Conférence prononcée à Nancy, à la tribune de “Terre & Peuple” (Lorraine), le 10 mars 2012
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Sur la notion de patrie charnelle
Causerie à bâtons rompus sur la notion de patrie charnelle
Conférence prononcée à Nancy, à la tribune de “Terre & Peuple” (Lorraine), le 10 mars 2012La notion de patrie charnelle nous vient de l’écrivain et militant politique Marc Augier, dit “Saint-Loup”, dont le monde de l’édition —en particulier les “Presses de la Cité”— a surtout retenu les récits de son aventure militaire sur le Front de l’Est pendant la seconde guerre mondiale. Mais l’oeuvre de Saint-Loup ne se résume pas à cette seule aventure militaire, ses récits de fiction, son évocation des “Cathares de Montségur” ou de la Terre de Feu argentine le hissent au niveau d’un très grand écrivain, ce qu’il serait devenu indubitablement pour la postérité s’il n’avait traîné une réputation de “réprouvé” donc de “pestiféré”. Dans les écrits de ce Français très original, il y a beaucoup plus à glaner que ces seules péripéties militaires dans un conflit mondial du passé qui ne cesse de hanter les esprits, comme le prouve l’existence de belles revues sur papier glacé, comme “39-45” ou “Ligne de front”, par exemple. Il faut se rappeler, entre bien d’autres choses, qu’il a été l’initiateur des auberges de jeunesse sous le “Front Populaire”, lorsqu’il était un militant socialiste, incarnant un socialisme fort différent de celui des avocats aigris, “maçonneux”, encravatés et radoteurs-rationalistes: le socialisme du camarade Marc Augier (qui n’est pas encore Saint-Loup) est joyeux et juvénile, c’est un socialisme de l’action, du grand “oui” à la Vie. Saint-Loup, que je n’ai rencontré que deux fois, en 1975, était effectivement un homme affable et doux mais amoureux de l’action, de toute action amenant des résultats durables, hostile aux chichis et aux airs pincés des psycho-rigides qui ont incarné les établissements successifs dont la France a été affligée.Le terme “action”, en politique, dans l’espace linguistique francophone, possède une genèse particulière. Maurras utilise le mot dans le nom de son mouvement, l’Action Française, sans nécessairement se référer à la philosophie du catholique Maurice Blondel, auteur d’un solide traité philosophique intitulé “L’Action”, pour qui l’engagement pour la foi devait être permanent et inscrit dans des “oeuvres”, créées pour le “Bien commun” et qu’il fallait perpétuer en offrant ses efforts, sans tenter de les monnayer, sans espérer une sinécure comme récompense. En Belgique, le Cardinal Mercier, correspondant de Blondel, donnera une connotation politisée, sans nul doute teintée de maurrassisme, à des initiatives comme l’Action Catholique de la Jeunesse Belge (ACJB), dont émergeront deux phénomènes marquants de l’histoire et de l’art belges du 20ème siècle: 1) le rexisme de Degrelle en tant que dissidence contestatrice fugace et éphémère du “Parti Catholique”, et, 2) dans un registre non politicien et plus durable, la figure de Tintin, qui agit dans ses aventures pour que le Bien platonicien ou la justice (divine?) triomphe, sans jamais faire état de ses croyances, de ses aspirations religieuses, sans jamais montrer bondieuseries ou affects pharisiens. Cette dimension aventurière, Saint-Loup l’a très certainement incarnée, comme Tintin, même si son idiosyncrasie personnelle ne le rapprochait nullement du catholicisme français de son époque, amoureux des productions graphiques d’Hergé via la revue “Coeurs Vaillants”; en effet, Saint-Loup est né dans une famille protestante, hostile à l’Eglise en tant qu’appareil trop rigide. Ce protestantisme se muera en un laïcisme militant, exercé dans un cadre politique socialiste, se voulant détaché de tout appareil clérical, au nom du laïcisme révolutionnaire. Saint-Loup crée en effet ses auberges de jeunesse dans le cadre d’une association nommée “Centre laïque des Auberges de Jeunesse”. Dans cette optique, qui est la sienne avant-guerre, le monde idéal, s’il advenait, devrait être tissé de fraternité, ce qui exclut tout bigotisme et tout alignement sur les manies des bien-pensants (et là il rejoint un catholique haut en couleurs, Georges Bernanos...).Les linéaments idiosyncratiques de la pensée émergente du jeune Marc Augier conduisent bien entendu à une rupture bien nette avec l’ordre établi, parce que l’ordre est désormais désincarné et qu’il faut le réincarner. Comment? En recréant de la fraternité, notamment par le biais des auberges de jeunesse. Aussi en revenant aux sources de toutes les religions, c’est-à-dire au paganisme (option également partagée par Robert Dun). Sur le plan politique, les options de Saint-Loup sont anti-étatistes, l’Etat étant une rigidité, comme l’Eglise, qui empêche toute véritable fraternité de se déployer dans la société. Saint-Loup ne sera donc jamais l’adepte d’un nationalisme étatique, partageant cette option avec le Breton Olier Mordrel, qui fut, lui, condamné à mort par l’Etat français en 1940: le militant de la Bretagne libre va alors condamner à mort en esprit l’instance (de pure fabrication) qui l’a condamné à mort, lui, le Breton de chair et de sang. Chez Saint-Loup, ces notions de fraternité, de paganisme, d’anti-étatisme postulent en bout de course 1) une vision de l’espace français comme tissu pluriel, dont il ne faut jamais gommer la diversité, et 2) une option européenne. Mais l’Europe, telle qu’elle était, telle qu’elle est aujourd’hui, aux mains des bien-pensants, n’était et n’est plus elle-même; elle est coupée de ses racines par un christianisme étranger à ses terres et par la modernité qui est un avatar laïcisé de ce christianisme éradicateur. Constater que l’Europe est malade et décadente revient donc à constater une “double désincarnation”.Cette perception de l’Europe, de nos sociétés européennes, se révèle dans le roman “La peau de l’aurochs”, géographiquement situé dans une vallée valdotaine. Les Valdotains de “La peau de l’aurochs” se rebiffent contre l’industrialisation qui détruit les traditions populaires (ce n’est pas toujours vrai, à mon sens, car dans des régions industrielles comme la Lorraine, la Ruhr ou la Wallonie du sillon Sambre-Meuse sont nées des cultures ouvrières et populaires riches, d’où les sculpteurs Constantin Meunier et Georges Wasterlain ont tiré leurs créations époustouflantes de beauté classique). Et les Valdotains du roman de Saint-Loup veulent aussi préserver les cultes ancestraux, ce qui est toujours plus aisé dans les régions montagneuses que dans les plaines, notamment en Suisse, où les dialectes des vallées se maintiennent encore, ainsi que dans tout l’arc alpin, notamment en Italie du Nord où une revue comme “Terra Insubre” défend et illustre les résidus encore bien vivants de la culture populaire lombarde et cisalpine. “La peau de l’aurochs” est un roman qui nous permet de déduire un premier axiome dans le cadre de la défense de toutes les identités charnelles: la PRESERVATION DE NOTRE IDENTITE = la GARANTIE DE NOTRE ETERNITE. Cet axiome pourrait justifier une sorte de quiétisme, d’abandon de toute revendication politique, un désintérêt pour le monde. Ce pourrait être le cas si on se contentait de ne plus faire que du “muséisme”, de ne recenser que des faits de folklore, en répétant seulement des traditions anciennes. Mais Saint-Loup, comme plus tard Jean Mabire, ajoute à cette volonté de préservation un sens de l’aventure. Nos deux auteurs s’interdisent de sombrer dans toute forme de rigidité conceptuelle et privilégient, comme Olier Mordrel, le vécu. Le Breton était très explicite sur ce recours permanent au “vécu” dans les colonnes de sa revue “Stur” avant la seconde guerre mondiale. De ce recours à l’aventure et au vécu, nous pouvons déduire un second axiome: les RACINES SONT DANS LES EXPERIENCES INTENSES. Ce deuxième axiome doit nous rendre attentifs aux oppositions suivantes: enracinement/déracinement, désinstallation/installation. Avec Saint-Loup et Mabire, il convient donc de prôner l’avènement d’une humanité enracinée et désinstallée (aventureuse) et de fustiger toute humanité déclinante qui serait déracinée et installée.On ne peut juger avec exactitude l’impact de la lecture de Nietzsche sur la génération de Saint-Loup en France. Mais il est certain que la notion, non théorisée à l’époque, de “désinstallation”, est une notion cardinale de la “révolution conservatrice” allemande, relayée par Ernst Jünger à l’époque de son militantisme national-révolutionnaire puis, après 1945, par Armin Mohler et, à sa suite, par la “nouvelle droite”, via les thèses “nominalistes” qu’il avait exposées dans les colonnes de la revue munichoise “Criticon”, en 1978-79. La personnalité volontariste et désinstallée, en retrait (“withdrawal”, disait Toynbee) par rapport aux établissements installés, est celle qui, si la chance lui sourit, impulse aux cycles historiques de nouveaux infléchissements, lors de son retour (“return” chez Toynbee) sur la scène historico-politique. Cette idée, exposée dans la présentation que faisait Mohler de la “révolution conservatrice” dans sa célèbre thèse de doctorat, a été importée dans le corpus de la “nouvelle droite” française par Giorgio Locchi, qui a recensé cet ouvrage fondamental pour la revue “Nouvelle école”.Le socialiste Marc Augier, actif dans le cadre du “Front populaire” français de 1936, découvrira l’Allemagne et tombera sous son charme. Pourquoi l’Allemagne? Dans les années 30, elle exerçait une véritable fascination, une fascination qui est d’abord esthétique, avec les “cathédrales de lumière” de Nuremberg, qui s’explique ensuite par le culte de la jeunesse en vigueur au cours de ces années. Les auberges et les camps allemands sont plus convaincants, aux yeux de Marc Augier, que les initiatives, somme toute bancales, du “Front populaire”. Il ne sera pas le seul à partager ce point de vue: Michel Tournier, dans “Le Roi des Aulnes”, partage cette opinion, qui s’exprime encore avec davantage de brio dans le film du même titre, réalisé par Volker Schlöndorff. Le célèbre créateur de bandes dessinées “Dimitri”, lui aussi, critique les formes anciennes d’éducation, rigides et répressives, dans sa magnifique histoire d’un pauvre gamin orphelin, devenu valet de ferme puis condamné à la maison de correction pour avoir tué le boucher venu occire son veau favori, confident de ses chagrins, et qui, extrait de cette prison pour aller servir la patrie aux armées, meurt à la bataille de Gallipoli. Le héros naïf Abel dans “le Roi des Aulnes” de Schlöndorff, un Abel, homme naïf, naturel et intact, jugé “idiot” par ses contemporains est incarné par l’acteur John Malkovich: il parle aux animaux (le grand élan, la lionne de Goering, les pigeons de l’armée française...) et communique facilement avec les enfants, trouve que la convivialité et la fraternité sont réellement présentes dans les camps allemands de la jeunesse alors qu’elles étaient totalement absentes, en tant que vertus, dans son école française, le collège Saint-Christophe. Certes Schlöndorff montre, dans son film, que cette convivialité bon enfant tourne à l’aigreur, la crispation et la fureur au moment de l’ultime défaite: le visage du gamin qui frappe Abel d’un coup de crosse, lui brise les lunettes, est l’expression la plus terrifiante de cette rage devenue suicidaire.Tournier narre d’ailleurs ce qui le rapproche de l’Allemagne dans un petit essai largement autobiographique, “Le bonheur en Allemagne?” (Folio, n°4366).Toutes ces tendances, perceptibles dans la France sainement contestatrice des années 30, sont tributaires d’une lecture de Nietzsche, philosophe qui avait brisé à coups de marteau les icônes conventionnelles d’une société qui risquait bien, à la fin du “stupide 19ème siècle”, de se figer définitivement, comme le craignaient tous les esprits non conformes et aventureux. Le nietzschéisme, via les mouvements d’avant-gardes ou via des séismographes comme Arthur Moeller van den Bruck, va compénétrer tout le mouvement dit de la “révolution conservatrice” puis passer dans le corpus national-révolutionnaire avec Ernst Jünger, tributaire, lui aussi, du nietzschéisme ambiant des cercles “jungkonservativ” mais tributaire également, dans les traits tout personnels de son style et dans ses options intimes, de Barrès et de Bloy. Quand Armin Mohler, secrétaire d’Ernst Jünger après la seconde guerre mondiale, voudra réactiver ce corpus qu’il qualifiera de “conservateur” (ce qu’il n’était pas aux sens français et britannique du terme) ou de “nominaliste” (pour lancer dans le débat une étiquette nouvelle et non “grillée”), il transmettra en quelque sorte le flambeau à la “nouvelle droite”, grâce notamment aux recensions de Giorgio Locchi, qui résumera en quelques lignes, mais sans grand lendemain dans ces milieux, la conception “sphérique” de l’histoire. Pour les tenants de cette conception “sphérique” de l’histoire, celle-ci n’est forcément pas “linéaire”, ne s’inscrit pas sur une ligne posée comme “ascendante” et laissant derrière elle tout le passé, considéré sans la moindre nuance comme un ballast devenu inutile. L’histoire n’est pas davantage “cyclique”, reproduisant un “même” à intervalles réguliers, comme pourrait le faire suggérer la succession des saisons dans le temps naturel sous nos latitudes européennes. Elle est sphérique car des volontés bien tranchées, des personnalités hors normes, lui impulsent une direction nouvelle sur la surface de la “sphère”, quand elles rejettent énergiquement un ronron répétitif menaçant de faire périr d’ennui et de sclérose un “vivre-en-commun”, auparavant innervé par les forces vives de la tradition. S’amorce alors un cycle nouveau qui n’a pas nécessairement, sur la sphère, la même trajectoire circulaire et rotative que son prédécesseur.Le nietzschéisme diffus, présent dans la France des années 20 et 30, mais atténué par rapport à la Belle Epoque, où des germanistes français comme Charles Andler l’avaient introduit, ensuite l’idéal de la jeunesse vagabondante, randonneuse et proche de la nature, inauguré par les mouvements dits du “Wandervogel”, vont induire un engouement pour les choses allemandes, en dépit de la germanophobie ambiante, du poids des formes mortes qu’étaient le laïcardisme de la IIIème République ou le nationalisme maurassien (contesté par les “non-conformistes” des années 30 ou par de plus jeunes éléments comme ceux qui animaient la rédaction de “Je suis partout”).Je répète la question: pourquoi l’Allemagne? Malgré la pression due à la propagande revancharde d’avant 1914 et l’hostilité d’après 1918, la nouvelle Allemagne exerce,comme je viens de le dire, une fascination sur les