Le Figaro Magazine - 14/02/2013
Marin et médecin, explorateur et savant, découvreur de l’Antarctique, Jean-Baptiste Charcot, disparu en mer en 1936, fut une authentique légende vivante.
C’était au début de l’autre siècle. À l’issue des grandes explorations, la Terre ne recelait plus aucune contrée inconnue, à part l’Amazonie et les régions polaires. S’il appartiendra au Norvégien Amundsen, coiffant sur le poteau l’Anglais Scott, en 1911, de vaincre le pôle Sud, un Français attachera son nom à la découverte de cet univers voué au froid, à la glace et au blizzard : Jean-Baptiste Charcot.
L’homme n’était pas un ingrat. Il devait beaucoup à son père, le Dr Jean-Martin Charcot, célèbre médecin aliéniste. Il devait également beaucoup à son pays, la France ayant soutenu sa vocation scientifique, et aux donateurs étrangers qui l’avaient aidé. En 1906, rédigeant le récit de la première expédition française au pôle Sud, Charcot soulignait ceci : « Si la liste n’en était trop longue, je voudrais pouvoir remercier ici nominalement tous ceux qui, tant en France qu’à l’étranger (…), ont permis à un “fils à papa” de se rendre utile et de faire son devoir. À ceux qui liront ces lignes, je puis assurer que la reconnaissance est un sentiment qui ne m’effraie pas. »
La réédition des textes où Charcot relatait ses campagnes dans l’Antarctique * est l’occasion de rendre hommage à cette figure admirable, grand marin et grand savant, patriote et homme d’honneur.
Né à Neuilly-sur-Seine en 1867, Jean-Baptiste Charcot est élève à l’Ecole alsacienne. Très tôt, il se signale par son goût pour le sport : boxe, rugby (il sera champion de France en 1896), escrime et déjà la voile qu’il pratique l’été à Ouistreham. Très jeune également, il manifeste sa fascination pour l’exotisme en publiant dans un illustré les aventures d’un trois-mâts en Patagonie. Il voudrait être marin mais, répondant au vœu de ses parents, entreprend des études de médecine. Il voyage avec son père en Europe du Nord et en Scandinavie, ainsi qu’en Espagne et au Maroc, mais il conservera la phobie des pays chauds. En 1888, c’est en qualité de médecin auxiliaire qu’il effectue son service militaire dans les chasseurs alpins. Interne des hôpitaux en 1891, il entre à la Salpêtrière puis, en 1895, docteur en médecine, à l’hôpital Saint-Antoine.
En 1892, il achète son premier bateau, un sloop de 8 mètres. L’année suivante, alors que son père vient de mourir, il se fait construire un cotre de 20 mètres et le baptise Pourquoi Pas ? Ce sera le nom de quatre navires successifs de Jean-Baptiste Charcot.
Médaillé aux Jeux olympiques de 1900
En 1896, il épouse Jeanne Hugo, la petite-fille de l’écrivain, divorcée de Léon Daudet, son camarade de l’Ecole de médecine. Charcot revend le Pourquoi Pas ?, en fait construire un deuxième, puis un troisième avec lequel, en 1897, il remonte le Nil en compagnie du milliardaire américain Vanderbilt. En 1900, aux Jeux olympiques de Paris, il est double médaillé d’argent dans l’épreuve de voile. Ayant encore changé de navire, il effectue une série de croisières scientifiques dans les Shetland, aux Hébrides, aux îles Féroé, et franchit pour la première fois le cercle polaire arctique en 1902.
Entre 1903 et 1910, sur ses deux nouveaux bâtiments, Le Français , un trois-mâts goélette de 32 mètres, et le Pourquoi pas ? IV, un bateau d’exploration polaire de 40 mètres gréé en trois-mâts et équipé d’une machine auxiliaire à vapeur, il effectue plusieurs missions dans l’Antarctique. Il en revient avec une moisson impressionnante, ayant reconnu des milliers de kilomètres de côtes, établi des cartes et effectué des relevés dans des domaines scientifiques multiples : météorologie, magnétisme, glaciologie, zoologie, etc.
Après avoir divorcé de Jeanne Hugo, Charcot se remarie, en 1907, avec Marguerite Cléry, un peintre qui l’accompagnera dorénavant dans ses voyages. Depuis 1902, il est médecin de réserve de la Marine. Lorsque éclate la Grande Guerre, il est mobilisé et affecté à l’hôpital maritime de Cherbourg. En 1915, l’Amirauté britannique lui confie toutefois le commandement d’un baleinier armé par un équipage franco-anglais et chargé de surveiller les îles Féroé, que l’on soupçonne de servir de bases aux sous-marins ennemis. De 1916 à 1918, il croise le long des côtes bretonnes et normandes, au service de la Marine française, cette fois, sur des cargos banalisés, eux aussi chargés de la chasse aux sous-marins allemands. Charcot termine le conflit avec une décoration britannique, la croix de guerre française et une citation à l’ordre de la Marine.
La paix revenue, le Pourquoi Pas ? est définitivement transformé en navire de recherche scientifique, et affecté à des missions en Atlantique Nord, dans la Manche et en Méditerranée. Charcot est nommé capitaine de frégate en 1923 mais, deux ans plus tard, atteint par la limite d’âge, il perd son commandement. Il reste néanmoins à bord en tant que chef de mission.
Des obsèques nationales à Notre-Dame de Paris
Membre de l’Académie des sciences, de l’Académie de marine et de l’Académie de médecine, le « commandant Charcot », alors au sommet de sa gloire, est une sorte de légende vivante qui fait la liaison entre les milieux scientifiques et le monde de la mer, dans lequel l’élément militaire reste prédominant à l’époque.
Le 16 septembre 1936, de retour du Groenland où il est allé livrer du matériel au jeune Paul-Emile Victor, le Pourquoi pas ? est pris dans une effroyable tempête au large de l’Islande. Charcot, qui navigue depuis plus de cinquante ans, comprend que cette fois sera la dernière : son navire se fracasse sur les récifs d’Alftanes, laissant 23 morts, 17 disparus et un survivant. Le 12 octobre suivant, les dépouilles retrouvées ont droit à d’émouvantes funérailles nationales à Notre-Dame de Paris. À l’issue de la cérémonie, Jean-Baptiste Charcot est enterré au cimetière Montmartre. C’est là, sur les hauteurs de la capitale, que repose le dernier explorateur français. ¡
Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
* Le Français au pôle Sud & Le Pourquoi Pas ? dans l’Antarctique , de Jean-Baptiste Charcot, Arthaud.
géopolitique - Page 881
-
Charcot, le dernier explorateur
-
Obama contre le lobby pro-Israël
Avec la nomination de Chuck Hagel au poste de secrétaire à la Défense, le Président se risque à une épreuve de force dont ses prédécesseurs s’étaient bien gardés. Cela pourrait-il être le signal d’un changement stratégique de politique étrangère ?
Pour la première fois depuis 40 ans, le chef du Pentagone est à nouveau un homme disposant d’une expérience militaire forgée au combat. En 1967, Chuck Hagel s’est porté volontaire pour le Vietnam où il a été blessé – son corps en porte encore les stigmates – et deux fois décoré. Il aurait pu pourtant effectuer son service militaire dans la paisible Allemagne de l’Ouest, cependant il choisit plutôt dans s’engager sur le théâtre de guerre, en Indochine. Contrairement à ses prédécesseurs, et sur la base de sa propre expérience, Hagel sait donc parfaitement ce que signifie envoyer des jeunes gens sur le front. Cela n’a pas fait de lui un pacifiste pour autant, mais plutôt un réaliste. Et c’est précisément pour cette raison que cet homme de 66 ans constitue pour certains un élément de perturbation.
À peine l’éventualité d’une nomination de Hagel fut-elle envisagée en décembre 2012, qu’une campagne hostile et nauséabonde s’engageait dans les médias américains et israéliens. Selon le Jerusalem Post, ce dernier aurait un « problème juif » alors que, selon l’influent Sénateur Lindsay Graham, il se situerait « en dehors du courant dominant » puisqu’il deviendrait alors « le secrétaire à la Défense le plus hostile à Israël de l’histoire de notre nation ». Selon le Wall Street Journal, il exhalerait de lui comme « une odeur » d’antisémitisme. Le Weekly Standard, l’organe maison des néoconservateurs – Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense de Bush, en faisait distribuer systématiquement quelques centaines d’exemplaires au Pentagone – accusa Hagel de faire preuve d’une « hostilité récurrente » envers Israël. Ainsi, le journal rapporta les propos suivant d’un employé républicain du Sénat : « Qu’on nous impose Hagel et nous allons faire en sorte que chaque Américain sache qu’il est un antisémite. » Quand Obama donna confirmation de son choix début janvier, le journal Hayom, proche du gouvernement israélien, fit savoir que l’entourage de Benjamin Netanyahou considérait la nomination de Hagel comme « un très mauvais choix ». Entre-temps, en Allemagne, la presse Springer avait également dégainé. [1]
Ainsi, dans le journal Die Welt, il fut qualifié de « stupide », tandis que le Bild-Zeitung estima que la décision du Président « avait soulevé une vague d’indignation » dans un article ayant pour titre « Le nouveau ministre d’Obama : Un ennemi d’Israël ? »
La violence de ces attaques est également à rechercher dans le fait qu’avec Hagel, le Président issu du camp démocrate a choisi d’envoyer un républicain au Pentagone, comme ce fut déjà le cas en 2009 avec Robert Gates. Cela suscite de la rage au sein du parti d’opposition, avant tout parmi les néoconservateurs, qui voient en Hagel le type même du conservateur traditionnel qui, s’il devait faire bonne figure aux yeux de la base conservatrice, à son poste ministériel, pourrait constituer une dangereuse épine dans leur pied. Hagel s’affiche ostensiblement comme catholique et opposant à l’avortement. De plus, en 1998, il s’est ouvertement opposé à la nomination au poste d’ambassadeur des États-Unis d’un candidat qualifié par lui d’« homosexuel agressif » [2].
Voilà qui plaît aux fermiers du Middle West et qui devrait pousser son parti à mettre en avant un vieux briscard de ce calibre. Pourtant, de façon malveillante, il est décrit comme étant « à la gauche d’Obama », ce qui a à peu près aussi pertinent que de situer Peter Gauweiler, le poil à gratter de la CSU, à la gauche de Steinbrück [3].
