À Gaza, au terme d'une semaine d'affrontement, 200 maisons ont été détruites et 8000 autres endommagées par les tirs israéliens, plus de 100 civils dont 33 enfants ont été tués. Mais le Hamas estime être sorti vainqueur du bras de fer qui l'a opposé à Israël...
Le David philistin l'a-t-il emporté sur le Goliath hébreu ? Le Hamas a, indubitablement, été durement touché dans ses infrastructures de commandement et a perdu une partie de ses fabriques d'armes et de son arsenal. Mais sa milice forte d'environ 15000 hommes demeure intacte. Elle n'a perdu qu'une cinquantaine d'hommes; surtout, elle s'est aguerrie et professionnalisée et rien ne garantit que les tirs des roquettes ne reprendront pas dans quelques semaines ou quelques mois.
Les projectiles qui sont tombés par dizaines sur les civils israéliens font 6,60 mètres de long, 33 centimètres de diamètre et contiennent 95 kg d'explosif de forte puissance. On les nomme « roquette Grad », car il s'agit de roquettes du type de celles utilisées pour le tir ciblé de courte et moyenne portée développées dans les années 1960 en Union Soviétique. Cette arme, très simple d'emploi, est devenue l'une des fusées les plus utilisées dans le monde et figure dans les arsenaux d'organisations comme le Hamas et le Hezbollah. Rappelons que ce dernier a tiré sur Israël plus de 3 000 de ces roquettes (parfois appelées roquettes Katioucha par les médias israéliens) durant la deuxième guerre du Liban.
L’opération « Colonne de Nuée », qui s'est achevée le 21 novembre dernier, n'a pas débouché sur une opération terrestre destinée à écraser la branche armée du Hamas. Elle s'est résumée à un duel entre ces projectiles de fortune mis en œuvre par le Hamas et le Jihad Islamique et l'intercepteur de missiles ultra perfectionné d'Israël.
Le Hamas a prouvé que l'on peut tirer sur les grands centres urbains israéliens
Elément clé de son opération « Pilier de défense », Israël a déployé « Dôme de fer ». Ce dispositif, opérationnel depuis mars 2010, est composé de quatre batteries. Chaque batterie comprend un radar de détection et de pistage, un logiciel de contrôle de tir et trois lanceurs dotés chacun de 20 missiles d'interception. Le système a l'avantage de pouvoir être transporté rapidement sur des camions vers les endroits menacés. C'est le radar qui détecte le départ, soit d'un obus, soit d'une petite fusée. Un missile est alors tiré pour l'intercepter dans un laps de temps très court : entre le moment où le tir est effectué et où le système intervient, il se passe seulement 15 secondes. Dans le même temps, le système de détection déclenche une sirène dans la localité visée de façon à ce que la population puisse se mettre à l'abri.
« Dôme de fer » fonctionne de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques, et est capable de contrer des attaques simultanées, mais en nombres limités. Face à des salves simultanées de projectiles, le système sature en raison du manque de batteries disponibles. Il ne peut donc pas assurer une protection totale, confronté aux centaines de roquettes et d'obus de mortier tirés à partir de la bande de Gaza vers le sud d'Israël. Surtout, il ne permet d'abattre en vol que des engins d'une portée de 4 à 70 km. Ainsi, les cités israéliennes les plus proches de Gaza, celles situées à moins de 4 km, ne sont pas protégées.
Selon Israël, moins de 5 % des roquettes ont touché des zones peuplées. « Dôme de fer » aurait réussi à intercepter 84 % des 421 roquettes palestiniennes. Il est en effet probable que ce système d'interception de missiles a sauvé de nombre ses vies et sort de l'épreuve comme le seul vainqueur incontesté. Mais à quel prix ? Il faut se ligner l'écart gigantesque entre le coût d’un missile de « Dôme de Fer » (environ 50000 dollars) et le coût d'une roquette Grad (de 300 à 1000 dollars). Cependant pour Israël, la question du coût est relativement secondaire, car les Américains financent, directement ou indirectement, la majeure partie de son programme défense. Le prix de chaque batterie serait d’environ 100 millions de dollars. La défense israélienne souhaiterait développer un réseau de 13 batteries et demande pour cela un budget 3,2 milliards de shekels (environ 810 millions de dollars).
La vengeance des assassinats ciblés
En attendant ce déploiement, dans les fa le mouvement palestinien a pu tirer sur l’ennemi héréditaire des centaines de missiles non guidés et de roquettes archaïques, patiemment dissimulées dans le tissu urbain très dense de Gaza ; et Israël a échoué à empêcher que quelques-une ces roquettes ne s'écrasent sur Tel-Aviv et sur Jérusalem. Ainsi le Hamas a atteint son objectif : toucher les grandes villes israéliennes et y provoquer la panique. Les scènes de civils israéliens en pleurs qui courent vers les abris constitue pour lui une victoire et la vengeance des assassinats ciblés de ses chefs de guerre, qui avaient mis le feu aux poudres le 14 novembre dernier.
Henri Malfilal Monde&Vie 4 décembre 2012
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Israël-Palestine : la trêve après la guerre de missiles
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Amnesty International ment
Fin octobre 2011, Amnesty International publiait un rapport de 39 pages dans lequel il dénonçait les tortures pratiquées dans les hôpitaux syriens sur les opposants. Il était précisé que des patients de quatre hôpitaux avaient fait l'objet d'actes de torture et de mauvais traitements, autant de la part du personnel médical que des agents de sécurité. Aussitôt le ministère de la Santé de Damas dénonçait ce rapport comme « étant une accusation fausse... pleine d'erreurs et de fabrications ». Insistant sur la qualité des personnels hospitaliers et sur le respect des lois humanitaires par ces institutions, soulignant qu'aucune plainte pour mauvais traitements ou tortures n'avait été déposée. En revanche il attirait l'attention sur les lourdes pertes supportées par ces services « en raison d'attaques menées par des groupes de saboteurs et de terroristes sur les médecins, le personnel médical et les ambulances dont une soixantaine ont été détruites depuis le début des émeutes ». On comprend bien qu'étant donné depuis un an le déferlement à sens unique des accusations mensongères diffusées sur tous les média du monde à partir des mêmes sources, il sera facile pour Amnesty International, le ministère des Affaires Etrangères français et les organisations onusiennes d'affirmer que le gouvernement de Bachar El Assad ment comme il le fait en niant les crimes dont on l'accuse sans preuves. L'ennui est que ces dénonciateurs ont dans un passé récent trop souvent affabulé pour tenter encore de se faire passer pour des parangons de franchise.
On se souvient de l'intervention de l'odieux Bernard-Henry Lévy dénonçant Kadhafi « entouré d'un corps de mercenaires payés grassement... ». Pendant des semaines toutes les télévisions et les radios du monde nous gavèrent avec ces mercenaires massacrant femmes et enfants dans leur marche sur Benghazi au point qu'il devint urgent de mettre fin à ce massacre, d'instaurer une zone d'exclusion aérienne et de faire intervenir l'Otan pour écraser les tortionnaires. Cette opération de pure propagande rappelle les armes de destruction massive de Saddam, les couveuses artificielles débranchées du Koweït, les charniers de Timisoara, ceux de Bosnie toujours brandis par les média, bref tous ces bobards qui ont justifié depuis vingt ans les guerres impérialistes des puissances occidentales.
Le 22 février 2011 Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International, s'exprimait sur France 24, le lendemain d'une soi-disant attaque généralisée des "troupes" de Kadhafi sur les populations civiles : « Vendredi et samedi, affirmait-elle, nous avions des informations comme quoi dans les troupes qui étaient envoyées contre ces manifestants il y aurait eu des mercenaires étrangers justement pour accélérer le processus de répression... ». Peu de temps après le Dr Slimane Bouchuiguir, qui est à l'origine de la plupart des calomnies disséminées contre la Jamahiriya de Kadhafi, s'exprimant devant la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme s'écriait : « Ces mercenaires semblent avoir carte blanche pour tuer tous les civils ».
