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géopolitique - Page 787

  • Syrie : accord entre Américains et Russes

    NEW YORK (NOVOpress via Bulletin de réinformation) – En marge de l’assemblée générale de l’ONU, au Conseil de sécurité, l’accord signé la nuit  du 26 au 27 ne devrait pas mentionner le chapitre 7 de la Charte de l’ONU. Rappelons que celui-ci permet, par des mesures coercitives allant de sanctions économiques jusqu’à l’usage de la force, de contraindre un pays à se plier à une décision du Conseil. En cas de non respect des engagements, il faudrait une deuxième décision, ce qui laisse à Moscou, allié de Damas, un droit de regard et une possibilité de blocage.

    De son côté, dans une interview donnée mercredi à une chaîne de télévision vénézuélienne, Bachar el-Assad a renouvelé son engagement à détruire son arsenal chimique. « La Syrie s’engage généralement à toutes les conventions qu’elle signe, a-t-il déclaré. Elle a remis dernièrement l’inventaire (de son arsenal chimique) à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et prochainement, des experts se rendront en Syrie pour vérifier l’état des lieux de ces armes ».

    Mais Bachar el-Assad est sans illusion sur la volonté belliqueuse des Etats-Unis : « La possibilité que les Etats-Unis lancent une attaque contre la Syrie est toujours réelle. Soit sous le prétexte des armes chimiques, soit pour d’autres prétextes » a-t-il déclaré. Il serait naïf de croire que seules des considérations humanitaires expliquent cette volonté d’éliminer le régime de Bachar, hostile à Israël et aux pétromonarchies

    D’autre part les experts de l’ONU ont commencé hier de nouvelles enquêtes sur des allégations d’utilisation d’armes chimiques, après celle du mois dernier qui avait conclu à l’utilisation de gaz, mais n’avait pas désigné de responsables.
    Selon un haut responsable de l’ONU « Ce sera une mission rapide », et les experts seraient en Syrie « pour quelques jours ».

    Rappelons par ailleurs que mardi dernier, treize groupes rebelles islamistes influents, dont certains font partie de l’Armée syrienne libre, la coalition rebelle dite modérée, ont annoncé qu’ils rompaient leurs liens avec l’opposition politique en exil et formaient une nouvelle alliance avec un groupe lié à Al-Qaïda.

    http://fr.novopress.info/141755/syrie-accord-cette-nuit-entre-americains-et-russes/#more-141755

  • La France face aux défis géopolitiques mondiaux

     