esprits: cette fascination est esthétique (les “cathédrales de lumière”); elle est due aussi au culte de la jeunesse, présent en marge du régime arrivé au pouvoir en janvier 1933. L’organisation des auberges et des camps de vacances apparait plus convaincante aux yeux de Saint-Loup que les initiatives du Front Populaire, auquel il a pourtant adhéré avec enthousiasme. La fascination exercée par la “modernité nationale-socialiste” (à laquelle s’opposera une décennie plus tard la “modernité nord-américaine” victorieuse du conflit) va bien au-delà du régime politique en tant que tel qui ne fait que jouer sur un filon ancien de la tradition philosophique allemande qui trouve ses racines dans la pensée de Johann Gottfried Herder (1744-1803), comme il jouera d’ailleurs sur d’autres filons, secrétant de la sorte diverses opportunités politiques, exploitables par une propagande bien huilée qui joue en permanence sur plusieurs tableaux. Herder, ce personnage-clef dans l’histoire de la pensée allemande appartient à une tradition qu’il faut bien appeler les “autres Lumières”.Quand on évoque la philosophie des “Lumières” aujourd’hui, on songe immédiatement à la soupe que veulent nous servir les grands pontes du “politiquement correct” qui sévissent aujourd’hui, en France avec Bernard-Henri Lévy et en Allemagne avec Jürgen Habermas, qui nous intiment tous deux l’ordre de penser uniquement selon leur mode, sous peine de damnation, et orchestent ou font orchestrer par leurs larbins frénétiques des campagnes de haine contre tous les contrevenants. On sait aussi que pour Lévy, les “Lumières” (auxquelles il faut adhérer!) représentent une sorte de pot-pourri où l’on retrouve les idées de la révolution française, la tambouille droit-de-l’hommiste cuite dans les marmites médiatiques des services secrets américains du temps de la présidence de Jimmy Carter (un Quaker cultivateur de cacahouètes) et un hypothétique “Testament de Dieu”, yahvique dans sa définition toute bricolée, et dont ce Lévy serait bien entendu l’unique exécuteur testamentaire. Tous ceux qui osent ne pas croire que cette formule apportera la parousie ou la fin de l’histoire, tous les déviants, qu’ils soient maurassiens, communistes, socialistes au sens des non-conformistes français des années 30, néo-droitistes, gaullistes, économistes hétérodoxes et j’en passe, sont houspillés dans une géhenne, celle dite de l’ “idéologie française”, sorte de cloaque nauséabond, selon Lévy, où marineraient des haines cuites et recuites, où les spermatozoïdes et les ovaires de la “bête immonde” risqueraient encore de procréer suite à des coïts monstrueux, comme celui des “rouges-bruns” putatifs du printemps et de l’été 1993. Il est donc illicite d’aller remuer dans ce chaudron de sorcières, dans l’espoir de faire naître du nouveau.Pour Habermas —dont, paraît-il, le papa était Kreisleiter de la NSDAP dans la région de Francfort (ce qui doit nous laisser supposer qu’il a dû porter un beau petit uniforme de membre du Jungvolk et qu’on a dû lui confier une superbe trompette ou un joli petit tambour)— le fondement du politique n’est pas un peuple précis, un peuple de familles plus ou moins soudées par d’innombrables liens de cousinage soit, en bref, une grande famille concrète; il n’est pas davantage une communauté politique et/ou militaire partageant une histoire ou une épopée commune ni une population qui a, au fil de l’histoire, généré un ensemble d’institutions spécifiques (difficilement exportables parce que liées à un site précis et à une temporalité particulière, difficilement solubles aussi dans une panade à la BHL ou à la Habermas). Pour Jürgen Habermas, le fiston du Kreisleiter qui ne cesse de faire son Oedipe, le fondement du politique ne peut être qu’un système abstrait (abstrait par rapport à toutes les réalités concrètes et charnelles), donc une construction rationnelle (Habermas étant bien entendu, et selon lui-même, la seule incarnation de la raison dans une Allemagne qui doit sans cesse être rappelée à l’ordre parce qu’elle aurait une tendance irrépressible à basculer dans ses irrationalités), c’est-à-dire une constitution basée sur les principes des Lumières, que Habermas se charge de redéfinir à sa façon, deux siècles après leur émergence dans la pensée européenne. Dans cette perspective, même la constitution démocratique adoptée par la République Fédérale allemande en 1949 est suspecte: en effet, elle dit s’adresser à un peuple précis, le peuple allemand, et évoque une vieille vertu germanique, la “Würde”, qu’il s’agit de respecter en la personne de chaque citoyen. En ce sens, elle n’est pas universaliste, comme l’est la version des “Lumières” redéfinie par Habermas, et fait appel à un sentiment qui ne se laisse pas enfermer dans un corset conceptuel de facture rationnelle.Dans la sphère du politique, l’émergence des principes des Lumières, revus suite aux cogitations de Jürgen Habermas, s’effectue par le “débat”, par la perpétuelle remise en question de tout et du contraire de tout. Ce débat porte le nom pompeux d’ “agir communicationnel”, que le philosophe Gerd Bergfleth avait qualifié, dans un solide petit pamphlet bien ficelé, de “Palavernde Vernunft”, de “raison palabrante”, soit de perpétuel bavardage, critique pertinente qui a valu à son auteur, le pauvre Bergfleth, d’être vilipendé et ostracisé. Notons que Habermas a fabriqué sa propre petite géhenne, qu’il appelle la “pensée néo-irrationnelle” où sont jetés, pêle-mêle, les tenants les plus en vue de la philosophie française contemporaine comme Derrida (!), Foucault, Deleuze, Guattari, Bataille, etc. ainsi que leur maître allemand, le bon philosophe souabe Martin Heidegger. Si l’on additionne les auteurs jetés dans la géhenne de l’ “idéologie française” par Lévy à ceux que fustige Habermas, il ne reste plus grand chose à lire... Il n’y a plus beaucoup de combinatoires possibles, et tenter encore et toujours de “combiner” les ingrédients (“mauvais” selon Lévy et Habermas) pour faire du neuf, pour faire éclore d’autres possibles, serait, pour nos deux inquisiteurs, se placer dans une posture condamnable que l’on adopterait que sous peine de devenir immanquablement, irrémédiablement, inexorablement, un “irrationaliste”, donc un “facho”, d’office exclu de tous débats...Avec un entêtement qui devient tout-à-fait navrant au fil du temps, Habermas veut conserver dans sa philosophie et sa sociologie, dans sa vision du fonctionnement optimal de la politique quotidienne au sein des Etats occidentaux, posés comme modèles pour le reste du monde, une forme procédurière à la manière de Kant, gage d’appartenance aux Lumières et de “correction politique”, une forme procédurière qui deviendrait le fondement intangible des mécanismes politiques, un fondement privé désormais de toute la transcendance qui les chapeautait encore dans la pensée kantienne. Ce sont ces procédures, véritables épures du réel, qui doivent unir les citoyens dans un consensus minimal, obtenu par un “parler” ininterrompu, par un usage “adéquat” de la parole, conditionné par des universaux linguistiques que Habermas pose comme inamovibles (“Kommunikativa”, “Konstativa”, “Repräsentativa/Expressiva”, “Regulativa”). Bref, le Dieu piétiste kantien remplacé par le blabla des baba-cools ou des députés moisis ou des avocaillons militants, voir le “moteur immobile” d’Aristote remplacé par la fébrilité logorrhique des nouvelles “clasas discutidoras”...Le philosophe français Jean-François Lyotard démontre que de tels universaux soi-disant pragmatiques n’existent pas: les jeux de langage sont toujours producteurs d’hétérogénéité, se manifestent selon des règles qui leur sont propres et qui suscitent bien entendu des inévitables conflits. Il n’existe donc pas pour Lyotard quelque chose qui équivaudrait à un “télos du consensus général”, reposant sur ce que Habermas appelle, sans rire, “les compétences interactionnelles post-conventionnelles”; au contraire, pour Lyotard, comme, en d’autres termes, pour Armin Mohler ou l’Ernst Jünger national-révolutionnaire des années 20, il faut constater qu’il y a toujours et partout “agonalité conflictuelle entre paroles diverses/divergentes”; si l’on s’obstine à vouloir enrayer les effets de cette agonalité et à effacer cette pluralité divergente, toutes deux objectives, toutes deux bien observables dans l’histoire, on fera basculer le monde entier sous la férule d’un “totalitarisme de la raison”, soit un “totalitarisme de la raison devenue folle à force d’être palabrante”, qui éliminera l’essence même de l’humanité comme kaléidoscope infini de peuples, de diversités d’expression; cette essence réside dans la pluralité ineffaçable des jeux de paroles diverses (cf. Ralf Bambach, “Jürgen Habermas”, in J. Nida-Rümelin (Hrsg.), “Philosophie der Gegenwart in Einzeldarstellungen von Adorno bis v. Wright”, Kröner, Stuttgart, 1991; Yves Cusset, “Habermas – L’espoir de la discussion”, Michalon, coll. “Bien commun”, Paris, 2001).En France, les vitupérations de Lévy dans “L’idéologie française” empêchent, in fine, de retourner, au-delà des thèses de l’Action Française, aux “grandes idées incontestables” qu’entendait sauver Hauriou (et qui suscitaient l’intérêt de Carl Schmitt), ce qui met la “République”, privée d’assises solides issues de son histoire, en porte-à-faux permanent avec des pays qui, comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Turquie ou la Chine façonnent leur agir politique sur l’échiquier international en se référant constamment à de “grandes idées incontestables”, semblables à celles évoquées par Hauriou. Ensuite, l’inquisition décrétée par ce Lévy, exécuteur testamentaire de Yahvé sur la place de Paris, interdit de (re)penser une économie différente (historique, institutionnaliste et régulationniste sur le plan de la théorie) au profit d’une population en voie de paupérisation, de déréliction et d’aliénation économique totale; une nouvelle économie correctrice ne peut que suivre les recettes issues des filons hétérodoxes de la pensée économique et donc de parachever certaines initiatives avortées du gaullisme de la fin des années 60 (idée de “participation” et d’”intéressement”, sénat des régions et des professions, etc.). Les fulminations inquisitoriales des Lévy et Habermas conduisent donc à l’impasse, à l’impossibilité, tant que leurs propagandes ne sont pas réduites à néant, de sortir des enlisements contemporains. De tous les enlisements où marinent désormais les régimes démocratiques occidentaux, aujourd’hui aux mains des baba-cools sâoulés de logorrhées habermassiennes et soixante-huitardes.Habermas, dans le contexte allemand, combat en fait deux idées, deux visions de l’Etat et de la politique. Il combat l’idée prussienne, où l’Etat et la machine administrative, le fonctionnariat serviteur du peuple, dérivent d’un principe de “nation armée”. Notons que cette vision prussienne de l’Etat ne repose sur aucun a priori de type “ethnique” car l’armée de Frédéric II comprenait des hommes de toutes nationalités (Finnois, Slaves, Irlandais, Allemands, Hongrois, Huguenots français, Ottomans d’Europe, etc.). Notons également que Habermas, tout en se revendiquant bruyamment des “Lumières”, rejette, avec sa critique véhémente de l’idée prussienne, un pur produit des Lumières, de l’Aufklärung, qui avait rejeté bien des archaïsmes, devenus franchement inutiles, au siècle de son triomphe. Cette critique vise en fait toute forme d’Etat encadrant et durable, rétif au principe du bavardage perpétuel, pompeusement baptisé “agir communicationnel”. Simultanément, Habermas rejette les idéaux relevant des “autres Lumières”, celles de Herder, où le fondement du politique réside dans la “populité”, la “Volkheit”, soit le peuple (débarrassé d’aristocraties aux moeurs artificielles, déracinées et exotiques). Habermas, tout en se faisant passer pour l’exécuteur testamentaire des “philosophes des Lumières”, à l’instar de Bernard-Henri Lévy qui, lui, est l’exécuteur testamentaire de Yahvé en personne, jette aux orties une bonne partie de l’héritage philosophique du 18ème siècle. Avec ces deux compères, nous faisons face à la plus formidable escroquerie politico-philosophique du siècle! Ils veulent nous vendre comme seul produit autorisé l’Aufklärung mais ce qu’ils placent sur l’étal de leur boutique, c’est un Aufklärung homogénéisé, nettoyé des trois quarts de son contenu, cette tradition étant plurielle, variée, comme l’ont démontré des auteurs, non traduits, comme Peter Gay en Angleterre et Antonio Santucci en Italie (cf. Peter Gay, “The Enlightenment: An Interpretation – The Rise of Modern Paganism”, W. W. Norton & Company, New York/London, 1966-1977; Peter Gay, “The Enlightenment: An Interpretation – The Science of Freedom, Wildwood House, London, 1969-1979; Antonio Santucci (a cura di), “Interpretazioni dell’Illuminismo”, Il Mulino, Bologna, 1979; on se réfèrera aussi aux livres suivants: Léo Gershoy, “L’Europe des princes éclairés 1763-1789”, Gérard Montfort éd., Brionne, 1982; Michel Delon, “L”idée d’énergie au tournant des Lumières (1770-1820)”, PUF, Paris, 1988).Cette option de Herder, qui est “populaire” ou “ethnique”, “ethno-centrée”, est aussi corollaire de la vision fraternelle d’une future Europe libérée, qui serait basée sur le pluralisme ethnique ou l’“ethnopluralisme”, où les peuples ne devraient plus passer par des filtres étrangers ou artificiels/abstraits pour faire valoir leurs droits ou leur identité culturelle. La vision herdérienne dérive bien des “Lumières” dans la mesure où elle fait siens deux principes kantiens; premier principe de Kant: “Tu ne feras pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’autrui te fasse”; ce premier principe induit un respect des différences entre les hommes et interdit de gommer par décret autoritaire ou par manoeuvres politiques sournoises les traditions d’un peuple donné; deuxième principe kantien: “Sapere aude!”, “Ose savoir!”, autrement dit: libère-toi des pesanteurs inutiles, débarrasse-toi du ballast accumulé et encombrant, de tous les filtres inutiles, qui t’empêchent d’être toi-même! Ce principe kantien, réclamant l’audace du sujet pensant, Herder le fusionne avec l’adage grec “Gnôthi seautôn!”, “Connais-toi toi-même”. Pour parfaire cette fusion, il procède à une enquête générale sur les racines de la littérature, et de la culture de son temps et des temps anciens, en n’omettant pas les pans entiers de nos héritages qui avaient été refoulés par le christianisme, le dolorisme chrétien, la scolastique figée, le cartésianisme abscons, le blabla des Lumières palabrantes, le classicisme répétitif et académique, etc., comme nous devrions nous aussi, sans jamais nous arrêter, procéder à ce type de travail archéologique et généalogique, cette fois contre la “pensée unique”, le “politiquement correct” et le pseudo-testament de Yahvé.Dans la perspective ouverte par Herder, les fondements de l’Etat sont dès lors le peuple, héritier de son propre passé, la culture et la littérature que ce peuple a produites et les valeurs éthiques que cette culture transmet et véhicule. En bref, nous aussi, nous sommes héritiers des Lumières, non pas de celles du jacobinisme ou celles que veut nous imposer le système aujourd’hui, mais de ces “autres Lumières”. Saint-Loup, en critiquant le christianisme et le modèle occidental (soit, anticipativement, les “Lumières” tronquées de BHL et d’Habermas) s’inscrit dans le filon herdérien, sans jamais retomber dans des formes sclérosantes de “tu dois!”