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  • Attentats à Paris et à Bruxelles : « C'est l'ennemi qui nous désigne »

    Pour comprendre la guerre qui oppose l'Europe à l'islamisme, Mathieu Bock-Côté nous invite à redécouvrir Julien Freund. [Figarovox 1.04] A travers Freund, il nous invite ici à renouer avec les fondements du politique, à rejeter l'universalisme radical, à refuser ce que Maurras eût appelé les nuées, à opérer ce que Thibon nommait retour au réel. « Contre le progressisme qui s'imagine pouvoir dissoudre la pluralité humaine dans une forme d'universalisme juridique ou économique et le conflit politique dans le dialogue et l'ouverture à l'autre ». Sa conception du politique et de l'histoire, son anthropologie même, nous ramènent à Bainville et Maurras. A toute l'école d'Action française. Face à cet épuisement de l'identité européenne - dont le constat nous est familier grâce à Jean-François Mattei - Mathieu Bock-Côté nous conduit, comme jadis Pierre Boutang, à la redécouverte d'une pensée qui sauve. Une pensée des profondeurs qui ressurgit des lointains de notre Histoire. Nous sommes ici dans un paysage familier.  Lafautearousseau  

    Pendant un bon moment, la figure de Julien Freund (1921-1993) a été oubliée. Il était même absent du Dictionnaire des intellectuels français paru en 1996 au Seuil, sous la direction de Jacques Julliard et Michel Winock, comme si sa contribution à la vie des idées et à la compréhension du monde était insignifiante. Son œuvre n'était pas rééditée depuis 1986. L'ancien résistant devenu philosophe qui refusait les mondanités parisiennes et la vision de la respectabilité idéologique qui les accompagne œuvrait plutôt en solitaire à une réflexion centrée sur la nature du politique, sur la signification profonde de cette sphère de l'activité humaine.

    Son souvenir a pourtant commencé à rejaillir ces dernières années. Après avoir réédité chez Dalloz en 2004 son maître ouvrage, L'essence du politique, Pierre-André Taguieff lui consacrait un petit ouvrage remarquablement informé, Julien Freund: au cœur du politique, à La Table Ronde en 2008. En 2010, certains des meilleurs universitaires français, parmi lesquels Gil Delannoi, Chantal Delsol et Philippe Raynaud, se rassemblaient dans un colloque consacré à son œuvre, dont les actes seront publiés en 2010 chez Berg international. Son œuvre scientifique y était explorée très largement.

    Mais ce sont les événements récents qui nous obligent à redécouvrir une philosophie politique particulièrement utile pour comprendre notre époque. L'intérêt académique que Freund pouvait susciter se transforme en intérêt existentiel, dans une époque marquée par le terrorisme islamiste et le sentiment de plus en plus intime qu'ont les pays occidentaux d'être entraînés dans la spirale régressive de la décadence et de l'impuissance historique. Freund, qui était clairement de sensibilité conservatrice, est un penseur du conflit et de son caractère insurmontable dans les affaires humaines.

    Freund ne croyait pas que l'humanité transcenderait un jour la guerre même si d'une époque à l'autre, elle se métamorphosait. Le conflit, selon lui, était constitutif de la pluralité humaine.

    Dans son plus récent ouvrage, Malaise dans la démocratie (Stock, 2016), et dès les premières pages, Jean-Pierre Le Goff nous rappelle ainsi, en se référant directement à Freund, que quoi qu'en pensent les pacifistes qui s'imaginent qu'on peut neutraliser l'inimitié par l'amour et la fraternité, si l'ennemi décide de nous faire la guerre, nous serons en guerre de facto. Selon la formule forte de Freund, « c'est l'ennemi qui vous désigne ». C'est aussi en se référant au concept d'ennemi chez Freund qu'Alain Finkielkraut se référait ouvertement à sa pensée dans le numéro de février de La Nef.

    En d'autres mots, Freund ne croyait pas que l'humanité transcenderait un jour la guerre même si d'une époque à l'autre, elle se métamorphosait. Le conflit, selon lui, était constitutif de la pluralité humaine. Et contre le progressisme qui s'imagine pouvoir dissoudre la pluralité humaine dans une forme d'universalisme juridique ou économique et le conflit politique dans le dialogue et l'ouverture à l'autre, Freund rappelait que la guerre était un fait politique insurmontable et que l'accepter ne voulait pas dire pour autant la désirer. C'était une philosophie politique tragique. Mais une philosophie politique sérieuse peut-elle ne pas l'être ?

    La scène commence à être connue et Alain Finkielkraut l'évoquait justement dans son entretien de La Nef. Freund l'a racontée dans un beau texte consacré à son directeur de thèse, Raymond Aron. Au moment de sa soutenance de thèse, Freund voit son ancien directeur, Jean Hyppolite, s'opposer à sa vision tragique du politique, en confessant son espoir de voir un jour l'humanité se réconcilier. Le politique, un jour, ne serait plus une affaire de vie et de mort. La guerre serait un moment de l'histoire humaine mais un jour, elle aurait un terme. L'humanité était appelée, tôt ou tard, à la réconciliation finale. Le sens de l'histoire en voudrait ainsi.

    Freund répondra qu'il n'en croyait rien et que si l'ennemi vous désigne, vous le serez malgré vos plus grandes déclarations d'amitié. Dans une ultime protestation, Hyppolite dira qu'il ne lui reste plus qu'à se réfugier dans son jardin. Freund aura pourtant le dernier mot : si l'ennemi le veut vraiment, il ira chercher Jean Hyppolite dans son jardin. Jean Hyppolite répondra terriblement : « dans ce cas, il ne me reste plus qu'à me suicider ». Il préférait s'anéantir par fidélité à ses principes plutôt que vivre dans le monde réel, qui exige justement qu'on compose avec lui, en acceptant qu'il ne se laissera jamais absorber par un fantasme irénique.

    Un pays incapable de nommer ses ennemis, et qui retourne contre lui la violence qu'on lui inflige, se condamne à une inévitable décadence.