Cinq mois plus tard une mission d'Amnesty International sous la direction de Donatella Rovera, conseillère sur la réaction aux crises d'Aï, se rend en Libye "libérée". Geneviève Garrigos est alors interrogée sur les maltraitances exercées par le Conseil National de Transition contre des citoyens libyens ou étrangers qu'il prétend être des mercenaires de Kadhafi. Que répond Mme Garrigos avec un aplomb désarmant ?
« Effectivement dès le départ, dès la mise en œuvre des troupes anti-Kadhafi on a eu des rumeurs de mercenaires qui agiraient à la solde de Kadhafi. Or nos chercheurs qui se sont rendus surplace très tôt, puisqu'ils sont arrivés mi-février et en sont repartis fin juin, ont constaté que dans les prisons on ne trouvait que quelques personnes incarcérées mais qui n'étaient même pas inculpées. De fait il se sera agi de rumeurs visant des personnes à peau foncée voire noire et qui pouvaient être des Libyens ou des étrangers. Ces rumeurs ont créé une espèce de peur, de xénophobie, et certains ont été maltraités voire battus et emprisonnés. Aujourd'hui force est de constater qu'on n'a pas de preuves concrètes d'utilisation de forces de mercenaires par Kadhafi ».
On lui repose très précisément la question : « Votre collègue dit qu'elle n'a pas vu du tout de mercenaires et que tout ceci est une légende colportée par les média. Est-ce que vous confirmez cette information ? ».
Et elle répond : « Absolument... heu... Le travail fait par Donatella est... était de voir si véritablement on retrouvait les mercenaires. Or ce n'est pas le cas... Et à l'heure actuelle, vraiment, nous n'avons aucune trace, nous n'avons aucun élément confirmant ces rumeurs ».
Dans l'intervalle de 5 mois entre la dissémination de ces "rumeurs" par BHL et par Amnesty International, reprises par le Media aux ordres - le même qui depuis des mois assène les bobards anti-Assad - des dizaines de Noirs ont été massacrés dans les rues des villes libyennes, des milliers d'entre eux ont été jetés dans des camps. À ceux qui ont le moindre doute on conseille de se rendre sur Internet où sont diffusées d'innombrables vidéos qui montrent des scènes de lynchage insupportables avec des foules "révolutionnaires" hystériques mettant littéralement en pièces de pauvres bougres noirs sur lesquels elles ont pu mettre la main, qu'ils portent ou non un uniforme.
On "doit cette interview à deux jeunes journalistes qui travaillent pour le site canadien en ligne Global Research de l'universitaire Michel Chossudovsky, Julien Teil et Darius Nazemroaya. Il est possible de la visionner sur le site du Réseau Voltaire ou sur le site américain Activist Post, en cliquant « Slimane Bouchuiguir » dans la case "recherche".
Jim REEVES. Rivarol du 16 mars 2012Lien permanent Catégories : actualité, anti-national, insécurité, international, lobby, magouille et compagnie 0 commentaire -
Taubira : aux petits soins pour les criminels
Dramatique : Taubira supprime la rétention de sûreté !
Christiane Taubira a annoncé qu’un texte de loi allait supprimer la rétention de sûreté. Une preuve de plus de l’irresponsabilité du ministre de la Justice.
C’était une des promesses de campagne du candidat Hollande : supprimer les peines plancher, les tribunaux correctionnels pour mineurs, ainsi que la loi sur la rétention de sûreté. Christiane Taubira la concrétise. C’est à l’occasion de la journée Prison-Justice du Genepi (Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées), que Christiane Taubira a annoncé samedi, à Palaiseau (Essonne), qu’un texte de loi était en préparation pour supprimer la rétention de sûreté. « Je le confirme, elle sera supprimée, comme les tribunaux correctionnels pour mineurs seront supprimés, comme les peines plancher seront supprimées », a déclaré le garde des Sceaux.
Cette mesure a été votée en 2008 par la « droite », mais n’a quasiment jamais été appliquée. Elle prévoit notamment de maintenir enfermés des criminels condamnés à au moins 15 ans (pour viols aggravés notamment) s’ils sont jugés dangereux une fois leur peine purgée. Elle est également applicable à des personnes qui violeraient les obligations de leur « surveillance de sûreté ».
Après l’annonce du garde des Sceaux, François Fillon a fustigé le « laxisme » de la ministre de la Justice. Mais n’est-ce pas le laxisme qui a caractérisé l’action du gouvernement UMP ?
De 2002 à 2011, les violences contre les personnes ont augmenté de 45 %. Le trafic de drogue, les viols, les cambriolages, les vols, les voitures brûlées, les émeutes dans les cités se sont multipliés. Depuis 2007 le gouvernement UMP a réduit de 3.000 postes par an les effectifs de police et de gendarmerie, de nombreux commissariats sont désormais fermés le soir ou le week-end. Sarkozy et le gouvernement UMP qui voulaient nettoyer les zones de non-droit au « Kärcher » n’ont tenu aucune de leurs promesses de campagne et se sont soumis au diktat idéologique de la gauche. C’est l’UMPS, le parti du laxisme !
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« L’art de la guerre » Obama la préfère cachée
Les Etats-Unis n’ont plus les moyens de lancer de grandes guerres comme en Corée, au Vietnam ou en Irak. Obama préfère intensifier l’action militaire secrète. Manlio Dinucci détaille le programme.
Le président Obama n‘aime pas la guerre. Non pas parce qu’il est prix Nobel de la paix, mais parce que l’action belliqueuse ouverte découvre les cartes de la stratégie étasunienne et des intérêts qui en sont à la base. Il a ainsi lancé un grand plan qui, écrit le Washington Post, « reflète la préférence de son administration pour l’espionnage et l’action secrète plutôt que pour l’usage de la force conventionnelle ».
Ce plan prévoit de restructurer et potentialiser la DIA (Agence de renseignement militaire), jusqu’ici concentrée sur les guerres en Afghanistan et Irak, de façon qu’elle puisse opérer à l’échelle globale en tant qu’ « agence d’espionnage focalisée sur les menaces émergentes, plus étroitement reliée avec la CIA et les unités militaires d’élite ».
Le premier pas sera d’augmenter l’organigramme de la DIA qui, doublé pendant la dernière décennie, comprend environ 16 500 membres. Sera formée « une nouvelle génération d’agents secrets » à envoyer à l’étranger. La CIA s’occupera de leur entraînement dans son centre de Virginie, connu comme « la Ferme », où on élève des agents secrets : pour ceux de la DIA, qui constituent aujourd’hui 20 % des élèves, seront créés de nouveaux postes.
La collaboration de plus en plus étroite entre les deux agences est témoignée par le fait que la DIA a adopté quelques unes des structures internes de la CIA, parmi lesquelles une unité appelée « Persia House », qui coordonne les opérations secrètes à l’intérieur de l’Iran.
Les nouveaux agents DIA fréquenteront ainsi un cours de spécialisation auprès du Commandement des opérations spéciales. Celui-ci est spécialisé, outre dans l’élimination d’ennemis, en « guerre non conventionnelle » conduite par des forces extérieures entraînées à dessein ; en « contre-insurrection » pour aider des gouvernements alliés à réprimer une rébellion ; en « opérations psychologiques » pour influencer l’opinion publique afin qu’elle soutienne les actions militaires étasuniennes.
La formation terminée, les nouveaux agents de la DIA, au départ 1 600 environ, seront assignés par le Pentagone à des missions dans le monde entier. Le Département d’État s’occupera de leur fournir de fausses identités, en en introduisant une partie dans les ambassades. Mais, comme celles-ci sont remplies d’agents de la CIA, on fournira aux agents de la DIA d’autres fausses identités, comme celle d’universitaire ou d’homme d’affaires.
Les agents de la DIA, grâce à leur expérience militaire, sont réputés être plus idoines pour recruter des informateurs en mesure de fournir des données de caractère militaire, par exemple sur le nouvel avion de chasse chinois. Et le développement de leur organigramme permettra à la DIA d’élargir la gamme des objectifs à frapper avec les drones et avec les forces spéciales.
Ceci est la nouvelle façon de faire la guerre, qui prépare et accompagne l’attaque ouverte par l’action secrète pour miner le pays de l’intérieur, comme on l’a fait en Libye, ou pour le faire s’écrouler de l’intérieur, comme on tente de le faire en Syrie. C’est dans cette direction que va la restructuration de la DIA, lancée par le président Obama.
On ne sait pas si le néo-candidat premier ministre Pier Luigi Bersani [1], qui a une grande estime pour Obama, l’a déjà félicité. En attendant il est allé en Libye pour « reprendre le fil d’une présence forte de l’Italie en Méditerranée ». Le fil de la guerre contre la Libye, à laquelle l’Italie a participé sous commandement étasunien. Tandis que Bersani jouissait, en s’exclamant « à la bonne heure ».
Traduction
Marie-Ange PatrizioSource
Il Manifesto (Italie)[1] Secrétaire du Partito democratico, élu dimanche 2 décembre aux élections primaires pour conduire les « listes progressistes » aux prochaines élections politiques dont sera issu le nouveau gouvernement, que Bersani se prépare à présider. NdT. Site de campagne
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Syrie, l'interminable guerre d'usure
La grande offensive décisive de la rébellion se fait attendre. Après dix- huit mois d'empoignade, Assad tient bon. Damas et Alep, les deux seules villes qui comptent, restent siennes. L'insurrection ne parvient pas à l'acculer dans les cordes ; pourtant, depuis des mois, les médias occidentaux affirment que « l'infâme dictateur qui fait tirer sur son peuple » est à bout de souffle.
Les succès de l'armée ces mois derniers ont été fatals à nombre des cadres de la rébellion syrienne, qui, en dépit du soutien logistique de l'Otan, ont échoué dans leur tentative d'organiser militairement la paysannerie et le « lumpenprolétariat » syriens.
La configuration est la suivante : paysans et va-nu-pieds des bidonvilles contre citadins. Répétons-le, la révolution qui s'est déclenchée en Syrie ne fédère pas l'ensemble du peuple, c'est une révolte du bas peuple sunnite paupérisé qui cherche sa revanche sur ses oppresseurs alaouites. Le rêve des insurgés n'est pas d'établir la démocratie, mais un régime théocratique du genre de celui de l'Arabie Saoudite, avec la douce satisfaction de voir réduits au statut de citoyens de second rang les non mahométans. C'est dans cette perspective que la jeunesse sunnite rurale est parti à la chasse aux alaouites et aux chiites des grandes villes.
Le fanatisme religieux prospère sur le terreau de la pauvreté
On l'a compris, en Syrie comme ailleurs, le fanatisme religieux prospère sur le terreau de la pauvreté. La crise économique a exacerbé l'état de vulnérabilité dans lequel vivaient déjà des dizaines de milliers de paysans, d'éleveurs et de bergers qui subissent des épisodes récurrents de sécheresses à répétition. Le régime et son train de vie, son étalage obscène de richesses clinquantes (immeubles, automobiles etc..) rend fous les miséreux, en nombre croissant, qui ne supportent plus d'être humiliés et opprimés par la mafia de possédants qui gravite autour du clan et de l'appareil répressif de l'État. Une situation d'autant plus insupportable que les accapareurs sont, aux yeux des croyants de bonne obédience sunnite, des mauvais musulmans, voire des non musulmans.
L'insurrection perdure parce qu'elle s'appuie sur déjeunes ruraux indignés. Il s'agit de déclassés incultes qui estiment n'avoir rien à perdre. Obéissant au fanatisme religieux, et aussi à des dynamiques claniques et familiales, ils mènent un rude mais exaltant combat sous les ordres de petits notables dépourvus d'expérience militaire. Le fait que les insurgés bénéficient de matériel infrarouge et des observations satellites fournies en sous main par Français et Américains ne change pas la donne. Ces informations facilitent seulement embuscades et « retraits tactiques ». Parfois, elles permettent de pirater les communications de l'armée en émettant des faux ordres, générateurs de confusion et de zizanie dans le camp loyaliste.
Le fait est que l'opposition armée des damnés des campagnes, des bourgades et des bidonvilles n'a pas suscité un mouvement de soutien en sa faveur dans les bourgeoisies commerçantes d'Alep et de Damas. Soit elles demeurent dans l'expectative, soit elles soutiennent le régime. Alep n'est pas coupée de Damas. Des bus font le trajet, mais sont parfois forcés à de longs détours. Les aéroports du pays sont toujours sous contrôle du pouvoir, ainsi que les ports. Les périphéries immédiates des deux grandes villes sont sécurisées grâce au quadrillage des rues par les meilleures unités, qui emploient les matériels les plus sophistiqués. Ainsi les garnisons loyalistes tiennent bon face aux assauts et parviennent à éviter que des enclaves insurgées ne s'organisent.
Dans cette empoignade pour le contrôle de Damas et d'Alep, les deux parties ne font aucun quartier. Si les horreurs commises par l'armée et les forces de sécurité syriennes - sans oublier les milices de supplétifs - sont largement évoquées par la presse internationale, les mises en causes sont beaucoup plus rares concernant les exactions de la rébellion : attentats à la voiture piégée, implication contre leur gré de celles et ceux qui désirent demeurer en dehors du conflit, attaques armées contre des villages kurdes, interdiction aux citadins de quitter leurs quartiers alors que des bombardements sont imminents...
Les pertes des insurgés sont énormes, mais ils sont constamment réalimentés en chair à canon par le vivier quasi inépuisable que constituent les innombrables mouvements islamistes de la planète. Depuis le Qatar jusqu'à la Turquie, en passant par la Libye et même par les banlieues françaises, les volontaires pour le djihad arrivent en renfort, pour combattre les « mécréants » et, au besoin, mourir pour la sainte cause du Prophète.
Le régime n'est pas au bout du rouleau
Face à ces excités, peut-être bien renseignés par l'Otan, mais mal commandés sur le terrain, les pertes de l'armée sont faibles mais encore trop nombreuses, car, dans le camp loyaliste, la réserve n'est pas inépuisable. Le régime emploie cependant des milliers de mercenaires du hezbollah libanais en plus de centaines de gardiens de la révolution iranienne déjà venus prêter main-forte.
En dépit de ces renforts, la plupart des observateurs sont convaincus que le régime d'Assad finira sous peu par tomber, ce qui est douteux. Si l'on prend comme exemple le plus proche la guerre en Algérie opposant le pouvoir en place au FIS/GIA, qui a fait 150000 morts en 13 ans pour une population de 35 millions d'habitants, on se demande combien de morts fera celle de Syrie pour une population de 23 millions, avec un apport de djihadistes étrangers beaucoup plus important qu'en Algérie et de nombreux combats urbains, qui étaient chose rare en Algérie...
Dans cette guerre civile asymétrique : aviation, chars et artillerie d'un côté (mais peu d'infanterie), armes légères, masses inépuisables d'insurgés paysans et de volontaires fanatiques de l'autre, la victoire sera au plus endurant. Pour les insurgés ce n'est pas gagné. Assad peut mener une guerre d'usure et tenir encore des mois, voire plusieurs années, tant que son armée ne se désagrège pas.
Henri Malfilatre monde & vie 10 novembre 2012Lien permanent Catégories : actualité, géopolitique, insécurité, international, lobby, magouille et compagnie 0 commentaire -
Benoît XVI et la christianophobie » musulmane
l y a un peu plus de cinq ans, peu de mois après l'élection de Benoît XVI, Michel De Jaeghere publiait une Enquête sur la Christianophobie (Renaissance Catholique) pour mettre en lumière un des faits majeurs de notre temps : malgré la tolérance grandissante dont a fait preuve l'Église en bien des domaines, malgré la liberté des consciences en matière religieuse qu'elle a définie au concile Vatican II, l'anticléricalisme n'a pas disparu. Ou plutôt, selon la formule du cardinal Bille, alors primat des Gaules, lors de la conférence des évêques de France à Lourdes, en novembre 2000, se développe « une sorte d'antichristianisme contre lequel l'évocation de ce que notre civilisation peut devoir au christianisme s'avère peu opératoire ».
Michel De Jaeghere appelait « christianophobie » le phénomène qu'il décrivait avec brio : « une contestation, une haine du catholicisme, de sa doctrine, de son histoire, de ses fidèles ».
Pour la première fois, Benoît XVI a repris ce terme de « christianophobie ». C'était le 20 décembre, dans le traditionnel discours de fin d'année à la Curie romaine. Il employait le mot en référence au sort des chrétiens au Moyen-Orient, « Nous sommes témoins avec épouvante, disait le Pape, d'actes de violence dans lesquels ce qui est sacré pour l'autre ne se respecte plus, dans lesquels même les règles les plus élémentaires de l'humanité s'écroulent. Dans la situation actuelle, les chrétiens sont la minorité la plus opprimée et tourmentée. »
Il y avait eu, quelques mois auparavant, le 31 octobre, l'attentat contre la cathédrale syriaque de Bagdad qui avait tué 46 fidèles ; le plus meurtrier d'autres attentats et assassinats qui ont visé les chrétiens en Irak. Depuis le discours du Pape, il y a eu encore, le 1er janvier 2011, l'attentat contre une des églises coptes d'Alexandrie qui a fait 21 victimes. Et l'on n'évoquera pas la longue liste des pays, tous musulmans, du Maroc au Pakistan, où les chrétiens sont persécutés à des degrés divers : punition pour les convertis, expulsion des missionnaires, ou exécutions légales, assassinats et attentats.
Tariq Ramadan, un des idéologues de l'islamisation de l'Europe, estime que « la peur de l'Islam s'est installée en Occident, à cause de la nouvelle visibilité des musulmans », et que, dans les attentats anti-chrétiens, « l'Islam n'est pas le problème ». Il met en cause « des groupes extrémistes violents ».
Appel aux responsables politiques et religieux
Evidemment, Tariq Ramadan fait une analyse mensongèrement irénique de la situation. On n'assimilera certes pas les pays musulmans qui votent des lois anti-chrétiennes (loi contre le prosélytisme au Maroc et en Algérie, loi anti-blasphème au Pakistan, etc.) aux actions terroristes menées par des groupes indépendants des États. Mais il y a bien une orientation générale de l'Islam qui est hostile aux chrétiens. Dans le meilleur des cas, les autorités des pays concernés cherchent à restreindre le plus possible l'influence et l'apostolat des chrétiens. Ailleurs, c'est l'interdiction, la punition ou l'impunité laissée aux plus violents, aux plus « extrémistes ».
Le vaticaniste Sandro Magister, faisant référence au célèbre Discours de Ratisbonne en 2006, relevais il y a peu, combien « la proposition "raisonnable" du pape aux musulmans continue à ne pas être entendue ». Il estimait aussi que « l'actuelle "stratégie de violences" antichrétienne est la preuve que le monde musulman est dramatiquement éloigné de cette révolution des Lumières souhaitée par le pape Benoît XVI ».
Benoît XVI n'est pas dans une posture naïve face à l'Islam. Dans son discours du 20 décembre dernier, il n'attribue pas la « christianophobie » musulmane à des groupes extrémistes. Il voit bien que c'est, selon les cas, une politique étatique et/ou religieuse. En conséquence, espérant contre toute espérance, il lance, dit-il, « un cri fort adressé à toutes les personnes qui ont une responsabilité politique ou religieuse pour qu'ils arrêtent la christianophobie ; pour qu'ils se lèvent pour défendre les réfugiés et ceux qui souffrent et revitaliser l'esprit de la réconciliation ».
Yves Chiron Présent du15 janvier 2011Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, insécurité, lobby, religion 0 commentaire -
L’implication de l’OTAN dans le conflit syrien est évidente
Le déploiement de missiles sol-air Patriot-II MIM-104 PAC-3 à la frontière turco-syrienne témoigne du début de l’implication de l’OTAN dans le conflit syrien, comme l’a indiqué vendredi Alexandre Grouchko, délégué permanent russe auprès de l’Alliance.
« Ce déploiement est un premier pas qui montre que l’OTAN s’implique finalement dans le conflit, et il n’est pas à exclure que cette implication s’accentue, suite à un incident ou une provocation quelconque », a déclaré le diplomate lors d’un duplex Moscou-Bruxelles organisé par RIA Novosti.
Membre de l’OTAN, la Turquie a officiellement demandé à l’Alliance le 21 novembre dernier de lui fournir des missiles sol-air Patriot pour protéger sa frontière de 900 km avec la Syrie. La décision de déployer des Patriot-II à la frontière turco-syrienne a, de fait, été adoptée le 4 décembre par le Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance. Conformément à cette décision, deux batteries de Patriot-II seront fournies à la Turquie par l’Allemagne, et la troisième par les Pays-Bas.
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Afghanistan : comme un arrière-goût de Vietnam (arch 2011)
Ils doivent être quelques dizaines de milliers d'anciens combattants jadis rapatriés de Saigon dans les fourgons de l'amertume à trouver que l' "afghanisation" de la guerre, dont on nous chante maintenant les louanges, ressemble de plus en plus à la "vietnamisation" du conflit qu'ils ont connue voici une quarantaine d'années - les rizières en moins, les montagnes en plus. Même cynisme de la Maison Blanche, même gesticulations politiciennes, même soumission des galonnés. Et nous devons être encore quelques poignées dans les salles de rédaction, aux États-Unis, en France ou ailleurs, à nous souvenir plus que jamais de ces terribles années de repli psychologique, sentimental, militaire qui se frayèrent un chemin à travers l'abandon d'une mission, des négociations bâclées, un retour de vaincus jusqu'à l'oubli des braves et la paix des cimetières. Curieux comme de loin toutes les guerres se ressemblent : sans doute cette féroce odeur de cendre qui recouvre tout, qui pénètre partout, qui est la même sur toutes les terres remuées avec leurs fantômes sortis du même moule. Bien sûr, Obama n'est pas Nixon. Le rustique tribalisme de la société afghane se trouve à l'opposé du subtil cloisonnement des classes vietnamiennes ; le président Karzai n'a rien de commun avec le président Thieu ; aucun trait ne pourrait rapprocher les gueux traîneurs de Kalachnikov dans d'impériaux défilés rocheux et les souples maraudeurs asiates des mystérieuses plaines inondées ; enfin, qui oserait mettre en parallèle les Talibans et le Viêt-Cong ? D'ailleurs, l'essentiel n'est pas là. Si toutes les guerres ne se ressemblent que de loin, de près, certaines, étrangement, se rejoignent. Depuis quelques jours, le spectre du Vietnam recouvre l'Afghanistan.
Il est vrai qu'Obama se surprend à rejoindre Nixon lorsque celui-ci, aux tout premiers mois de 1970, décida de retirer de l'embrasement vietnamien les grandes et lourdes unités que le Pentagone avait mises en place au cours du dernier tiers des années soixante. Il s'agissait à l'époque de centaines de milliers de soldats dotés d'un matériel considérable sur lesquels s'était brisée l'offensive nordiste du Têt en 1968. Appuyé par ses conseillers, Nixon estima alors que son allié local contre l'expansionnisme communiste avait réalisé suffisamment de progrès dans beaucoup de domaines (entraînement, tactique, équipement) pour autoriser, sans trop de risques apparents, la puissance protectrice à lui passer le relais des opérations. Et ainsi permettre aux États-Unis de relâcher leur pression sur l'ennemi commun avant de décrocher. Décision capitale qui reposait sur trois éléments : l'analyse lucide des événements qui concluait qu'un conflit de ce type serait interminable, donc ingérable sur le long terme pour Washington ; la certitude que la victoire militaire autant qu'idéologique d'Hanoi n'irait pas au-delà de la réunification du pays et donc n'entraînerait pas la chute d'autres "dominos". La convergence de ces deux éléments devait forcément aboutir à un troisième qui en était comme la traduction factuelle : la remise de l'outil guerrier entre les mains des autochtones chargés ainsi de défendre leur terre, s'imposait comme la solution la plus logique, la plus populaire et la plus élégante. Mais, au moment où cette décision tomba comme un couperet, les voix officielles se gardèrent bien d'ajouter que la solution retenue était également la plus impraticable.