. “Sapere aude!” est également pour lui un impératif, lié à la belle injonction grecque “Gnôthi seautôn!”. Toujours dans cette perspective herdérienne, l’humanité n’est pas une panade zoologique d’êtres humains homogénéisés par la mise en oeuvre, disciplinante et sévère, d’idées abstraites, mais un ensemble de groupes humains diversifiés, souvent vastes, qui explorent en permanence et dans la joie leurs propres racines, comme les “humanités” gréco-latines nous permettent d’explorer nos racines d’avant la chrisitanisation. Pour Herder, il faut un retour aux Grecs, mais au-delà de toutes les édulcorations “ad usum Delphini”; ce retour ne peut donc déboucher sur un culte stéréotypé de la seule antiquité classique, il faut qu’il soit flanqué d’un retour aux racines germaniques dans les pays germaniques et scandinaves, au fond celtique dans les pays de langues gaëliques, aux traditions slaves dans le monde slave. Le processus d’auto-centrage des peuples, de mise en adéquation permanente avec leur fond propre, s’effectue par le truchement de la “Bildung”. Ce terme allemand dérive du verbe “bilden”, “construire”. Je me construis moi-même, et mon peuple se construit lui-même, en cherchant en permanence l’adéquation à mes racines, à ses racines. La “Bildung” consiste à chercher dans ses racines les recettes pour arraisonner le réel et ses défis, dans un monde soumis à la loi perpétuelle du changement.Pour Herder, représentant emblématique des “autres Lumières”, le peuple, c’est l’ensemble des “Bürger”, terme que l’on peut certes traduire par “bourgeois” mais qu’il faut plutôt traduire par le terme latin “civis/cives”, soit “citoyen”, “membre du corps du peuple”. Le terme “bourgeois”, au cours du 19ème siècle, ayant acquis une connotation péjorative, synonyme de “rentier déconnecté” grenouillant en marge du monde réel où l’on oeuvre et où l’on souffre. Pour Herder, le peuple est donc l’ensemble des paysans, des artisans et des lettrés. Les paysans sont les dépositaires de la tradition vernaculaire, la classe nourricière incontournable. Les artisans sont les créateurs de biens matériels utiles. Les lettrés sont, eux, les gardiens de la mémoire. Herder exclut de sa définition du “peuple” l’aristocratie, parce qu’est s’est composé un monde artificiel étranger aux racines, et les “déclassés” ou “hors classe”, qu’il appelle la “canaille” et qui est imperméable à toute transmission et à toute discipline dans quelque domaine intellectuel ou pratique que ce soit. Cette exclusion de l’aristocratie explique notamment le républicanisme ultérieur des nationalismes irlandais et flamand, qui rejettent tous deux l’aristocratie et la bourgeoisie anglicisées ou francisées. Sa définition est injuste pour les aristocraties liées aux terroirs, comme dans le Brandebourg prussien (les “Krautjunker”), la Franche-Comté (où les frontières entre la noblesse et la paysannerie sont ténues et poreuses) et les Ardennes luxembourgeoises de parlers romans.L’oeuvre de Herder a connu une formidable postérité intellectuelle. Pour l’essentiel, toute l’érudition historique du 19ème siècle, toutes les avancées dans les domaines de l’archéologie, de la philologie et de la linguistique, lui sont redevables. En Allemagne, la quête archéo-généalogique de Herder se poursuit avec Wilhelm Dilthey, pour qui les manifestations du vivant (et donc de l’histoire), échappent à toute définition figeante, les seules choses définissables avec précision étant les choses mortes: tant qu’un phénomène vit, il échappe à toute définition; tant qu’un peuple vit, il ne peut entrer dans un corset institutionnel posé comme définitif et toujours condamné, à un moment donné du devenir historique, à se rigidifier. Nietzsche appartient au filon ouvert par Herder dans la mesure où la Grèce qu’il entend explorer et réhabiliter est celle des tragiques et des pré-socratiques, celle qui échappe justement à une raison trop étriquée, trop répétitive, celle qui chante en communauté les hymnes à Dionysos, dans le théâtre d’Athènes, au flanc de l’Acropole, ou dans celui d’Epidaure. Les engouements folcistes (= “völkisch”), y compris ceux que l’on peut rétrospectivement qualifier d’exagérés ou de “chromomorphes”, s’inscrivent à leur tour dans la postérité de Herder. Pour le Professeur anglais Barnard, exégète minutieux de l’oeuvre de Herder, sa pensée n’a pas eu de grand impact en France; cependant, toute une érudition archéo-généalogique très peu politisée (et donc, à ce titre, oubliée), souvent axée sur l’histoire locale, mérite amplement d’être redécouverte en France, notamment à la suite d’une historienne et philologue comme Nicole Belmont (cf. “Paroles païennes – Mythe et folklore”, Imago, Paris, 1986). Théodore Hersart de la Villemarqué (1815-1895), selon une méthode préconisée par les frères Grimm, rassemble dans un recueil les chants populaires de Bretagne, sous le titre de “Barzaz Breiz” en 1836. Hippolyte Taine ou Augustin Thierry, quand ils abordent l’histoire des Francs, l’époque mérovingienne ou les origines de la France d’Ancien Régime effectuent un travail archéo-généalogique, “révolutionnaire” dans la mesure où ils lancent des pistes qui dépassent forcément les répétitions et les fixismes, les ritournelles et les rengaines des pensées scolastiques, cartésiennes ou illuministes-républicaines. Aujourd’hui, Micberth (qui fut le premier à utiliser le terme “nouvelle droite” dans un contexte tout à fait différent de celui de la “nouvelle droite” qui fit la une des médias dès l’année 1979) publie des centaines de monographies, rédigées par des érudits du 19ème et du début du 20ème, sur des villages ou de petites villes de France, où l’on retrouve des trésors oubliées et surtout d’innombrables pistes laissées en jachère. Enfin, l’exégète des oeuvres de Herder, Max Rouché, nous a légué des introductions bien charpentées à leurs éditions françaises, parus en édition bilingue chez Aubier-Montaigne.Le nationalisme irlandais est l’exemple même d’un nationalisme de matrice “herdérienne”. La figure la plus emblématique de l’ “herdérianisation” du nationalisme irlandais demeure Thomas Davis, né en 1814. Bien qu’il ait été un protestant d’origine anglo-galloise, son nationalisme irlandais propose surtout de dépasser les clivages religieux qui divisent l’Ile Verte, et d’abandonner l’utilitarisme, idéologie dominante en Angleterre au début du 19ème siècle. Le nationalisme irlandais est donc aussi une révolte contre le libéralisme utilitariste; l’effacer de l’horizon des peuples est dès lors la tâche exemplaire qui l’attend, selon Thomas Davis. Ecoutons-le: “L’anglicanisme moderne, c’est-à-dire l’utilitarisme, les idées de Russell et de Peel ainsi que celles des radicaux, que l’on peut appler ‘yankeeïsme’ ou ‘anglichisme’, se borne à mesurer la prospérité à l’aune de valeurs échangeables, à mesurer le devoir à l’aune du gain, à limiter les désirs [de l’homme] aux fringues, à la bouffe et à la [fausse] respectabilité; cette malédiction [anglichiste] s’est abattue sur l’Irlande sous le règne des Whigs mais elle est aussi la malédiction favorite des Tories à la Peel” (cité in: D. George Boyce, “Nationalism in Ireland”, Routledge, London, 1995, 3ème éd.). Comme Thomas Carlyle, Thomas Davis critique l’étranglement mental des peuples des Iles Britanniques par l’utilitarisme ou la “shop keeper mentality”; inspiré par les idées du romantisme nationaliste allemand, dérivé de Herder, il explique à ses compatriotes qu’un peuple, pour se dégager de la “néo-animalité” utilitariste, doit cesser de se penser non pas comme un “agglomérat accidentel” de personnes d’origines disparates habitant sur un territoire donné, mais comme un ensemble non fortuit d’hommes et de femmes partageant une culture héritée de longue date et s’exprimant par la littérature, par l’histoire et surtout, par la langue. Celle-ci est le véhicule de la mémoire historique d’un peuple et non pas un ensemble accidentel de mots en vrac ne servant qu’à une communication élémentaire, “utile”, comme tente de le faire croire l’enseignement dévoyé d’aujourd’hui quand il régule de manière autoritaire (sans en avoir l’air... à grand renfort de justifications pseudo-pédagogiques boiteuses...) et maladroite (en changeant d’avis à tour de bras...) l’apprentissage des langues maternelles et des langues étrangères, réduisant leur étude à des tristes répétitions de banalités quotidiennes vides de sens. Davis: “La langue qui évolue avec le peuple est conforme à ses origines; elle décrit son climat, sa constitution et ses moeurs; elle se mêle inextricablement à son histoire et à son âme...” (cité par D. G. Boyce, op. cit.).Catholique, l’Irlande profonde réagit contre la colonisation puritaine, achevée par Cromwell au 17ème siècle. Le chantre d’un “homo celticus” ou “hibernicus”, différent du puritain anglais ou de l’utilitariste du 19ème siècle, sera indubitablement Padraig Pearse (1879-1916). Son nationalisme mystique vise à faire advenir en terre d’Irlande un homme non pas “nouveau”, fabriqué dans un laboratoire expérimental qui fait du passé table rase, mais renouant avec des traditions immémoriales, celles du “Gaël”. Pearse: “Le Gaël n’est pas comme les autres hommes, la bêche et le métier à tisser, et même l’épée, ne sont pas pour lui. Mais c’est une destinée plus glorieuse encore que celle de Rome qui l’attend, plus glorieuse aussi que celle de Dame Britannia: il doit devenir le sauveur de l’idéalisme dans la vie moderne, intellectuelle et sociale” (cité in: F. S. L. Lyons, “Culture and Anarchy in Ireland 1890-1939”, Oxford University Press, 1982). Pearse, de parents anglais, se réfère à la légende du héros païen Cuchulainn, dont la devise était: “Peu me chaut de ne vivre qu’un seul jour et qu’une seule nuit pourvu que ma réputation (fama) et mes actes vivent après moi”. Cette concession d’un catholique fervent au paganisme celtique (du moins au mythe de Cuchulainn) se double d’un culte de Saint Columcille, le moine et missionnaire qui appartenait à l’ordre des “Filid” (des druides après la christianisation) et entendait sauvegarder sous un travestissement chrétien les mystères antiques et avait exigé des chefs irlandais de faire construire des établissements pour qu’on puisse y perpétuer les savoirs disponibles; à ce titre, Columcille, en imposant la construction d’abbayes-bibliothèques en dur, a sauvé une bonne partie de l’héritage antique. Pearse: “L’ancien système irlandais, qu’il ait été païen ou chrétien, possédait, à un degré exceptionnel, la chose la plus nécessaire à l’éducation: une inspiration adéquate. Columcille nous a fait entendre ce que pouvait être cette inspiration quand il a dit: ‘si je meurs, ce sera de l’excès d’amour que je porte en moi, en tant que Gaël’. Un amour et un sens du service si excessif qu’il annihile toute pensée égoïste, cette attitude, c’est reconnaître que l’on doit tout donner, que l’on doit être toujours prêt à faire le sacrifice ultime: voilà ce qui a inspiré le héros Cuchulainn et le saint Columcille; c’est l’inspiration qui a fait de l’un un héros, de l’autre, un saint” (cité par F. S. L. Lyons, op. cit.). Chez Pearse, le mysticisme pré-chrétien et la ferveur d’un catholicisme rebelle fusionnent dans un culte du sang versé. La rose noire, symbole de l’Irlande humiliée, privée de sa liberté et de son identité, deviendra rose rouge et vivante, resplendissante, par le sang des héros qui la coloreront en se sacrifiant pour elle. Cette mystique de la “rose rouge” était partagée par trois martyrs de l’insurrection des Pâques 1916: Pearse lui-même, Thomas MacDonagh et Joseph Plunkett. On peut vraiment dire que cette vision mystique et poétique a été prémonitoire.En dépit de son “papisme”, l’Irlande embraye donc sur le renouveau celtique, néo-païen, né au Pays de Galles à la fin du 18ème, où les “identitaires” gallois de l’époque réaniment la tradition des fêtes populaires de l’Eisteddfod, dont les origines remontent au 12ème siècle. Plus tard, les reminiscences celtiques se retrouvent chez des poètes comme Yeats, pourtant de tradition familiale protestante, et comme Padraig Pearse (que je viens de citer et auquel Jean Mabire a consacré une monographie), fusillé après le soulèvement de Pâques 1916. En Flandre, la renaissance d’un nationalisme vernaculaire, le premier recours conscient aux racines locales et vernaculaires via une volonté de sauver la langue populaire du naufrage, s’inscrit, dès son premier balbutiement, dans la tradition des “autres Lumières”, non pas directement de Herder mais d’une approche “rousseauiste” et “leibnizienne” (elle reprend —outre l’idée rousseauiste d’émancipation réinsérée dans une histoire populaire réelle et non pas laissée dans une empyrée désincarnée— l’idée d’une appartenance oubliée à l’ensemble des peuples “japhétiques”, c’est-à-dire indo-européens, selon Leibniz): cette approche est parfaitement décelable dans le manifeste de 1788 rédigé par Jan-Baptist Verlooy avant la “révolution brabançonne” de 1789 (qui contrairement à la révolution de Paris était “intégriste catholique” et dirigée contre les Lumières des Encyclopédistes). L’érudition en pays de langues germaniques s’abreuvera à la source herdérienne, si bien, que l’on peut aussi qualifier le mouvement flamand de “herdérien”. Il tire également son inspiration du roman historique écossais (Walter Scott), expression d’une rébellion républicaine calédonienne, d’inspiration panceltique avant la lettre. En effet, Hendrik Conscience avait lu Scott, dont le style narratif et romantique lui servira de modèle pour le type de roman national flamando-belge qu’il entendait produire, juste avant d’écrire son célèbre “Lion des Flandres” (= “De Leeuw van Vlaanderen”). Les Allemands Hoffmann von Fallersleben et Oetker recueilleront des récits populaires flamands selon la méthode inaugurée par les Frères Grimm dans le Nord de