Le fait que les néoconservateurs s’opposent ainsi à Hagel repose sur quatre raisons principales qui ont toutes à voir avec le Proche-Orient. Tout d’abord, il n’a soutenu la guerre en Irak qu’à ses tout débuts, en 2003, avant de s’y opposer par la suite, arguant que Bush « jouait au ping-pong avec la vie d’Américains ». Par ailleurs, il a défendu le point de vue suivant : « Israël est notre ami et notre allié et nous devons assurer nos devoirs à son égard mais en aucun cas au détriment du peuple palestinien. » Troisièmement, il a voté plusieurs fois contre une aggravation des sanctions à l’égard de l’Iran et, dans la continuité de sa position, il s’est toujours opposé à toute intervention militaire. Concernant la question d’une hypothétique arme nucléaire iranienne, il ne partage ni l’obsession panique des néoconservateurs, ni l’opposition mesurée tout autant que ferme d’Obama à ce sujet. Le « génie des armes nucléaires est déjà sorti de sa bouteille, quoi que fasse l’Iran », a-t-il écrit de façon lapidaire, en 2008. Et enfin, et ce n’est pas le moindre, en 2006, dans le cadre du Congrès des États-Unis il a exprimé le constat suivant : « Au sein de cette assemblée beaucoup de gens sont sous l’intimidation du lobby juif. » C’est ainsi que lorsque la puissante organisation lobbyiste American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) présente un projet de résolution, elle recueille la signature de 80 à 90 sénateurs en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Si lui-même n’a encore désigné personne nommément, il a fait savoir qu’il tient une telle attitude pour « stupide ». Pour conclure avec ses propres mots, il n’est en aucun cas « un sénateur israélien mais un sénateur des États-Unis ».
L’utilisation de l’expression « lobby juif » par Hagel est particulièrement significative. À ce propos, il convient de rappeler qu’en Israël même – cf. l’article que le Jerusalem Post a consacré à Hagel le 26 décembre 2012 – l’AIPAC est décrite comme « ha lobby hayehudi », à savoir sous les termes de « lobby juif ».
En dénonçant comme il le fait les pressions exercées par cette organisation sur les politiciens, Hagel exprime ce que beaucoup pensent tout bas. En l’occurrence, le mécanisme d’intimidation ne repose pas sur des manifestations de violence pure mais sous une autre forme. Par exemple, quand un politicien prend des positions conformes aux intérêts du lobby, alors l’AIPAC intervient pour le mettre en contact avec des sponsors. Au contraire, s’il ne le fait pas, il voit une campagne dans les médias ou sur Internet immédiatement diligentée contre lui. En février 2007, l’ancien président Jimmy Carter a résumé les choses de la façon suivante : « Pour un membre du Congrès qui souhaite être réélu, ce serait presque un suicide politique que de soutenir une position contraire à celle du gouvernement conservateur israélien. »
Un autre ancien président, à savoir Bill Clinton, a évoqué quant à lui le « lobby le plus efficace de Washington ». Qu’on en juge : chaque année, l’AIPAC peut compter sur un budget de 47 millions de dollars, sur 100 000 membres à l’échelle du pays et sur un siège national situé à Washington comptant plus de cent lobbyistes, spin doctors [4], publicitaires et autres éminences grises classés parmi les plus illustres sur la liste publiée par le National Journal en 2005, ce qui fait de cette organisation le deuxième lobby en importance après celui des armes représenté par la fameuse National Rifle Association. À l’occasion de l’assemblée générale annuelle de l’organisation, l’énonciation de la liste de tous ses sympathisants dans le monde politique dure pratiquement une demi-heure. Depuis des années, indépendamment de l’appartenance politique des présidents successifs, la majorité des membres du Sénat, un quart des membres de la Chambre des représentants, plus de 50 ambassadeurs ainsi que des douzaines de hauts fonctionnaires gouvernementaux figurent sur cette liste.
Qu’Obama ait réussi à imposer son secrétaire à la Défense dans ce contexte de vents contraires et à se sortir de l’impasse dans laquelle il risquait de s’enfermer, ne fut rendu possible qu’en raison du soutien d’une grande partie des généraux les plus et les mieux décorés, ainsi que de celui des experts en stratégie les plus renommés. Pour aller plus loin, on pourrait d’ailleurs avancer que ce sont précisément les accusations du lobby pro-Israël et des néoconservateurs contre Hagel qui, par leur côté excessif et perfide, ont suscité une contre-réaction au sein de l’establishment, pour la première fois depuis bien longtemps, et encouragé l’école dite réaliste à oser sortir de la clandestinité.
À cet égard, ceux qui ont toujours pensé que la politique extérieure US était conduite en sous-main par un centre de pouvoir collectif à trois têtes, à savoir Henry Kissinger, Georges Soros et Zbigniew Brzezinski, sont désormais dans l’obligation de reconnaître, devant les marques d’hostilité qui s’expriment au grand jour, qu’un tel centre de pouvoir homogène n’existe pas. C’est ainsi que Zbigniew Brzezinski s’est ouvertement exprimé, aux côtés d’autres conseillers de présidents précédents (James L. Jones, Brent Scowcroft, Frank Carlucci) et cela avant même que le président Obama ait fait connaître son choix en faveur de Hagel, pour faire savoir qu’à ses yeux, le sénateur serait « un homme d’une intégrité et d’une sagesse inébranlables qui, dans la guerre comme dans la paix, avait servi son pays de la manière la plus noble ». De même, dans une prise de position commune, onze responsables militaires parmi les plus haut gradés se sont prononcés de manière élogieuse en faveur de Hagel, voyant en lui un « solide dirigeant du Pentagone » ainsi qu’ « une voix modérée et équilibrée dans une époque troublée et déséquilibrée ». Parmi d’autres signataires, on compte par exemple l’amiral William J. Fallon et le général Anthony Zinni, , deux des plus récents responsables de l’US Central Command (CENTCOM) qui est la structure de commandement des opérations de guerre au Proche-Orient (Zinni en fut le responsable de 1997 à 2000 et Fallon de 2007 à 2008).
Tout comme son mentor John Kerry, le nouveau ministre des Affaires étrangères Hagel est un tenant de la doctrine Powell, doctrine qui fut mise en œuvre lors de la première guerre d’Irak, en 1991, alors que Colin Powell était commandant suprême des forces armées US. À cette époque, il était convenu que les États-Unis ne rentraient en guerre que quand les conditions suivantes étaient réunies : lorsque la Nation était face à une menace, lorsque l’on disposait d’une supériorité militaire importante, lorsque l’on disposait du soutien de l’opinion publique et enfin lorsqu’il existait une claire stratégie de sortie de guerre.
Lors de la deuxième guerre d’Irak menée sous la présidence de Georges W. Bush, c’est au contraire principalement la doctrine Rumsfeld qui prévalut, celle-ci étant fondée sur les principes suivants : il serait autorisé et parfaitement légitime d’intervenir militairement pour exporter la démocratie ; il ne serait nullement nécessaire pour cela de disposer d’une supériorité militaire avérée puisque les opprimés accueilleraient de toute façon les soldats US comme des libérateurs ; enfin, l’existence d’une stratégie de sortie de la guerre ne constituerait qu’un luxe supplémentaire.
Le général Petraeus, chef des forces armées américaines en Afghanistan de 2010 à 2011 puis chef de la CIA sous le premier mandat Obama, ne fit que mettre en œuvre cette doctrine dans une version modifiée. En lieu et place des strictes conditions nécessaires au déclenchement d’un « large » conflit avancées par Powell, il substitua l’idée de conflits « limités » et de guerre antiterroriste généralisée. C’est dans cette perspective que Petraeus révisa le manuel officiel de contre-insurrection (Field Manual on Counterinsurgency). Ce qu’il avance dans cette nouvelle mouture pourrait paraître parfaitement inoffensif à première lecture. Ainsi, dans cette version, c’est la protection des populations civiles qui est mise en avant plutôt que l’élimination physique de l’adversaire. Dès lors, cela implique que la victoire militaire ne constitue plus forcément l’objectif recherché mais que c’est plutôt l’équilibre fragile d’une situation qu’on essaie de préserver. C’est exactement ainsi que les choses se sont déroulées en Afghanistan : sans critères pour juger d’une victoire, il n’existe plus aucun repère pour savoir s’il faut rester ou quitter le pays. Dans ces conditions, on peut laisser des troupes éternellement sur les bords de l’Hindu Kush puisqu’il y a toujours des populations civiles à « protéger ». Le fait que cette entreprise de « protection » suscite de nombreuses pertes parmi la population civile par effet collatéral n’entre pas évidemment pas dans les calculs.
Certes, la nomination de Hagel au poste de secrétaire à la Défense renforce l’espoir que les USA accélèreront leur départ de l’Hindu Kush et qu’au Proche-Orient ils prendront leurs distances avec les va-t-en-guerre de Tel-Aviv et d’ailleurs également. Quoi qu’il en soit, on ne devrait pas se faire trop d’illusions en la matière. Ce n’est pas Hagel qui fait la politique des États-Unis mais bel et bien le Président. En matière de Sécurité nationale, plus que tout autre avant lui, ce dernier a concentré les capacités décisionnaires à la Maison Blanche, ce que le Pentagone et le Département d’État n’ont d’autre choix que d’accepter. Et malheureusement, Obama en a fait la preuve lors de son premier mandat : il est tout à fait capable de décisions négatives.
Notes
[1] Les commentaires, analyses et réactions diverses suite à la nomination de Hagel ont pris beaucoup plus d’importance dans la presse allemande que dans la presse française. Cela confirme à la fois le niveau supérieur de l’information dans ce pays sur les questions de géopolitique ainsi que l’allégeance d’une partie importante de ses élites au grand frère américain, ce qui ne surprendra pas les visiteurs du site E&R familiarisés avec les conférences de François Asselineau – NdT.
[2] En 1998, en tant que sénateur, Hagel s’est opposé à la nomination au poste d’ambassadeur US au Luxembourg de James Hormel au motif que ce dernier serait « ostensiblement et agressivement homosexuel ». Lors des auditions préalables à sa nomination au poste de secrétaire d’État US, en décembre 2012, il a dit regretter ses propos de l’époque – NdT.
[3] En Allemagne où certaines valeurs issues des traditions catholiques, protestantes ou prussiennes influencent encore certaines franges du corps social, ce type de comparaison apparaît comme pertinente, ce qui est beaucoup moins le cas en France. Pour rappel, Peer Steinbruck sera le candidat-chancelier du SPD aux prochaines élections de 2013 – NdT.
[4] Conseillers en communication et en marketing politiques.
Lien permanent Catégories : actualité, anti-national, géopolitique, international, lobby 0 commentaire -
Aymeric Chauprade : les grandes tendances géopolitiques du moment, la place de la France (2/2)
Seconde partie - Aymeric Chauprade revient sur les grandes tendances géopolitiques du moment et se penche sur la place de la France dans le monde. Entretien réalisé avec Xavier Moreau pour Realpolitik, le 13 février 2013.