    La France face aux défis géopolitiques mondiaux
    Intervention du géopolitologue Aymeric Chauprade lors de l’Université d’été du Front National, le 14 septembre 2013
    Mesdames et Messieurs,
    Jamais dans notre histoire, à l’exception des périodes de défaites et d’occupation, la France n’avait autant tourné le dos à son rang, à son influence, à sa liberté.
    Jamais ses dirigeants ne l’avaient autant détourné de ses constantes géopolitiques, qui lui assuraient dans le monde une place exceptionnelle, qui faisaient que où que l’on regardait, l’influence de la France se faisait sentir. Nous ne sommes pas ici cependant pour sombrer dans la nostalgie et le pessimisme. Nous sommes ici pour comprendre les défis géopolitiques qui sont lancés à la France, pour y répondre, pour apporter des solutions crédibles, efficaces, capables de rendre aux Français la foi dans leur pays, la conviction que le déclassement n’est pas inéluctable, que le redressement est possible.
    D’immenses transformations sont en train de se produire dans l’ordre mondial de la puissance, des mécanismes identitaires et idéologiques inquiétants s’y développent, et face à cette réalité, le système actuel reste prisonnier de ses vieux schémas idéologiques, incapable d’affronter la réalité du monde et d’adopter en conséquence son mode de pensée, enfermé dans un mélange d’aveuglement et d’arrogance.
    Oui, Mesdames et Messieurs, ces défis sont considérables et ils sont bien la réalité du monde, mais hélas le camp du déni de réalité, le camp du refus du réel, s’emploie à maintenir le voile qui obscurcit le regard des Français, qui ralentit leur prise de conscience.
    Ce sont des hommes faibles, sans vision, conformistes, qui ont entraîné la France dans les guerres mondiales du XXe siècle. Et ce sont les mêmes qui aujourd’hui n’ont ni la volonté, ni le courage, d’affronter ceux qui défient l’autorité de l’État sur le territoire, mais qui, dans le même temps, sont prêts à exposer la vie de nos militaires et à bombarder des innocents pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres.
    Depuis plus de trente ans, il y a un homme qui a dit aux Français ce qui allait leur arriver, qui a mis son talent immense, sa liberté de pensée et de ton, au service de la vérité, parce qu’il fallait alerter les Français, parce qu’il fallait les réveiller. Cet homme n’a cessé d’avoir raison, face à de fausses élites responsables du déclin mais qui ont préféré lui faire payer la vérité au prix fort des attaques ignobles, et les Français sont passés à côté de lui, ils ont laissé passer cette première chance qui leur était offerte d’engager le redressement de la France. Mais les combats se mènent dans la durée. Ce qui était annoncé, les Français commencent à l’entendre, à le comprendre, parce qu’ils le voient se réaliser sous leurs yeux.
    Je tiens à dire devant vous, ici, que je ne serais pas ce que je suis, c’est-à-dire un résistant, si durant tant d’années, bataillant au cœur du Système, je n’avais regardé Jean-Marie Le Pen comme l’espoir du redressement français.
    Et je tiens à vous dire, que lorsqu’un préposé au déclin français m’a privé de ma Chaire, à l’École de Guerre française, en 2009, pour un livre qu’il n’avait même pas lu, parmi les nombreux messages de soutien que j’ai reçus à l’époque, il en est un qui a compté plus que tout, celui de Jean-Marie Le Pen !
    Mais il ne faut pas leur en vouloir à nos compatriotes, parce que d’abord, lorsque l’on est patriote, on aime sa famille, toute sa famille, même ceux qui ne pensent pas comme nous, et il faut avoir pour eux beaucoup de compassion, parce qu’un Système tout entier, d’éducation, de médias, de réseaux économiques et syndicaux, a dressé devant leurs yeux un Mur du Mensonge.
    Mais aujourd’hui le mur s’effrite, trente ans de coups assénés l’ont ébranlé, lui ont arraché des pierres, des failles se sont ouvertes, dans lesquelles des pans de vérité s’engouffrent, et ce mur, j’en suis convaincu, par le rassemblement de tous les patriotes, d’où qu’ils viennent, derrière et avec Marine, nous le ferons tomber !
    Et alors, lorsque ce mur sera tombé, apparaîtra nue devant les yeux des Français la nouvelle réalité du monde, pas l’illusion d’une France solide dans laquelle nos politiques tentent, par tous les moyens, de maintenir les Français, non, la réalité du monde, d’un monde qui est en train de vivre une totale réorganisation de la puissance, où pour la première fois depuis au moins six siècles, l’Occident est en passe d’abandonner la main à l’Asie, où l’énorme masse démographique orientale, du Moyen-Orient jusqu’à l’Extrême-Orient est en train de renverser les équilibres de puissance.
    Si nous nous posons la question des défis géopolitiques lancés à la France, il me semble qu’il faut commencer par se poser les questions essentielles. Et les questions essentielles, elles se résument, comme toujours, au verbe être et au verbe avoir. Il en va des nations comme des personnes : elles ont une identité, elles ont un rang, elles ont un besoin de sens, de liberté, de prospérité.
    Les défis que je vais aborder partent de ces questions : qu’en sera-t-il de notre identité, de notre rang dans la société des nations, de notre liberté de choix, de notre accès aux matières stratégiques ?
    Il y a d’abord ce choc terrible entre d’un côté la volonté des États-Unis d’imposer leur projet unipolaire, leur mondialisation contrôlée par une oligarchie financière et militaro-industrielle, et de l’autre côté, d’autres grands pays, et les émergents, qui veulent un monde multipolaire, fondé sur l’équilibre, le respect des souverainetés, le dialogue des civilisations, le droit propre à chaque peuple de croître et de s’affirmer à travers son propre modèle de culture.
    Pour maintenir leur rang de numéro 1 mondial, face à l’émergence de la Chine, face au retour de la Russie, face au défi des émergents régionaux, les États-Unis ont lancé, après l’effondrement de l’URSS, un chantier géopolitique global, un chantier colossal servi par leur formidable outil de défense – qui pèse à lui seul la moitié de l’effort de défense mondial –, servi par un formidable outil de propagande et de fabrication de l’opinion, de fabrication des élites grâce à des centaines de clubs et réseaux transatlantiques ou transpacifiques…, un outil global d’information et d’influence qui étend son emprise au plus profond des médias et partis politiques européens, japonais, sud-coréens, latino-américains, qui s’appuie sur le plus formidable outil d’espionnage jamais développé, celui de la NSA, qui écoute ses citoyens et ses alliés, jusqu’aux chefs d’État.
    C’est ce formidable outil informationnel qui maintient l’illusion d’une Communauté internationale qui n’existe pourtant pas, qui n’est rien d’autre en réalité que le club des puissances rangées derrière les États-Unis, c’est cet outil qui raconte qui est le Bon et qui est le Méchant, qui remet en scène à chaque fois la fable des armes de destruction massive en convoquant les mêmes communicants et cautions intellectuelles sur les plateaux.
    Au nom des droits de l’homme et souvent sous le prétexte terrifiant des armes de destruction massive, ils ont attaqué, avec ou sans mandat onusien, l’Irak, la Yougoslavie, la Libye, l’Afghanistan, ils ont tenté de retourner l’Ukraine, de déstabiliser la Géorgie. Souvent, ils avaient les islamistes radicaux de leur côté, toujours il en a résulté un affaiblissement des États-nations, une exacerbation des rivalités ethniques et communautaires, un recul de la civilisation.
    Le bilan incontestable de ces guerres depuis 1990, au-delà des véritables chiffres des tués civils et militaires, ou de ces 2 500 blessés militaires français en Afghanistan, qui ont perdu un œil, un membre, qui sont passés sous silence par les médias pour une guerre qui n’aura servi strictement à rien, le bilan c’est toujours plus de chaos, toujours moins d’État-nation, toujours plus de communautarisme, de fanatisme religieux, de violence contre les femmes, de persécutions des minorités chrétiennes comme ces décapitations de chrétiens syriens à Maaloula ces derniers jours.
    Alors on se demande pourquoi ? Pourquoi font-ils cela ? Ces guerres ils les veulent et les déclenchent, non pour les droits de l’homme, Mesdames et Messieurs, car il n’aura échappé à personne que la cruauté et la barbarie humaine s’exercent en bien d’autres points de la planète, et que les médias dominants ne s’en émeuvent jamais ; non, ces guerres ils les font dans un seul but, un but qui résume tous les buts géopolitiques : empêcher l’émergence d’un monde multipolaire fondé sur l’équilibre des puissances.
    Et pourquoi cette oligarchie mondialisée ne veut-elle pas d’un monde multipolaire, c’est-à-dire d’un monde où les peuples souverains établissent des équilibres de puissance seuls garants de la paix ? Tout simplement parce que la mondialisation est pour eux le moyen d’effacer la souveraineté des peuples, et l’Union européenne est le projet, si j’ose dire le plus parfait, de cet effacement de la souveraineté des peuples, donc de leur liberté, au profit de l’oligarchie mondialisée. C’est bien pour cela qu’il ne peut pas résulter d’Europe puissance de cette Union européenne, puisque l’oligarchie mondialisée ne vise pas la puissance des Européens, elle vise l’optimisation de ses intérêts particuliers à l’échelle mondiale !
    Quand certains européistes se lamentent, parfois sincèrement, de l’absence d’Europe puissance, qu’ils reviennent aux fondations du projet européiste et ils comprendront qu’ils raisonnent sur un énorme malentendu. Ce projet européiste ne donnera jamais la puissance aux Européens, bien au contraire, il évacue la puissance des nations européennes, pour faciliter leur digestion dans le projet mondialiste américain ! Donc ils ne veulent pas de la démocratie authentique des peuples, ce qu’ils veulent c’est une oligarchie mondiale.
    Pour comprendre tout cela, il est impératif que les Français changent leur manière de voir le monde : ils ne doivent plus résumer le monde à une opposition simpliste entre des démocraties et des dictatures, mais bien plutôt le regarder comme une guerre invisible entre oligarchie mondialisée, et de l’autre côté l’expression souveraine du peuple qui prend tantôt le chemin démocratique, tantôt le chemin autocratique.
    Et empêcher le monde multipolaire, c’est par exemple freiner tout rapprochement entre les grands ensembles eurasiatiques, Union européenne, Russie, Chine. Car à leurs yeux, l’Union européenne doit rester un ventre-mou de l’OTAN, une périphérie de l’Amérique, pour eux l’OTAN doit s’étendre jusqu’aux frontières de la Russie et de la Chine, pour eux la Russie et la Chine ne doivent pas s’entendre, pour eux la Russie ne doit pas établir de partenariat énergétique avec l’Union européenne.
    On ne peut pas comprendre pourquoi la presse occidentale diabolise à ce point le président Poutine, qui a pourtant redressé la Russie de manière spectaculaire depuis 1999, et qui nous apporte la preuve qu’un grand pays peut se redresser vite, économiquement, géopolitiquement, s’il est bien gouverné, donc on ne peut pas comprendre cet acharnement de nos médias contre Poutine, si l’on ne comprend pas qu’il est l’obstacle majeur à une stratégie américaine qui veut couper le gaz russe à l’Union européenne et le remplacer par le gaz du Qatar (gaz du Qatar qui doit passer alors par le territoire syrien) et le gaz libyen (lui-même en partie sous contrôle du Qatar) et demain, s’ils en prennent le contrôle, du gaz iranien.
    En tentant d’installer des régimes amis au Moyen-Orient, les États-Unis cherchent à contrôler une énergie (pétrole et gaz) dont, à la fois, l’Asie et l’Europe ont besoin, et dont l’Europe aura d’ailleurs d’autant plus besoin qu’elle s’éloignera de la Russie.
    Alors que voulons-nous, nous Français, un monde unipolaire dominé par les États-Unis mais qui débouchera, après la Syrie, après l’Iran, sur une guerre mondiale avec la Russie et la Chine, une de ces conflagrations que la finance mondialisée a su organiser déjà deux fois dans le cercle dernier, au prix de millions de morts, et pour son plus grand profit, ou bien voulons-nous la paix, la paix de l’équilibre multipolaire, fondée sur le respect des souverainetés, l’équilibre des puissances qui seul dissuade d’attaquer son rival économique et géopolitique ?
    Nos dirigeants ne voient-ils donc pas, que lorsqu’ils alignent systématiquement la France sur les intérêts américains, qui ne sont d’ailleurs pas les intérêts du peuple américain mais ceux de l’oligarchie mondialisée, que lorsqu’ils additionnent notre puissance à leur puissance, ne voient-ils pas qu’ils contribuent à fragiliser la paix mondiale ?
    Ont-ils oublié ce qui a fait la grandeur et la place de la France, dans toute son histoire ? Être une puissance d’équilibre face aux empires, résister aux impérialismes. Empereur en son royaume, tel était le Roi de France et au-delà des rois, la France républicaine a aussi suivi cette voie singulière, cette voie d’équilibre ; voilà sa constante, voilà ce qui a fait sa grandeur, à cette France éternelle qui n’est morte avec aucun régime pas plus qu’elle n’est née d’un autre !
    Au lieu de nous faire l’écho de cette rhétorique fausse des droits de l’homme, masque cynique d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, c’est la paix, c’est l’équilibre, c’est le respect du droit international et des souverainetés qu’il faudrait défendre ! Voilà ce que serait la valeur ajoutée de la France sur la scène internationale, voilà ce qui lui rendrait sa grandeur !
    Mesdames et Messieurs, le deuxième grand défi géopolitique auquel est confronté la France, c’est celui du fondamentalisme islamique.
    Là encore le prisme idéologique a faussé la raison de nos dirigeants. Ils n’ont pas su anticiper la fracture des pays arabes en deux projets de société radicalement distincts, aucun n’étant d’ailleurs démocratique. Soit le projet islamique, porté par les courants Frères musulmans et salafistes, en Égypte, en Libye, en Tunisie, chez les rebelles de Syrie, soit le projet arabiste et modernisateur mais autoritaire, que privilégient encore de larges franges des sociétés arabes.
    C’est durant la Guerre froide à la faveur du duel américano-soviétique, que les Américains ont à la fois laissé arriver au pouvoir la Révolution islamique chiite en Iran et soutenu les islamistes sunnites en Afghanistan. Ils ont noué une alliance souterraine durable avec des djihadistes qui se sont transportés d’Afghanistan en Irak, en Bosnie, en Libye et aujourd’hui en Syrie. L’armée américaine fait peut-être le coup de feu contre l’islamiste depuis le 11 septembre 2001, mais les services de renseignement américain savent, quant à eux, jouer avec cet ennemi utile, qui justifie les guerres américaines, coalise autour de Washington les alliés, permet de tisser des coopérations anti-terroristes partout dans le monde…
    Une grande partie de ce qui se passe au Moyen-Orient, aujourd’hui, tient aussi au fait que la France n’a pas tenu son rang. Elle aurait du, dès 1991, refuser de s’attaquer à l’Irak baasiste, et s’employer à nouer une alliance solide avec tous les régimes arabistes, en les convaincant aussi de se réformer peu à peu, au fil des progrès enregistrés en matière de développement. Car c’est le développement qui fonde la démocratie et non l’inverse. Laissons les pays se développer souverainement, avec leur modèle et à leur rythme et mener leurs propres réformes politiques, au lieu de vouloir décréter partout la démocratie, ce qui détruit les équilibres fragiles et fait régresser les sociétés ! Ces régimes avaient besoin de temps pour faire évoluer les sociétés musulmanes, d’autant plus de temps, que l’islam est par essence politique et que lui appliquer un schéma de laïcité revient mécaniquement à entrer en conflit avec lui. Mais ces régimes avaient déjà commencé une modernisation considérable de la société, en rapprochant les femmes arabes du statut que la civilisation chrétienne leur donne. Tout cela a été anéanti sous les bombes de l’OTAN, le même OTAN qui a affaibli le rempart chrétien serbe multiséculaire de l’Europe pour installer à nos portes un nouvel État musulman, le Kosovo, fondé pour l’essentiel sur une économie mafieuse.
    La France n’a pas joué son rôle d’équilibre au Moyen-Orient face à l’alliance des États-Unis et du fondamentalisme sunnite. Elle en récolte les fruits amers aujourd’hui. Le piège islamique se referme doublement sur elle-même : à l’intérieur avec un phénomène marqué de réaffirmation identitaire islamique, et à l’extérieur avec des pays arabes qui, du Maroc jusqu’au Golfe, sont partagés entre deux projets radicalement opposés, l’occidentalisation ou, au contraire, la réislamisation radicale de la société. Aucun compromis démocratique n’est possible quand les projets de société sont à ce point opposés ! L’exportation de la démocratie à l’occidentale de l’autre côté de la Méditerranée s’avère donc être un tragique facteur de guerre civile. Les Libyens, les Tunisiens, les Égyptiens sont en train d’en payer le prix.
    La perspective d’avoir un jour des régimes islamistes violemment hostiles à l’Occident, en Égypte ou en Algérie par exemple, qui disposeront d’appareils militaires conséquents, devient chaque jour plus crédible. Dans ce contexte, nos fractures identitaires intérieures, qui ne cessent de s’agrandir, ne peuvent plus être occultées. La simple application du cadre républicain laïque ne résistera pas à l’épreuve des dynamiques démographiques. Dans l’histoire du monde, aucune société multiconfessionnelle n’a résisté à l’épreuve des changements de rapport de force démographique.
    Aussi je vous le dis, avec le regard de l’historien du temps long et du géopolitologue, si la France n’assimile pas rapidement à sa civilisation, à la civilisation française produit de plus de 1500 ans d’histoire, ses compatriotes musulmans, alors c’est l’islam qui digèrera la France, et qui l’assimilera à un monde musulman en pleine expansion démographique. Et cela Mesdames et Messieurs, c’est bien la mère de toutes les batailles, c’est le premier défi géopolitique de la France, le défi géopolitique intérieur, qui est un défi identitaire, parce que l’on met beaucoup plus de siècles à fabriquer une société qu’une économie, et que l’on ne répare pas l’identité comme on répare l’économie !
    En Asie, en Amérique latine, en Russie, où la cohésion identitaire, qu’elle soit ethnique ou religieuse, est forte, on se pose des questions sur l’avenir de la France en tant que civilisation française. Plus le temps passe, moins l’on considère que la France sera un partenaire fiable, pas seulement à cause de son déclin industriel, pas seulement à cause de la crise de son État-providence, mais d’abord et avant tout à cause de sa crise identitaire. Il y a donc un lien intime entre le rang de la France dans le monde, et la continuation de la civilisation française. Songez à ces touristes chinois qui font des milliers de kilomètres pour admirer la civilisation française, Notre-Dame et Versailles, mais qui se font dépouiller et agresser par des Français de papier ! Pas besoin du sociologue de service pour qu’ils comprennent où est la civilisation et où est la barbarie !
    Alors se contenter de la neutralité, de la laïcité républicaine, dans une société où est en train de jouer librement la concurrence identitaire et démographique, c’est proprement suicidaire, tout simplement parce qu’à un moment donné, les communautarismes seront devenus suffisamment forts, sur le plan démographique, pour se débarrasser de la laïcité républicaine, pour imposer leur loi, au mépris même de la démocratie, elle-même produit, on l’oublie trop souvent, d’un long cheminement de l’histoire grecque, romaine et chrétienne. Alors Mesdames et Messieurs, oui, je le dis haut et fort, il nous faudra bien, à un moment ou un autre, établir un lien évident entre la citoyenneté française et l’adhésion à la civilisation française ! Cela s’appelle l’assimilation et cela nécessitera des choix forts qui aboutiront d’un côté à la fabrication de vrais Français, pas des Français de papier, pas des consommateurs de l’État-providence, et de l’autre côté au départ de tous ceux qui ne veulent pas adhérer à notre civilisation produit de plus de 1500 ans d’histoire, dont nous sommes fiers et dont nous rendrons à nouveau fiers les petits Français !
    Mesdames et Messieurs, je vous l’ai dit, dans les défis il y a d’abord le verbe être mais il y a aussi le verbe avoir. Et s’agissant du verbe avoir, le troisième défi géopolitique que je vois pour la France, après le mondialisme, après l’islamisation de l’Europe occidentale, c’est celui de la sécurité de nos futurs approvisionnements, notre sécurité énergétique mais aussi notre sécurité alimentaire.
    Je l’ai dit, les États-Unis ont une stratégie de domination énergétique claire : ils veulent contrôler l’essentiel des zones de production du Moyen-Orient pour peser sur la dépendance énergétique européenne et asiatique. Et par ailleurs, ils augmentent leurs approvisionnements venant de l’autre façade atlantique, l’Afrique, qui empruntent des routes à l’écart des champs de bataille du Moyen-Orient. Et puis ils seront peut-être en 2020, devant l’Arabie Saoudite, le premier producteur pétrolier. Il y a aussi le gaz de schiste, car les Américains, eux, explorent et innovent sans s’embarrasser du principe de précaution, l’un des sacro-saints dogmes de l’Union européenne, et avec cette formidable foi dans la science qui leur fait penser qu’ils gèreront les problèmes après !
    La France devra préparer son avenir énergétique en mer. Déjà 30 % de la production d’hydrocarbures mondiaux se fait offshore, comme on dit dans le jargon pétrolier, c’est à dire en mer. Et la tendance va s’amplifier. Le pétrole et le gaz de demain, c’est en mer que nous irons le chercher. Et nous avons un atout extraordinaire que nos politiques délaissent pourtant année après année. La France n’est pas seulement un territoire européen. Elle est un territoire mondial. Nous avons la deuxième zone économique exclusive du monde, après les États-Unis, avec 11 millions de km², dont 90 % dans les départements et collectivités d’Outre-mer, souvent des îlots du bout du monde où notre Marine nationale patrouille de moins en moins faute de crédits. En réalité, c’est grâce aux fonds des océans que nous pourrions devenir une grande puissance pétrolière et gazière, mais aussi une puissance qui saurait maîtriser les hydrates de gaz, et quantité de ressources minérales stratégiques, grâce aux sulfures hydrothermaux riches en cuivre, zinc, plomb, cobalt, argent et or, et les fameux nodules polymétalliques. Les énergies de demain, celle des courants marins, ou la troisième génération de biocarburants qui épargnera de précieuses terres agricoles, comme les nouvelles formes d’alimentation, viendront de cette magnifique qualité maritime dont jouit la France.
    Quand on pense que cette année 2013 nos politiques ont failli laisser s’échapper de notre souveraineté, l’île de Tromelin, dans l’océan Indien, cet îlot qui avec son kilomètre carré de surface battue par les vents nous offre un domaine maritime de 285 000 km2, la moitié du territoire de la métropole, et bien sûr toutes les ressources halieutiques, les ressources en poisson qui vont avec ! Voilà de quelle manière nous sommes gouvernés aujourd’hui, dans l’indifférence politique devant les sujets de grande ampleur, dans l’ignorance de la longue durée, au profit de la comédie médiatique, de l’immédiateté, du court-terme, qui ronge notre classe politique et l’empêche de faire les choix décisifs. Heureusement qu’il reste un État, avec des hauts fonctionnaires qui, souvent encore, ont le sens de l’État, le goût de l’intérêt général, que j’appelle moi le Bien commun des Français. Ils regardent vers nous de plus en plus, ces vrais serviteurs de l’État, car ils ont compris qu’entre la liquidation de l’État et l’étatisme pachydermique il y a un juste chemin, il y a la restauration d’un État moderne et performant, d’un État stratège venant en appui de l’économie libre. Et s’il y a bien un domaine où justement c’est l’État qui devra donner l’impulsion, c’est celui de la mer !
    Car demain, Mesdames et Messieurs, une grande partie des contentieux et conflits géopolitiques dans le monde vont porter sur la souveraineté maritime. En Asie, les tensions sont fortes entre Chine, Japon, les deux Corée, et bien d’autres pays, autour du contrôle d’îles considérées comme stratégiques. Chacun veut étendre son domaine maritime, et la Chine en particulier veut régner sur la mer de Chine pour s’offrir ensuite le grand large, le Pacifique, où elle rencontrera bientôt, comme le fit le Japon à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, la domination américaine sur le Pacifique. Allons-nous, là encore, abandonner notre Pacifique Sud au duel sino-américain ? Entendez-vous nos politiques nous parler de la mer ? Non, cela devrait pourtant être un sujet de premier plan pour nos belles provinces maritimes de l’Ouest et du Sud, et pour notre France lointaine, cette France lointaine qui, je l’espère, finira bientôt par s’affranchir des fausses idées et des préjugés, et par comprendre que nous sommes les seuls à l’aimer et tenir autant à elle.
    Mesdames et Messieurs, si la souveraineté n’avait pas d’avenir comme le proclament les chantres de l’européisme depuis des décennies, alors pourquoi le monde entier investit-il autant dans la souveraineté maritime ? Pourquoi se bat-on autant pour avoir une zone économique exclusive et, au-delà même, une extension du plateau continental ? Regardez ce paradoxe extraordinaire, au moment où l’on continue à faire croire que la souveraineté est tournée vers le passé : jamais, je dis bien jamais dans l’histoire de l’humanité, les souverainetés ne s’étaient autant étendues sur les mers et les océans qu’en ce début de XXIe siècle ! Demandez aux Brésiliens de vous parler de l’Atlantique Sud ! Ils vous expliqueront qu’ils veulent dominer l’Atlantique Sud jusqu’au Golfe de Guinée et empêcher l’OTAN de s’y aventurer. Demandez aux Canadiens pourquoi ils sont en train de renforcer leur marine de guerre, dans la perspective de la grande mêlée pour le contrôle des routes de l’Arctique, où les glaces sont en train de fondre ! Regardez les Russes, jamais depuis Pierre le Grand, ils n’avaient lancé un tel effort naval ! Et je ne parle pas de la Chine qui aura ses porte-avions, de l’Inde, de la croissance formidable du nombre de navires de surface et de sous-marins dans toute l’Asie et en Amérique latine !
    Mais l’accès aux ressources, ce ne sont pas seulement les réserves d’hydrocarbures offshore ou les mines d’uranium du Niger et du Mali, la sécurité alimentaire sera aussi un grand problème dans les années à venir. En 2050 ce seront entre 9 et 14 milliards de personnes qu’il faudra nourrir sur la planète, soit une augmentation au minimum de + 70 % de la demande alimentaire globale. L’évolution des régimes alimentaires dans les pays émergents qui s’approchent des régimes alimentaires des pays industrialisés, est un facteur qui va fortement augmenter la consommation de viande et de lait, donc, en amont, le besoin de céréales. Comme pour l’énergie, qui nous conduit à la souveraineté maritime, la géopolitique de l’agriculture nous ramène à la souveraineté terrestre, qui elle aussi est loin d’être dépassée, bien au contraire, à ces stratégies de nombreux pays pour acquérir des terres agricoles, pour augmenter leur souveraineté sur des terres fertiles, en Afrique, en Amérique latine ou ailleurs. Regardez le problème de la Chine qui, avec 9 % des terres agricoles, doit nourrir 20 % de la population mondiale et qui a déjà acheté 2 millions d’hectares de terres cultivables en Asie et en Afrique. Ma conviction c’est que sur ce sujet, comme sur tant d’autres, nos gouvernants se sont cruellement trompés : ils ont cru qu’une économie moderne n’était qu’une économie de services, et j’apprenais en effet à l’école que dans les pays développés les secteurs dits primaire (l’agriculture) et secondaire (l’industrie) cèderaient naturellement leur place, suivant une sorte de loi de l’histoire et de la globalisation, au secteur tertiaire, les services. Ils se sont trompés. Une large partie de la puissance des États-Unis aujourd’hui c’est bien sa puissance agricole. Et quand on dit que le protectionnisme c’est dépassé, et bien les États-Unis, entre 2008 et 2012 ont aidé leur agriculture à hauteur de 300 milliards de USD. Les États-Unis ont 17 % de leur population active dans le secteur agro-alimentaire. Avez-vous l’impression qu’ils sont en arrière de l’histoire ?
    Il y a une grande constante de l’histoire de France, c’est que notre grandeur s’est faite avec nos paysans, nos marins, nos ouvriers, nos ingénieurs, alors si notre agriculture s’efface, que nos usines et nos chantiers navals ferment, que nos ingénieurs partent en Allemagne, aux États-Unis ou en Asie, de quoi la puissance française sera-t-elle faite demain ?
    Mesdames et Messieurs, la France a su affronter depuis plus de 15 siècles des défis considérables et elle les a relevés. Rien n’est perdu. Bien au contraire, tout devient possible car le réveil est en marche, nous avons d’abord un chef, Marine, qui a démontré des qualités de caractère et de conviction, que personne ne possède dans l’offre politique concurrente, nous avons une dynamique forte qui fera sans doute du Front national bientôt le premier parti de France, nous avons des Français qui sont en train de se réveiller, agressés dans leur identité, agressés dans leurs valeurs familiales, agressés dans leur situation économique et sociale. C’est hélas bien humain, beaucoup ne prennent conscience du danger que lorsqu’ils l’expérimentent eux-mêmes. Et de ce point de vue il y a un effet statistique. Comme de plus en plus de Français expérimentent eux-mêmes l’agression de notre identité et la perte de notre rang, ils se réveillent et nous rejoignent. Ce n’est pas que nous prospérerions sur les peurs et la misère comme aiment à le dire beaucoup de médias, c’est tout simplement que la peur et la misère ne trouvent aucune réponse crédible ailleurs que chez nous ! Ce n’est pas la même chose ! Ils inversent les choses dans le seul but de protéger les positions de ceux qui gouvernent depuis des décennies et n’ont pour seul bilan, objectif, implacable, que le déclassement progressif de la France sur la scène internationale et l’expansion de la souffrance chez nous.
    Nous ne pourrons relever ces défis géopolitiques mondiaux que si nous reprenons en main notre destin et donc qu’à la condition de changer d’Union européenne, de rompre avec un projet européiste qui avait promis aux Français l’Europe-puissance et qui leur a donné l’Euramérique et l’Eurabia, à la condition de retrouver notre souveraineté et de défendre la réorganisation d’une Europe-civilisation fondée sur les nations libres.
    Alors nous romprons avec cela, avec l’européisme bruxellois comme avec l’atlantisme, en contribuant d’abord à forger un axe Paris-Berlin-Moscou solide sur le continent européen, nous prônerons l’équilibre entre les États-Unis et la Chine en soutenant l’équilibre multipolaire et la paix des armes, en nous posant comme une puissance de médiation sur la scène internationale, nous favoriserons notre influence culturelle et politique à travers la Francophonie, nous relancerons une politique africaine fondée sur le développement et la maîtrise des flux migratoires, en sortant du couple malsain corruption/repentance coloniale, nous travaillerons à faire barrage au fondamentalisme religieux au Moyen-Orient, nous soutiendrons une paix juste au Proche-Orient, nous renforcerons notre projection d’influence économique et politique dans le Pacifique Nord tout en maintenant et consolidons notre position précieuse dans le Pacifique Sud, nous referons de la France une grande puissance maritime et dotée d’un outil de défense terrestre, aérien et naval à la hauteur des menaces des décennies à venir, nous sécuriserons nos approvisionnements stratégiques sans dépendre des États-Unis, et grâce à l’État stratège il n’y aura pas un secteur de l’innovation qui échappera à nos ingénieurs, à nos scientifiques.
    Mesdames et Messieurs, je choisis, ici à Marseille, ville tournée vers notre vocation maritime, mais aussi ville attaquée au plus profond de son identité par le crime et le mépris des Français, ville où éclate au visage des Français la terrible impuissance de notre État et de ses dirigeants, je choisis de vous dire que je soutiens désormais publiquement votre combat, que j’y adhère pleinement, et que je me range derrière Marine Le Pen, seul chef politique capable de fédérer la dynamique patriotique qui se développe dans notre pays ! À vous tous ici qui combattez avec courage, parfois depuis de longues années et au prix de vos positions sociales, je demande d’admettre en vos rangs un amoureux acharné de la France, descendant de générations de paysans et de marins qui ont versé leur sang pour notre liberté, et qui ne veut pas léguer à ses enfants, l’entrée dans une autre civilisation !
    Je dis aussi à ceux qui, parce qu’ils croient en leurs qualités intrinsèques, ou bien qui restent dans l’immaturité adolescente du combat pur et sans compromis, à tous ceux là qui mènent des aventures personnelles et groupusculaires, je leur dis : « Vous n’avez aucune chance de décoller et vous ne ferez qu’ajouter à l’inertie et la désunion, qui ont tant fatigué notre pays à travers les siècles, et vous ne ferez que reculer le moment du redressement. » Faites donc taire vos logiques d’ego derrière la seule logique pragmatique et intelligente qui puisse être : faire gagner la dynamique nationale qui pèse le plus sur la scène politique française.
    Je dis encore, à ceux qui voient toujours quelques barrières idéologiques à un plein ralliement à Marine Le Pen, à sa dynamique de rassemblement, je leur dis :
    Oubliez ce qui différencie, regardez plutôt ce qui unit, l’amour de la France, la volonté de perpétuer notre civilisation française, et sortez des querelles gauloises, parce que les uns voudraient plus d’État, d’autres en voudraient moins, parce que les uns voudraient plus de laïcité, d’autre plus de christianisme, rassemblons-nous, gagnons et donnons enfin une chance à la France de rester la France !
    Aymeric Chauprade, 14 septembre 2013
  • Islamisme : nous vivons une 3ème guerre mondiale. Et si on disait les choses comme elles sont