la Hesse, le long d’une route féérique que l’on appelle toujours la “Märchenstrasse” (“La route des contes”). De nos jours encore, il existe toute une érudition flamande qui repose sur les mêmes principes archéo-généalogiques.En Scandinavie, la démarche archéo-généalogique de Herder fusionne avec des traditions locales norvégiennes ou danoises (avec Grundvigt, dont l’itinéraire fascinait Jean Mabire). La tradition politique scandinave, avec sa survalorisation du paysannat (surtout en Norvège), dérive directement de postulats similaires, les armées norvégiennes, au service des monarques suédois ou danois, étant constituées de paysans libres, sans caste aristocratique distincte du peuple et en marge de lui (au sens où on l’entendait dans la France de Louis XV, par exemple, quand on ne tenait pas compte des paysannats libres locaux). L’idéal humain de la tradition politique norvégienne, jusque chez un Knut Hamsun, est celui de l’Odelsbonde, du “paysan libre” arcbouté sur son lopin ingrat, dont il tire librement sa subsistance, sous un climat d’une dureté cruelle. Les musées d’Oslo exaltent cette figure centrale, tout en diffusant un ethnopluralisme sainement compris: le même type d’érudition objective est mis au service des peuples non indo-européens de l’espace circumpolaire, comme les Sami finno-ougriens.L’actualité montre que cette double tradition herdérienne et grundvigtienne en Scandinavie, flanquée de l’idéal de l’Odelsbonde demeure vivace et qu’elle peut donner des leçons de véritable démocratie (il faudrait dire: “de laocratie”, “laos” étant le véritable substantif désignant le meilleur du peuple en langue grecque) à nos démocrates auto-proclamés qui hissent les catégories les plus abjectes de la population au-dessus du peuple réel, c’est-à-dire au-dessus des strates positives de la population qui oeuvrent en cultivant le sol, en produisant de leurs mains des biens nécessaires et de bonne qualité ou en transmettant le savoir ancestral. Seules ces dernières castes sont incontournables et nécessaires au bon fonctionnement d’une société. Les autres, celles qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé, sont parasitaires et génèrent des comportements anti-laocratiques: le peuple d’Islande l’a compris au cours de ces deux ou trois dernières années; il a flanqué ses banquiers et les politicards véreux, qui en étaient les instruments, au trou après la crise de l’automne 2008. Résultat: l’Islande se porte bien. Elle a redressé la barre et se développe. Les strates parasitaires ont été matées. Nos pays vont mal: les banquiers et leurs valets politiciens tirent leur révérence en empochant la manne de leurs “parachutes dorés”. Aucun cul de basse-fosse ne leur sert de logis bien mérité. Dès lors tout vaut tout et tout est permis (pourquoi faudrait-il désormais sanctionner l’ado qui pique un portable à l’étal d’un “Media-Markt”, si un patapouf comme Dehaene fout le camp après son interminable cortège de gaffes avec, en son escarcelle, des milliards de dédommagements non mérités?). Les principes les plus élémentaires d’éthique sont foulés aux pieds.Tradition “herdérienne” dans les pays slavesDans les pays slaves, la tradition archéo-généalogique de Herder s’est maintenue tout au long du 19ème siècle et a même survécu sous les divers régimes communistes, imposés en 1917 ou en 1945-48. Chez les Tchèques, elle a sauvé la langue de l’abâtardissement mais s’est retournée paradoxalement contre l’Allemagne, patrie de Herder, et contre l’Autriche-Hongrie. Chez les Croates et les Serbes, elle a toujours manifesté sa présence, au grand dam des éradicateurs contemporains; en effet, les porteurs de l’idéal folciste sud-slave ont été vilipendés par Alain Finkelkraut lors de la crise yougoslave du début des années 90 du 20ème siècle, sous prétexte que ces érudits et historiens auraient justifié à l’avance les “épurations ethniques” du récent conflit inter-yougoslave, alors que le journaliste et slaviste israélite autrichien Wolfgang Libal considérait dans son livre “Die Serben”, publié au même moment, que ces figures, vouées aux gémonies par Finkelkraut et les autres maniaques parisiens du “politiquement correct” et du “prêt-à-penser”, étaient des érudits hors pair et des apôtres de la libération laocratique de leurs peuples, notamment face à l’arbitraire ottoman... Vous avez dit “bricolage médiatique”? En Russie, l’héritage de Herder a donné les slavophiles ou “narodniki”, dont la tradition est demeurée intacte aujourd’hui, en dépit des sept décennies de communisme. Des auteurs contemporains comme Valentin Raspoutine ou Alexandre Soljénitsyne en sont tributaires. Le travail de nos amis Ivanov, Avdeev et Toulaev également.En Bretagne, le réveil celtique, après 1918, s’inscrit dans le sillage du celtisme irlandais et de toutes les tentatives de créer un mouvement panceltique pour le bien des “Six Nations” (Irlandais, Gallois, Gaëliques écossais, Manxois, Corniques et Bretons), un panceltisme dûment appuyé, dès le lendemain de la défaite allemande de 1945, par le nouvel Etat irlandais dominé par le Fianna Fail d’Eamon de Valera et par le ministre irlandais Sean MacBride, fils d’un fusillé de 1916. La tradition archéo-généalogique de Herder, d’où dérive l’idéal de “patrie charnelle” et le rejet de tous les mécanismes anti-laocratiques visant à infliger aux peuples une domination abstraite sous un masque “démocratique” ou non, est immensément riche en diversités. Sa richesse est même infinie. Tout mouvement identitaire, impliquant le retour à la terre et au peuple, aux facteurs sang et sol de la méthode historique d’Hyppolite Taine, à l’agonalité entre “paroles diverses” (Lyotard), est un avatar de cette immense planète de la pensée, toute tissée d’érudition. Si un Jean Haudry explore la tradition indo-européenne et son émergence à l’ère proto-historique, si un Pierre Vial exalte les oeuvres de Jean Giono ou d’Henri Vincenot ou si un Jean Mabire évoque une quantité impressionnante d’auteurs liés à leurs terres ou chante la geste des “éveilleurs de peuple”, ils sont des disciples de Herder et des chantres des patries charnelles. Ils ne cherchent pas les fondements du politique dans des idées figées et toutes faites ni n’inscrivent leurs démarches dans une métapolitique aggiornamenté, qui se voudrait aussi une culture du “débat”, un “autre débat” peut-être, mais qui ne sera jamais qu’une sorte d’ersatz plus ou moins “droitisé”, vaguement infléchi de quelques misérables degrés vers une droite de conviction, un ersatz à coup sûr parisianisé de ces “palabres rationnels” de Habermas qui ont tant envahi nos médias, nos hémicycles politiques, nos innombrables commissions qui ne résolvent rien.Robert STEUCKERS.Avec la nostalgie du “Grand Lothier”, Forest-Flotzenberg & Nancy, mars 2012. -
Le Baas syrien face à la mouvance islamique sunnite
Thierry Pierret Ex: http://mediabenews.wordpress.com/ Alors que l’on a souvent souligné le caractère « séculier » des soulèvements arabes de 2011, du moins avant que les mouvements islamistes n’en apparaissent comme les principaux bénéficiaires électoraux, la religion est rapidement apparue comme une composante importante des mouvements de protestation observés en Syrie depuis le mois de mars. En témoignent notamment la récurrence des slogans religieux, la visibilité acquise par certains hommes de religion durant les événements, et la concentration des manifestations dans et autour des mosquées, seuls espaces publics relativement épargnés par le maillage sécuritaire. Une telle prégnance du référent islamique est a priori susceptible de conférer un rôle majeur aux représentants de la mouvance islamique, c’est-à-dire les mouvements islamistes d’opposition, d’une part, et les oulémas (« savants », spécialistes des sciences religieuses), d’autre part. Sans être négligeable, ce rôle est toutefois contraint par l’histoire et en particulier par les conséquences des politiques ultra-répressives menées par le régime baasiste contre l’islam politique. De tradition laïque, ce régime s’est montré d’autant plus hostile aux islamistes que ses principaux dirigeants, à commencer par la famille Assad, étaient issus de la minorité alaouite, perçue comme hétérodoxe par une bonne partie de la majorité sunnite. Fondés à l’indépendance en 1946, les Frères musulmans syriens font leurs modestes débuts dans un contexte de démocratie parlementaire. En 1963, le coup d’État du Baas met un terme définitif à cette phase d’expériences démocratiques. Radicalement hostile aux islamistes, le nouveau régime socialiste et laïcisant les contraint à la clandestinité ou à l’exil. Dans les années 1970, toutefois, les Frères profitent de la popularité croissante du référent religieux parmi la jeunesse pour reconstruire discrètement leurs forces. Cette montée en puissance va de pair avec l’affirmation de l’Avant-garde combattante, une organisation islamiste dissidente prônant l’action armée. En 1979, ses militants lancent une vaste campagne d’assassinats et d’attentats à la bombe, tandis qu’un soulèvement populaire émerge dans les villes du Nord. Le régime y opposera une réponse militaire qui culmine en 1982 avec le siège de la ville de Hama et le massacre de milliers de ses habitants. Totalement éradiqués à l’intérieur du pays, les Frères Musulmans seront réduits, jusqu’à ce jour, au statut de parti d’exilés. Dès lors, les oulémas (« savants », spécialistes des sciences religieuses) constitueront les seules voix de la mouvance islamique en Syrie. Durant les années 1960, la radicalisation gauchiste du Baas avait été à l’origine de plusieurs crises entre le régime et le clergé, dont certains membres avaient été emprisonnés pour avoir critique l’« athéisme » de l’équipe dirigeante. Suite à son coup d’état de 1970, le général Hafez el-Assad adopte une approche plus pragmatique, affichant même quelques signes de piété. La décennie est donc caractérisée par un processus de relative détente que vient toutefois interrompre l’insurrection armée entamée en 1979. Après 1980, face à un mouvement de réislamisation sociale qu’il ne peut empêcher, le régime prend graduellement conscience que la répression de l’islam politique doit s’accompagner d’une relative tolérance à l’égard des activités éducatives islamiques, du moins lorsqu’elles sont menées par des partenaires sûrs. La décennie qui suit l’insurrection voit donc apparaître de nouveaux instituts supérieurs islamiques tels que la Fondation Abu al-Nur, établie par le Grand Mufti Ahmad Kaftaro. C’est à la même époque que le régime noue une alliance de longue durée avec le Dr Said Ramadan al-Buti, doyen de la faculté de Charia de Damas et essayiste à succès. Sur le plan des idées, l’intéressé se situe aux antipodes du parti au pouvoir puisqu’il est radicalement hostile au nationalisme et au socialisme, principales composantes du baasisme. Toutefois, au nom d’une lecture ultra-conservatrice de la théologie politique sunnite, al-Buti prône l’obéissance au pouvoir en place, la tyrannie étant jugée préférable au risque d’anarchie. La stratégie d’al-Buti repose aussi à la fitna (« discorde ») mais aussi sur l’idée que le dialogue avec le pouvoir permettra à terme la satisfaction des revendications du clergé. De fait, à partir des années 1990, le régime libéralise progressivement sa politique religieuse en levant certaines restrictions pesant sur les pratiques cultuelles (célébration de l’anniversaire du Prophète, port du voile à l’école), en autorisant le retour d’oulémas exilés ou encore, au milieu des années 2000, en tolérant un véritable bourgeonnement des associations de bienfaisance et écoles secondaires islamiques. Ces évolutions s’opèrent notamment au bénéfice de Jamaat Zayd (« le groupe de Zayd »), un influent mouvement de prédication dont l’action se concentre sur l’éducation religieuse des étudiants de l’enseignement séculier dans le cadre de cercles d’études informels organisés dans les mosquées. Contrains à l’exil durant l’insurrection de 1979-1982, les dirigeants de ce groupe reviennent en Syrie au milieu des années 1990. Établissant des relations avec le régime, ils n’en conservent pas moins une certaine indépendance de ton et seront toujours perçus avec méfiance par les autorités. Une telle stratégie, imposée au régime par la nécessité de resserrer les liens avec l’opinion religieuse dans un contexte de tensions régionales (invasion de l’Irak, crise libanaise), aura pour effet non désiré de donner aux oulémas une assurance nouvelle qui les conduit à s’en prendre aux éléments laïcistes dominant les ministères de l’Information et de l’Éducation. En 2008, le retour en grâce de la Syrie sur la scène internationale après plusieurs années d’isolement permet au pouvoir de faire volte face et de revenir à des politiques beaucoup plus strictes vis-à-vis de la mouvance islamique. Tandis que sont nationalisées certaines institutions religieuses demeurées privées, est lancée une campagne de « re-laïcisation » qui se traduit notamment par l’interdiction du port du voile facial (niqab) au sein du corps enseignant et dans les universités. À la veille du soulèvement de 2011, les relations entre le régime et l’élite religieuse s’étaient également tendues en raison des activités missionnaires chiites dans le pays. L’alliance du régime baasiste avec le chiisme duodécimain débute avec l’arrivée au pouvoir de Hafez al-Assad en 1970. Premier président non sunnite de l’histoire syrienne, le nouveau chef de l’État cherche à faire reconnaître sa communauté alaouite comme une branche du chiisme et, partant, de l’oumma musulmane. Cette fatwa, il l’obtiendra de clercs chiites duodécimains étrangers alliés au régime syrien pour des raisons politiques : l’opposant irakien Hassan al-Chirazi et Musa al-Sadr, fondateur du mouvement libanais Amal. Surtout, après 1979, Damas nouera une alliance stratégique avec la République Islamique d’Iran et son extension libanaise, le Hezbollah. Profitant de leurs relations étroites avec le régime syrien, des réseaux religieux chiites étrangers établissent des séminaires dans la banlieue damascène de Sayyida Zaynab et reconstruisent selon le style persan des sites de pèlerinage chiites dans le pays. Certains animateurs de ces réseaux ne cachent guère leur volonté d’utiliser leurs têtes de pont syriennes pour engranger des conversions au chiisme parmi la majorité sunnite du pays. Ils ne rencontrent guère de succès mais un certain nombre d’exceptions frappent les imaginations. Au milieu des années 2000, les rumeurs de « chiisation » massive trouvent un terreau favorable dans un contexte de guerre civile sunnito-chiite en Irak et de fortes tensions confessionnelles au Liban. La dégradation