Dans cette partie Chauprade parle en particulier de la situation en Syrie. Il met en évidence l’incohérence de la position du gouvernement français entre son action au Mali et sa position en Syrie face au djihadisme. Pour Chauprade l’action de la France au Mali est conforme à ses intérêts géostratégiques, en Syrie au contraire elle est opposée à ses intérêts.
La première partie est ici.
À propos de l’auteur
Aymeric Chauprade. Professeur de géopolitique et Directeur de la Revue Française de géopolitique et du site www.realpolitik.tv est l’auteur de l’ouvrage de référence « Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire » éd. Ellipses.Source : Realpolitik.tv – 28 février 2013
Aymeric Chauprade : les grandes tendances... par realpolitiktv -
Mezri Haddad : « la révolution du jasmin était une manipulation du Qatar et des Etats-Unis »
http://mediabenews.wordpress.com/
Interviewé par le quotidien algérien La Nouvelle République, Mezri Haddad revient sur les causes de la révolution du jasmin et dévoile les objectifs stratégiques et géopolitiques du printemps arabe. Pour le philosophe tunisien, ce printemps n’est que la mise en oeuvre du « Grand Moyen-Orient » conçu par les néoconservateurs pour domestiquer l’islamisme en vue de perpétuer l’hégémonie américaine. « Le triomphe de l’islamisme en tant qu’idéologie provoquera la déchéance de l’Islam en tant que religion », prévient M.Haddad. Voici la reproduction de cette interview réalisée par Chérif Abdedaïm et publiée à la Une de la Nouvelle République du 12 février 2013.
Vous êtes de ceux qui considèrent que la « révolution tunisienne » n’est en fait qu’une imposture qui ne relève pas seulement du ressort des islamistes. Quels sont d’après-vous les responsables de cette déstabilisation de la Tunisie et pourquoi ?
Les responsables de cette déstabilisation c’est d’abord un régime qui n’a pas été capable d’amorcer, en temps opportun, un véritable processus démocratique et qui a laissé se propager le clientélisme et la corruption. C’est aussi une opposition qui a manqué de patriotisme en se mettant au service d’agendas étrangers. Oui, j’ai considéré dès le départ que la « révolution du jasmin » était un conte de fées pour adolescents. Il s’agissait plutôt d’une révolte sociale que des traitres locaux et des services étrangers ont déguisé en révolution politique. Cette révolte sociale est semblable à celle de janvier 1978, à celle de janvier 1984 et à celle d’octobre 1988 en Algérie. Elles exprimaient toutes des revendications sociales et salariales parfaitement légitimes. Ce qui s’est passé en janvier 2011 est donc une colère sociale qu’une poignée de cyber-collabos ont transformé en soulèvement politique, selon un plan que les services américains ont mis en œuvre dès 2007. Volontairement ou inconsciemment, plusieurs jeunes tunisiens et arabes d’ailleurs ont été embrigadé par l’organisation OTPOR, par l’Open Society Institute du vénérable George Soros, et par la Freedom House, qui a été dirigé par l’ancien directeur de la CIA, James Woolsey, et qui compte parmi ses membres le théoricien du choc des civilisations, Samuel Huntington, ainsi que Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz, qui ont commis des crimes contre l’Humanité en Irak. C’est par la magie du Web, d’internet et de facebook qu’un simple fait divers –l’immolation par le feu d’un jeune alcoolique- s’est mu en « révolution du jasmin » pour se transmuer en « printemps arabe ».
Au même titre que dans beaucoup de pays arabes et même européens, la Tunisie a connu son malaise social, mal vie, chômage, etc, qui sembleraient être à l’origine du soulèvement du peuple tunisien. Toutefois, quand on constate qu’avec la nouvelle configuration du paysage politique tunisien cette situation sociale s’est au contraire aggravée ; qu’aurait-il fallu faire pour redresser cette situation ?
Le malaise social était bien réel mais on en a exagéré l’ampleur. Contrairement à tout ce qui a été dit par propagande, par ignorance ou par suivisme, ce n’était pas du tout une révolte de la pauvreté et de la misère économique mais de la prospérité et de la croissance mal répartie entre les strates sociales et les régions géographiques. L’économie de la Tunisie se portait nettement mieux que les économies dopées de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal et de la Grèce, un Etat en faillite malgré trois plans de sauvetage à coup de millions d’euros. L’Etat tunisien n’était pas en faillite, bien au contraire. C’est maintenant qu’il est en faillite, avec un endettement qui s’est multiplié par sept, une croissance en berne et plus d’un million de chômeurs, alors qu’il était à 400000 en janvier 2011. En moins de deux ans, la Tunisie a perdu les acquis de 50 ans de dur labeur.
Si vous aviez à comparer l’époque Bourguiba, celle de Ben Ali, et la gouvernance actuelle, quelle serait d’après-vous celle qui répond le mieux aux aspirations du peuple tunisien ?
Celle de Bourguiba, incontestablement. C’était l’époque où le géni d’un homme se confondait avec l’esprit d’une nation. Je préfère employer ce concept de nation plutôt que le mot peuple dont tout le monde se gargarise depuis janvier 2011. Bourguiba, qui reste pour moi un exemple inégalable, n’était pas un démocrate mais un despote éclairé. Sa priorité n’était pas la démocratie, mais la construction d’un Etat moderne, le raffermissement d’une nation, l’affranchissement des esprits par l’éducation et l’émancipation de la femme par jacobinisme. Ben Ali n’a ni la dimension charismatique de Bourguiba, ni sa puissance intellectuelle. C’est un président pragmatique que le hasard et la nécessité ont placé à la tête de la Tunisie. Il avait deux priorités : le redressement économique du pays et la neutralisation des islamistes. Quoique l’on dise aujourd’hui, dans ces deux objectifs, il a remarquablement réussi. Sa faute majeure dont la Tunisie n’a pas fini de payer le prix, c’est qu’il n’a pas profité de ses deux atouts pour instaurer une véritable démocratie. Enivré par le pouvoir, mal conseillé, se sentant invulnérable, il n’a pas su répondre aux aspirations démocratiques d’une société à plus de 60% jeune et éduquée. Quant à la gouvernance actuelle, elle cumule l’incompétence et la suffisance. Mais plus grave encore que l’incompétence, ce gouvernement dit de la troïka n’a aucun sens du patriotisme, puisque les uns subissent les injonctions de Washington, les autres sont sous l’influence de l’ancienne puissance coloniale, et les troisièmes sont aux ordres du Qatar.
On accuse justement le Qatar de jouer un rôle déstabilisateur dans les pays arabes ; êtes-vous de cet avis ? Si oui, dans quel intérêt cet émirat joue-t-il ce rôle ?
Non seulement je suis de cet avis, mais j’ai été l’un des rares, sinon le premier à dénoncer le rôle moteur que cet émirat féodal et esclavagiste a joué dans ce fameux « printemps arabe ». Je l’avais analytiquement démontré dans mon livre « La face cachée de la révolution tunisienne », dès 2011. Le rôle de cette oligarchie mafieuse a été, en effet, déterminant. Par la propagande et l’intoxication d’Al-Jazeera, par l’activisme diplomatique, par la corruption financière des instances décisionnelles occidentales, et par le recrutement de mercenaires chargés de semer la panique et la terreur au sein de la société. Il existe des preuves matérielles selon lesquelles les premières victimes dans les rangs des manifestants ont été abattues par des snippers d’Europe de l’Est payés par les services qataris. Ce fut le cas en Tunisie mais aussi en Egypte. Dans quel intérêt le Qatar a-t-il joué ce rôle ? Primo par sous-traitance de la géopolitique israélo-américaine. Secundo par ambition énergétique. Tertio par messianisme islamo-wahhabite.
La France et les Etats-Unis, semblent également impliqués dans la déstabilisation de la Tunisie, à l’instar de l’Egypte, la Libye et maintenant la Syrie et bientôt le Sahel. Dans ces différents cas, ils semblent se « réconcilier » avec les mouvements islamistes qu’ils combattaient depuis le 9/11 au nom de la lutte anti-terroriste. Comment peut-on interpréter cette nouvelle « alliance »?
Pour ce qui est des anglo-saxons, cette alliance n’est pas nouvelle mais très ancienne. Elle remonte à la fameuse grande révolte arabe sous le commandement de Lawrence d’Arabie, puis à la naissance des Frères musulmans en 1928, une secte qui est le produit du géni politique anglais pour marginaliser le nationalisme arabe en guerre contre le colonialisme. L’âge d’or de l’alliance islamo-impérialiste a été en Afghanistan et contre l’URSS. Les événements du 11 septembre 2001 ont sans doute marqué un tournant. L’esclave s’est retourné contre son maître. L’administration Bush a trouvé dans cet événement l’occasion d’envahir l’Irak et croyait pouvoir éradiquer rapidement le terrorisme islamiste en Afghanistan. Mais parallèlement, dans le cadre du « Grand Moyen-Orient », les néoconservateurs renouaient avec tous les mouvements islamistes qui ont fait allégeance au gendarme du monde. Le nouveau deal : on lâche les dictatures qui vous ont persécuté, on vous aide même à prendre le pouvoir, mais en échange, vous gardez bien nos intérêts, vous ne franchissez pas la ligne rouge par rapport à Israël et vous contribuez au maintien de l’omnipuissance américaine contre la Russie, la Chine, l’Inde et les autres puissances émergentes. Comme je l’avais dit dans une interview il y a plus d’une année, « A vous la charia, à nous le pétrole. Chacun sa religion ! ». C’est ainsi que je résume le sens ultime du « printemps arabe ».
Vous dites également, dans l’un de vos articles que « C’est l’impatience et l’insolence d’un Rached Ghannouchi galvanisé par le soutien américain, la crise algérienne et le bras de fer entre le FLN et le FIS qui ont changé la donne en Tunisie. » Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Il me semble que je parlais des rapports entre Ben Ali et Ennahda entre 1987 et 1991. Il faut d’abord rappeler que deux Etats ont joué un rôle important dans l’arrivée au pouvoir de Ben Ali : l’Italie et l’Algérie. La France avait un autre successeur à Bourguiba et les Américains jouaient déjà la carte islamiste. Ben Ali a été reconnu par les Etats-Unis à la seule condition qu’il partage le pouvoir avec leurs protégés islamistes. C’est ainsi qu’il les a libéré de prison, qu’il a reçu à Carthage Ghannouchi, que les islamistes ont été autorisé à participer aux élections de 1989 avec des listes indépendantes, qu’ils ont signé le Pacte national…Le point de discorde a été la légalisation d’Ennahda. Bien installé au pouvoir, Ben Ali voulait gagner encore du temps avant de faire cette dernière concession. Excédés, confortés par l’allié anglo-américain, les islamistes ont retrouvé leurs vieux reflexes : manifestations, agitations à l’université, complots contre la sécurité de l’Etat et tentatives d’assassiner Ben Ali. Celui-ci a trouvé dans le début de la crise algérienne l’occasion de mettre hors d’état de nuire les islamistes.