    Tribune de Jean Bonnevey.

    Les islamistes ont déclenché depuis le 11 septembre et même avant, une troisième guerre mondiale pour imposer leur islam au monde entier. On refuse de le dire par peur de l’islamophobie. Et pourtant cet islam du terrorisme veut imposer sa lecture du coran aux mauvais musulmans et aux infidèles. Ils le font avec un terrorisme qui parfois répond à la définition de crimes contre l’humanité. Au Kenya, au Pakistan, en Egypte, au Nigeria et ailleurs, ils tuent en fonction de la religion. Au Kenya, les clients du super marché qui ne savaient pas réciter des sourates du coran étaient immédiatement abattus par les islamistes somaliens. Au Pakistan c’est une église qui a été visée dans le pire attentat de ce genre dans ce pays.

    Kenya

    Les milices d’Al-Chebab n’ont pas cessé de menacer le Kenya depuis leur formation fin 2006, menaces qui se sont amplifiées dès octobre 2011, lorsque les troupes kényanes ont rejoint les forces de l’Union Africaine en grand nombre pour chasser les chebabs de la capitale, Mogadiscio et les repousser vers le sud du pays. L’armée kényane est très active aux côtés de l’Union africaine (UA), et un allié solide des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Est. Pour Murithi Mutiga, rédacteur en chef du Daily Nation, journal de Nairobi cette tragédie est l’occasion de faire réaliser au monde que « nous vivons dans un monde interconnecté et qu’avoir un pays failli comme voisin, tel que la Somalie, peut avoir des effets bien au-delà de ses frontières ».

    Pakistan

    Un double attentat suicide commis devant une église à la sortie d’une messe a fait au moins 78 morts , bilan sans doute comparable à celui du centre commercial de Nairobi. C’est l’attaque la plus sanglante jamais menée contre la minorité chrétienne de ce pays, selon les autorités locales. Ces deux attaques perpétrées par deux kamikazes et revendiquées par une faction du Mouvement des talibans pakistanais (TTP) ont visé l’Eglise de tous les Saints, de Peshawar, la principale ville de la province de Khyber Pakhtunkhwa, dans le nord-ouest. Le Pakistan impliqué dans cette guerre mondiale aux cotés ou contre les talibans afghans ?

    Mondialisation

    Depuis la guerre qui se poursuit contre les talibans, les Usa et leurs alliés sont intervenus en Irak, en Libye et envisagent de le faire en Syrie, tout en menaçant l’Iran, rien que des pays musulmans…. pas un hasard tout de même. C’est bien une guerre mondiale asymétrique. Les Usa tentent d’imposer leur vision du monde aux états par la guerre et les islamistes la leur, par le terrorisme ou la révolution.

    On voit les imagistes en Tunisie en Egypte au Yémen et dans des pans aussi entiers de cités européennes. A quand une prise d’otage dans un de nos supermarchés ? Qui ne comprend que c’est une guerre mondiale que nous ne voulons pas, que nos gouvernants nient, par peur de l’amalgame avec l’islam et de favoriser une islamophobie qui favorise elle-même les droites identitaires européennes ou américaines. Pourtant c’est évident. Ce qui se passe et ce qui s’est passé au Kenya ou au Yémen en sont des illustrations. Et la guerre ne date pas d’hier.

    Le 28 novembre 2002 à Mombasa (Kenya) : Un attentat-suicide à la voiture piégée était organisé contre un luxueux hôtel tenu par un propriétaire israélien. L’explosion tua trois Israéliens et dix Kényans. Quelques minutes avant cet attentat, deux missiles sol-air avaient été tirés en direction d’un Boeing 757 de la compagnie aérienne Arkia Israel Airlines qui venait de décoller de l’aéroport de Mombasa. Mais l’appareil n’a pas été touché et a finalement pu atterrir sans encombre avec ses 261 passagers à Tel-Aviv. Les attaques ont toutes deux été revendiquées par Al-Qaida.

    Le 7 août 1998, au Kenya toujours et en Tanzanie : Deux attaques quasi simultanées touchaient les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et Dar-es-Salaam (Tanzanie). Des voitures piégées de plusieurs centaines de kilos d’explosifs firent 243 morts et des centaines de blessés à Nairobi, tandis qu’à Dar es-Salaam une douzaines de personnes moururent et quelques centaines furent blessées. C’était la première fois qu’un tel mode opératoire, d’une telle ampleur, était appliqué en Afrique subsaharienne. A Nairobi, le souffle de l’explosion avait détruit plusieurs immeubles du quartier d’affaires où se situait l’ambassade américaine.

    Des membres présumés d’Al-Qaïda ont lancé trois attaques simultanées contre des sites de l’armée et de la police dans le sud du Yémen, tuant 56 militaires et policiers, ont indiqué ces derniers jours des sources militaires et locales.

    Ces 10 dernières années, deux autres attentats ont été perpétrés contre des bâtiments de guerre dans ce secteur. Le premier a visé le destroyer américain USS Cole (DDG 67), gravement endommagé par une embarcation piégée dans le port d’Aden, en octobre 2000. La seconde attaque s’est produite en octobre 2002 contre le pétrolier français Limburg, touché par un canot bourré d’explosifs alors qu’il se trouvait au terminal d’Ash Shihr.

    Islamisme : nous vivons une 3ème guerre mondiale. Et si on disait les choses comme elles sont

    Détroit de Bab-el-Mandeb

    Les Etats-Unis redoutent que des attentats soient en préparation contre les navires empruntant le détroit de Bab-el-Mandeb, au large du Yémen. Pétroliers, porte-conteneurs, vraquiers… Il s’agit de l’un des principaux points de passage du commerce maritime mondial, emprunté notamment par les navires reliant l’Asie et la région du Golfe à l’Europe. « Des renseignements laissent penser qu’Al-Qaïda continue de préparer des attaques en mer le long des côtes du Yémen dans le détroit de Bab-el-Mandeb, en mer Rouge et dans le golfe d’Aden (…) les risques que des bateaux soient pris pour cible sont maximaux dans les zones où les manœuvres sont peu faciles »,

    C’est le même islamisme que l’on combat donc au Mali ou en Somalie et bien sur au Yemen et que l’on devrait combattre en Syrie. Nos doutes débouchent sur des incohérences qui mettent nos soldats et nos populations en danger. Nous sommes en guerre, car on nous fait la guerre, mais nos gouvernements ne l’admettent pas par aveuglement idéologique. Nos faiblesses sont leurs forces. Nous nourrissons leur détermination de nos hésitations.

    Et pourtant il faudra bien la mener et la gagner, cette guerre.

    Jean Bonnevey http://fr.novopress.info/141663/islamisme-nous-vivons-une-3eme-guerre-mondiale-et-si-on-disait-les-choses-comme-elles-sont/#more-141663

    Source : Metamag.


    Crédit image dans le texte : DR.

  • Russie : Le forum Valdaï et la question de l’identité nationale

    Par Alexandre Latsa

    La semaine dernière j’ai eu le plaisir de participer à un débat télévisé, c’était une table ronde sur la question de l’image de la Russie à l’étranger. La question était de savoir si les russes méritaient leur mauvaise image à l’étranger ou s’ils étaient victimes d’une image négative fabriquée et véhiculée par les médias notamment.

    Ruben Safronov – “Monastère dans les collines de Valdaï” (1993)

    Le débat a très rapidement dévié sur le fait de savoir s’il fallait ou non se préoccuper de l’image de la Russie et des Russes à l’étranger et surtout sur ce que sont les russes et la Russie. La question de l’identité nationale reste, dans la Russie de 2013, une question essentielle et les nombreuses discussions du club Valdaï à ce sujet viennent de le prouver.

    La Russie est un pays dans lequel se côtoient énormément de peuples et de religions et des cultures totalement différentes. La Russie est européenne, slave et orthodoxe mais également asiatique, touranienne et musulmane. Elle est un pays tout à la fois nordique et méridional, et de l’Ouest comme de l’Est de l’Eurasie.

    A cette immense variété culturelle et géographique, il faut ajouter qu’en Russie se côtoient tant le XIXième, que le XXième ou le XXIième siècle. Il est donc bien difficile de définir ce qu’est aujourd’hui un russe moyen et le regard que l’étranger porte sur un Russe ou un Russien, ou peut être sur les Russes et les Russiens.

    La Russie sort de trois épreuves historiques fort différentes n’ayant en commun que leur violence et la destruction de la morale et de l’identité qu’elles ont généré: la période monarchiste autoritaire (le tsarisme qui toléra l’esclavage jusqu’au début du siècle dernier), la période soviétique qui contribua a la création d’un homme nouveau (l’homo soviéticus) au prix de la destruction de l’identité religieuse et nationale et enfin la période post-soviétique et libérale, qui en une grosse décennie seulement, est arrivée à  détruire la Russie sur le plan moral, sanitaire et démographique.

    Le réveil russe auquel nous assistons depuis 2000 sur le plan économique et politique pose deux questions essentielles: qu’est-ce qu’être Russe aujourd’hui, et comment fonder une identité russe saine pour le siècle. La Russie Tsariste ne différenciait les citoyens que selon leurs rangs, pendant que l’Union Soviétique jouait la carte transnationale et citoyenne.