    La chose est particulièrement éclairante devant l'islamisme qui vient aujourd'hui tuer les Occidentaux dans leurs jardins. Les élites occidentales, avec une obstination suicidaire, s'entêtent à ne pas nommer l'ennemi. Devant des attentats comme ceux de Bruxelles ou de Paris, elles préfèrent s'imaginer une lutte philosophique entre la démocratie et le terrorisme, entre la société ouverte et le fanatisme, entre la civilisation et la barbarie. On oublie pourtant que le terrorisme n'est qu'une arme et qu'on n'est jamais fanatique qu'à partir d'une religion ou idéologie particulière. Ce n'est pas le terrorisme générique qui frappe les villes européennes en leur cœur.

    On peut voir là l'étrange manie des Occidentaux de traduire toutes les réalités sociales et politiques dans une forme d'universalisme radical qui les rend incapables de penser la pluralité humaine et les conflits qu'elle peut engendrer. En se délivrant de l'universalisme radical qui culmine dans la logique des droits de l'homme, les Occidentaux auraient l'impression de commettre un scandale philosophique. La promesse la plus intime de la modernité n'est-elle pas celle de l'avènement du citoyen du monde ? Celui qui confessera douter de cette parousie droit-de-l'hommiste sera accusé de complaisance réactionnaire. Ce sera le cas de Freund.

    Un pays incapable de nommer ses ennemis, et qui retourne contre lui la violence qu'on lui inflige, se condamne à une inévitable décadence. C'est ce portrait que donnent les nations européennes lorsqu'elles s'imaginent toujours que l'islamisme trouve sa source dans l'islamophobie et l'exclusion sociale. On n'imagine pas les nations occidentales s'entêter durablement à refuser de particulariser l'ennemi et à ne pas entendre les raisons que donnent les islamistes lorsqu'ils mitraillent Paris ou se font exploser à Bruxelles. À moins qu'elles n'aient justement le réflexe de Jean Hyppolite et préfèrent se laisser mourir plutôt que renoncer à leurs fantasmes ?

    Dans La fin de la renaissance, un essai paru en 1980, Freund commentait avec dépit le mauvais sort de la civilisation européenne: « Il y a, malgré une énergie apparente, comme un affadissement de la volonté des populations de l'Europe. Cet amollissement se manifeste dans les domaines les plus divers, par exemple la facilité avec laquelle les Européens acceptent de se laisser culpabiliser, ou bien l'abandon à une jouissance immédiate et capricieuse, […] ou encore les justifications d'une violence terroriste, quand certains intellectuels ne l'approuvent pas directement. Les Européens seraient-ils même encore capables de mener une guerre » ?

    On peut voir dans cette dévitalisation le symptôme d'une perte d'identité, comme le suggérait Freund dans Politique et impolitique. «Quels que soient les groupements et la civilisation, quelles que soient les générations et les circonstances, la perte du sentiment d'identité collective est génératrice et amplificatrice de détresse et d'angoisse. Elle est annonciatrice d'une vie indigente et appauvrie et, à la longue, d'une dévitalisation, éventuellement, de la mort d'un peuple ou d'une civilisation. Mais il arrive heureusement que l'identité collective se réfugie aussi dans un sommeil plus ou moins long avec un réveil brutal si, durant ce temps, elle a été trop asservie ».

    Le retour à Freund est salutaire pour quiconque veut se délivrer de l'illusion progressiste de la paix perpétuelle et de l'humanité réconciliée. À travers sa méditation sur la violence et la guerre, sur la décadence et l'impuissance politique, sur la pluralité humaine et le rôle vital des identités historiques, Freund permet de jeter un nouveau regard sur l'époque et plus encore, sur les fondements du politique, ceux qu'on ne peut oublier sans se condamner à ne rien comprendre au monde dans lequel nous vivons. Si l'œuvre de Freund trouve aujourd'hui à renaître, c'est qu'elle nous pousse à renouer avec le réel.  

    FigaroVox

    Mathieu Bock-Côté                       

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques(VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Hollande Démission : Procès de la Banderole

    David van Hemelryck avait interjeté appel du jugement de février 2015. Le verdict sera rendu demain. Il écrit sur son site :

    "Non, le mouvement n’est pas mort : il est bien vivant, l’équipe a continué, sur internet, avec des banderoles, avec des autocollants subversifs. Mais des militants s’interrogent, et c’est légitime :

    est -ce que c’est utile de demander la démission ? Il n’en a plus que pour un an, et bientôt [mettre ici le nom de votre candidat préféré] le remplacera et tout ira bien dans le meilleur des monde, et vive la France des bisounours.

    Ok, je caricature un peu : la plupart d’entre vous sait bien que même [votre candidat préféré] ne fera pas tout ce que vous souhaiteriez, soit qu’il n’en ai pas au fond l’intention, soit qu’on ne le laisse pas faire. C’est « le système », qui triomphe, avec tout son argent et sa corruption. Néanmoins, vu que Hollande va probablement finir son mandat, quel est le sens du mouvement ?

    Nous avons toujours été réalistes chez Hollande DEMISSION. Ce slogan, c’est un slogan ultra populaire (88% des Français sont insatisfait de Hollande soit 9 Français sur 10 !) mais « les institutions » sont très solides. D’aucuns diraient, fort peu démocratiques. Et donc arrive l’échéance 2017, et le rêve de faire s’écrouler le système, qui était déjà un rêve, devient (presque) une utopie. Or, nous sommes des réalistes. Si le système ne peut s’écrouler, comment peut on le forcer à prendre des bonnes directions ?

    Par l’action efficace.

    Soyons tout de même positifs. Nombreux sont les analystes qui estiment que nous avons empoisonné le quinquennat de Hollande en le privant de légitimité, en criant haut et fort que ses méthodes sont mensongères, corrompues, et surtout anti-démocratiques. Et cela avec très peu de moyens. Quelques centaines d’euros pour lancer les autocollants et les sifflets, quelques pleins d’essences. La moindre manif de lobbys sponsorisés par P Bergé coûte des centaines de milliers d’euros. Bref, nous avons fait beaucoup avec très peu de moyens. Et nous avons créé un élan. Et quand il était déjà là, nous l’avons amplifié.

    Alors que faire ?

    D’abord que voulons nous faire ?