des relations entre régime et oulémas à la fin de la dernière décennie a été partiellement compensée par les conséquences de la libéralisation économique menée par Bachar el-Assad après son accession au pouvoir en 2000. Il a souvent été dit que cette évolution avait surtout profité à une poignée d’hommes d’affaires proches du président, dont le plus connu est son cousin Rami Makhluf. En réalité, l’abandon du socialisme a aussi contribué, dans des proportions certes plus modestes, à l’enrichissement d’une catégorie plus large d’entrepreneurs moyens. Or, c’est de leur alliance avec ces derniers que les oulémas syriens ont traditionnellement tiré les ressources financières de leurs séminaires et associations de bienfaisance. Ces ressources augmenteront donc considérablement à la faveur de la libéralisation économique et des conséquences du boom pétrolier de 2003. Ce même contexte voit également l’ouverture en Syrie de banques islamiques, qui recrutent des oulémas au sein de leur comité de supervision. Ces transformations économiques ont donc rapproché l’élite religieuse syrienne des milieux d’affaires et, par leur intermédiaire, de l’establishment politico-militaire. Traversée par ces dynamiques contradictoires, la mouvance islamique syrienne abordera la crise de 2011 en rangs dispersés. Si les Frères Musulmans et autres militants islamistes soutiennent le soulèvement avec enthousiasme, les oulémas sont profondément divisés. Ayant largement bénéficié du régime en place, ses alliés historiques comme Sa‘id Ramadan al-Buti et le Grand Mufti Ahmad Hassun demeurent loyaux. En face, les « oulémas révolutionnaires » émergent surtout dans les villes périphériques insurgées telles que Der‘a, dans le Sud, ou Banyas, sur la côte. À Damas et Alep, certaines figures religieuses respectées adressent de sévères critiques au régime. Dans la capitale, les protestataires se pressent ainsi pour assister aux sermons des cheikhs Oussama al-Rifa‘i et Krayyim Rajih, dont les mosquées sont le théâtres de manifestations régulières. S’ils n’appellent pas ouvertement au renversement du pouvoir, ces prêcheurs n’en rejettent pas moins la rhétorique officielle des « bandes armées » commandées par l’étranger, défendent la légitimité des revendications démocratiques et tiennent l’appareil de sécurité pour responsable des violences. Il n’est guère étonnant que ce défi émane d’anciens ennemis du régime ne s’étant réconciliés avec ce dernier que sur le tard et de manière équivoque. Pendant cinq mois, le pouvoir ne sait comment réagir face aux prêcheurs rebelles. Craignant les conséquences d’un affrontement ouvert, il recourt, sans succès, à divers moyens de séduction et de pression. C’est pendant le mois de Ramadan (août 2011) que les autorités sortent de leurs atermoiements : les oulémas contestataires ayant fustigé l’envoi des chars dans les villes de Hama et Deir ez-Zor, ils sont interdits de prêche, menacés et, pour l’un d’entre eux, physiquement agressés par les chabbiha, des voyous à la solde du pouvoir. Ces événements constitueront un tournant de la première année du soulèvement. Dominait jusqu’alors l’idée que le pouvoir n’oserait pas se confronter aux oulémas contestataires par crainte de la réaction populaire. Par conséquent, suite à l’agression perpétrée contre al-Rifa‘i, certains prédisent des manifestations-monstres qui emporteront le régime. Or, si les habitants des banlieues populaires de Damas manifestent en nombre, les quartiers centraux de la capitale ne se mobilisent guère. Or, c’est dans ces quartiers relativement aisés que la victime compte la plupart de ses nombreux adeptes. Les proches disciples d’al-Rifa‘i ne cachent pas leur rancœur face à l’inaction de ceux qui, la veille encore, donnaient du baisemain à leur guide spirituel. Ce que révèlent ces événements, c’est l’importance du facteur socio-économique dans le soulèvement actuel. Ce dernier est dans une large mesure celui des perdants de l’abandon du socialisme : ruraux et rurbains délaissés par un État qui, par le passé, se targuait de défendre leur intérêts, et habitants des ceintures de pauvreté des grandes villes. C’est au camp des bénéficiaires de l’économie de marché qu’appartiennent les grands oulémas. Par conséquent, même si leurs convictions et l’influence de leurs disciples politisés ont poussé certains d’entre eux à prendre le parti de l’opposition, ils ont dû prendre acte de la tiédeur du soutien que leur adressaient ces citadins aisés qui sont à la fois leurs fidèles et leurs bailleurs de fonds. Par là-même, ils ont pu apprécier à leurs dépens la fragilité faut-il dire l’inexistence, du sentiment communautaire sunnite. Thomas Pierret http://euro-synergies.hautetfort.com/
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Hasta Siempre, Comandante !
Nous dédions cet article à un grand Homme. Au leader d’un pays et de sa région, un symbole pour le monde entier. C’était également un grand ami de la Russie, qu’il aimait beaucoup. Aujourd’hui, cet homme n’est plus. Il s’agit de Hugo Chavez.
En ces jours très tristes avant tout pour les Vénézuéliens, mais également pour bon nombre de Latino-Américains en général, ainsi que de Russes, d’Africains, d’Européens et de nombreuses personnes sur tous les continents, il est important de se rappeler qui était Hugo Chavez.
Issu d’un milieu modeste, métis dans les veines duquel coulait du sang indien, africain et espagnol, sa mère souhaitait qu’il devienne prêtre catholique. Hugo rêvait de devenir joueur de baseball. Finalement, il rejoint l’armée vénézuélienne à l’âge de 17 ans et plus tard s’inscrit à l’Académie vénézuélienne des sciences militaires, en tant que cadet. Diplôme militaire d’arts et de sciences en poche, il commence officiellement à servir dans l’armée. En 1992, il participe au coup d’État qui échoue. Il est alors emprisonné durant deux ans. A sa libération, il jouit déjà d’une grande popularité, surtout grâce à ses prises de position en faveur des classes les plus démunies du pays. Il crée le « Mouvement Cinquième République », basé notamment sur de nombreux principes de la Révolution cubaine. Chavez a par ailleurs toujours considéré Fidel Castro comme son mentor et inspirateur. Il sera élu président du pays à la fin de 1998. Combinant les principes de la justice sociale ainsi que les valeurs patriotiques et anti-impérialistes de Simon Bolivar, figure emblématique en Amérique Latine, sa popularité ne cesse de croître. Justement, les plus défavorisés, tout simplement oubliés et ignorés par ses prédécesseurs, lui assurent un soutien sans faille.
En 2000, il est réélu avec près de 60% des suffrages. En 2002, il fait face à un bref coup d’État, orchestré par l’oligarchie locale et leurs soutiens extérieurs, avant tout celui des Etats-Unis. Chavez est arrêté. Mais c’est alors que la majorité de la population vénézuélienne témoigne son soutien indéfectible envers son président et sort massivement dans les rues pour exiger sa libération. Il est finalement libéré deux jours plus tard et reprend ses fonctions de chef de l’État. En 2006, il est réélu avec près de 63% des voix. En 2007, le référendum sur la réforme constitutionnelle proposée par Hugo Chavez est rejeté (à une courte majorité de 50,7%), malgré de nombreuses fraudes enregistrées lors du référendum. Malgré ces fraudes, Hugo Chavez décide de reconnaître publiquement sa « défaite ». Quant aux élections présidentielles de 2012, il est de nouveau vainqueur, avec cette fois-ci plus de 55% des voix.
En politique intérieure et au niveau des réalisations sociales, parmi les nombreuses réussites du président Chavez, on peut citer : la baisse importante du chômage, la diminution de plus de la moitié du taux de pauvreté (de 54% des ménages en 2003 à moins de 25% aujourd’hui), quant à la pauvreté elle a diminué de 72%. On citera également la chute du taux de la mortalité infantile et des inégalités sociales (le Venezuela étant devenu le pays le moins inégalitaire de la région), l’augmentation à plusieurs reprises du salaire minimum et du revenu par habitant (ayant augmenté de plus de 3 fois), construction massive de logements (surtout en faveur des plus pauvres), forte baisse de la dette publique, éducation gratuite dès l’enseignement préprimaire, et ce jusqu’à l’université, augmentation conséquente de la part du PIB consacrée à l’éducation et éradication de l’analphabétisme (selon les données de l’UNESCO), ainsi que forte réduction des importations alimentaires (pratiquement 60%), pour ne citer que ces acquis... En politique extérieure, Hugo Chavez a défendu la souveraineté de son pays mais également de ses ressources. Et c’est bien lui qui a été le chef de file de l’intégration régionale et continentale. C’est bien autour de lui que se sont réunis d’autres leaders latino-américains comme Evo Morales (Bolivie), Rafael Correa (Équateur), Cristina Fernandez de Kirchner (Argentine), Daniel Ortega (Nicaragua) et Raul Castro (Cuba). Le pays-leader sud-américain, le Brésil, a également activement participé au projet d’ « Alliance latino-américaine ». Hugo Chavez a par ailleurs vivement soutenu la coopération entre l’Amérique latine et les Caraïbes. Son action a beaucoup contribué à la mise en place des organismes suivants : l’Alliance bolivarienne pour les Amériques, l’Union des nations sud-américaines, la Banque du Sud, ainsi que le réseau régional de télévision Telesur. Et tous ces projets grandioses ont été réalisés dans une région où il y a encore pas si longtemps, la CIA organisait des coups d’États quand bon leur semblait, en mettant au pouvoir des pantins qui arrangeaient l’empire étasunien. Hugo Chavez s’est employé à tourner cette page définitivement. Il a également activement développé les relations du Venezuela avec la Russie, la Chine, l’Iran, les États africains et le monde arabe. Il a par ailleurs vécu le meurtre de Mouammar Kadhafi comme une tragédie personnelle. Grand visionnaire, il est également l’initiateur du Sommet Afrique-Amérique latine. Mais une fin tragique est venue stopper la vie du Comandante.
Depuis juin 2011, il luttait contre le cancer. Après plusieurs opérations à Cuba et les espoirs de guérison tant espérée par ses concitoyens et tous ses partisans dans le monde entier, le Président Hugo Chavez s’est éteint le 5 mars 2013, dans la capitale vénézuélienne. Selon le président par intérim Nicolas Maduro, la maladie du leader vénézuélien ne serait pas due au hasard et les États-Unis seraient directement impliqués. On attend avec impatience tous les détails à ce sujet, mais beaucoup de questions vont se poser. Pour n’en citer qu’une : connaissant les méthodes occidentales vis-à-vis de tous ceux qui n’arrangent pas les intérêts des lobbies concernés (emprisonnement de Laurent Gbagbo, meurtre barbare de Mouammar Kadhafi), on aura en effet bien besoin d’analyser sérieusement tous les scénarios possibles.
Dans tous les cas, Hugo Chavez restera à jamais la personne qui non seulement a accompli des exploits aussi bien dans son propre pays, mais aussi à l’échelle de tout le continent sud-américain et du monde entier. Il est et restera une source d’inspiration pour un très grand nombre de personnes aux quatre coins du monde. Un homme pour qui les mots « justice, liberté, et surtout dignité » resteront des synonymes gravés à jamais dans la mémoire collective. Tous les leaders d’Amérique latine lui ont rendu hommage. Comme l’a également fort bien dit le président russe Vladimir Poutine, Hugo Chavez « était un homme hors du commun et fort, qui regardait vers l’avenir et qui était toujours très exigeant envers lui. Il était un ami très proche de la Russie ». Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a déclaré que « toute la vie de Chavez était un celle d’un homme au service désintéressé de la justice et de l’égalité, luttant pour le bien du peuple vénézuélien ». Le représentant permanent de la Russie auprès de l’ONU, Vitaliy Tchourkine, a quant à lui qualifié Hugo Chavez de grand homme politique, et son décès de tragédie, aussi bien pour le Venezuela que la Russie : « Un grand homme pour son pays, pour toute l’Amérique latine et le monde entier. Il a joué un rôle important dans le développement des relations entre le Venezuela et la Russie, et aujourd’hui nous pleurons sa mort ». Connaissant les nombreux points communs entre la Russie et le Venezuela, ainsi que les nombreux défis communs lancés par les deux pays, notamment en matière de défense de la démocratie et de la souveraineté face à la dictature de la « pensée unique » et des grands lobbies, il est important d’aider le gouvernement vénézuélien à élucider toutes les circonstances tragiques de la maladie du président Chavez.
Pour finir, il faut dire que Hugo Chavez restera à jamais dans l’histoire. Dans l’histoire de son pays, de l’Amérique latine, du monde, mais aussi dans le cœur des hommes. Il a également réussi à prouver qu’il est possible de combattre pour les grandes valeurs dans le respect de la démocratie, la vraie démocratie. Il reste et restera le symbole de la lutte pour la justice, la liberté et la dignité humaine, où que ce soit. Nous ne pourrons jamais l’oublier. Quant à son successeur et ses partisans, nous espérons qu’ils poursuivront fièrement et dignement l’œuvre du président Chavez. Hasta la victoria siempre, Comandante !
Mikhail Gamandiy-Egorov http://www.voxnr.com
source http://french.ruvr.ru/2013_03_07/Hasta-Siempre-Comandante/ -
Hommage à Hugo Chavez
Je me réveille ce matin avec une grande tristesse. J’apprends la disparition d’une des grandes voix libres du monde. Hugo Chavez s’est éteint à l’âge de 58 ans à la suite d’un cancer.
Le libertador, malgré sa résistance physique, l’aide et l’amour que lui ont procuré ses proches, et sa proximité avec Dieu, n’aura pas réussi à triompher de son dernier combat : celui de la vie sur la maladie.
Malgré sa disparition, Hugo Chavez est toujours vivant ! Oui, il est vivant car aujourd’hui, il n’est plus un homme, une aventure politique ou un tribun. Désormais, Hugo Chavez est une légende.
Nos ennemis peuvent rires de sa mort, la fêter… qu’importe ! Qu’ils ne se réjouissent pas trop vite, car aujourd’hui si Hugo Chavez est mort, des millions d’autres viennent de naître au même moment, prêts à poursuivre la lutte du patriotisme de combat partout dans le monde.
Oui ! Nous nous levons et nous allons poursuivre la lutte car nous refusons la soumission, la tyrannie et la corruption ! Partout dans le monde, les peuples se réveillent. Les hommes et toutes les femmes n’hésitent plus à résister frontalement et à visage découvert à la mondialisation et à l’impérialisme américain, refusant la soumission au pouvoir de l’argent.