    Dans les années 90, la Russie faisait face à une situation complexe: assurer une pacifique transition du modèle politique (de l’URSS à la fédération de Russie) tout en évitant que l’éclatement territorial ne crée des conflits sur des bases territoriales, ethniques, religieuses ou simplement identitaires.

    Les stratèges de l’époque ont alors conçu un terme lexical pour définir les habitants de la Russie: le terme Rossianin, que l’on pourrait traduire par Russien en français. Utilisé par Boris Eltsine lorsqu’il s’adressait au peuple, ce terme était censé regrouper et mettre sur un pied d’égalité tous sous ensembles de la fédération de Russie. Mais en réalité, il contribua à créer une différence fondamentale entre les Russes ethniques, les Russkie, et les autres.

    Une décennie plus tard, le retour en force de l’identité religieuse au sein de tous les peuples de la fédération se retrouve sans doute troublé par cette distinction de fait et qui dans l’inconscient collectif est la suivante: le russe est orthodoxe pendant que le rossianin serait autre et plutôt musulman ou bouddhiste.

    Cette distinction s’accentue dans un climat ou la tendance profonde en Russie est une tendance au renforcement des identités, puisque le très sérieux Kommersant constatait il y a quelques jours que “La Russie connaît une montée de sentiments nationalistes, tandis que certaines républiques du pays peuvent déjà être qualifiées d’islamiques (…) Pour certains experts la Russie se trouve au seuil d’une grave crise nationale“.

    Cette crise potentielle pourrait menacer la stabilité voire l’intégrité territoriale du pays et le président russe s’est montré très offensif à ce sujet lors du discours de clôture du forum Valdaï qui s’est tenu comme chaque année. Le chef de l’État russe a en effet appelé à ouvrir un débat sur la question de l’identité nationale et à la définition d’une identité culturelle et spirituelle. Pour lui, les frontières à ne pas franchir pendant ce débat sont tout ce qui pourrait porter atteinte à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité du pays.

    Le président russe a rappelé que “l’idée nationale ne pouvait apparaître par des règles mondiales et communes et qu’était révolu le temps ou l’on pouvait copier et appliquer une identité dans un pays comme on installe un logiciel dans un ordinateur“. Il a martelé que la Russie était un: “État-civilisation fondé sur la langue russe, la culture russe, l’Église orthodoxe russe et les autres religions traditionnelles de la Russie” ou encore que: “ce modèle avait toujours fait preuve d’une certaine flexibilité face aux spécificités locales, permettant l’unité dans la diversité“.

    En 2007 à Munich, lors d’un discours qui a fait date (en version française ici), Vladimir Poutine avait clairement prévenu que la Russie ne tolérerait plus le modèle mondial unipolaire qui était en fin de cycle et que la Russie allait affirmer sa condition d’état souverain et de puissance avec laquelle il allait falloir compter. Les cinq années qui suivirent lui donnèrent raison. L’épisode de la guerre en Géorgie en 2008 puis celui de la situation actuelle en Syrie prouvent que la Russie est inexorablement passée du statut de puissance régionale à celui de puissance mondiale.

    A la différence du discours de Munich en 2007, ou le président russe avait fait clairement apparaître la volonté russe d’activement participer à l’élaboration d’un monde multipolaire, le discours de Valdaï 2013 est apparu comme une critique beaucoup plus précise et affirmée des modèles de développements “euro-occidentaux” au sens large. Le président russe a par exemple vanté le traditionalisme comme étant le cœur de l’identité de la Russie, tout en déplorant les menaces telles que la “mondialisation, le multiculturalisme et l’érosion des valeurs chrétiennes – via notamment une focalisation exagérée sur les droits des minorités sexuelles“.

    Ce faisant il a clairement opposé le modèle russe en gestation fondé sur la tradition au modèle euro-atlantique incapable d’influer sur la Russie et en perdition selon lui notamment car, par exemple, “il rejette les identités et met sur un pied d’égalité les familles traditionnelles avec beaucoup d’enfants et les familles de même sexe (homoparentales), soit la foi en dieu ou en Satan“. Vladimir Poutine a énormément insisté sur le point démographique et la disparition en cours des peuples européens du continent.

    La Russie semble avoir clairement décidé de ne pas sacrifier son modèle civilisationnel pour rejoindre la communauté-atlantique, affirmant au contraire désormais que c’est “l’Europe qui n’avait pas d’avenir sans la Russie” mais rappelant qu’elle était bien évidemment prête à collaborer avec tout pays européen ne souhaitant pas imposer ses valeurs a la Russie.

    Comme les lecteurs de RIA-Novosti le savent, le dialogue entre Russie et Occident bute en effet sur un malentendu profond qui est celui de la morale et des valeurs et il semble que sur ce point on s’approche d’un nouveau rideau de fer.

    Le président russe a aussi réaffirmé que l’objectif prioritaire de la Russie était l’intégration avec ses voisins proches et le développement de l’Union Eurasiatique pour permettre à la Russie d’occuper une place stratégique centrale et ne pas se retrouver en périphérie de blocs européens ou asiatiques.

    Cette nette réorientation stratégique et eurasiatique de la Russie ne concerne pas que la politique extérieure mais visiblement aussi et bien plus largement l’esprit des réformes en cours et du devenir de la Russie. Vladimir Poutine a dans cet esprit redéfini l’Union Eurasiatique non comme une simple coopération entre pays mais comme le seul “projet viable de préservation de l’identité et la diversité des peuples de l’espace eurasiatique dans le nouveau siècle et le nouveau monde“.

    Parlant de la nature de l’État civilisation russe, Vladimir Poutine l’a qualifié de “complexité florissante” (цветущая сложность), une expression particulière créée par l’un des pères de l’Eurasisme politique et philosophique, Constantin Leontiev.

    Constantin Leontiev avait en effet déjà développé ces conceptions eurasiatiques qui définissaient l’Eurasisme comme la “multiplicité florissante du monde”, et comme l’essence du monde multiple et multipolaire face à l’unilatéralisme occidental et ce… Au milieu du XIXième siècle.

    http://fortune.fdesouche.com/324657-russie-le-forum-valdai-et-la-question-de-lidentite-nationale#more-324657

  • Bernard Lugan, Décolonisez l’Afrique !, Ellipses, 2011.

    decolonisez l'afrique.jpg Bernard Lugan, spécialiste français de l’histoire, de la géographie et de la géopolitique de l’Afrique, n’est plus à présenter à nos lecteurs non-conformes. Il est en effet un de ces piliers, un de ces maîtres, que tous penseurs ou militants, curieux cela va de soi, se doit de connaître s’il veut comprendre le monde d’aujourd’hui au-delà de cette doxa conforme et confortable, et bien trop souvent démagogique, véhiculés par nos politiques et par les mass media.

    Sans faire un rappel exhaustif sur la vie et l’œuvre de Lugan, il convient de rappeler que cet homme est l’auteur d’une bonne vingtaine d’ouvrages sur l’Afrique, dans le temps et dans l’espace, dont les incontournables actuellement sont, sans doute, son encyclopédique Histoire de l’Afrique, Des origines à nos jours (Ellipses), L’Histoire de l’Afrique du sud des origines à nos jours (Ellipses) sortie au moment même où se tenait la coupe du monde de football en 2010 et bien évidemment son traité intitulé Décolonisez l’Afrique !

    C’est sur cet ouvrage qu’il convient de s’arrêter un peu plus longtemps.

    En effet, celui-ci s’avère primordial pour sa pertinence et son apport pour une meilleure compréhension du « problème » Africain actuel, tant dans les pays africains sous tensions, qu’en France, cette ancienne métropole de l’Afrique.

    Le propos principal de Décolonisez l’Afrique ! tient en quelques lignes, mais quelles lignes !

    L’idée est d’admettre le fait que l’Afrique d’aujourd’hui est encore colonisée, par des forces structurelles anciennes, mais aussi des forces conjoncturelles voire parfois clairement immédiates, dont les Africains ne peuvent et/ou ne veulent se défaire.

    50 ans après les indépendances, dit Lugan, l’Afrique subit encore une recolonisation économique (le FMI et la Banque mondiale imposant des tutelles fermées), politique (les pays du Nord imposant la démocratie à tout va), philosophique et morale (le paradigme de la culpabilité européenne et la victimisation qui infantilise les africains, l’ingérence humanitaire) – p 3, avant-propos. Ainsi, face à cette seconde colonisation de l’Afrique, Lugan annonce clairement qu’ « une seconde et véritable libération de l’Afrique est à la fois nécessaire et urgente ».

    Les fondements de son plaidoyer sont posés.

    Son argumentation tient en 7 chapitres, 7 thèmes qu’il convient de retenir tant ils sont pertinents en tant que grille d’analyse du problème africain, mais aussi en tant qu’outil, voire d’armes, lors de débats avec des tenants de la doxa officielle :

    1 – Le demi-siècle perdu des fausses indépendances (1960-2010).

    2 – Libérer l’Afrique de l’aide pour le développement (APD) qui l’infantilise.

    3 – Libérer l’Afrique du paradigme de la culpabilité européenne qui la déresponsabilise.

    4 – Pour en finir avec l’« immigration choisie », forme contemporaine de la traite.

    5 – En finir avec le placage des modèles occidentaux qui mutilent l’Afrique.

    6 – Prendre en compte la réalité ethnique.

    7 – Reconstruire par ethnies.

     Mon propos reprendra dans son ensemble le fil conducteur du livre.

    En outre, dans un premier temps, Lugan répertorie l’ensemble des maux de l’Afrique depuis 50 ans. Problèmes économiques, problèmes démographiques dont les croissances urbaines et les exodes ruraux colossaux en sont les exemples les plus visibles, problèmes des aides humanitaires et des aides au développement qui bloquent le développement propre de l’Afrique, problèmes politiques. Lugan estime que depuis 1960, toutes les formes d’aide et de développement qui ont été essayées ont toutes échouées avec « au bout du chemin, la faillite d’un continent » (p22). Il se pose alors la question du pourquoi de ces échecs ? :

    « La réponse est simple : parce que le diagnostic des maux de l’Afrique n’a jamais été correctement posé. Des milliers d’experts et de spécialistes se sont pourtant intéressés au cas africain, des millions de pages de rapports furent rédigées et d’innombrables thèses lui furent consacrées. Leurs auteurs, dont certains étaient d’excellents connaisseurs du milieu, n’étaient pas tous aveugles ou incompétents. Tous étaient en revanche conditionnés par le « politiquement correct africain » imposé aux Etats unis par le lobby afro-américain et en Europe par l’ « école historique de la culpabilité européenne ». Voilà pourquoi ils n’ont pas vu les vraies causes des échecs de l’Afrique ou, plus grave encore, pourquoi ils se sont interdits de les désigner. » (p22).

    3 raisons expliquent pour lui ce blocage : la primauté donnée à l’économie au détriment du politique, le refus de prendre en compte la notion de différence, et le postulat démocratique.

     Ainsi posées les bases de son argumentation, Lugan lance les hostilités, citations, chiffres et documents à l’appui.

    Le premier assaut est tourné contre l’aide pour le développement (APD) qui, selon lui, infantilise l’Afrique. Cette APD n’a cessé d’augmenter depuis 2000 : 15.6 milliards de dollars en 2000, 44 en 2008, 38 milliards doivent être versés par l’UE pour 2015. Mais, le résultat est sans appel pour notre spécialiste : l’APD a échoué dans « ces trois grands domaines qui sont ceux de la lutte contre la pauvreté, l’augmentation du PIB et celui de la résorption du chômage » (p28). Pourquoi cet échec ? « L’aide pour le développement a échoué parce que les Africains ne sont pas des Européens pauvres à la peau noire » (p 34).

    L’Homme africain est « autre », dit-il, par rapport à l’Homme européen, et cela sur quatre grands points (pp 43-44) :

    -         L’Homme africain n’est pas soumis à un « extrême individualisme » comme les Américains ou les Européens, il est lié par un réseau complexe de solidarités et de dépendances,

    -         L’Homme africain est tourné vers le présent et non le futur (dans sa définition occidentale),

    -         L’Homme africain est fortement soumis par les forces de l’au-delà, qu’il gère par des rites et des danses,

    -         L’Homme africain est lié intégralement au groupe, au premier desquels se trouvent ses ancêtres.

    Cette différence entre l’Homme africain et l’Homme européen et américain est primordiale. Malheureusement, elle est réfutée et « par avance disqualifiée de « raciste » par la police de la pensée, ce qui a pour résultat de mettre immédiatement un terme au débat » (p45).

    Dans un second temps, Lugan s’attaque à la victimisation africaine et à la culpabilisation entretenue en Europe. Ici, l’approche historique est mise en avant pour tordre le cou à certaines idées fausses très répandues : la colonisation et la Traite des esclaves ne sont pas à l’origine de la révolution industrielle européenne (les chiffres avancées montrent que la Traite représentait environ moins de 4% des échanges commerciaux anglais au XVIIIème siècle (Eltis) ; mais qu’en plus l’apport capital négrier dans le capital général de l’empire britannique ne dépassa que rarement la barre de 1% (Pétré-Grenouilleau) ; en France, les régions les plus dynamiques au XVIIIème siècle ne sont pas les régions portuaires ; en Europe, les pays continentaux s’industrialisent très biens (Allemagne par exemple) ; aux E.-U., le système esclavagiste peut-être même considéré comme un facteur déterminant dans la défaite du Sud contre le Nord (tant militairement qu’économiquement – pensons donc à la localisation de la manufacturing belt !)) (pp 53-57). 

    En outre, les colonies françaises sont assimilées au « tonneau des Danaïdes », notamment l’Algérie. L’auteur souligne que jamais aucun gouvernement n’a posé la question du nécessaire désengagement de l’Algérie, sa place en France étant admise par l’ensemble des Français. Son propos, sur le fait que la France n’a pas pillé son empire, se poursuit à travers des exemples précis. Au final, dit-il, la France s’est surtout ruinée avec son empire (p69).

                 Concernant le lien entre la colonisation et le drame africain, il existe mais pas de la façon dont le décrit le paradigme de la culpabilité européenne. (p 72)

    Lugan dénombre 5 étapes, 5 grandes phases qui montrent la responsabilité européenne sur ce drame africain (pp 73-76).

