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géopolitique - Page 784

  • Guillaume Faye et la “Convergence des catastrophes”

    Dans l’introduction à l’une des versions italiennes du premier livre de Guillaume Faye, Le système à tuer les peuples, j’avais tenté de brosser succinctement son itinéraire politique, depuis ses années d’étudiant à l’IEP et à la Sorbonne. J’avais rappelé l’influence d’un Julien Freund, des thèses de Pareto, de Bertrand de Jouvenel sur ce jeune étudiant dont la vocation allait être de mener un combat métapolitique, via le Cercle Spenglerd’abord, via le GRECE (Groupe de Recherche et d’Études sur la Civilisation Européenne) ensuite. J’avais insisté aussi sur son interprétation de Nietzsche, où, comme Alexis Philonenko, il pariait sur un rire sonore et somme toute rabelaisien, un rire déconstructeur et reconstructeur tout à la fois, sur la moquerie qui dissout les certitudes des médiocres et des conformistes. Je ne vais pas répéter aujourd’hui tout cet exposé, qu’on peut lire sur internet, mais je me concentrerai surtout sur une notion omniprésente dans les travaux de Faye, la notion cardinale de “politique”, oui, sur cette “notion du politique”, si chère au Professeur Julien Freund. L’espace du politique, et non pas de la politique (politicienne), est l’espace des enjeux réels, ceux qui décident de la vie ou de la survie d’une entité politique. Cette vie et cette survie postulent en permanence une bonne gestion, un bon "nomos de l’oikos" — pour reprendre la terminologie grecque de Carl Schmitt — une pensée permanente du long terme et non pas une focalisation sur le seul court terme, l’immédiat sans profondeur temporelle et le présentisme répétitif dépourvu de toute prospective.

    Le bon “nomos” est celui qui assure donc la survie d’une communauté politique, d’un État ou d’un empire, qui, par la clairvoyance et la prévoyance quotidiennes qu’il implique, génère une large plus-value, en tous domaines, qui conduit à la puissance, au bon sens du terme. La puissance n’est rien d’autre qu’un solide capital de ressources matérielles et immatérielles, accumulées en prévision de coups durs, de ressacs ou de catastrophes. C’est le projet essentiel de Clausewitz, dont on fait un peu trop rapidement un belliciste à tous crins. Clausewitz insiste surtout sur l’accumulation de ressources qui rendront la guerre inutile, parce que l’ennemi n’osera pas affronter une politie bien charpentée, ou qui, si elle se déclenche quand même, fera de mon entité politique un morceau dur ou impossible à avaler, à mettre hors jeu. Ce n’est rien d’autre qu’une application du vieil adage romain :Si vis pacem, para bellum.

    L’œuvre immortelle de Carl Schmitt et de Julien Freund

    D’où nous vient cette notion du “politique” ? Elle nous vient d’abord de Carl Schmitt. Pour qui elle s’articule autour de deux vérités observés au fil de l’histoire :

    • 1) Le politique est porté par une personne de chair et de sang, qui décide en toute responsabilité (Weber). Le modèle de Schmitt, catholique rhénan, est l’institution papale, qui décide souverainement et en ultime instance, sans avoir de comptes à rendre à des organismes partiels et partisans, séditieux et centrifuges, mus par des affects et des intérêts particuliers et non généraux.

    • 2) La sphère du politique est solide si le principe énoncé au XVIIe siècle par Thomas Hobbes est honoré : Auctoritas non veritas facit legem (C’est l’autorité et non la vérité qui fait la loi/la norme). Nous pourrions, au seuil de ce XXIesiècle, qui s’annonce comme un siècle de catastrophes, tout comme le XXe, étendre cette réflexion de Hobbes et dire :Auctoritas non lex facit imperium, soit "C’est l’autorité et non la loi/la norme qui fait l’empire". Schmitt voulait dénoncer, en rappelant la science politique de Hobbes, le danger qu’il y a à gouverner les états selon des normes abstraites, des principes irréels et paralysants, parfois vecteurs de dissensions calamiteuses pouvant conduire à la guerre civile. Quelques décennies d’une telle gouvernance et les "nœuds gordiens" s’accumulent et figent dangereusement les polities qui s’en sont délectée. Il faut donc des autorités (personnelles ou collégiales) qui parviennent à dénouer ou à trancher ces "nœuds gordiens".

    Cette notion du politique nous vient ensuite du professeur strasbourgeois Julien Freund, qui était, il est vrai, l’un des meilleurs disciples de Carl Schmitt. Il a repris à son compte cette notion, l’a appliquée dans un contexte fort différent de celui de l’Allemagne de Weimar ou du nazisme, soit celui de la France gaullienne et post-gaullienne, également produit de la pensée de Carl Schmitt. En effet, il convient de rappeler ici que René Capitant, auteur de la constitution présidentialiste de la Ve République, est le premier et fidèle disciple français de Schmitt. Le Président de la VeRépublique est effectivement une "auctoritas", au sens de Hobbes et de Schmitt, qui tire sa légitimité du suffrage direct de l’ensemble de la population. Il doit être un homme charismatique de chair et de sang, que tous estiment apte à prendre les bonnes décisions au bon moment. Julien Freund, disciple de Schmitt et de Capitant, a coulé ses réflexions sur cette notion cardinale du politique dans un petit ouvrage qu’on nous faisait encore lire aux Facultés Universitaires Saint-Louis à Bruxelles il y a une trentaine d’années : Qu’est-ce que le politique ? (Seuil, 1968). Cet ouvrage n’a pas pris une ride. Il reste une lecture obligatoire pour qui veut encore, dans l’espace politique, penser clair et droit en notre période de turbulences, de déliquescences et de déclin.

    René Thom et la théorie des catastrophes

    Comment cette notion du politique s’articule-t-elle autour de la thématique qui nous préoccupe aujourd’hui, soit la "convergences des catastrophes" ? Faye est le benjamin d’une chaine qui relie Clausewitz à Schmitt, Schmitt à Capitant, Capitant à Freund et Freund à lui-même et ses amis. Ses aînés nous ont quittés : ils ne vivent donc pas l’ère que nous vivons aujourd’hui. D’autres questions cruciales se posent, notamment celle-ci, à laquelle répond l’ouvrage de Guillaume Corvus : « Le système (à tuer les peuples) est-il capable de faire face à une catastrophe de grande ampleur, à plusieurs catastrophes simultanées ou consécutives dans un laps de temps bref, ou, pire à une convergences de plusieurs catastrophes simultanées ? ». Au corpus doctrinal de Schmitt et Freund, Corvus ajoute celui du mathématicien et philosophe français René Thom, qui constate que tout système complexe est par essence fragile et même d’autant plus fragile que sa complexité est grande. Corvus exploite l’œuvre de Thom, dans la mesure où il rappelle qu’un événement anodin peut créer, le cas échéant, des réactions en chaîne qui conduisent à la catastrophe par implosion ou par explosion. On connait ce modèle posé maintes fois par certains climatologues, observateurs de catastrophes naturelles : le battement d’aile d’un papillon à Hawaï peut provoquer un tsunami au Japon ou aux Philippines. Les théories de Thom trouvent surtout une application pratique pour observer et prévenir les effondrements boursiers : en effet, de petites variations peuvent déboucher sur une crise ou un krach de grande ampleur.