    Nous sommes pour la démocratie, car c’est un système qui permet de virer ceux qui sont corrompus. Non, la république actuelle n’est donc pas une démocratie. Il y a bien des élections, mais elles ne donnent pas le pouvoir au peuple. Elle le réserve aux castes de nantis, millionnaires qui jouent les défenseurs des prolétaires, pour mieux se moquer d’eux, de nous tous, en nous appelant les « sans dents ». La mafia au pouvoir, multiforme, mais finalement homogène dans ses méthodes, se perpétue par clientélisme, à coups de subventions aux « associations culturelles », aux médias amis du pouvoir, et se crée des « fiefs électoraux » où les élus sont en fait choisis par le parti, au nez et à la barbe de l’électeur, qui n’a en fait jamais le choix. Ces fiefs électoraux,  ces barons qui contrôlent les partis, ces coteries de courtisans qui se développent autour des puissants de ce monde, ce n’est pas la démocratie, c’est le « féodalisme électoral ». [...]"

    Michel Janva

  • La figure royale de Clovis à Charlemagne

    Un retour dans le passé, un regard sur le haut Moyen-Age…. Voilà ce que je vous propose aujourd’hui ! Qu’est-ce donc que cela, le haut Moyen-Age ? Pour résumer, il s’agit de la période qui s’étend en Occident de la chute de Rome en 476 à l’An mil. Epoque méconnue, encore plus reléguée comme obscure, violente et inutile à notre époque, ce premier Moyen-Age est pourtant celui qui nous transmis notre fondement de royaliste. En effet, de Clovis à Charlemagne, différentes traditions royales se sont mêlées : l’héritage helléno-romain, celui germanique et enfin la tradition chrétienne. Ainsi, c’est dans notre royaume ou presque qu’est née l’idée royale telle que nous la connaissons, plus ou moins déformée.

    Dans le monde franc, le roi est soumis à la loi. La législation peut être changée, améliorée ou adaptée mais le roi est un chef soumis à la loi, c’est-à-dire à l’organisation pratique du royaume. Cette loi est orale et il faut attendre Clovis pour en connaître la première codification. La dynastie mérovingienne ne publiera aucun édit important jusqu’à celui de Louis Ier en 688. Encore faut-il préciser que cet édit reprend celui du roi lombard Rothari. Le royaume lombard s’inspire plus volontiers de la Rome royale et impériale, avant que les Francs n’en fassent autant. L’héritage romain tend à faire du roi le législateur en chef, celui par qui la loi est légitime et celui par qui elle est aussitôt légale. En effet, cela vient de l’époque impériale où le Sénat faisait le droit et l’empereur faisait la loi. Si l’on ajoute à cela le christianisme, le roi devient l’émetteur de la loi… A la différence notable que la loi doit être en accord avec le Décalogue. Lorsque Charlemagne fait reprendre la législation franque en 802/803, il est stipulé que la réforme doit permettre de rendre l’administration plus efficace et que le roi est l’intermédiaire entre Dieu et les hommes de cette terre. Contrairement à une idée répandue, la loi salique est évoquée non pas lors de la Guerre de Cent Ans mais par un des capitulaires de l’empereur Charlemagne ! Cette loi évoque la fondation du royaume franc par Dieu et affirme que le roi n’est pas au-dessus des lois mais aussi que la justice est dans la nature de la fonction royale.

    Oui, dès le IXème siècle, il est affirmé que le roi fait la loi, que celle-ci est légale tant qu’elle ne va pas à l’encontre des principes de la Foi, et qu’il en découle que le roi a pour rôle d’être juste et de rendre justice. Isidore de Séville et le concile de Paris de 829 reprennent cette idée fondamentale. Charlemagne utilise le terme de missii pour parler des hommes de confiance qu’il envoie remplacer les tribunaux comtaux : ces « envoyés » ont pour mission de rendre justice pour le roi, en son nom.

    Au-delà de la loi et de la justice, la figure royale hérite des trois traditions dont nous avons parlé en ce qui concerne son rapport à la religion. La nouveauté est la construction de la Chrétienté et donc de la montée en puissance de l’évêque de Rome, pas encore appelé pape. Sous les dynasties mérovingienne et carolingienne, le roi franc tente de se faire du pontife romain un allié et s’entoure d’évêques. Les plus compétents méritent d’être cités : Eloi, monétaire du roi Dagobert, Alcuin, le conseiller anglo-saxon de Charlemagne ou encore Hincmar, le soutien de Charles le Chauve. Preuve que l’Eglise est au cœur des préoccupations, les missii sont toujours au nombre de deux : un laïc et un clerc. Ce rapport étroit qu’ont nos premiers rois avec Rome ne doit pas faire oublier que des tensions ont existé : de manière générale, les mérovingiens et les carolingiens font pression pour nommer évêque un de leurs proches. Si Louis Ier est révérencieux envers l’Eglise, Charles Martel (certes jamais roi) estime que les terres ecclésiastiques sont publiques et qu’il en dispose selon sa volonté ! Le lien entre le roi franc et l’Eglise se fait par la protection militaire du premier à la seconde et des réformes régulières assurant que le clergé soit le moins ignorant et le plus chaste possible. Le sacre royal est bien sûr l’ultime lien qui unit le roi à Dieu et à Son Eglise, ici intervient la tradition juive.

    Enfin, le roi est un guerrier, et même le premier des guerriers de son royaume. Selon Grégoire de Tours, la guerre juste doit être menée avec détermination, mais il n’explique pas ce qu’est la guerre juste… En théorie source de paix, le roi est donc aussi qui doit dire quand la paix n’est plus possible et doit agir par les armes quand il le faut. Il ne faut pas oublier que la légitimité est alors dans la victoire militaire, aussi un roi qui ne fait pas la guerre n’est pas un roi. Charlemagne mène ainsi ses hommes au combat presque jusqu’au terme de sa vie. Illustrant le contraire du roi qui guerroie pour une juste cause, Childéric est tué en 675 après avoir assassiné un grand de son royaume. La victoire sur les païens permet non seulement de montrer la grandeur de roi chrétien mais aussi d’accroître sensiblement son territoire.