En extrapolant l’impact de ces « révolutions » déstabilisatrices, on constate également, qu’un autre bras de fer se déroule en catimini entre les Etats-Unis ( y compris leur alliés Occidentaux) et les pays du BRICS. D’après-vous, quelles pourraient être les conséquences de cette nouvelle donne ?
Ce n’est pas une extrapolation mais une expression essentielle du « printemps arabe ». Je dirai même que le premier sens géopolitique et géostratégique de ce « printemps arabe » est de saborder par anticipation tout rapprochement entre le monde arabo-islamique et les puissances du BRICS, principalement la Russie et la Chine. Il faut relire Bernard Lewis et Samuel Huntington pour une meilleure intelligibilité du « printemps arabe », à l’aune du projet de Grand Moyen-Orient. Dans le « Choc des civilisations », Huntington –qui a d’ailleurs commencé sa carrière universitaire en tant que spécialiste de la Tunisie !- parle clairement de « l’alliance islamo-confucéenne » qu’il faut empêcher par tous les moyens. La carte islamiste, comme la carte du bouddhisme tibétain, pourrait d’ailleurs tout à fait servir à l’implosion de la Chine, qui compte une trentaine de millions de musulmans. Idem pour l’Inde, autre puissance émergente, qui compte 130 millions de musulmans et que les Anglais avaient déjà affaibli par la création artificielle et sur une base confessionnelle du Pakistan en 1947, au grand désespoir de Gandhi. En termes géopolitiques, les Américains cherchent à constituer en Méditerranée un Arc sunnite, la fameuse « ceinture verte », qui partirait du Maroc jusqu’en Turquie, en passant par l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Egypte, le Liban, la Syrie et le futur Etat jordano-palestinen ! Avec le Pakistan, l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite et les pétromonarchies, l’Iran chiite sera isolé, le pétrole sera bien gardé et a foi des musulmans, bien conservée ! Mais il y a aussi un Arc chiite en prévision. C’est que les Etats-Unis ne cherchent pas tant à détruire l’Iran qu’à aseptiser son chiisme, le désamianter plus exactement. Le chiisme aura forcément un rôle à jouer, ne serait-ce que pour que la puissance de l’islamisme sunnite ne dépasse jamais le seuil de tolérance américaine.
On accuse également les instigateurs de cette déstabilisation du monde arabe de convoiter les ressources naturelles de ces pays au moment où la crise économique bat son plein en Europe et aux Etats-Unis. Dans ce cas, pourquoi alors s’être attaqué à la Tunisie qui ne dispose pas de pétrole ou d’autres ressources minières importantes ?
C’est le principal argument que les idiots utiles de la pseudo-révolution tunisienne ont utilisé pour répondre à ceux qui ont analysé cette « révolution » dans ses implications géopolitiques, en accusant d’ailleurs ces analyses de théories du complot. La Tunisie n’a pas été visée parce qu’elle regorge de pétrole mais parce qu’elle répondait au critère du parfait laboratoire. Elle devait servir de mèche à la poudrière arabe. C’était le pays socialement, économiquement et politiquement le mieux prédisposé à une telle crise. Pendant des années, on avait présenté le régime tunisien comme la plus grande dictature policière du monde arabe. Les événements de janvier 2011 ont démontré qu’il était le régime le plus vulnérable et même le plus libéral. Quant à l’appropriation des ressources naturelles par les colonialistes new look, cela ne fait pas le moindre doute. La Libye n’est plus maitresse de son gaz, de son pétrole et même de ses nappes phréatiques. Exactement comme l’Irak, depuis 2003.
Récemment les islamistes viennent de passer à une nouvelle étape celle des assassinats ; celui du militant Chokri Belaïd, après ceux de Lotfi Nakhd, de Nidaa Tounès, il y a quelques mois ; de quoi cela pourrait-il présager ?
C’est le présage d’une série d’attentats ciblant les politiques, les intellectuels, les journalistes, mais aussi d’un cycle de violence que la Tunisie n’a jamais connu auparavant. C’est la conséquence de deux ans de laxisme et de décisions irresponsables. Dès le 14 janvier 2011, au nom de la « révolution du jasmin », des terroristes ont été libéré, d’autres sont revenus des quatre coins du monde, des centaines de criminels qui n’ont rien à voir avec la politique ou l’islamisme ont été amnistiés par le président provisoire. Tous ces individus dangereux se promènent librement dans le pays. Il y a aussi les criminels qui sont partis faire le jihad en Syrie et qui vont revenir chez eux. Le rétablissement de l’ordre et de la paix civile vont être la tâche la plus difficile.
Enfin, à quelles conséquences pourrait-on s’attendre avec cette montée de l’islamisme radical ? Et qui en serait (ent) le(s) véritable(s) bénéficiaire(s) ?
Première conséquence, la banalisation du choc des civilisations et la fracture entre Orient et Occident. Avec ce « désordre créatif » comme disent les architectes du « printemps arabe », les pays déstabilisés ne se relèveront pas avant une quinzaine d’années. Ils vont connaître l’anarchie, l’insécurité, l’instabilité politique et le marasme économique. Mais le plus grave à mon avis, c’est la régression sociale, éducative et culturelle que connaissent déjà ces pays et qui va connaitre une amplification dans les années qui viennent. C’est l’ère de la sacralisation du bigotisme et de l’ignorance, l’époque du repli identitaire. Mon combat contre l’idéologie islamiste n’a jamais été celui d’un marxiste, d’un freudien ou d’un laïciste. C’est parce que je me sens profondément musulman que je suis radicalement anti-islamiste. Le pire ennemi de l’islam, c’est l’islamisme. Faire de la religion de Mouhammad un enjeu politique et géopolitique entre les mains des puissances occidentales, c’est un crime impardonnable. Réduire le Coran à un manuel politique, c’est trahir l’esprit de l’islam et poignarder la transcendance de Dieu. Dès 1937, Abbas Mahmoud Al-Akkâd disait que « les groupes religieux qui recourent à la religion pour atteindre des objectifs politiques sont des agents payés qui se cachent derrière l’islam pour abattre cette religion, car la réussite de leur cause finit par la perte de l’islam ». Je considère, en effet, que le triomphe de l’islamisme en tant qu’idéologie provoquera la déchéance de l’Islam en tant que religion. En faisant du saint Coran un manuel de subversion, en réduisant la Sunna aux miasmes de la scolastique médiévale qui offense la haute spiritualité de l’Islam et la supériorité de la philosophie islamique, en faisant de l’islam un enjeu de politique internationale, en transformant cette religion en instrument de chantage , de pression ou de négociation entre les mains des « mécréants » occidentaux comme ils disent, en l‘impliquant dans des actions terroristes aussi abjectes qu’étrangères à ses valeurs intrinsèquement humanistes, ces marchands de l’islam, ces imposteurs de Dieu, ont déjà beaucoup porté atteinte à l’Islam. Vous pourriez donc facilement deviner à qui profite cette subversion de l’Islam et cette image si injuste que l’on donne des musulmans.
Tunisie-Secret.comInterviewé par Chérif Abdedaïm
La Nouvelle République -
Mali : la facture explose, la résistance jihadiste se durcit
Pour financer les opérations militaires, 950 millions de dollars sont nécessaires, estime le ministre ivoirien des Affaires étrangères, le double de ce qui était prévu fin janvier. Sur le terrain, l’arsenal dont dispose les jihadistes inquiète de plus en plus.
La guerre au Mali coûtera plus cher que prévu, le double plus précisément. En clair, aujourd’hui ce sont 950 millions de dollars de dollars (715 millions d’euros euros) qui sont nécessaires pour financer les opérations militaires et renforcer les effectifs africains, soit plus du double des fonds de l’enveloppe promis de 455 millions de dollars (338 millions d’euros) promise à la force africaine dans ce pays (Misma) fin janvier par la communauté internationale ( voir la vidéo des Echos TV ), a affirmé lundi Charles Koffi Diby, le ministre ivoirien des Affaires étrangères.
La Misma prévoit de déployer à terme 6.000 hommes, au lieu des 3.300 annoncés au départ, auxquels s’ajoutent les 2.000 soldats tchadiens promis par N’Djamena, qui ne font pas partie de la Misma mais travaillent en coordination avec elle. Il est « primordial » que la Misma, qui doit à terme « assurer le remplacement progressif » des forces françaises, « puisse disposer de toutes les ressources nécessaires », a souligné le ministre ivoirien. Selon lui, il est également prioritaire de « protéger les populations touareg contre toutes formes d’exactions ».
Risque de guerre asymétrique
Face au risque d’une « guerre asymétrique » menée par les jihadistes, le renforcement des troupes africaines, fixé à terme à 8.000 hommes, « s’impose comme une priorité », portant « l‘estimation financière globale à 950 millions de dollars », a déclaré le ministre à l’ouverture d’une réunion de ministres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à Abidjan. Une priorité d’autant plus urgente que, sur le terrain, les force maliennes et françaises vont de surprise en surprise : obus de char, lance-roquettes multiples, fusils de précision, M16… dans la région de Gao (nord), l’armée malienne doit faire face à un ennemi aussi bien, sinon mieux équipé qu’elle. La principale menace restant, selon les militaires français, les engins explosifs artisanaux. Alignés sur la base 1 de l’aéroport de Gao, aux côtés de fusils d’assaut américains M16, de fusils de précision de fabrication tchèque, et autres roquettes russes ou chinoises, des explosifs et des détonateurs mais aussi des uniformes de différents corps de l’armée malienne.
Pour le colonel-major Didier Dacko, commandant opérationnel de la zone, « l’impression qu’on a, c’est qu’eux et nous (armée malienne) avons quasiment les mêmes armes, sauf la troisième dimension, l’aviation, qu’ils n’ont pas ». « Ils ont aussi des engins blindés, mais on s’est rendu compte qu’ils ne savaient pas les utiliser ou les réparer », relève-t-il. « Ca nous donne une idée d’une armée, en fait des organisations qui ont les capacités d’une armée, la capacité de destruction d’une armée », a déclaré pour sa part le colonel Laurent Mariko, commandant de la zone de Gao, lors d’une présentation dimanche à la presse d’armements saisis depuis le 26 janvier, date de la reprise de la principale ville du nord du Mali aux islamistes armés qui l’occupaient depuis dix mois.
Ces armes, récupérées par les forces spéciales maliennes, l’armée française ou encore par des groupes de « jeunes patriotes », proviennent de « stocks de l’armée malienne -il y a eu des défections massives avec des capacités militaires-, mais aussi de la gendarmerie sénégalaise ou d’autres pays limitrophes », a indiqué le colonel Mariko. Au milieu du stock d’armes, un panier de roquettes de fabrication russe, à monter sur hélicoptère, mais aussi des autocollants du drapeau des Emirats arabes unis, présentés par erreur à la presse comme « libyens ».