    D’abord au moment des « Grandes Découvertes » lorsqu’aux XV-XVIème siècles les Européens ont fait basculer le cœur économique de l’Afrique de l’intérieur (le Sahel notamment) aux littoraux : ceci marqua profondément l’évolution des sociétés. Ensuite, à la fin du XIXème siècle, la colonisation européenne « tua dans l’œuf » les tentatives de renaissance de certaines communautés du Sahel qui tentaient de s’étendre vers le Sud. La permanence sahélienne, musulmane et continentale se ressent encore aujourd’hui dans certains pays comme le Nigéria ou la Côte d’Ivoire. La troisième phase se produisit avec la décolonisation qui amplifia l’inversion des rapports de force : les anciens dominés devenus des cadres locaux du pouvoir colonial ont hérités des Etats artificiels légués par les colonisateurs (p75). La phase suivante se place dans les années 1990 lorsque les anciens pays colonisateurs européens imposèrent leur approche idéologique du politique, à savoir le régime démocratique fondée sur le « one man, one vote ». « Or cette mathématique électorale ou ethno mathématique donne le pouvoir aux plus nombreux (…). » Les conséquences sont dramatiques pour les peuples pasteurs très souvent en infériorité numérique face aux peuples d’agriculteurs démographiquement en force. Les tensions qui sont nées de ce système sont nombreuses et ont parfois débouché sur des massacres voire des génocides, surtout dans la région des Grands Lacs comme au Rwanda. Enfin, la dernière phase, qui découle directement de la précédente : les pays du Nord inventèrent « la calamiteuse notion d’ « ingérence humanitaire », cet indécent et hypocrite néo-colonialisme des « gentils » qui fut imposé aux opinions publiques par un véritable « matraquage » exercé par des batteurs d’estrade médiatiques », conscients des « drames provoqués par leur aveuglement idéologique et englués dans la repentance » (p76).

    L’ensemble de ces éléments, couplés au problème démographique (explosion démographique) directement causé par les progrès de la médecine et les aides humanitaires apportés par les pays du Nord, conduisent l’Afrique dans une situation très critique.

                 Par la suite, Lugan cherche à démontrer que l’ « immigration choisie » est une (la ?) forme contemporaine de la Traite. Quelques citations de sa partie suffisent à exprimer la ligne défendue.

    En introduction, d’abord, il illustre sa thèse avec des données très révélatrices : « En 2009, sur 155 900 brevets d’invention déposés dans le monde, 486 seulement le furent par des Africains, soit à peine 0.3 %. Sur ce total, les 4/5ème le furent par des Sud-africains dont 90% par des Sud-Africains blancs, les 10% restant par des Sud-Africains d’origine indienne. Le Maroc ayant déposés 46 brevets et l’Egypte 41, la part du reste de l’Afrique est donc inexistante. L’Afrique (…) se fait (…) voler ses cerveaux, ce qui est clairement une forme d’assassinat pour un continent qui ne compte que 83 ingénieurs par million d’habitants quand l’Europe en a 1000. » (p83)

    Ainsi, « l’immigration choisie » apparaît pour Lugan comme une « hypocrisie » partagée par les autorités françaises qui ont choisi de biaiser la question générale de l’immigration en se prononçant pour cette forme d’immigration (choisie) qui s’opposerait à l’ « immigration subie » (p84). « Or, cette nouvelle traite des Noirs porte sur les plus précieux des Africains, ses diplômés, et elle se fait avec l’habituelle complicité des « gentils » de l’anti-ségrégation et des requins du capitalisme. Au nom du paradigme de la culpabilité qui les hante, les premiers s’interdisent de voir qu’en les accueillant, ils saignent l’Afrique. Les seconds les encouragent à venir au nom des lois du marché, du travail global et de la mobilité de la main-d’œuvre. » (p85). Pout l’ancien président de la Commission de l’Union africaine (jusqu’en 2008), Alpha Oumar Konaré, il s’agit ni plus ni moins de « traite des cerveaux ». Une traite des cerveaux qui est facilité par l’existence de véritables filières d’études : en France, certains programmes de coopération universitaire n’existent que pour le maintien de filières alibi destinées à obtenir des moyens ou à maintenir des postes dans des universités de second plan.

                Parallèlement à cette traite des cerveaux, d’autres groupes de personnes sont concernés par une immigration qui fragilise l’Afrique. L’exemple des médecins et des infirmières est « éloquent et scandaleux à la fois », compte tenu des difficultés sanitaires que connait l’ensemble du continent (pp86-89). Le scandale de cette immigration touche également le milieu sportif, le football et l’athlétisme notamment. Dans ces sports est mis en avant, presque sans volonté de le cacher, le mercantilisme des pays du Nord vis à vis des populations jeunes africaines, victime parfois d’un véritable « drame humain », lorsque ces derniers sont escroqués par des agents véreux, comme en Ile de France (pp89-90).

    « Comme à l’époque honteuse de la Traite, des acheteurs blancs vont donc sur place, en Afrique, pour y sélectionner la « marchandise » humaine que leur présentent des intermédiaires africains (…). Comme hier, des Africains sont donc vendus aux Européens par d’autres Africains. » (p90).

    En outre, une solution existe à ce sujet, et elle fut même employée jusqu’à la victoire socialiste le 10 mai 1981. Le système en question permettait à ses jeunes universitaires de mener sur le terrain des recherches approfondies tout en assurant leurs activités d’enseignement, la France avait alors les meilleurs africanistes mondiaux. Mais tout fut supprimé sous la « pression du bas-clergé pédagogiste, le « 10 mai 1981 » ayant été la revanche des apparatchiks socialistes, souvent instituteurs syndicalisés et qui jalousaient les universitaires. Les têtes qui dépassaient furent alors coupées et les universités françaises en Afrique remplacées par des Instituts de formation pédagogique. La France ne forma donc plus des élites, mais des masses avec le résultat habituel d’une telle démarche qui fut la médiocratie généralisée. » (pp92-93).

    Enfin, on peut citer, voire même incriminer, la « francophonie » institutionnelle qui est une véritable « pompe aspirante » pour les cerveaux africains (p95) – (à noter l’obsession linguistique du Québec allant même jusqu’à acheter les élites francophones africaines).

                 Dans son chapitre V, Lugan nous invite à réfléchir sur ce qu’il aimerait être la fin du placage des modèles occidentaux mutilant l’Afrique.

    Ces modèles occidentaux sont principalement le « diktat démocratique avec sa version africaine, l’ethno mathématique, qui donne automatiquement la victoire aux ethnies les plus nombreuses » et « les frontières artificielles qui étouffent ou qui mutilent des peuples » (p98).

    Pour la question des frontières, Lugan explique qu’en traçant ces frontières, réalité inconnue et même souvent incompréhensible en Afrique, la colonisation a effectivement perturbé les grands équilibres humains africains. Pour eux, les territoires vécus, ethniques, étaient séparés par des « zones tampons », très souvent mouvantes, n’appartenant à aucun groupe, mais aux esprits. Ces « fronts pionniers » ont ainsi été brutalement contestés, détruisant l’équilibre interne à tous ces peuples (éleveurs ou agriculteurs).

    En parallèle, la question de la terre s’est posée à mesure que celle-ci devenait, après les indépendances, le principal levier des revendications nationalistes, de par sa place dans l’économie locale. Or depuis une dizaine d’années, l’ « Afrique subit une véritable recolonisation agricole et sur une échelle bien plus importante que durant l’époque coloniale » (p108), notamment par des nouveaux colons, principalement la Chine, la Corée du Sud, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Des millions d’hectares ont ainsi été vendu ou loué, surtout en Ethiopie, au Mozambique et au Soudan.

    Cependant, du fait de l’ignorance des cadastres par les populations locales africaines, des incidents éclatent au sujet de ces terres et de ce qu’elles ont à offrir aux peuples, comme à Madagascar ou au Mozambique (comme les meurtrières émeutes paysannes de septembre 2010). Ces mouvements sont, d’après Lugan, « annonciateurs » d’une vague de fond qui, tôt ou tard, réclamera la récupération des terres occupées par des étrangers. » (p112).

     Dans son avant dernière partie, B. Lugan insiste sur l’importance de la réalité ethnique, tout en critiquant les africanistes français niant celle-ci, parmi lesquels Jean Pierre Chrétien et Catherine Coquery-Vidrovitch. 

    Le premier soutient « depuis bientôt un demi-siècle que les ethnies furent créées par la colonisation ». Or, comme l’a remarqué Axel Eric Augé (p 115) : « […] l’idée de l’invention de l’ethnicité semble pour le moins simpliste en considérant que les ethnies auraient attendu le colonialisme pour se reconnaître différentes culturellement […] En somme, les Africains étaient une masse indifférenciée et attendaient les Européens pour ressentir des phénomènes identitaires ! »

    Pour la seconde, « l’ethnie fut largement fabriquée à des fins de contrôle non seulement administratif et politique, mais aussi religieux ». 

    Le comble, juste pour rire, revient au quotidien Le Monde qui le 19 janvier 2011 réunissait 38 « africanistes » dont 23 Français signant un manifeste dans lequel ils écrivaient : « Le soucis d’une analyse rigoureuse (nous soulignons) nous conduit à reconnaître qu’il n’y a pas en Côte d’Ivoire, de haine atavique entre prétendus groupes ethniques ennemis, ni même entre autochtones et allogènes, entre sudistes et nordistes, encore moins entre chrétiens et musulmans […] la Côte d’Ivoire est un melting-pot transethnique, cosmopolite et pluriconfessionnel ».

                Au final, démêlant le vrai du faux à propos de la question ethnique, l’auteur en vient à définir l’ethnie comme un « ensemble agglomérant à caractère culturel et linguistique englobant, de nombreuses tribus [groupement de clans ou de familles sous l’autorité d’un même chef] et une multitude de clans [unité sociologique désignant un ensemble d’individus consanguins descendant d’un ancêtre commun]. Contrairement à ce qui est couramment et faussement affirmé, l’ethnisme n’est donc pas la division, mais tout au contraire le fédérateur naturel du tribalisme qui, lui, peut être émiettement. »

    En cela, conclue-t-il, « la démocratie fait éclater l’ethnie, élément fédérateur et même coagulateur des identités tribales ou claniques au profit de la tribu, élément désagrégateur. » (pp125-126).

    Pour l’anecdote, Lugan relate que les dirigeants tutsi du Rwanda furent des élèves de J.-P. Chrétien et affirmèrent à sa suite que les « ethnies étant une création coloniale, le génocide de 1994 est donc le produit de la colonisation ; dans ces conditions, quiconque parle d’ethnies est un complice des génocideurs. » (p 128).

                 En conclusion de l’ouvrage, le dense chapitre VII, qui est une analyse régionale, à travers le prisme de l’ethnie, de l’Ethiopie et du Soudan (« ou la reconnaissance radicale de la réalité ethnique), de la Côte d’Ivoire et Nigeria (« des partitions refusées ») et la Guinée, le Kenya et l’Afrique du Sud (« comment organiser la cohabitation ethnique ? »).

    Cette grande partie de 50 pages ne peut être résumée dans cette chronique celui-ci éclaire considérablement l’état géopolitique et politique de ces Etats, au demeurant mal représentés et compris dans les mass media actuels.

    En somme, Bernard Lugan signe ici un ouvrage profondément engagé et engageant, précis et efficace, intellectuellement honnête, objectivement sérieux et politiquement incorrect, que je vous invite à lire et à réciter aux curieux, connaisseurs honnêtes ou malhonnêtes.

    Aristide http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • Bernard Lugan : Derrière l’attentat de Nairobi

     

    L’attentat islamiste qui a ensanglanté Nairobi le 21 septembre 2013 est le dernier d’une longue série [1]. Même si les réseaux jihadistes en sont les responsables, il cache le jeu complexe qui se joue actuellement dans cette partie de l’Afrique et qui dépasse l’habituelle dénonciation de l’ « ennemi de confort » islamiste.

     

    Quatre points méritent d’être mis en évidence :

    1) La Somalie est en guerre depuis 1991 après que, au nom des « droits de l’homme » et de la démocratie postulée salvatrice, la communauté internationale eut applaudi le renversement du général Syad Barré, autocrate certes, mais seul capable de maintenir l’unité de ce conglomérat de clans baptisé Somalie. Depuis, tout y fut tenté pour y rétablir la paix : interventions militaires directes puis indirectes des Etats-Unis suivies de celles de l’ONU, de l’Ethiopie, des Etats africains, puis enfin du Kenya. Sur ce terreau propice, se sont développés les jihadistes dont, mais pas exclusivement, les Shabaab. Ils sont soutenus à la fois par l’Erythrée qui continue à mener sa guerre indirecte contre l’Ethiopie, et par certaines pétromonarchies qui pensent acheter leur survie en subventionnant le terrorisme.

    2) Depuis le mois d’octobre 2011, l’armée kenyane mène la guerre en Somalie, officiellement afin de protéger la partie nord de son territoire de la contagion terroriste. Cette intervention s’est faite à la suite de l’enlèvement de touristes au Kenya par les Shabaab somaliens. Comme le tourisme est sa seconde source de devises, le Kenya ne pouvait pas ne pas réagir.

    3) Dans tout le nord du Kenya, la contagion islamo-tribale somalienne est réelle. [...]

    La suite sur Afrique Réelle

    [1] Le 24 octobre, une grenade fut lancée dans une discothèque Nairobi ; au mois de décembre 2011, de nombreuses attaques se produisirent dans le nord du Kenya, le dimanche 30 septembre 2012, une église de Nairobi fut attaquée, le 1°juillet 2013, 17 morts furent à déplorer dans l’attaque de deux églises à Garissa près de la frontière avec la Somalie, etc.

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Bernard-Lugan-Derriere-l-attentat

  • Nouveau livre de Bernard Lugan : “Printemps arabe – Histoire d’une tragique illusion”

    Nouveau livre de Bernard Lugan : “Printemps arabe – Histoire d’une tragique illusion”

    Quatrième de couverture, table des matières du livre de Bernard Lugan.

    En 2010-2011, la Tunisie, l’Egypte et la Libye connurent des évènements spécifiques, hâtivement baptisés « printemps arabe » par des journalistes voulant y voir autant d’avancées démocratiques.
    L’échec de cette tragique illusion est à la hauteur des emballements émotionnels qu’elle suscita :

    - La Tunisie est en faillite économique et le climat politique y est devenu explosif. Les Frères musulmans au pouvoir veulent faire adopter une Constitution ayant la charia pour norme, ce que refusent des foules de plus en plus nombreuses. La radicalisation des positions est illustrée par l’assassinat de leaders de l’opposition et par la naissance d’une insurrection armée islamiste qui pose de sérieux problèmes à l’armée tunisienne.

    - En Egypte, ceux qui ne supportaient plus leur vieux chef militaire se sont finalement donnés à de jeunes chefs militaires pour échapper aux « fous de Dieu », ce qui n’empêcha pas le pays de basculer insensiblement dans ce qui risque de devenir une guerre civile.

    - En Libye, l’Etat n’existe plus. Le nord du pays est partagé entre des milices tribales ou religieuses, cependant que tout le sud est devenu un « Libystan » aux mains des jihadistes.

    Ce livre, illustré de cartes en couleur et qui n’a pas d’équivalent fait, au jour le jour, l’histoire du prétendu « printemps arabe » en Afrique du Nord. Il met également en évidence ses conséquences géopolitiques nationales, et régionales.
    Il explique également pourquoi le Maroc et l’Algérie ne furent pas concernés par ces évènements.