    Loi, Foi et guerre, tels sont les attributs de roi dans l’Occident chrétien du haut Moyen-Age. Il s’agit durant ces siècles de rien de moins que de la naissance de la figure royale telle que nous la connaissons de nos jours. Source de loi dans le monde romain, le roi chrétien ne peut se défaire de la loi divine, ce qui l’amène alors vers la justice qu’il doit assurer et faire assurer. Enfin, source de la liberté et de la paix de son royaume, le roi se révèle être le premier serviteur armé de son royaume. En fait, les traditions romaine, germanique et chrétienne ont façonné notre conception de la royauté. Pour reprendre Gorges Dumézil, dans le monde indo-européen, le roi est le réceptacle et le garant des trois fonctions : sacré, guerre, fécondité (tant de la terre, que de la femme). Ainsi le roi rassemble des fonctions paternelles et maternelles. L’Eglise lui assure le sacre, qui n’est pas un sacrement mais un sacremental qui fait de l’oint une figure présente du Christ, ce qui est une fonction paternelle et maternelle à la fois (Dieu étant au-delà). La guerre permet au roi de montrer sa virilité et sa vaillance devant la mort, ce qui est une fonction paternelle. De même, le roi est tenu pour responsable de la bonne récolte en tant que lien avec le divin (fonction nourricière du père) et sa descendance prouve au monde que le royaume a un avenir (fonction maternelle de la fécondité). Ces trois fonctions que sont le sacré, la guerre et la fécondité ont inspiré directement les trois ordres : ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent.

    Mais le haut Moyen-Age a aussi fondé notre Loi fondamentale ! N’avez-vous pas l’impression que le fait que le roi est législateur tant que la loi est légitime selon Dieu ne se rapproche pas du fait que le roi n’est pas propriétaire mais dépositaire de la Couronne ? De là, découle la Loi fondamentale, que le roi est « dans l’heureuse impuissance de changer. » Le légitimiste peut ainsi puiser jusqu’au haut Moyen-Age pour évoquer les causes qui font de l’héritier le roi !

    Charles d’Antioche

    http://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/1912-la-figure-royale-de-clovis-a-charlemagne

  • La porte du paradis ? next door !

    Ce billet n'est pas un parangon de vertu et n'appelle pas au patriotisme comme il conviendrait. Mais notre petite Union soviétique qui a réussi (dixit Váçlav Havel) impose un taux de prélèvement obligatoire moyen de 71% des revenus (calcul du coin fiscalo-social), et comme ça ne lui suffit pas, emprunte à l'étranger. Comparée à celle de l'Allemagne, notre situation est indéfendable (clic). On ne peut évacuer ce pillage de la question de l'évasion fiscale, même si des pays prélevant moins en souffrent aussi. On ne voit nulle part le parti de la hache qui nous sauverait, les effectifs surnuméraires en cause de la fonction publique et parapublique étant importants et assidus aux urnes.

    Grand émoi chez les ligues morales à la publication des noms des évadés fiscaux par L'Internationale du Trou de Serrure : des mecs futés garent leur blé à l'insu de leur plein gré sous les tropiques. C'est l'affaire des Panama Papers (clic). Première et dernière question : pourquoi sous les tropiques et pas à Ushuaïa ? Je pouffe : malgré son nom, le monokini est impossible en Terre de Feu. Cherche pas plus loin la cerise au fond du Martini Dry. Une piscine à Ushuaïa et quoi encore.
    Finalement, c'est la presse d'investigation qui a sorti le scoop, les services fiscaux des Etats volés s'avérant particulièrement inaptes à combattre l'évasion fiscale s'ils en comprennent déjà la mécanique. Non ! Pas la mécanique d'avant-hier, celle de demain matin. Parce qu'il faut être suffisant comme un ministre des Finances français pour croire en la victoire finale dans le domaine de l'ingénierie financière avec des mecs payés au mois. Quand les besogneux de Bercy sur Seine auront terminé l'étude des voies et moyens de s'évader de l'enfer fiscal français, les gnomes des officines qui bossent 12 heures par jour avec des QI d'autistes auront, eux, remonté une mécanique nouvelle de sauvetage des peines et soins surtaxés, peut-être même sans argent en circulation ou sans argent du tout !
    Le monde des Etats est le monde visible. Celui des génies est plus grand. Or ce sont les génies qui sont convoqués à l'évasion des enfers. Chacun a entendu parler du Deep Web, l'internet invisible des robots. Cette Toile opaque ferait, pense-t-on, 95% de toutes les ressources en ligne et il est faux de croire qu'elle ne serait qu'un nid de pédophiles. Il y a des raisons purement techniques qui repoussent l'intérêt des robots (sites à clés, métablocage de sites, sites ultra-lourds) et des raisons professionnelles où le secret est primordial. On a la même chose dans la finance internationale.

    Selon « le Conseil de stabilité financière, le Shadow Banking (système bancaire parallèle), qui sert notamment de support à l’évasion fiscale, a globalement triplé dans le monde en une dizaine d’années et a été évalué à 67000 milliards de dollars en 2011 et probablement 74000 milliards en 2013. Il y circule aujourd’hui la moitié des actifs qui passent par le système bancaire traditionnel. C'est à dire que toutes les grandes banques dans le monde (environ 4000) sont concernées » (source Gilles Bridier in Slate).
    Ce n'est pas demain la veille de la Tranparence internationale pour tous. La seule chose qui va changer après le nouveau scandale de Panama sont les conditions d'accès aux officines d'ingénierie financière. Inutile de soulever le heurtoir si vous êtes inconnu au bataillon et même, non parrainé. On va se méfier des testeurs et des affairistes aux nerfs fragiles. Pour sortir des griffes socialistes le blé gagné à la sueur de votre front, il faudra investir en séjours à Nassau (champagne, piscine) et à Gstaad (cognac, jacuzzi) et vous y faire des relations sûres avant de prendre le train pour les tropiques. Si vous êtes de condition relativement modeste, vous réinvestirez l'argent de la schnouff dans un bar à p... de Phuket. On parle déjà  français (avec un inimitable accent de la Zone) dans bien des établissements ouverts aux touristes. Certains se procurent la convention fiscale franco-thaïlandaise, d'autres passent voir le commissariat de police en demandant où donner au temple.