La crainte des « IED »
Les forces françaises s’inquiètent en particulier de la découverte d’IED (Improvised Explosive Device), qui étaient déjà leur cauchemar en Afghanistan. « Ce qui nous inquiète le plus ce sont les moyens artisanaux mis en oeuvre, avec les roquettes, notamment de 122 », déclare le colonel Denis Mistral. Selon lui, « les groupes armés jihadistes arrivent à mettre en place des systèmes télécommandés avec des téléphones et ils le font pour faire peser une menace permanente sur la ville de Gao ».
« On cherche ces systèmes-là en permanence de manière à les détruire. On en a encore trouvé la nuit dernière. C’est une des choses difficiles à gérer », ajoute-t-il, soulignant qu’« il faut innover en permanence, de jour et de nuit, pour surprendre l’ennemi ». Selon des sources militaires maliennes et françaises, plusieurs des éléments islamistes infiltrés jeudi au centre de Gao étaient porteurs de ceintures d’explosifs. Un IED avait été installé précisément à l’entrée des jardins de la mairie, mais les démineurs français ont découvert que son artificier n’avait pas eu le temps de l’activer.
Lire la suite de l’article dans Les Echos
Lien permanent Catégories : actualité, économie et finance, géopolitique, insécurité, international 0 commentaire -
Les Chinois dans la pierre
SAFE est le nom de l'institution chinoise d'administration des réserves de change de l'Empire du Milieu (3310 milliards de dollars). Royal-Artillerie a présenté ce léviathan financier dans un billet resté fameux, Picsou l'a rêvé, Ts'ai-chen l'a fait, paru aussi dans l'AF2000 le 20 janvier 2011. C'est à Londres qu'on reparle du monstre.
1 Angel Square
Le bras investisseur chinois en vue est le fonds singapourien Gingko Tree Investment Ltd immatriculé à Londres (comme par hasard) et détenu à 100% par la SAFE qui a décidé de sauter par dessus la cascade d'acteurs spécialisés, fonds investisseurs classiques et banques, pour mettre ses sous directement sur la cible ultime. Selon Dealogic, il est sorti du bois l'an dernier. En janvier il a racheté à la Barclays pour 550 millions de livres 40% de la United Pulp & Paper Company Ltd. qui travaille dans l'écologie du recyclage et traitement de déchets, l'énergie de récupération. Gingko a placé immédiatement deux administrateurs au conseil. Gingko avait pris en juillet 10% dans le consortium qui a racheté le réseau d'eau Veolia Water Central pour 1236M£. Il a ramassé aussi un immeuble de bureau à Manchester (49% de One Angel Square) en décembre, après avoir payé en mai 438M$ pour l'immeuble de bureaux Drapers Gardens de Londres, selon Real Capital Analytics (NYC). Ce ne sont que des exemples émergés.
Winchester House
De son côté, la CIC, fonds souverain chinois China Investment Corp. qui gère 410 milliards de dollars d'actifs, a racheté la prestigieuse Winchester House pour 401M$, pour la louer à la Deutsche Bank qui en a fait son siège anglais. La CIC a aussi des parts dans l'aéroport d'Heathrow et dans le réseau d'eau Thames Water. C'est clair !
Sont-ils au courant que nous avons des usines super-productives et que personne n'y met un kopek ! C'est vrai qu'un syndicat communiste dans l'affaire est rédhibitoire pour un Chinois responsable, même si M. Mélenchon est un "ami utile" ! -
Aymeric Chauprade : les grandes tendances géopolitiques du moment, la place de la France (1/2)
Première partie. Aymeric Chauprade revient sur les grandes tendances géopolitiques du moment et se penche sur la place de la France dans le monde. Entretien réalisé avec Xavier Moreau pour Realpolitik, le 13 février 2013.
Aymeric Chauprade : les grandes tendances... par realpolitiktvLien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire -
Obama et Poutine vont-ils se partager le Proche-Orient ?
Dans un article publié le 26 janvier dernier en Russie, Thierry Meyssan expose le nouveau plan de partage du Proche-Orient sur lequel travaillent la Maison-Blanche et le Kremlin. L’auteur y révèle les principales données de la négociation en cours sans préjuger d’un accord définitif, ni de sa mise en œuvre. L’intérêt de l’article est qu’il permet de comprendre les positions ambigües de Washington qui pousse ses alliés dans une impasse de manière à pouvoir leur imposer prochainement une nouvelle donne dont ils seront exclus.
Le président Obama s’apprête à changer complétement de stratégie internationale, malgré l’opposition que son projet a suscité dans sa propre administration.
Le constat est simple. Les États-Unis sont en passe de devenir indépendants au plan énergétique grâce à l’exploitation rapide des gaz de schistes et du pétrole des sables bitumineux. Par conséquent la doctrine Carter (1980) selon laquelle la sécurisation de l’accès au pétrole du Golfe est un impératif de sécurité nationale est morte. De même d’ailleurs que l’Accord du Quincy (1945) selon lequel Washington s’engage à protéger la dynastie des Séoud si ceux-ci leur garantissent l’accès au pétrole de la péninsule arabique. Le temps est venu d’un retrait massif qui permettra de transférer les GI’s vers l’Extrême-Orient afin de contenir l’influence chinoise.
D’autre part, tout doit être fait pour empêcher une alliance militaire sino-russe. Il convient donc d’offrir des débouchés à la Russie qui la détournent de l’Extrême-Orient.
Enfin, Washington étouffe de sa relation trop étroite avec Israël. Celle-ci est extrêmement onéreuse, injustifiable au plan international, et dresse contre les États-Unis l’ensemble des populations musulmanes. En outre, il convient de sanctionner clairement Tel-Aviv qui s’est ingéré de manière ahurissante dans la campagne électorale présidentielle US, qui plus est en misant contre le candidat qui a gagné.
C’est trois éléments ont conduit Barack Obama et ses conseillers à proposer un pacte à Vladimir Poutine : Washington, qui reconnaît implicitement avoir échoué en Syrie, est prêt à laisser la Russie s’installer au Proche-Orient sans contrepartie, et a partager avec elle le contrôle de cette région.
C’est dans cet état d’esprit qu’a été rédigé par Kofi Annan le Communiqué de Genève du 30 juin 2012. À l’époque, il s’agissait juste de trouver une issue à la question syrienne. Mais cet accord a été immédiatement saboté par des éléments internes de l’administration Obama. Ils ont laissé fuiter à la presse européenne divers éléments sur la guerre secrète en Syrie, y compris l’existence d’un Presidential Executive Order enjoignant la CIA de déployer ses hommes et des mercenaires sur le terrain. Pris en tenaille, Kofi Annan avait démissionné de ses fonctions de médiateur. De son côté, la Maison-Blanche avait fait profil bas pour ne pas exposer ses divisions en pleine campagne pour la réélection de Barack Obama.
Dans l’ombre trois groupes s’opposaient au communiqué de Genève :
• Les agents impliqués dans la guerre secrète
• Les unités militaires chargées de contrer la Russie
• Les relais d’Israël
Au lendemain de son élection, Barack Obama a débuté la grande purge. La première victime fut le général David Petraeus, concepteur de la guerre secrète en Syrie. Tombé dans un piège sexuel tendu par une agente du Renseignement militaire, le directeur de la CIA fut contraint à la démission. Puis, une douzaine de hauts gradés furent mis sous enquête pour corruption. Parmi eux, le suprême commandeur de l’OTAN (amiral James G. Stravidis) et son successeur désigné (le général John R. Allen), ainsi que le commandant de la Missile Défense Agency —c’est-à-dire du « Bouclier anti-missiles »— ¬(général Patrick J. O’Reilly). Enfin, Susan Rice et Hillary Clinton faisaient l’objet de vives attaques pour avoir caché au Congrès des éléments sur la mort de l’ambassadeur Chris Stevens, assassiné à Benghazi par un groupe islamiste probablement commandité par le Mossad.
Ses différentes oppositions internes étant pulvérisées ou paralysées, Barack Obama a annoncé un renouvellement en profondeur de son équipe. D’abord, John Kerry au département d’État. L’homme est partisan déclaré d’une collaboration avec Moscou sur les sujets d’intérêt commun. Il est aussi un ami personnel de Bachar el-Assad. Puis, Chuck Hagel au département de la Défense. C’est un des piliers de l’OTAN, mais un réaliste. Il a toujours dénoncé la mégalomanie des néo-conservateurs et leur rêve d’impérialisme global. C’est un nostalgique de la Guerre froide, ce temps béni où Washington et Moscou se partageaient le monde à moindre frais. Avec son ami Kerry, Hagel avait organisé en 2008 une tentative de négociation pour la restitution par Israël du plateau du Golan à la Syrie. Enfin John Brennan à la CIA. Ce tueur de sang-froid est convaincu que la première faiblesse des États-Unis, c’est d’avoir créé et développé le jihadisme international. Son obsession est d’éliminer le salafisme et l’Arabie saoudite, ce qui en définitive soulagerait la Russie au Nord-Caucasse.
Simultanément, la Maison-Blanche a poursuivi ses tractations avec le Kremlin. Ce qui devait être une simple solution pour la Syrie est devenu un projet bien plus vaste de réorganisation et de partage du Proche-Orient.
On se souvient qu’en 1916, à l’issue de 8 mois de négociations, le Royaume-Uni et la France se partagèrent en secret le Proche-Orient (Accords Sykes-Picot). Le contenu de ces accords avait été révélé au monde par les Bolcheviks dès leur arrivée au pouvoir. Il s’est poursuivi durant près d’un siècle. Ce que l’administration Obama envisage, c’est un remodelage du Proche-Orient pour le XXIe siècle, sous l’égide des USA et de la Russie.
Aux États-Unis, bien qu’Obama se succède à lui-même, il ne peut dans la période actuelle qu’expédier les affaires courantes. Il ne reprendra ses attributions complètes que lors de sa prestation de serment, le 21 janvier. Dans les jours qui suivront, le Sénat auditionnera Hillary Clinton sur le mystère de l’assassinat de l’ambassadeur en Libye (23 janvier), puis il auditionnera John Kerry pour confirmer sa nomination (24 janvier). Immédiatement après, les 5 membres permanents du Conseil de sécurité se réuniront à New York pour examiner les propositions Lavrov-Burns sur la Syrie.
Celles-ci prévoient la condamnation de toute ingérence extérieure, le déploiement d’observateurs et d’une force de paix des Nations Unies, un appel aux différents protagonistes pour qu’ils forment un gouvernement d’union nationale et planifient des élections. La France devrait s’y opposer sans pour autant menacer d’utiliser son veto contre son suzerain US.