    Table des matières

    Présentation

    Chapitre I, Tunisie : le grand bond en arrière
    I) Aux origines du mouvement
    II) Un processus révolutionnaire rapide (décembre 2010-14 janvier 2011)
    III) Une révolution inachevée (15 janvier-27 février 2012)
    IV) L’élection de l’Assemblée constituante tunisienne (23 octobre 2011) et ses conséquences
    V) La révolution deux ans plus tard

    Chapitre II, Egypte : du mirage démocratique au retour des mamelouks
    I) Les causes du mouvement
    II) Du déclenchement de la révolution au renversement d’Hosni Moubarak (25 janvier 2011-11 février 2011)
    III) L’après Moubarak et la victoire des Frères musulmans (12 février 2011-mars 2013)
    IV) L’armée reprend le pouvoir (avril-juillet 2013)

    Chapitre III, Libye : de la dictature à l’anarchie
    I) Aux origines de la guerre civile
    II) Les grandes phases de la guerre (février 2011-octobre 2011)
    III) Les conséquences du conflit
    IV) Les perspectives d’avenir

    Chapitre IV, : Algérie : Une émeute ne fait pas le printemps…
    I) La déception du « printemps berbère »
    II) Une première tentative démocratique qui conduit à la guerre civile
    III) Les autorités achètent la paix sociale

    Chapitre V, Maroc : le roi précède le « printemps »

    Conclusion
    Table des cartes
    Index des noms

    Source : le blog de Bernard Lugan, sur lequel on peut également commander ce livre.

    http://fr.novopress.info/141600/nouveau-livre-de-bernard-lugan-printemps-arabe-histoire-dune-tragique-illusion/#more-141600