    Si beaucoup de contribuables estiment trop payer d'impôts, une première mesure permettrait de diminuer cet effectif : réduire la pression fiscale en réduisant les dépenses publiques. On peut rêver pour un pays devenu moyen comme la France donc incapable de déporter des charges sur d'autres, et qui semble avoir complètement assimilé sa soviétisation. Les manifestations d'assistés consentants, place de La République, laissent peu d'espoir au surgissement de guerriers capables de vaincre notre déclin. Reste à partir.
    Bien des familles aisées ont fait ce choix, qui sont libres de revenir en France un ou deux mois par an pour visiter la parentèle et profiter de paysages exceptionnels et des atouts typiquement français. Mais leur carrière ou leurs affaires sont ailleurs, leurs enfants sont élevés ailleurs, leurs assurances sont prises ailleurs. J'en connais de plus en plus et au-delà de ma famille. Là, Bercy ne peut plus rien. La plus-value et les bénéfices ont disparu du Rôle de l'administration. La tendance à l'émigration est lourde¹. La porte du Paradis est à Roissy Charles-De-Gaulle.

    (1) Selon Contrepoints (15.09.2014) : 1/3 des milliardaires français sont partis (clic)
    Selon The Millionaire Migration Report for 2015 (©New World Wealth, mars 2016): dix mille millionnaires français se sont évadés en 2015 (clac).
  • Nuit Debout : le crépuscule des bobos

    Eric Verhaeghe a été place de la République pour rencontrer le mouvement Nuit Debout. Il s’étonne de n’y voir avoir croisé aucun vrai prolétaire.

    Beaucoup s’interrogent sur la nature politique et sociale de la Nuit Debout, qui sème des avatars un peu partout dans le monde latin. S’agit-il d’un nouveau mouvement révolutionnaire ou d’une mode passagère qui agrémente l’actualité sans impact sur la réalité ? Pour avoir parcouru plusieurs fois la place de la République occupée par ces (re)faiseurs de monde, il ne me paraissait pas inutile d’en mettre en lumière quelques aspects.

    Ce qui frappe au premier abord dans la Nuit Debout, c’est la forte homogénéité sociale du mouvement. D’ordinaire, la place de la République est bigarrée. Ce sentiment de mélange est volontiers accru par les événements qui se déroulent régulièrement sur la place : occupation périodique par des migrants ou par des familles africaines menacées d’expulsion et protégées par le Droit au Logement, mais aussi quadrillage par les familles Roms qui dorment dans la rue avec leurs bébés et leurs enfants.

    Le tour de force de la Nuit Debout est de babiller sans lassitude apparente sur le sexe des anges solidaires, de gauche, révolutionnaires, progressistes et autres adjectifs bisounours, dans un entre-soi très bien huilé. Ici, on est bien, on est tranquille, on est humaniste, mais on est d’abord des quartiers centraux de Paris. On adore dénoncer la précarité et la discrimination, mais selon l’étiquette bobo en vigueur, qui accorde une place nulle aux « minorités visibles », manifestement peu intéressées par les sujets qui se traitent. [....]

    La suite sur Le Figaro.vox

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Nuit-Debout-le-crepuscule-des

  • Entretien avec Guy Mettan: «On assiste à la faillite de la puissance intellectuelle de la France»

    Ex: http://arretsurinfo.ch

    Guy Mettan est un journaliste et une personnalité politique suisse. Il a été rédacteur en chef de le Tribune de Genève et président de la Croix Rouge Genevoise. Aujourd’hui, il est député PDC (centriste) au Grand Conseil du canton de Genève et directeur du Club suisse de la presse. En 2015, il a publié Russie-Occident, une guerre de mille ans : La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne aux Éditions des Syrtes.

    Guy Mettan, bonjour. Commençons par votre livre. Vous pensez que la russophobie que l’on observe depuis la Deuxième guerre mondiale sert à structurer le patchwork des sociétés occidentales « contre un ennemi commun ». Est-ce là sa seule fonction?

    Non, le « contre un ennemi commun » n’est que l’une de ses fonctions. La russophobie, comme je l’explique dans ce livre, est un phénomène qui remonte très loin et qui concerne un large espace géographique. J’ai effectivement voulu en montrer les racines profondes et les manifestations. Elle trouve des formes nouvelles à chaque génération, mais découle d’un substrat qui est, lui, très ancien.

    Concrètement, depuis une dizaine d’années, plus la crise de l’Union européenne s’intensifie, plus la russophobie s’accroît. C’est comme si l’UE avait elle aussi besoin de se créer un ennemi pour exister : c’est le sens de cette expression. Cependant, la russophobie n’est absolument pas limitée à l’UE, bien au contraire : elle est encore plus virulente aux États-Unis.

    Pensez-vous qu’il y ait réellement une russophobie chez les Européens ou s’agit-il d’une fabrication de la propagande américaine ?

    Historiquement, la russophobie n’est pas venue des USA. En France, elle était déjà présente de la fin du XVIIIe siècle au XIXe siècle ; c’est suite à sa défaite face à l’Allemagne en 1870 que la France a renoué avec la Russie pour faire face à la menace de l’Empire allemand.

    La russophobie a dès lors émigré en Grande Bretagne. Après les guerres napoléoniennes, elle a servi à justifier le conflit géopolitique entre l’Empire britannique et la Russie en Asie centrale. Elle a ensuite émigré en Allemagne à la fin du XIXème siècle : les Allemands cherchaient en effet à agrandir leur empire à peine unifié et se sont tournés vers les territoires d’Europe de l’Est. C’était la fameuse théorie du Lebensraum, l’espace vital, d’abord mise en place par le IIe Reich et ensuite reprise avec une violence extrême par Hitler. La russophobie est donc avant tout un phénomène européen qui a ensuite  migré aux États-Unis. Une fois la Deuxième Guerre mondiale gagnée grâce à l’apport soviétique – 26 millions de morts dont 13 millions de Russes – les Américains se sont emparés de cette russophobie pour en faire le fondement idéologique de la Guerre froide et justifier leur propre expansionnisme. Les États-Unis, au fond, sont les derniers héritiers de cette longue tradition russophobe.

