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insécurité - Page 1011

  • L’accès aux armes diminue la criminalité !

    Tuerie de Newtown. Après l’émotion, le débat. Après les larmes d’Obama, une loi interdisant la vente de certaines armes aux USA ? Mais quid du deuxième amendement qui prévoit le droit du peuple à se défendre ? En France, beaucoup ont du mal à comprendre l’attachement du citoyen américain à ses armes (comme à la peine de mort d’ailleurs). La National Rifle Association et ses 4,2 millions de membres seraient des barbares. Et Clint Eastwood, quasiment un facho. Pourtant, après chaque tuerie, les Américains sont davantage à se ruer dans les armureries qu’à réclamer un contrôle plus strict. Extraits du livre de notre contributeur Paul Lycurgues, « Aux armes citoyens ! Plaidoyer pour l’autodéfense » (éditions Mordicus). Seconde et dernière partie.

    […] Les auteurs américains, qui s’intéressent depuis longtemps à la question du rapport entre crime et armes à feu, n’ont jamais pu démontrer de corrélation positive entre les deux. Il y aurait au contraire, pour certains, une corrélation négative ; l’accès aux armes ferait ainsi diminuer la criminalité !

    L’étude la plus complète à ce jour sur le lien entre les taux de criminalité et de possession d’armes à feu aux États-Unis a été réalisée par un économiste de renom, le Dr. John Lott. Le travail de Lott 1 est remarquable pour plusieurs raisons. D’abord, il a résisté à un féroce débat contradictoire depuis sa publication : de l’aveu même de certains de ses contradicteurs, sa méthodologie (trop complexe pour être détaillée ici) est scrupuleuse, et ses résultats sont généralement considérés comme solides. Ensuite, parce qu’il met en évidence une nette diminution de plusieurs catégories de crimes immédiatement après le vote, dans certains États, de législations autorisant le port d’arme dissimulée. L’effet dissuasif semble être la principale raison de ce phénomène : moins que la perspective d’une interpellation, c’est la possibilité que leurs victimes soient armées qui semble principalement décourager les criminels 2.

    En effet, même le plus irréfléchi des délinquants effectue, plus ou moins consciemment, un calcul coût / bénéfice avant d’entreprendre une activité illicite. Plus le bénéfice escompté est important (produit du vol ou du trafic) et le coût potentiel bas (le risque d’une courte peine de prison, probablement non exécutable du fait de la surpopulation carcérale actuelle), plus son intérêt à opérer croît. En augmentant le coût potentiel des activités criminelles, on réduit aussi mécaniquement l’intérêt à violer la loi. C’est exactement le même principe qui a empêché jusqu’ici l’éclatement d’un troisième conflit mondial après l’entrée dans l’ère atomique : le coût potentiel d’un conflit est devenu si élevé que toute grande guerre d’agression entre puissances nucléaires est devenue impossible.

    Ainsi, une évidence saute aux yeux : les armes ne « créent » pas de crime. Les pays dans lesquels circulent le plus d’armes à feu ne présentent pas de taux de criminalité particulièrement élevés. Plus ennuyeux pour nous autres, Français : le contrôle strict des armes à feu ne réduit pas la criminalité, pas plus qu’il n’empêche les criminels et psychopathes violents de se procurer les armes nécessaires à leurs forfaits. Le cas de Richard Durn qui, au conseil municipal de Nanterre, avait massacré 8 personnes et en avait blessé 19 autres, nous a tragiquement rappelé cette évidence. Les banlieues françaises les plus « chaudes », selon le criminologue Xavier Raufer, « grouillent d’armes lourdes » 3 ; de l’aveu même de la police, le niveau de violence des braquages s’est considérablement accru depuis 10 ans. En somme, si l’on peut donc reconnaître un effet aux législations sur les armes, c’est bien d’avoir réservé de facto le monopole des armes à la police et aux criminels. Les honnêtes gens, eux, sont plus désarmés que jamais, alors même que la police n’a jamais été aussi peu capable de les protéger.

    1.Lott, John Jr, « More Guns, Less Crime: Understanding Crime and Gun Control Laws » – University of Chicago Press. ↩
    2.Une conclusion que tirent également Rossi et Wright dans leur magistral « Armed and Considered Dangerous : A Survey of Felons and Their Firearms » (Aldine Transaction, 1986). De l’aveu même de milliers de criminels interrogés par les auteurs, une victime potentiellement armée est le principal facteur dissuasif dont les criminels admettent tenir compte. ↩
    3.Interview, La Libre Belgique, 2001. ↩

    Paul Lycurgues, dans Boulevard Voltaire

    http://fr.altermedia.info

  • Ces banques au-dessus des lois

    Dans le récent scandale impliquant les activités criminelles des grandes banques, le Département de la Justice américain a annoncé mardi 11 décembre avoir conclu un arrangement s’élevant à 1,9 milliards de dollars (1,5 milliards d’euros) avec la banque HSBC basée en Grande-Bretagne et accusée de blanchiment d’argent sale à une vaste échelle pour les cartels de la drogue mexicains et colombiens.

    L’accord a été spécialement conçu pour éviter des poursuites criminelles soit à la banque, la plus grande d’Europe et la troisième du monde, soit à ses hauts dirigeants. Alors même que la banque a reconnu avoir blanchi des milliards de dollars pour les barons de la drogue, ainsi que d’avoir violé les sanctions financières américaines imposées à l’Iran, à la Libye, à Burma et à Cuba, le gouvernement Obama a empêché une condamnation au moyen d’un « accord de poursuite différée. »

    L’accord s’inscrit dans la politique du gouvernement américain de protéger les banquiers au sommet de la hiérarchie de toute responsabilité pour des activités illégales qui ont entraîné l’effondrement du système financier en 2008 et introduit une récession mondiale. Pas un seul directeur de grande banque n’a été poursuivi et encore moins emprisonné pour les activités frauduleuses qui ont provoqué la crise actuelle et résulté dans la destruction de millions d’emplois et la destruction des conditions de vie de la classe ouvrière aux Etats-Unis et de par le monde.

    Grâce à la protection de l’Etat, la frénésie spéculative et l’escroquerie se poursuivent de manière inchangée, garantissant des profits record aux banques et des rémunérations toujours plus grandes, à sept chiffres, pour les banquiers.

    Dans un article paru à la Une, le New York Times donne un aperçu des discussions internes au gouvernement Obama et qui ont entraîné la décision de ne pas porter d’accusations contre HSBC. Le Times a rapporté que les procureurs du Département de la Justice et les services du procureur de district de New York ont recommandé un compromis par lequel la banque serait poursuivie non pas pour le blanchiment d’argent mais pour des accusations moins graves de violation du secret bancaire.

    Et, même ceci, semble être excessif pour le gouvernement Obama. Le Département du Trésor, dirigé par l’ancien président de la Réserve fédérale de New York, Timothy Geithner, et le Bureau du contrôleur de la monnaie (Office of the Comptroller of the Currency), agence fédérale de régulation chargée du contrôle des grandes banques dont HSBC, ont bloqué toute poursuite au motif qu’un coup juridique sérieux porté contre HSBC pourrait mettre en danger le système financier.

    Qu’est-ce que cela signifie? HSBC, dans sa course au profit, a facilité les agissements des cartels de la drogue qui sont dans le collimateur de la soi-disant « guerre contre la drogue » – une guerre qui est menée par l’armée mexicaine au nom et avec la collaboration de Washington – et au cours de laquelle plus de 60.000 personnes sont mortes. A cela s’ajoute la souffrance humaine causée par le trafic des stupéfiants aux Etats-Unis et à travers le monde.

    La banque a été autorisée à payer une amende symbolique – moins de 10 pour cent de ses profits réalisés en 2011 et représentant une fraction de l’argent qu’elle a fait en blanchissant le prix du sang des patrons de la drogue. Entre-temps, les petits revendeurs de drogue et les usagers qui font souvent partie des sections les plus appauvries et opprimées de la population, sont régulièrement arrêtés et enfermés durant des années dans les prisons-goulag américaines.