    Corvus soulève donc la question sur le plan de la gestion des États voire du village-monde à l’heure de la globalisation : l’exemple de l’ouragan qui a provoqué fin août les inondations de la Nouvelle-Orléans prouve d’ores et déjà que le système américain ne peut gérer, de manière optimale, deux situations d’urgence à la fois : la guerre en Irak, qui mobilise fonds et énergies, et les inondations à l’embouchure du Mississippi (dont la domestication du bassin a été le projet premier de Franklin Delano Roosevelt, pour lequel il a mobilisé toutes les énergies de l’Amérique à l’"ère des directeurs" — ces termes sont de James Burnham — et pour lequel il a déclenché les deux guerres mondiales afin de glaner les fonds suffisants, après élimination de ses concurrents commerciaux allemands et japonais, et de réaliser son objectif : celui d’organiser d’Est en Ouest le territoire encore hétéroclite des États-Unis). La catastrophe naturelle qui a frappé la Nouvelle-Orléans est, en ce sens, l’indice d’un ressac américain en Amérique du Nord même et, plus encore, la preuve d’une fragilité extrême des systèmes hyper-complexes quand ils sont soumis à des sollicitations multiples et simultanées. Nous allons voir que ce débat est bien présent aujourd’hui aux États-Unis.

    Qu’adviendrait-il d’une France frappée au même moment par quatre ou cinq catastrophes ?

    En France, en novembre 2005, les émeutes des banlieues ont démontré que le système-France pouvait gérer dans des délais convenables des émeutes dans une seule ville, mais non dans plusieurs villes à la fois. La France est donc fragile sur ce plan. Il suffit, pour lui faire une guerre indirecte, selon les nouvelles stratégies élaborées dans les états-majors américains, de provoquer des troubles dans quelques villes simultanément. L’objectif d’une telle opération pourrait être de paralyser le pays pendant un certain temps, de lui faire perdre quelques milliards d’euros dans la gestion de ces émeutes, milliards qui ne pourront plus être utilisés pour les projets spatiaux concurrents et européens, pour la modernisation de son armée et de son industrie militaire (la construction d’un porte-avions par ex.). Imaginons alors une France frappée simultanément par une épidémie de grippe (aviaire ou non) qui mobiliserait outrancièrement ses infrastructures hospitalières, par quelques explosions de banlieues comme en novembre 2005 qui mobiliserait toutes ses forces de police, par des tornades sur sa côte atlantique comme il y a quelques années et par une crise politique soudaine due au décès inopiné d’un grand personnage politique. Inutile d’épiloguer davantage : la France, dans sa configuration actuelle, est incapable de faire face, de manière cohérente et efficace, à une telle convergence de catastrophes.

    L’histoire prouve également que l’Europe du XIVe siècle a subi justement une convergence de catastrophes semblable. La peste l’a ravagée et fait perdre un tiers de ses habitants de l’époque. Cette épidémie a été suivie d’une crise socio-religieuse endémique, avec révoltes et jacqueries successives en plusieurs points du continent. À cet effondrement démographique et social, s’est ajoutée l’invasion ottomane, partie du petit territoire contrôlé par le chef turc Othman, en face de Byzance, sur la rive orientale de la Mer de Marmara. Il a fallu un siècle — et peut-être davantage — pour que l’Europe s’en remette (et mal). Plus d’un siècle après la grande peste de 1348, l’Europe perd encore Constantinople en 1453, après avoir perdu la bataille de Varna en 1444. En 1477, les hordes ottomanes ravagent l’arrière-pays de Venise. Il faudra encore deux siècles pour arrêter la progression ottomane, après le siège raté de Vienne en 1683, et presque deux siècles supplémentaires pour voir le dernier soldat turc quitter l’Europe. L’Europe risque bel et bien de connaître une "période de troubles", comme la Russie après Ivan le Terrible, de longueur imprévisible, aux effets dévastateurs tout aussi imprévisibles, avant l’arrivée d’un nouvel "empereur", avant le retour du politique.

    "Guerre longue" et "longue catastrophe" : le débat anglo-saxon

    Replaçons maintenant la parution de La convergence des catastrophes de Guillaume Corvus dans le contexte général de la pensée stratégique actuelle, surtout celle qui anime les débats dans le monde anglo-saxon. Premier ouvrage intéressant à mentionner dans cette introduction est celui de Philip Bobbitt, The Shield of Achilles : War, Peace and the Course of History (Penguin, Harmondsworth, 2002-2003) où l’auteur explicite surtout la notion de "guerre longue". Pour lui, elle s’étend de 1914 à la première offensive américaine contre l’Irak en 1990-91. L’actualité nous montre qu’il a trop limité son champ d’observation et d’investigation : la seconde attaque américaine contre l’Irak en 2003 montre que la première offensive n’était qu’une étape ; ensuite, l’invasion de l’Afghanistan avait démontré, deux ans auparavant, que la "guerre longue" n’était pas limitée aux deux guerres mondiales et à la guerre froide, mais englobait aussi des conflits antérieurs comme les guerres anglo-russes par tribus afghanes interposées de 1839-1842, la guerre de Crimée, etc. Finalement, la notion de "guerre longue" finit par nous faire découvrir qu’aucune guerre ne se termine définitivement et que tous les conflits actuels sont in fine tributaires de guerres anciennes, remontant même à la protohistoire (Jared Diamonds, aux États-Unis, l’évoque dans ses travaux, citant notamment que la colonisation indonésienne des la Papouasie occidentale et la continuation d’une invasion austronésienne proto-historique ; ce type de continuité ne s’observa pas seulement dans l’espace austral-asiatique).

    Si l’on limite le champ d’observation aux guerres pour le pétrole, qui font rage plus que jamais aujourd’hui, la période étudiée par Bobbitt ne l’englobe pas tout à fait : en effet, les premières troupes britanniques débarquent à Koweït dès 1910 ; il conviendrait donc d’explorer plus attentivement le contexte international, immédiatement avant la Première Guerre mondiale. Comme l’actualité de ce mois de janvier 2006 le prouve : ce conflit pour le pétrole du Croissant Fertile n’est pas terminé. Anton Zischka, qui vivra centenaire, sera actif jusqu’au bout et fut l’une des sources d’inspiration majeures de Jean Thiriart, avait commencé sa très longue carrière d’écrivain journaliste en 1925, quand il avait 25 ans, en publiant un ouvrage, traduit en français chez Payot, sur La guerre du pétrole, une guerre qui se déroule sur plusieurs continents, car Zischka n’oubliait pas la Guerre du Chaco en Amérique du Sud (les tintinophiles se rappelleront de L’oreille cassée, où la guerre entre le San Theodoros fictif et son voisin, tout aussi fictif, est provoquée par le désir de pétroliers américains de s’emparer des nappes pétrolifères).

    Aujourd’hui, à la suite du constat d’une "longue guerre", posé par Bobbitt et, avant lui, par Zischka, l’auteur américain James Howard Kunstler, dans La fin du pétrole : Le vrai défi du XXIe siècle (Plon, 2005) reprend et réactualise une autre thématique, qui avait été chère à Zischka, celle du défi scientifique et énergétique que lancera immanquablement la raréfaction du pétrole dans les toutes prochaines décennies. Pour Zischka, les appareils scientifiques privés et étatiques auraient dû depuis longtemps se mobiliser pour répondre aux monopoles de tous ordres. Les savants, pour Zischka, devaient se mobiliser pour donner à leurs patries, à leurs aires civilisationnelles (Zischka est un européiste et non un nationaliste étroit), les outils nécessaires à assurer leurs autonomies technologique, alimentaire, énergétique, etc. C’est là une autre réponse à la question de Clausewitz et à la nécessité d’une bonne gestion du patrimoine naturel et culturel des peuples. Faye n’a jamais hésité à plaider pour la diversification énergétique ou pour une réhabilitation du nucléaire. Pour lui comme pour d’autres, bon nombre d’écologistes sont des agents des pétroliers US, qui entendent garder les états inclus dans l’américanosphère sous leur coupe exclusive. L’argument ne manque nullement de pertinence, d’autant plus que le pétrole est souvent plus polluant que le nucléaire. Pour Corvus, l’une des catastrophes majeures qui risque bel et bien de nous frapper bientôt, est une crise pétrolière d’une envergure inédite.