    On constate donc qu’il n’existe pas de russophobie intrinsèquement européenne. Il existe effectivement un conflit, qui remonte selon moi à Charlemagne et au schisme religieux de 1054. Cette vieille division a fait naître une profonde rivalité entre ces deux mondes, qui resurgit aujourd’hui à la faveur de circonstances politiques. Elle relève plus de facteurs politiques que d’une haine inextinguible. Il existe d’ailleurs aussi une forme de russophilie : avant, elle  se situait dans les partis communistes occidentaux. Elle existe encore à gauche, mais de façon plutôt marginale. De nos jours, la russophilie est surtout dans le camp conservateur.

    La Russie a toujours généré en Europe des sentiments de forte sympathie et/ou de forte haine. Simplement, ces haines, ces phobies dominent au niveau officiel, celui des chancelleries et des médias, parce qu’elles servent des intérêts politiques. En l’occurrence, elles servent à légitimer l’expansionnisme occidental. Sous prétexte de s’opposer à un supposé expansionnisme russe, on légitime son propre expansionnisme. C’est le rôle de la propagande russophobe. On le voit à propos de la Syrie et plus largement à chaque fois que la Russie s’exprime ou agit : les propos russophobes s’exacerbent, deviennent même violents.

    Selon certains analystes américains, la Guerre froide a été la « colle sociale » qui a servi à structurer les USA. Pensez-vous que l’UE réussisse aussi à se forger une identité avec cet ennemi ?

    Oui, je crois que la russophobie a deux fonctions. D’une part, elle permet de structurer l’espace géopolitique. C’est l’argument avancé pour justifier les incursions, les agressions, pour ne pas dire les invasions effectuées par l’Occident (appelons-le l’Occident puisque, que ce soit l’UE ou les États-Unis, ce sont deux composantes d’une même réalité géopolitique).

    D’autre part, la russophobie permet de façonner politiquement et sociologiquement l’opinion. Elle permet, via une forme de propagande, d’obtenir l’adhésion des opinions populaires à ce programme d’expansion, qui est, osons le dire, un programme impérialiste. Voilà pourquoi la russophobie est si utile et si souvent exploitée par les médias, par les chancelleries et par les Think Tanks qui structurent l’opinion publique en Occident.

    Nous allons en venir à la façon dont votre livre a été accueilli. En Suisse dont vous êtes originaire et où vous résidez, il a reçu un bon accueil. Est-ce que cela a été le cas en France ?

    En Suisse, cela fait 35 ans que je connais le milieu du journalisme et cela s’est plutôt bien passé. Ajoutons que la Suisse est un pays particulier : nous avons quatre langues, deux religions et quatre cultures. Nous sommes donc habitués à prendre en considération des opinions qui ne sont pas forcément les nôtres. Et, contrairement à la France, nous n’avons pas l’habitude de stigmatiser quelqu’un parce qu’il serait de gauche ou de droite. Pendant les campagnes politiques, tout le monde débat autour d’une même table. En France, si vous êtes estampillé de gauche, il est impossible de débattre avec quelqu’un de droite, et inversement. Nous avons donc une tradition un peu différente. Enfin, en raison de notre neutralité, nous sommes plus habitués à écouter des points de vue qui ne sont pas ceux de la majorité.

    En France, mon livre a été bien reçu par le public. Il se vend bien mais son succès repose sur le bouche-à-oreille. Les médias français m’ont tous boycotté.

    Pensez-vous que la censure dont vous avez fait l’objet était orchestrée ? 

    Non, je ne pense pas que ce soit orchestré. Cela relève de la tendance générale : les médias de gauche ou de droite, en tous cas sur la Russie, disent tous à peu près la même chose. On ignore donc simplement une opinion divergente parce qu’elle ne rentre pas dans le cadre. Fait curieux, même le Monde Diplomatique, qui est pourtant beaucoup plus ouvert à d’autres points de vue, notamment de pays émergents ou de pays du Sud, et qui est le moins russophobe des médias français, n’a pas publié de critique. J’ai pu faire paraître une opinion dans Libération, grâce à un ami. Aucun autre passage dans les médias, qu’ils soient écrits ou audiovisuels.

    En revanche, et c’est un point intéressant, plus on s’éloigne de la France et des États-Unis, meilleur est l’accueil. Les Italiens, les Chinois vont traduire et éditer le livre d’ici la fin de l’année. La Russie aussi, cela va de soi.

    Ce n’est pas surprenant puisque la russophobie est un phénomène exclusivement européen et américain. En Amérique latine, en Afrique, en Asie, même au Japon malgré les deux guerres qui ont opposé Russie et Japon, les réactions russophobes sont absentes.

    Pensez-vous que la censure de l’UE, et des médias mainstream occidentaux en général, soit la marque d’une faiblesse ? Quand on n’accepte pas d’écouter un dissident, est-ce parce qu’on a une position fragile et qu’on est mal à l’aise ?

    Certainement. La Russie met le doigt sur nos propres insuffisances en matière de politique étrangère. Elle les dévoile aux opinions politiques occidentales qui ont été largement endormies par la propagande, qui parlait d’ « expansion de démocratie », de « lutte pour les droits de l’homme », etc. Mais ces raisons d’intervenir ne servaient en réalité qu’à masquer des intérêts purement économiques et géopolitiques. La Russie révèle cette vérité dérangeante aux franges les plus lucides de l’opinion occidentale.

    C’est exactement ce qui se passe aussi avec la Syrie. Pendant des années, on nous a vendu les rebelles syriens comme des « combattants de la liberté ». C’est ainsi qu’on les nommait en 2011. Ensuite, on les appelait « djihadistes », « combattants de la foi », ce qui est encore une dénomination politique. Jusqu’à ce qu’enfin, on se rende compte que ces gens étaient des purs terroristes. Il a fallu deux attaques à Paris, celle de Charlie Hebdo et celle du 13 novembre pour que les Français se rendent compte qu’on avait affaire à des terroristes purs et durs, et aucunement à des « combattants de la liberté » comme on nous l’avait seriné pendant des années. Les Russes l’avaient dit bien avant et leur intervention l’a démontré.

    Pensez-vous que dans l’UE, c’est l’amplification de ce malaise qui engendre une surenchère dans la russophobie allant jusqu’à des insultes régulières envers Vladimir Poutine ?