Hugo Chavez a réussi à réunir la foi, la spiritualité, et l’engagement politique. Il a compris que sans la foi, sans la spiritualité, sans un idéal de vie, aucune œuvre ne peut-être bâtie solidement et perdurer dans le temps. A nos sociétés de consommation occidentales, consuméristes et athéistes, ne vénérant plus que le dieu « Argent » et son prophète « Confort », il a donné une formidable leçon de courage et de noblesse. Une leçon nationaliste en somme, mais d’un nationalisme éclairé et universaliste, dénué de haine ou d’esprit de repli, un nationalisme qui, en défendant son peuple, défend tous les peuples du monde qui entendent rester libres et dignes.
Les forces patriotiques, sociales et progressistes en mouvement, continueront d’œuvrer et de s’engager de toutes leurs forces dans une lutte et jusqu’à la victoire tant que nos idées n’auront pas triomphé du mondialisme, de la finance et de l’impérialisme américain !
Hugo Chavez avait déclaré « Les impérialistes voient des extrémistes partout. Ce n’est pas que nous soyons des extrémistes. C’est que le monde se réveille. Il se réveille partout. Et les gens se lèvent ! ».
Jean-Marie Le Pen n’a eu de cesse de déclarer : « Patriotes de tous les pays unissez-vous ! ». Hugo Chavez que nous considérons à sa manière comme un « Le Pen » vénézuélien sera parvenu à fédérer les « alter-nationalistes » et à répondre avec une efficacité redoutable à l’appel de Jean-Marie Le Pen.
Soyons heureux, soyons rassurés… Nous sommes là, rassemblés, unis, prêts à poursuivre l’œuvre du patriotisme de combat amorcée au Venezuela.
Hugo Chavez n’est pas mort, il est vivant, il est immortel !Grégory Gennaro http://www.voxnr.com
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Un quatrième militaire français tué au Mali
Le brigadier-chef Wilfried Pingaud du 68ème régiment d’artillerie d’Afrique (La Valbonne) a été tué ce matin au cours d’affrontements avec des éléments ennemis au Mali. C’est le quatrième militaire français mort au combat depuis le début de l’opération Serval.
Ce brigadier-chef servait au sein d’un élement de liaison au sein de l’armée malienne. Il a été tué au cours d’un accrochage à une centaine de kilomètres à l’est de Gao, dans la région de Tin Keraten. Il ne s’agit donc pas de la zone des combats contre Aqmi dans l’Adrar. Le secteur serait plutôt celui du Mujao. L’aviation et les hélicoptères sont intervenus en appui des troupes françaises et maliennes pris à partie. Une dizaine de djihadistes auraient été tués. Le brigadier-chef a été évacué par un hélicoptère de l’armée belge, mais il est mort de ses blessures.
Wilfried Pringaud avait 36 ans, il était marié et père de deux enfants. Il s’était engagé en 1995, à l’âge de 18 ans au 68e régiment d’artillerie d’Afrique, où il a fait toute sa carrière dans des emplois très différents : spécialiste de mortier lourd, conducteur poids lourds et même cuisinier ! Il avait servi à Mayotte, en Centrafrique, en Polynésie et en Afghanistan, comme instructeur. Il était arrivé au Mali le 21 janvier.
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La spécificité russe sur la scène internationale
Jean Geronimo, docteur en économie, expert des questions économiques et stratégiques russes, Université Pierre Mendès France de Grenoble, est auteur de « La Pensée stratégique russe, Guerre tiède sur l’échiquier eurasien. Les révolutions arabes et après ? » (Sigest, 2012). Il évoque dans l‘interview ci-dessous, et que nous publions sur Contre-Info à sa demande, la pensée stratégique et les nouveaux défis de cette Russie post-communiste.
Pourquoi cette seconde édition, sous-titrée : « Les Révolutions arabes, et après ? » ?
Je voulais expliquer la spécificité de la position russe sur la scène internationale, au regard de l’évolution géopolitique récente accélérée par le « mirage arabe » et, dans ses grandes lignes, verrouillée par la gouvernance néo-libérale sous leadership américain.
Cette évolution touche, d’une manière plus ou moins directe, les intérêts nationaux de la Russie – élargis à sa proche périphérie, la Communauté des Etats indépendants (CEI), qui couvre prés de 99% du territoire de l’ex-URSS. En la définissant comme son « Etranger proche », la Russie veut montrer à l’Occident que la CEI reste sa zone exclusive de responsabilité et, par ce biais, dissuader ses velléités expansives.
Fondamentalement, mon livre vise à présenter la réaction russe face aux doubles menaces constituées par le futur bouclier anti-missiles américain et la propagation du « Printemps arabe », au-delà de son cadre régional. A la base, il y a une totale incompréhension de l’Occident global sur le comportement russe, perçu à travers le prisme désuet de la Guerre froide. Cette seconde édition enrichie du livre, recentrée sur l’imminence d’un « hiver islamiste » – selon l’expression de Poutine –, s’efforce d’éclairer ce point particulièrement délicat.
Depuis la disparition officielle de l’URSS, le 25 décembre 1991, la Russie a le sentiment d’avoir été volontairement marginalisée par l’axe occidental. Au moyen de son levier USA-OTAN, cet axe s’est montré avide de profiter de la faiblesse temporaire de la puissance russe, issue d’une transition post-communiste désastreuse sur le plan économique et rythmée par la terrible « thérapie de choc » imposée par le premier ministre de Boris Eltsine, Yegor Gaïdar. Comme si, selon Andreï Gratchev, ancien conseiller du président Gorbatchev, il y avait eu une volonté inavouée de l’Occident – surtout des Etats-Unis – de voir la Russie post-communiste disparaître de la scène mondiale, en tant qu’acteur majeur, et de la réduire au rang de simple puissance régionale.
Entre 1992 et 1998, après l’application du « modèle de Washington », cette transition néo-libérale en Russie se traduit par une inquiétante décroissance – croissance économique négative, sanctionnée par une compression de prés de 50% du PIB russe sur cette période ! Moscou regrette, aujourd’hui, la volonté occidentale d’étendre son influence en périphérie post-soviétique, considérée comme son pré-carré historique et, en définitive, de renforcer son unilatéralisme armé dans la gouvernance mondiale.
Le vieux rêve gorbatchévien d’un monde post-guerre froide multipolaire, repris par la nouvelle direction russe à la suite d’Evgueni Primakov et poursuivi désormais par Vladimir Poutine, a été brisé.Le discours de Poutine à la Conférence de Munich sur la sécurité en 2007, était-il le symbole d’une inflexion radicale dans la politique étrangère russe ?
Tendanciellement, depuis son arrivée au pouvoir présidentiel, le 30 mars 2000, V. Poutine s’efforce de s’opposer à l’orientation qu’il juge « anti-russe » de la diplomatie occidentale et cela, sur la base de la défense prioritaire de ses intérêts nationaux.
Il le fait en s’appuyant de plus en plus sur un axe eurasien avec la Chine – avec aussi, l’Inde et l’Iran –, surtout depuis la désillusion de 2003 avec l’intervention américaine en Irak, en violation des règles internationales et ce, en dépit de l’opposition sino-russe. Cette orientation eurasienne, catalysée par l’axe sino-russe, est d’ailleurs reprise dans le cadre d’une structure politico-militaire commune, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Depuis 2003, et sous l’impulsion du vieux « soviétique » Primakov, on assiste donc à une inflexion asiatique de la diplomatie russe, en réaction à l’attitude occidentale.
De manière spectaculaire, Poutine a dénoncé l’attitude provocante de l’Occident lors de son célèbre discours de Munich, le 10 février 2007. Il n’accepte pas la sacralisation du « facteur force » – selon son expression – dans la régulation mondiale et dans la stratégie d’ingérence de l’axe USA-OTAN, très politiquement orientée. Il n’accepte pas non plus l’élargissement de l’OTAN à l’ancienne zone d’influence soviétique et l’extension douteuse du bouclier américain ABM, via sa composante otanienne en Europe, aux portes de la Russie. Pour le président Poutine, il s’agit d’une stratégie d’encerclement à finalité politique, consciemment focalisée contre la Russie restée, dans le prisme occidental, l’ennemi héréditaire de la Guerre froide.
En poursuivant le reflux (roll back) de la puissance russe et la neutralisation de son potentiel nucléaire stratégique – via son bouclier anti-missiles –, la politique de l’administration Obama s’inscrit dans une logique atténuée de Guerre froide. Ce faisant, elle oblige la Russie, soucieuse de rééquilibrage stratégique, à renforcer les deux organisations politico-militaires de sa ligne sécuritaire sur l’espace eurasien, l’OCS et l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC).
Au final, la politique américaine apparaît donc, dans la pensée stratégique russe, comme une menace latente majeure – en quelque sorte, « officialisée » par l’avertissement de Munich.Vous parlez de « pensée unique », pour caractériser les analyses dominantes sur les révolutions arabes, pourquoi ?
Oui, le plus troublant est ce relatif consensus sur les « révolutions » arabes qui s’exprime, désormais, de manière unilatérale contre le régime Assad, devenu soudainement gênant – un peu à la manière de feu Kadhafi. Comme un ennemi (idéologique) à abattre.
Pour caractériser cette configuration, associée à une structure d’intérêts relativement complexes et contradictoires, mais motivés par la volonté d’éliminer un « dictateur qui massacre son peuple », Moscou parle de scénario libyen. Par cette expression, la Russie sous-entend la mise en œuvre d’une stratégie manipulatoire soumise à un objectif politique précis visant, en réalité, autre chose que les intérêts légitimes du « bon peuple syrien » et la défense des droits de l’homme, en général.
En référence à l’expérience libyenne, Moscou redoute une possible instrumentalisation d’une résolution de l’ONU avec la complicité tacite de l’OTAN, en vue d’une intervention militaire et réaliser, par ce biais, un vieil objectif de la Guerre froide visant à l’expulser de la région. Selon moi, il y a une volonté délibérée de créer un seuil critique conduisant le « système » (le régime syrien) à surréagir et à « perdre la tête » – pour, à terme, légitimer un devoir d’ingérence. La stratégie de harcèlement continu contre les forces pro-Assad s’inscrit, de manière indiscutable, dans la réalisation de cet objectif. La multiplication des incidents avec la Turquie, plus ou moins suscités par cette dernière, s’explique à partir de cette problématique qui a, il y a peu, justifié l’installation par l’OTAN de missiles Patriot à visée (théoriquement) défensive, à la frontière turco-syrienne. Depuis peu, les prétextes d’une intervention se multiplient – dont celui, redondant, de l’utilisation d’armes chimiques par « celui qui massacre son peuple ».
Et, cela, à partir d’une simple rumeur, allègrement reprise par les médias occidentaux sans la moindre vérification – une fois de plus. Inquiétant.Pourquoi parler d’ « évolutions » arabes, et non de révolutions ?
Au départ, ces « révolutions » semblent spontanées et répondent au juste désir d’émancipation de peuples longtemps privés de droits et de libertés. « Semblent », car Moscou n’écarte pas l’idée – depuis le début de la crise – d’une main extérieure pour précipiter l’éclosion précoce d’un « Printemps démocratique ». Et, a priori, mes informations personnelles accumulées depuis 2 ans le confirment. Les dés sont, donc, politiquement pipés.
Même dans l’hypothèse de véritables « révolutions », ces dernières ont été progressivement soutenues et guidées de l’étranger au profit, notamment, de puissances ambitieuses enclines à renforcer leur pouvoir régional. Sans parler du rôle trouble des grandes puissances occidentales adeptes, dans un premier temps, d’un encouragement aveugle de la rébellion et, dans un second temps, de son soutien armé. Au nom de droits de l’homme à géométrie variable.
Cette orientation est évidente dans le cas syrien, avec l’implication insidieuse des puissances saoudienne, qatarienne et turque – en totale violation du principe westphalien de souveraineté des Etats-nations. A cela, s’est greffée l’ingérence croissante des services secrets occidentaux. Je préfère donc parler d’évolutions consciemment orientées. Le terme « révolutions » est idéologiquement connoté et traduit un déterminisme excluant toute critique ou vision alternative. C’est la porte ouverte à la pensée unique et, surtout, à la justification morale d’une ingérence politique programmée.Quelle est la position officielle de la Russie sur la Syrie. Et comment mieux la comprendre ?
Officiellement, et conformément aux lois internationales sur la souveraineté des Etats, la Russie ne veut pas s’impliquer militairement dans un conflit interne pour éviter son exacerbation et aggraver le chaos. Et cela, d’autant plus qu’elle sort d’un lourd traumatisme.
Elle n’a pas oublié le « piège afghan » de 1979, tendu par Zbigniew Brzezinski, alors conseiller à la Sécurité du président Carter, pour l’enliser dans un conflit périphérique. La « leçon » afghane – comme plus tard, celle de 1999 en ex-Yougoslavie, avec le bombardement de l’OTAN – est profondément ancrée dans la mémoire stratégique russe. En outre, l’indépendance auto-proclamée du Kosovo, le 17 février 2008, a été ressentie par elle comme une véritable gifle diplomatique. Trop longtemps occultée, la Russie veut désormais s’affirmer sur la scène mondiale et, dans cette optique, elle veut faire de la question syrienne, une « preuve » de son retour comme grande puissance, respectée et écoutée. Pour Moscou, seule une solution négociée permettrait de sortir de l’impasse syrienne – conformément aux accords de Genève, du 30 juin 2012.
Moscou s’efforce donc d’adopter une attitude neutre et équilibrée, privilégiant une reprise du dialogue entre les parties prenantes à la crise, comme pierre angulaire de la future transition démocratique – qu’elle n’exclut pas sans Assad, si le peuple le décide (c’est d’ailleurs, aussi, la position du président syrien). Ce faisant, la Russie s’oppose ouvertement à la coalition arabo-occidentale qui exige, comme préalable incontournable, le départ d’Assad. Un non-sens, auto-destructeur pour la Syrie et donc, pour la région.
Cette configuration explique le veto russe – associé à celui de la Chine – aux résolutions successives du Conseil de sécurité de l’ONU, portées par les membres de cette coalition et structurellement favorables à l’opposition anti-Assad. Comme d’ailleurs, l’information médiatique quotidiennement diffusée par l’Organisation syrienne des droits de l’homme (OSDH) sur la crise syrienne, asymétrique et non contrôlée, donc potentiellement manipulable. Avec, en définitive, une désinformation choquante – la fin justifiant les moyens.
Or, l’extrême hétérogénéité et islamisation de cette coalition ne présage rien de bon sur la transition post-Assad.Vous parlez « d’enjeux cachés » dans le déroulement de la crise syrienne. Pouvez-vous expliquer ?
Aux traditionnels enjeux politiques de contrôle d’une zone névralgique, il y a la volonté de gagner la bataille de l’énergie, via le contrôle des sources et circuits énergétiques majeurs. Par ailleurs, à l’instar d’autres acteurs de la région, le Qatar aurait un projet gazier stratégique passant par le territoire syrien pour « rentabiliser » ses exportations énergétiques et garantir ses débouchés. Le potentiel gazier syrien, a priori considérablement sous-évalué, serait donc un objectif implicite de cette guerre qui ne dit pas son nom et qui est aussi, par ricochets, une guerre contre l’Iran.
Dans le même temps, il y a en effet le désir de toucher l’Iran en affaiblissant un de ses principaux alliés de la région et, par ce biais, fragiliser le nouvel axe du mal émergent Chine-Iran-Russie. Car la puissance économique et politique montante de cet axe eurasien est de plus en plus redoutée par le leadership américain, contraint à une reformulation de sa stratégie dans la région. Nouveau réalisme oblige.
Au final, « l’hyperpuissance américaine », pour reprendre l’expression de Hubert Védrine, doit aussi gérer son déclin économique, aujourd’hui rendu inéluctable par la pression concurrentielle accrue des « émergents ». Ce déclin est accéléré par un interventionnisme politico-militaire de moins en moins soutenable et économiquement épuisant – parfaitement anticipé par Paul Kennedy, en 1987, dans son fameux livre « The Rise and fall of the great powers ».
En conséquence, le redécoupage régional des cartes géopolitique et énergétique se présente comme l’enjeu clé de cette guerre sans nom.A vous suivre, il s’agit aussi d’une « guerre de l’information » ?
Oui, sans aucune ambiguïté. Pour mémoire, rappelons que lorsque G.W. Bush a lancé sa fameuse croisade en Irak en 2003, il a reconnu – et ce n’est pas par hasard – que la première guerre à gagner était celle de l’information. Les révolutions libérales (« colorées ») en zone post-soviétique à partir de 2003, et plus tard, les révolutions arabes depuis 2010, sont une stricte application de ce « principe bushien ».
Noam Chomsky démontre, dans ses œuvres, le rôle crucial des stratégies de désinformation dans les démocraties. Pour V. Poutine, l’information a un rôle politique, via l’activité décisive d’ONG à financement étranger dans la structuration et la manipulation de l’opinion publique. Il l’a personnellement vérifié lors des dernières campagnes législatives et présidentielles russes, avec Golos – ONG russe chargée du monitoring des élections, mais très liée aux dollars et donc, aux intérêts américains via National Endowment for Democracy (NED) et United States Agency for International Development (USAID). Pourrait-on imaginer un scénario inverse aux Etats-Unis ? Cela a conduit, fort justement, Vladimir Poutine à renforcer la législation russe contre ces nouveaux « agents d’influence », soutenus de l’étranger – et, dés lors, définis comme des agents politiques.
Dans les années 2000, dans le cadre des « révolutions de couleur », les ONG à financement américain ont eu un rôle clé dans l’arrivée au pouvoir des « libéraux » dans certaines républiques post-soviétiques, comme la Géorgie (2003), l’Ukraine (2004) et le Kirghizstan (2005). En 1989, lors de la révolution polonaise, elles ont aussi joué un rôle non négligeable – avec, encore, le soutien de NED. Troublante inertie.
En conséquence, Poutine définit l’information comme levier des nouvelles stratégies du soft power, moins coûteuses sur les plans politique et économique, mais terriblement efficaces dans le monde inter-connecté d’internet, fondé sur l’immédiateté communicationnelle. « L’hyper-information » mal contrôlée peut, en effet, alimenter des stratégies politiques de déstabilisation des pouvoirs en place. Une telle tentative a été observée au Kazakhstan en décembre 2011, contre le président pro-russe et ami de V. Poutine, Nazarbaïev. A la même époque, ce scénario s’est répété contre le candidat Poutine qualifié, lors des manifestations de rue successives, de nouveau « dictateur soviétique ». Les clichés ont, décidément, la vie (trop) longue.
Le discours de Poutine souligne le danger de futures révolutions portées par le soft power et la manipulation de l’information pour renverser des régimes hostiles, comme cela se passe au Moyen-Orient et bientôt, comme il le redoute, en périphérie post-soviétique. Poutine craint, en particulier, une extension du « Printemps arabe » dans les régions musulmanes de l’espace russe économiquement sous-développées, donc fragilisées et courtisées par les idéologies de l’Islam radical – ce qu’il dénonce comme la menace imminente d’un « hiver islamiste ».
Dans ce cadre, ne pas comprendre la réaction russe relève d’une ineptie intellectuelle.A la fin de votre livre, dans le post-scriptum, vous développez le concept de « Guerre tiède »…
En opposant à nouveau Russes et Américains, via des axes géopolitiques relativement hétérogènes mais structurés autour de la défense d’intérêts communs, cette guerre s’inscrit dans le prolongement d’une forme actualisée et désidéologisée de la guerre « froide ». Structurellement, il s’agit toujours d’une guerre d’influence, par alliés interposés – mais recentrée sur l’économique. C’est ce que j’appelle la guerre « tiède ».
Ainsi, la transition post-communiste du nouvel ordre international est caractérisée par une nouvelle forme de conflictualité bipolaire opposant, dans un terrible face-à-face, l’axe arabo-occidental (soutenu par la Turquie) et l’axe eurasien sino-russe (soutenu par l’Iran). En creux, c’est aussi la question d’un monde post-occidental plus démocratique qui se joue – selon le terme utilisé par Hélène Carrère d’Encausse dans son livre de 2011, « La Russie entre deux mondes ». Cette question est portée par le pouvoir économique et politique croissant des puissances émergentes du 21e siècle, contestant la traditionnelle domination du Nord. Ces puissances, principalement les BRICS, revendiquent leur place dans la nouvelle gouvernance mondiale et ses instances décideuses – ce qui, selon la phraséologie gorbatchévienne, passe par une « Perestroïka internationale ».
Fondamentalement, cette Guerre tiède est axée sur le contrôle des Etats stratégiques, en particulier les « pivots géopolitiques », pour reprendre la terminologie de Brzezinski. Ces Etats « pivots » fondent leur force moins sur leur puissance intrinsèque que sur leur capacité de nuisance et sur leur localisation au cœur d’espaces et de carrefours stratégiques. Zbigniew Brzezinski l’explique fort bien dans son ouvrage majeur, véritable bible de la politique étrangère américaine depuis 1997, « Le grand Echiquier ». De ce point de vue, l’Arabie saoudite peut être considérée, selon moi, comme le nouveau pivot géopolitique de la stratégie américaine sur l’Echiquier arabe.
Aujourd’hui, ce pivot régional est activé contre les intérêts russes au Moyen-Orient, pour poursuivre le reflux de l’ancienne puissance communiste. Par ce biais, Washington transforme la Syrie en pièce maîtresse de cette impitoyable partie d’échecs. Or, en s’appuyant sur le facteur religieux, elle provoque une inquiétante politisation de ce dernier – exprimée par la montée de l’Islam radical, comme vecteur identitaire et accélérateur des « révolutions ». Au final, la crise syrienne cache donc un enjeu géopolitique majeur, médiatisé par de puissants rapports de force.
Au coeur de la Guerre tiède, les coûts collatéraux humains et politiques sont déjà énormes et, sans doute, irréversibles – avec, en particulier, le renforcement de la fracture chiites/sunnites comme levier d’une terrible conflictualité inter-confessionnelle.
Les Révolutions arabes, et après ?« La Pensée stratégique russe. Guerre tiède sur l’échiquier eurasien. Les révolutions arabes et après ? » (Sigest, 2012 – 14,95 e). Préface de Jacques Sapir.
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Méridien Zéro - Europe contre Occident
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Venezuela : Caracas rapatrie la quasi-totalité de son or placé à l’étranger
(Article publié le 31 janvier 2012)
Le Venezuela a rapatrié son dernier convoi d’or déposé à l’étranger, un plan annoncé en août 2012 par le président Hugo Chavez qui souhaitait notamment protéger des réserves estimées à 9 milliards de dollars des turbulences financières en Europe et aux États-Unis.
C’est la dernière phase de ce plan qui s’est déroulé de la Banque centrale du Venezuela (BCV), Nelson Merentes, lors de la réception du convoi à l’aéroport international de Caracas, selon des images retransmises par la chaîne de télévision officielle VTV.
Le Venezuela maintenait 211,35 tonnes d’or principalement dans des banques européennes, d’une valeur totale de 11 milliards de dollars, dont il a rapatrié la majeure partie en 3 convois. Plus de 80% de ces stocks étaient déposés au Royaume uni, principalement dans les coffres de la Bank of England.
C’est un acte de prudence financière, et aussi de souveraineté de détenir l’or ici comme nous l’avions toujours fait, a déclaré M. Merentes, rappelant qu’une bonne partie de ces réserves avait été déposée à l’étranger entre 1986 et 1992.
Le reste des réserves d’or à l’étranger (environ 50 tonnes) permettra au pays de réaliser certaines opérations commerciales pour lesquelles elles sont nécessaires, a-t-il précisé.Le pays sud-américain occupe le 15e rang mondial des réserves d’or, avec plus de 365 tonnes, selon des chiffres officiels. Parmi elles, 154 sont déposées à la BCV.
A l’été 2011, le président vénézuélien a également affiché son intention de récupérer quelque 6,2 milliards de dollars – en liquide ou en bons échangeables – conservés dans des établissements bancaires suisse, britannique, français et américains ou de les transférer vers des institutions de pays amis (Chine, Russie, Brésil).
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L’habit fait le moine – par NB
Est-il normal, que, parce qu’il se produit de temps en temps, très rarement, exceptionnellement, le contraire de l’évidence, il faille systématiquement nier toute évidence ? Non, bien sûr ! Et pourtant… L’HABIT FAIT LE MOINE.Les banques, leurs valets: les gouvernements, les valets des gouvernements: les médias, les valets des médias: les intellectuels et les valets des intellectuels: les enseignants tentent actuellement par tous les moyens possibles et imaginables de mondialiser la planète, c'est-à-dire de « bouilli-ifier » le genre humain.L’arme suprême pour ce faire est évidemment le « L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine, L’habit ne fait pas le moine » répété des milliers et des milliers de fois et à longueur de journée, de semaines, de mois et d’années. Ce proverbe est comme tous les proverbes : il est très caricatural, outré, à la fois faux et vrai et en l’occurrence plus faux que vrai, car en fait, l’habit fait le moine… et heureusement, mon Dieu heureusement !Cette volonté violente, forcenée de briser, d’effacer tout repaire physique dans le genre humain donne franchement dans la déraison.L'apparence n'est pas trompeuse.Elle peut l'être, mais c’est rare, très rare… mais en général elle ne l’est pas. Il faut s’en méfier bien sûr parce que beaucoup trichent pour masquer ce qu’ils sont véritablement, c'est-à-dire leur véritable apparence.Une apparence « feinte » est quelque chose d’assez exceptionnel. Ce qui veut dire que la tromperie n’est pas la règle et que l’apparence d’une façon générale renseigne à la seconde sur la personne ou l’être que l’on a en face de soi.En fait et pour tous les êtres vivants, ce que l’on voit, on le voit, ce qui est inquiétant est inquiétant, ce qui est rassurant est rassurant, tout simplement, comme dirait monsieur de La Palice et quoi qu’en pensent nos divins PENSEURS.Ils m’irritent quelquefois au plus haut point jusqu’à me mettre en rage, hors de moi.Cette façon de se poser continuellement en maîtres du savoir-vivre-en-ce-bas-monde comme si nous étions tous très cons, ainsi que leur manie de poser un raisonnement super-hyper-méga-compliqué sur chaque chose et de ne jamais vouloir regarder la réalité en face est absolument insupportable, ainsi que de se poser en divins contradicteurs de Dame Nature qui comme chacun sait ne leur arrive pas à la cheville.Quels CONS !Mais enfin bon Dieu de bon Dieu, si Dame Nature, ou le grand architecte ou le bon Dieu, comme on veut, a doté tous les êtres vivants de cette faculté de préjuger d’un danger ou d’un non-danger ce n’est pas pour rien !Allez leur dire à ces crétins, allez leur dire qu’il suffit de regarder et de voir. Mais ils en sont bien incapables… ils PENSENT !Souriez à un bébé et il va vous sourire, froncez les sourcils et il va pleurer… c’est comme ça, c’est spontané, instinctif, ça ne s’explique pas… c’est un mystère !Pourquoi a-t-on envie de caresser une biche ou de prendre un moineau dans sa main ? Pourquoi ? Mystère !Pourquoi n’a-t-on pas du tout envie de caresser une araignée, un serpent ou un crocodile ? Mystère !Pourquoi un lion ou un aigle nous impressionne fortement alors qu’une hyène ou un vautour ne fait que nous répugner ?Sans même le savoir, à leur seule apparence, on comprend aussitôt que ces derniers sont des charognards.Je me souviens d’un jour, tout enfant, où j’avais accompagné mon grand-père à la pêche au bord de la Garonne. Tout à coup je le vois qui ferre, sort de l’eau une espèce de petite anguille d’une vingtaine de cm et se met à la décrocher en rouspétant du plus fort qu’il pouvait : « Tiens, regarde-moi ça petit, cette saloperie ! »Il la jeta sur le sol. L’anguille se contorsionnait encore passablement et je l’empêchais de rejoindre l’eau du bout de mon bâton. J’étais étonné qu’il ne l’assomme pas. « Non, pas la peine petit, elle va crever toute seule, c’est une lamproie ! »Une lamproie ? C’était la première fois que j’en voyais une. Elle finit par mourir, mais dans son cas je préfère cent fois employer le terme « crever ».Quelle horreur cet animal ! Après l’avoir prise plusieurs fois dans mes mains et l’avoir examinée sous toutes les coutures j’étais révulsé. Sa simple vision me répugnait jusqu’à avoir envie de vomir. Pourtant j’avais l’habitude des anguilles, mais j’avais compris instantanément que cet animal, par sa seule « apparence », avait quelque chose de « monstrueux ». Mon grand-père voyant mon dégoût se saisit de l’animal et me l’expliqua. L’animal, mou comme une chique avait plein de petits trous ronds sur le côté qui étaient ses ouïes. Il avait deux petits yeux globuleux et glauques… mais ce qui était horrible, véritablement très laid c’était sa bouche : une énorme bouche par rapport à sa masse, toute plate, toute ronde, entièrement dirigée vers le bas, entourée d’une énorme lèvre violacée, toujours ouverte, béante, et à l’intérieur une cavité rougeâtre munie d’une multitude de petites dents en cercle.« Tu vois petit » me dit mon grand-père « cette bouche-là c’est une énorme ventouse… avec ça la lamproie se plaque à un poisson qui ne peut plus s’en débarrasser et avec toutes ces petites dents elle lui ronge les écailles et la chair pour lui sucer le sang ».La bestiole était franchement laide, répugnante et j’avais deviné toutes les explications de mon grand-père avant même qu’il n’ouvre la bouche. Cette fausse anguille avait tout l’aspect d’un parasite. Son « apparence » ne m’avait pas trompé.Plus tard, alors que j’avais 17 ou 18 ans, j’avais été très intrigué par une petite guêpe noire qui tournait autour de moi et se posait ici et là de temps à autres. Elle était étonnamment arrogante par rapport à ses congénères jaunes et noires, arrogante et laide, étonnement laide. Quelque chose de franchement antipathique, d'écœurant même se dégageait d'elle… sans doute cet immense appendice aussi long que son corps et qu’elle balançait fièrement au bout de son abdomen. Moche, franchement moche… Je n’avais pourtant rien contre les abeilles et les guêpes…mais celle-là avait une « apparence » tout à fait répugnante.Je filais aussitôt vers l’encyclopédie Littré en 20 volumes de la maison et apprenais ce que j’avais déjà compris : c’était une guêpe parasite, très courante qui pondait le plus naturellement du monde ses œufs à l’intérieur d’autres insectes ou de chenilles vivantes. Ses larves se développent tranquillement dans l’insecte en le dévorant vif petit à petit de l’intérieur. Charmant, non !Comme quoi l’apparence ne trompe pas. Elle nous renseigne instantanément.Je m’en suis encore aperçu récemment ou du moins ces dernières années. Comme je ne suis pas de première jeunesse j’ai bien évidemment vu « partir » beaucoup de monde dans ma famille, dans ma belle-famille et chez mes amis.
Chacun avait son caractère et, en fait, chacun portait sur lui ce qu’il était : jovial, morose, généreux, radin, fourbe, sensible, dur, nerveux, placide, vicieux, fouineur, droit… on lisait sur leur visage à livre ouvert. Quand on est heureux ça se voit, quand on est triste aussi, quand on a envie de pleurer ou de frapper aussi, même quand on a une idée derrière la tête… ÇA SE VOIT !Je les connaissais bien de leur vivant, très bien. Par contre une fois morts, quelques heures après… impossible de les reconnaître. Le caractère profond qui sous-tendait jusque-là les muscles de leur visage n’opérait plus et il n’émanait plus rien d’eux. Ils étaient lisses, inexpressifs… on ne les reconnaissait plus.Mon propre père, ma propre mère, quelques heures après leur mort me paraissaient presque étrangers. Ils n’avaient plus l’ « apparence » de ce qu’ils étaient.Quand on a un doute, bien sûr, il faut se méfier, mais en général, dans l’immense majorité des cas on peut et on DOIT se fier à l’ « apparence ».Elle est faite pour ça. Elle explique tout.Si l'on ne pouvait absolument pas s’y fier la vie serait d’une absurdité totale, pratiquement invivable.On n’éviterait plus les coléreux ou les jaloux et les sadiques en crises, les fous, les fanatiques, les fêlés de la cafetière, ceux qui préparent un mauvais coup, on n’aurait plus envie de protéger les siens, les hommes ne seraient plus attirés par les femmes, les femmes par les hommes, on ne verrait plus arriver les coups d’où qu’ils soient. C’est d’ailleurs un peu ce qu’il se passe aujourd’hui avec cette interdiction imbécile et monstrueuse d’antipathie ou de sympathie appelée très emphatiquement, très hautainement et avec tant de mépris : « délit de sale gueule ».On n’a pas besoin d’être un mirifique, un sublimissime, un divin PENSEUR pour comprendre.
Bien au contraire. Sans penser tout devient lumineux, tout s’éclaire.La Hollande est plus « évoluée » que la France. Allez-y et regardez les gens… vous comprendrez aussitôt. Idem pour l’Allemagne, idem pour la Scandinavie qui est plus évoluée que l’Allemagne.Idem pour l’Espagne qui est moins évoluée que la France. Idem pour l’Italie du nord qui est plus évoluée que l’Italie du sud. Idem pour le Maghreb et l’Afrique noire qui n’arrivent pas à décoller du moyen-âge ou de la préhistoire malgré notre aide colossale et permanente… allez-y, allez dans tous ces pays et regardez les gens… vous comprendrez aussitôt.Un aigle a une tête d’aigle parce que c’est un aigle, un européen a une tête d’européen parce que c’est un européen, un vautour a une tête de vautour parce que c’est un vautour, un arabe a une tête d’arabe parce que c’est un arabe, un primate a une tête de primate parce que c’est un primate, un noir a une tête de noir parce que c’est un noir.Je viens juste de me remémorer une émission très docte, à la télé, sur les échecs scolaires, échecs malheureusement pléthoriques chez nous.On y comparait notre système d’enseignement à celui de la Finlande, exemplaire dans ce domaine.Il y avait là tout un aréopage de PENSEURS émérites, qui, chevauchant leurs plus beaux raisonnements, étincelants de formules, jetaient négligemment au passage pour le vil peuple que nous étions des bouquets de joliesses à peine vendangées dans les vignes du vocabulaire.Ils nous expliquaient que… vu les horaires, vu les programmes, vu le système, vu les locaux, vu les rythmes, vu les éducateurs, vu les salaires, vu l’Histoire, vu le climat, vu les politiques, vu les budgets, vu mon oncle, vu que s’il en avait ce serait ma tante, et blablabli, et blablabla… et rien absolument rien sur les enfants, alors que la caméra s’était pourtant longuement promenée, et plusieurs fois sur les visages des petits finlandais, adorables, fins, gentils, éveillés, vifs, intelligents… RIEN ! C’était tabou… les PENSEURS l’interdisaient. Il ne fallait surtout pas parler des enfants.Alors je me suis levé d’un coup et me suis mis à engueuler bruyamment la télé : « Bandes de crétins, de gros cons, d’incapables ! Ça marche en Finlande parce qu’en Finlande il y a des finlandais, un point c’est tout ! Essayez le même truc en France et vous n’arriverez à rien ! »Ça n’a pas fait avancer le smilblick mais bon Dieu de bon Dieu que ça m’a fait du bien !!!Hé oui, c’est tout simple : l’Afrique est l’Afrique parce qu’en Afrique il y a des africains, le Maghreb est le Maghreb parce qu’au Maghreb il y a des maghrébins, l’Europe est l’Europe parce qu’en Europe il y a des européens.Et ce monsieur Hollande qui n’a pas l’air du tout de s’inquiéter de l’avenir du pays. C’est effrayant ! Au fait, avez-vous bien observé notre président? De quoi a-t-il l’air ?... Ah, je ne vous le fais pas dire !… et il n’a pas que l’air, il a aussi la chanson. Comme quoi, encore une fois les apparences ne trompent pas ! -
Chavez disparaît…la communauté chrétienne syrienne aussi
Ayant comme seul modèle révolutionnaire disait-il, la figure du Christ, Hugo Chavez est décédé hier des suites d’un cancer. De François Hollande à Vladimir Poutine, les hommages rendus à la mémoire du président vénézuélien ont été nombreux. Nous le notions sur ce blog en octobre dernier, alors que le grand oriental socialo-trotskyste Mélenchon tressait des couronnes à Chavez, « à l’inverse des extrémistes du FG, Chavez, partisan de la suppression de la loi liberticide du communiste Gayssot, au-delà de ses tics marxistes, de ses fautes, de ses outrances et de ses travers, est un homme libre qui n’hésite pas à tenir tête à l’Empire , aux lobbies , aux multinationales . Imagine-t-on Chavez , qu’on l’aime ou pas, remarquait Bruno Gollnisch, déclarer comme Mélenchon que le Parti Socialiste, c’est la gauche , que les voix de la gauche (doivent se reporter) sur le candidat de gauche le mieux placé ? Imagine-t-on le président vénézuélien passer à la caisse en cautionnant comme Mélenchon le système de fausse alternance droite mondialiste-gauche bruxelloise qui maintient les peuples européens sous la domination de l’oligarchie? Imagine-t-on Chavez dire comme Mélenchon qu’il ne faut pas sortir de l’UE et de l’euro ? Imagine-t-on Chavez, chantre de la révolution bolivarienne, assimiler comme Mélenchon, le nationalisme au fascisme et faire de la lutte contre les nationaux son cheval de bataille ? ». Chavez condamnait fortement, comme chacun le sait, les ingérences du Nouvel ordre mondial et contrairement également au FG et autres partis du Systéme, les menées visant à déstabiliser le régime laïc en Syrie.
Une guerre effroyable qui dure depuis bientôt deux ans dans ce pays, qui a fait déjà plus de 70 000 morts, dans laquelle les extrémistes djihadistes prennent une part chaque jour plus importante par rapport aux combattants dits « modérés », soutenus officiellement par Washington et les chancelleries atlantistes en Europe. Ainsi les combattants de la brigade internationale islamiste du Front Al-Nosra, qui souhaitent imposer la charia en Syrie, ont conquis ces dernières heures pour la première fois une capitale provinciale, Raqa.
Certes, le président syrien Bachar el Assad affirmait encore le 3 mars son optimisme : « Nous sommes en passe de l’emporter face aux rebelles », mais le terrorisme à grande échelle a mis le pays à genoux. Selon un communiqué de l’Onu publié aujourd’hui le seuil du million de réfugiés syriens aurait été est atteint, auxquels s’ajoutent «des millions de déplacés à l’intérieur du pays, et des milliers de personnes traversant les frontières chaque jour. » « La Syrie est entrée dans la spirale d’une catastrophe absolue », a déclaré le Haut Commissaire aux réfugiés des Nations unies (HCR).
Rania Abdel-Rahman al-Mulaifi, porte-parole de la délégation koweitienne au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, s’est officiellement inquiété de ce que l’agriculture syrienne ait été détruite à 50%, ce qui risque de provoquer une catastrophe alimentaire. C’est aussi le Koweït qui a accueilli fin janvier la Conférence des donateurs pour la Syrie, regroupant une soixantaine de pays qui ont promis de verser plus de 1,5 milliard de dollars d’aide humanitaire au peuple syrien. Tout en spéculant et/ou agissant en faveur de la chute du régime actuel, alors que selon les Nations unies, plus de la moitié des hôpitaux et un quart des écoles ont été détruits par les rebelles et autres « combattants de la liberté » anti-Assad…
Dans ce contexte, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Loukachevitch, a réagi le 4 mars à l’embuscade qui en Irak a causé le mort de 48 militaires syriens. « Il est dommage que, comme nous avons prévenu, le conflit interne en Syrie commence à se propager à l’extérieur du pays en constituant une menace pour la sécurité des Etats voisins. Il est en outre très dangereux de voir des terroristes opérer de plus en plus librement dans l’espace transfrontalier » a-t-il déclaré.
Auparavant, M. Loukachevitch s’est inquiété également des décisions adoptées lors de la dernière réunion des « Amis de la Syrie » à Rome le 28 février, qui réunissait les pays soutenant les opposants au président Bachar el Assad. Il a été ainsi promis davantage d’aide politique et matérielle à l’opposition syrienne. Or, a affirmé le diplomate russe, « la communauté internationale est consciente du fait qu’il n’existe pas de solution militaire au conflit syrien. Et pourtant, à en juger par les informations que nous recevons, les décisions adoptées à Rome, ainsi que les déclarations qui y ont été faites, encouragent les extrémistes à s’emparer du pouvoir par la force, sans prendre en compte les souffrances du peuple syrien, inévitables dans un tel scénario. »
Témoin de cette hypocrisie ou au pire, de la naïveté confondante des occidentaux, le porte-parole du département d’Etat américain Patrick Ventrell, comme avant lui le secrétaire d’Etat américain John Kerry, qui à Rome a aussi promis 60 millions de dollars au profit de la « révolution » , a affirmé que si les Etats-Unis n’entendent pas livrer d’armes à l’opposition syrienne, les groupes de l’opposition considérés comme « modérés » pourraient les obtenir en provenance de pays tiers !
Cette capacité des rebelles qualifiés de « modérés » (sur quels critères objectifs ?) à l’emporter non seulement sur le parti Baas mais aussi au final sur les djihadistes n’est pas un scénario qui fait l’unanimité. Lundi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a averti que « la Syrie, théâtre d’une crise humanitaire d’envergure, pourrait devenir prochainement l’épicentre d’une crise stratégique aux proportions monumentales. La Syrie est un pays très pauvre, mais elle possède des armes chimiques, des systèmes de DCA et une série d’autres armements figurant parmi les plus meurtriers et les plus complexes au monde. Au fur et à mesure de l’effondrement du régime syrien, le risque que ces moyens tombent entre les mains des groupes terroristes devient très réel »
Bruno Gollnisch a averti depuis longtemps sur les conséquences très inquiétantes pour les chrétiens d’orient de la montée en puissance du fondamentalisme islamiste, des révolutions arabes plus ou moins instrumentalisées, et bien sûr de la déstabilisation des régimes laïcs, hier en Irak, aujourd’hui en Syrie. Minorités chrétiennes persécutées dans de nombreux pays, chacun connaît la situation subie par les coptes en Egypte par exemple.
Reprenant un dépêche de l’Assyrian International News Service, Daniel Hamiche sur le site de l’Observatoire de la christianophobie, indiquait que « forte de 2 millions d’âmes, la communauté chrétienne de Syrie, présente sur place depuis 2 000 ans, est victime de ce qu’un patriarche libanais a qualifié de grand exil qui se déroule en silence. Chaque semaine, des centaines de chrétiens syriens se réfugient au Liban voisin – le nombre total de Syriens réfugiés au Liban serait de plus de 920 000. Des villages entiers de chrétiens ont été vidés de leurs habitants, soit parce qu’ils en ont été chassés par les milices islamistes soit pour fuir leur arrivée annoncée. »
« Dans un texte daté du Carême 2013, Mgr Samir Nassar, archevêque maronite de Damas, indique qu’à Alep « la première ville chrétienne de Syrie a perdu plus de 65 % de ses fidèles », qu’ « Homs, la troisième ville de Syrie, a vu toutes ses paroisses du centre et des banlieues dévastées », qu’à « Damas, champ de combats, les paroisses de la couronne urbaine ont fermé leurs portes. Une cathédrale a moitié vide a accueilli le nouveau patriarche grec orthodoxe. À noter que les grecs orthodoxes qui forment 60% des chrétiens de Syrie, sont les plus touchés des Églises. Sans oublier les malheurs des autres régions martyres. »
Oui, Chavez avait bien raison de douter des bienfaits des manœuvres des docteurs Folamour du Nouvel ordre mondial, notamment lorsque l’on voit les résultats de leurs agissements sur le sort des plus vieilles communautés chrétiennes de la planète.