L’originalité du plan, c’est que la force des Nations Unies serait principalement composée par des soldats de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC). Le président Bachar el-Assad resterait au pouvoir. Il négocierait rapidement une Charte nationale avec des leaders de l’opposition non-armée sélectionnés avec l’approbation de Moscou et Washington, et ferait valider cette charte par référendum sous contrôle des observateurs.
Ce coup de théâtre a été préparé de longue date par les généraux Hassan Tourekmani (assassiné le 18 juillet 2012) et Nikolay Bordyuzha. Une position commune des ministres des Affaires étrangères de l’OTSC a été conclue le 28 septembre et un Protocole a été signé entre le département onusien de maintien de la paix et l’OTSC. Celle-ci dispose maintenant des mêmes prérogatives que l’OTAN. Des manœuvres communes ONU/OTSC de simulation ont été organisées au Kazakhstan sous le titre « Fraternité inviolable » (8 au 17 octobre). Enfin, un plan de déploiement de « chapkas bleues » a été discuté au sein du Comité militaire de l’ONU (8 décembre).
Une fois la Syrie stabilisée, une conférence internationale devrait se tenir à Moscou pour une paix globale entre Israël et ses voisins. Les États-Unis considèrent qu’il n’est pas possible de négocier une paix séparée entre Israël et la Syrie, car les Syriens exigent d’abord une solution pour la Palestine au nom de l’arabisme. Mais il n’est pas possible non plus de négocier une paix avec les Palestiniens, car ceux-ci sont extrêmement divisés, à moins que la Syrie ne soit chargée de les contraindre à respecter un accord majoritaire. Par conséquent, toute négociation doit être globale sur le modèle de la conférence de Madrid (1991). Dans cette hypothèse, Israël se retirerait autant que faire se peut sur ses frontières de 1967. Les Territoires palestiniens et la Jordanie fusionneraient pour former l’État palestinien définitif. Son gouvernement serait confié aux Frères musulmans ce qui rendrait la solution acceptable aux yeux des gouvernements arabes actuels. Puis, le plateau du Golan serait restitué aux Syriens en échange de l’abandon du lac de Tibériade, selon le schéma envisagé jadis aux négociations de Shepherdstown (1999). La Syrie deviendrait garante du respect des traités par la partie jordano-palestinienne.
Comme dans un jeu de domino, on en viendrait alors à la question kurde. L’Irak serait démantelée pour donner naissance à un Kurdistan indépendant et la Turquie serait appelée à devenir un État fédéral accordant une autonomie à sa région kurde.
Côté US, on souhaiterait prolonger le remodelage jusqu’à sacrifier l’Arabie saoudite devenue inutile. Le pays serait divisé en trois, tandis que certaines provinces seraient rattachées soit à la fédération jordano-palestinienne, soit à l’Irak chiite, conformément à un vieux plan du Pentagone ("Taking Saudi out of Arabia", 10 juillet 2002). Cette option permettrait à Washington de laisser un vaste champ d’influence à Moscou sans avoir à sacrifier une partie de sa propre influence. Le même comportement avait été observé au FMI lorsque Washington a accepté d’augmenter le droit de vote des BRICS. Les États-Unis n’ont rien cédé de leur pouvoir et ont contraint les Européens à renoncer à une partie de leurs votes pour faire de la place aux BRICS.
Cet accord politico-militaire se double d’un accord économico-énergétique, le véritable enjeu de la guerre contre la Syrie étant pour la plupart des protagonistes la conquête de ses réserves de gaz. De vastes gisements ont en effet été découverts au Sud de la Méditerranée et en Syrie. En positionnant ses troupes dans le pays, Moscou s’assurerait un plus large contrôle sur le marché du gaz dans les années à venir.
Le cadeau de la nouvelle administration Obama à Vladimir Poutine se double de plusieurs calculs. Non seulement détourner la Russie de l’Extrême-Orient, mais aussi l’utiliser pour neutraliser Israël. Si un million d’Israéliens ont la double nationalité états-unienne, un autre million est russophone. Installées en Syrie, les troupes russes dissuaderaient les Israéliens d’attaquer les Arabes et les Arabes d’attaquer Israël. Par conséquent, les États-Unis ne seraient plus obligés de dépenser des sommes phénoménales pour la sécurité de la colonie juive.
La nouvelle donne obligerait les États-Unis à reconnaître enfin le rôle régional de l’Iran. Cependant Washington souhaiterait obtenir des garanties que Téhéran se retire d’Amérique latine où il a tissé de nombreux liens, notamment avec le Venezuela. On ignore la réaction iranienne à cet aspect du dispositif, mais Mahmoud Ahmadinejad s’est d’ores et déjà empressé de faire savoir à Barack Obama qu’il ferait tout ce qui est en son possible pour l’aider à prendre ses distances avec Tel-Aviv.
Ce projet a des perdants. D’abord la France et le Royaume-Uni dont l’influence s’efface. Puis Israël, privé de son influence aux États-Unis et ramené à sa juste proportion de petit État. Enfin L’Irak, démantelé. Et peut-être l’Arabie saoudite qui se débat depuis quelques semaines pour se réconcilier avec les uns et les autres afin d’échapper au sort qui lui est promis. Il a aussi ses gagnants. D’abord Bachar el-Assad, hier traité de criminel contre l’humanité par les Occidentaux, et demain glorifié comme vainqueur des islamistes. Et surtout Vladimir Poutine qui, par sa ténacité tout au long du conflit, parvient à faire sortir la Russie de son « containment », à lui rouvrir la Méditerranée et le Proche-Orient et à faire reconnaître sa prééminence sur le marché du gaz.
Thierry Meyssan http://www.egaliteetreconciliation.fr
-
Traité de « l’intérêt national » ! Sur le recours à la force (2008)
Réflexions sur les textes de l’amiral Gaucherand, du Général Derenne et de la présidence du Büso, diffusés par M. Henri Fouquereau.
Claude GAUCHERAND Contre – Amiral (2S), alors le capitaine de frégate Claude Gaucherand…
Petit Encart
Lire :
http://www.forumpourlafrance.orgLire :
La question du recours à la force – du moins pour la France qui ne peut être l’objet que de toutes nos préoccupations – devrait être étudié dans le cadre du monde tel qu’il se présente à nous pour au moins le prochain siècle. Il est, semble-t-il caractérisé par les données suivantes :
1° D’abord, en dépit de la mondialisation des échanges et des vastes mouvements migratoires, le grand et durable affrontement des peuples producteurs à bas salaires, à ceux dans lesquels le travail est beaucoup plus largement rémunéré. Il s’agit d’un affrontement socio-économique qui ne risque pas d’aboutir à l’épreuve de force militaire, l’existence – partagée – du nucléaire interdisant l’escalade au paroxysme de la violence. En revanche, la production des peuples milliardaires en vies humaines use peu à peu le modèle socio-économique des « anciennement industrialisés » amenuisant leur potentiel industriel et réduisant les niveaux de vie.
Il en résultera un malaise social, les gouvernements privilégiant alors l’assistance économique afin d’atténuer les rigueurs des restrictions ainsi imposées aux populations hier favorisées.
2° Ensuite, il faut prendre en considération la quête – forcenée – de ressources en énergies fossiles, cause de rivalités, de querelles, voire de combats menés avec des armes traditionnelles, le recours à l’atome étant exclu. La raréfaction programmée a inversé la complémentarité de jadis entre producteurs et consommateurs, les premiers cherchant à tirer un profit maximum des richesses de leur sous-sol, et les seconds passant parfois pour des prédateurs en usant de la force des armes (traditionnelles) pour s’assurer un ravitaillement suffisant.
Le renchérissement qui accompagne la raréfaction des hydrocarbures crée de nouvelles conditions financières, économiques et sociales qui pèsent sur la politique des Etats.
Cliquez sur l'image pour agrandirC’est que, cherchant à remplacer la rente pétrolière en voie d’extinction, les pays producteurs utilisent les vastes ressources que leur procure le renchérissement pour s’industrialiser et pour intervenir dans les économies des « anciennement industrialisés ». D’où l’influence croissante qu’ils y exercent qui pourrait caractériser la « troisième expansion » de l’Islam d’autant que ces « industrialisés » de longue date sont déjà mis à mal par la production à bas prix de la zone Asie-Pacifique et qu’en compensation, ils accueillent à la fois la présence sur leur sol des entreprises et des capitaux des futurs ex-pétroliers. Ce qui détermine une certaine subordination des pays d’accueil et compromet leur indépendance politique.
« Des investisseurs de plus en plus présents... et embarrassants »
Lire : http://www.investir.fr3° La quête de l’hydrocarbure n’est pas étrangère à la naissance et à l’extension de l’arme du terrorisme, apparemment seul recours à la coercition pour les peuples non industrialisés face à ceux qui le sont. L’addition aux panoplies militaires de l’arme nucléaire – du moins pour les neuf pays qui la détiennent officiellement – donnait à penser que, désormais il n’existerait plus de commune mesure entre les risques inhérents à un échange nucléaire et l’enjeu d’un différend et qu’ainsi cette arme suprême gendarmerait une large fraction de l’humanité. Force est de constater que le terrorisme contourne le nucléaire
militarisé, faute de constituer une cible vulnérable aux représailles atomiques, les sources du terrorisme pouvant agir à la fois partout et de nulle part. C’est là une situation nouvelle.Carte des Points Chauds dans le monde – 2006 -L’armement nucléaire se trouve confiné à une seule mission : décourager une agression décisive visant les œuvres vives de la nation, tandis que celle-ci est devenue vulnérable aux effets – relativement limités comparativement – du terrorisme. Or, celui-ci individualise les périls mettant à mal tout système de dépense collective, chaque Etat membre de ce système cherchant en sous-main, sinon officiellement, des compromis afin d’écarter le terrorisme de son territoire. Le soutien des musulmans de Bosnie par les Etats-Unis visait aussi à équilibrer les liens de Washington avec Tel Aviv. Même démarche de Paris lors de l’attaque de l’Irak. D’où une politique nationale empreinte de suggestivité.
4° Sur le recours à la force, il faut, enfin, tenir compte de la politique conduite par les gouvernements français successifs depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette politique vise – plus ou moins confusément – la marche vers la transformation d’une expression géographique, l’Europe, en entité politique. Ce qui implique la fin des souverainetés nationales, les Etats formant cette Europe devenant des divisions administratives gérées fédéralement, à l’instar des Etats-Unis d’Amérique. En effet, il n’existe que deux partis possibles : ou bien l’Etat-nation tel que l’Histoire l’a peu à peu forgé, ou bien l’Etat fédéral.