    Le malaise, aujourd’hui amplifié, a commencé en 2003, c’est-à-dire au moment où la Russie a voulu récupérer sa souveraineté nationale sur ses ressources, et qui parallèlement s’est opposée à l’invasion de l’Irak par les États-Unis. Entre 2001 et 2003, après les attentats du 11 Septembre, la Russie et les États-Unis s’entendaient très bien. Poutine avait même offert ses bons services à Bush dans sa lutte contre l’islamisme.

    Début 2003, vint l’affaire Khodorkovski : le président russe s’est opposé à la mainmise des Américains sur le pétrole russe. Kodorkovski a été mis en prison parce qu’il cédait tous les actifs russes de Ioukos aux Américains pour une bouchée de pain, et qu’il voulait se présenter aux élections afin d’être élu président et devenir le relais de la politique américaine en Russie. Ensuite, à l’automne 2003, la Russie s’est opposée à l’invasion de l’Irak. Ces deux événements ont suscité une recrudescence de la propagande anti-russe dans les médias occidentaux.

    Puis vint l’affaire de la Géorgie, en 2008. Alors même que c’était le président Saakachvili qui avait attaqué les forces russes en Ossétie, on a vu la propagande occidentale affirmer le contraire. Encore aujourd’hui, bien qu’un rapport accessible à tous sur le site du Conseil de l’Europe démontre que c’est bien la Géorgie qui avait attaqué, les journaux continuent à diffuser la fausse version.

    Les propos hostiles à la politique de la Russie ont ensuite été alimentés par l’Ukraine. On sait maintenant que la révolution du Maïdan a été largement fomentée, comme l’a dit Victoria Nuland, Secrétaire d’État américaine adjointe, par l’investissement dans des ONG de 5 milliards de dollars destinés à renverser le gouvernement Ianoukovitch. Bien sûr, le peuple ukrainien était excédé par la corruption ambiante, mais nous avons attisé ce mouvement et nous avons profité de cette frustration populaire pour mener à bien un coup d’État qui n’était pas du tout le changement voulu par le peuple. Et deux ans plus tard, le gouvernement mis en place avec Iatseniouk apparaît tout aussi corrompu que le précédent.

    Mais par le biais de cette révolution vampirisée par des oligarques pro-occidentaux, l’Ukraine a basculé dans le camp occidental, réalisant un rêve américain vieux de 50 ans. Brzezinski écrivait noir sur blanc : « l’Amérique doit absolument s’emparer de l’Ukraine, parce que l’Ukraine est le pivot de la puissance russe en Europe. Une fois l’Ukraine séparée de la Russie, la Russie n’est plus une menace ». C’est ce programme qui a été réalisé en 2014. On s’en apercevra avec éclat, mais dans dix ou quinze ans, quand la vérité commencera à sortir peu à peu. Comme pour le début de la guerre du Vietnam et l’incident du golfe du Tonkin, la vérité finira par émerger, mais seulement quand elle sera devenue indolore et surtout, irréversible.

    Revenons aux médias. Quand on observe le paysage médiatique américain, on y constate un pluralisme beaucoup plus marqué que chez nous. Là-bas, il va de la droite dure neocon de Fox News jusqu’à des publications de gauche grand public comme Salon.com et à des voix radicales, des journalistes très engagés contre le système qui ne sont absolument pas des marginaux, comme par exemple Glenn Greenwald. On a même eu récemment une tribune du neveu du président Kennedy contre la politique étrangère américaine. Pourquoi la France, et même l’Union Européenne, sont-elles plus royalistes que le roi anglo-saxon et pourquoi tente-t-on à ce point d’étouffer le débat d’idées ici ?

    Pour moi qui suis francophone, qui ai passé mon bac en France, qui vis constamment aux coté de Français, c’est une immense déception et un grand mystère. Comme vous l’avez dit, si les médias dominants aux États-Unis sont totalement anti-russes, il existe aux États-Unis des médias marginaux ou des voix marginales qu’on peut entendre. Il y a beaucoup de recherches universitaires, même dans de petites universités, qui dénoncent ces manipulations, cette mainmise des médias mainstreams sur l’opinion générale.

    Il existe même des publications d’universités aussi célèbres que Princeton contre le système américaniste…

    Oui. Ces voix sont marginales, certes, au sein des publications générales des universités, mais elles existent toutes. Mon livre ne cite d’ailleurs que des sources américaines, anglaises ou européennes. En Allemagne aussi on peut trouver ces voix-là, même si elles sont périphériques. En revanche en France, c’est totalement exclu. Pour moi, c’est une immense déception, parce que cela marque l’abdication des grands intellectuels français.

    La France, depuis le XVIIIe siècle, a toujours été un phare intellectuel pour le monde. Elle a un peu perdu de sa puissance politique mais elle était restée, jusqu’au début des années 90, disons une grande puissance intellectuelle ; maintenant on assiste à sa faillite.

    Aujourd’hui, les intellectuels sont tous complètement alignés dans une sorte d’unanimisme. Ils expriment une vision du monde totalement sectaire qui prétend s’appuyer sur le culte des droits de l’homme, de la démocratie, de l’humanisme et qui, de fait, se révèle être une manière d’instrumentaliser l’esprit des Lumières et des droits de l’homme pour le mettre au service de causes et d’intérêts totalement médiocres. Pour vendre des armes à l’Arabie Saoudite, on est capables de diaboliser Poutine et de ne pas dire un mot sur ce qui se passe en Arabie saoudite, où c’est cent fois pire que tout ce que l’on peut voir et que l’on pourrait critiquer en Russie. C’est pareil pour la Turquie.

    Pour l’observateur que je suis, cet aveuglement paraît absolument incompréhensible. Cette espèce de subjugation intellectuelle représente une démission intellectuelle face aux États-Unis et aux Anglo-saxons ou tout du moins, face à une partie de l’establishment intellectuel anglo-saxon.

