ni supérieures mais clairement autres. « La religion sans la culture devient une façon économique de rentrer au village tout en restant sur place », une manière élégante de faire sécession tout en tirant profit de certains avantages culturels – notamment sociaux et financiers – de la cellule d’accueil.

    L’idéologie transfrontiériste

    Que veut en réalité l’idéologie transfrontiériste ? Quelles sont ses perspectives concrètes affectant tant notre vie individuelle que notre devenir commun ? Tout d’abord masquer un économisme ontologique défendant les intérêts matériels et moraux de l’hyper-classe mondialisée. Avalisant le moins d’Etat, conférant à la libre circulation des hommes et des marchandises l’onction d’un dogme, le transfrontiériste déguise les multinationales en autant de fraternités. L’exception culturelle, voilà la barrière à abattre pour le bobo mondialiste figure emblématique de la classe médiatique. Ouvrir les vannes, c’est à coup sûr renforcer encore le rôle de l’argent. Là où tout est monnayable, seuls les dépossédés ont intérêt à la territorialisation. « Leur seul actif, c’est leur territoire ». Les très riches n’ont pas de frontières, d’un coup d’avion ils se transfèrent avec leur famille vers le « bon territoire », entendez celui où la fiscalité est la plus favorable. D’un coup de clavier les banques leur transfèrent leurs avoirs, la vie est belle et sans frontières. Mais les autres ? Les classes moyennes, les pauvres ? « Le faible n’a pour lui que son bercail ». Economisme donc mais aussi absolutisme et affadissement des saveurs du monde. Les terroirs (pour le vin la lutte entre les appellations européennes par terroirs et les américaines par cépages est révélatrice), les patois – et toute autre langue que le Globbish English est un patois –, les rites, les cérémonies, les rythmes propres à chaque culture sont des obstacles à la société comme marchandise, au monde comme monnaie. Cet absolutisme se transforme volontiers en impérialisme compassionnel. « Justice sans limites » fut le nom initial donné par les Etats-Unis dans leur première opération contre l’empire du mal, le terrorisme. Le devoir d’ingérence était difficile à digérer même pour les estomacs néo-colonialistes les plus robustes. Il s’est donc mué en un charmant « devoir de protection » qui est la même chose mais en plus chantant. Il va de soi que ce devoir sacré de protection des peuples s’applique à la Libye. Pour des raisons inexpliquées à ce jour il ne s’applique pas à Bahrein. Gageons que la présence de la base centrale de la VIe flotte américaine en Méditerranée n’y est pour rien. Pour le Tibet, le peuple Karen, l’Algérie, la Tchétchénie et d’autres les paris sont ouverts mais soyez prudents dans votre mise et mesurez bien les rapports de force avant d’engager votre chemise.

    La bonne frontière

    La bonne frontière, c’est celle qui permet des aller-retour, des échanges fructueux sans que chacun renonce à être soi-même. Qu’y a-t-il de plus agréable que de franchir une frontière pour découvrir de l’étranger, de l’inconnu, de l’autre. Qu’y a-t-il de plus doux que le devoir d’hospitalité ? Cette hospitalité qui est détruite dès que le franchissement de frontière se transforme en colonie de peuplement. Pour les juristes et les spécialistes du droit une priorité s’impose :

    « Le droit à la frontière… un droit ? Non : le devoir de frontière est une urgence ». Merci, Monsieur Debray.

    Claude Lenormand , 1/04/2011

    Régis Debray, Eloge des frontières, Gallimard 2010, 96 pages
    A retrouver sur Livr’Arbitres, la revue du pays réel

    http://archives.polemia.com/article.php?id=3717