    La fin du modèle urbanistique américain

    Les arguments de Corvus, nous les retrouvons chez Kunstler [cf. Too much magic, L’Amérique désenchantée, 2014], preuve une nouvelle fois que ce livre sur la convergence des catastrophes n’a rien de marginal comme tentent de le faire accroire certains "aggiornamentés" du canal historique de la vieille "nouvelle droite" (un petit coup de patte en passant, pour tenter de remettre les pendules à l’heure, même chez certains cas désespérés… ou pour réveiller les naïfs qui croient encore — ou seraient tentés de croire — à ces stratégies louvoyantes et infructueuses…). Kunstler prévoit après la "longue guerre", théorisée par Bobbitt, ou après la longue guerre du pétrole, décrite dans ses premiers balbutiements par Zischka, une "longue catastrophe". Notamment, il décrit, de manière fort imagée, en prévoyant des situations concrètes possibles, l’effondrement de l’urbanisme à l’américaine. Ces villes trop étendues ne survivraient pas en cas de disparition des approvisionnements de pétrole et, partant, de l’automobile individuelle. 80% des bâtiments modernes, explique Kunstler, ne peuvent survivre plus de vingt ans en bon état de fonctionnement. Les toitures planes sont recouvertes de revêtements éphémères à base de pétrole, qu’il faut sans cesse renouveler. Il est en outre impossible de chauffer et d’entretenir des super-marchés sans une abondance de pétrole. La disparition rapide ou graduelle du pétrole postule un réaménagement complet des villes, pour lequel rien n’a jamais été prévu, vu le mythe dominant du progrès éternel qui interdit de penser un ressac, un recul ou un effondrement. Les villes ne pourront plus être horizontales comme le veut l’urbanisme américain actuel. Elle devront à nouveau se verticaliser, mais avec des immeubles qui ne dépasseront jamais sept étages. Il faudra revenir à la maçonnerie traditionnelle et au bois de charpente. On imagine quels bouleversements cruels ce réaménagement apportera à des millions d’individus, qui risquent même de ne pas survivre à cette rude épreuve, comme le craint Corvus. Kunstler, comme Corvus, prévoit également l’effondrement de l’école obligatoire pour tous : l’école ne sera plus "pléthorique" comme elle l’est aujourd’hui, mais s’adressera à un nombre limité de jeunes, ce qui conduira à une amélioration de sa qualité, seul point positif dans la catastrophe imminente qui va nous frapper.

    La "quatrième guerre mondiale" de Thierry Wolton

     Pour ce qui concerne le défi islamique, que Faye a commenté dans le sens que vous savez, ce qui lui a valu quelques ennuis, un autre auteur, Thierry Wolton, bcbg, considéré comme "politiquement correct", tire à son tour la sonnette d’alarme, mais en prenant des options pro-américaines à nos yeux inutiles et, pire, dépourvues de pertinence. Dans l’ouvrage de Wolton, intitulé La Quatrième Guerre mondiale (Grasset, 2005), l’auteur évoque l’atout premier du monde islamique, son "youth bulge", sa "réserve démographique". Ce trop-plein d’hommes jeunes et désœuvrés, mal formés, prompts à adopter les pires poncifs religieux, est une réserve de soldats ou de kamikazes. Mais qui profiteront à qui ? Aucune puissance islamique autonome n’existe vraiment. Les inimitiés traversent le monde musulman. Aucun État musulman ne peut à terme servir de fédérateur à une umma offensive, malgré les rodomontades et les vociférations. Seuls les États-Unis sont en mesure de se servir de cette masse démographique disponible pour avancer leurs pions dans cet espace qui va de l’Égypte à l’Inde et de l’Océan Indien à la limite de la taïga sibérienne. Certes, l’opération de fédérer cette masse territoriale et démographique sera ardue, connaîtra des ressacs, mais les États-Unis auront toujours, quelque part, dans ce vaste "Grand Moyen Orient", les dizaines de milliers de soldats disponibles à armer pour des opérations dans le sens de leurs intérêts, au détriment de la Russie, de l’Europe, de la Chine ou de l’Inde. Avec la Turquie, jadis fournisseur principal de piétaille potentielle pour l’OTAN ou l’éphémère Pacte de Bagdad du temps de la Guerre froide dans les années 50, branle dans le manche actuellement. Les romans d’un jeune écrivain, Burak Turna, fascinent le public turc. Ils évoquent une guerre turque contre les États-Unis et contre l’UE (la pauvre…), suivie d’une alliance russo-turque qui écrasera les armées de l’UE et plantera le drapeau de cette alliance sur les grands édifices de Vienne, Berlin et Bruxelles. Ce remaniement est intéressant à observer : le puissant mouvement des loups gris, hostiles à l’adhésion turque à l’UE et en ce sens intéressant à suivre, semble opter pour les visions de Turna.

    Dans ce contexte, mais sans mentionner Turna, Wolton montre que la présence factuelle du "youth bulge" conduit à la possibilité d’une "guerre perpétuelle", donc "longue", conforme à la notion de "jihad". Nouvelle indice, après Bobbitt et Kunstler, que le pessimisme est tendance aujourd’hui, chez qui veut encore penser. La "guerre perpétuelle" n’est pas un problème en soi, nous l’affrontons depuis que les successeurs du Prophète Mohamet sont sortis de la péninsule arabique pour affronter les armées moribondes des empires byzantins et perses. Mais pour y faire face, il faut une autre idéologie, un autre mode de pensée, celui que l’essayiste et historien américain Robert Kaplan suggère à Washington de nos jours : une éthique païenne de la guerre, qu’il ne tire pas d’une sorte de new age à la sauce Tolkien, mais notamment d’une lecture attentive de l’historien grec antique Thucydide, premier observateur d’une "guerre longue" dans l’archipel hellénique et ses alentours. Kaplan nous exhorte également à relire Machiavel et Churchill. Pour Schmitt hier, comme pour Kaplan aujourd’hui, les discours normatifs et moralisants, figés et soustraits aux effervescences du réel, camouflent des intérêts bornés ou des affaiblissements qu’il faut soigner, guérir, de toute urgence.

    L’infanticide différé

    Revenons à la notion de "youth bulge", condition démographique pour mener des guerres longues. Utiliser le sang des jeunes hommes apparait abominable, les sacrifier sur l’autel du dieu Mars semble une horreur sans nom à nos contemporains bercés par les illusions irénistes qu’on leur a serinées depuis deux ou trois décennies. En Europe, le sacrifice des jeunes générations masculines a été une pratique courante jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ne nous voilons pas la face. Nous n’avons pas été plus "moraux" que les excités islamiques d’aujourd’hui et que ceux qui veulent profiter de leur fougue. La bataille de Waterloo, à 15 kilomètres d’ici, est une bataille d’adolescents fort jeunes, où l’on avait notamment fourré dans les uniformes d’une "Landwehr du Lünebourg" tous les pensionnaires des orphelinats du Hanovre, à partir de douze ans. La lecture des ouvrages remarquables du démographe français Gaston Bouthoul, autre maître à penser de Faye, nous renseigne sur la pratique romaine de l’"infanticide différé". Rome, en armant ces légions, supprimait son excédent de garçons, non pas en les exposant sur les marges d’un temple ou en les abandonnant sur une colline, mais en différant dans le temps cette pratique courante dans les sociétés proto-historiques et antiques. Le jeune homme avait le droit à une enfance, à être nourri avant l’âge adulte, à condition de devenir plus tard soldat de 17 à 37 ans. Les survivants se mariaient et s’installaient sur les terres conquises par leurs camarades morts. L’empire ottoman reprendra cette pratique en armant le trop-plein démographique des peuples turcs d’Asie centrale et les garçons des territoires conquis dans les Balkans (les janissaires). La raison économique de cette pratique est la conquête de terres, l’élargissement de l’ager romanus et l’élimination des bouches inutiles. Le ressac démographique de l’Europe, où l’avortement remboursé a remplacé l’infanticide différé de Bouthoul, rend cette pratique impossible, mais au détriment de l’expansion territoriale. Le "youth bulge" islamique servira un nouveau janissariat turc, si les vœux de Turna s’exaucent, la jihad saoudienne ou un janissariat inversé au service de l’Amérique.