    Cet aveuglement des intellectuels fait écho à un aveuglement politique. Si en février 2014, la France  avait joué le rôle que l’on attendait d’elle dans la crise ukrainienne, elle se serait précipitée à Moscou pour exiger le respect de l’accord qui avait été signé le 21 février 2014 par Laurent Fabius, Steinmeyer et d’autres. Ianoukovitch aussi l’avait signé. Alors la guerre civile aurait été évitée. La Crimée, le Donbass seraient toujours ukrainiens. Poutine serait sorti de ce guêpier en sauvant la face, la tête haute, ce qui est toujours important en politique. Même chose en Syrie : s’obstiner à vouloir absolument faire du renversement d’Assad un préalable à toute négociation est politiquement suicidaire.

    On assiste à un alignement total de la France sur les États-Unis, une démission, une capitulation. S’il s’agissait d’un rapport de force, on pourrait comprendre. Mais vu de l’extérieur, sur le plan intellectuel, qu’aucun journaliste français ne conteste cette position est incompréhensible.

    Une dernière question : récemment, pour alimenter l’hystérie, les médias ont mis en avant des opposants à Poutine qui ne sont tout bonnement pas crédibles, comme Garry Kasparov. La montée dans l’hystérie est-elle une bonne stratégie de propagande ? Cela a-t-il un impact efficace sur les foules ?

    J’ai reçu Kasparov. Dans la presse que je dirige, je donne la parole à Poutine, aux opposants, je donne la parole à tout le monde parce que justement, j’estime que c’est une règle de base du journalisme intellectuellement honnête. Ce qui ne veut pas dire que l’on doive adhérer à tout ce qui est dit, mais quand on fait ce travail, on est d’autant plus autorisé à émettre sa propre opinion que l’on donne aussi à l’opinion publique les moyens de juger.

    Pour répondre à votre question, il est vrai que l’hystérisation peut être efficace. On l’a vu pendant les années 30, où l’on avait affaire à un hystérique qui a réussi à captiver les foules, à les drainer. L’hystérie peut être un moyen de communication redoutable. Quand la conscience collective est anesthésiée, elle finit par adhérer aux discours les plus extrémistes.

    C’est un sujet de préoccupation grave pour les vrais démocrates. Un vrai démocrate ne peut pas accepter qu’un homme politique s’exprime de façon hystérique. Face à une société éveillée, lucide, critique, informée, le danger de l’hystérie est faible ; en revanche, quand l’opinion est en permanence bombardée par de la propagande, elle commence à y adhérer, et l’hystérie l’emporte. Ce point devrait mobiliser une attention toute particulière de la part des démocrates.

    Interview réalisée par Corinne Roussel, publiée le 5 avril 2016 par Les-crises.fr 

    Source: http://www.les-crises.fr/

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Loi Travail : Valls reçoit une nouvelle fois les jeunes

    Nouveau rendez-vous pour Manuel Valls et les organisations de jeunesse. Deux jours après la dernière journée de mobilisation contre la loi Travail, le Premier ministre reçoit à Matignon en fin de matinée, ce lundi, les organisations d'étudiants et de lycéens.
    Huit seront présentes dont les trois qui font partie de l'intersyndicale mobilisée contre le projet de loi depuis plus d'un mois - l'Unef (étudiants), l'UNL et la FIDL (lycéens). Il s'était déjà entretenu avec elles le 11 mars sans réussir à les convaincre.
    Cette fois, Manuel Valls s'est dit «prêt à regarder» certaines des propositions de l'Unef. Le syndicat étudiant demande notamment l'«accès à un emploi stable» et «aux droits sociaux». Le RSA (revenu de solidarité active) n'étant pas accessible aux moins de 25 ans, le premier syndicat étudiant plaide pour que les bourses étudiantes continuent à être versées entre la fin du diplôme et l'accès à la vie professionnelle. L'organisation veut également une augmentation du nombre de places de formation professionnelle et l'amélioration des conditions de vie et de travail des apprentis.
    L'Unef appelle déjà à se mobiliser le 28 avril
    Mercredi dernier, ces organisations ont déjà été reçues par les ministres de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, de la Jeunesse Patrick Kanner et du Travail Myriam El Khomri. A la sortie, le président de l'UNef William Martinet avait toujours affiché un «désaccord» avec le gouvernement sur la loi Travail mais estimé avoir été «écouté».
    Les organisations de jeunesse ne veulent pas baisser la garde même si les dernières manifestations ont montré une mobilisation en baisse et ont été émaillées d'incidents. «Après plus d'un mois de mobilisation, six journées de manifestations et un soutien de l'opinion publique, et notamment des jeunes, qui est très fort, il est temps que le gouvernement entende nos revendications», a affirmé à l'AFP William Martinet.
    Le gouvernement, très attentif et inquiet depuis le début face à la mobilisation des jeunes et au rassemblement Nuit Debout, devrait faire des annonces concrètes. Mais d'ores et déjà, certaines des organisations ont prévenu que, quelles que soient les avancées, elles resteront solidaires de la prochaine journée contre la loi Travail, le 28 avril.

    Le Parisien :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/politique/EuypFypllZvTMVuEHm.shtml

  • L’Institut Civitas dans le viseur des terroristes de l’Etat islamique

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    L’« association catholique conservatrice »ciblée par l’Etat islamique a désormais un nom : Civitas. Selon Libération, c’est l’Institut Civitas qui avait été donné comme cible, depuis la Syrie, aux terroristes de l’Etat islamique (dont les frères El Bakraoui et Mohamed Abrini) responsables des attentats de Paris et de Bruxelles. Cette information figure dans un fichier audio découvert dans un ordinateur appartenant aux terroristes.

    Proche de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (les « lefebvristes »), l’Institut Civitas est une organisation basée à Argenteuil, dans le Val-d’Oise, et elle est ordinairement qualifiée de catholique intégriste. Civitas, qui se définit comme « est un mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l’Église et regroupant des laïcs catholiques engagés dans l’instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples en général, sur la France et les Français en particulier », est dirigé par Alain Escada, de nationalité belge.

    Coïncidence : c’est à Argenteuil qu’a eu lieu hier l’ostention de la « sainte tunique du Christ » en présence du cardinal Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin. La cérémonie a réuni des milliers de personnes.

    Civitas organise chaque année son propre défilé de Jeanne d’Arc : le prochain doit avoir lieu le 8 mai au départ de la place Saint-Augustin, à Paris.

    http://fr.novopress.info/