  • L'Allemagne à la croisée des chemins

    Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997
    Intervention de Robert Steuckers au séminaire d'Ile-de-France de «Synergies Européennes», le 26 octobre 1997
    Généralement, les observateurs des réalités allemandes en dehors de l'espace linguistique germanophone sont assez peu attentifs à certaines définitions que les Allemands donnent d'eux-mêmes. Certes, la culture allemande mettant principalement l'accent sur le particulier, ces définitions varient à l'infini: elles dépendent des options idéologiques ou philosophiques personnelles des auteurs, de leurs idiosyncrasies. Mais il en est une qui résume bien l'inquiétude voire la névrose allemande: c'est la définition de l'Allemagne comme “verspätete Nation”, comme nation retardée, comme nation “en retard”, comme nation “tard-venue” sur l'échiquier européen et international. Ce concept de “verspätete Nation” a été forgé par le philosophe Helmuth Plessner, peu connu des germanistes français et a fortiori du grand public, malgré qu'il ait été un opposant au régime hitlérien, contraint à l'exil. Pour Plessner, les Allemands, en tant que “tard-venus” sur la scène politique internationale, ne parviennent pas à rattraper le retard qui les sépare des Français ou des Anglais, voire des Russes, essayent de développer des idéologies de l'accélération, cherchent désespérément à se débarrasser de ballasts du passé, conservent une certaine immaturité politique (qui se traduit par le moralisme, le chauvinisme, l'exaltation, etc.), due à l'absence de “grandes idées incontestables” (au sens où l'entendaient en France Hauriaux ou Charles Benoist).
    Plessner et tous ceux qui partagent sa vision de l'histoire allemande constatent que du XVIIième siècle à Bismarck, le Reich est un territoire éclaté, à la merci de toutes les puissances voisines, en dépit de la lente puis fulgurante ascension de la Prusse. Richelieu s'était érigé en protecteur des “libertés allemandes”, entendons par là le protecteur de tous les séparatismes et de tous les particula­rismes, qui tirent à hue et à dia, empêchant les diverses compo­santes de la germanité continentale de fusionner en une unité politique cohérente. Churchill en 1945-46 prônait une version britannique de cette stratégie en cherchant à imposer au Reich vaincu un fédéralisme séparatiste, que les critiques allemands nommeront bien vite “fédéralisme d'octroi”. A ce morcellement territorial s'ajoute la division confessionnelle entre catholiques et protestants. Même si cette division s'estompe aujourd'hui, elle a eu des effets calamiteux à long terme sur l'histoire allemande: l'Empereur Ferdinand II, champion du camp catholique, annonçait à tout qui voulait l'entendre qu'il préférait régner sur un désert plutôt que sur un pays peuplé d'hérétiques. La logique d'une guerre civile sans compromis, menée jusqu'à l'absurde et la folie, a frappé l'Allemagne dès les premières décennies du XVIIième siècle. Wallenstein, génial chef de guerre au service de cet Empereur catholique fanatique, s'est rapidement rendu compte de la folie et de l'aveuglement du monarque: il a fait de timides propositions de paix, suggéré un plan de réconciliation. Il a été assassiné.
    «Grand siècle» et «Siècle des malheurs»
    La mécompréhension fondamentale entre Allemands et Français, qui a débouché sur les trois guerres franco-allemandes de ces 150 dernières années, provient directement des événements terribles du XVIIième siècle. La France a connu à cette époque son grand siècle et y a forgé les puissants ressorts de sa culture et de son prestige. L'Allemagne a été plongée dans l'horreur et la misère. Les manuels scolaires français parlent du “Grand Siècle”, tandis que leurs équivalents belges parlent du “Siècle des malheurs” et que la littérature allemande a produit cette grande fresque tragique de Grimmelshausen, qui brosse un tableau de feu et de cendres: celui des misères de la guerre de Trente Ans, affrontées avec un stoïcisme amer par “Mère Courage”, l'héroïne de Grimmelshausen qui a inspiré Brecht en ce siècle.
    Au XVIIIième siècle, quand le mariage entre Louis XVI et Marie-Antoinette induit une trêve dans la guerre séculaire entre la monarchie française, alliée des Turcs, et l'Autriche, porteuse de la dignité impériale, la philosophie de l'histoire de Herder prône un retour aux Grecs, aux Germains, aux héritages pré-chrétiens et aux racines premières des cultures européennes. Cette orientation philosophique s'explique partiellement par une volonté de dépasser les clivages confessionnels, générateurs de guerres civiles atroces et sans solution. Pour éviter la césure protestantisme/catholicisme, pour éviter toute réédition du “siècle des malheurs”, la philosophie se laïcise; le néo-paganisme dérivé d'une lecture anti-chrétienne de Herder (chez Reynitzsch par exemple), le jacobinisme mystique et national de Fichte, sont les manifestations diverses d'une volonté de paix civile: si l'Allemagne dépasse les clivages religieux qui la traversent, si un néo-paganisme dépasse les confessions chrétiennes qui se sont entredéchirées, si l'idéologie idéaliste et nationaliste de l'unité nationale triomphe, paix et prospérité reviendront et la culture s'épanouira, pensent à cette époque les philosophes allemands, avec une certaine dose de naïveté.
    De Bismarck à Weimar
    Au début du XIXième siècle, le nationalisme radical, exprimé par des figures comme Arndt ou Jahn, est une idéologie unificatrice voire centralisatrice appelé à effacer sur le territoire allemand le morcellement politique dû à la diplomatie de Richelieu. Bismarck, quelques décennies plus tard, fournit à son pays un appareil diplomatique solide, visant un équilibre des puissances en Europe, notamment par des accords tacites avec la Russie. Guillaume II ruinera cet équilibre en multipliant les maladresses. L'effondrement de l'équilibre bismarckien a conduit aux boucheries de la Grande Guerre et, pour l'Allemagne, à la défaite de 1918 et à la proclamation de la République de Weimar.
    Cette république de Weimar dispose d'une souveraineté limitée, avec une armée réduite (qui esquive toutefois les clauses du Traité de Versailles en coopérant en Russie avec l'Armée Rouge), avec une monnaie anéantie et une économie “pénétrée” par les capitaux américains. A tout cela s'ajoute une occupation militaire française en Rhénanie et dans la Ruhr, à laquelle succède la démilitarisation de la rive gauche du Rhin. Les Allemands perçoivent cette situation comme une terrible vexation, injuste à leurs yeux car leur nation, disent-ils, est importante et grande sur les plans démographique, culturel et scientifique. Les Alliés, dit la propagande nationaliste sous Weimar, prouvent leur barbarie en confisquant tout avenir aux enfants allemands, en méprisant les productions culturelles et scientifiques allemandes, pourtant indépassables.
    1945 : finis Germaniae
    En 1945, après l'effondrement du IIIième Reich, la défaite est encore plus cuisante et humiliante. La totalité du territoire  — et non plus les seules régions de Rhénanie et de la Ruhr —  est divisée en quatre zones d'occupation (quant aux provinces de Poméranie, de Posnanie et de Silésie, elles passent sous “administration polonaise” avant d'être purement et simplement annexées). Pendant quatre ans, de 1945 à 1949, le pouvoir est exercée par les Alliés, y compris le pouvoir judiciaire. En dépit de la naissance des deux Etats allemands en 1949, la RFA, à l'Ouest,  est jugulée dans sa souveraineté. A partir de 1955, 90% des effectifs de l'armée ouest-allemande sont versés dans les unités de l'OTAN, donc se retrouvent sous commandement américain (seuls quelques régiments de police en Bavière et dans le Baden-Wurtemberg et les régiments de gardes-frontières sont sous commandement allemand autonome). C'est dans les 10% hors OTAN que se sont recrutées récemment les unités de l'Eurocorps.
    Il me paraît bon de rappeler sommairement, pour des raisons didactiques, quelques grandes étapes de l'histoire de la RFA :
    1. De 1945 à 1949, nous avons donc un système d'occupation totale, sans aucun espace de souveraineté allemand.
    2. En 1949, la RFA se donne une constitution fédérale, avec l'approbation des Alliés occidentaux qui croient ainsi affaiblir l'Etat allemand. La zone soviétique se constitue en un Etat de facture soviétique.
    3. En 1952, Staline propose la réunification allemande, le rétablissement de la souveraineté allemande dans un Etat démocratique fort, neutre et soustrait à l'influence directe des puissances occidentales.
    4. En 1955, la RFA adhère à l'OTAN et récupère la Sarre que la France voulait annexer. Le retour de la Sarre à la mère-patrie allemande a été baptisé la “petite réunification”, dans la mesure où la RFA a mis au point un système d'“annexion monétaire”, répété à plus grande échelle lors de la “grande réunification” de 1989/90. La France s'en tire avec une consolation: elle garde une station de radio (Europe n°1) en Sarre et espère influencer les esprits. Ce sera un échec, mais cette politique est pratiquée aujourd'hui, avec des visées annexionistes au Luxembourg (via RTL), en Wallonie et dans la périphérie de Bruxelles.
    5. En 1963, on assiste au rapprochement franco-allemand.
    6. En 1967/68, l'Allemagne est secouée par l'effervescence étudiante et contestatrice, qui introduit les manies de 68 dans la société allemande, restée jusque là très traditionnelle et conventionnelle. Cependant, Rudi Dutschke, leader contestataire, est en faveur de la souveraineté nationale, contrairement aux soixante-huitards français, qui ont contribué à torpiller la voie indépen­dan­tiste et non alignée du gaullisme des années 60.
    7. Après l'effervescence étudiante, s'ouvre l'Ostpolitik (= la politique à l'Est) de la “grande coalition” socialiste et démocrate-chrétienne (CDU + SPD), orchestrée par Kiesinger et Willy Brandt. Cette ouver­ture au bloc de l'Est inquiète la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qui craignent un nouveau rapprochement germano-so­viétique.
    8. De 1980 à 1983, l'affaire des euromissiles secoue durablement la société allemande et interpelle la gauche, dont les intellectuels redécouvrent subitement la valeur “nation”. On voit éclore le “natio­nal-pacifisme”, le “national-neutralisme”, discutés avec passion à droite comme à gauche, sans aucune exclusion ni anathème. Dans ces débats innombrables, on propose une réunification allemande dans la neutralité, comme pour l'Autriche, où les Verts rêvent d'une démilitarisation quasi totale, tandis que les nationalistes (de droite) entendent protéger cette neutralité par un surarmement et par un appel à la “nation armée” sur les modèles de la Suisse et de la RDA communiste (Be­triebskampfgruppen, etc. [= Groupes de combat organisés dans les entreprises de l'Etat socialiste est-allemand]).
    9. En 1985, Gorbatchev annonce la glasnost et la perestroïka, assouplissant du même coup, après la parenthèse du premier mandat de Reagan, les rapports Est-Ouest. L'espoir de voir advenir une réunification et une neutralisation de l'Allemagne augmente.
    10. En 1989, la réunification est un fait accompli, mais
    a) les esprits n'y étaient pas préparés, aucun des scénarii prévus ne s'est réalisé et
    b) le nationalisme traditionnel, qui croyait être le seul à pouvoir suggérer des solutions acceptables, bien ancrée dans les traditions historiques, a été pris de cours. Quant à la gauche “nationale-pacifiste”, ses scenarii n'ont pas davantage été mis en pratique. La réunification a laissé les intellectuels de droite comme de gauche dans un certain désarroi voire une certaine amertume.
    Pôle franco-allemand et alliance avec les “crazy states”
    Exemple : figure de proue de la droite conservatrice allemande, Armin Mohler, du temps du duopole américano-soviétique, avait énoncé un projet pour une politique internationale souveraine de l'Allemagne, reposant sur deux stratégies principales:
    a) le renforcement du pôle franco-allemand (sa vision gaullienne), pour faire pièce aux Anglo-Saxons et aux Soviétiques et
    b) le pari sur tous les Etats que les Américains qualifiaient de “crazy States” (Corée du Nord, Libye, Chine, etc.), pour échapper à l'étranglement de l'alliance atlantique, comme De Gaulle avait développé une diplomatie alternative dans les pays arabes, en Inde, en Amérique latine, en Roumanie, etc. En 1989, la Libye était quasi éliminée de la scène internationale, mise au tapis par les raids américains de 1986. Restait la Chine, mais tout rapprochement germano-chinois ne risque-t-il pas d'envenimer les relations germano-russes, d'autant plus qu'il existe virtuellement un tandem Pékin-Washington dirigé contre Moscou et régulièrement réétabli et renforcé? La Russie, abandonnant ses crispations du temps de la guerre froide, acceptant de bon gré la réunification, pouvait-elle être considérée encore comme un adversaire, ce qu'elle était du temps de la guerre froide ?
    1989 ou la fin de la foi dans le progrès
    En 1989, le projet de Mohler, porté par un souci de dégager et la France et l'Allemagne du clivage Est-Ouest, ne peut se concrétiser. Dans la foulée de la chute du Mur et de la réunification, Hans-Peter Schwarz, éminence grise de la diplomatie allemande, ami d'Ernst Jünger et exégète de son œuvre, principal collaborateur des revues Europa Archiv, et Internationale Politik (équivalent allemand de la revue de l'IFRI français), biographe d'Adenauer, publie un ouvrage important, dont l'idée centrale est de poser l'Allemagne comme une Zentralmacht, une puissance centrale, au milieu d'un continent qui est également une civilisation (au sens où l'entend Huntington). Pour Schwarz, 1989 marque une césure dans l'histoire européenne, parce que :
    1. La fin du communisme est aussi la fin de la foi dans le progrès, qui sous-tend l'idéologie dominante de la civilisation occidentale.
    a) On ne peut plus croire raisonnablement aux “grands récits”, comme le signale le philosophe français Jean-François Lyotard.
    b) On se rend compte des dangers énormes qui guettent notre civilisation, des dangers auxquels elle ne peut pas faire face intellectuellement donc projectuellement, vu ses fixations progressistes. Le bilan écologique de notre civilisation est désastreux (l'écologie est une thématique plus discutée et approfondie en Allemagne, même dans les cercles “conservateurs”, comme l'attestent les travaux de personnalités comme Friedrich-Georg Jünger ou Konrad Lorenz, etc.). La déforestation dans l'hémisphère nord est également catastrophique. L'épuisement des ressources naturelles, la pollution des mers, la persistance de virus non éradicables, le SIDA, le caractère invincible du cancer, prouvent que la finitude humaine est un fait incontournable et que les vœux pieux de l'idéologie progressiste n'y changeront rien.
    2. Ce constat de la fin du progressisme induit Schwarz à demander que la RFA, élargie au territoire de l'ex-RDA, soit un Etat postmoderne, dans un concert international postmoderne, c'est-à-dire un Etat reposant sur une idéologie non progressiste, ne dépendant nullement des poncifs du progressisme dominant, dans un concert international où plus personne n'a que faire des vieilles lunes progressistes face au gâchis qu'elles ont provoqué.
    3. La tâche d'un tel Etat est de :
    - coopérer à la gestion et à l'apaisement des instabilités de l'Est, pour retrouver le sens de l'équilibre bismarckien, qui avait été bénéfique pour tous les peuples européens.
    - éviter les deux écueils classiques de la politique allemande:
    a) le provincialisme étriqué (souvenir du morcellement territorial), égoïste et refusant de se mettre à l'écoute des tumultes du monde;
    b) la grandiloquence matamoresque à la Guillaume II, qui a braqué tous les voisins de l'Allemagne.
    Elites défaillantes et routines incapacitantes
    Pour Schwarz, l'Allemagne, comme tous les autres pays européens, se trouve au beau milieu d'un nouveau système international.
    - Ce système nouveau a permis la réunification  —ce qui est positif—  non seulement du peuple allemand, mais aussi de tout le sous-continent européen.
    - Mais la classe politique dominante n'était pas intellectuellement préparée à affronter ce changement de donne:
    a) Sur le plan INTELLECTUEL, elle est inapte à saisir les nouvelles opportunités. Elle a pensé l'histoire et les relations internationales sur le mode de la division Est-Ouest, selon des critères binaires et non systémiques. Cette classe politique rejette, analyse, anathémise; elle ne cherche pas à susciter des synergies, à rétablir des liens refoulés ou tranchés par l'arbitraire de fanatiques, songeant à faire du passé rable rase. Sa pensée est segmentante; elle n'est pas systémique.
    b) Cette classe politique entretient des ROUTINES INCAPACITANTES. C'est le grief principal adressé à la partitocratie traditionnelle, allemande, belge ou italienne, tant par les Verts à gauche (Scheer en Allemagne, Marie Nagy en Belgique, etc.), que par les nationalistes à droite.
    c) La classe politique a peur de la nouvelle réalité internationale. Elle la commente, elle émet des idées (gedankenreich),  mais elle n'agit pas (tatenarm). Cette nouvelle réalité est celle de la globali­sation. Le monde est redevenu une jungle en même temps qu'un grand marché, qui n'autorise pas de raisonnements binaires. Il est marqué par le retour d'un certain chaos. La globalisation, en effet, n'est pas la paix, dont avaient rêvée les irénistes et qu'avaient acceptée ceux qui croyaient que les blocages de la guerre froide allaient se pérenniser à l'infini. Pour affronter cette jungle et ce grand marché, il faut une pensée de l'interdépendance entre les nations et les Etats, interdépendance qui implique une riche diversité de liens et de contacts, mais qui est aussi grosse de conflits régionaux, de guerres civiles ou de conflits de basse intensité. Cette pensée politique en termes d'interdépendance est nécessaire car, dit Schwarz, l'Allemagne ne peut être une “grande Suisse”: en effet, elle n'est pas une forteresse alpine, elle compte trop de voisins (qui peuvent lui être hostiles); il y a trop de turbulences à ses frontières (Pologne, Russie, Croatie,...).
    Deux hantises : Kronstadt et Rapallo
    Ces hostilités potentielles et ces turbulences sont à la base de la grande peur allemande: celle d'être encerclé. Pour Schwarz, deux hantises troublent les relations franco-allemandes : la hantise de Kronstadt (1892) qui terrifie les Allemands et celle de Rapallo (1922) qui terrifie les Français. A Kronstadt, Français et Russes s'entendent contre le Reich et le prennent en tenaille, donnant aux Allemands la désagréable sensation d'être encerclés et étouffés. A Rapallo, Allemands et Russes s'opposent de concert à l'Ouest et rassemblent leurs forces sur un espace de grande profondeur stratégique, coinçant la France contre l'Atlantique, sur une faible profondeur stratégique cette fois, que les forces conjuguées de l'Allemagne et de la Russie, modernisées et motorisées, pourraient aisément franchir d'un coup de boutoir, au contraire des forces terestres et hippomobiles de la seule Allemagne de Guillaume II, arrêtées sur la Marne par Gallieni en 1914.
    En 1962, quand Adenauer et De Gaulle forgent l'entente franco-allemande, l'Ouest franc se donne une profondeur stratégique acceptable, capable de faire face à la Russie. Les arguments d'Adenauer ont été les suivants : en 1963, De Gaulle quitte l'OTAN, donc les Allemands doivent éviter qu'il ne négocie avec les Soviétiques et impose à Bonn un nouveau Kronstadt, plus dramatique encore, vu la présence massive des troupes soviétiques en Thuringe, à un jet de pierre du Rhin; de ce fait, argumente Adenauer, les Anglais et les Américains doivent accepter le rapprochement franco-allemand parce qu'il consolide leur dispositif de containment et constitue la garantie que la France demeurera dans le camp occidental.
    Cette réorientation du dispositif occidental vers un pôle atlantique anglo-américain et vers un pôle européen franco-allemand a été célébrée par toute une série de manifestations symboliques, d'images fortes et médiatisables, comme le Te Deum à Reims en 1962, le développement d'une mythologie des “Champs Catalauniques” (où reliquats des légions romaines d'Occident et peuples germaniques ont uni leurs forces pour barrer la route à Attila; ces réminiscences de l'oecoumène impérial romain étaient chères à Adenauer), la parade des tankistes allemands à Mourmelon, et, après De Gaulle et Adenauer, la visite de Kohl et de Mitterrand à Douaumont en 1985, en compagnie d'Ernst Jünger.
    Le nouveau contexte après 1989
    Mais le nouveau contexte d'après 1989 n'est plus celui du tandem franco-allemand de De Gaulle et d'Adenauer. Quel est-il ?
    - En Pologne :
    La Pologne, entre 1920 et 1939, appartient au “cordon sanitaire” entre l'Allemagne et l'Union Soviétique; elle en est même l'une des pièces maîtresses. La politique de Hitler a été de démanteler ce “cordon sanitaire”, par les accords de Munich qui mettent un terme à l'existence de la Tchécoslovaquie et par l'invasion de la Pologne en septembre 1939. En dépit du Pacte germano-soviétique et en dépit de l'hostilité que l'URSS avait toujours porté à la Pologne, alliée de la France, la Russie devient nerveuse en voyant ses frontières occidentales dégarnies, sans plus aucun espace-tampon, avec le géant germanique tout à coup proche de l'Ukraine et des Pays Baltes. Aujourd'hui, le Colonel Morozov, géostratège de l'armée russe, s'inquiète de voir le potentiel militaire polonais (370.000 hommes) inclus dans une OTAN qui compte aussi l'Allemagne, soit un potentiel militaire polonais à pleins effectifs, alors que la Bundeswehr est réduite, elle aussi, à 370.000 hommes pour “raisons d'économie”. Le jeu très habile des Américains consiste à créer un système de vases communiquants: diminution du potentiel allemand et augmentation du potentiel polonais, de façon à contrôler simultanément Russes et Allemands.
    - Dans les Pays Baltes :
    Les Pays Baltes faisaient partie du “cordon sanitaire”. Les Russes s'inquiètent aujourd'hui de les voir absorbés par l'économie occidentale. Allemands et Suédois investissent énormément dans ces trois petits pays d'une grande importance stratgégique. Les Allemands investissent également dans la région située entre l'Estonie et Saint-Petersbourg (Narva, Lac Peïpous, Novgorod), parce que cette zone-clef de la Russie historique est plus rentable par sa proximité avec la Baltique et que des systèmes de communications peuvent y fonctionner sans trop de problèmes (distances réduites, proximité des ports, grand centre urbain de Saint-Petersbourg, possibilité technique de dégagement des voies ferroviaires et routières en hiver, etc.). Dans cette politique d'investissement, les Allemands partagent les tâches avec les Suédois et les autres pays scandinaves.
    - En Hongrie :
    Quelques mois et quelques semaines avant la chute du Mur de Berlin, Autrichiens et Hongrois avaient commencé de concert à démanteler le Rideau de Fer le long de leur frontière. Depuis lors, la Hongrie a atteint un niveau économique acceptable, bien que non exempt de difficultés. L'Autriche connaît un boom économique, car elle retrouve son marché d'avant 1919.
    Plusieurs options géopolitiques possibles
    Dans ce contexte, l'Allemagne se trouve confrontée à plusieurs options géopolitiques possibles:
    a) Organiser les PECO (Pays d'Europe Centrale et Orientale) selon deux axes:
    1. L'axe Stettin-Trieste, renouant ainsi avec le projet du Roi de Bohème Ottokar II au moyen âge. Le souvenir de la géopolitique d'Ottokar II est le motif qui a poussé la diplomatie allemande à reconnaître rapidement la Slovénie et la Croatie. Géopolitiquement parlant, il s'agit d'unifier toute le territoire européen situé entre l'Istrie adriatique, pointe la plus avancée de la Méditerranée vers le centre du continent, et Stettin, port baltique le plus proche de cette avancée adriatique de la Méditerranée. Cette vision ottokarienne donne véritablement corps à la géopolitique continentale européenne et croise l'axe Rhin-Danube, en rendant potentiellement possible, par adjonction de canaux en Bohème et en Moravie, une synergie fluviale Elbe/Danube et Oder/Danube
    2. L'axe Rhin-Main-Danube ou la diagonale Mer du Nord/Mer Noire, sans obstacle terrestre depuis le creusement du Canal Main/Danube en Allemagne. A partir de la Mer Noire, l'Europe entre en contact direct avec le Caucase et ses pétroles et, de là, avec la zone de la Mer Caspienne, avec l'Iran et l'Asie Centrale.
    b) Organiser de concert avec la Russie, l'espace pontique (Mer Noire = Pont Euxin, dans la terminologie greco-latine, d'où l'adjectif “pontique” pour qualifier ce qui se rapporte à cet espace maritime et circum-marin) et les systèmes fluviaux russes qui y débouchent à l'Est et à l'Ouest de la Crimée et de la Mer d'Azov, et se branchent sur le Danube, puis, ipso facto, sur l'axe Danube-Rhin, sans passer par la Méditerranée, contrôlée par la VIième flotte américaine. Le blé ukrainien et les pétroles du Caucase sont susceptibles d'apporter à l'Europe l'indépendance alimentaire et énergétique, indispensable corollaire à sa puissance économique et à son éventuel avenir militaire. Les enjeux de cette région sont capitaux et vitaux.
    c) Poursuivre le “dialogue critique” avec l'Iran, qu'avait impulsé le Ministre allemand des affaires étrangères Klaus Kinkel. L'Allemagne ne pouvait se permettre de suivre aveuglément la politique d'isolement de l'Iran imposée par Washington. Le “dialogue critique” avec Téhéran est peut-être la seule manifestation concrète, après 1989, de dialogue et de coopération avec les “crazy States”, qu'espérait généraliser Armin Mohler au temps du duopole Moscou/Washington.
    d) Le “dialogue critique” avec l'Iran devrait servir de tremplin à un dialogue étroit avec l'Inde, sous-continent en pleine mutation.
    e) Entamer un dialogue fécond avec l'Indonésie et Singapour. L'Indonésie permet des investissements rentables (ndlr: du moins avant la crise qui a secoué le pays début 98). En Belgique, l'homme politique flamand Geens avait déjà préconisé une telle politique, arguant que cette réorientation de l'aide belge au développement devait être concomittante à un désengagement progressif en Afrique. L'Indonésie apporterait en échange son soutien aux candidatures allemande et japonaise au Conseil de Sécurité de l'ONU.
    Au milieu d'une zone d'effervescences et de synergies
    En résumé, dans le cadre strictement européen, l'Allemagne se trouve au beau milieu d'une zone d'effervescences et de synergies potentielles qui partent de Rotterdam pour s'étendre à la Ruhr, au complexe industriel de Karlsruhe et, de là, à Bâle, ou, via le Main, à la place boursière de Francfort, à l'Autriche en expansion, à la Hongrie productrice de surplus agricoles, à la Serbie, la Roumanie et la zone pontique (Mer Noire). La Mer Noire est un espace additionant de multiples atouts: les fleuves russes et les bassins industriels qui se sont constitués sur leurs rives (Donetz, etc.), les “terres noires”, terres fertiles, terres à blé de l'Ukraine, la presqu'île de Crimée (avec son climat méditerranéen), le Caucase et son réseau d'oléoducs conduisant à la Caspienne, l'Iran et l'Asie centrale.
    Dans ce nouveau contexte qui restitue à l'Allemagne son aire d'expansion économique naturelle et lui procure de nouveaux alliés plus sûrs et moins enclins à la duplicité que les diplomaties occidentales, les relations franco-allemandes prennent une nouvelle dimension, plus vaste que du temps des accords entre De Gaulle et Adenauer. Les maximalistes du binôme franco-allemand parlaient naguère d'une fusion entre les deux pays, créant à terme la “Frallmagne”. A ces maximalistes s'opposaient les partisans anti-européistes du repli de l'Hexagone sur lui-même ou les partisans d'une Allemagne découplée de l'Ouest.
    Pour ou contre la «Frallmagne»?
    La revue italienne de géopolitique, Limes, a présenté à ses lecteurs les arguments en faveur et en défaveur de la “Frallmagne”. En France, les partisans d'un binôme franco-allemand accentué presque jusqu'à la fusion, veulent une Europe en mesure de décider. En Allemagne, ils envisagent une intégration démocratique de l'Europe selon le modèle du fédéralisme allemand. Au-delà du binôme franco-allemand, il est évident que l'harmonisation des deux volontés (décision à l'échelle continentale, organisation fédérale de l'ensemble européen) présente une indubitable similitude avec notre projet, résoudrait les problèmes accumulés par les Etats européens depuis quelques siècles. D'autres avocats allemands du binôme et de l'intégration européenne pensent comme Schwarz: la France, l'Allemagne, l'Europe ont besoin d'élites multilingues (s'il n'y a pas connaissance mutuelle, il n'y aura jamais ni intégration ni fusion au niveau des sociétés civiles). Sans élites multilingues, aucun projet européen cohérent n'est possible.
    Mis à part les passéismes et la mauvaise foi anti-européiste, le camp des adversaires du binôme et de l'intégration européenne estime, en France, que les problématiques extra-hexagonales, en Allemagne, que les problématiques non “mitteleuropéennes”, sont incompréhensibles pour les Français ici, pour les Allemands là-bas. De ce fait, cette incompréhension rend toute fusion ou intégration non-démocratique, vu que les citoyens sont incapables de juger les res publicae  en toute sérénité et connaissance de cause, puis de voter intelligemment. En Allemagne, les adversaires de la “Frallmagne” estiment que leur pays, de par sa centralité géographique, chemine sur un “Sonderweg” (= une “voie particulière”) depuis longtemps et qu'il ne peut pas y renoncer, faute de bloquer des flux naturels et féconds d'échange.
    jus sanguinis  et jus soli
    Le deuxième grand point d'achopement dans l'intégration européenne et dans les relations franco-allemandes, c'est la problématique de la nationalité et de la citoyenneté. Ces termes sont peut-être considérés comme des synonymes en France, mais certainement pas en Allemagne. Rogers Brubaker, dans un travail minutieux publié aux Etats-Unis auprès des presses universitaires de Harvard, a analysé cette problématique. Il écrit qu'en France “nationalité” et “citoyenneté” sont confondues, à cause de toute sorte de facteurs historiques. L'idéologie républicaine avait considéré au départ que le jus sanguinis, le droit du sang, était un acquis révolutionnaire, donnant l'autonomie à l'individu citoyen et le libérant de ses attaches territoriales féodales. Avant la république, l'individu appartient à son seigneur, avec son avènement, il devient autonome et, potentiellement, fondateur d'une lignée issue de son propre sang, à l'instar des nobles et des rois: d'où le jus sanguinis. Sous Napoléon toutefois, une première entorse est faite à ce principe: les enfants nés en France ou les jeunes qui y séjournent deviennent bons pour le service militaire, même si leurs parents sont des étrangers. Les besoins en effectifs valaient bien cette entorse aux principes de la république. Napoléon réintroduisait ainsi une forme de jus soli, de droit du sol. Aujourd'hui, à grands renforts de propagande, on essaie de promouvoir le jus soli  comme l'idéal premier de la république, ce qui est historiquement faux. Au départ, le jus sanguinis  est un principe de liberté, le jus soli, l'indice d'une servitude. Toute une machinerie propagandiste, articulée depuis Paris, tente d'imposer aux pays d'Europe, au nom de l'idée républicaine, le jus soli  post-républicain, dont les origines remontent au césarisme napoléonien. Le jus soli  actuel étend à tous les individus qui circulent sur le sol français le droit d'acquérir la citoyenneté française (curieusement confondue avec la nationalité), sans devoirs en contrepartie.
    “nationalité” et “citoyenneté”
    En Allemagne, “nationalité” et “citoyenneté” ne sont nullement synonymes. Pour les juristes et la pensée politique allemands, la “nationalité” est un fait biologique, linguistique et culturel, un acquis accumulé depuis longtemps, que l'on ne peut pas effacer d'un coup, par une simple déclaration ou un changement d'avis ou une lubie. La nationalité, au sens allemand, est même ineffaçable, elle est constitutive de la personnalité, et, à ce titre, digne de tous les respects et intransmissible. Quant à la “citoyenneté”, pour les Allemands, elle n'est rien d'autre qu'une commodité. A la limite, on peut être citoyen d'un pays sans en avoir la nationalité: on peut avoir la “nationalité” allemande et être citoyen belge à Eupen ou à Saint-Vith, citoyen français en Alsace, citoyen suisse à Bâle, citoyen autrichien ou italien au Tyrol, roumain en Transylvanie, russe ou kazakh dans les républiques ex-soviétiques. Toute personne de nationalité allemande reçoit automatiquement, sur simple demande, la citoyenneté de la RFA. On ne peut nier sa nationalité, on peut renoncer à sa citoyenneté (notons au passage que les droits algérien et turc, par exemple, raisonnent de la même façon et interprètent les textes de loi de manière plus restrictive encore: ainsi, l'Algérie ne reconnaît pas la citoyenneté française des nationaux algériens nés en France ou, plus exactement, estime que la citoyenneté française, simple commodité, n'efface pas la nationalité algérienne, fait fondamental; la Turquie confisque les biens de ses ressortissants qui acquièrent une autre nationalité, pour laisser intact la patrimoine foncier du pays).
    Cette différence entre les conceptions de nationalité et de citoyenneté en France et en Allemagne est le principal obstacle au rapprochement franco-allemand. Ou bien on applique partout en Europe le jus sanguinis  que Brubaker qualifie de “restrictionniste”, ou bien partout le jus soli  qu'il qualifie d'“inclusioniste”. Parce qu'il y a libre circulation au sein de l'UE, il ne peut pas y avoir de pays plus libéral que les autres, ensuite, parce que les pays d'où provient la majorité des immigrés appliquent de manière très restrictive le jus sanguinis, l'option la plus commode semble être l'option républicaine originelle, soucieuse de l'autonomie des personnes et des lignées, ce qui nous conduirait donc à une application très stricte du jus sanguinis, également par respect pour les traditions juridiques des pays d'origine des immigrés. Contrairement à ce que laisse accroire une propagande incessante, martelée à satiété, frisant le délire, le jus sanguinis semble plus universellement accepté que le jus soli,  du moins dans le Vieux Monde. La position des partisans du jus sanguinis permet un dialogue plus aisé avec les autorités des pays d'origine des immigrés, également adeptes du jus sanguinis. Cette position est donc plus universelle, à défaut d'être “universaliste”. Une position universelle est une position réaliste. Une lubie universaliste participe de la pensée utopique, de la machine à faire des anges et à broyer les âmes.
    Les contours de la future géopolitique allemande selon Heinz Brill
    Sur le plan géopolitique, le géopolitologue Heinz Brill, qui a enseigné à l'académie de la Bundeswehr, énumère dans son ouvrage récent qui dresse un bilan géopolitique de l'Allemagne contemporaine, les diverses options qui s'offre au pays aujourd'hui:
    1. L'option UE (Union Européenne):
    L'option européenne de l'Allemagne postule à terme un élargissement de l'espace géopolitique européen à l'ensemble des territoires des pays de l'OSCE. Cet élargissement, explique Brill, implique une participation américaine, pour faire contre-poids à la France et à la Russie. Cette option privilégie l'alliance américaine, contrairement à l'idéal gaullien-adenauerien du binôme franco-allemand et au national-neutralisme qui voulait la normalisation voire le renforcement des rapports germano-russes. A terme, cette option envisage la consolidation d'une union euro-atlantique, futur pilier le plus puissant de l'ONU.
    2. La deuxième option étudiée par Brill est celle du “partners in leadership”. C'est résolument une carte américaine, visant un partage du pouvoir entre Américains et Allemands en Europe, aux dépens de toute synergie avec la France ou la Russie.
    3. Brill énumère ensuite diverses autres possibilités, rencontrant davantage nos préoccupations:
    a. L'option “Mitteleuropa”, où l'Allemagne focalise son attention sur son environnement centre-européen immédiat, en relâchant ses liens avec l'Ouest.
    b. L'“helvétisation”, pour ne heurter aucune autre grande puissance.
    c. L'option dite “Zivilmacht”, où l'Allemagne, se borne à n'être plus qu'une puissance civile, comme le Japon.
    d. Le repli sur soi, difficile, selon Brill, parce que l'Allemagne est une nation exportatrice de produits finis, non autonome sur le plan alimentaire.
    e. L'adhésion à un axe Berlin-Moscou-Tokyo qui serait surtout un tandem germano-russe.
    Enfin, on voit se profiler une autre option, que n'évoque pas Brill, et qui est de miser sur les pays asiatiques (Thaïlande, Indonésie, Inde), peu hostiles à l'Allemagne et où aucune propagande germanophobe n'aurait d'effet durable et profond.
    Urbanisation et anti-germanisme
    Pour le professeur Roberto Mainardi, de l'Université de Milan, l'atout majeur de l'Allemagne, c'est d'occuper une place centrale en Europe. Dans son ouvrage consacré à l'Allemage et ses influences en Europe, Mainardi rappelle, par une rétrospective historique, que l'atout majeur du pays réside dans son urbanisation précoce en Rhénanie et en pays mosellan, dès l'époque romaine. Mainardi s'inscrit dans une tradition catholique et germanophile italienne (exprimée au XVième siècle par Pie II), où l'Allemagne est un pôle de civilisation urbain et technologique positif pour le continent. Sa germanophilie l'éloigne du pastoralisme technophobe d'une certain nationalisme populiste allemand. Mainardi rappelle qu'au moyen âge, l'Allemagne présentait un réseau urbain dense, animé par une petite industrie très performante. L'anti-germanisme, écrit Mainardi, est partiellement la volonté de briser la puissance potentielle de ce réseau urbain, comme l'ont prouvé l'alliance franco-turque inaugurée par François Ier, la politique de Richelieu qui entretenait machiavéliquement les carnages qui détruisaient l'Allemagne, les guerres terroristes de Louis XIV, le blocus anglais de 1919, les bombardements alliés de 1940-45, le Plan Morgenthau, l'entretien d'une vague écologiste utopique ou d'un nationalisme pastoraliste par certains services de diversion occidentaux (utilisant tour à tour les marxistes utopiques et anti-soviétiques recyclés dans l'écologie, les subversifs de 68, la “nouvelle droite” anti-politique et technophobe téléguidée depuis Paris, le religiosisme de théologiens névrosés revu à la sauce verte, etc.).
    Le réseau urbain qui caractérise l'Allemagne depuis la romanisation de la Rhénanie est à la base de la solidité de l'économie allemande actuelle, conclut Mainardi. La réunification de 1989-90 fait de la RFA agrandie un aimant qui attire le Bénélux, l'Alsace et la Suisse à l'Ouest, l'Autriche, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie et la Pologne à l'Est.
    Mais cette nouvelle attirance de la périphérie pour le centre en Eu-rope, n'est pas exempte de difficultés. L'Allemagne souffre depuis toujours d'une trop grande multiplicité d'options, aujourd'hui elle é-prouve des difficultés à maintenir son système social, parce que les investissements nécessaires pour avoir la paix aux frontières et pour mettre à niveau les nouveaux Länder  de l'Est sont énormes; ensuite parce que le modèle spéculatif du néo-libéralisme anglo-saxon bat en brèche le “modèle rhénan” d'économie productrice d'investissements et génératrice d'ancrages industriels locaux. Le succès médiatique de la “bulle spéculative” remet implicitement en question l'atout majeur de l'Allemagne depuis deux ou trois siècles: la culture, tant la culture spéculative des philosophes que la culture pratique des ingénieurs et des techniciens. Le “modèle rhénan” est celui de la concertation sociale et de l'ordo-libéralisme (c'est-à-dire une liberté d'entreprendre assortie de devoirs spécifiques à l'en-droit des secteurs non marchands). L'industrie dans un modèle rhé-nan parie sur l'université et la culture, attend d'elles inspiration et impulsion. Par l'accroissement de la “bulle spéculative”, ce modèle économique est en danger, avait écrit naguère Michel Albert, car il ne permet pas d'engranger autant de bénéfices, aussi vite que par la spéculation en bourse. Pour entrer en compétition avec les pools économiques qui s'adonnent à la spéculation effrenée, les structures économico-industrielles de type rhénan doivent consacrer une partie de leurs bénéfices à la spéculation et réduire en conséquence leur soutien aux secteurs non marchands.
    Aux sources du malaise allemand
    Immédiatement après 1945, l'Allemagne n'avait plus aucune souveraineté militaire. Mais, après 1989, les effectifs conjugués de la Bundeswehr et de la NVA (Nationale Volksarmee)  sont passés de 600.000 hommes à 370.000 (mêmes effectifs que l'armée polonaise). L'Allemagne ne bénéficie toujours pas d'une souveraineté politique complète. Naguère elle était toujours considérée comme un Etat ennemi des Nations-Unies. Au début des années 90, les traités réglementant la nouvelle situation ont certes édulcoré cette clause puisqu'il y a ou a eu des casques bleus allemands en Somalie et en Croatie. Cependant, les Allemands ont l'impression que le seul domaine où leur souveraineté est inaltérée, c'est le domaine monétaire; d'où leur souci de ne laisser se développer aucune inflation, ce qui entraîne les effets pervers d'un chômage des jeunes, d'un malaise social, d'une sinistrose, d'une hostilité à l'Euro car le mark semble être, pour les Allemands, la seule chose qui leur reste, et qu'ils ont construit par leur travail et leur épargne.
    Les sources principales du malaise allemand actuel sont donc :
    - La difficulté de la classe politique à affronter les nouvelles donnes, ce qui a pour corollaire l'obsolescence des idéologies politiques sociale-démocrate et démocrate-chrétienne.
    - La partitocratie qui implique un jeu rigide et complexe d'élection, de cooptation du personnel politique, entraînant l'avénement et la pérennisation d'“élites sans projet”.
    - Le risque de ne pas assimiler les jeunes, a fortiori les immigrés est-européens et turcs.
    - Le risque de ne pas pouvoir maintenir sur le long terme le politique anti-inflationniste (répercutée dans le critère des 3% du Traité de Maastricht), qui avait fait la raison d'être du système social et fédéral allemand.
    En conclusion, nous pouvons dire que l'Allemagne ne connaît ni plus ni moins de difficultés que ses partenaires européens. Elle connaît tout simplement d'autres difficultés. Les maux qui affectent l'Allemagne se retrouvent à degrés divers dans toute l'Europe: c'est la crise d'une civilisation, où s'accumulent trop de scléroses et où le moindre changement suscite la panique des gouvernants.
    Nous nous trouvons dans une période de turbulences de moindre intensité mais de longue durée, ce qui, pour tous les Européens, s'avère incapacitant face au défi américain dans le monde, américano-turc dans les Balkans, le Méditerranée orientale et la Mer Noire, face aux bouleversements qui ont frappé l'Afrique centrale, face à l'Asie et au Proche-Orient. Par conséquent, tout projet européen qui interpelle tant la France que l'Allemagne ou les pays du Bénélux, l'Italie, la Hongrie, la Slovénie, la Croatie que les pays scandinaves doit trouver pour tous une voie commune, reposant sur un principe de liberté, soit une liberté accordée aux communautés réelles (régions, professions, parlements locaux, etc.) et un noyau décisionnel efficace, commun à tous.
    Robert STEUCKERS. http://robertsteuckers.blogspot.be/2013/06/lallemagne-la-croisee-des-chemins.html
    Bibliographie :
    - Pierre BÉHAR, Du Ier au IVième Reich. Permanence d'une nation, renaissances d'un Etat, Ed. Desjonqueres, Paris, 1990.
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    - Rogers BRUBAKER, Citizenship and Nationhood in France and Germany, Harvard University Press, Cambridge-Massachusetts, 1992.
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