Les constructions politiques intermédiaires, telle la confédération, se sont révélées trop faibles pour durer et rivaliser avec les deux autres formes d’Institutions. Révélateur, à cet égard, a été le comportement des jeunes Etats-Unis. En 1781, ils adoptèrent dans le cadre d’une « ligne d’amitiés », un texte constitutionnel intitulé les « Articles de la Confédération » qui prouva ses carences, aboutissant à de nombreux antagonismes « nationaux » aux désordres, faute d’un réel gouvernement central. D’où le recours au fédéralisme pur et dur et à la constitution de 1787 toujours en vigueur outre-atlantique.
A Rome, Maastricht, Dublin, Nice, Lisbonne, la France a pris des engagements qui, les uns après les autres, entament la souveraineté des Français sur eux-mêmes, s’en prennent à l’idée de nation, aliènent la notion d’indépendance et, en ce qui nous concerne ici, confiant au supranational la politique étrangère et celle de la sécurité, donc le recours à la force n’étant plus au service des Français, mais de l’entité européenne en gestation. La démarche semble d’autant moins réversible qu’en majorité la population française souscrit à l’idée européenne. Elle adhère à l’effet de taille, impressionnée par les grands Etats, Chine, Inde, Etats-Unis, Russie et souhaite appartenir à une entité politique de quelque quatre cent ou cinq cents millions de citoyens, s’imaginant retenir, en même temps, le privilège de se gouverner, ce qui est contradictoire et même absurde.
Dans un tel contexte, le recours à la force relèvera du gouvernement fédéral, la France, comme chacun de ses partenaires, fournissant une contribution à un appareil militaire qui n’agirait qu’aux ordres supranationaux éventuellement au service d’intérêts autres que les siens.
5° La France – et plus généralement l’ensemble des pays membres de l’Union – vont avoir à s’accommoder de deux phénomènes politiques et économiques contradictoires :
- D’une part, la quasi continuité de la politique des Etats-Unis et de la Russie. A un semestre près, les gouvernements respectifs de ces deux puissances changent, mais pour pratiquer la même politique parce qu’elle est conforme à leur intérêt national. En somme, ces deux pays hier adversaires forment maintenant un ensemble relativement constant.
- D’autre part, Chine et Inde portées par un gigantesque potentiel de production vont constituer les puissantes variables du monde de demain et inscrire ainsi l’imprévisible dans la vie internationale.
Redressée par Vladimir Poutine, la Russie va poursuivre la politique qui a si bien réussi au cours des toutes dernières années. A savoir :
- Tirer parti, politiquement et financièrement, des richesses énergétiques (gaz naturel et, pour quelques décennies encore, pétrole). Forts consommateurs, Europe à l’ouest, Chine et Inde à l’est forment un marché rémunérateur.
Lire : http://www.iran-resist.org/article3318
Du gaz russe pour la Chine
Lire : http://www.rfi.fr
- A l’instar des pétroliers arabes cherchant de nouvelles activités pour remplacer la rente pétrolière bientôt défaillante, Moscou, particulièrement riche en ressources indispensables au développement, le sien et celui des autres, va accroître sa production industrielle et chercher à s’installer dans le gigantesque marché des peuples milliardaires en vies humaine afin de répondre à ses immenses besoins.
- Accroître encore le potentiel scientifique et technique du pays afin d’être en mesure de fournir des équipements dits « de pointe » que ne conçoivent ni ne produisent les pays moins « avancés ». (A condition que le commerce du gaz ne valorise pas trop le rouble).
- Augmenter le potentiel militaire du pays pour être en mesure de tenir en respect à la fois l’ouest vacillant et l’est montant vers la puissance, y compris celle que procurent les armes.
. Pour les pays de l’Union européenne cela signifie qu’ils se trouvent au centre de la rivalité Est-Ouest, en l’occurrence Etats-Unis et Russie et que celle-ci détient un argument puissant : la fourniture de gaz naturel, avantage qu’est loin d’avoir l’Amérique. Nouvelle servitude pour cette Europe qui devra composer avec son puissant voisin de l’est bien que s’étant rangée dans le camp occidental tel que le conçoivent les Etats-Unis. Cette double dépendance doit accroître encore les charges qui pèsent sur l’Europe et contribuer à réduire encore le niveau de vie de ses habitants réduits au rôle de consommateurs aux faibles ressources, voire de quémandeurs pour avoir progressivement tari sa production.
. La politique des Etats-Unis vise et visera le même objectif : demeurer aussi longtemps que possible l’unique superpuissance bien que ce privilège soit maintenant – et demain davantage encore – menacé par les peuples milliardaires en vies humaines et aussi quelque peu mis à mal mondialement par les ambitions pétrolières et les guerres qu’elles suscitent. Washington, en effet, persiste à tenir le recours à la force des armes comme le plus solide instrument de sa puissance. Il s’aliène ainsi une large fraction du monde. Quel que soit le futur président des Etats-Unis, il ne manquera pas de reprendre à son compte les fondamentaux de la nation :
- Obtenir et conserver la primauté en matière scientifique et technique, conditions du rayonnement économique et de l’afflux des investissements étrangers.
- Assurer aux Etats-Unis la suprématie militaire que les peuples milliardaires en vies humaines pourraient, un jour, mettre en question.Avec les rodomontades des Etats-Unis en direction du Venezuela qui ont désormais atteint un sommet, le Pentagone a décidé de réactiver la quatrième flotte de la Navy dans les Caraïbes, l'Amérique Centrale et l'Amérique du Sud.
http://questionscritiques.free.fr- Toujours fonder l’économie nationale sur le libéralisme mondialisé et la faculté d’imprimer autant de monnaie que nécessaire, la masse monétaire étant, sans commune mesure avec les biens qu’elle est censée représenter. Essayer de rétablir le dollar au rang de monnaie mondiale face à l’euro et peut-être un jour au yuan chinois. Pierre Leconte avance même l’hypothèse d’une fusion euro-dollar, créant une monnaie fondée sur le passé et sur l’économie du monde atlantique en déclin afin de tenir tête à la future monnaie triomphante de la zone Asie-Pacifique : deux mondes, deux monnaies rivales. Celles représentant, en fait l’ensemble des « anciennement industrialisés » d’une part, et les pays à salaires bas, ou modérés, capables d’une production de masse à relativement bon compte, d’autre part.
- Outre-Atlantique, justifier ces démarches en se proclamant champion de la démocratie et en laissant entendre que tel est la finalité de la politique des Etats-Unis. La formule présente d’évidents avantages moraux d’abord à l’extérieur, mais surtout en politique intérieure, la population des Etats-Unis croyant fermement à cette mission généreuse. Elle permet, de surcroît, nombre de débordements tenus pour être les conditions du succès final de la généralisation de l’idéal américain. Ainsi se perpétue le Manifest Destiny.
A ces constantes de la politique américaine se superpose, maintenant, l’émergence de la Chine et de l’Inde et aussi celle des économies en expansion telle la Russie et le Brésil. Aussi demeure-t-elle en position de combat face à de nouveaux rivaux. Avec l’URSS, les Etats-Unis avaient un puissant adversaire que les armements – partagés – tenaient à distance. Aujourd’hui, c’est avec la production de masse à bon compte que la superpuissance, en contraction , doit rivaliser…. avec la volonté évidente de l’emporter.
Quelles pourraient être les conséquences, pour l’Union européenne, et particulièrement pour la France, de cette situation nouvelle ?
- L’épreuve commande à Washington d’agrandir et de renforcer son camp, celui dit de l’Occident, à commencer par l’Europe de l’ouest, allié séculaire. L’alliance atlantique et l’OTAN les bras armés sont, pour cela, de précieux auxiliaires.
- Le même défi conduit les Etats-Unis à disputer à l’Extrême-Orient ses visées politiques, et surtout économiques sur le continent noir et l’Amérique latine dans le cadre de la « guerre » des matières premières.
- Enfin, Washington édifie des positions géostratégiques classiques avec l’encerclement politique et militaire du grand adversaire de demain : la Chine. Face à l’URSS, les forces armées de l’OTAN stationnaient, grosso modo sur le méridien de Berlin. Aujourd’hui, face à la Chine et plus généralement aux nouvelles économies de la zone Asie-Pacifique, les forces des Etats-Unis ici encore embryonnaires, se trouvent 5.000 kilomètres plus à l’est, au méridien de Tachkent, c’est-à-dire bien proche des frontières occidentales de la Chine.
Cliquez sur l'image pour agrandirEn force, elles occupent la Corée du sud et les îles méridionales de l’archipel japonais. Washington s’intéresse à la Mongolie, aux musulmans de l’ouest chinois, tandis que la puissante VIIème flotte témoigne de l’hégémonie maritime américaine sur le Pacifique assurent, indirectement, la sécurité du Japon et de Taïwan. Il est donc légitime que Pékin, sans le proclamer officiellement, évoque l’encerclement.
Zone de responsabilité des flottes américaines en 2007.
Pour la France – et plus généralement les pays de l’Union embrigadés dans l’OTAN – ces dispositions politico-militaires arrêtées par les Etats-Unis visent à créer un vaste ensemble, militairement puissant afin de l’emporter dans une future confrontation économique avec les pays producteurs à bas salaires. A la France de rentrer dans le rang. Elle compte, parce que encore modeste puissance atomique, elle a mené longtemps nombre d’expéditions extérieures…
Afin d’aider Paris à revenir sur les décisions du général De Gaulle et la politique suivie pendant quarante ans en demeurant dans l’Alliance, mais hors de l’OTAN, Washington présente le nouveau ralliement sous un jour favorable, du moins selon Paris.
C’est ainsi qu’en février dernier, l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Alliance, madame Victoria Nuland a déclaré, à Paris et à Londres que son pays reconnaît que l’Europe doit pouvoir « agir de manière indépendante en conservant son autonomie de décisions ».
Déclaration qui n’égare que les nigauds, car les Etats-Unis détiennent à la fois le monopole du renseignement et celui de la logistique, c’est-à-dire la mise en œuvre du matériel nécessaire au combat, ce matériel lui-même, son transport, son entretien et son renouvellement. Dans ces conditions, parler d’autonomie de décisions est un leurre. Les carences européennes justifient cette tromperie.
Les habitants des nations européennes, membres de l’Union ont eu le temps, à l’usage, de mesurer les avantages et aussi les méfaits du processus de « construction européenne » auquel, majoritairement, ils ont souscrit. Mais ils ne se sont pas rendu compte des effets désastreux de cette « construction » à la fois en matière de politique étrangère et d’indépendance d’une part, et en ce qui concerne leurs appareils militaires respectifs dépendant désormais de la volonté politique étrangère à l’Europe, d’autre part.
C’est la France, plus particulièrement, qui paie le prix élevé en tombant du premier rang des puissances militaires aux dernières places avec les « petites puissances moyennes ». Les nocives Institutions de la Vème République dévoyée ont permis aux pouvoirs successifs de détruire l’appareil national de production d’armement qui, il y a 40 ans encore faisait prime sur le marché mondial et contribuait au prestige de la nation et à son indépendance.