    Que faire ?

    L’énoncé de tous ces faits effrayants qui sont ante portas ne doit nullement conduire au pessimisme de l’action. Les réponses que peut encore apporter l’Europe dans un sursaut in extremis (dont elle a souvent été capable : les quelques escouades de paysans visigothiques des Cantabriques qui battent les Maures vainqueurs et arrêtent définitivement leur progression, amorçant par là la reconquista ; les Spartiates des Thermopyles ; les défenseurs de Vienne autour du Comte Starhemberg ; les 135 soldats anglais et gallois de Rorke’s Drift; etc.) sont les suivantes :

    - Face au "youth bulge", se doter une supériorité technologique comme aux temps de la proto-histoire avec la domestication du cheval et l’invention du char tracté ; mais pour renouer avec cette tradition des "maîtres des chevaux", il faut réhabiliter la discipline scolaire, surtout aux niveaux scientifiques et techniques.

    - Se remémorer l’audace stratégique des Européens, mise en exergue par l’historien militaire américain Hanson dansWhy the West always won. Cela implique la connaissance des modèles anciens et modernes de cette audace impavide et la création d’une mythologie guerrière, "quiritaire", basée sur des faits réels comme l’Illiade en était une.

    - Rejeter l’idéologie dominante actuelle, créer un "soft power" européen voire euro-sibérien (Nye), brocarder l’ "émotionalisme" médiatique, combattre l’amnésie historique, mettre un terme à ce qu’a dénoncé Philippe Muray dansFestivus festivus (Fayard, 2005), et, antérieurement, dans Désaccord parfait (Tel / Gal.), soit l’idéologie festive, sous toutes ses formes, dans toute sa nocivité, cette idéologie festive qui domine nos médias, se campe comme l’idéal définitif de l’humanité, se crispe sur ses positions et déchaîne une nouvelle inquisition (dont Faye et Brigitte Bardot ont été les victimes).

    C’est un travail énorme. C’est le travail métapolitique. C’est le travail que nous avons choisi de faire. C’est le travail pour lequel Guillaume Faye, qui va maintenant prendre la parole, a consacré toute sa vie. À vous de reprendre le flambeau. Nous ne serons écrasés par les catastrophes et par nos ennemis que si nous laissons tomber les bras, si nous laissons s’assoupir nos cerveaux.

    ► Robert Steuckers, introduction à la présentation par Guillaume Faye du livre La convergence des catastrophes, signé Guillaume Corvus, Bruxelles, 2006.

    http://www.archiveseroe.eu/faye-a112822410

  • Disparition des vidéos impliquant l’Onu dans le soutien à Daesh

    La journaliste Serena Chéhim avait annoncé monter un reportage incluant des vidéos montrant la responsabilité du Programme alimentaire mondial dans le transport des jihadistes de l’Émirat islamique (Daesh) entre la Turquie et la Syrie.

    Cependant ce reportage ne sera jamais diffusé. La journaliste est décédée après que sa voiture ait été percutée par un poids lourd à la frontière syrienne, son caméraman a été grièvement blessé, et les bandes vidéos ont disparu.

    Serena Chéhim avait la double nationalité, libano-états-unienne. Elle travaillait pour la chaîne d’information iranienne PressTV.

    SourceRéseau Voltaire

    http://www.contre-info.com/disparition-des-videos-impliquant-lonu-dans-le-soutien-a-daesh

  • « Terrorisme » à géométrie variable

    « Une guerre mondiale contre le terrorisme » : c’est le mot d’ordre de la communauté internationale. Depuis treize ans, cette guerre a abouti à une augmentation de la violence dans la région, et au chaos. Cette fois, la campagne rassemble à peu près tous les pays du monde, des Etats-Unis à l’Arabie saoudite, de la France à la Chine, de la Russie à l’Egypte, du Qatar au Maroc. Le seul problème est que personne n’est d’accord sur les objectifs de cette guerre, ni sur ce que recouvre ce mot — « terrorisme ». Je l’ai écrit souvent, dès le début de ce blog en 2006, le « terrorisme » est un concept vide de sens.

    Nous en avons eu ces derniers jours deux confirmations. Le premier au Kurdistan syrien. Les Etats-Unis ont confirmé qu’ils coordonnaient leurs bombardements sur Kobané, la ville attaquée par l’Organisation de l’Etat islamique (OEI), avec les combattants locaux. Comme le confirme Radio France Internationale (RFI), le 17 octobre (« Les Américains rencontrent les Kurdes, tout en ménageant Ankara ») : « La porte-parole du département d’Etat a pour sa part révélé que les Américains avaient eu à Paris leurs premiers contacts directs avec des Syriens kurdes, représentant le Parti de l’union démocratique (PYD), dont une milice combat actuellement les intégristes à Kobané. Le problème est que ce parti se rapproche, à la faveur des récents événements, du Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, ennemi juré de la Turquie. » Ce que l’article ne dit pas, c’est que le PYD, comme le PKK, est classé par Washington et Bruxelles sur la liste des organisations terroristes. Ainsi donc, l’Occident peut avoir une coordination militaire avec des organisations terroristes. Quant au régime turc, qui ces dernières semaines a changé sa politique à l’égard des Kurdes, il avait lui-même ouvert une négociation avec les « terroristes » du PKK il y a deux ans.

    Autre exemple — en dehors de la région qui nous occupe —, le Nigeria. On a entendu, depuis des mois, parler des exactions de Boko Haram [1], notamment l’enlèvement de jeunes filles, mais aussi des massacres de villageois. Or RFI annonce, le 18 octobre, un cessez-le-feu entre les autorités nigérianes et Boko Haram sous l’égide du Tchad : « Les deux parties ont accepté le principe d’un règlement de leur différend par le dialogue et convenu de poser des actes de bonne volonté. »

    « Selon Ndjamena, poursuit l’article, “la récente libération des otages chinois et camerounais et l’annonce d’un cessez-le-feu constituent la concrétisation de ces engagements”. Les pourparlers, d’après les Tchadiens, ont “prévu également la libération par Boko Haram des jeunes filles enlevées à Chibok et celles de certains partisans de ce groupe détenus dans les prisons nigérianes”. Mais les modalités de ces libérations doivent encore être décidées. » Il serait donc possible de discuter avec cette organisation que les médias occidentaux ont présenté, depuis des mois, comme la quintessence du mal. Bien sûr, nul ne sait si le dialogue aboutira, mais le gouvernement a en tout cas décidé que c’était la voie à suivre.

    Le danger, avec ce terme de « terrorisme, “à dimension variable” », c’est qu’il empêche la réflexion politique et donc toute stratégie efficace [2].

    Quelques mois avant sa disparition en octobre 2004, il y a tout juste dix ans, le philosophe français Jacques Derrida rencontrait l’Allemand Jürgen Habermas pour penser le « concept » du 11-Septembre. Leur dialogue philosophique, retranscrit dans les colonnes du Monde diplomatique, mérite d’être (re)lu aujourd’hui [3] : « La terreur organisée, provoquée, instrumentalisée, en quoi diffère-t-elle de cette peur que toute une tradition, de Hobbes à Schmitt et même à Benjamin, tient pour la condition de l’autorité de la loi et de l’exercice souverain du pouvoir, pour la condition du politique même et de l’Etat ? »

    Alain Gresh

    Notes

    [1] Lire Alain Vicky, « Aux origines de la secte Boko Haram, Le Monde diplomatique, avril 2012.

    [2] Lire Alexis Varende, « Du bon usage du mot “terrorisme” et de quelques autres termes », Orient XXI, 14 octobre 2014.

    [3] Lire « Symptômes du 11-Septembre », par Giovanna Borradori.

    Source

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuEFZAAEZpSyCuYaGh.shtml

  • La "journée" des dupes

    Qui s'intéresse à l'histoire de France et au XVII ème siècle en particulier connait la Journée des Dupes, à l'issue de laquelle la reine Marie de Médicis fut contrainte à l'exil par Louis XIII qui accorda désormais toute sa confiance à Richelieu.

    Je choisis cet exemple pour montrer que les apparences sont parfois trompeuses et que comme dit le proverbe, "tel est pris qui croyait prendre".

    Au Moyen-Orient, les apparences sont les suivantes : Une révolution islamique sanguinaire et rétrograde, dévaste la région et détruit les États constitués sous l'égide occidentale. L'Irak et la Syrie sont des constructions franco-britanniques post-ottomanes.

    Les bons occidentaux : les Américains, les Britanniques, nous et quelques uns de nos bons alliés (les royaumes pétroliers, cette chère Turquie) luttons de toutes nos forces pour éviter d'emprise de ces fous sanguinaires sur la région qui s'étend au sud de la Turquie .

    Ça c'est pour l'image d’Épinal.

    La vérité est toute autre.

     Les Américains poursuivent un plan de réorganisation et de dépeçage de la région. L’État islamique est leur bulldozer. Ils souhaitent leur victoire du moins dans un premier temps et au fond peu leur importe qui tiendra la région. Le plus incapable sera le meilleur.

    Se limiter aux frappes aériennes ponctuelles n'est pas innocent. On sait bien, les dernières guerres l'ont montré, que les frappes aériennes peuvent mettre à genoux un pays industrialisé, structuré, mais qu'elles sont d'un effet très limité contre des gens mobiles et bien armés, sauf à retrouver une densité  du niveau de l'été 44 sur les routes de France, c'est à dire tirer systématiquement sur tout ce qui bouge, char de combat , homme, femme, enfant. On en est loin. Sans intervention terrestre musclée, il ne se passera rien de gênant pour l'EI. 

    L'autre bon allé des américains, l'ineffable Turquie tire, mais sur les résistants, les Kurdes en l’occurrence, qui se trouvent, circonstances obligent, du côté des Occidentaux : les pauvres . A eux on envoie quelques armes pour faire bonne figure, mais rien de nature à bouleverser l'équilibre des forces.

    Les royaumes pétroliers ont tellement soutenus les terroristes musulmans de tout crin qu'on ne voit pas pourquoi cette fois-ci ils iraient embêter leurs alliés idéologiques, sunnites comme eux, aux dépens des Chiites, ennemis éternels ou des kurdes mécréants.

    Les comiques de service, il faut bien dérider l'atmosphère, ceux que les soviétiques nommaient les "idiots utiles" ce sont nous, les Européens et tout particulièrement nous, les Français, toujours bons à courir flamberge au vent contre des moulins à vent sans n'avoir rien compris au scénario.

    Ce qu'il se passe au Moyen-Orient va à l'encontre même de nos intérêts, de nos convictions profondes et par notre intervention sous l'aile américaine, nous donnons notre caution à ce qui se révèlera probablement comme un des grands crimes contre l'humanité de ces cent dernières années.

    Encore une grande victoire du caramel mou qui réside à l’Élysée.

  • Un soldat américain survit à un tir en pleine tête

    En Afghanistan, un marine américain a survécu au tir en pleine tête d’un sniper taliban, sauvé par son casque en kevlar. Ses coéquipiers n’en reviennent pas.

    http://www.contre-info.com/

  • En Irak, les forces spéciales françaises forment les peshmergas

    La France ne se contente pas de livrer des armes aux combattants kurdes, contre l'Etat islamique. Des membres des forces spéciales françaises sont également auprès des peshmergas pour les former à leur utilisation. Le reporter d'Europe 1 Didier François est allé suivre ces soldats d'élite dans le Kurdistan irakien.


    Avec des forces spéciales françaises, pour... par Europe1fr 

    Marie Bethanie

  • Nul n'a droit en sa peau qu'il ne la défende

    Ce vieux proverbe français me semble plus actuel que jamais. Car, de toute évidence cela s'impose face à l'islamisme totalitaire, puisqu'il nous fait la guerre. Et dans la situation actuelle l'hypocrisie et la lâcheté révoltantes de la plupart des dirigeants de nos pays ne peut rien produire de bon.

    Observons ainsi les images du rassemblement place de la république le 11 octobre à Paris. Aux côtés des manifestants pro-Kurdes, plus de 5 000 personnes, le monopole de la parole est exercé au profit de personnalités d’extrême gauche comme Olivier Besancenot, qu'on espérait à la retraite.

    Tous appellent le gouvernement français à protéger le peuple kurde face aux djihadistes de cet abominable "État islamiste". Celui-ci au départ ne représentait qu'une organisation terroriste parmi d'autres. Désormais, ses ramifications se révèlent et se consolident, de plus en plus tentaculaires. Les ralliements vont jusqu'au Pakistan, du Nigeria à l'Ouzbékistan. L'urgence s'affirme, indiscutable.

    On aimerait, par conséquent, savoir quand même quels moyens ces généreux esprits suggèrent de mettre au service de leurs incantations.

    On pourrait rêver, dès lors, qu'ils demandent, dans les débats parlementaires de fin d'année, un renforcement du budget militaire de notre pays. Incidemment, s'il existait une plateforme de discussion, on pourrait mettre l'accent sur les périls effectifs, donc de demander un effort supplémentaire en faveur de la Défense, sur l'arme désormais cruciale du Renseignement et pas seulement sur l'emploi dans les arsenaux et les villes de garnison etc.

    Inutile d'entretenir le lecteur dans un espoir aussi chimérique.

    Le secrétaire national du PCF, le camarade Pierre Laurent jouait de l'éloquence. "La France, clamait-il, doit cesser son jeu trouble avec la Turquie et dire clairement qui elle soutient". Et d'exiger "le retrait du PKK de la liste des organisations terroristes."

    Malheureusement, dans la séquence actuelle, quand le chef du parti communiste, en vieux professionnel de l'émeute, prend le micro c'est évidemment et uniquement pour des fins de politique intérieure : il s'agit d'accuser François Hollande et son gouvernement de ne pas en faire assez pour les Kurdes. Et rien d'autre.

    Sans soutenir ici le p. de la r., pour lequel très peu de lecteurs de L'Insolent ont voté en 2012, – mais qui a bénéficié des voix du camarade Mélenchon et de celles des communistes – constatons qu'il ne semble pas en mesure d'en faire beaucoup plus. Pierre Laurent "soutient-il" donc Barack Obama ?

    Ne nous dissimulons pas non plus que, si, dans les coordinations kurdes, les forces militantes penchent naturellement du côté des sympathisants de gauche voire d'extrême gauche, elles représentent aussi des seules forces qui combattent le totalitarisme islamiste, sont tenues à l'écart par les trop prudentes administrations diplomatiques de nos pays.

    L'illusion d'un régime d'Ankara, membre de l'OTAN, et de ce fait, bastion de la liberté, s'efface.

    Et, bien entendu, pendant ce temps les commentateurs agréés s'accrochent à des demi-vérités, des ambiguïtés qui ne devraient pourtant tromper personne.

    En particulier, la culpabilité turque quand il s'agit d'écraser les Kurdes dans le sud est anatolien. Le premier ministre Ahmet Davutoglu prétend encore que "personne ne pourra prouver" l'implication de son gouvernement. Il s'agit d'une manière de se moquer du monde.Cette évidence se retourne contre sa roublardise.

    Car personne n'ignore, sauf lui peut-être, qu'il s'agit de l'argumentaire constant des criminels, celui de tous les bons films policiers, et même dans les mauvais.

    On se demande alors comment un pays qui se prétend démocratique et pro-occidental peut soutient une réalité aussi sauvage et sanguinaire que "Daesh", sigle commode pour évacuer, en partie, en partie seulement, dans son aspect subliminal, son caractère islamiste.

    Cette violence totalitaire de l'islamisme n'est pas arrivée à l'automne comme une poussée de champignons. Elle repose sur des bases historiques que définit le salafisme.

    Cet adversaire ne s'est jamais fait faute de se déclarer décidé à combattre et à détruire l'occident en général. Au nombre de ses cibles il met en bonne place la France. Il l'a toujours située au nombre des "Croisés", et nous fait ainsi honneur, n'en déplaise à M. de Villepin, ce nostalgique si notoirement désintéressé de l'ancienne politique arabe du Quai d'Orsay. (1)⇓ Ceci d'ailleurs vaut aussi bien pour d'autres pays comme la Russie, en délicatesse avec les États-Unis, qu'elle accuse de connivence avec les islamistes…

    L'engrenage, en fait, avait été mis en marche par d'autres, dès l'origine de la religion mahométane.

    Lutter pour la liberté religieuse, celle que bafoue l'islamisme totalitaire, c'est aussi lutter pour la liberté de la recherche sur l'histoire des sociétés musulmanes et sur l'héritage de Mahomet. on peut rêver d'une étude sociologie historique plus générale sur l'apogée des empires musulmans. L'islam pourrait bien apparaître dès lors, dans les pays qu'il occupa de l'Espagne à l'empire Ottoman, comme religion, au départ, des seuls conquérants militaires, très minoritaires au sein de pays conquis, qui restèrent majoritairement non-musulmans, longtemps, pendant des siècles et qui s'effondreront quand les musulmans auront converti, au moins superficiellement, après les avoir opprimés, ceux qui faisaient bouillir la marmite, les dhimmis, et les femmes.

    Mais comme le souligne notre travail en introduction à "Qui était Mahomet", "Mahomet fut-il sincère ?" se demandait Henri Lammens, ce débat historique souligne "l'actualité d'une antiquité". (2)⇓

    JG Malliarakis

    Lammens-mahometApostilles

    1.  Certains prétendent le contraire. Mais je n'en crois rien. Cf. "Pourquoi le Qatar donne-t-il beaucoup d’argent à l’avocat débutant Villepin ?" . Quelle mauvaise foi !
    2.  Les Éditions du Trident rééditent "L'Islam croyances et institutions" 225 pages 20 euros, et "Qui était Mahomet ?" par Henri Lammens ("Mahomet fut-il sincère ?" avec en introduction "Actualité d'une Antiquité") 128 pages 15 euros.
      Un prix spécial de lancement des deux volumes est proposé aux lecteurs de l'Insolent  : 28 euros port compris. Commandes à passer sur le site Internet des Éditions du Trident ou, en dressant un chèque de 28 euros par correspondance aux Éditions du Trident, 39 rue du Cherche-Midi 75006 Paris.
  • DJIHADISTE CALIBRE 14, VERSION BRIGADISTE CLASSE 36’ – par Pieter KERSTENS

    Il est recruté en France, au Danemark, en Belgique ou en Grande-Bretagne entre-autres. Nos chefs d’État et leurs ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Intérieur devraient tous faire amende honorable et effectuer leur autocritique lors d’un Journal Télévisé.

    Parce que depuis plus de 20 ans, l’Union Européenne, à la remorque des USA et de leur bras armé, l’OTAN, ne cesse d’empiler les fiascos : d’abord en Irak en 1991, puis en Afghanistan, à nouveau en Irak et en Lybie, en ayant gaspillé des milliards d’euros en pure perte (milliards ayant pu être investis dans l’achat de matériel hospitalier par exemple).

    Qui peut prétendre aujourd’hui que la pendaison de Saddam Hussein (après un simulacre de procès), la destitution des Zine el-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak, l’ignoble assassinat de Muammar al- Kadhafi, aient apporté un bien-être aux populations locales, une relation harmonieuse entre les communautés ou l’instauration d’un début de commencement de « démocratie » telle que rêvée par les valets de l’euro-mondialisme ?

    Plus grave ! Après les fameuses « Révolutions de Jasmin », plusieurs ministres et haut responsables européens ont publiquement appelé à l’élimination physique du président syrien, Bachar al-Assad. L’Europe, les USA et les Rois du pétrole ont recruté, entraîné, armé et payé des volontaires musulmans étrangers, pour abattre le dirigeant alaouite. Des milliers de « conseillers » militaires sont sur le terrain depuis plusieurs années, malgré les dénégations des États concernés.

    C’est donc avec convictions et la foi en Allah que des milliers d’européens se sont engagés dans les brigades islamistes, à l’exemple des socialo-marxistes qui avaient rejoint les Brigades Internationales en Espagne. Les partis politiques et les syndicats encourageaient ces volontaires dans la certitude d’accomplir leur devoir d’aller combattre Franco de 1936 à 1939. Héros ici, terroristes là-bas ?

    Et pourquoi se plaindre maintenant ? Parce que les « gentils petits islamistes modérés » -version ASL- sont devenus d’affreux barbares sanguinaires ? Parce que quelques têtes blondes tombent de temps à autre ? Il est tout de même curieux de constater que les otages et les décapités sont toujours des blancs et que cela ne concerne pas des asiatiques, des noirs ou des amérindiens…

    La secte politico-médiatique abuse de la désinformation, du devoir d’oubli, de l’émotivité et de la sensiblerie pour faire pleurer Margot.

    En Indochine, les Japonais ont aussi décapité des centaines d’Européens et armé les « terroristes » d’Oncle Hô, au nom de « l’Asie aux Asiatiques ». En Algérie, dès 1945 et surtout avec le massacre de Melouza le 28 mai 1957 (301 hommes tués et 150 blessés), les fellaghas, qu’ils appartiennent au MNA, au FLN ou à l’ALN, ont eux aussi décapités, émasculés, démembrés et massacrés des femmes, des enfants et des vieillards, par dizaines de milliers, pour parvenir à leurs fins et bien après 1962.

    Comme l’avait d’ailleurs officiellement déclaré Hocine Aït Ahmed, l’un des chefs historiques de la guerre d’Algérie, le 29 novembre 2000 lors du Congrès du PS français à Grenoble : « Durant ce débat sur la torture, sur les exécutions sommaires, sur les disparitions, ….on découvrira aussi qu’il y a eu des tortures du côté du FLN….il y a eu des dépassements de l’armée de libération. »

    L’Histoire récente est jalonnée de massacres et de barbaries, mais curieusement, dans l’arc musulman (de la Mauritanie aux Philippines) on ne parle que rarement des chrétiens martyrisés depuis plus de 40 ans ! Silence, on tue… Et peu d’analystes évoquent la guerre de religion entre les sunnites et les chiites, permanente depuis quatorze siècles.

    Maintenant, il est légitime de s’inquiéter en conséquence de ce qui pourrait se produire à l’avenir dans nos banlieues. Ces 751 Zones Urbaines Sensibles et ces 64 Zones de Sécurité Prioritaires, en France, où des dizaines de milliards d’euros ont été déversés depuis 20 ans, au nom de la « Politique de la Ville » ou du « Vivre Ensemble » par des ministres imbéciles qui, de Bernard Tapie à Najat Vallaud-Belkacem, pensaient acheter la paix sociale dans les quartiers… Mais qu’en sera-t-il, lorsque quelques « têtes brûlées » décideront d’imiter Merah ou Nemmouche, pour la plus grande gloire d’Allah ?

    Quand on n’est pas capable chez nous, de maintenir l’ordre dans les quartiers, on ne va pas là-bas, bombarder les barbus, chez eux !

    Et pour ceux (ou celles) qui croient encore aux étrennes apportées par Saint-Nicolas ou par le Père Noël, voici un message de paix, d’amour et de tolérance en provenance directe des islamistes :

    « La meilleure chose que vous puissiez faire est de vous efforcer de tuer tout infidèle, qu’il soit Français, Américain ou d’un de leurs pays alliés », a déclaré Abou Mohamed al-Adnani, dans un message audio, diffusé le lundi 22 septembre 2014.

    « Si vous ne pouvez pas trouver d’engin explosif, ou de munitions, alors isolez l’Américain infidèle, le Français infidèle ou n’importe lequel de ses alliés. Écrasez-lui la tête à coup de pierre, tuez-le avec un couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le », poursuit-il.

    C’est pourquoi et dès aujourd’hui, vous regarderez trois fois avant de traverser la rue !

    http://www.francepresseinfos.com/2014/10/djihadiste-calibre-14-version.html

  • Emmanuel Todd: les libéraux occidentaux doivent applaudir les Russes

    Ex: http://zejournal.mobi

    L'historien et sociologue français Emmanuel Todd n'a jamais été prisonnier des idéologies, bien qu'il les ait minutieusement étudiées du point de vue scientifique. Auteur de nombreux livres et monographies, il a accepté de répondre aux questions de Rossiïskaïa gazeta.

    Le monde occidental est parti en guerre contre la Russie, l'accusant de tous les péchés capitaux et de mauvaises intentions. Qu'en pensez-vous?

    Emmanuel Todd: Avant les événements ukrainiens déjà, j'avais attiré l'attention sur cette tendance antirusse, manifestement planifiée, dans les médias occidentaux. Les premières attaques régulières contre Moscou ont porté sur le "rejet" des minorités sexuelles. Ensuite, de nombreux articles ont avancé que la politique de Poutine était "impossible à comprendre" et qu'il était "imprévisible". Pour être franc, cela m'a beaucoup amusé. Car à mon avis, la ligne politique du gouvernement russe est au contraire très rationnelle et réfléchie. Les Russes sont fiers d'être Russes et s'ils disposent des moyens nécessaires, ils font tout pour éviter la cabale. Ainsi, le soutien affiché à la population russophone dans le sud-est de l'Ukraine s'inscrit parfaitement dans cette logique.

    En ce qui concerne les préoccupations des Baltes ou des Polonais, persuadés que demain Moscou compte les engloutir, elles sont complètement infondées. Cela n'a absolument aucun sens. La Russie a déjà suffisamment de soucis pour aménager son vaste territoire.

    Cela fait longtemps que vous vous intéressez à la Russie - essentiellement comme anthropologue et sociologue. En 1976 déjà, à l'âge de 25 ans, vous avez écrit un livre intitulé La Chute finale où vous évoquiez les causes susceptibles de désintégrer l'URSS. Ce livre, qui a fait beaucoup de bruit, n'a pas été pris au sérieux à l'époque. Quelle est votre vision de la Russie contemporaine?

    Emmanuel Todd: Si vous vous penchez sur l'histoire de la Russie, vous comprenez que son rôle dans les affaires mondiales - et en particulier européennes - a toujours été positif. La Russie a subi une humiliation dans les années 1990, juste après l'effondrement de l'URSS. L'attitude de l'Ouest fut alors insupportable et injuste mais en dépit de cela, la transition a pu se faire dans une certaine dignité. Aujourd'hui, ce pays a retrouvé sa place dans les affaires mondiales et a atteint un équilibre interne. Il a atteint une stabilité démographique et enregistre même une croissance de sa population plus élevée que dans le reste de l'Europe. L'espérance de vie augmente. A terme, le taux de mortalité infantile sera inférieur à celui des États-Unis selon les statistiques. Le fait que la Russie attire un flux d'immigrés en provenance des pays voisins montre qu'elle revêt pour eux un intérêt économique.

    À mon avis, la Russie joue un rôle particulier dans les affaires internationales, dont elle a hérité de la Guerre froide, qui est d'assurer l'équilibre mondial. Grâce à son arsenal nucléaire, la Russie est aujourd'hui le seul pays capable de contenir les Américains. Sans elle, le monde aurait connu un sort catastrophique. Tous les libéraux occidentaux devraient l'applaudir: contrairement aux démocraties européennes, elle a accordé l'asile à Edward Snowden. Quel symbole explicite: la Russie, bastion des libertés dont les pays européens se veulent les porte-drapeaux.

    En 2002 sortait votre livre Après l'Empire, où vous évoquez les causes de l'affaiblissement, lent mais sûr, des USA. Qu'en est-il aujourd'hui?

    Emmanuel Todd: En effet, j'ai écrit à l'époque que l'agressivité de l'Amérique n'était absolument pas une manifestation de sa puissance. Au contraire, elle cachait la faiblesse et la perte de son statut dans le monde. Ce qui s'est passé depuis a confirmé mes conclusions de l'époque. Et cela reste exact aujourd'hui également. Ne croyez pas que j'ai été motivé par un anti-américanisme quelconque. Pas du tout. Néanmoins, je constate que l'"empire" américain est en phase de déclin. Et cela peut être vu particulièrement dans la manière dont les États-Unis, à chaque fois qu'ils perdent l'un de leurs alliés, prétendent que rien de significatif ne s'est produit. Prenez l'exemple de l'évolution des relations de Washington avec l'Arabie saoudite. Les échecs permanents des Etats-Unis au Moyen-Orient sont flagrants pour tout le monde, notamment à travers les derniers conflits en Irak et en Syrie. Et Riyad, qui était autrefois leur plus proche allié dans la région, est en fait sorti du contrôle américain, même si bien sûr personne ne l'admet. Même chose pour la Corée du Sud, qui s'éloigne des États-Unis pour coopérer de plus en plus activement avec la Chine. Le seul véritable allié loyal des Américains en Asie reste le Japon. Mais à cause de sa confrontation avec Pékin, ce pays ne sait plus où se mettre.

    Et l'Europe?

    Emmanuel Todd: Le processus est similaire en Europe. La principale évolution que le Vieux continent ait connue ces dernières années est la montée en puissance de l'Allemagne. Avant, je pensais que l'Europe allait continuer à se développer, tirée par la locomotive d'intégration Berlin-Paris. Mais les choses se sont passées autrement. Tout d'abord, l'Union européenne ne s'est pas transformée en union des nations "libres et égales", comme le rêvaient ses fondateurs. Elle a pris la forme d'une structure hiérarchique sous l'égide de l'Allemagne, qui a largement dépassé sur le plan économique tous les autres pays de l'UE. Par nature, les Allemands ne peuvent pas percevoir le monde autrement qu'à travers un prisme hiérarchique. Cette ascension de Berlin s'est accélérée notamment après la crise financière de 2008. Aujourd'hui, l'Europe est contrôlée par l'Allemagne. Les premiers signes d'une perte de contrôle sur Berlin par les Américains sont apparus au début de la guerre en Irak quand Paris, Moscou et Berlin, qui marchaient jusque-là dans le sillage des USA, s'y sont opposés. Ce fut une étape fondamentale.

    Depuis, dans un domaine aussi crucial que l'économie internationale, l'Allemagne mène sa propre ligne pour défendre ses intérêts nationaux. Elle ne cède pas à la pression des Américains, qui croient que tout le monde devrait jouer selon leurs règles et insistent pour que les Allemands renoncent, par exemple, à leur politique d'austérité budgétaire. Cette ligne est imposée sous la pression de Berlin à l'ensemble de l'Union européenne, et les Etats-Unis ne peuvent rien y faire. Dans ce domaine, les Allemands n'accordent pas d'importance à l'avis des Américains. Nous pouvons aussi rappeler les récents scandales impliquant les écoutes téléphoniques, quand les Allemands – un cas sans précédent – ont expulsé le chef de la CIA à Berlin. Mais l'économie reste le plus important. Les Américains n'adoptent pas, dans ces circonstances, une attitude menaçante. Pas parce qu'ils ne veulent pas, mais parce qu'ils ne peuvent pas. En l'admettant tacitement, ils reconnaissent en quelque sorte que leur pouvoir touche à sa fin. Cela ne saute probablement pas aux yeux, mais c'est la réalité.

    Néanmoins, certains pensent que les USA restent une puissance dirigeant les affaires mondiales, notamment européennes.

    Emmanuel Todd: Il y a l'ancien monde et le nouveau monde. L'ancien monde, c'est la vision héritée de l'époque de la Guerre froide. Elle reste bien ancrée dans la conscience des faucons américains, dans les pays baltes et en Pologne. Il est clair que l'expansion de l'OTAN vers l'Est après la chute du mur de Berlin est un exemple typique de l'inertie de la pensée dans l'esprit de la Guerre froide, peu importe les termes employés. Dans l'ancien monde, l'Allemagne jouait plutôt un rôle de modérateur, d'élément rationnel préconisant une solution pacifique aux problèmes et favorable au partenariat économique. Mais un nouveau monde est apparu et il n'est plus contrôlé par les Américains.

    Après le mur de Berlin, le mur des sanctions

    L'Europe a aujourd'hui sa propre dynamique. Elle n'a pas d'armée, mais elle est dirigée par l'Allemagne. Et tout se complique, car cette dernière est forte, mais elle est instable dans ses concepts géopolitiques. A travers l'histoire, le pendule géopolitique allemand a oscillé entre une approche raisonnable et des élans mégalomanes qui ont conduit, rappelons-le, à la Première Guerre mondiale. C'est la "dualité" de l'Allemagne. Par exemple, Bismarck cherchait la paix universelle et l'harmonie avec la Russie, alors que Guillaume II, dans l'esprit "l'Allemagne est au-dessus de tous", s'est brouillé avec tout le monde, à commencer par la Russie. Je crains que nous retrouvions aujourd'hui cette dualité. D'une part, l'ancien chancelier Schröder a prôné l'expansion des relations avec Moscou et il a maintenant beaucoup de partisans. D'autre part, on constate une position étonnamment ferme de Merkel dans les affaires ukrainiennes. L'agressivité du monde occidental envers la Russie ne s'explique donc pas uniquement par la pression des Etats-Unis.

    En effet, tout le monde s'attendait à une médiation active de Berlin dans la crise ukrainienne, mais ce n'a pas été le cas.

    Emmanuel Todd: Il me semble que l'Allemagne s'engage de plus en plus dans une politique de force et d'expansion voilée. La réalité de l'Allemagne après la réunification est qu'elle a miné les structures étatiques fragiles en Europe. Rappelez-vous la défunte Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, et aujourd'hui il semble que ce soit le tour de l'Ukraine. Pour la plupart des Européens, l'Ukraine n'a aucun intérêt particulier. Pas pour les Allemands. Depuis l'époque de la réunification, l'Allemagne a mis la main sur la quasi-totalité de l'ancien espace de domination soviétique et l'utilise à ses propres fins économiques et industrielles. En c'est, je pense, l'un des secrets de la réussite de l'économie allemande. Face à un grave problème démographique et un taux de fécondité faible, elle a besoin d'une main-d'œuvre qualifiée et bon marché. Donc, si vous restez dans cette logique, obtenir par exemple les deux tiers des travailleurs ukrainiens est une opération très bénéfique pour Berlin.

    D'ailleurs, le 23 août, Angela Merkel a été la seule des chefs d'Etats de l'UE à se rendre en visite à Kiev à l'occasion de la célébration de l'indépendance de l'Ukraine.

    Emmanuel Todd: D'après moi, c'était un événement marquant. Et je pense que Moscou l'a également remarqué.

    Pourquoi, d'après vous, les États-Unis montrent-ils un tel zèle dans les affaires ukrainiennes?

    Emmanuel Todd: Parce que leur stratégie vise à affaiblir la Russie. En l'occurrence par la crise ukrainienne. Mais n'oublions pas qui l'a provoquée. Après tout, le point de départ était la proposition de l'UE de conclure un accord d'association avec Kiev. Puis l'Union européenne a soutenu le Maïdan conduisant au coup d'Etat, qui s'est déroulé avec le consentement silencieux des capitales européennes. Quand les événements en Crimée se sont produits, les Américains ne pouvaient pas rester à l'écart, au risque de "perdre la face". Les "faucons", partisans des idées de la Guerre froide, sont alors passés au premier plan pour définir la politique américaine vis-à-vis de la Russie. Je ne pense pas que les Américains souhaitent l'exacerbation de ces conflits, mais nous devons suivre de près jusqu'où pourrait aller leur désir de "sauver la face".

    - Source : Ria Novosti

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Ankara et la hantise kurde

    Un point de vue intéressant sur les mobiles de la Turquie :

    "Pour certains et il n’y a pas si longtemps, la Turquie était une sorte de pays européen comme les autres. Surtout pour ceux, pour qui l’Europe sans frontières ni civilisation identifiée, n’était pas plus chrétienne et gréco-romaine qu’autre chose… il fallait simplement partager son  idéal mercantile et ses valeurs idéologiques du moment. Alors pourquoi pas la Turquie avant le Zimbabwe ? Et oui ce serait formidable, l’Europe aurait maintenant une frontière commune avec l’état islamique du levant.  

    Comment réagiraient les démocrates impeccables qui, pour sauver des populations civiles à Benghazi, ont détruit un  pays et assassiné son chef d état ? Jugeraient-ils les populations civiles de Kobané aussi dignes d’intérêts et méritant une vraie guerre plutôt que quelques bombardements de bonne conscience ?
    Le moins qu’on puisse dire tout de même, c’est que leur sort indiffère les islamistes présentés comme conservateurs et démocrates au pouvoir à Ankara. Des islamistes qui ont financés ceux de l’EIL par haine du régime laïc de Bagdad et qui laissent massacrer des kurdes qui représentent tout de même 25 % de leur propre population. Plutôt que de bombarder les islamistes arabes, les Turcs bombardent les Kurdes turcs qui veulent porter secours à leurs frères de sang.
    Cela se comprend. Les Turcs ne craignent pas les djihadistes mais redoutent la création d’un Kurdistan indépendant. Ils veulent bien maintenant voir frapper des islamistes qui égorgent un peu trop mais pas au profit des Kurdes, surtout pas au profit des Kurdes.
    Ce positionnement racial (les kurdes sont des indo-européens) et religieux- les mouvements kurdes ne sont pas islamistes- serait-il jugé compatible avec les merveilleuses valeurs de l’Europe de Bruxelles et de son maître américain ? On en arriverait à regretter que les Turcs ne soient pas membres de l'Union européenne pour en juger sur pièce.
    Voilà tout de même qui devrait faire réfléchir les idiots utiles du mondialisme qui pensent que l’Europe peut être un espace sans épine dorsale, sans identité et sans références à l'histoire, aux ethnies et aux religions.
    Ce qui se passe aux frontières de la Turquie qui seraient celles de l’Europe si on avait écouté les belles âmes en apporte la preuve. Les Turcs sont dans une logique d’un autre monde, fidèle eux à leur peuple et leur vision d’une histoire nationale et de mémoire ottomane. Ils ne crachent pas sur leurs racines musulmanes et leurs origines asiatiques. Ils savent que les Européens peuvent prendre les Turcs pour des européens mais les Turcs ne considéreront jamais les Kurdes comme un peuple à part entière ayant le droit à un territoire sur le sol de cette Anatolie qui ne fut pas toujours turque, loin s'en faut,et qui fut de civilisation européenne. Mais qui s'en souvient ou plutôt qui veut s’en souvenir ?"

    Marie Bethanie

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html