    Les parasites financiers qui continuent à faire tourner le trafic mondial de la drogue et qui se taillent la part du lion de l’argent fait par la dévastation sociale qu’ils causent sont au-dessus de la loi. Comme le dit le Times, « certaines institutions financières, devenues tellement grandes et tellement interconnectées, sont trop importantes pour être inculpées. »

    Ici l’on a, en bref, le principe aristocratique des temps modernes qui prévaut derrière les atours misérables de la « démocratie». Les requins voleurs de la finance établissent de nos jours leur propre loi. Ils peuvent voler, piller, et même commettre des meurtres à volonté sans craindre d’avoir à rendre des comptes. Ils consacrent une partie de leur richesse fabuleuse à soudoyer des politiciens, des régulateurs bancaires, des juges et des policiers – du sommet du pouvoir à Washington jusqu’en bas au poste de police local – pour s’assurer que leur fortune est protégée et qu’ils sont soustraits à toute forme de poursuites criminelles.

    Le rôle des soi-disant « régulateurs » tels la Réserve fédérale, la Commission de sécurisation des échanges bancaires (Securities and Exchange Commission, SEC) et le Bureau du contrôleur de la monnaie est d’intervenir en faveur des banquiers. Ils sont parfaitement conscients des crimes qui sont commis au quotidien mais ferment en fait les yeux parce que la criminalité est intrinsèque aux opérations de Wall Street et aux profits qu’ils engrangent.

    Il existe des preuves que HSBC et d’autres grandes banques ont intensifié leur blanchiment d’argent pour les cartels de la drogue et autres organisations criminelles en réaction à la crise financière qui avait réellement commencé à apparaître en 2007 pour exploser en septembre 2008 avec l’effondrement de Lehman Brothers.

    Après un accord « de poursuite différée » identique conclu avec la Wachovia Bank en 2010 pour ses activités de blanchiment d’argent de la drogue, Antonio Maria Costa, qui présidait alors l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, avait dit que le flux d’argent du syndicat du crime avait représenté l’unique « capital d’investissement liquide » disponible aux banques au plus fort de la crise. « Des prêts interbancaires ont été financés par de l’argent venant du commerce de la drogue, » avait-il dit.

    Il est indubitable que les régulateurs américains et les dirigeants politiques ont donné leur accord tacite à ces opérations dans le cadre de leur précipitation à mettre Wall Street à l’abri des conséquences de ses propres orgies spéculatives.

    Les relations incestueuses entre les régulateurs bancaires et les banques prennent toutes leur ampleur dans le cas d’un autre récent scandale. La semaine dernière, Deutsche Bank a été cité par trois anciens employés dans une plainte déposée auprès de la SEC et allégeant que la banque avait frauduleusement dissimulé 12 milliards de dollars de pertes survenues entre 2007 et 2009.

    Le Financial Times a fait remarquer en passant que Robert Khuzami, responsable des services d’application des règles au sein de la SEC, s’est récusé de l’enquête parce qu’avant d’occuper son poste à l’agence fédérale, il avait été de 2004 à 2009 le conseiller général de Deutsche Bank pour l’Amérique. En d’autres termes, il était chargé de défendre juridiquement la banque au moment même où, selon les dénonciateurs d’abus, elle était impliquée dans des fraudes comptables.

    C’était aussi l’époque où Deutsche Bank et d’autres grandes banques gagnaient des milliards en empoisonnant le système financier mondial avec des titres adossés à des créances hypothécaires toxiques. L’année dernière, la Sous-commission d’enquête permanente du sénat (Senate Permanent Subcommittee on Investigations) a consacré aux activités frauduleuses de Deutsche Bank 45 pages d’un volumineux rapport sur le krach financier.

    Le rapport a constaté que l’opérateur de renom au sein de la banque pour les CDO (obligations adossées à des actifs, collateralized debt obligations) avait qualifié les valeurs que vendait la banque de « déchets » et de « cochonneries » en désignant le système bancaire des opérations de CDO de « chaîne de Ponzi. »

    Qu’un tel personnage soit chargé du contrôle des banques n’a rien d’étonnant. En fait, l’homme qui a recommandé que le gouvernement Obama attribue le poste à Khuzami, Richard Walker, actuel conseil principal de Deutsche Bank, avait lui-même été un ancien chef des services d’application des règles au sein de la SEC.

    En juin dernier, lorsque le directeur général de JP Morgan Chase, Jamie Dimon, avait témoigné devant le Sénat sur les pertes non déclarées d’au moins 5 milliards de dollars, il y avait, assis derrière lui, Stephen Cutler, le conseil principal de la banque, qui avait obtenu ce poste après avoir été le responsable d’application des règles au sein de la SEC.

    Ces écuries d’Augias du crimes et de la corruption qui impliquent toutes les institutions officielles du capitalisme américain ne peuvent pas être réformées. La mainmise de l’aristocratie financière sur la vie économique ne peut être brisée que par la mobilisation de masse de la classe ouvrière afin d’exproprier les banquiers et de placer les grandes banques et institutions financières dans le giron public et sous contrôle démocratique.

    Mediabenews http://fortune.fdesouche.com/

  • Bagdad aujourd'hui (arch 2011)

    Depuis les élections législatives de mars 2010, aucune majorité claire ne s'était imposée. L'Irak s'enlisait dans une impasse politique, paralysé par le jeu des coalitions. Le 21 décembre 2010, un nouveau gouvernement a enfin été formé ; il est dirigé par l'ancien premier-ministre chiite Nuri al-Maliki. À présent, sans trop y croire, le peuple irakien voudrait échapper aux affres d'une guerre civile.
    CHAQUE OCCIDENTAL A UN PRIX
    La nécessité de donner un mot de passe pour entrer dans un hôtel irrite les étrangers qui séjournent à Bagdad. « Toutes ces précautions sont prises pour éviter d'éventuelles agressions ou des enlèvements ». L'homme qui dit cela porte l'invraisemblable nom de Tex Dallas. Il est un ancien membre des unités spéciales des forces britanniques (SAS) et dirige un hôtel qui héberge des journalistes. Le ministre irakien du Tourisme rapporte qu'en 2009, soixante-treize étrangers se sont rendus dans la capitale irakienne. Ce chiffre ne prend pas en compte les pèlerins iraniens visitant les tombeaux chiites du sud du pays. L'année précédente, le ministère avait délivré sept visas de tourisme. T. Dallas expose que « c'est mieux de ne pas rester longtemps à Bagdad.  Selon les agents de sécurité, chaque Occidental porte une étiquette à six chiffres au-dessus de sa tête ».
    Il y a quatre mois, les forces de coalition conduites par les États-Unis ont officiellement mis fin aux combats, et Maliki s'est constitué une majorité avec l'aide des Kurdes et du terroriste Moqtada al-Sadr. Le 5 janvier 2011, après un exil volontaire de trois ans en Iran, le prédicateur chiite est retourné en Irak, où une foule de trois mille personnes l'a acclamé. Aux dernières élections, son parti Sadrist Trend remporta quarante sièges. Sur quarante-deux ministres que compte l'actuel gouvernement, seulement vingt-neuf sont assermentés. Les Sunnites ont voté en grande partie pour la liste d'Iyad Allaoui, chef du gouvernement par intérim de 2004 à 2005. Avec près de 25 % aux élections législatives de mars 2010, sa formation politique, le Mouvement national irakien, est la plus importante. Le long blocage du parlement a ruiné tout essor politique. Car pendant 289 jours, l'Irak était régi par une bande de marionnettes et de parvenus assoiffés de pouvoir.
    "LES POLITICIENS INFECTENT DE LEURS VIRUS LA JEUNESSE"
    Le premier Reality-Show diffusé après le retrait des Américains « Put him to Camp Bucca » (Mets-le à Camp Bucca) est produit à Bagdad. Camp Bucca était, en Irak, une des prisons américaines les plus dures. Elle a dû fermer en 2009, après plusieurs scandales. Cette émission est une sorte de caméra cachée faisant croire à des scénarios de faux attentats. Le producteur, Nadchim al-Rubai, explique : « Nous voulons que les téléspectateurs rient d'Al-Qaïda ». Ce programme est un des plus populaires. Rubai hait les Américains : « Les occupants ont détruit Bagdad et offert le pays à l'Iran. Ils ont aussi volé nos trésors culturels, fait un million de martyrs et donné le pouvoir à des politiciens incompétents ». Rubai anime une autre émission, « Au cœur de Bagdad ». Il conduit une voiture émettrice sur les places de la ville et interroge ses compatriotes. Un homme en larmes raconte que son fils a été condamné à quinze ans de prison parce qu'il avait volé de la nourriture ; et que, faute d'argent, il n'a pu corrompre la police. « La réalisation de cette émission est dangereuse. Mais nous voulons montrer que les Irakiens rêvent d'une vraie vie. Nous en avons ras le bol des sectes. Nous sommes une nation et les politiciens infectent de leurs virus la jeunesse et les personnes faibles ».
    Des carcasses de voitures calcinées bloquent les rues. Tous les cinquante mètres, des sentinelles années montent la garde derrière des abris de fortune. Dans le quartier "huppé" d'Al-Mansur (du nom du calife abbasside qui fonda Bagdad au VIIIe siècle), les décombres d'une bombe ont été amassés. Seuls les alentours du magasin d'automobiles Dodge-Jeep-Chrysler ont été nettoyés. Dans les quartiers chrétiens, l'exode continue. Sur les trottoirs s'empilent des cartons, des réfrigérateurs, des ventilateurs, des téléviseurs et des chauffe-eau. Et parce que la ville ne peut satisfaire le besoin croissant en électricité, les générateurs privés abondent. Les exploitants de ces installations bruyantes sont devenus riches. Des boîtes à fusibles sont reliées à de nombreux câbles passant par des fenêtres ou attachés à des palmiers.
    DES MERCENAIRES ETRANGERS ASSURENT LA SÉCURITÉ
    Par peur des bombes, les voitures ne sont jamais laissées sans surveillance : Al-Qaïda peut y dissimuler des charges qui explosent par un procédé télécommandé ou à l'aide d'un téléphone portable quand le véhicule franchit un point de contrôle. Cette méthode permet de faire l'économie d'un kamikaze. Le danger est devenu plus sournois. Il est désormais habituel d'envoyer des SMS à la maison pour savoir si tout va bien. La capitale babylonienne est cloisonnée par des murs de cinq mètres de haut servant de protection contre les explosions. Chaque quartier est devenu une fortification. Des mercenaires provenant d'Amérique latine ou du Caucase sont embauchés dans les casernes, les ministères, les bâtiments de l'administration publique. Ils accompagnent les visiteurs en les faisant passer par des sas de sécurité et des systèmes de détection sophistiqués. Le général de la police Faisal Malik Muhsin s'attache les services de ces hommes car les attentats-suicides sont organisés par des rebelles issus du monde arabe. Dans la circonscription de Rachid, ouest de Bagdad, il a trouvé un atelier préparant des voitures pour les attentats. Il avoue avoir de grandes difficultés à différencier les rebelles des terroristes, car « d'anciens officiers des services secrets du parti Baath peuvent être des criminels de premier plan ». Al-Qaïda se finance en grande partie par le racket, bien que depuis le départ des Américains les revenus aient encore régressé. L'été dernier, une banque a été attaquée par un commando de la mouvance Al-Qaïda. Chaque client a été exécuté. Le général Muhsin confie : « Nous avons suffisamment d'armes et d'hommes. Nous avons seulement besoin de compétence. Dans ce domaine, les Américains continuent de nous aider ». Un des instruments les plus remarquables de lutte contre le terrorisme est l'ADE 651. L'Advanced Détection Equipment ressemble à un pistolet équipé d'une antenne radio amovible. Les vigiles des points de contrôle en sont équipés pour détecter les véhicules piégés. D'après le constructeur, ce dispositif fonctionnant par électromagnétisme peut déceler de la drogue et des charges explosives à distance. Le ministère de l'Intérieur irakien a passé commande d'un millier d'ADE 651 pour 85 millions de dollars.
    Malgré la terreur, la jeunesse se retrouve dans des cafés ou au zoo. Les adolescents essayent de ressembler à des footballeurs espagnols et arborent fièrement des T-shirts noirs et étroits avec la photographie de Murat Alan. Cette célébrité du petit écran turc défend son pays contre la suprématie américaine. Dans les rues, les forces de sécurité sont omniprésentes. Elles ont de nouveaux uniformes et de puissants Pick-ups de marque Ford. En plus du labyrinthe constitué par les murs de protection, les Américains ont laissé dans les casernes des Humvees (véhicule tout-terrain), des hélicoptères abîmés ainsi que des baby-foot. Sur les points de contrôle, les vigiles imitent leurs formateurs. Ils posent avec la même nonchalance, mâchent du chewing-gum et portent un banda sur la tête à la manière des pirates avec des lunettes de soleil. « Les gardes semblent mieux qu'avant. Mais je ne leur fais pas confiance », rapporte Nabil al-Dschiburi, gardien du zoo de Bagdad qui a la lourde tâche d'empêcher les visiteurs de tracasser le lion Bachar. Ce fauve appartenait à Oudaï, le fils de Saddam Hussein tué en 2003 à l'âge de 39 ans par l'armée américaine. Dschiburi fait partie des rares personnes à regretter le départ des Américains. Il est persuadé que l'Irak va s'enfoncer dans une guerre civile.
    LE CHEIKH ET LES FILS DE L'IRAK
    Sur l'avenue Aboû Nouwâs, au bord du Tigre, les hôtels Palestine et Al-Mansur détruits par les bombardements, seront remis en état. L'ancien gouvernement a prévu 300 millions de dollars pour rénover les hôtels cinq étoiles. En mars 2011, la Ligue arabe se réunira à Bagdad. Quelques discothèques ont aussi été ouvertes ; « pour chasser le mal de tête », comme le dit en souriant Chalid al-Basri, propriétaire de la plus grande boîte, Al-Wafri. Bien qu'il ait soudoyé l'État, la police peut à tout moment faire fermer son affaire. Il déplore le chaos que le départ de l'US Army a engendré. De nombreux Irakiens ont collaboré avec l'occupant et font à présent l'objet de règlements de compte. Le cheikh, qui doit en partie son succès au général américain David Petraeus (qui avait mené l'offensive sur Bagdad en 2003), habite une villa aux allures de forteresse. Elle est située à proximité de la « zone verte », l'enclave la plus sécurisée de la capitale. Ali Hatim était le meneur des Fils de l'Irak, une milice recensant cent mille hommes qui en 2006 s'engagèrent dans l'armée irakienne et combattirent Al-Qaïda avec succès aux côtés des Américaines. « Nous avons réduit Al-Qaïda en morceau et avons exécuté chacun des prisonniers. A part nous, personne n'a fait cela », souligne le cheikh, « Al-Qaïda promettait à notre jeunesse un combat honorable. Mais c'était un combat contre notre tradition. Ils cherchaient à diviser les clans ». C'est pourquoi, les cheikhs sunnites ont changé de camp. « J'ai discuté une heure avec Obama, peu avant les élections [mars 2010] à Bagdad. Je lui ai suggéré de dialoguer tout d'abord avec les chefs religieux, ensuite avec les politiciens et avec les chefs de clan », relate Ali Hatim, dont la devise était : « Les Américains sont un autobus dont il m'est égal de connaître la vitesse. Le principal est qu'il avance et que je puisse y prendre place ». Mais pour l'heure, le bus a continué son trajet et le cheikh ainsi que les Fils de l'Irak sont restés sur place.
    Seulement une partie des Fils de l'Irak, soit quarante mille personnes, ont été incorporées dans l'armée régulière, et neuf mille occupent un emploi sur les points de contrôle. D'après le New York Times, les États-Unis pensent que des centaines d'anciens membres des Fils de l'Irak se sont laissés acheter par Al-Qaïda et alimentent la rébellion en divulguant des informations sensibles. « Je ne comprends pas la politique des États-Unis », affirme le cheikh. « Les généraux nous ont soutenus. Mais à Washington les politiciens nous ont vendus. Nous sommes exposés aux bandes iraniennes. Nous avons lâché un gangster [Saddam Hussein] et nous en avons accueilli des milliers d'autres. Les Américains ont détruit l'Irak pour l'offrir à l'Iran ». Pour les Fils de l'Irak, il ne voit non plus aucun avenir.
    L'IMPLANTATION DE LA TURQUIE
    Les Irakiens n'attendent plus rien de la politique. Safia Talib al-Suhail, qui appartient à la grande lignée des Tamim, organise des réunions avec des écrivains autour de lectures de poèmes. Elle est aussi une politicienne figurant sur la liste du Premier ministre Maliki. En 2005, George W. Bush avait même invité Suhail à Washington lors de son discours du « State of the Union ». Le président des États-Unis rend traditionnellement compte de la situation du pays à la nation à cette occasion. Les députés du congrès l'applaudirent et la soutinrent comme exemple du changement de régime. Aujourd'hui, elle déclare : « Je ne peux pas expliquer ce qu'il se passe avec les politiciens. Nous avons passé une longue période durant laquelle le pays ne fut pas gouverné. C'est une véritable honte ». Son cousin a été tué devant chez lui par des criminels n'ayant laissé aucun message, et son père est mort en exil, certainement assassiné par les services secrets de Saddam Hussein. La formation du nouveau parlement s'est fait attendre comme un spectacle politique grotesque car « l'Irak est écartelé entre les pressions de l'Iran, mais aussi de l'Arabie Saoudite et de l'ambassade américaine », commente-t-elle. La Turquie a également rejoint ce tiercé des nouvelles puissances entendant peser sur l'économie et la politique irakienne. « Des villes du nord en essor jusqu'aux champs pétrolifères du sud-ouest de Basra [la seconde ville], la Turquie assure une renaissance depuis la période de l'empire ottoman. Elle aspire maintenant à accroître son influence dans un Irak en pleine turbulence dans une démonstration de pouvoir qui illustre son poids grandissant à travers un monde arabe suspicieux », observe l'International Herald Tribune (1). La démocratie irakienne est donc bien devenue une bonne affaire pour tout le monde, sauf pour son peuple.
    L. B. Rivarol du 28 janvier 2011
    International Herald Tribune du 6/1/11 dans Iraqi cleric makes bold return from exile in Iran (Le clerc irakien fait un retour audacieux de son exil en Iran).
    International Herald Tribune du 5/1/11 dans Turkey's soft power opens doors in Iraq (Le pouvoir souple de la Turquie s'ouvre des portes en Irak).

  • La Syrie, la Russie et la France

    La Syrie, la Russie et la France"La Russie, qui est le principal obstacle pour une intervention efficace afin d'arrêter les combats et les meurtres, est en train de perdre".

    Ces propos absolument stupéfiants sont ceux tenus par Bernard Kouchner, l’ancien ministre des Affaires Etrangères françaises, dans une interview sur Europe 1 le 13 décembre dernier. Celui-ci rajoutera dans l’interview qu’il aurait: "préféré une intervention militaire" et que "les français sont avec les anglais le moteur politique pour le départ du dictateur Assad".

    Cette déclaration intervient alors qu’une fois de plus le mainstream médiatique a complètement occulté la réalité pour tenter de faire porter à la Russie une responsabilité qui n’est pas la sienne. Les grands médias se sont en effet jetés sur une annonce qui n’en était pas une pour affirmer que la Russie "lâchait Bashar", "abandonnait Bashar", "envisageait la défaite de Bashar", "perdait confiance", "envisageait une victoire de l’opposition" quand elle ne faisait pas simplement "marche arrière". Les médias se basaient sur une déclaration faite par le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov aurait reconnu la "possibilité d'une victoire de l'opposition syrienne". Malheureusement la seconde partie de la phrase a été oubliée (volontairement sans doute) par les correspondants du mainstream médiatique et cette seconde partie était: "… Si elle est soutenue de l’extérieur", ce qui on en conviendra change le sens de la phrase.

    Ce n’est pas la première fois que la Russie est prise à partie dans cette guerre médiatique contre la Syrie et c’est la seconde fois que Michael Bogdanov est pris à partie par des medias. En aout dernier, un journal Algérien avait en effet affirmé que celui-ci émettait des doutes sur l’avenir du président Assad, ce qui avait été démenti de la même façon: le vice ministre n’avait donné aucune interview. Un mois plus tôt, c’est l’ambassadeur de Russie en France Alexandre Orlov qui s’était vu attribuer une phrase totalement sortie de son contexte et qui avait été démentie tant par le ministère syrien de l’information que par l’ambassadeur lui même.

    Il n’a pas fallu 24 heures pour que le Ministère des affaires étrangères russe clarifie la situation et rappelle de nouveau les journalistes à la réalité et aux faits: "nous voudrions noter que monsieur Bogdanov n'a fait dernièrement aucune déclaration officielle ni donné d'interviews spéciales aux journalistes". Pas de chance donc pour les journalistes français, qui se sont une énième fois totalement trompés : la Russie ne compte pas infléchir sa position sur la Syrie. La position de la Russie reste ferme en plus elle vient de recevoir le soutien du Brésil, qui consolide un regroupement diplomatique Russie/Chine (BRIC) opposé a une intervention militaire, et qui cette fois ne devrait vraisemblablement pas laisser se répéter le scenario Libyen.

    Il est difficile d’imaginer les futurs développements en Syrie. La pression sur le régime Syrien n’a jamais été aussi forte, pendant que le front intérieur s’est inexorablement déplacé vers le centre politique du pays, tout en tournant de plus en plus à l’affrontement anarchique entre communautés. Pourtant, si la montée en puissance des groupes Islamistes radicaux et des mercenaires Djihadistes étrangers est évidente au sein de l’opposition, le recours croissant au terrorisme prouve sans nul doute leur impuissance face à l'armée syrienne qui a remporté tous les affrontements urbains d’Alep à Damas.

    On peut quand même se demander ce qui pourrait se passer si ces affiliés d’Al-Qaïda venaient à bénéficier d’un affaiblissement majeur, voire total du pouvoir Syrien, et à s’emparer de sites chimiques ou d’une quantité d’armes importantes, que l’on pourrait retrouver impliquées dans des actes terroristes contre des pays européens. Les images des islamistes du Front Al Nosra en train de faire des tests chimiques sur des animaux après la prise d’un centre de recherche (serait ce celui de la base Souleimane?) devrait faire réfléchir les commentateurs, analyses et décideurs occidentaux. Que dire de cette interview de leur commandant qui présente ses recrues étrangères et dit être prêt au Djihad contre les pays de l’Ouest y compris et l’Amérique ?

    De nombreux radicaux islamistes qui combattent en Syrie (et ont capturé la journaliste Ukrainienne Anhar Kotchneva qu’ils menacent d’exécuter) viennent en outre officiellement d’appeler à "ce qu’aucun citoyen russe, Ukrainien ou Iranien ne sorte vivant de Syrie" et à des attaques contre les ambassades de l’Ukraine et la Russie. Une déclaration de guerre contre la Russie qui fait suite aux récents appels hostiles de leaders Islamistes radicaux contre la Russie, qui vont dans le sens des discours prononcés par les tenants de cet Islam radical en Turquie, lors de la visite de Vladimir Poutine le mois dernier, ou encore de ceux des nombreux islamistes étrangers qui combattent en Syrie.

    Dans ce contexte on peut se demander si les propos de Bernard Kouchner ont une quelconque utilité. Pour l’instant l’Armée Syrienne empêche la situation de virer à un chaos dont on peut se demander ce qu’il pourrait amener dans la région et même au delà. Si en Syrie certains se battent pour le départ d’Assad, d’autres se battent pour l’établissement d’un émirat Islamique (sur le modèle des Talibans comme expliqué ici) et près de la moitie de la population se bat simplement pour la survie des minorités. Michael Bogdanov ajoutait dans sa déclaration que "La lutte va devenir de plus en plus intense et la Syrie va perdre des dizaines – peut-être des centaines – de milliers de civils". Alors que l’Onu parle elle d’envoyer 10.000 hommes sur le terrain, une chose semble aujourd’hui certaine si la situation internationale reste en l’état: cette guerre ne fait peut être que commencer.
    Alexandre Latsa http://www.voxnr.com

  • IRAK 2003-2008 : un déni d'holocauste

    Le bilan « excède même le million de victimes, un chiffre bien supérieur aux 800 000 victimes du Ruanda voici treize ans et cinq fois celui du Darfour. Un autre déni d'holocauste a lieu sans qu'on y prête attention : l'holocauste de l'Irak » (Docteur Mark Weisbrot, de l'université du Michigan).
    Certains l'apprennent à leur dépens : nier l'Holocauste - ou simplement douter - est source d'interminables et pénibles poursuites. En revanche d'autres génocides ne semblent incommoder personne. Conditionné par le silence des média et une politique gouvernementale des plus opaques, l'Américain moyen estime que 10 000 Irakiens seulement auraient été tués depuis mars 2003, date de l'invasion états-unienne. Pourtant, comme l'indique une étude réalisée il y a plus d'un an par des médecins irakiens et des épidémiologistes américains de la John Hopkins University of Public Health, la réalité est tout autre. Publiée dans le prestigieux journal médical anglais The Lancet, cette étude faisait mention de 655 000 victimes (certificats de décès à l'appui) en date de juillet 2006 : 601 000 de mort violente, le reste en raison d'épidémies, pénurie de médicaments, coupures d'électricité, etc. Les enfants en particulier paient un lourd tribut : plus de 260 000 décès.
    Corroborant ce rapport, ce sont « 1 220 580 victimes [de mort violente] depuis 2003 » que confirmait à son tour l'agence anglaise Opinion Research Business (ORB). Bien qu'alarmant, ce nombre ne semble pas émouvoir média et politiciens - généralement si prompts à s'étendre sur les conflits africains, du Darfour en particulier - et continue d'être réfuté par les gouvernements états-unien et britannique qui lui préfèrent les chiffres du Iraq Body Count (organes de la coalition) donnant un total variant de 73 305 à 84 222.
    L'évidence n'est sans doute qu'un élément trop révélateur de ce carnage, comme le fait remarquer l'Américain Juan Cole, spécialiste du Moyen-Orient : « La mésaventure US en Irak est responsable [en un peu plus de trois ans] d'un massacre de civils dont le nombre est deux fois celui des victimes que Saddam est parvenu à éliminer en 25 ans ». Qu'à cela ne tienne ! Toute déclaration est finalement oblitérée par des démentis officiels comme en témoignait récemment le titre d'un article de la BBC : « Forte augmentation du nombre de morts en Irak » complaisamment suivi d'une longue déclaration publique de George Bush dans laquelle il affirme que « cette méthodologie est totalement discréditée... ces supposés six cent mille et plus... ce n'est pas crédible ».
    Ces statistiques sont d'autant plus choquantes que le pourcentage de victimes le plus élevé est attribué à l'armée américaine. D'après des informations recueillies auprès des familles endeuillées - et jamais mentionnées par les média états-uniens - 83 % des morts doivent être imputés aux membres de la coalition et à leurs alliés (dont 56 % auraient été tués par balles, 13 % par bombardements aériens et 14 % par artillerie) ; 13 % attribués aux insurgés : par voitures piégées (source la plus facile à identifier) ainsi que règlements de comptes entre factions ; 4 % seraient d'origine inconnue.
    Comme le dit avec raison Richard Horton, directeur du Lancet : « Ces révélations soulèvent d'importantes questions, notamment pour les gouvernements des USA et de Grande-Bretagne qui ne peuvent ignorer l'impact de leurs actions sur les civils... Les armées d'occupation ont des responsabilités devant la Convention de Genève... »
    La gravité de la situation réside essentiellement dans le fait de ne pouvoir justifier ces morts civiles par l'occupation armée d'un pays souverain. Des prétextes ont fourvoyé l'élan patriotique de jeunes Américains qui se sont retrouvés confrontés à un scénario pour lequel ils n'étaient nullement préparés. Leur connaissance culturelle et historique de l'Irak est pratiquement inexistante, ce qui engendre une perception caricaturale de ses habitants et accentue cruellement l'incompréhension et le manque de communication entre occupants et autochtones. Ainsi n'est-il pas rare que des voitures civiles aux occupants présumés menaçants soient prises pour cible par des convois militaires qu'ils tentaient tout simplement de doubler ou d'éviter et que sur les routes poussiéreuses et normalement désertiques, des enfants se fassent écraser de même que leurs maigres troupeaux de chèvres...
    La souffrance des innocents peut se résumer à ces quelques mots de désespoir : « Qu'ils viennent et nous attaquent avec une bombe nucléaire qui nous tuera tous ! Ainsi pourrons-nous enfin nous reposer et que ceux qui veulent le pétrole - qui est au cœur du problème - viennent le prendre... Nous ne pouvons plus continuer à vivre ainsi, nous mourrons lentement chaque jour... »
    Est-il étonnant dès lors qu'au vu d'un tel gâchis, l'état psychologique des troupes américaines soit devenu cause d'inquiétude, ce que le Pentagon tente encore de minimiser ? Le taux de suicides est en hausse, surtout depuis mai dernier, date à laquelle les combats ont doublé d'intensité. « Statistiquement, leur nombre [porté à 30] est déjà trop élevé, commente Steve Robinson, ranger en retraite qui tente de faire pression sur Washington en s'appuyant sur le Congrès. Pourtant, il y a longtemps que certains, dans l'armée, avaient en vain tiré la sonnette d'alarme ; il a fallu quelques 600 soldats évacués d'Irak pour troubles psychiatriques pour que la crise soit prise au sérieux. »
    L'Irak est à genoux. 2,5 millions de ses habitants ont fui au-delà des frontières afin d'échapper à l'horreur des combats. Plus de deux millions d'autres restés au pays ont dû quitter leur foyer, leur région où ils étaient menacés de nettoyage ethnico-religieux. À des milliers de kilomètres de là, au Walter Reed Army Médical Center, deux vétérans de retour d'Irak, hospitalisés, se sont pendus, alors qu'au son de cette danse macabre, les magnats de l'Or Noir se frottent les mains devant d'engageantes perspectives. En effet, les nouveaux gisements de pétrole s'annoncent prometteurs.
    Michelle FAVARD-JIRARD. Écrits de Paris mars 2008

  • Encore un mauvais coup contre la liberté de recherche et la liberté d'expression

    Aymeric Chauprade, chargé du cours de géopolitique au Collège interarmées de défense (CID, l'ancienne Ecole de guerre) a été brutalement congédié ce matin par le ministre de la Défense Hervé Morin, à la suite d'un article paru dans « Le Point ». Hervé Morin lui reproche d'être l'auteur d'un « texte au travers duquel passent des relents inacceptables » consacré aux attentats du 11 septembre, présentés comme le fruit d'un complot israélo-américain. Aymeric Chauprade vient de publier une « Chronique du choc des civilisations » aux éditions Chronique-Dargau, dont « Le Point » cite quelques expressions choc :

    « L'attaque des tours jumelles du World Trade Center de New York et du 
    Pentagone par des terroristes préparés par al-Qaïda ? »

    « Le nouveau  dogme du terrorisme mondial »,

    « Une « version officielle ».

    Au World Trade Center, « l'incendie n'a pas été si violent que le prétend la commission d'enquête ».

    « L'onde de choc n'a pas pu provoquer l'effondrement. (...) Seule une démolition contrôlée par des  explosifs permet d'obtenir un effondrement aussi rapide et parfait. »

    Rien que du politiquement incorrect !

    Quelques heures après la parution de cet article, le professeur est débarqué par le ministre de la Défense qui l'explique  :

    « J'ai découvert un texte au travers duquel passent des relents inacceptables. Sur onze pages, on nous parle d'un complot israélo-américain imaginaire visant à la conquête du monde. Quand j'ai appris cela mardi soir, j'ai donné pour consigne au général Desportes, le directeur du Collège interarmées de défense [le supérieur de M. Chauprade], de ne pas conserver ce monsieur Chauprade dans son corps enseignant. Il n'a absolument rien à faire à l'École militaire ».

    Interrogé par Libération/Secret défense, Aymeric Chauprade, 40 ans, se déclare « stupéfait »:

    « On me coupe la tête. Je n'ai eu aucun contact avec le cabinet du ministre, qui n'a pas cherché à m'entendre avant de prendre cette décision à la suite de la parution d'un seul article ». « Très fâché », Chauprade entend se défendre.

    Sur le fond de ce qui lui est reproché, il s’explique à son tour :

    « Je présente la thèse [du complot américano-israélien], certes de manière avantageuse, mais sans la faire mienne. Je souhaitais mettre en opposition deux façons de voir le monde, sachant que la moitié de l'humanité pense que les attentats du 11 septembre sont le fruit d'un tel complot » et non l'oeuvre des islamistes d'Al Qaïda. »

    Dès ce jeudi après-midi, des élèves du CID s'élevaient contre ce qui s'apparente, à leurs yeux, à une « chasse aux sorcières » au nom de « la pensée unique ».

    Aymeric Chauprade, qui enseignait cette semaine aux officiers de l'armée marocaine, à Kenitra, sera reçu demain matin par le directeur du CID, le général Vincent Desportes. Il lui a été demandé de cesser immédiatement ces activités et n'assurera donc pas le séminaire « Energie et développement durable » qu'il devait animer ce vendredi. Aymeric Chauprade enseigne au CID depuis 1999 et dirige le cours de géopolitique depuis 2002. (…). [Il est] officier de réserve de la marine. Outre son séminaire, son cours porte sur les méthodes d'analyse géopolitique, destiné à des officiers d'environ 35 ans. Ses activités au CID représente environ un tiers de ses activités et donc de ses revenus. Il est par ailleurs éditeur et auteur de plusieurs ouvrages, dont une « Géopolitique, constantes et changements dans l'histoire » aux éditions Ellipses.

    « Il n'a jamais fait de prosélytisme dans ces cours, n'a jamais exprimé sa vision du monde, mais en faisant état de ses fonctions au CID dans ces livres, il engage l'institution militaire avec des thèses qui ne sont pas les nôtres » assure le général Vincent Desportes, qui commande le CID.

    Le général Desportes, qui est l'une des têtes pensantes des armées et l'auteur de nombreux livres, s'affirme « intellectuellement en opposition avec les thèses défendues par Chauprade, qui sont assez peu recevables ».

    Dans ces livres et ses articles, Chauprade défend une théorie du choc des civilisations, au travers notamment d'une opposition entre l'Europe (incluant la Russie) et l'Islam.

    Et « Le Point » de présenter Aymeric Chauprade dans l’introduction de l’article :

    « Aymeric Chauprade est un géopoliticien qui ne cache pas ses convictions. Directeur de campagne de Philippe de Villiers aux européennes de 2004, en charge de la Revue française de géopolitique, il est très réservé sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.(…). Il s'est montré critique sur le récent « Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale », ce qui ne manque pas de courage pour un enseignant censé se trouver en phase avec la politique de défense nationale »..

    Sources :
    http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense
    et
    http://lesalonbeige.blogs.com/
    5/02/09

    http://www.polemia.com

  • Afghanistan : les impératifs budgétaires se paient à prix de sang

    Rouffignac est le pseudonyme d'un officier français rentré récemment d'Afghanistan, Pour Monde & Vie, il analyse le contexte dans lequel dix soldats français ont été tués lors d'une embuscade tendue par les Talibans,

    « C'est dégueulasse ! » soupire le jeune lieutenant. « Comment ça c'est dégueulasse ? C'est la guerre... et ils savent la faire... ! » Répond le sous-officier au regard d'acier penché sur son chef de section mortellement blessé dans une embuscade Viêt-minh. Chacun aura reconnu la scène finale de la 317e section, le film sans doute le plus célèbre de Pierre Schoenderffer.
    Monsieur Javier Solana, haut représentant de l'Union européenne, n'a sans doute jamais vu la 317e section et il se trompe lourdement lorsqu'il qualifie l'embuscade meurtrière du 18 août dernier en Afghanistan d'acte « indigne et barbare »(1). Une attaque suicide sur un marché est un acte indigne et barbare ; une embuscade est un acte de guerre mené par des combattants contre d'autres combattants. La confusion des mots n'a jamais facilité la compréhension de la réalité. Tout au plus peut-on reprocher aux Talibans d'avoir commis une faute de goût en troublant la conscience assoupie des Français en cette période estivale. La France est en guerre, mais nos compatriotes ne le savent pas. C'est normal, ils n'ont pas été mis au courant - c'est tellement moins important que le pouvoir d'achat ou les JO de Pékin - et d'ailleurs il n'y a pas eu de déclaration de guerre, ni de débat au Parlement (2) comme le veut la Constitution... Et pourtant, nous sommes bel et bien en guerre !
    A une cinquantaine de kilomètres à l'Est de Kaboul, la route qui mène à Jalalabad débouche sur un carrefour de vallées, non sans avoir franchi des défilés rocheux d'une hauteur vertigineuse, là même où furent massacrés 16 000 soldats de sa Majesté lors de la première guerre anglo-afghane durant l'hiver 1841. C'est dire que l'embuscade est aux Afghans ce que le mensonge est à la politique politicienne : quelque chose de consubstantiel !

    Les Français n'ont plus pratiqué la guérilla depuis l'Algérie

    A ce carrefour de vallées situé dans le district de Surobi, il y a, sur un promontoire, un poste avancé digne du désert des tartares et armé par une compagnie d'une centaine d'hommes. Ces soldats sont chargés de surveiller, en collaboration avec les forces afghanes, le barrage permettant l'alimentation en eau de la capitale et le nœud routier vers Jalalabad. De ce carrefour et remontant vers le nord, part une vallée secondaire, interminable et parsemée de quelques villages, la vallée d'Uzbin. C'est au fond de cette vallée de l'Indu Kush, à l'approche d'un col, qu'une section de reconnaissance du 8e RPIMa est tombée dans une embuscade qui lui a coûté 9 morts et 18 blessés (3), dans l'après-midi du 18 août dernier.
    Le choc est rude, mais seuls seront surpris ceux, hommes politiques ou chefs militaires, qui le veulent bien. Des moudjahidin combattant les Soviétiques aux Talibans, la tactique de guérilla en montagne n'a pas fondamentalement varié. Encore faut-il lire et tirer les leçons du passé !
    Le sang à peine séché, les polémiques enflent déjà : l'armée, et spécialement le 8e RPIMa, se sont préparés à cet engagement, avec toute la rigueur possible, conscients d'affronter un ennemi pas ordinaire. Ils ne sont pas partis la fleur au fusil, mais les faits sont là : à l'exception des forces spéciales, les unités, davantage accoutumées aux conflits africains ou au maintien de la paix dans les Balkans, n'ont guère eu l'occasion de pratiquer la guérilla depuis l'indépendance de l'Algérie. Ceci explique cela... En partie seulement !
    Déjà l'on pointe un doigt accusateur sur les lacunes réelles ou supposées de l'opération : la radio ne fonctionnait pas, les renforts n'étaient pas à l'heure, il y a eu des tirs fratricides, etc. L'accumulation brutale des problèmes est malheureusement la loi du genre et, si polémique il y a, ce n'est pas à ce niveau qu'elle doit se situer.

    Des choix militaires opérés en fonction d'impératifs budgétaires

    Le véritable problème se dissimule à la charnière du politique et du militaire : est-ce que le contingent militaire français est équipé, matériellement et mentalement, pour mener une lutte de contre-guérilla ou est-ce que l'on bricole à coup d'expédients ? On peut s'étonner de voir un convoi progresser en plein jour sur une piste de montagne sans véritable possibilité de manœuvre et sans capacité de réaction. Où sont les drones qui permettent d'avoir du renseignement ? Où sont les hélicoptères de manœuvre qui héliportent sur les sommets une compagnie d'infanterie en moins d'une heure pour prendre l'ennemi à revers ? Où sont les hélicoptères d'attaque armés de canon de 20 mm, capables d'appuyer la progression ou le désengagement d'une unité d'infanterie clouée au sol par le feu de l'ennemi ? Où sont les canons d'artillerie ou les mortiers de 120 mm ? Où sont les sapeurs capables de dégager une piste ? Ces questions en appellent d'autres : pourquoi ferme-t-on les centres d'entraînement au combat en montagne ? Que font les paras eu haute montagne et les chasseurs alpins au Tchad ? La confusion du terrain reflète ici de manière cruelle celle des états-majors et de nos dirigeants.
    La réalité est que, dans toutes les opérations, le contingent militaire est taillé d'abord en fonction d'impératifs budgétaires et que son format est défini par les politiques, à charge aux états-majors de trancher. Les choix sont donc faits au profit de ce qui permet de remplir la mission au jour le jour et au moindre coût - les unités de mêlée, infanterie et cavalerie, et la logistique -, au détriment de ce qui ne sert qu'occasionnellement et qui coûte cher : les hélicoptères, l'artillerie, le génie. C'est le b-a ba de tous les exercices militaires : une troupe combat avec ses propres appuis, sans dépendre exclusivement de l'année de l'air. Mais ce qui est bon pour les exercices ne l'est plus dans la réalité, à cause d'un calcul sordide et faux à long terme, les pensions versées aux familles coûtant sans doute plus chères que les quelques hélicoptères supplémentaires qui auraient permis à la section de se dégager. L'embuscade sanglante du 18 août marque la limite de ce genre de raisonnement et on peut légitimement se demander s'il n'y a pas un devoir moral du chef militaire à refuser une mission sans avoir manifestement les moyens de la remplir. Le choc est brutal, espérons qu'il soit salutaire pour l'armée, ceux qui nous gouvernent et nos concitoyens.
    Rouffignac monde & vie. 30 août 2008
    1). Article du journal Le Monde du 21 août 2008.
    2). Débat enfin inscrit à l'ordre du jour lors de la session extraordinaire de septembre.
    3). Le bilan global de l'opération est de 10 morts et 21 blessés.

  • Erdogan, perdu corps et bien…

    Ex: http://www.dedefensa.org/

    Le Premier ministre turc Erdogan a semblé s’engager d’une façon radicale dans la crise de Gaza et semblé, dans les un et deux premiers jours, devoir y jouer un rôle important. Cette impression s’est rapidement dissipée, pour être remplacée par celle d’une action d’une importance mineure, notamment au regard du rôle dirigeant de la crise qu’a tenu Morsi. Il s’agit bien entendu d’une question de perception, mais l’on comprend évidemment que cette perception joue un rôle fondamental dans cette époque dominée par la puissance du système de la communication. Au demeurant, la perception, éclairée par divers faits, reflète sans aucun doute une vérité de la situation d’Erdogan.

    On donne ici, comme exemple de la situation de la perception deux sources ayant rassemblé des appréciations d’experts sur le rôle qu’a tenu Erdogan. On dispose ainsi d’un matériel de communication pour pouvoir mieux apprécier la position générale d’Erdogan, et tenter de l’expliciter. On découvre qu’Erdogan est critiqué dans tous les sens, à la fois pour avoir tenu un rôle effacé, à la fois pour n’avoir pas assez soutenu les Palestiniens et le Hamas d’une façon efficace, à la fois pour être trop anti-israélien…

    • D’un côté, il y a une appréciation générale selon laquelle Erdogan s’est trouvé dans cette crise à la remorque de Morsi, tandis que son attitude durant ces quelques jours est perçue plutôt comme de la gesticulation sans beaucoup de substance. Cette appréciation est surtout sensible en Turquie même, selon un article du New York Times dont PressTV.com donne un résumé, ce 22 novembre 2012, article fait surtout de quelques citations d’experts et d’universitaires turcs.

    «The analysts stressed that while Turkey became a vocal defender of Palestinians and a critic of the Israeli regime, “it had to take a back seat to Egypt on the stage of high diplomacy.” “Egypt can talk with both Hamas and Israel,” university professor Ersin Kalaycioglu said, adding, “Turkey, therefore, is pretty much left with a position to support what Egypt foresees, but nothing more.”

    »The analysts also criticized Turkish Prime Minister Reccep Tayyeb Erdogan for being initially silent on the outbreak of the Israeli attacks on Gaza and being slow to address the offensive publicly. “While most of the region’s leaders rushed to the nearest microphone to condemn Israel, the normally loquacious prime minister was atypically mute,” said Aaron Stein from a research center based in Istanbul. Stein added that while Erdogan was touring a factory that makes tanks, Egypt President Mohamed Morsi had “put his stamp on world reaction by kicking out the Israeli ambassador and dispatching his prime minister to visit Gaza.”»

    • Une autre source, le journaliste Tulin Daloglu, dans le quotidien Al Monitor du 20 novembre 2012, restitue, également au travers d’avis d’experts et d’universitaires, la perception de l’attitude et du comportement d’Erdogan vus d’Israël. Il s’agit d’appréciations très extrêmes et très hostiles, qui impliquent son ministre des affaires étrangères Davutoglu perçu comme une sorte de diabolus ex machina d’Erdogan (ce qui est peu aimable pour la force de caractère qu’on attribue de ce fait à Erdogan). L’article rappelle qu’Erdogan s’est signalé, durant la crise, par une rhétorique enflammée, dénonçant le 15 novembre Israël comme “un État terroriste” puis s’attaquant, le 20 novembre, aux USA et au bloc BAO («Leading with the US, all the West talks about a two-state solution. Where is it? They’re working to vacate Palestine in order to surrender it to Israel […] If we’re going to die, we shall do so as men do. This is not justice.»)

    «…“Davutoglu may be right to condemn Israel for excessive use of force, but he also needs to call on Hamas to stop firing rockets into Israel. But he does not,” said Gareth Jenkins, a senior fellow at the Institute for Security and Development Policy. “The fact remains that, while Hamas is firing missiles into Israeli territory, Israel is much more likely to respond militarily. And any violence plays into the hands of extremists on both sides.” […]

    »“As Erdogan cannot accept shelling against Turkey, we cannot accept shelling against our one million people in the south part of Israel.” Binyamin Fuad Ben Eliezer, former Israeli defense minister, told Al-Monitor on Nov. 15, just as the sirens went on over the Tel-Aviv area… […]

    »[Erdogan] cannot give me conditions. He cannot sit in Turkey and tell me what to do,” says Ben-Eliezer. “Erdogan could have taken the position of one of the most important leaders in the area,” Ben Eliezer said. “I’m sorry that he took a very radical position against Israel.” Still, he does not consider — like many other Israelis — that the Turkish prime minister’s unequivocal alliance with Hamas, a militant group that is recognized by the US and European countries as a terrorist organization — goes as deep as challenging Israel’s right to exist.

    »However, Ofra Bengio, a professor at Tel Aviv University, is confident that Turkey’s new position is just that. She argues that both sides have gone too far, and while focusing only on Israel’s mistakes may be politically rewarding for Erdogan, it should not hide Turkish foreign policy’s new attitude toward Israel of vengeance and punishment. “If they’re taking Hamas' position, then it’s quite clear that they’re aiming at the legitimacy [of Israel],” she told Al-Monitor. “Especially, take a look at Davutoglu. If you read his essays, for him, Israel does not exist.”

    »Ben Eliezer concurs. “If you ask me where the big change was in [Erdogan's] behavior,” he said, the answer is “Davutoglu! It’s his entry as the foreign minister to the erea, and he was the one who no doubt influenced Erdogan totally against Israel. He has made many mistakes because so far, he could not gain anything.” Before then, he said, he had been able to build a close relationship with Erdogan such that they were able to share jokes and laughter together. He does not believe that Erdogan is anti-Semitic or personally anti-Israel…»

    On est donc conduit à observer que, les unes dans les autres, ces appréciations donnent une image extrêmement défavorable du Premier ministre turc, cette image semblant désormais devoir être son nouveau “statut de communication” : un homme qui parle beaucoup, qui s’enflamme, qui agit peu, qui est de peu d’influence et auquel on prête de moins en moins d’attention ; un homme au point de vue anti-israélien extrémiste, mais selon l’influence de son ministre des affaires étrangères et non selon son propre jugement, ce qui implique de très graves doutes sur son indépendance d’esprit et son caractère. De quelque côté qu’on se place, et de quelque opinion qu’on soit dans ces diverses appréciations, le sentiment général sur Erdogan est défavorable : un homme à l’humeur incontrôlable, au caractère finalement faible et très influençable, préférant les mots et surtout les éructations à l’action…

    Notre propre appréciation est que ce que nous nommons effectivement la “situation de la perception” d’Erdogan est injuste par rapport à ce qu’il a été et ce qu’il a fait jusqu’ici, – injuste, dans le sens où cela ne “lui rend pas justice”. En même temps, elle constitue un fait et, par là même, se justifie par elle-même et rend compte d’une vérité de situation, – justice ou pas, qu’importe. En d’autres mots, nous dirions qu’Erdogan a perdu, en un an et demi, le formidable crédit qu’il avait construit depuis 2009 par sa politique indépendante, quasiment “gaulliste” dans sa conception. Nous pensions, sans tout de même beaucoup d’espoir, qu’il pouvait, qu’il devait effectivement tenter de redresser cette “situation de perception” durant cette crise de Gaza-II (voir le 15 novembre 2012) : «Le même “Israel is saying… ‘F* You’” ne vaut-il pas également pour Erdogan, qu’on attendait en visite à Gaza, où il entendait affirmer la préoccupation turque pour la défense et l’intégrité des pauvres Palestiniens ? Que va faire Erdogan ? Va-t-il ménager une base arrière pour des “combattants de la liberté” volant au secours des Palestiniens ? Va-t-il affréter une “flottille de la liberté”, comme celle du printemps 2010, pour se rendre à Gaza, sous les bombes israéliennes ? Va-t-il menacer d’envahir Israël comme il menace d’attaquer la Syrie ?»