Mais, voici peu, un sondage général de l’opinion montrait que 6 % des Français s’intéressaient à la politique étrangère de leur pays et 1 % seulement à ses armes. En Vème République le premier objectif du pouvoir – ou des candidats au pouvoir – est de racoler des voix si bien que ces questions ne présentent aucun intérêt électoral. D’où leur saccage par le pouvoir.
Dans le domaine qui nous occupe ici c’est, en effet, le désastre : gestion chaotique du projet « Galileo » et plus généralement carence européenne en matière d’espace, fiasco d’EADS, perte de contrôle de « l’Airbus » au profit des Allemands, dislocation de la société nationale « Aérospatiale », retard de l’A 400 M de transport destiné à succéder aux « Transall » quinquagénaires perte – complète – du marché des avions de combat au profit des anglo-saxons, tristes pérégrinations du GIAT devenu « Nexter » après la fermeture de nombre des ses usines et la réduction du personnel des trois quarts.
Enfin, pour couronner cette faillite quasi générale, la tragédie-comédie du 2ème porte-avions tenu un jour pour « indispensable » et le lendemain retardé au prochain mandat présidentiel. L’échec n’est pas seulement français, il est aussi celui de la « construction européenne ».
Mis à part les rêveurs et, surtout les quelques centaines de milliers de fonctionnaires – ou assimilés – qui vivent confortablement de « l’Europe », les populations et quelques gouvernements ne voient dans cette « construction » que le moyen de profiter de la manne communautaire tout en renonçant à de coûteuses attributions régaliennes confiées aux puissants Etats-Unis. Ils s’accommoderaient d’en former le prolongement sur le vieux continent en s’épargnant toutes les charges de la souveraineté et de l’indépendance. D’où un premier renoncement : la charge de leur sécurité nationale, l’OTAN y pourvoyant. Ce n’est pas exactement ce que recherchent les Etats-Unis visant à ajouter à leurs forces celles, certes modestes, des alliés européens rangés dans le même camp et se préparant à un éventuel combat, si Washington le juge conforme à ses intérêts.
Dans ce grand renoncement des pays européens à demeurer eux-mêmes, tels que des siècles d’Histoire les ont formés, la France a une grande part de responsabilité en raison des initiatives qu’elle prit pour transformer, un jour, un continent – expression géographique – en entité politique.
La principale cause de son déclin précipité réside dans la décision –approuvée par référendum en 1962 – d’élire le président de la République au suffrage universel (comme en 1848 avec les tristes résultats que l’Histoire rapporte). Le bon sens populaire n’est pas en question et il est normal, et même salutaire, que la gestion des affaires de chaque citoyen vise d’abord – et même uniquement – l’immédiat, au maximum le très court terme. Dépendant d’un tel électorat, le pouvoir n’a de cesse que de le courtiser en accédant à ses humeurs moyennes quasi quotidiennement perçues, ou encore d’être en constante démagogie. Or, un pays ne se gouverne pas au jour le jour. Il gouverne pour le peuple mais il n’a pas à être « gouverné » par lui.
De la tyrannie des sondages…
C’est le cas en France. Ainsi, le pouvoir est-il en campagne électorale permanente, pour récolter le maximum de suffrage et durer, si bien que ses préoccupations sont celles de la vie quotidienne du citoyen moyen : pouvoir d’achat, déplacements, sécurité des personnes et des biens, emploi, loisirs, sports… Durant toute la durée du mandat la campagne se poursuit, distrayant le citoyen qui y voit une sorte de match entre partis et leurs représentants dont-il s’amuse à compter les coups. Enfin, le pouvoir de l’image télévisée est tel qu’il joue un rôle politique décisif, le faciès des candidats au pouvoir escamotant le vide de la pensée.
Après quarante ans d’un tel régime, l’idée européenne tenant lieu d’objectif politique, la France entame le nouveau millénaire dans une position intermédiaire. Elle n’est plus un Etat-nation souverain et elle n’est pas encore une simple division administrative d’une Europe-Etat. Et en passe d’être vassale, diplomatiquement et militairement. Aussi, la réduction de son appareil militaire est-elle logique et sa subordination à l’OTAN un facile recours. Ainsi, s’évanouissent les nations et s’effacent les identités nationales. Le monumental l’évoque encore mais il est, au moins partiellement, à vendre, l’entretien du patrimoine n’étant pas payant électoralement s’entend, si bien qu’il n’y a guère de crédits pour l’entretenir. Qu’importe, il s’agit d’en finir avec la France souveraine, indépendante et, par conséquent, d’effacer son passé.
Depuis la fin des années 60, les dirigeants de ce pays se sont comportés comme s’ils recherchaient le rapetissement de la France afin de l’insérer plus aisément dans un plus vaste ensemble politique, cela afin de plaire à l’électorat. Les Français, en majorité, souscrivent à « l’effet de taille ». Un aphorisme « l’Union fait la force » tient lieu de politique à long terme. Ils évoquent les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, sans tenir compte, par exemple, du Canada (30 millions) ou de la Corée du Sud (47 millions) indépendants et souverains. Ainsi, comme les civilisations, les Etats nations meurent. Les Institutions de la Vème République dévoyée ont porté au pays le coup de grâce.
Pierre M. Gallois mars 2008 - juin 2008 http://www.lesmanantsduroi.com
-
L’eurasisme selon Alexandre Douguine par Claude BOURRINET
Le dernier ouvrage d’Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique, paru aux Éditions Ars Magna, nous livre un état des lieux du monde postmoderne, ainsi que de la Russie poutinienne.
Une synthèse éclairante
La fin du XXe siècle se caractérise par la victoire totale, massive, de la « première théorie politique », le libéralisme, qui a vaincu définitivement les deux autres, le fascisme, en 1945, et le marxisme, en 1989. N’ayant plus d’adversaire capable de soutenir théoriquement et pratiquement la contradiction, et porté par sa logique destructrice, qui le mène à transcender toutes les limites, il tend, à partir de son noyau, les États-Unis d’Amérique, à se répandre sur toute la planète, éradiquant les racines des peuples et leur identité. De fait, il se nie lui-même, en abolissant son substrat idéologique, l’humanisme issu de la Renaissance, dont l’incarnation est l’individu. La postmodernité est en effet, après la fin des grands récits, la gestion des choses de l’économie, et le ravalement de l’homme et du réel au rang d’objet démontable et recomposable. À ce cauchemar, s’oppose le conservatisme, dans le sens que lui donnait en partie la Révolution conservatrice, concept que Douguine approfondit comme incrustation, dans l’ordre humain, de l’éternité, qui s’oppose au mythe du progrès et au « nomadisme de l’asphalte ».
Alexandre Douguine, du point qui est devenu le nôtre après la déréalisation des discours qui fondaient l’Histoire humaine, examine le siècle passé, ses rêves et ses tragédies, pour réévaluer ses expériences, communisme et fascisme, en saisir les ressorts secrets, ainsi que les limites.
Le concept de « civilisation »
En même temps que Fukuyama, avec qui il a eu l’occasion de dialoguer, il analyse les thèses d’Huntington, sur le « choc des civilisations », pour développer une analyse de la notion de « Grand espace », autrement dit d’Empire, théorisée par Carl Schmitt, ce qui permet au lecteur de comprendre ce qu’est une « civilisation », et d’aborder efficacement la question de l’eurasisme. En effet, le libéralisme postmoderne, dans sa course mortifère à l’hégémonie mondiale, dans sa tentative d’imposer la technique et l’économie comme destin, le « Gestell » dont parle Heidegger, c’est-à-dire la « formulation sans fin de nouveaux modèles aliénants et nihilistes », se heurte à des résistances, à des « civilisations » porteuses d’une vision fondamentalement différentes, qui coexistent, et qui proposent chacune une vision singulière, irréductible, une alliance entre une anthropologie, une métaphysique, une langue et une ethnie parfois, des coutumes, des manières de sentir, d’aimer, de haïr qui leur sont propres. Ces noyaux, qui s’opposent au noyau occidental situé aux U.S.A. et en Europe, sont la Chine et le Japon, l’Iran, le Califat, la Russie, l’Amérique latine de langue espagnole ou portugaise, et peut-être l’Europe. L’eurasisme ne cherche pas une alternative au nihilisme postmoderne dans le passé, mais dans la présence synchronique de pôles différenciés, qui constituent autant de variantes d’être au monde, originales et ontologiquement enracinées.
La Russie et nous
Douguine est un acteur engagé dans la Russie post-soviétique. Il nous donne, de première main, des informations sur le rapport des forces, notamment entre une oligarchie en majorité vendue aux Anglo-Saxons et un peuple attaché aux valeurs patriotique. Il nous éclaire sur le débat qui est la source des hésitation de Vladimir Poutine et du pouvoir actuel, entre l’État-nation, qui aurait sa place dans la « communauté internationale » (un piège, selon Douguine), et l’idée d’eurasisme (l’Empire). Rappelons que l’Empire n’a rien à voir avec celui de Napoléon ou le Reich allemand, qui étaient des nationalismes. Il est plutôt une « combinaison des différences en une unité », unité incarnée par des valeurs suprêmes (il n’est pas question de « fusion »). Douguine dresse un bilan de l’histoire récente de la Russie, et arrête son étude en 2008, lors de la réponse cinglante des forces russes à la tentative de la Géorgie de Saakachvili de perpétrer un génocide en Ossétie. La Russie semble surmonter le traumatisme eltsinien, et avancer dans la vie impériale. Sans doute les événements syriens vont-ils dans le même sens.
En revanche, Douguine évoque, pour juger de l’Union européenne et d’un projet hypothétique de pôle civilisationnel, l’axe Paris – Berlin – Moscou, destiné à s’opposer à l’agression américaine en Irak. Depuis, l’élite européenne est passée avec armes et bagages dans le camp atlantiste. L’Europe continentaliste s’est transformée en Europe atlantiste, et se prépare au grand marché qui l’arrimera au noyau dur de l’occidentalisme. L’Occident est le lieu où le soleil se couche. Notre destin a besoin de la Russie, de l’Orient, pour contrebalancer ce crépuscule fatal. À nous d’opter pour le retour aux sources, plutôt que pour la linéarité de la course au néant historique et existentiel.
Claude Bourrinet http://www.europemaxima.com/
• Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique. La Russie et les idées politiques du XXe siècle, Éditions Ars Magna (B.P. 60 426, 44004 Nantes C.E.D.E.X. 1), 2012, 336 p. Pour recevoir le livre, écrire à l’éditeur, en accompagnant cette demande d’un chèque de 32 € franco.
• D’abord mis en ligne sur Vox N.-R., le 18 décembre 2012.
Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire