Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

international - Page 1333

  • En réserve du mondialisme et du pouvoir mondial

    Un gazouillis (1)⇓ venant d'Amérique, et reçu ce matin de la part d'un lecteur de Hayek, fait observer au sujet des élections du 6 novembre : "Laissons une chance à Barack Obama, il a hérité d'une pagaille pas possible, léguée par son prédécesseur : Barack Obama".

    Ce chef d'État réélu peut encore nous surprendre. Si important qu'il puisse paraître aux yeux du reste du monde, à vrai dire, le pouvoir présidentiel des États-Unis dépend, pour son action, d'un ensemble de dispositifs institutionnels, qui le limitent et coopèrent avec lui. Même le gouvernement qu'il constitue suppose l'agrément des ministres par la représentation nationale. Une telle forme d'investiture bipartisane non écrite va à l'encontre de l'idée que nous nous faisons, en France, de la "séparation des pouvoirs". Il se trouve qu'elle fonctionne, en raison de liens civiques, philosophiques et religieux assurant la continuité et la solidité du pays et de ses classes dirigeantes.

    Pour les Européens, l'interlocuteur essentiel se trouve au Département d'État, en charge de la politique extérieure. Or, ce ministère devrait chercher un autre titulaire.

    Ses orientations dépendent largement du Sénat. Celui-ci n'a aucunement changé de couleur, contrairement aux espoirs des républicains depuis 2010. Au contraire, la majorité, qui reste démocrate, s'y est même paradoxalement renforcée, la droite dure du Tea Party ayant pénalisé dans certains États es candidats jugés trop centristes (2)⇓).

    Mais, pendant la campagne, Hillary Clinton a annoncé son intention de ne pas rester en poste. On pourrait s'en réjouir, considérant celle-ci comme la personne la plus néfaste au sein de la politique américaine, car la plus dangereuse pour l'Europe.

    Hélas, elle se sent, depuis longtemps, appelée à jouer un rôle ultérieur que l'on peut d'autant plus redouter. Il s'agirait d'un scénario la transformant, en 2016, en première femme présidente des États-Unis. Certains se souviennent de Georges Pompidou se déclarant après son éviction en 1968 "en réserve de la République", avant d'être élu en 1969. L'épouse de Bill Clinton se tiendrait quant à elle en réserve du pouvoir mondial adossé à la puissance de son pays.

    La force du système politique américain, en dehors des travers bien connus de la démocratie, tient à des mécanismes bien huilés. La réélection d'Obama se sera révélée finalement très courte. Il obtient tout juste 50 % des voix contre 48 % à son adversaire et 2 % aux quatre autres petits candidats.

    À noter donc que, depuis 2008, le président sortant a perdu 3 points, signe assez rare d'une forte déception populaire.

    Les effets arithmétiques du vote par État lui ont seuls permis une majorité artificielle par les mécanismes du scrutin. Car une courte avance dans quelques gros État comme la Californie, New York, etc. donne un bloc de grands électeurs considérable.

    Cela cependant ne doit pas nous tromper : les élections à la Chambre des représentants, assemblée beaucoup plus proche de la réalité du pays ont donné une fois encore une large majorité aux conservateurs.

    De ce fait la configuration actuelle peut se révéler idéale pour redresser la politique mondiale de Washington. Elle permettra de perpétuer une politique de poudre aux yeux à laquelle excellait Mme  Clinton car un accord bipartisan se réalise presque toujours, y compris sur les sujets sensibles et conflictuels.

    La majorité républicaine de la Chambre des représentants s'efforcera de réduire le périmètre de l'intervention de l'État. Cela renforcera, paradoxalement, le rayonnement international du président et du sénat démocrates, que la situation financière aujourd'hui désastreuse affaiblit. Ceci se concrétiserait notamment vis-à-vis de la Chine et de la nébuleuse islamo-wahhabite, c'est-à-dire des adversaires stratégiques de l'occident intervenant, en même temps, comme bailleurs de fonds des États-Unis.

    Autrefois Maurice Duverger enseignait à des générations d'étudiants et de lecteurs du "Monde" la fable de l'équivalence des républicains et des démocrates. Cette approximation s'est révélée plus fausse d'année en année, de présidence en présidence. La vague du conservatisme, courant doctrinal apparu seulement avec la fondation de "National Review" en 1953 (3)⇓, désormais en développement constant, n'a cessé d'approfondir le fossé idéologique entre les deux partis.

    Aujourd'hui en France on n'a voulu voir dans les élections de 2012 que l'affrontement de deux candidats à la direction du seul pouvoir exécutif.

    Il s'agit au bout du compte de bien autre chose : il s'agit de la lente dérive vers un pouvoir mondial à quoi coopèrent : aux États-Unis le parti démocrate ; et, dans le reste du monde, l'Internationale socialiste. Que ces deux forces s'adossent elles-mêmes à certains cercles liés à la finance accapareuse et au pétrole ne doit pas non plus être tenu pour anecdotique, encore moins pour anodin.

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr

    notes

    1. cf. sur Twitter.
    2. cf."Democrats Deliver String of Stinging Defeats" in New York Times du 6 novembre 2012.
    3. Le conservatisme américain prend alors racine dans le refus du système de Yalta et l'horreur de l'Union soviétique. La véritable naissance du conservatisme en Angleterre remonte au rejet de la Révolution française. cf. "aux sources du parti conservateur" L'Insolent du 19 septembre 2012.
  • Au Parlement européen, Barroso annonce la fin des nations (arch 2010)

    Le discours de José Manuel Barroso sur l'état de l'Union européenne sonnait le glas des souverainetés nationales. Un vœu impie ?
    Parodiant l'Amérique - et Barack Obama -, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a, pour la rentrée, tenté un discours sur l'état de l'Union devant le Parlement européen. Exercice périlleux, puisqu'on n'avait rien imaginé de mieux que de punir l'absentéisme prévisible des eurodéputés par quelque retenue sur l'indemnité sonnante et trébuchante qui ponctue indifféremment leur présence et leur absence. Devant le hourvari provoqué par cette attitude de petit pion, les élus furent finalement rendus à la possibilité de faire le Parlement buissonnier...
    Néanmoins, Barroso parla. Pour se féliciter - nul n'en pouvait douter... - de la situation. Et traça à grands traits, sinon l'avenir, du moins le devenir de l'Europe « que nous voulons ». Ce « nous » est superbe, car il désigne bien sûr les Européens. Nos responsables politiques n'ayant pas cru utile de nous demander notre avis sur le traité de Lisbonne - avis dont ils auraient d'ailleurs fait fi s'ils s'y étaient risqués -, il n'y a guère de raisons qu'ils ne nous englobent pas aujourd'hui dans leurs hasardeuses spéculations. Car c'est bien de cela qu'il s'agit... Écoutons Barroso évoquer le traitement de la crise qui secoue l'Europe : « Quand je vois, rétrospectivement, comment nous avons réagi, je pense que nous avons surmonté cette épreuve. Nous avons apporté une grande partie des solutions requises - accorder une assistance financière aux États membres confrontés à des circonstances exceptionnelles, améliorer la gouvernance économique, approfondir la régulation financière, promouvoir la croissance et l'emploi - et nous avons réussi à construire une base solide à partir de laquelle lancer la modernisation de nos économies. L'Europe a montré qu'elle avait la volonté de répondre présent. Ceux qui prédisaient la débâcle de l'Union européenne ont été démentis. Les institutions européennes et les États membres ont pris des initiatives courageuses. J'adresse à chaque Européen le message suivant : ayez la certitude que l'Europe fera le nécessaire pour assurer votre avenir. »
    Une certitude ? Fondée sur quoi ? Il y a, dans le discours du président de la Commission européenne, bien des affirmations, mais aucun fait.
    « Les perspectives économiques dans l'Union européenne sont aujourd'hui meilleures qu'il y a un an, grâce, en grande partie, à l'action déterminée que nous avons menée », poursuit-il. Mais des réformes sont nécessaires, ajoute-t-il. C'est exactement ce que dit aussi ces derniers jours le FMI, par la voix de DSK. Un FMI dont Barroso a oublié de mentionner l'apport important, en dollars bien sûr, pour le traitement de la crise...
    Il n'en annonce pas moins « l'heure de vérité pour l'Europe », qui ne serait possible que par une avancée toujours plus rapide de l'intégration européenne, qu'il s'agisse de l'économie, de la sécurité ou du défi démographique (qui sera réglé par la gestion de l'immigration légale, et non par une politique familiale).
    La France menacée de sanctions
    Sur le plan économique notamment, Barroso note avec une satisfaction non dissimulée : « Je constate aujourd'hui que les gouvernements nationaux sont prêts à accepter une surveillance plus étroite, assortie d'incitations au respect des règles, ainsi que de sanctions plus précoces. La Commission renforcera son propre rôle d'arbitre indépendant et de garant du respect des nouvelles règles. » Ce qui se traduit ainsi : « Nous ferons de l'union monétaire une véritable union économique. »
    Ce jeu de surveillance, de contrôle et de sanctions est le signe que la souveraineté des États qui composent l'union sera réduite davantage encore, si c'est possible. y compris dans les domaines qui sont censés relever encore de la compétence nationale. Piochons un exemple parmi d'autres dans le discours de Barroso : « Les États membres conservent la plupart des compétences en matière de politique de l'emploi. Mais nous ne resterons pas sur la touche. Je veux une Union européenne qui aide ses citoyens à saisir les occasions nouvelles, et je veux une Union qui soit à la fois sociale et inclusive. C'est cette Europe-là que nous construirons si les États membres, les institutions européennes et les partenaires sociaux avancent dans la voie de notre programme commun de réformes. »
    L'actualité offre d'autres exemples : le 12 septembre, la Turquie a donné par référendum (58 %) un blanc-seing au gouvernement islamo-conservateur contre le camp laïque. On nous assure que cela renforce la démocratie (si ! si !), et favorise les procédures d'adhésion d'Ankara à l'Union européenne. Tant pis si les Européens osent encore dire qu'ils ne sont pas d'accord...
    De même, le 14 septembre, la Commission européenne a menacé la France de poursuites en justice pour sanctionner les expulsions de Roms. Viviane Reding, commissaire en charge de la Justice et des droits fondamentaux, l'a durement souligné : « J'ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un État membre, juste parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre mondiale. (...) Personnellement, je suis convaincue que la Commission ne va pas avoir d'autre choix que de lancer une procédure d'infraction contre la France. »
    Si les Européens n'ont pas compris que, pour la Commission, l'heure des Nations est révolue, Barroso met les points sur les i : « Nos partenaires nous observent et veulent nous voir agir en tant qu'entité européenne, pas simplement comme 27 pays distincts. Si nous n'œuvrons pas de concert, l'Europe ne sera pas une puissance mondiale et nos partenaires iront de l'avant sans nous : sans l'Europe et sans ses États membres. »
    Le président de la Commission européenne prétend avoir « exposé des arguments », mais en réalité il ne procède que par assertions. Ainsi « le secret de la réussite européenne, assène-t-il, réside dans son modèle communautaire, qui est unique ». Cette réussite, Barroso le saurait s'il consentait à sortir dans les rues de nos villes, est cependant difficilement perceptible. Comme le dit Molière, « on cherche ce qu'il dit après qu'il a parlé ».
    Olivier Figueras monde & vie. 20 septembre 2010

  • Syrie… de la révolution à la guerre totale

    Le titre de cet article est repris d’une dépêche de l’Agence France Presse datée du 11 décembre 2012. Le même jour le président Obama annonçait sur la chaîne américaine ABC que les États-Unis, après la France, le Royaume-Uni, la Turquie et le Conseil de coopération du Golfe, tous pays ligués pour abattre le régime laïc de Damas, reconnaissaient la nouvelle Coalition syrienne en tant que « représentante légitime des Syriens ». Par une contradiction schizophrénique, le Département d’État inscrivait au même moment les rebelles du Front Al-Nosra sur sa liste noire des organisations terroristes. Ce sont ces mêmes insurgés, fer de lance de la rébellion, que la CIA arme et finance par le truchement du Qatar, de la Turquie et de la Jordanie. Une formation salafiste responsable à quelques heures de là d’un attentat au centre du pays ayant causé la mort de quelque 150 alaouites, communauté hérétique aux yeux des sunnites fanatiques instrumentés par Washington, Londres et Paris.

    Après vingt mois de révolte durement réprimée – le soulèvement d’une fraction, mais non de la totalité de la population syrienne - la rébellion apparaît clairement et définitivement au grand jour pour ce qu’elle est : une armée constituée pour l’essentiel d’islamistes radicaux en guerre totale contre la Syrie. Des combattants dont une majorité sont étrangers au pays où ils portent le fer et le feu ; qui plus est, sont financés, armés et entraînés par les puissances atlantiques sous couvert de la Turquie, de la Jordanie, du Qatar et de l’Arabie saoudite avec la complicité tacite des Frères musulmans au pouvoir en Égypte et en Tunisie. Un état de fait que nul aujourd’hui n’oserait encore nier, ni même y songerait. Pas même la presse psittaciste tant ces bandes terroristes composées de salafistes aguerris sont maintenant omniprésents sur tous les fronts. Groupes et katibas dont les commanditaires s’inquiètent cependant en ce qu’ils les voient progressivement échapper à leur contrôle.

    Le spectre de la guerre chimique.

    Une inquiétude croissante notamment en raison “d’armes chimiques“ présentes en territoire syrien et dont les djihadistes pourraient éventuellement s’emparer pour en faire un usage impolitiquement correct. Notons en outre, à titre de comparaison, que face à l’afflux sur le sol syrien de (dizaines de) milliers ces “brigadistes internationaux“, l’Armée syrienne libre, en principe seule représentante habilitée de l’opposition armée, commence à faire bien pâle figure… et même à s’effacer devant la détermination et l’organisation des islamistes ultra. Il faut dire - puisque la vérité peu à peu s’impose - que seulement quinze cents déserteurs composerait cette ASL dont nos médias nous rebattent les oreilles… sachant que les forces syriennes sont une armée de conscription, l’ASL ne joue donc qu’un rôle marginal sur le terrain, n’ayant d’utilité et d’existence qu’en fonction des besoins de la propagande de guerre… cela même en soulignant a contrario que les officiers transfuges, traîtres à l’État, comptent double en apportant à l’insurrection leur savoir-faire technique et tactique ainsi que leurs capacités d’encadrement.

    À ce sujet, observons que l’emploi systématique du mot “révolution“ relève de l’abus de langage et qu’il faut inverser la présentation des dépêches d’agence… selon lesquelles « le mouvement pacifique et populaire contre le régime de Bachar al-Assad s’est peu à peu transformé en une guerre sanglante, en réaction à la brutalité des forces gouvernementales » [AFP 11 déc 12]. Le mouvement n’a en effet jamais été pacifique : dès le premier jour des tireurs embusqués ont “allumé“ les forces de sécurité pour provoquer l’escalade d’une répression dont le niveau de violence n’a fait qu’accompagner la montée en puissance d’une guerre subversive, terroriste et maintenant de plus en plus ouvertement confessionnelle. Salafisme et takfirisme obligent.

    Malgré les communiqués triomphalistes la guerre perdure

    « La rébellion a fait tache d’huile dans l’est désertique » [ibidem] ! Une sorte d’antiphrase car n’eut-il pas fallu écrire que les rebelles “occupent“ les espaces désertiques de l’est, ce qui du point stratégique est à l’évidence d’un maigre profit ? « Les forces gouvernementales pilonnent villages et quartiers rebelles, indifférentes au sort des civils martyrisés » [ibid]. Généralement les civils fuient les zones de combat et le journaliste oublie ici, désespérément, les individus de tous âges et conditions, déchiquetés aveuglément par les engins infernaux et autres véhicules piégés des “bons“ insurgés. « Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), infatigable vigie du conflit, 42.000 personnes, en majorité des civils » [ibid]. Même la presse la plus conformiste ne se fait plus d’illusion sur ce fameux “OSDH“, tout aussi partial que l’Agence ici mentionnée, en principe tenue par des obligations “de sérieux et de rigueur“ liées à des fonctions de service publique… En quoi, vous demanderez-vous, cette émanation de l’opposition en exil - l’OSDH - est-elle « infatigable » ? Quant aux 42 000 morts il conviendrait de préciser qu’un tiers environ appartient à l’armée nationale regroupant des appelés de toutes obédiences religieuse, ou aux forces de sécurité syriennes. Qu’enfin tous les civils victimes des combats ne sont ni obligatoirement des innocents ni nécessairement des dissidents.

    D’ailleurs, à lire attentivement la dépêche citée, celle-ci confirme nos pires craintes à savoir que la soi-disant rébellion n’est en réalité qu’un mouvement sectaire, djihadiste venu de l’étranger et soutenu par lui… ce qui devrait, en toute logique, conduire la coalition islamo-atlantiste à intervenir tôt ou tard pour brider son Golem destructeur… « Le 10 décembre, des jidahistes d’Al-Nosra et de groupes qui lui sont liés ont pris la totalité de la base de Cheikh Souleimane, dernière place forte de l’armée à l’ouest d’Alep… Les combattants d’Al-Nosra, disciplinés et combatifs, font l’admiration de nombreux Syriens, contrastant avec le rejet qu’inspirent désormais des bataillons de l’ASL jugés “corrompus“. Majoritairement syrien, le Front al-Nosra a attiré les éléments radicaux de la rébellion, dont des jihadistes étrangers. Leur haine des “mécréants“, conjuguée au jusqu’au-boutisme du régime qui instrumentalise les fractures confessionnelles, fait planer sur la Syrie, autrefois riche de ses multiples communautés, le spectre d’une libanisation du conflit. » [ibid].

    La bannière noire flotte sur la marmite du diable

    Peu de remarques à faire sur une citation qui parle d’elle-même : marginalisation de l’ASL dont les médias se gargarisaient, prédominance de troupes djihadistes animés par la “haine des mécréants“, ce qui traduit en langue vulgaire, signifie une volonté bien arrêtée d’éradiquer les Chrétiens, les Druzes et les Alaouites, mais également les Musulmans sunnites dont le zèle religieux ne serait pas pleinement éprouvé. Nous sommes ici en présence d’un takfirisme très analogue à celui pratiqué naguère par les « brutes sanguinaires » du GIA [Groupe islamiste armé] puis du GSPC [Groupe salafiste pour la prédication et le combat] actifs a en Algérie au cours des années Quatre-vingt-dix, avant de muer - janvier 2007 - en Al-Qaïda au Maghreb islamique - AQMI. Des groupes, quelle que soit leur étiquette, qui devraient en principe refaire parler d’eux, l’Algérie devant possiblement prendre la suite de la Syrie dans la chaîne ganglionnaire des abcès de fixation/déstabilisation programmés dans la foulée des “Printemps arabes“.

    Damas tombée, il faudra envoyer ces combattants ingérables tuer et se faire tuer sur d’autres fronts d’intervention occidentalistes… Un orage sec couve au Mali qui ne demande qu’à dévêler les dunes vers la plaine de la Mitidja. Il s’agit de faire d’une pierre deux coups : fixer sur un théâtre d’opération les éléments les plus virulents et, sous couvert de guerre sainte – djihad – les mettre au service d’un vaste dessein toujours d’actualité, celui du projet “Grand Orient“ – Initiative greater Middle East - lancé par GW Bush en février 2003, lequel vise au remodelage géographique et politique - au final vis la normalisation exhaustive - de l’aire arabo-islamique, de l’Atlantique à l’Indus. Une terminologie qui s’est effacée des écrans mais que l’on voit parfaitement à l’œuvre en Syrie, après la Libye et avant l’Iran.

    La Syrie recycle les djihadistes libyens, tchétchènes, somaliens

    Retour au front syrien. « L’étendard des jihadistes, le drapeau noir frappé du sceau du prophète, flotte sur la base cheikh Souleimane… Un grand nombre de combattants sont des étrangers, arabes ou originaires du Caucase » [AFP 9 déc 12], entendez des Tchéchènes, naguère soutenus en sous-mains par la CIA contre la Fédération de Russie. Ils combattent ici en compagnie de Daguestanais et d’asiatiques « s’exprimant en russe ». La dépêche suivante du 10 déc. nous apprend que le chef de la brigade islamiste Al-Nosra auquel revient cette victoire est un Ouzbek ! Décidemment Il faut de tout pour faire une “révolution syrienne“ !

    Pourquoi insister ici sur cet ultime épisode ultime de la prise de cheikh Souleimane « dernière garnison gouvernementale d’importance à l’ouest d’Alep » [ibid] et bien parce que s’y trouve un complexe “scientifique“ pouvant abriter des armes chimiques ? Le 8 déc. le gouvernement syrien dans deux missives adressées conjointement au Conseil de Sécurité et à M. Ban Ki-moon mettait « en garde contre l’utilisation par les groupes terroristes d’armes chimiques contre le peuple syrien, déplorant l’inaction de la Communauté internationale après la prise de contrôle par un groupe terroriste d’une usine privée fabriquant du chlore toxique à l’est d’Alep » [AFP]. Le groupe mentionné était cette fois encore Al-Nosra, omniprésent sur tous les points chauds du champ de bataille. Même topo pour la base la base de cheikh Souleimane où les salafistes se sont bien gardé de bombarder le « centre de recherche », non pour épargner la vie des 140 soldats loyalistes qui s’y trouvaient retranchés, mais dans la crainte d’atteindre un magasin d’armes chimiques. Des djihadistes bien informés, disciplinés, organisés et dociles.

    Des armes de destruction massives parfaitement opportunes.

    Simultanément le Département d’État américain laissait filtrer l’information selon laquelle l’armée syrienne aurait armé au gaz sarin 1 des bombes destinées à être larguées depuis les airs ! Dans tous les cas de figure ces armes - réelles sans aucun doute, puisque Damas n’a pas nié leur existence, jurant de ne point s’en servir contre sa propre population - seront le prétexte idoine pour une intervention directe. Que ce soit pour empêcher qu’elles ne tombent entre les mains des salafistes, parce que l’armée bassiste aurait la velléité d’y recourir ou parce que Tel-Aviv l’exigera…

    L’affaire vient de loin. Le procès de la Syrie à ce motif commence avec la destruction de l’Irak baasiste en 2003. Dès cette époque et jusqu’à l’été dernier, les armes chimiques et bactériologiques ( !) syriennes sont associées dans le cadre d’un même hideux tableau, celui d’un État voyou promoteur du terrorisme anti-démocraties. Une rhétorique équivalente à celle qui a permis de conditionner les opinions publiques occidentales pour leur faire accepter - et même souhaiter - l’intervention manu militari en Mésopotamie 2.

    Le 23 août dernier MM. Obama, Cameron et Hollande s’acoquinent dans ce but au sein d’un “ Front Commun“ afin de coordonner leurs actions « en cas d’utilisation ou la menace d’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien  ». Le 27 août, le président Hollande précisait que «  l’emploi d’armes chimiques par le régime syrien serait une cause légitime d’intervention directe de la communauté internationale ». Le 31 août, M. Fabius se déclare à nouveau prêt à une « réponse immédiate et fulgurante », le ministre rappelant que “l’utilisation d’armes bactériologiques et chimiques par Damas constituerait une ligne rouge [à ne pas franchir] et entraînerait une réaction internationale ». Quant au prédécesseur de M. Fabius au Quai, M. Juppé, celui-ci n’est jamais en reste, envisageant pour sa part une intervention sans feu vert préalable des Nations Unies [NouvObs 2 sept 12]. On ne saurait mieux dire. Saluons au passage la belle unanimité réunissant majorité et opposition unie dans et par de belles perspectives d’idylle belliciste.

    In fine

    Par le biais de deux lettres identiques - déjà mentionnées - adressées au président du Conseil de sécurité et au Secrétaire général des Nations Unies, le ministère syrien des Affaires Étrangères signalait que le journal turc Yurt avait récemment publié des informations relatives à la fabrication d’armes chimiques près de la ville méridionale de Gaziantep, par des militants d’al-Qaïda, lesquels entendraient les utiliser contre des civils syriens ! À ce propos des séquences de vidéos diffusées sur la Toile donneraient à voir les moyens d’acquérir en Turquie des substances entrant dans la composition de gaz de combat et leurs méthodes de production. Si c’est effectivement le cas, attendons la suite des événements. Celle-ci ne devrait pas trop tarder.

    camus  http://www.agoravox.fr

    Notes

    (1) Gaz volatile et corrosif, le sarin est un composé hautement instable d’acide chlorhydrique, d’isopropanol, de fluorure d’hydrogène, de trichlorure de phosphore et du difluor. Dans les années soixante l’armée américaine a mis au point un projectile divisé en deux parties chacune contenant l’un des composant de ce gaz hautement létal. L’une accueillait du difluor, la seconde un composé d’isopropanol assorti d’un catalyseur chimique appelé isopropylamine. L’envoi du projectile de type obus entrainait la rupture de la membrane de séparation entre les deux substances chimiques qui se mélangeaient ensuite au cours de sa trajectoire. Le M 687 armé de gaz sarin a été testé avec succès en 1969.

    (2) En mars 2003, le Secrétaire américain à la Défense, M. Donald Rumsfeld, accuse la Syrie et l’Iran de fournir des aides à l’armée irakienne. Puis la responsable du Conseil national de sécurité, Mme Condoleezza Rice, renouvelle ces accusations et ces avertissements, mais, cette fois, en les adressant seulement à la Syrie. Le 3 mai, le secrétaire d’État Colin Powell venait en personne à Damas exposer les griefs américains et tancer d’importance les autorités politiques syriennes. À cette époque l’analyse des dirigeants syriens est déjà très négative et n’exclut pas une future confrontation avec les États-Unis, rappelant qu’après le 11 Septembre Washington avait maintenu - contre toute évidence - la Syrie sur la liste des États complices d’activités terroristes. Le 22 juillet 2003, le New York Times, titrait sur le développement effectif d’armes chimiques et biologiques par Damas. M. John Bolton responsable au Département d’État des questions de désarmement – c’est lui qui en 2002 fait passer à la trappe le protocole de vérification de la Convention sur les armes biologiques, un comble ! - présente un rapport dans lequel il accuse la Syrie de ne pas donner les bonnes réponses, constituant ainsi une source latente d’aide au terrorisme international, une menace réelle pour l’indépendance du Liban et un danger potentiel pour la région en poursuivant ses programmes d’armes de destruction massive. En conséquence, le 11 novembre 2003 le Congrès vote le “Syria Accountability Act“ autorisant le président des États-Unis à promulguer toutes sanctions nécessaires à l’encontre de la Syrie.

  • Le système économique mondial et le trafic de drogue

    Il s’appelle Antonio Maria Costa, et il a déclaré récemment, sur France Culture, que l’argent de la Mafia avait permis le sauvetage de plusieurs banques. Etrangement, cette information ne fait pas la une.

     

    Antonio Maria Costa est directeur de l’UNODOC (office des Nations unies contre la drogue et le crime).

     

    Interviewé par le journaliste Gregor Seither il affirme que : « certains crédits interbancaires ont été récemment financés par de l’argent provenant du trafic de drogue et d’autres activités illégales ».

     

     Costa estime les revenus mondiaux du commerce de la drogue à environ 400 milliards d’euros annuels, et ajoute-t-il « selon nos recherches, la majorité de cet argent a été absorbé dans le système économique légal et a servi de pilier fondamental contre la crise ».  Et plus loin : « les prêts interbancaires ont été financés par les revenus de la vente de la drogue et autres activités illégales. Il y a clairement des signes qui montrent que certaines banques ont été sauvées par cet argent ». 

     

    L’ONU estime que le blanchiment, toutes origines confondues, représente 1000 milliards de dollars par an (source : Thierry Francq et Alain Damais, problèmes économiques, n° 2674, 19 juillet 2000, p2). 

    L’Espagne, porte d’entrée de la cocaïne colombienne en saisit en moyenne 39 tonnes par an, mais combien de tonnes passent entre les mailles du filet ? 

     

      Au Maroc, depuis le début des années 90, les sources officielles évaluent à 2 milliards de dollars l’apport du trafic de haschich au PIB marocain, et c’est la première ressource financière du pays.  Et d'après Antonio Maria Costa, « les caractéristiques nuisibles du cannabis ne sont pas différentes de celles d'autres drogues naturelles comme la cocaïne ou l'héroïne. » Certains scientifiques ont même démontré que le cannabis pourrait causé de gros déficits génétiques chez l’enfant d’un fumeur régulier (insuffisance cardiaque, malformations, maladie génétique). 

     

     

    L’hebdomadaire « Austrian Weekly Profil » affirme que l’argent de la mafia italienne aurait été blanchi entre 2005 et 2007 à travers 14 comptes domiciliés dans des établissements autrichiens.

     

    Roberto Saviano, un journaliste italien de 31 ans ne dit pas autre chose dans son livre « Gomorra », (chez Gallimard / octobre 2008) vendu à 2 millions d’exemplaires et la mafia l’a condamné à mort pour cela. Il affirme que les activités de la mafia ont un rapport avec les grandes sociétés européennes et que s’en prendre aux mafias c’est agresser l’économie toute entière. Pour lui, c’est la forme ultime du libéralisme dans une économie mondialisée. Un film, grand prix du festival de Cannes, a été tiré de son livre en 2008. Il est depuis sous protection policière.

     

     

    Comme l’affirme Gregor Seither " dans un marché capitaliste où seul compte la valeur monétaire, l’argent de la drogue, du trafic humain et de la misère est un investissement comme un autre".

     

    Mais pour lutter contre le blanchiment de l’argent de la drogue, il faut lever le secret bancaire. Là encore, s’attaquer aux banques privées c’est s’en prendre aux services secrets du monde entier, à toutes les mafias, aux familles et aux hommes dès plus influents.

     

    Comme l’écrit le CAAT (conseil aide et action contre la toxicomanie) « la lutte contre la drogue n’est efficace que si l’on neutralise les moyens qui permettent aux trafiquants de dissimuler l’origine des fonds dont ils sont titulaires (…) on a constaté que les trafiquants utilisent largement le système bancaire et financier à cette fin, le secret bancaire interdisant aux établissements de crédit de divulguer des informations concernant leur clientèle ». Les banques privées reçoivent de l’argent d’on ne sait où, ensuite l’argent est réinjectée dans le marché mondial en toute légalité. Les banques privées sont comme un appel au meurtre, au braquage, au trafic illégal en tout genre.

     

    Pourtant des lois existent qui permettraient aux banques d’agir, mais elles ne sont pas appliquées.

     

    On peut donc s’interroger légitimement sur la continuation du secret bancaire ?

     

    Réponse : Catherine Austin Fitts, directrice du Dillon Read, banque d’investissement à Wall Street.

     

    Elle dévoila en 2007 lors d’un congrès que 500 à 1000 milliards de dollars d’argent en provenance du trafic de drogue servait à financer la croissance. 

     

     Elle affirmait « sans ces centaines de milliards qui gonflent artificiellement l’économie américaine, les USA subiraient une crise plus dure que celle de 1929 ».   

     

    Un système économique tellement humain.

     

     

    Oui, le système économique mondial montre ici son côté tragique et grotesque. Mais n’est-il pas le reflet des êtres humains ? Ces derniers critiquent le système mais qui est l’origine du problème ? Qui est le problème, le dealer ou le drogué ?

     

    On peut même étendre le débat, puisque un joint plein de cannabis et une cigarette pleine de produits chimiques ont comme dénominateur commun le tabac. Et le tabac est une addiction ; ceux qui le consomment ne peuvent s’en passer et l’interdire ne fera que pousser ses adeptes dans les bras des trafiquants. Le choix est donc entre le buraliste et le dealer. Cette drogue apparaît comme une nouvelle secte, et comme tout mouvement sectaire elle a ses fanatiques et ses victimes qui sont légions.

     

    Cet argument renvoie à une question beaucoup plus vaste : la loi peut elle interdire une addiction ?

     

    La réponse est évidente quand il s’agit d’une addiction au meurtre, au viol ou vol ; et la loi fait en principe dans ce cas la différence entre ceux qui sont responsables de leurs actes et ceux qui ne le sont pas. Elle l’est moins dans les cas où on peut soutenir qu’on ne nuit qu’à soit par ses actes. Et on peut soutenir, à mon avis à tort, que c’est le cas du tabac ( il faut pour cela négliger l’impact de la consommation de tabac sur le cout de la santé, le tabagisme passif et l’effet d’imitation qui pousse chaque génération à emboiter le pas de la précédente).

     

    Pour ces actes d’automutilation, sous toutes leurs formes, le principe doit être simple : une société démocratique doit éloigner ses membres de ce qui peut leur nuire. Et pour cela, elle doit d’abord comprendre ce qui les amène à agir ainsi. Elle doit ensuite éduquer, inciter, puis interdire. Mais si l’interdiction n’est pas une perspective, au moins à moyen terme, la société est complice et l’éducation ne sert à rien. Pour le tabac, bien des choses restent à faire : enseigner intelligemment aux enfants que le tabac tue. Faire monter le prix du tabac à un niveau bien plus élevé. Rendre quasi invisible le nom des marques et uniformiser les emballages. Rendre les paquets les plus repoussants possibles (comme cela vient de commencer). Et annoncer que, au plus tard dans 15 ans, quoi qu’il arrive, la production, l’importation, et la consommation de tabac seront interdites. En tout cas, cela reste une hypothèse envisageable.

     

    Il n’y a rien de pire qu’une loi inapplicable ; elle discrédite l’Etat de droit dans son ensemble. Avant de voter une loi, il faut donc créer les conditions de son acceptabilité sociale et se donner les moyens de la faire respecter. En particulier, à propos de toutes les addictions, il ne servira à rien de réduire l’offre si la demande se maintient ; aussi, avant de légiférer à leur propos, il faut comprendre leur raison d’être. Et c’est sans doute parce que nos sociétés ne savent pas, n’osent pas affronter cette question, parce qu’elles n’osent pas s’avouer à elles-mêmes que notre modèle de développement provoque des manques, qu’elles ont tant de mal à interdire ce qui les comblent. 

     

    Le tabac est consommé chaque jour par 1,3 milliards de personnes dans le monde et qui fait chaque année 5 millions de morts, soit plus que le sida et le paludisme réunis. La consommation de ce produit entraine d’immenses dépenses de santé et réduit partout la productivité des entreprises qui doivent laisser à leurs employés des pauses pour s’empoisonner en toute légalité. Et pourtant, on le laisse produire et vendre partout dans le monde. Et presque partout, faire de la publicité.

     

     5500 milliards de cigarettes sont fumées chaque année. Une personne en meurt toutes les six secondes. Il a tué 100 millions de personnes au 20ème siècle, soit le double de la deuxième guerre mondiale. A ce rythme, selon l’OMS, il en tuera 1 milliard au 21ème siècle

     

     Mais on ne l’interdit pas. Pourquoi ? Parce qu’il rapporte beaucoup d’argent aux Etats et régule la démographie de manière scandaleuse. 

     

     Toutefois, WikiStrike encourage chaque lecteur à trouver sa propre vérité. La chose la plus importante est de vivre dans l’amour et la sagesse. Et puis, toutes ces drogues peuvent êtres utiles si on les instrumentalisait savamment à des fins thérapeutiques (pour les malades), philosophiques (avant un débat), ou chamaniques (pour développer des capacités du cerveau encore insoupçonnées).

     

     

    Mais ceci est une autre histoire. 

    Joseph Kirchner pour WikiStrike

     

     

    (source : agoravox, Jacques Attali)

  • Une historienne éclaire l’absurdité du Prix Nobel de la paix attribué à l’UE

    Annie Lacroix-Riz, historienne, est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris-VII – Denis Diderot. Auteur de nombreux ouvrages, elle a notamment étudié les origines et les parrains de la Communauté européenne (lire en particulier : L'intégration européenne de la France : la tutelle de l'Allemagne et des États-Unis, Paris, Le Temps des Cerises, 2007). Lorsque jury Nobel de la paix a annoncé le 12 octobre que son choix se portait cette année sur l’Union européenne, BRN a souhaité recueillir sa réaction et son éclairage.

    Interview publiée dans le mensuel Bastille-République-Nations daté du 29/10/12
    Informations et abonnements : www.brn-presse.fr

    BRN – L’Union européenne s’est vu décerner cette année le Prix Nobel de la paix. Quelle a été votre première réaction à l’annonce du jury d’Oslo ?

    ALR – L’information pouvait d’abord être prise pour un canular. Mais dans notre univers de l’absurde, une telle distinction est dans la droite ligne des choix du jury Nobel dans la dernière période. Cette décision n’en bat pas moins des records de ridicule, tant au regard des pratiques actuelles que des origines de l’UE.

    BRN – Des pratiques actuelles que vous jugez bellicistes…

    ALR – Pour l’heure, elle joue le rôle de petit soldat de l’OTAN, comme elle l’a fait dès sa naissance. L’UE en tant que telle ou nombre de ses membres sont impliqués dans quasiment toutes les guerres dites périphériques depuis vingt ans.

    BRN – Cependant, en tant qu’historienne, vous insistez plus particulièrement sur les origines tout sauf pacifiques de l’UE. Pourriez-vous préciser cette analyse ?

    ALR – Les archives, sources par excellence de la recherche historique, permettent seules de décortiquer ses véritables origines et objectifs, qui excluent la thèse d’une prétendue « dérive » récente de l’UE, dont on nous rebat les oreilles.

    BRN – Vous évoquez en particulier la « déclaration Schuman », du 9 mai 1950, souvent décrite comme l’acte fondateur de l’« aventure européenne »…

    ALR – Oui, et ses circonstances précises méritent examen. Le lendemain même – le 10 mai 1950, donc – devait avoir lieu à Londres une très importante réunion de la jeune OTAN (organisation de l’Alliance atlantique, elle-même fondée un an plus tôt). A l’ordre du jour figurait le feu vert officiel au réarmement de la République fédérale d’Allemagne (RFA), que Washington réclamait bruyamment depuis deux ans (1948). Les structures et officiers de la Wehrmacht avaient été maintenus dans diverses associations de façade. Mais quatre ans après l’écrasement du nazisme, un tel feu vert atlantique était quasi impossible à faire avaler aux populations, en France notamment. La création de la Communauté du charbon et de l’acier (CECA) annoncée par le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman a ainsi permis d’esquiver ou de retarder l’annonce officielle, requise par les dirigeants américains, du réarmement en cours.

    BRN – Qu’est-ce qui motivait cette stratégie américaine ?

    ALR – Dès mars 1947, dans son célèbre « discours au Congrès », le président Truman demanda des crédits pour sauver la Grèce et la Turquie « attaquées », forcément par l’URSS (dont le nom n’était pas prononcé). Ce faisant, il entamait en grand l’encerclement politico-militaire de cette dernière. De fait, c’est entre 1942 et 1945 que Washington avait préparé l’affrontement futur contre ce pays, pour l’heure allié militaire crucial pour vaincre l’Allemagne (1). Une pièce majeure de cet affrontement était la constitution d’une Europe occidentale intégrée.

    BRN – Ce sont donc les dirigeants américains qui ont poussé à l’intégration européenne ?

    ALR – Oui. Washington entendait imposer une Europe unifiée sous tutelle de la RFA, pays dont les structures capitalistiques étaient les plus concentrées, les plus modernes, les plus liées aux Etats-Unis (qui y avaient investi des milliards de dollars dans l’entre-deux-guerres) et les moins détruites (80% du potentiel industriel était intact en 1945). Cette Europe serait dépourvue de toute protection à l’égard des exportations et des capitaux américains : les motivations des dirigeants d’outre-Atlantique étaient non seulement géostratégiques mais aussi économiques.

    BRN – Comment ces derniers s’y sont-ils pris ?

    ALR – Ils ont harcelé leurs alliés ouest-européens, pas vraiment enthousiastes à l’idée d’être aussi vite réunis avec l’ennemi d’hier. Et ils ont sans répit usé de l’arme financière, en conditionnant l’octroi des crédits du « Plan Marshall » à la formation d’une « entité » européenne intégrée, condition clairement formulée par le discours de Harvard du 5 juin 1947.

    BRN – Mais quel était l’état d’esprit des dirigeants ouest-allemands ?

    ALR – De 1945 à 1948, avant même la création officielle de la RFA, ils n’ont eu de cesse de se poser en « meilleurs élèves de l’Europe », suivant une stratégie mûrement calculée : toute avancée de l’intégration européenne équivalait à un effacement progressif de la défaite, et constituait un gage de récupération de la puissance perdue. Ainsi ressurgissait le thème de l’« égalité des droits » de l’après-guerre précédent.

    BRN – Voilà une affirmation audacieuse…

    ALR – C’était l’analyse des diplomates français d’alors, en poste en général depuis l’avant-guerre et lucides sur ce qu’ils ressentaient comme un péril, comme le montrent leurs notes et mises en garde officieuses. Car, officiellement, le discours était de saluer l’horizon européen radieux.

    BRN – Pouvez-vous préciser cet « effacement progressif de la défaite » attendu par les élites de Bonn ?

    ALR – Celles-ci ont vite obtenu l’abandon des limitations de production imposées par les accords de Yalta et de Potsdam : en fait, dès 1945 dans les zones occidentales ; en droit, dès le lancement publicitaire du Plan Marshall, à l’été 1947. Les dirigeants ouest-allemands ont repris le discours d’entre-deux-guerres de Gustav Stresemann (ministre des Affaires étrangères de 1923 à 1929) et du maire de Cologne Adenauer : les « accords de Locarno » (1925) garantirent – sur le papier – les frontières occidentales de l’Allemagne (pas les orientales), motivant l’attribution à Stresemann, en 1926, et à son collègue français Briand… du Prix Nobel de la paix. Berlin entonna le refrain du rapprochement européen avec pour condition expresse l’égalité des droits (« Gleichberechtigung »). C’est à dire l’abandon des clauses territoriales et militaires du traité de Versailles : récupération des territoires perdus en 1918 (et Anschluss prétendument « européen » de l’Autriche), et levée de l’interdiction des industries de guerre.

    BRN – Peut-on pour autant établir le parallèle avec la RFA d’après la seconde guerre mondiale ?

    ALR – Le diplomate français Armand Bérard câble à Schuman en février 1952 que Konrad Adenauer (premier chancelier de la RFA, de 1949 à 1963) pourra, en s’appuyant sur la « force supérieure (mise…) en ligne  » par les Américains contre l’URSS, contraindre celle-ci « à un règlement dans lequel elle abandonnera les territoires d’Europe centrale et orientale qu’elle domine actuellement » (RDA et Autriche incluses). Extraordinaire prévision de ce qui se réalisa près de quatre décennies plus tard…

    BRN – Si l’on reprend votre analyse, l’Union européenne a donc été lancée sur injonction américaine, et soutenue avec détermination par les dirigeants ouest-allemands pour leurs objectifs propres…

    ALR – Oui, ce qui nous place à des années-lumière des contes à l’eau de rose en vogue sur les « pères de l’Europe » taraudés par le « plus jamais ça » et exclusivement soucieux de construire l’« espace de paix » que les jurés Nobel ont cru bon d’honorer. A cet égard, il faut prendre en compte d’autres acteurs, au rôle déterminant dans l’intégration européenne.

    BRN – Le Vatican ?

    ALR – On évoque peu son rôle géopolitique dans la « construction européenne » du XXe siècle, mais après la seconde guerre mondiale, les dirigeants américains l’ont, encore plus qu’après la première, considéré comme un auxiliaire crucial. En outre, depuis la fin du XIXe siècle, et plus que jamais depuis la Première Guerre mondiale avec Benoît XV (pape de 1914 à 1922), les liens entre Reich et Vatican ont façonné le continent (Est compris), comme je l’ai montré dans l’ouvrage Le Vatican, l'Europe et le Reich. Globalement avec l’aval des Etats-Unis – sauf quand les rivalités (économiques) germano-américaines devenaient trop fortes. De fait, les relations du trio se compliquent quand les intérêts des dirigeants d’Outre-Atlantique et d’Outre-Rhin divergent trop. Dans ce cas, la préférence du Vatican va toujours à l’Allemagne. Le maximum de tension a donc été atteint au cours des deux guerres mondiales.

    BRN – Précisément, vous décrivez une Europe voulue par Washington et Bonn (puis Berlin). Mais ces deux puissances n’ont pas nécessairement des intérêts qui coïncident…

    ALR – Absolument. Et ces contradictions, perceptibles dans les guerres des Balkans de 1992 à 1999 (Michel Collon l’a écrit dans son ouvrage de 1997, Le grand échiquier), s’intensifient avec l’aggravation de la crise. Raison supplémentaire pour douter des effets « pacifiques » de l’intégration européenne.

    BRN – Celle-ci est également promue par des dirigeants d’autres pays, comme la France.

    ALR – François Bloch-Lainé, haut fonctionnaire des Finances devenu grand banquier, fustigeait en 1976 la grande bourgeoisie toujours prompte à « exploiter les malheurs de la patrie ». Du Congrès de Vienne (1815) à la Collaboration, en passant par les Versaillais s’alliant avec le chancelier prussien Bismarck contre la Commune, du modèle allemand d’avant-guerre au modèle américain d’après-guerre, cette classe dirigeante cherche à l’étranger un « bouclier socio-politique » contre son peuple.

    BRN – Ce serait également une fonction de l’Union européenne ?

    ALR – Essentielle, et d'origine. Lors de la mise en œuvre en 1954 de la CECA, un haut fonctionnaire français se félicitait ainsi que « l’Europe » eût enfin permis au ministère des finances de liquider des subventions qui réduisaient le prix des produits de première nécessité. La citation précise mérite d’être rappelée : « la différence essentielle réside dans le fait que la politique européenne s’appuie sur l’alibi que constitue, vis à vis des intérêts particuliers, l’existence d’un organe “supranational”, alors que la politique traditionnelle implique que les gouvernements s’imposent, et imposent à ces mêmes intérêts, la discipline indispensable. Cela n’a été possible que parce que le ministre a pu en rejeter la responsabilité sur un organe supranational jouissant d’une certaine indépendance par rapport au gouvernement  ». Près de 60 ans plus tard, l’Europe offre « l’alibi » de ses institutions « indépendantes » – comme la Banque centrale européenne – pour soustraire des décisions de chaque fraction nationale du grand capital au contrôle et à la colère de son peuple. Remarquable continuité, qui n’incite pas à l’optimisme sur la garantie « européenne » de la paix…

    http://www.michelcollon.info

    (1) Sherry Michael, Preparation for the next war, American Plans for postwar defense, 1941-1945, New Haven, Yale University Press, 1977 ; The rise of American Air Power : the creation of Armageddon, New Haven, Yale University Press, 1987 ; In the shadow of war : the US since the 1930’s, New Haven, Yale University Press, 1995.

  • De l’attribution du Nobel de la paix à l’U.E.

    Le Prix Nobel de la paix pour l’année 2012 a été décerné à l’Union européenne pour avoir « fait passer l’Europe d’un continent en guerre à un continent en paix ». Le Comité du Prix Nobel a déclaré que « l’Union a contribué pendant soixante ans aux progrès et à la réconciliation, de la démocratie et des droits de l’homme en Europe ».

    Problème : l’Union n’existe que depuis 1993 (entrée en vigueur du traité de Maastricht qui la fonde), succédant à la Communauté européenne (qui, elle, existe depuis 1957...).

    L’attribution du prix Nobel de la paix à l’Union européenne pourrait faire rire, si elle ne recouvrait tant de drames. Il récompense une "construction" qui annihile toute protection, notamment aux frontières, qui organise la guerre économique et sociale tous azimuts entre les peuples, et ne peut conduire qu’à la guerre tout court. La Communauté européenne, devenue Union européenne a d’ailleurs déjà favorisé le démantèlement violent de la Yougoslavie, en apportant son soutien aux forces séparatistes, puis celui de la Tchécoslovaquie. Alors que ces Etats étaient moqués comme « artificiels » on voit aujourd’hui l’U.E. inerte et impavide devant les sécessions larvées qui rongent deux des plus anciens Etats du continent européen !

    Et nous ne pouvons oublier que le président de la Commission européenne, M. Barroso, fut l’un des artisans majeurs de l’invasion de l’Irak en 2003 (sommet dit des Acores aven le présidents des Etats Unis, M. Bush), ce qui en fait un homme de guerre plus que de paix !

    Loin d’être un facteur de paix, l’U.E. est aujourd’hui un facteur de désunion et de montée des tensions entre les nations européennes : elle érige en dogme la concurrence féroce entre les peuples ; elle méprise toute critique sur son architecture et sa fuite en avant ; elle sacrifie partout la prospérité sur le dogme de l’euro - comme les Grecs, les Espagnols et les Portugais le savent déjà...

    Le SIEL estime que le comité Nobel s’est discrédité à jamais et que c’est bien plutôt à titre posthume que le Nobel de la paix a été attribué à l’Europe de Bruxelles, qui a recréé des tensions et rouvert les plaies en Europe. Tous les prix du monde et les déclarations lénifiantes et mensongères n’y pourront rien : l’U.E. est l’antithèse de l’Europe de la Paix et même de l’Europe.

    La Rédaction du SIEL   http://www.actionfrancaise.net

     
  • La bataille pour l’Eurasie va-t-elle s’accélérer ?

     

    La bataille pour l’Eurasie va-t-elle s’accélérer ?
    "Les Etats-Unis s’opposeront à des processus d'intégration dans l'espace postsoviétique". Hillary Clinton - 2012

    Les récentes déclarations de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton sur l'intention de Washington de s'opposer aux processus d'intégration dans l'espace postsoviétique lors d’une conférence tenue à Dublin le 6 décembre 2012 ont au moins un mérite, celui de démontrer que l’Union Douanière, et donc la future Union Eurasiatique sont considérés par l’administration américaine comme le mal absolu. Hillary Clinton n’a pas pris de gants, pour elle, l’union eurasiatique n’est ni plus ni moins que la réincarnation de l’Union Soviétique, et traduit donc la volonté de la Russie de vouloir reprendre le contrôle du cœur de l’Eurasie, que Russie et Occident, via l’Angleterre puis l’Amérique, se disputent depuis prés de 150 ans.

    Un retour en arrière s’impose pour comprendre ce que signifie la bataille pour le contrôle de l’Eurasie, qui est tout sauf un fantasme ou une légende. Il s’agit au contraire d’une réalité géopolitique qui constitue un volet important de la politique étrangère américaine et occidentale depuis la chute du mur de Berlin.

    Durant la guerre froide, la puissance américaine ne luttait pas seulement pour la victoire contre son adversaire Soviétique, elle luttait aussi pour le contrôle du monde. Ce faisant, les stratèges américains restaient fidèles à la ligne tracée par les maitres de la géopolitique anglo-saxonne, particulièrement Halford Mackinder et Nicholas Spykman. Pour ces derniers, la maitrise du monde ne pouvait passer que par le contrôle de la zone ou devait se concentrer dans l’avenir tant le gros des habitants, que le gros des ressources énergétiques de la planète: l’Eurasie, encore appelée l'Ile Monde ou Heartland.

    " Qui contrôle le Heartland, contrôle le monde ". Halford John Mackinder – 1919

    En ce sens, la mise sous tutelle après 1945 de l’Europe de l’ouest par l’Otan n’a été rien de plus qu’une mise en application des principes de Nicholas Spykman qui jugeait lui essentiel de maitriser l’anneau périphérique (Rimland) de cette Ile monde, de ce Heartland continental. L’Europe de l’ouest représente la partie occidentale sous contrôle de cet anneau. Comme on peut le voir ici, la zone qui s’étend du pourtour de la caspienne jusqu'à l’Asie centrale constitue sa partie orientale et c’est précisément cette zone qui est visée par les propos d’Hillary Clinton.

    " Qui contrôle le Rimland contrôle l’Eurasie. Qui dirige l’Eurasie contrôle la destinée du monde". Nicholas J. Spykman - 1942

    Les tentatives avortées du GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) puis la tentative de prise de contrôle de ces mêmes états (membres de cet anneau périphérique) par les révolutions de couleurs planifiées aux USA doivent être comprises et vues dans ce sens: comme une étape nouvelle du containment russe, préalable essentiel au bouclage du Rimland. D’ailleurs, dans sa déclaration Hillary Clinton a insisté sur la déception profonde que représentait l’Ukraine pour le département d’état Américain, tout un symbole lorsqu’on sait l’énergie et les moyens mis en œuvre par l’administration américaine pour faire de l’Ukraine un pion essentiel de l’Otan. Un projet ancien qui prévoyait la constitution d’un axe Allemagne-Pologne-Ukraine dont Zbigniew Brezinski rêvait déjà en 1997 et qui selon lui devait servir à repousser l’influence russe le plus à l’est possible, et renforcer l’Otan au cœur de l’Europe de l’est.

    "Il est impératif qu'aucune puissance eurasienne concurrente capable de dominer l'Eurasie ne puisse émerger et ainsi contester l'Amérique". Zbigniew Brezinski - 1997

    Bien sur les déclarations d’Hillary Clinton ont provoqué les regrets de Leonid Sloutski, chef de la commission de la Douma pour les Affaires de la CEI. Celui-ci constatait que le potentiel croissant de regroupement géopolitique en Eurasie pourrait faire de cette région l'un des acteurs majeurs du monde. Une situation bien différente de celle qu’impliquait le monde unipolaire de 1991, qui ne laissait aucune place à la Russie.

    Beaucoup de pays occidentaux appréciaient Eltsine surtout parce qu'il était le symbole d’une Russie faible, et le symbole de leur victoire sur l’URSS. 20 ans plus tard, alors que le centre de gravité du monde se déplace vers l’Asie et la Chine, l’Occident américano-centré traverse une crise économique qui l’a considérablement affaibli sur la scène internationale. Pendant ce temps, à mi chemin entre l’Occident et l’Asie, la Russie s’est redressée pour redevenir aujourd’hui la puissance principale d’Eurasie.

    Le monde multipolaire qui prend forme devrait vraisemblablement prendre l'aspect d'un monde d’alliances. Les grands états de ce monde sont tous dans des logiques de regroupements économiques, politiques et militaires, que ce soit au cœur de l’Europe, par dessus l’Atlantique, en Amérique du sud ou encore en Asie. Ces alliances pourraient rapidement voir l’émergence de blocs souverains tant sur le plan militaire, qu’économique ou politique, et la fragmentation du monde en zones d’influences souveraines.

    Pourquoi les nations d’Eurasie n’auraient elle dès lors pas le droit de procéder à une intégration régionale approfondie? Les menaces américaines contre une alliance volontaire de pays souverains semblent éloigner considérablement les possibilités d’un réel reset russo-américain. Le désaccord sur l’Affaire Syrienne, pays que l’Union Douanière envisageait du reste d’intégrer à une zone de libre échange il y a encore quelques mois, accentue encore le malaise.

    Voila donc des propos belliqueux en provenance d'Amérique et prononcés à Dublin, alors même que le chef de l’état russe a pourtant récemment rappelé que la Russie devait trouver sa place géopolitique dans le monde de façon pacifique et que l’intégration eurasiatique devait elle se faire dans le respect de la souveraineté des états. Un principe de souveraineté nationale bien mis à mal durant l’époque unipolaire mais qui constitue tant le point névralgique du développement des BRICs (lire cette analyse a ce sujet) que le cœur de la politique internationale russe, notamment en Syrie.

    Souveraineté VS interventionnisme, Unilatéralisme VS Multilatéralisme. Ces deux conceptions du monde diamétralement opposées vont-elles relancer la bataille pour l’Eurasie ?

    Alexandre Latsa http://www.voxnr.com
  • Malgré le soutien de l’Occident, Al-Qaïda ne vaincra pas le peuple syrien

    Par Ghaleb Kandil

    La Syrie et ses forces armées continuent de résister farouchement à la guerre mondiale qui les prend pour cible. L’État s’emploie par tous les moyens à assurer les besoins économiques nécessaires pour la résistance, et l’armée a lancé des opérations militaires stratégiques dans certaines provinces pour détruire les bases des terroristes, dont plusieurs dizaines de milliers se sont infiltrés de Turquie ces dernières semaines.
    Les opérations militaires ont atteint leur objectif primordial en faisant échec au plan du Premier ministre turc Recep Tayyeb Erdogan, qui consistait à établir de facto une zone tampon. Des informations sûres indiquent que les groupes armés ne sont plus présents dans la ville d’Alep que dans de petites poches, alors que l’armée régulière contrôle la majeure partie de la grande métropole du Nord.
    À Homs, la vie a pratiquement repris son cours normal et pour se venger, les terroristes ont recours aux attentats aux voitures piégées, comme celui qui a fait 15 morts et des dizaines de blessés, hier dimanche. La plus grande partie de la province de Deir Ezzor, limitrophe de l’Irak, est également sous le contrôle de l’armée nationale. À Damas et sa région, l’armée a lancé une offensive d’envergure pour briser les groupes terroristes qui s’apprêtaient à déclencher une attaque massive contre la capitale. Les données militaires laissent croire que dans les semaines à venir, l’État va reprendre le contrôle des chefs-lieux de toutes les provinces et des régions frontalières. Complètement désorganisés, les groupes armés perdront l’initiative et se livreront à des attaques terroristes, des assassinats et des actes de sabotage. L’État se prépare déjà à ce scénario, mais la priorité reste, pour lui, de relancer le cycle économique et de rétablir une vie normale dans l’ensemble de la Syrie. Les zones encore sous contrôle des rebelles seront encerclées et incapables de s’étendre et de constituer un danger stratégique.
    Toutes les informations prouvent que la principale force de combat terroriste est l’organisation Al-Qaïda et les mouvements salafistes-jihadistes, ainsi que le bras armé de la Confrérie des Frères musulmans. Les groupes qui évoluent en dehors de cette mouvance extrémiste sont dispersés et ressemblent plus à des gangs locaux qu’à des mouvements organisés et structurés, évoluant dans le cadre d’une stratégie globale. Ils comportent une grande part de brigands, de malfaiteurs et de coupeurs de route. Les informations indiquent que les chambres d’opérations présentes en Turquie, dirigées par des officiers de la CIA, avec la participation de groupes qataris, saoudiens, libanais et libyens, donnent des ordres directs aux unités combattantes en Syrie, leur fixent les objectifs et les fournissent en armes, explosifs, argents et matériels de toutes sortes.
    L’hypocrisie occidentale concernant le terrorisme et Al-Qaïda se confirme en Syrie. Si les mêmes critères établis après le 11 septembre 2001 lors des dizaines de conférences internationales de « lutte contre le terrorisme » avaient été mis en œuvre en Syrie, tous ceux qui financent et arment aujourd’hui les « rebelles » en Syrie auraient dû soutenir l’État syrien dans sa lutte contre le terrorisme.
    L’hypocrisie des pseudo-souverainistes libanais n’est pas en reste. Après avoir crié au loup dans la bergerie, voilà que les faits prouvent que ce sont eux les vrais loups. Les révélations du quotidien libanais al-Akhbar prouvent l’implication directe de l’ancien Premier ministre Saad Hariri et de son principal lieutenant, le député Okab Sakr, dans le financement et l’armement des terroristes (Voir ci-après). La mort et la capture d’une vingtaine de jihadistes libanais vendredi dans une embuscade de l’armée syrienne, alors qu’ils se rendaient à Tall Kalakh pour y « pratiquer le Jihad » contre le peuple syrien, complète ce tableau.
    Le peuple syrien est confronté à un cocktail terroriste multinational, soutenu par les « nations civilisées ». Son droit inaliénable est de se défendre par tous les moyens pour préserver son pays et son identité. Dans cette guerre, les mercenaires n’ont aucune chance de gagner.

    Le pacte entre les Frères musulmans et les États-Unis confirmé par Morsi

    Les événements qui se succèdent en Égypte ont fait la lumière sur une série de vérités et de données qui auront une grande influence sur les événements dans le monde arabe.
    Il est clairement apparu que les Frères musulmans en Égypte, qui représentent le cœur de cette confrérie transnationale, ont établi leur plan de prise du pouvoir sur la base d’un deal avec les États-Unis et Israël pour renouveler la fonction politique et sécuritaire qui avait été confiée au régime de Hosni Moubarak et d’Anouar Sadate, conformément aux dispositions des accords de Camp David. Cela confirme les informations qui circulent depuis deux ans sur des arrangements conclus entre Washington et le commandement des Frères musulmans dans la région, sous l’égide de la Turquie et du Qatar. Ces arrangements stipulent que l’Occident favorisera le renouvellement des élites dirigeants dans les pays arabes à travers les Frères musulmans, qui s’engagent, en contrepartie, à garantir la sécurité d’Israël et les intérêts US et occidentaux.
    Le seul élément sur lequel s’est appuyé le président Mohammad Morsi pour promulguer la déclaration constitutionnelle rejetée par de larges pans de la société égyptienne est le soutien états-unien et israélien qu’il a reçu à l’issue de son rôle dans la conclusion de la trêve entre l’État hébreu et les organisations palestiniennes lors de la dernière guerre de Gaza. Le pouvoir égyptien a présenté des engagements dans le cadre des négociations, portant sur des questions politiques et sécuritaires s’articulant autour de deux points : couper l’approvisionnement en armes de la bande de Gaza en poursuivant la destruction des tunnels ; et rompre les relations entre les organisations palestiniennes et l’Iran. Selon des informations parues dans la presse égyptienne, le Caire auraient fourni des facilités aux forces spéciales et aux services de renseignement US dans le Sinaï et a demandé au Hamas de déployer des forces à la frontière entre Gaza et Israël pour veiller au cessez-le-feu. C’est-à-dire s’assurer qu’il ne sera pas violé par les organisations de la résistance palestinienne. En quelque sorte, le Hamas commence à jouer le même rôle que la police de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie.
    Le conflit politique qui a éclaté en Égypte après le coup d’État constitutionnel de Morsi est ouvert à toutes les options. Les Frères musulmans ont décidé d’ignorer les revendications d’une large majorité d’Égyptiens et de poursuivre leur conquête de toutes les institutions. Les centaines de milliers de personnes qui ont manifesté ne les ont pas fait reculer. Ils ont laissé tomber leur masque après s’être assuré du soutien des États-uniens et des Israéliens, qui leur a été accordé après qu’ils eurent réussi au test de la dernière guerre de Gaza.
    Il n’aura fallu que quelques mois pour que le vrai visage des Frères musulmans apparaisse aux yeux de l’opinion publique égyptienne et arabe, et cela aura certainement des répercussions dans l’ensemble du monde arabe.

    Déclarations et prises de positions

    Michel Sleiman, président de la République libanaise
    « Il y a trois idées en ce qui concerne la forme du gouvernement prochain : ce sera un cabinet ou bien d’union nationale, ou bien majoritaire ou bien neutre. Toutefois, ce qui est susceptible de faire l’objet de discussions à la table du dialogue, c’est uniquement l’opportunité d’un changement de gouvernement et non pas la forme du nouveau cabinet, ni sa composition. Ces aspects ne concernent pas la table du dialogue. Ils se rapportent aux prérogatives constitutionnelles du chef de l’État et du Premier ministre. Les élections législatives auront lieu en temps prévu quelles que soient les circonstances. Le scrutin ne saurait être reporté que pour une durée courte ne dépassant pas les deux ou trois mois et uniquement pour des raisons techniques liées à la discussion autour des projets de loi électorale, dans la mesure où un temps supplémentaire pourrait se révéler nécessaire. Je ne donnerais mon aval à aucun texte de loi prorogeant de façon arbitraire le mandat de la législature. »

    Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre
    « Tous les Libanais sont d’accord sur le fait que la loi électorale de 1960 est anticonstitutionnelle et constitue la loi la plus injuste de l’histoire, notamment à l’encontre des chrétiens. Cette loi permet la victoire ou la défaite de députés à une seule voix de différence. Nous comprenons que le Courant du futur soit injuste, mais ce sont les chrétiens alliés de ce courant, les Forces libanaises et les Kataëb, qui subissent les conséquences de cette injustice. Si ces deux partis empêchent la modification de la loi de 1960, c’est qu’ils sont payés pour ça. L’injustice a des répercussions proches. Ceci ne voudrait pas signifier pour autant que nous boycotterons les prochaines élections si elles se déroulent sur la base de la loi de 1960. Nous ne permettrons à personne d’amener le patriarche à accepter cette loi, ni de lui forcer la main pour l’entraîner dans cette direction. »

    Nabil Qaouq, vice-président du Conseil exécutif du Hezbollah
    « Le mouvement du 14-Mars ne veut pas une vraie parité. Il veut s’approprier le pouvoir et refuse le dialogue pour bloquer l’adoption d’une nouvelle loi électorale. il suffit de voir qu’Israël parie sur la victoire du 14-Mars aux prochaines législatives pour savoir que ce mouvement est l’otage de forces extérieures qui l’obligent à s’attaquer à la Résistance. »

    Serguei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères
    « Encourager la guerre à outrance contre le régime de Bachar el-Assad, c’est accroître la souffrance du peuple syrien et envenimer la situation explosive au Proche-Orient. La Russie s’oppose catégoriquement à toute ingérence extérieure en Syrie et ne participera pas au conflit armé dans ce pays. Le point d’approvisionnement matériel et technique russe à Tartous fonctionne en mode normal. Je tiens à souligner : notre coopération militaire et technique de longue date vise avant tout à maintenir la stabilité au Proche-Orient et n’a jamais eu pour but de soutenir une force quelconque sur la scène intérieure syrienne. La Russie fait tout son possible pour mettre fin à l’effusion de sang et pour convaincre les parties en conflit d’entamer un dialogue. »

    Ghadanfar Rokn Abadi, ambassadeur d’Iran au Liban
    « Nos principes sont clairs et transparents. Nous regardons toujours les hautes montagnes qui se découpent à l’horizon et nous parvenons à réaliser les objectifs lointains. Nous ne nous tournons jamais vers les petits nids-de-poules sous nos pieds. En Syrie, une solution pacifique qui se fait toujours attendre est inévitable. Au sujet du dossier nucléaire, le secrétaire général du Conseil de sécurité nationale, Saïd Jalili, a refusé à neuf reprises un tête-à-tête avec les Etats-uniens. »

    Ali Abdel Karim Ali, ambassadeur de Syrie au Liban
    « Des pays arabes financent Al-Qaïda en Syrie. Le Liban doit être davantage respectueux des relations bilatérales et ne doit pas se transformer en couloir pour les crimes commis en Syrie. Je n’accuse pas le gouvernement libanais mais la quantité des armes dont font état les médias et les atteintes de ceux qui se sont affublés du nom d’Armée syrienne libre contre l’armée à Ersal doivent pousser le Liban à adopter une position plus solide, surtout que la Syrie est victime d’une agression couverte par les États-Unis, l’Europe et soutenue de façon éhontée par les pays du Golfe. »

    Evénement

    Les preuves de l’implication de Saad Hariri dans la crise syrienne
    • Une conversation enregistrée entre le député du Courant du futur, Okab Sakr, et Abou Noomane, un dirigeant de l’opposition syrienne armée porte sur un transfert d’armes. « Aidez-nous, s’il vous plaît, nous avons besoin d’armes », demande Abou Noomane à M. Sakr dans l’enregistrement sonore posté sur le site Internet du quotidien al-Akhbar et diffusé dans le bulletin de la chaîne OTV, jeudi soir. « Dites-moi exactement ce dont vous avez besoin », lui répond le député libanais. L’opposant lui détaille alors sa demande et les deux hommes se mettent d’accord pour livrer les armes, « comme d’habitude », aux membres de l’opposition syrienne dénommés Abou Baraa et Abou el-Nour.
    • L’ancien Premier ministre Saad Hariri avait assuré, en octobre dernier, que le député est « chargé de suivre la situation en Syrie et de coordonner avec les forces politiques syriennes de l’opposition pour soutenir le peuple syrien au double plan médiatique et politique. »

    Transcription d’un enregistrement
    — Une voix inconnue : allo.
    — Okab Sakr : allo.
    — L’inconnu : oui, mon frère.
    — Okab Sakr : oui.
    — L’inconnu : quelle est la requête ? Qu’est-ce qui lui manque ?
    — Okab Sakr : Des mitrailleuses, des balles. Nous voulons des balles B K C, des roquettes Rpg, des armes de qualité pour Alep, la banlieue d’Alep et la région d’Idlib.
    — L’inconnu : Quelle région spécifiquement ?
    — Okab Sakr : Alep, la banlieue d’Azaz et les régions assiégées. À Idlib, il y a des régions qui subissent en ce moment même une attaque féroce. Il faut assurer cette commande.
    — L’inconnu : De quelle armes de qualité avez-vous besoin exactement ?
    — Okab Sakr : Je ne sais pas, il n’y a pas d’armes spécifiques. Les commandes portent généralement d’anti-avions et d’antichars, avec les armes ordinaires, légères ou moyennes.
    — Inconnu : D’accord, d’accord.

    Transcription du troisième enregistrement
    — Abou Rachad (responsable de l’approvisionnement à Hama et ses banlieues) : Salam Aleikom... Où êtes-vous ?
    — Louay (porte-parole du Conseil suprême de l’ASL) : Oui mon frère, nous sommes dans une chambre avec Monsieur Okab Sakr et tous les hommes sont présents. Rassures-moi de la situation chez toi.
    — Abou Rachad : C’est bien qu’Okab soit près de toi, car nous sommes dans une situation déplorable… la situation est très, très, très urgente, plus que tu ne peux l’imaginer. Les affrontements sont violents et les bombardements intensifs.
    — Louay : Bon, d’accord, nous vous avons tous entendus ici dans la chambre, et Monsieur Okab t’a entendu.
    — Okab Sakr : votre situation s’est aggravée ? Plus que les deux derniers jours ?
    — Abou Rachad : oui. En fait le pilonnage est intensif, et la situation est extrêmement urgente, nous avons besoin d’aide.
    — Okab Sakr : d’accord, où est tu ? À Hama ? A Idlib ?
    — Abou Rachad : Hama et Idlib.
    — Okab Sakr : alors tu demandes d’augmenter les quantités ? La quantité n’est pas suffisante ?
    — Abou Rachad : Oui, oui, multipliez les quantités.
    — Louay : (s’adressant à Sakr) qu’est-ce que tu en penses ? On multiplie les quantités ?
    — Okab Sakr : on augmente les quantités.
    — Okab Sakr (s’adressant à Abou Rachad) : Abou Rachad, j’ai reçu beaucoup de rapports de plusieurs hommes de l’intérieur. Ils m’ont confirmé ce que tu viens de dire sur ces deux régions. La situation va s’aggraver. Maintenant, je dirai aux hommes d’augmenter autant que possible les quantités parce que je connais votre situation. Vous êtes très faibles.

    Revue de presse

    As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 30 novembre 2012)
    Imad Marmal
    Le 14 Mars a dépassé le stade du boycott du dialogue, du Parlement et du gouvernement. Au niveau psychologique, il est dans une logique de divorce. De hauts responsables du Courant du futur affirment que les compromis avec le camp adverse font désormais partis du passé. Pour eux, la discussion sur le changement du gouvernement dans le cadre de la table de dialogue est hors de question. « Est-ce que le Hezbollah a fait figurer la question de la démission des 11 ministres du 8-Mars du gouvernement de Saad Hariri à l’ordre du jour de la séance de dialogue ? », s’interrogent ces responsables. Les sources du Moustaqbal estiment qu’il ne faut pas se baser sur l’accord de Doha, car à l’époque, le 8-Mars, se sentant fort dans le sillage des évènements de 7 mai, a imposé ses conditions, « tout comme Hitler a imposé aux Français l’accord de Versailles après son occupation de la France ». Les mêmes sources ajoutent que le seul dossier qui doit être inscrit à l’ordre du jour du dialogue est celui des armes du Hezbollah. Ils indiquent que le Hezbollah, qui a affaibli le camp de la modération sunnite, doit maintenant en assumer les conséquences et coexister avec les phénomènes extrémistes qui apparaissent.

    As Safir (30 novembre 2012)
    Des source officielles rapportent que le président de la République Michel Sleiman n’envisage en aucun cas de proroger le mandat du Parlement, « même si toutes les parties politiques en conviennent ». Le chef de l’État serait toutefois en faveur d’un report dans un seul cas : si une entente est possible, d’ici aux élections, sur une loi assurant une meilleure représentativité et faisant retomber la tension dans le pays, et s’il s’avère qu’il faudra plus de temps pour la promulguer, le président Sleiman ne verra pas d’inconvénient à prolonger un peu les délais constitutionnels.

    As Safir (29 novembre 2012)
    Nabil Haithaim
    Le 14 Mars s’est montré concerné par la victoire de la Résistance palestinienne dans la Bande de Gaza. Il s’est empressé d’y envoyer une délégation, laissant entendre que la solidarité avec le peuple palestinien n’est pas l’apanage d’une partie libanaise ou régionale déterminée. Les uns ont salué la visite du 14-Mars. D’autres l’ont qualifiée d’acte audacieux, voire historique. Et certains se sont vantés du fait que le 14-Mars fut le premier à ouvrir le chemin de la Palestine par des actes et non pas des paroles, soulignant que les autres doivent lui emboîter le pas.
    Sur l’autre rive, les forces du 8-Mars qualifient la visite du 14-Mars à Gaza de « geste théâtral », lié aux foires d’empoignes internes au Liban, et considèrent qu’elle relève d’un acte opportuniste qui vise à faire de la surenchère sur les forces de la Résistance au Liban. Le constat du 8-Mars se base sur le caractère ponctuel de la visite du 14-Mars et sur la performance de ce dernier tout au long des sept dernières années.
    Partant de là, le 14-Mars est appelé à répondre aux questions suivantes : Qui a eu l’idée d’organiser cette visite à Gaza ? Qui l’a cautionnée ? Est-ce le Qatar, les Frères musulmans, l’Égypte ou le Hamas ? La visite a-t-elle pris en compte la position des États-Unis et de l’Arabie saoudite, d’autant plus que le roi Abdullah s’est distancié des évènements de Gaza, se contentant d’appeler les antagonistes à faire prévaloir la raison ? Sont-elles véridiques les informations qui disent que la visite n’aurait pas eu lieu si le Hamas n’avait pas quitté le giron syro-iranien en faveur de son allégeance au Qatar, à la Turquie et à l’Égypte ?
    Selon la lecture du 8-Mars, le 14-Mars croit que les peuples ont droit à la libération de leurs territoires occupés et opte pour la « résistance diplomatique » en tant que moyen de parvenir à cet objectif. Comment se fait-il donc qu’il soutient la Résistance armée en Palestine et s’oppose à la Résistance armée au Liban ? Les forces du 8-Mars s’interrogent : Comment le 14-Mars reconnaît-il la victoire de la Résistance palestinienne à Gaza et nie la victoire de la Résistance au Liban durant la guerre de 2006 ? La banlieue sud n’avait-elle pas droit à une visite de quelques minutes de la part de ceux qui se sont rendus à Gaza ?

    An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
    Sarkis Naoum (30 novembre 2012)
    Il y a quelques mois, des accrochages ont opposé les rebelles syriens aux forces régulières syriennes à Damas et alentour. Il a été dit, à l’époque, que la bataille de Damas a débuté et que son dénouement précipitera la victoire des insurgés. Toutefois, les forces du régime ont réussi à tenir la capitale d’une main de fer. Pourquoi revenir sur cet échec des rebelles ? Tous les médias regorgent, depuis quelques jours, d’informations confirmant que la bataille de Damas a commencé, mais que cette fois-ci, c’est le régime qui en a pris l’initiative pour faire pencher la balance en sa faveur dans la capitale. Les pro-Syriens au Liban assurent que le président Assad l’emportera, alors que les anti-Syriens considèrent qu’il y a de fortes chances que le régime et ses forces soient évincés de la capitale et de sa province. Quid après la bataille de Damas ? Les analystes ne sont pas unanimes quant à la réponse à y apporter.

    An Nahar (29 novembre 2012)
    Le président du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), David Baragwanath, a qualifié les rapports du TSL de stupéfiants, assurant qu’« ils resteront secrets jusqu’à ce que les accusés soient localisés ». Le magistrat a estimé que le Liban a coopéré avec le tribunal. Au sujet de l’appartenance de Wissam al-Hassan au groupe des témoins principaux du tribunal, il a annoncé qu’« il ne connaît pas l’identité des témoins » et que « l’attentat qui a coûté la vie au général al-Hassan ne relève pas des fonctions du tribunal, à moins que l’État libanais, le Conseil de sécurité et l’Onu n’en décident autrement, comme le stipule le règlement de la cour ». Concernant l’implication des membres du Hezbollah dans l’attentat contre Rafic Hariri, le juge Baragwanath a indiqué qu’« être partisan du Hezbollah veut dire être partisan d’un parti politique, et que le juge ne s’intéresse pas à la religion ou l’affiliation politique d’une personne ».

    An Nahar (29 novembre)
    Rosanna Bou Mouncef
    Ces derniers jours, des propos attribués à un diplomate français sur le possible report des élections législatives ont circulé parmi des hommes politiques libanais qui l’ont récemment rencontré à Paris. Bien que l’éventuel ajournement du scrutin pour une période de six mois, afin de permettre un accord sur une nouvelle loi électorale, a d’abord été évoqué par le ministre de l’Intérieur, personne au Liban ne lui a accordé de l’importance. Pourtant, M. Marwan Charbel est le responsable officiel le plus directement concerné par l’organisation des législatives. En revanche, les propos attribués au diplomate français ont provoqué une confusion chez certains milieux politiques, qui ont tenté d’en savoir plus auprès de l’ambassadeur de France à Beyrouth. M. Patrice Paoli a démenti ces informations, et une autre source diplomatique occidentale au Liban a également affirmé ne pas disposer d’informations sur une démarche française visant à ajourner le scrutin.
    Une source bien informée indique que si report il y a, cela donnera du Liban l’image d’un pays incapable de respecter ses échéances constitutionnelles lorsqu’il est appelé à gérer seul ses affaires.
    À la lumière de toutes ces données, le président de la République, Michel Sleiman, a exprimé sa détermination à organiser les élections à la date prévue, affirmant qu’il ne signera pas un décret proposant la prorogation du mandat du Parlement actuel. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a aussi exprimé son étonnement au sujet des informations faisant état d’une possible prorogation du mandat de l’Assemblée.
    En fait, la question du report du scrutin n’est plus étrangère aux salons politiques, avec la prolifération de « fatwas » justifiant un tel ajournement. Il y a d’abord le refus d’une grande partie des acteurs politiques de la tenue des élections à l’ombre de la loi de 1960. Si les élections ont quand même lieu dans un climat de mésentente et de conflit entre l’Iran et l’Arabie saoudite, cela pourrait se traduire par une recrudescence de la tension. Ensuite, d’aucuns affirment que si les élections ont lieu dans les circonstances actuelles, cela ne signifiera pas qu’elles seront représentatives. D’autres, enfin, pensent que le gouvernement actuel, contrôlé par le 8-Mars, n’a pas intérêt à la tenue d’élections qui verraient l’émergence d’une majorité pour le 14-Mars. Le 8-Mars souhaite un accord préalable sur une nouvelle loi électorale et sur la forme du gouvernement post-électoral.

    An Nahar (28 novembre)
    Samir Mansour
    Le mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabbani, a-t-il pris de court toutes les parties concernées en convoquant les élections du Haut conseil islamique chérié à la fin du mois prochain ? Ces élections auront-elles lieu ? Ces questions se posent en raison des appels à l’ajournement de ce scrutin, émanant en particulier de parties proches du bloc parlementaire du Courant du futur. Mais ce camp n’aura pas gain de cause car le mufti Kabbani, inflexible, assure qu’il ne cèdera pas aux pressions, si fortes soient-elles. Il faudra toutefois tenir compte d’une autre question : le quorum sera-t-il assuré ? En cas de défaut de quorum, les élections devront être reportées.

    An Nahar (28 novembre)
    Ibrahim Bayram
    Ceux qui analysent les dernières prises de positions du chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, découvriront sans trop de difficultés que ses opinions et celles du Hezbollah sont divergentes sur 90 % des sujets : son éloignement de la formule armée-peuple-résistance, ses critiques contre le rôle iranien, le TSL, la question des armes et la vision stratégique du Hezbollah au sujet du conflit israélo-arabe. Avec toutes ces divergences, on se demande sur quoi se base M. Joumblatt pour dire que sa relation avec le parti est « excellente ».
    Des milieux connaissant bien les deux parties indiquent qu’une des principales raisons expliquant la poursuite de la relation entre Joumblatt et le Hezbollah est, justement, cette ambiguïté qui la caractérise. Au début des événements en Syrie, et après que le chef du PSP eut décidé de soutenir les opposants au régime, les milieux médiatiques et politiques ont cru déceler l’existence d’un accord selon lequel le Hezbollah accepte les positions de M. Joumblatt sur la question syrienne, à condition que le dénominateur commun sur le gouvernement et les armes soit préservé.
    Les deux parties semblent avoir trouvé leur intérêt dans cette « cohabitation ». Joumblatt a engrangé des gains qu’il n’avait même pas obtenu lorsqu’il était le fer de lance du 14-Mars : trois ministres avec portefeuilles, un rôle politique central qui en fait un des principaux acteurs. Le Hezbollah aussi a profité de cette relation car Joumblatt assure un quorum politique au gouvernement et au Parlement, qui permet de maintenir les rapports de forces actuels dans le pays.
    La question qui se pose est celle de savoir si cette relation pourra se maintenir, surtout qu’il devient difficile pour le Hezbollah et sa base de supporter le plafond élevé des critiques joumblattistes, d’autant que parfois elles remettent en cause des questions considérées par le parti comme des « constantes ».
    Des milieux proches du Hezbollah assurent qu’il est dans son intérêt que la relation avec Joumblatt se poursuive, en dépit de l’ambiguïté qu’il l’entoure. Surtout que la période actuelle, au Liban et dans la région, reste très floue, ce qui brouille la vue non seulement de M. Joumblatt mais aussi de certains États, notamment en ce qui concerne les événements en Syrie. L’important pour le Hezbollah est que l’équation interne, mise en place après la formation du gouvernement Mikati, reste stable. Et l’un des principaux éléments de cette stabilité est M. Joumblatt. C’est d’autant plus important que la période actuelle est caractérisée par l’attentisme.

    Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 30 novembre 2012)
    Nasser Charara
    Le 4 novembre, la Commission des Affaires extérieures avec les pays du Machreq au Parlement européen a tenu une réunion consacrée aux réfugiés syriens. Lors des discussions, des chiffres précis sur le nombre et l’appartenance sociale des réfugiés syriens ont été présentés. Il a été souligné que la Syrie accueille un million de réfugiés irakiens et un demi-million de Palestiniens qui ne sont toujours pas rentrés chez eux.
    Ahmad Fatfat a prononcé une allocution qui a indisposé certains députés européens car elle était hors-sujet. Le député du Courant du futur a profité de la tribune pour évoquer la question libanaise interne et tenter d’obtenir le soutien de l’Europe à une feuille de route susceptible de ramener son camp politique au pouvoir. Dans son discours, M. Fatfat s’est plaint du gouvernement de Najib Mikati, sollicitant l’aide de l’UE pour obtenir son départ. Il est revenu sur l’affaire Michel Samaha et a fait assumer au gouvernement libanais la responsabilité de l’assassinat du général Wissam al-Hassan. Il a aussi mis en garde le Parlement européen contre le fait que « les Gardiens de la révolution iraniens se trouvent sur les rives du Levant. » Il a réclamé son appui au printemps arabe et à l’opposition syrienne, affirmant que ce soutien est susceptible de garantir la protection et la stabilité du Liban. Le député a critiqué la politique de dissociation du Liban à l’égard de la crise syrienne, adoptée par le gouvernement Mikati, estimant que cette politique vise en fait à protéger le régime syrien. Il a dénoncé l’intervention du Hezbollah en Syrie et le refus du parti de se plier à la justice internationale, notamment dans l’affaire Rafic Hariri.
    M. Fatfat a ensuite proposé une sorte d’initiative de règlement de la crise libanaise, qui ne prévoit nulle part le retour à la table du dialogue, prônée par le président de la République, Michel Sleiman. En substance, la démarche proposée vise à obtenir le départ du gouvernement Mikati et empêcher un vide politique, voulu selon lui par le Hezbollah et ses alliés, en encourageant la formation d’un cabinet de technocrates.
    La réponse européenne n’a pas tardé, même si elle était indirecte. Dans son mot de clôture, le responsable de l’action extérieure de l’Europe, Jan Snadauf, s’est félicité de la coopération étroite et de haut niveau entre l’Union européenne et le Liban et a exprimé la satisfaction de l’Europe à l’égard de la politique de dissociation. Il a réaffirmé le respect officiel européen pour les politiques du gouvernement libanais et salué le climat qui a prévalu lors des réunions tenues dans le cadre du partenariat entre les deux parties. Les propos de M. Snadauf, considérés comme reflétant la position officielle du Parlement européen, ont été perçus comme une gifle assénée non seulement à Fatfat mais aussi à l’homme qui voulait adresser à travers lui un message à l’Europe : Saad Hariri.

    Al Akhbar (29 novembre 2012)
    Nicolas Nassif
    Les législatives de 2013 sont au centre de l’actualité, après la position exprimée par le patriarche maronite Mgr Béchara Raï, qui s’est dit attaché à la tenue du scrutin indépendamment de la loi électorale sur base de laquelle il devrait se dérouler. Une prise de position qui a donné lieu à une vive polémique, voire à des tiraillements internes : après avoir rejeté la loi de 1960 et conditionné les élections à une nouvelle loi tenant compte de la représentativité chrétienne, le patriarche a donné la priorité aux élections sur toute loi censée régir le scrutin, la loi de 1960 comprise. Les propos du prélat coïncident avec une prise de position similaire, par le président de la République Michel Sleiman, lorsqu’il s’est prononcé contre toute prorogation arbitraire du mandat de la Chambre. En clair, il s’agit de donner la priorité absolue à la tenue des élections de 2013, alors que le chef de l’État, tout comme le prélat mais avec moins de vigueur, s’était opposé à la loi de 1960.
    Le patriarcat maronite avait donc rejeté la loi issue de l’accord de Doha —seule clause de cet accord à être toujours de mise—. En effet, le « président consensuel » ne l’est plus, le gouvernement d’union nationale n’a pas réussi l’expérience de la cohabitation entre loyalistes et opposants, et le dialogue national, boycotté par le 14-Mars, ne démarre pas. Aujourd’hui, le patriarche insiste pour que les élections aient lieu, et accepte implicitement qu’elles se déroulent conformément à la loi en vigueur. Dès lors, les autres parties pourront invoquer cette prise de position pour justifier leur consentement à voir les élections de 2013 se tenir sur la base de cette loi.
    Depuis l’assassinat du général Wissam el-Hassan, le 14-Mars boycotte le parlement jusqu’à la chute du gouvernement de Najib Mikati. Mais comme le 8-Mars et le député Walid Joumblatt sont contre une démission du cabinet, le Parlement pourra difficilement se réunir pour promulguer une nouvelle loi électorale.
    À cela s’ajoute le fait que le député Joumblatt tient à rester équidistant du 8-Mars et du 14-Mars. Il bloque la majorité parlementaire en rejetant le projet de la proportionnelle, et en même temps, ne rejoint pas l’opposition pour lui permettre de faire passer le projet prévoyant un découpage en 50 circonscriptions. Ce qui ne laisse aux uns et aux autres qu’un seul choix : la loi de 1960.

    Ad Diyar (Quotidien libanais proche de la Syrie, 29 novembre 2012)
    Hicham Yéhia
    Les campagnes médiatiques et politiques lancées par le 14-Mars contre le gouvernement actuel sont un coup d’épée dans l’eau. Des sources ministérielles centristes rapportent que les entretiens et les concertations qui ont eu lieu entre le Premier ministre Najib Mikati et les responsables français à Paris ont fait transparaître le souci de la France de traiter avec le gouvernement de Mikati au même titre que les autres institutions constitutionnelles au Liban, lesquelles incarnent les relations d’amitié franco-libanaises.
    Les sources précitées soulignent que le chef du gouvernement libanais a retenu un message sans ambages des responsables français, qui sont en contacts continus avec Washington et les pays arabes modérés, selon lequel la France refuse toute mesure susceptible de créer un vide dans le pays, d’autant que l’une des priorités de la France et de ses alliés et amis régionaux et internationaux est d’empêcher le transfert de la crise syrienne au Liban.
    Par conséquent, constatent les mêmes sources, le maintien du gouvernement de Mikati est un besoin arabe et international en vue de faire passer le temps avec le moins de dégâts possibles. Les dirigeants des grandes puissances, ajoutent-elles, considèrent unanimement que les positions de l’opposition libanaise ne sont pas réalistes et ne sont pas conformes aux circonstances actuelles au Moyen-Orient et en Syrie.

    Al Joumhouria (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
    Odaï Daher (29 novembre 2012)
    Des informations non confirmées circulent dans les milieux diplomatiques arabes et occidentaux selon lesquelles des contacts secrets ont été engagés entre les États-Unis et l’Iran, en guise de prélude à une entente irano-US sur deux dossiers principaux : le programme nucléaire iranien et la crise syrienne. Le chef du Parlement iranien, Ali Larijani, proposera-t-il le départ du président Bachar al-Assad ?

    L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
    Scarlett Haddad (30 novembre 2012)
    Le dernier discours du secrétaire général du Hezbollah était différent des précédents. D’abord par la concision et ensuite par la clarté des messages délivrés qui n’étaient pas comme à l’accoutumée enrobés dans des figures de style. En (relativement) peu de temps, sayyed Hassan Nasrallah a pris position sur la plupart des dossiers en suspens, de Gaza à Bahreïn, en passant par la Syrie et Israël pour finir sur la situation interne libanaise. En évoquant clairement toutes ces questions, le secrétaire général du Hezbollah a confirmé le rôle régional de son parti dont l’influence dépasse les frontières du Liban. Il est d’ailleurs régulièrement accusé d’être impliqué dans des affaires concernant d’autres pays. Le Hezbollah a toujours nié intervenir dans les affaires internes d’autres pays, même frères ou amis, mais cela ne l’empêche pas d’avoir des opinions et de les afficher, confirmant ainsi sa stature régionale.
    Actualité oblige, sayyed Nasrallah a donc commencé par commenter les derniers affrontements de Gaza et là son message est clair : selon lui, ce qui s’est passé dans la bande est désormais le modèle de toute confrontation future entre Israël et les Arabes. Il est d’ailleurs clairement apparu à travers les derniers affrontements de Gaza que les services de renseignement israéliens, dans leurs différentes branches, sont mal informés et affaiblis, puisqu’ils n’ont pas réussi à savoir que les Palestiniens comptaient utiliser des missiles Fajr 5 d’une portée de 80 km et les lancer sur Tel-Aviv, Jérusalem et d’autres villes. Ces services ignorent aujourd’hui encore la nature et le nombre des missiles entre les mains de la résistance palestinienne. Pour Nasrallah, il est clair désormais que les Israéliens ne peuvent plus songer à briser la résistance arabe, qu’elle soit palestinienne, libanaise ou autre, en utilisant leur seule aviation militaire. Le fameux principe de « la première frappe », longtemps utilisé par les avions israéliens qui bombardent massivement les centres névralgiques pour traumatiser du premier coup l’ennemi, a prouvé ses limites, voire son inefficacité, puisqu’à Gaza comme au Liban, ni les premières, ni les deuxièmes, ni même les bombardements aériens suivants n’ont réussi à réduire de façon significative la puissance de feu de la résistance.
    L’autre point relevé par le secrétaire général du Hezbollah réside dans le fait que le front interne israélien reste très faible, en dépit de toutes les manœuvres effectuées et de toutes les mesures adoptées avec un grand tapage médiatique censé impressionner l’ennemi, pour le renforcer. Nasrallah a encore précisé que le fameux dôme d’acier (ou le système de bouclier antimissiles) censé protéger Israël des attaques de la résistance n’a pas fonctionné comme il se devait en dépit des assurances des dirigeants israéliens. Cette protection et le battage psychologique fait autour du sujet dans le but de terroriser l’ennemi n’ont pas réussi à entamer la détermination des Palestiniens. Les derniers affrontements de Gaza ont aussi provoqué une grande confusion au niveau des dirigeants israéliens, et le départ du ministre de la Défense Ehud Barak n’est, selon Nasrallah, que la partie visible de l’iceberg. Désormais, a affirmé le secrétaire général du Hezbollah, Israël devra longuement réfléchir avant de lancer une nouvelle agression, contre les Palestiniens, contre le Liban et même contre l’Iran. N’en déplaise à tous les Cassandre qui, au Liban, commencent à affirmer qu’Israël pourrait se venger après Gaza sur le Liban, Nasrallah a été très clair sur ce point, ayant cette formule : si des missiles moins nombreux que les doigts de la main ont fait trembler Israël, que serait-ce avec les milliers de missiles qui seraient lancés à partir du Liban en cas d’attaque contre ce pays ?
    Nasrallah a aussi affirmé que toutes les régions d’Israël sont à la portée des missiles du Hezbollah. À cet égard, il faut préciser que le Hezbollah n’a jamais donné de précisions sur le nombre de missiles qu’il possède. Mais certains milieux proches de cette formation précisent qu’il en aurait près de 70 000. La question qui se pose est la suivante : comment le Hezb peut cacher un tel nombre de missiles dans un pays comme le Liban, petit et surpeuplé, où tout se sait, sans que nul ne puisse dévoiler l’emplacement des caches ? C’est aussi une nouvelle preuve de la discipline et de la solidité de l’engagement des combattants du Hezbollah.
    Il est en tout cas clair que les événements de Gaza ont, selon Nasrallah, donné un nouvel élan à la résistance dans toute sa variété, établissant un nouvel équilibre de la terreur et limitant les choix d’Israël. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, selon le Hezbollah, le TSL a soudain repris du poil de la bête et si les procédures se sont accélérées pour compenser la perte de vitesse d’Israël et de ceux qui continuent de miser sur l’État hébreu.
    Sur le plan interne, Nasrallah a répété ce qu’il avait déjà dit : l’attachement de la formation qu’il dirige au dialogue, à la stabilité et la paix civile. Mais il a tout de même refusé d’être traité avec arrogance et supériorité. Il a en quelque sorte confirmé la position de son parti qui estime que le Liban obéit à un équilibre des forces très délicat qu’il faut respecter sinon c’est l’ensemble qui s’effondre. En d’autres termes, aucune composante libanaise ne peut éliminer l’autre, et il faut s’incliner devant cette réalité. En même temps, Nasrallah a laissé entendre que l’actuel gouvernement devrait rester en place jusqu’à ce qu’il y ait une entente sur son successeur, car il ne faut pas laisser à l’heure actuelle un vide sur le plan de l’exécutif. Qu’on le veuille ou non, il rejoint ainsi la position de l’Occident qui a, à maintes reprises au cours des dernières semaines, confirmé son refus du vide au niveau de l’exécutif pour éviter des développements qui détourneraient l’attention générale de la situation en Syrie. Ce n’est d’ailleurs pas la seule bizarrerie de cette étrange période.

    L’Orient-Le Jour (30 novembre 2012)
    Le magistrat Riad Abou Ghida, chargé de l’affaire de l’ancien ministre Michel Samaha, ne compte pas se désister « du moins jusqu’à présent », ont affirmé des sources judiciaires rapportées par la chaîne télévisée LBCI. Selon ces sources, « le procureur général près la Cour de cassation, le magistrat Hatem Madi, rencontrera la semaine prochaine le magistrat Riad Abou Ghida pour parler du dossier ».
    Également selon ces sources, l’affaire n’a pas encore été tranchée, « parce que les enquêtes ne sont pas encore finies ». Des mesures doivent encore être prises, précisent-elles, soulignant que « depuis le 16 août dernier, M. Samaha n’a pas comparu devant le juge Abou Ghida. De plus, la date de la prochaine séance d’interrogatoire n’a pas été fixée ».
    D’après ces sources, la justice libanaise ne peut pas émettre un mandat d’arrêt à l’encontre du général syrien Ali Mamlouk, dont le nom de la mère est inconnu, pour éviter toute confusion. Selon d’autres sources sécuritaires, « l’enquête menée par le bureau des services de renseignement des FSI est complète et il n’y a aucune excuse pour ne pas trancher l’affaire ».

    Source New Orient News (Liban)

  • L’Amérique (auto)destructrice

    L’Amérique (auto)destructriceLa récente tuerie, la dernière d’une longue série, de l’école primaire Sandy Hook, à Newtown, dans le Connecticut, qui a provoqué la mort de 27 personnes, dont 20 enfants, a suscité, outre une émotion bien légitime, les déclarations traditionnelles, que l’on s’attend à entendre dans de telles circonstances.
    Le lobby des armes à feu, incarné par la National Rifle Association, a encore une fois été dénoncé, mais l’on peut conjecturer qu’il n’y aura aucune suite à une mise en accusation, qui, pour autant, ne sert pas réellement à identifier le problème de fond qui mine la société américaine.
    Pour expliquer les aberrations qui prolifèrent comme une pandémie, et qui meurtrissent aveuglément des innocents au gré des caprices des tueurs, les commentateurs ont à leur disposition une mallette de notions passe-partout, qui, outre l’argument majeur des 200 000 000 d’armes qui se baladent de l’Atlantique au Pacifique, usent tout le lexique fourni en matière de sociologie, d’éducation, et surtout de psychologie. On met l’accent, avec raison, sur la déstructuration des personnes, sur les conflits qui détruisent les liens familiaux, sur la désocialisation des individus enfermés dans un monde intérieur peuplé des fantasmes virtuels de l’internet, sur la haine, la jalousie, le ressentiment qui empoisonnent des consciences perverties par la société du spectacle, de la marchandise, et de la réussite à tout prix, sur la disparition des inhibitions, des tabous moraux qui rendent les gestes meurtriers anodins, banals. Tout cela est vrai, mais peu sont ceux qui dévoileront la cause ultime de ce désastre : l’Amérique elle-même.
    Dans son passionnant ouvrage, « Stendhal et l’Amérique », Michel Crouzet a évoqué le désamour que l’auteur de Lucien Leuwen avait éprouvé pour la république américaine, après une période d’illusions démocratiques. Cette analyse d’un itinéraire que beaucoup connaîtront après avoir découvert la réalité du Nouveau Monde est en soi l’auscultation attentive d’une civilisation qui est la seule à avoir inventé, dans l’Histoire, une forme inédite de massacre, celui de ses propres enfants.
    Stendhal a bénéficié, en lecteur exigeant, de nombreux récits de voyageurs tels que Victor Jacquemont, Basil Hall, Mrs Trollope, Miss Frances Wright, Félix de Beaujour, Volney, dont certains étaient de ses amis, et tous, des écrivains capables de prendre une distance critique. Il n’est pas anodin que Mrs Trollope, par exemple, Anglaise émancipée s’il en est, passa l’Atlantique Wigh, pour revenir Tory !
    Stendhal, qui n’était pas réactionnaire, voyait dans l’Amérique, certes, le progrès, mais aussi la décadence, une régression de la civilisation. L’américanisme était l’avenir, mais il ne serait pour rien au monde devenu Américain. Le progressisme du Nouveau monde, extrémité occidentale de l’Europe, accentue la modernité, qui est arrachement à la sensibilité, jusqu’à son anéantissement. L’homo faber est avant tout l’homme destructeur. Si la volonté et le calcul y sont les instruments de sa liberté, elles servent aussi à maîtriser aussi bien l’être intérieur que la nature.
    Stendhal oppose l’homo americanus au Français, sociable, galant, léger et peu rentable, et surtout à l’Italien, dont la passion rentrée peut éclater en folie destructrice, mais néanmoins civilisatrice, pour peu qu’elle soit sublimée par l’éros et la beauté, ces frivolités essentielles de l’humain différencié. L’archaïsme italien favorise l’épanouissement individuel et collectif, tandis que la perfection politique des Etats-Unis les plonge dans une crise permanente.
    L’homme de raison des Lumières a porté dans ses bagages le progrès et l’ennui. Le négociant européen y est devenu roi. Dans le roman inachevé « Lucien Leuwen », le héros éponyme dit : « Prenez un petit marchand de Rouen ou de Lyon, avare et sans imagination, et vous aurez un Américain ». Un roi multiplié, plébéien, bassement calculateur, régnant sur un continent. Ce qui suffit à donner la mesure de la catastrophe historique que fut le triomphe des Anglo-saxons (Stendhal, à la suite de son ami anglais S. Sharpe, assure que « les Américains ne sont que la quintessence d’Anglais ») sur la terre des Amérindiens, et ce qu’elle fût devenu si les Français, qui s’occupaient plus de nouer des relations galantes avec les Indiennes que de bâtir une utopie biblique, avaient imposé leurs mœurs.
    Au lieu de quoi on eut une sorte d’in-civilisation, la société industrielle de l’Angleterre poussée à son paroxysme, dont les traits sont amplifiés : moralité hyperbolique, puritanisme, austérité, répression du désir, rentabilité, productivité, brutalité des rapports économiques et sociaux, exploitation de la force de travail. Une Angleterre sans sa culture aristocratique de la différence, au demeurant. « L’homme n’[y] est mû que par trois idées : l’argent, la liberté et Dieu ». Avec une prédilection pour la première.
    Ce qui pourra paraître paradoxal pour un contemporain est l’anti-rousseauisme de Stendhal. Il reprend, par l’idéologue Volney, les préjugés de Voltaire sur les « sauvages », qui, par nécessité, sont réduits à vivre misérablement, poussés par un besoin de subsistance précaire, sans imagination, sans dilapidation gracieuse des biens, qui est la condition indispensable pour que l’idée de luxe apparaisse, donc de plaisir, de raffinement, d’intériorisation du délice, et de la construction de rapports sophistiqués avec autrui. L’Indien est un barbare naturel, donc utilitariste. C’est pourquoi il est l’exact miroir de l’homme démocratique américain, uniquement préoccupé d’une économie matérielle d’accumulation des biens et de leur consommation mélancolique.
    La table rase qui a initié un monde nouveau, quelle qu’ait été sa violence originelle, qui subsiste cependant autant dans la conscience profonde du descendant de pionnier, que dans l’attachement épidermique à la possession d’armes à feu, a eu pour effet d’effacer toutes les origines, les personnalités, les véritables différences. L’Américain moyen ne déteste rien tant que la supériorité ou l’originalité. La Terre promise est un pré uniforme où paît le troupeau de Dieu. Le brassage recrée le désert. La masse oppresse, le jugement, le droit, le contrat deviennent le seul critère assurant un lien entre des atomes exilés.
    L’oppression du groupe est d’autant plus prégnant qu’elle n’est pas équilibrée par l’oisiveté cultivée, le loisir épicurien, la dilection gratuite, donc salvatrice. Hormis le travail et la prière, il n’y a rien. Ou tout, ce qui est la même chose. Il est même, et surtout, impossible de se rattacher à un passé, puisque le Nouvel Eden est à construire, et à universaliser. Le temps est à défricher, comme la frontière, et de façon violente. La forêt, la nature, les minerais, le territoire, les paysages, ne sont plus que des instruments de la puissance. Les voyageurs du XXème siècle ont été stupéfaits de découvrir combien le paysan américain, qui n’est plus un paysan, mais un spéculateur, ne s’attache ni à un lieu, ni à la beauté d’un endroit, ni même aux séductions existentielles qu’il offre : ils coupent tout, vendent, puis s’en vont. Le rapport à la nature y est brutal, irrespectueux. Les terres sont si nombreuses, si vastes, si étrangères, au fond, à l’identité des hommes qui en prennent possession, qu’il est vain de s’y arrêter, et, comme sur le Vieux continent, de les transformer en ces œuvres d’art que sont les paysages des nations européennes.
    Nous touchons là l’une des sources de la violence endémique qui mine la société américaine, et qui en fait une des civilisations les plus anormales de l’histoire humaine, une des raisons pour lesquelles elle parviendra peut-être à subjuguer les autres civilisations, à les détruire, et à anéantir, avec elles, l’humanité.
    Car si l’Europe s’est faite peu à peu, dans la longue durée, par une série de cultures conquérantes qui ont absorbé, sans les éradiquer, celles qui leur avaient succédé, des temps préhistoriques jusqu’au moyen-âge, la société américaine a supprimé tout ce qu’elle considérait comme le « mal », les Indiens, la culture européenne, le temps « mort », mais qui vit, pour instaurer ce qu’elle a toujours considéré come un destin manifeste, voulu par Dieu, sans distinction de la variété du monde et de la légitimité des autres visions du monde. En revanche, dès le néolithique, le terroir européen a pris forme, dans un équilibre sage et patient entre la nature sauvage et la nature domestiquée, entre la chasse, la cueillette et l’agriculture, entre la part libertaire de l’homme et sa portion sociale, perçue comme élévation vers une plus grande liberté, laquelle a toujours été perçue come une libération par rapport aux besoins biologiques de l’individu, donc des nécessités économiques. Cette prise en compte civilisationnelle des complexités humaines a produit le grand Art et l’amour fin, considérés comme des idéaux à atteindre par l’élite. L’esclavage réel n’est que celui de la rationalité instrumentale, qui ne donne que ce qu’elle vaut. L’homme se construit à partir de son affectivité, de sa sensibilité, de son monde intérieur, et de l’invention de nouvelles sensations, de tout ce qui éloigne du mécanique.
    Qui veut faire l’ange fait la bête. A vouloir en finir avec la corruption, à quoi l’Américain réduit l’oisiveté aristocratique, le luxe et les plaisirs de l’art et de l’amour, on finit par dénaturer l’homme, par le déshumaniser, par rompre avec ce qui le constitue en tant qu’être sociable, à conjuguer la froideur standardisante aux brusques explosions pornographiques et meurtrières, les deux d’ailleurs se rejoignant dans l’usage immodéré du calcul.
    Plutôt que la prolifération des armes à feu, que les journalistes et responsables politiques s’évertuent de combattre, comme si l’élimination de boutons sur la peau suffisait à faire disparaître une maladie, il vaudrait mieux se demander quelles sont les raison de fond d’un phénomène qui se répète, et s’amplifie. Toutes les règles drastiques de sécurité, et les tentatives d’éducation « civique », ne sont pas parvenues à prévenir un phénomène qui tend à se répandre partout où l’américanisation tend à déstabiliser les sociétés. De la Chine à la France, en passant par la Finlande ou l’Allemagne, la maladie gagne. Parfois, la pathologie s’adapte au terrain. En France, par exemple, il n’est pas rare qu’un père assassine femme et enfants avant de se donner la mort. Les modalités criminelles sont plus américanisées dans les pays du Nord, bien que la tuerie de Nanterre, le 26 au 27 mars 2002, nous ait livré un spécimen qui devrait réjouir le très californien groupe de « réflexion » Terra nova (tout un programme).Richard Durn apparaît en effet, par ses diplômes, son engagement dans le « camp du progrès », son ressentiment viscéral, comme un pur produit américanoïde.
    Du reste, tous ces tueurs appartiennent à la société hypermoderne. Non seulement parce qu’ils prennent la peine, comme dans les meilleurs scénarii hollywoodiens, de se déguiser en « guerriers » de la nuit, avec tenue noire commando et force armes automatiques, mais ils utilisent internet pour gonfler leur ego dans une geste pathétique et dérisoire de narcissisme aigu, et, si possible, de faire perdurer leur image, comme ils ont, eux-mêmes, pu s’inspirer de celle de leurs sinistres devanciers.
    Il est malheureusement certain que cette pathologie civilisationnelle va continuer de se mondialiser à mesure que le Nouvel Ordre mondiale s’universalise. Il est frappant, du reste, de noter que la tuerie de Newtown (dont le nom est révélateur) s’est produite dans une usine à éduquer, dans une école où plus de 600 enfants étaient rassemblés. La quantité, dans l’horreur, s’allie toujours avec l’atrocité, comme dans les abattoirs.
    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com