    Le constat est clair et sec. Erdogan n’a pas réussi à “redresser cette ‘situation de perception’”, il a même encore perdu de son crédit. Cet homme semble avoir définitivement chuté avec l’affaire syrienne, dans laquelle il s’est engagé follement. L’indignité et l’illégitimité de l’affaire syrienne, dans le sens où il s’est engagé, a profondément modifié sa “situation de la perception”, nous dirions d’une façon quasiment structurelle qui n’est pas loin d’être irrémédiable. (Cela, d’autant qu’en même temps qu’il tentait cette maladroite “réhabilitation” avec Gaza-II, il continuait sa politique syrienne par son pire aspect, avec l’accord de l’OTAN d’envoyer des Patriot à la Turquie, cela qui met en évidence le stupide jeu des menaces [syriennes] inventées, et le non moins stupide alignement-asservissement de la Turquie aux structures les plus perverses du Système, l’OTAN avec les USA derrière et la quincaillerie technologique.) Erdogan a voulu s’inscrire dans le jeu du Système avec la Syrie, abandonnant la référence principielle d’une politique d’indépendance et de souveraineté, – laquelle suppose qu’on respecte chez les autres (chez les Syriens, certes) les mêmes principes (indépendance, souveraineté) auxquels on se réfère pour soi-même. Il a abandonné la puissance de la référence principielle pour la politique moralisatrice et belliciste que le Système inspire au bloc BAO en général. Ce faisant, il a été totalement infecté et subverti par le Système et s’avère manifestement trop faible pour s’en dégager, si encore il parvient à distinguer la nature et la puissance de l’enjeu.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • N’en déplaise aux obsédés du désarmement citoyen

    La cause est entendue : si la mère d’Adam Lanza n’avait pas possédé d’armes à feu, le massacre dans cette école du Connecticut dont le monde entier, horrifié, a découvert l’existence pour l’occasion, n’aurait jamais eu lieu. Ah bon !

    Sans cette gorgone faite génitrice, Adam Lanza aurait été un jeune garçon comme les autres qui n’aurait jamais eu envie de zigouiller qui que ce soit. Rah bon !

    Quel dommage fils si malheureux ait eu la très mauvaise idée de la trucider en premier… Si au moins elle avait survécue, elle aurait pu être clouée au pilori de l’infamie citoyenne… Faute de mère indigne, les tenants de l’interdiction de posséder des armes à feu en sont réduits à diaboliser des mentalités, un système, des traditions… On sent bien qu’ils enragent de ne pas tenir dans leurs serres médiatiques une victime expiatoire qu’ils pourraient charger de tous les péchés mortifères.

    Rien ne vaut un Néron, un Napoléon, un Hitler en chair et en os… Même en jupon, ça fait l’affaire à merveille. Au diable le féminisme !

    Alors, depuis la tragédie, ce ne sont qu’images de familles éplorées, suivies d’appels à interdire toute détention d’armes, de témoignages de témoins rescapés, suivi d’appels à abolir la loi autorisant l’achat d’armes, de photos de l’école envahie de policiers et même de militaires (bien que le tueur ait mis fin à ses jours, sans doute des fois qu’il la rejoue mort-vivant), de rappels dénonciatoires que les États-Unis autorisent les ventes d’armes, de la venue sur place du président Barack Obama, de condamnations obsessionnelles de la libre circulation des armes à feu, etc. etc. en boucle et toujours… La machine médiatique à formater les cerveaux est lancée à fond, brocardant méthodiquement des millions de tueurs en liberté, tous prêts à massacrer toute concentration humaine sans défense et de préférence enfantine…

    Ces millions de tueurs sont les propriétaires d’armes à feu. Eux et eux seuls. Pas un commentaire, jamais, pour soumettre la possibilité, éventuellement, que les responsables d’une tuerie comme celle de cette école élémentaire de Sandy Hook soient d’abord ceux qui côtoyaient de près ou de loin Adam Lanza et qui ne se sont pas inquiétés plus que ça de ce garçon « (qu’)on remarquait parce qu’il ne parlait à personne et (qui) donnait l’impression d’avoir des difficultés à se connecter avec le monde extérieur. »(1)

    Si sa mère porte une responsabilité dans le drame, c’est à l’évidence par une évidente inattention au comportement de son enfant… Qu’elle ait tenté de lui faire partager sa passion du tir n’a pas fait de lui un dingue, il l’était ! Et s’il n’y avait pas eu d’armes à feu chez lui, à sa portée, nul doute qu’il en aurait trouvé… ou trouvé d’autres moyens – ils sont innombrables ! – pour mener son sanglant rodéo dont on ne sait toujours pas, de la vengeance ou de l’acte existentiel, quelle en a été la véritable motivation.

    Que l’on sache, la vente d’armes à feu n’est pas librement autorisée au royaume de Norvège… Cela n’a guère semblé gêner le sieur Anders Behring Breivik de faire un carton d’été assez spectaculaire sur l’île d’Utøya, en juillet 2011, à l’occasion d’un camp de la ligue des jeunes du Parti travailliste : 77 morts et 151 blessés…

    La vente d’armes n’est pas non plus librement autorisée en France… mais 17 assassinats ont endeuillés la seule Île de Beauté en 2012 (l’année n’est pas terminée), ni ces quatre ou cinq dernières années, où une quinzaine de meurtres par an y ont été commis.(2)

    En 2011, 20 règlements de comptes ont été recensés dans les Bouches-du-Rhône (29 victimes dont 16 morts), dont 15 à Marseille (23 victimes dont 13 morts)… Quant à La Kalachnikov « (elle) a quitté les terres de guérilla pour coloniser nos banlieues “sensibles”. Elle est devenue l’arme à posséder pour contrôler l’économie souterraine. Marseille n’est pas en reste, en témoigne le nombre de réglements de comptes avec ce type d’arme. »(3)

    Mais bien sûr, il s’agit là de criminalité, diront les obsédés du désarmement citoyen ; pas d’acte terroriste sur fond de folie meurtrière… Dommage pour eux que le franco-algérien Mohammed Merah se soit illustré dans le genre : sept victimes dont trois enfants et six blessés…

    De l’île d’Utøya à Toulouse jusqu’à Sandy Hook, quelles que soient les facilitées pour cela, les tarés trouvent toujours à acquérir ce dont ils ont besoin pour accomplir leurs pulsions meurtrières. Ils n’ont jamais besoin d’une maman apprentie armurière pour cela. De parents moins autistes, de proches plus attentifs, de médecins plus professionnels, de professeurs des écoles plus responsables, si !

    De médias moins manipulateurs aussi.

    Philippe Randa   http://francephi.com

    Notes

    (1) Selon les déclarations de la chauffeuse du bus scolaire qui a conduit l’intéressé au collège pendant plusieurs années, Libération, 16 décembre 2012.

    (2) « La violence nationaliste (est) en effet peu meurtrière, si on enlève certains épisodes de règlements de compte entre nationalistes. La nouveauté, c’est qu’on tue beaucoup plus. Il y a une sorte d’habitude, de “routinisation” des homicides, particulièrement en Corse-du-Sud et dans la ville d’Ajaccio » , explique Xavier Crettiez, professeur de sciences politiques, Le Figaro, 17 novembre 2012.

    (3) « Meurtres à Marseille : la cité phocéenne est-elle devenue le nouveau Chicago ? », www.lexpress.fr, 4 septembre 2012.