Les calculs entourant la "vietnamisation" de la guerre eurent leur part d'hypocrisie comme ceux qui entourent maintenant l'"afghanisation" des escarmouches cernées d'un côté par les plaines arides de l'Iran, de l'autre par les ravins lunaires du Pakistan. La passation de pouvoir entre deux armées ne se résume pas à une cérémonie ultra-médiatisée avec échange de drapeaux et roulement de tambours. Il y a bien autre chose dans cette passation : un univers qui bascule, des cartes redistribuées, un nouveau visage de l'affrontement. Mais ce que l'image n'arrivera jamais à restituer dans ce genre de gesticulation festive, c'est le supplément de mensonge qui s'y loge. Nixon savait très bien que les Vietnamiens laissés seuls n'auraient ni le métier, ni la volonté, ni l'obstination de contenir les poussées de leurs envahisseurs. Obama réalise que les Afghans, privés bientôt de 33 000 soldats américains, ne seront pas prêts à assurer la relève pour les trois mêmes raisons qui handicapèrent leurs lointains prédécesseurs. Dans cette double tragédie, personne en haut lieu ne fut dupe, ou n'est dupe, de sa propre tactique adaptée aux circonstances. Le retrait était à ce prix ; il l'est toujours. On le savait dans le Washington de 1970 ; on le sait dans celui de 2011. Même bagarre politicienne, même manipulation des faits, même flatterie de l'opinion. (cf. Présent du 2 juillet) Et puis la capacité d'une armée encore dans les limbes de résister à un ennemi ouvre des débats infinis. La glose triomphe là où le flou persiste. Personne ne dispose des vraies réponses aux vraies questions parce que les scénarios-vérité ne peuvent être mis en place. Cette immense plage inconnue fut la précieuse marge de manœuvre de Nixon. Elle est désormais celle d'Obama.
À qui l'incertain locataire de la Maison-Blanche devait-il "vendre" son calendrier de repli ? Pas à l'immense masse des Américains, dont l'ignorance chronique des subtilités de la géostratégie se satisfait de sondages périodiques dans lesquels elle se donne l'illusion d'un jugement et l'occasion d'une résistance. Pour ces électeurs, la lassitude l'emporte : précieux ingrédient qu'il faudra exploiter à fond au bon moment. À qui d'autre Obama devait-il "vendre" son retour aux chaumières ? Pas aux membres des institutions politiques dont la soumission aux méandreux courants du conformisme tient lieu de doctrine parfais à peine écorchée par d'imprévisibles sursauts d'opportunisme. Pour ces fidèles du système, une sortie de bourbier peut valoir 50 000 voix : atout inespéré qu'il convient d'utiliser comme tir de barrage. Qui restait-il à convaincre ? Devant quel public Obama allait-il devoir se montrer persuasif ? La société militaire. Ce fut un échec. La preuve par le général David Petraeus. Quatre étoiles, quinze rangées de décorations, une servilité pleine d'affectation, pimentée quand il le faut d'une raideur mondaine, le patron des 150 000 soldats multinationaux expédiés en Afghanistan s'est carrément opposé à l'initiative présidentielle. Devant le sénat, il a martelé : c'est trop d'hommes retirés à une période critique, trop de handicaps accumulés pour des gains incertains - c'est une politique aventuriste qui cadre mal avec les réalités du terrain. Jamais la déception contenue de Petraeus n'avait à ce point dépassé les bornes. Pas d'éclat mais une froide fermeté. Le New York Times n'en est pas encore revenu.
Lorsqu'Obama entama fin mai avec ses plus proches conseillers les conciliabules qui allaient générer ce revirement tactique, il demanda, bien sûr, son avis à Petraeus, mais en spécifiant que cette démarche n'était que consultative. Le général consentit à un reflux de ses troupes et le préconisa à un niveau qui se situait au tiers à peine de celui imposé maintenant par la Maison Blanche. Ce fut pour lui une sorte de camouflet et pour éviter toute fâcheuse bavure, Obama lui offrit immédiatement de quitter son poste pour prendre la direction de la CIA. Étonnant changement de trajectoire qui place Petraeus dans une situation inconfortable parce que scellée par un paradoxe. Voilà un bon théoricien de la guerre subversive - il l'a prouvé en Irak - et un défenseur de ses exigences stratégiques, qui articula tous ses efforts dans les vallées afghanes sur un quadrillage minutieux et systématique des zones infestées par les Talibans. Or, un quadrillage à l'échelle de quatre régions dans un pays qui n'est pas le Luxembourg implique la présence d'unités se comptant en divisions et non en régiments. Petraeus eut un cruel besoin des 30 000 soldats envoyés en renfort par Obama il y a dix-huit mois. Bientôt, son successeur les verra partir. Mais ce vide, par un curieux ricochet, affectera également Petraeus dans ses nouvelles fonctions. À la tête de la CIA, il ne dirigera plus, certes, comme naguère, des bêtes de guerre chargées d'empêcher tout contact entre l'ennemi et la population, mais des spécialistes du renseignement focalisés sur le démantèlement de l'appareil subversif. Cependant, les deux objectifs se rejoignent et chacun réclame beaucoup d'hommes sur un terrain où déjà soldats et espions se confondent. Petraeus sait que ces hommes, il ne les aura pas plus à la CIA qu'il ne les aurait eus dans l'armée. Le chantre du quadrillage massif butera sur le même problème, qui l'a finalement rattrapé.
Christian Daisug Présent du 9 juillet 2011 -
Réponse à la gauche anti-anti-guerre
Tribune libreDepuis les années 1990 et en particulier depuis la guerre du Kosovo en 1999, les adversaires des interventions occidentales et de l’OTAN ont dû faire face à ce qu’on pourrait appeler une gauche (et une extrême-gauche) anti-anti-guerre, qui regroupe la social-démocratie, les Verts, et le plus gros de la gauche « radicale » (le Nouveau Parti Anticapitaliste (1), divers groupes antifascistes etc.) (2). Celle-ci ne se déclare pas ouvertement en faveur des interventions militaires occidentales et est parfois critique de celles-ci (en général, uniquement par rapport aux tactiques suivies et aux intentions, pétrolières ou géo-stratégiques, attribuées aux puissances occidentales), mais elle dépense le plus gros de son énergie à « mettre en garde » contre les dérives supposées de la partie de la gauche qui reste fermement opposée à ces interventions.
Elle nous appelle à soutenir les « victimes » contre les « bourreaux », à être « solidaires des peuples contre les tyrans », à ne pas céder à un « anti-impérialisme », un « anti-américanisme », ou un « anti-sionisme » simplistes, et, surtout, à ne pas s’allier à l’extrême-droite. Après les Albano-Kosovars en 1999 on a eu droit aux femmes afghanes, aux Kurdes irakiens, et plus récemment aux peuples libyen et syrien, que « nous » devons protéger.
On ne peut pas nier que la gauche anti-anti-guerre ait été extrêmement efficace. La guerre en Irak, qui était présentée sous forme d’une lutte contre une menace imaginaire, a bien suscité une opposition passagère, mais il n’y a eu qu’une très faible opposition à gauche aux interventions présentées comme « humanitaires », telles que celle du Kosovo, le bombardement de la Libye, ou l’ingérence en Syrie aujourd’hui. Toute réflexion sur la paix ou l’impérialisme a simplement été balayée devant l’invocation du « droit d’ingérence », de la « responsabilité de protéger », ou du « devoir d’assistance à peuple en danger ».
Une extrême-gauche nostalgique des révolutions et des luttes de libération nationale tend à analyser tout conflit à l’intérieur d’un pays donné comme une agression d’un dictateur contre son peuple opprimé aspirant à la démocratie. L’interprétation, commune à la gauche et à la droite, de la victoire de l’Occident dans la lutte contre le communisme, a eu un effet semblable.
L’ambiguité fondamentale du discours de la gauche anti-anti-guerre porte sur la question de savoir qui est le « nous » qui doit protéger, intervenir etc. S’il s’agit de la gauche occidentale, des mouvements sociaux ou des organisations de défense des droits de l’homme, on doit leur poser la question que posait Staline à propos du Vatican : « combien de divisions avez-vous ? » En effet, tous les conflits dans lesquels « nous » sommes supposés intervenir sont des conflits armés. Intervenir signifie intervenir militairement et pour cela, il faut avoir les moyens militaires de le faire. Manifestement, la gauche européenne n’a pas ces moyens. Elle pourrait faire appel aux armées européennes pour qu’elles interviennent, au lieu de celles des Etats-Unis ; mais celles-ci ne l’ont jamais fait sans un appui massif des Etats-Unis, ce qui fait que le message réel de la gauche anti-anti-guerre est : « Messieurs les Américains, faites la guerre, pas l’amour ! ». Mieux : comme, après leur débâcle en Afghanistan et en Irak, les Américains ne vont plus se risquer à envoyer des troupes au sol, on demande à l’US Air Force, et à elle seule, d’aller bombarder les pays violateurs des droits de l’homme.
On peut évidemment soutenir que l’avenir des droits de l’homme doit être confié aux bons soins et à la bonne volonté du gouvernement américain, de ses bombardiers et de ses drones. Mais il est important de comprendre que c’est cela que signifient concrètement tous les appels à la « solidarité » et au « soutien » aux mouvements sécessionnistes ou rebelles engagés dans des luttes armées. En effet, ces mouvements n’ont nul besoin de slogans criés dans des « manifestations de solidarité » à Bruxelles ou Paris, et ce n’est pas cela qu’ils demandent. Ils veulent des armes lourdes et le bombardement de leurs ennemis et, cela, seuls les Etats-Unis peuvent le leur fournir.
La gauche anti-anti-guerre devrait, si elle était honnête, assumer ce choix, et appeler ouvertement les Etats-Unis à bombarder là où les droits de l’homme sont violés ; mais elle devrait alors assumer ce choix jusqu’au bout. En effet, c’est la même classe politique et militaire qui est supposée sauver les populations « victimes de leur tyrans » et qui a fait la guerre du Vietnam, l’embargo et les guerres contre l’Irak, qui impose des sanctions arbitraires contre Cuba, l’Iran et tous les pays qui leur déplaisent, qui soutient à bout de bras Israël, qui s’oppose par tous les moyens, y compris les coups d’état, à tous les réformateurs en Amérique Latine, d’Arbenz à Chavez en passant par Allende, Goulart et d’autres, et qui exploite de façon éhontée les ressources et les travailleurs un peu partout dans le monde. Il faut beaucoup de bonne volonté pour voir dans cette classe politique et militaire l’instrument du salut des « victimes », mais c’est, en pratique, ce que la gauche anti-anti-guerre prône, parce que, étant donné les rapports de force dans le monde, il n’existe aucune autre instance capable d’imposer sa volonté par des moyens militaires.
Evidemment, le gouvernement américain sait à peine que la gauche anti-anti-guerre européenne existe ; les Etats-Unis décident de faire ou non la guerre en fonction de ses chances de succès, de leurs intérêts, de l’opposition interne et externe à celle-ci etc. Et, une fois la guerre déclenchée, ils veulent la gagner par tous les moyens. Cela n’a aucun sens de leur demander de ne faire que de bonnes interventions, seulement contre les vrais méchants, et avec des gentils moyens qui épargnent les civils et les innocents.
Ceux qui ont appelé l’OTAN à « maintenir les progrès pour les femmes afghanes », comme Amnesty International (USA) l’a fait lors du meeting de l’OTAN à Chicago (3), appellent de fait les EU à intervenir militairement et, entre autres, à bombarder des civils afghans et à envoyer des drones sur le Pakistan. Cela n’a aucun sens de leur demander de protéger et pas de bombarder, parce que c’est ainsi que les armées fonctionnent.
Un des thèmes favoris de la gauche anti-anti-guerre est d’appeler les opposants aux guerres à ne pas « soutenir le tyran », en tout cas pas celui dont le pays est attaqué. Le problème est que toute guerre nécessite un effort massif de propagande ; et que celle-ci repose sur la diabolisation de l’ennemi et, surtout, de son dirigeant. Pour s’opposer efficacement à cette propagande, il faut nécessairement dénoncer les mensonges de la propagande, contextualiser les crimes de l’ennemi, et les comparer à ceux de notre propre camp. Cette tâche est nécessaire mais ingrate et risquée : on vous reprochera éternellement la moindre erreur, alors que tous les mensonges de la propagande de guerre sont oubliés une fois les opérations terminées.
Bertrand Russell et les pacifistes britanniques étaient déjà, lors de la première Guerre mondiale, accusés de « soutenir l’ennemi » ; mais, s’ils démontaient la propagande des alliés, ce n’était pas par amour du Kaiser, mais par attachement à la paix. La gauche anti-anti-guerre adore dénoncer « les deux poids deux mesures » des pacifistes cohérents qui critiquent les crimes de leur propre camp mais contextualisent ou réfutent ceux qui sont attribués à l’ennemi du moment (Milosevic, Kadhafi, Assad etc.), mais ces « deux poids deux mesures » ne sont jamais que la conséquence d’un choix délibéré et légitime : contrer la propagande de guerre là où l’on se trouve (c’est-à-dire en Occident), propagande qui elle-même repose sur une diabolisation constante de l’ennemi attaqué ainsi que sur une idéalisation de ceux qui l’attaquent.
La gauche anti-anti-guerre n’a aucune influence sur la politique américaine, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas d’effets. D’une part, sa rhétorique insidieuse a permis de neutraliser tout mouvement pacifiste ou anti-guerre, mais elle a aussi rendu impossible toute position indépendante d’un pays européen, comme ce fut le cas pour la France sous De Gaulle, et même, dans une moindre mesure, sous Chirac, ou pour la Suède d’Olof Palme. Aujourd’hui, une telle position serait immédiatement attaquée par la gauche anti-anti-guerre, qui possède une caisse de résonance médiatique considérable, comme un « soutien au tyran », une politique « munichoise », coupable du « crime d’indifférence ».
Ce que la gauche anti-anti-guerre a accompli, c’est de détruire la souveraineté des Européens face aux Etats-Unis et d’éliminer toute position de gauche indépendante face aux guerres et à l’impérialisme. Elle a aussi mené la majorité de la gauche européenne à adopter des positions en totale contradiction avec celles de la gauche latino-américaine et à s’ériger en adversaires de pays comme la Chine ou la Russie qui cherchent à défendre le droit international (et ont parfaitement raison de le faire).
Un aspect bizarre de la gauche anti-anti-guerre c’est qu’elle est la première à dénoncer les révolutions du passé comme ayant mené au totalitarisme (Staline, Mao, Pol Pot etc.) et qu’elle nous met sans cesse en garde contre la répétition des « erreurs » du soutien aux dictateurs faite par la gauche de l’époque. Mais maintenant que la révolution est menée par des islamistes nous sommes supposés croire que tout va aller bien et applaudir. Et si la « leçon à tirer du passé » était que les révolutions violentes, la militarisation et les ingérences étrangères n’étaient pas la seule ou la meilleure façon de réaliser des changements sociaux ?
On nous répond parfois qu’il faut agir « dans l’urgence » (pour sauver les victimes). Même si on admettait ce point de vue, le fait est qu’après chaque crise, aucune réflexion n’est menée à gauche sur ce que pourrait être une politique autre que l’appui aux interventions militaires. Une telle politique devrait opérer un virage à 180° par rapport à celle qui est prônée actuellement par la gauche anti-anti-guerre. Au lieu de demander plus d’interventions, nous devrions exiger de nos gouvernements le strict respect du droit international, la non ingérence dans les affaires intérieures des autres états et le remplacement des confrontations par la coopération. La non ingérence n’est pas seulement la non intervention sur le plan militaire, mais aussi sur les plans diplomatique et économique : pas de sanctions unilatérales, pas de menaces lors de négociations et le traitement de tous les états sur un pied d’égalité. Au lieu de « dénoncer » sans arrêt les méchants dirigeants de pays comme la Russie, la Chine, l’Iran, Cuba, au nom des droits de l’homme, ce que la gauche anti-anti-guerre adore faire, nous devrions les écouter, dialoguer avec eux, et faire comprendre leurs points de vue politiques à nos concitoyens.
Evidemment, une telle politique ne résoudrait pas les problèmes des droits de l’homme, en Syrie, ou Libye ou ailleurs. Mais qu’est-ce qui les résout ? La politique d’ingérence augmente les tensions et la militarisation dans le monde. Les pays qui se sentent visés par cette politique, et ils sont nombreux, se défendent comme ils peuvent ; les campagnes de diabolisation empêchent les relations pacifiques entre états, les échanges culturels entre leurs citoyens et, indirectement, le développement des idées libérales que les partisans de l’ingérence prétendent promouvoir. A partir du moment où la gauche anti-anti-guerre a abandonné tout programme alternatif face à cette politique, elle a de fait renoncé à avoir la moindre influence sur les affaires du monde. Il n’est pas vrai qu’elle « aide les victimes » comme elle le prétend. A part détruire toute résistance ici à l’impérialisme et à la guerre, elle ne fait rien, les seuls qui agissent réellement étant, en fin de compte, les gouvernements américains. Leur confier le bien-être des peuples est une attitude de désespoir absolu.
Cette attitude est un aspect de la façon dont la majorité de la gauche a réagi à la « chute du communisme », en soutenant l’exact contrepied des politiques suivies par les communistes, en particulier dans les affaires internationales, où toute opposition à l’impérialisme et toute défense de la souveraineté nationale est vue à gauche comme une forme d’archéo-stalinisme.
La politique d’ingérence, comme d’ailleurs la construction européenne, autre attaque majeure contre la souveraineté nationale, sont deux politiques de droite, l’une appuyant les tentatives américaines d’hégémonie, l’autre le néo-libéralisme et la destruction des droits sociaux, qui ont été justifiées en grande partie par des discours « de gauche » : les droits de l’homme, l’internationalisme, l’antiracisme et l’anti-nationalisme. Dans les deux cas, une gauche désorientée par la fin du communisme a cherché une bouée de secours dans un discours « humanitaire » et « généreux », auquel manquait totalement une analyse réaliste des rapports de force dans le monde. Avec une gauche pareille, la droite n’a presque plus besoin d’idéologie, celle des droits de l’homme lui suffit.
Néanmoins, ces deux politiques, l’ingérence et la construction européenne, se trouvent aujourd’hui dans une impasse : l’impérialisme américain fait face à des difficultés énormes, à la fois sur le plan économique et diplomatique ; la politique d’ingérence a réussi à unir une bonne partie du monde contre elle. Presque plus personne ne croit à une autre Europe, à une Europe sociale, et l’Europe réellement existante, néo-libérale (la seule possible) ne suscite pas beaucoup d’enthousiasme parmi les travailleurs. Bien sûr, ces échecs profitent à la droite et à l’extrême-droite, mais cela uniquement parce que le plus gros de la gauche a abandonné la défense de la paix, du droit international et de la souveraineté nationale, comme condition de possibilité de la démocratie.Jean Bricmont http://www.voxnr.comnotes : version française du texte publié sur Counterpunch http://www.counterpunch.org/2012/12/04/beware-the-anti-anti-...
(1) Sur cette organisation, voir Ahmed Halfaoui, Colonialiste d’« extrême gauche » ? Voir http://www.legrandsoir.info/colonialiste-d-extreme-gauche.ht....
(2) Par exemple, en février 2011, un tract distribué à Toulouse demandait, à propos de la Libye et des menaces de “génocide” de la part de Kadhafi : “Où est l’Europe ? Où est la France ? Où est l’Amérique ? Où sont les ONG ? » et : « Est-ce que la valeur du pétrole et de l’uranium est plus importante que le peuple libyen ? ». C’est-à-dire que les auteurs du tract, signé entre autres par Alternative Libertaire, Europe Écologie-Les Verts, Gauche Unitaire, LDH, Lutte Ouvrière, Mouvement de la Paix (Comité 31), MRAP, NPA31, OCML-Voie Prolétarienne Toulouse, PCF31, Parti Communiste Tunisien, Parti de Gauche31, reprochaient aux Occidentaux de ne pas intervenir, en raison d’intérêts économiques. On se demande ce qu’ont du penser ces auteurs lorsque le CNT libyen a promis de vendre 35% du pétrole libyen à la France (et cela, indépendamment du fait que cette promesse soit ou non tenue ou que le pétrole soit ou non la cause de la guerre).
(3) Voir par exemple : Jodie Evans, Why I Had to Challenge Amnesty International-USA’s Claim That NATO’s Presence Benefits Afghan Women. http://www.alternet.org/story/156303/why_i_had_to_challenge_... ;s_claim_that_nato’s_presence_benefits_afghan_women. -
Abbottabad ou la fable de la mort de Ben Laden
Le 2 mai 2011, l'intervention d'un commando des forces spéciales des Navy Seals aurait provoqué la mort d'Oussama Ben Laden. Le dirigeant d'Al-Qaïda aurait passé plusieurs années dans une villa fortifiée d'Abbottabad, dans le nord du Pakistan. Néanmoins, l'observation de ce bastion militaire, montre plusieurs faits permettant de douter de la réelle exécution du terroriste le plus recherché au monde : avec la bienveillance des militaires et des services secrets, les Islamistes y développaient leurs activités.
Abbottabad conduit sur les traces d'Al-Qaïda. De la maison où le gouvernement américain affirme qu'Oussama Ben Laden a été tué, un chemin permet d'atteindre l'est de la ville. À proximité du bazar, des grilles métalliques protègent une villa où habite Abdoul Hamid Sohail. Ce directeur d'une compagnie d'assurances à la retraite portant des sarouels blancs et des chemises au col droit, ne ressemble pas à un terroriste. Pourtant, il hébergeait Umar Patek, membre du groupe terroriste indonésien proche d'Al-Qaïda Jamaah Islamiyah. Ce terroriste faisait l'objet d'un avis de recherche avec une prime d'un million de dollars. Instigateur présumé des attentats à la bombe de Bali qui se sont produits en octobre 2002, il était il y a quelques mois l'hôte de Sohail. Le 25 janvier 2011, l'Indonésien a été arrêté à Abbottabad, tandis que dés faux rapports annonçaient qu'il avait été tué le 14 septembre 2006 dans la province de Sulu, aux Philippines. Sohail dit que son fils « avait ramené un hôte étrange qui ne comprenait ni l'anglais ni l'ourdou et qu'il avait besoin d'une charité musulmane ». Ainsi, au nom de là charité, Sohail abritait le vice-commandeur de la mouvance Al-Qaïda pour le sud-est asiatique et habitait à trois kilomètres de L'abri où Ben Laden a été débusqué. Tant de hasards fortuits laissent penser que la traque de Ben Laden est bien un mensonge et qu'il fut protégé pendant plusieurs années par les mêmes qui prétendent l'avoir supprimé.
ABBOTTABAD, REFUGE DE CHEFS TERRORISTES
Située aux pieds de l'Himalaya, la ville d'Abbottabad recense 150 000 habitants. Dotée d'une académie militaire et d'écoles prestigieuses, elle avait depuis longtemps la réputation d'un havre de paix jusqu'à ce que le 2 mai des unités spéciales américaines découvrirent la piste de Ben Laden. La réaction des islamistes survint onze jours plus tard. Deux attentats suicides explosèrent le 13 mai dans le nord-ouest du Pakistan à Shabqadar, tuant au moins quatre-vingts personnes qui appartenaient pour l'essentiel à l'école de police. Par cette attaque les talibans pakistanais entendaient se venger de la mort de Ben Laden. L'armée du Pakistan soutenue par l'aide américaine tient à Abbottabad son fleuron. Et c'est précisément cette ville qui à présent connait une vive poussée de violence. Ben Laden se serait réfugié dans ce lieu extrêmement sécurisé ! De plus, le très puissant service secret pakistanais, l'ISI (Inter-Services Intelligence), ignorait qu'Abbottabad était le refuge de chefs terroristes. Ce qui est impensable. Durant les neuf jours où Patek fut son hôte, Sohail dit qu'il a bien peu appris des plans du terroriste indonésien. Le fils de Sohail a été emprisonné à cause des soupçons de complicité. L'homme qui les aurait trahis, réside dans une maison, cinq mètres plus loin. Son nom est Tahir Shehzad. Ce délateur était un jeune homme barbu qui ne redoutait de se rendre au bureau de la poste principale d'Abbottabad pour prendre des paquets et verser de l'argent. Il était « un Djiahdiste pur et dur », attestent les habitants de la ville. Depuis août 2010, Shehzad a été pris en filature par les services secrets. Il a été arrêté le 23 janvier 2011 à Lahore. Deux jours plus tard, la police en savait déjà suffisamment pour arrêter Patek qui aurait fourni des renseignements décisifs sur la cache de Ben Laden. Au bout de toutes ces révélations, Ben Laden n'était qu'une simple cible à atteindre. Incroyable !
Abbottabad était la demeure d'Al-Qaïda. Cette affirmation se trouve renforcée par la piste Abou Faradch al-Libi. Arrêté en mai 2005, il était responsable d'Al-Qaïda au Pakistan et successeur de Chalid Cheihk Mohammed à qui l'on prête l'organisation des attentats du 11-Septembre. Libi aurait envoyé sa famille à Abbottabad dès 2003. D'ailleurs, dans sa biographie, l'ancien président pakistanais Pervez Musharraf écrit en 2006 que Libi a utilisé trois maisons d'appui à Abbottabad. Jusqu'alors, l'ISI n'avait jamais vérifié ces renseignements (1). Il n'est pas étonnant que la majorité de la population tienne la version officielle sur la cache de Ben Laden à Abbottabad comme un énorme bobard américain menant à mal la réputation de l'armée du Pakistan et de l'ISI. Car il demeure peu crédible qu'une puissance nucléaire comme le Pakistan n'ait pas su que sur son sol un commando américain menait une action contre le plus grand des terroristes.L'IGNORANCE SUSPECTE DE L'ISI
Abbottabad, où des généraux et des guerriers de Dieu vivent ensemble comme nulle part ailleurs, est devenue le reflet des états d'âme du Pakistan. L'armée, pour sa part, fierté de la nation pakistanaise, a perdu dans cette affaire toute son aura. Depuis la troisième guerre indo-pakistanaise de 1971 qui a abouti à l'indépendance du Pakistan oriental sous le nom de Bangladesh, l'armée du Pakistan aspire toujours à déséquilibrer le puissant voisin indien par le biais des revendications des groupes islamistes terroristes du Cachemire. Ce travail de sape était l'œuvre des services secrets de l'ISI qui en revanche ne savaient rien des activités et des personnalités d'Abbottabad qui se déplaçaient sous les yeux de l'armée et des services secrets. « J'ai honte d'avoir été dans une administration qui avait quelque chose à se reprocher », confie le général Asad Munir, qui occupait un poste élevé à l'ISI et était un ancien responsable de la lutte contre le terrorisme le long de la frontière afghane. Il souligne : « En mon temps nous menions toutes les actions avec la CIA. Nous connaissions le terrain, ils avaient la technologie. Je peux à peine croire que nos forces ne savaient rien de la mission contre Ben Laden ».
« Nous avons combattu pendant dix ans aux côtés des Américains contre la terreur et les Oussama Ben Laden, ensuite le butin est là, et qu'est ce que nous en avons ? Rien, seulement des critiques et des moqueries », explique un politicien d'Abbottabad Raja Kamra Khan, dont la maison se trouvait aussi à proximité de la cache de Ben Laden. Il ajoute : « Ben Laden, ici, personne ne pouvait imaginer sa présence. Personne ne croit que le chef d'une organisation terroriste mondiale soit parvenu à échapper à la curiosité et à la vigilance de ses voisins ». Le gouvernement d'Islamabad fait preuve de peu de clarté. Il ne veut pas être tenu pour responsable de la mort d'un homme considéré dans le pays comme le porte-drapeau de l'Islam. Islamabad passerait pour un valet des Américains. La position du ministre de l'Intérieur Rehman Malik n'est guère plus confortable. Il avance que l'attaque lui a été communiquée quinze minutes après son commencement et qu'il ignorait tout du but de la mission. Ce drame se tourne donc autour de l'identité du Pakistan, sur le double-jeu opéré entre les relations avec la CIA et les liens d'un pays avec les terroristes.L'HYDRE BEN LADEN
Le général Asad Durrani, ancien chef de l'ISI, déclare : « Sous mon commandement, nous avons exécuté toutes les actions avec la CIA ». Il relate qu'autrefois pendant le Djihad contre les Soviétiques en Afghanistan, de nombreux agents de l'ISI étaient des compagnons de route très proches des actuels terroristes. Selon lui, des milliers d'Oussama Ben Laden vont arriver dans chaque village et dans chaque montagne, « parce que ses racines sont encore ici » D'après les informations américaine, Ben Laden serait retourné à Abbottabad parce qu'il souffrait d'une blessure à la jambe gauche occasionnée lors de combats à Tora Bora. Son infection aurait engendré une hépatite. À moins de cent mètres de la prétendue maison de Ben Laden, le docteur Amir Aziz était propriétaire d'une villa. Le chef d'Al-Qaïda était-il si imprudent ? Le Dr Amir Aziz fut emprisonné en 2002 car il aurait déjà prodigué des soins à Ben Laden. Des soupçons se sont également portés sur les spécialistes de l'hôpital militaire d'Abbottabad qui dans ce cas auraient pu soigner le chef d'Al-Qaïda. Pour tenter de se disculper, Mohammed Karim Khan, responsable de la police dans la circonscription d'Abbottabad, explique avec gêne : « Je visiterais seulement l'hôpital militaire si je voulais être tué. Beaucoup n'en ressortent pas vivants ». Tout cela est bien illogique.
Ainsi, nous pouvons penser que dans la ville la plus sécurisée du Pakistan, Ben Laden bénéficiait des meilleurs appuis et des plus grandes complicités. Bien entendu Washington ne pouvait ignorer cette réalité. Tous ces éléments tendent une fois de plus à démontrer que les États-Unis et ses milliardaires apatrides sont bien les vrais fondateurs d'Al-Qaïda. En outre, dans le centre d'Abbottabad, des hauts-parleurs des voitures de Jamaah Islamiyah font entendre en toute liberté les revendications contre les « plus grands terroristes au monde », les Américains, qui ont dirigé sur le territoire pakistanais des attaques mortelles avec des drones, alors que Ben Laden était encore en vie dans une des plus grandes villes pakistanaises, et de plus à seulement soixante kilomètres au nord d'Islamabad. Dans une arrière cour paisible, bien qu'il soit pessimiste sur la situation du Pakistan, le père Akram Javed Gill parle de paix. Ce prêtre a la charge de la paroisse saint-Pierre Canisius, édifiée il y a plus de cent ans. C'est le dernier des nombreux bâtiments scolaires d'Abbottabad qui n'appartient pas à l'État et est placé sous la surveillance de l'armée pakistanaise.LE PAKISTAN ET LA MENACE DU TERRORISME
Le taux d'analphabétisation dans la ville est sous la moyenne nationale. Ce résultat est dû aux écoles des missionnaires. La population doute que la fin de Ben Laden puisse être le début de temps meilleurs pour le Pakistan. Le père Gill atteste que nous ne savons pas vraiment ce qui s'est passé dans, la maison qui aurait abrité Ben Laden. En tout cas, les Chrétiens d'Abbottabad ne veulent pas payer pour la mort de Ben Laden : « C'était une ville paisible. Nous avons demandé à la police une protection renforcée ». À cause des protestations de musulmans, le prêtre avait déjà fait surélever il y a plusieurs années et disposer des sacs de sable autour du terrain de l'Église saint-Pierre Canisius et de la statue de la Sainte-Vierge. Si tout semble contredire l'action des États-Unis contre le terrorisme, la version officielle sur la mort de Ben Laden pourrait aussi embraser un Pakistan qui s'enliserait à la manière de l'Afghanistan et de l'Irak dans la violence et le terrorisme.
Laurent BLANCY. Rivarol du 27 mai 2011
(1) Der Spiegel du 16/5/11 dans Der unheimliche Nachbar (Le voisin inquiétant).Lien permanent Catégories : actualité, géopolitique, insécurité, international, lobby, magouille et compagnie 0 commentaire