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  • Les 30 ans de la manifestation pour l'école libre

    Le 22 octobre 1983 avait lieu la première manifestation régionale pour le LIBRE choix de l'école de nos enfants.

    A quelques jours de cet anniversaire et pour cette occasion, le C4D (association de défense pour la LIBERTE du choix d'école) aimerait collecter vos souvenirs : Comment avez-vous vécu cette période ? Y avez-vous participé ? De quelle manière ? Quel souvenir avec le recul du temps en avez-vous conservé ? Et toute autre impression qui vous viendrait en tête…

    TOUT nous intéresse, par avance MERCI de nous contacter :

    • Soit par voie postale : Comité du 4 Décembre, 15 Rue Leglas Maurice, BP 44104 44041 NANTES Cédex 1
    • Soit par courriel à l'adresse suivante : comite4decembre@gmail.com"

    Michel Janva

  • Brignoles : victoire du candidat national

    Brignoles : Marine Le Pen annonce la victoire du candidat FN

    Les électeurs du canton de Brignoles dans le Var ont fait leur choix. Au second tour de l’élection cantonale partielle, ils ont élu le candidat du Front national Laurent Lopez.

    Il recueille 53,9% des suffrages, selon les résultats communiqués par la préfecture. En terme de voix, le candidat FN a obtenu 5301 voix contre 4301 pour la candidate UMP, Catherine Delzers. « Je pense à mes électeurs, à tous ces bannis, à ce peuple modeste », a réagi le nouvel élu. « Je suis très heureux, c’est un score sans ambigüité », a-t-il encore dit, ajoutant que son objectif désormais « c’est de conquérir la mairie » de Brignoles. [...]

    La suite sur Le Figaro

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Brignoles-victoire-du-candidat

  • Le lobby israélien aux États-Unis

    Depuis ces dernières décennies, et en particulier depuis la guerre des Six Jours en 1967, la pièce maîtresse de la politique moyen-orientale des États-Unis a été sa relation avec Israël. La combinaison du soutien constant à Israël et de l’effort lié pour répandre la « démocratie » dans toute la région a enflammé l’opinion arabe et islamique et a compromis non seulement la sécurité des États-Unis mais aussi celle d’une grande partie du reste du monde.

    Cette situation n’a pas d’égal dans l’histoire politique américaine. Pourquoi les États-Unis ont-ils été prêts à mettre de côté leur propre sécurité et celle de plusieurs de leurs alliés pour soutenir les intérêts d’un autre État ? On pourrait supposer que la relation entre les deux pays était basée sur des intérêts stratégiques communs ou des impératifs moraux irrésistibles, mais aucune de ces interprétations ne peut expliquer le niveau remarquable du soutien matériel et diplomatique que fournissent les États-Unis.

    Au lieu de cela, l’impulsion de la politique des États-Unis dans la région dérive presque entièrement de la politique domestique, et en particulier des activités du « lobby israélien ». D’autres groupes avec des intérêts particuliers sont parvenus à biaiser la politique étrangère, mais aucun lobby n’est parvenu à la détourner aussi loin de ce que l’intérêt national pourrait suggérer, tout en convainquant simultanément les Américains que les intérêts des États-Unis et ceux de l’autre pays – dans ce cas-ci, Israël – sont essentiellement identiques.

    Depuis la guerre d’octobre 1973 [guerre du Kippour, ndlr], Washington a fourni à Israël un soutien en diminuant celui qui était donné aux autres États. Israël a été le plus grand bénéficiaire de l’aide économique directe et de l’assistance militaire annuelles depuis 1976, et est au total le plus grand bénéficiaire depuis la Seconde Guerre mondiale, pour un montant de plus de 140 milliards de dollars (en 2004). Israël reçoit environ 3 milliards de dollars par an en aide directe, soit environ un cinquième du budget de l’aide étrangère, et une somme d’environ 500 dollars par an par Israélien. Cette largesse heurte particulièrement depuis qu’Israël est maintenant un État industriel riche avec un revenu par personne à peu près égal à celui de la Corée du Sud ou de l’Espagne.

    D’autres bénéficiaires obtiennent leur argent par des acomptes trimestriels, mais Israël reçoit la totalité de sa dotation au début de chaque exercice budgétaire et peut donc empocher dessus des intérêts. La plupart des bénéficiaires de l’aide attribuée à des fins militaires doivent la dépenser en totalité aux États-Unis, mais Israël est autorisé à utiliser environ 25 % de son attribution pour subventionner sa propre industrie de la défense. C’est le seul bénéficiaire qui n’a pas à expliquer comment l’aide est dépensée, ce qui rend pratiquement impossible d’empêcher l’argent d’être utilisé pour des besoins auxquels les États-Unis s’opposent, comme la construction de colonies en Cisjordanie. D’ailleurs, les États-Unis ont fourni à Israël presque 3 milliards de dollars pour développer des systèmes d’armements, et lui ont donné l’accès des armements top niveau comme les hélicoptères Black Hawk et les jets F-16. Enfin, les États-Unis donnent à Israël l’accès aux renseignements qu’ils refusent à ses alliés de l’OTAN et ferment les yeux sur l’acquisition par Israël d’armes nucléaires.

    Washington fournit également à Israël un soutien diplomatique constant. Depuis 1982, les États-Unis ont mis leur veto à 32 résolutions du Conseil de sécurité critiquant Israël, soit plus que l’ensemble des vetos formulés par tous les autres membres du Conseil de sécurité. Il bloque les efforts des États arabes pour mettre l’arsenal nucléaire israélien sur l’agenda de l’AIEA. Les États-Unis viennent à la rescousse en temps de guerre et prennent le parti d’Israël dans les négociations de paix. L’administration Nixon l’a protégé contre la menace d’une intervention soviétique et l’a réapprovisionné pendant la guerre du Kippour. Washington s’est profondément impliqué dans les négociations qui ont mis fin à cette guerre, comme pendant toute la durée du processus « étape par étape » qui a suivi, tout comme il a joué un rôle clé dans les négociations qui ont précédé et suivi les accords d’Oslo de 1993. Dans chaque cas, il y avait des frictions occasionnelles entre les responsables américains et israéliens, mais les États-Unis ont uniformément soutenu la position israélienne. Un participant américain à Camp David en 2000 a dit ensuite : « Beaucoup trop souvent, nous agissions... en tant qu’avocat d’Israël. » Enfin, l’ambition de l’administration Bush de transformer le Moyen-Orient a au moins en partie pour but l’amélioration de la situation stratégique d’Israël.

    Cette générosité extraordinaire pourrait être compréhensible si Israël possédait des atouts stratégiques vitaux ou s’il y avait une raison morale irrésistible pour un soutien américain. Mais aucune de ces explications ne convainc. On pourrait arguer du fait qu’Israël était un atout pendant la Guerre froide. En servant de représentant de l’Amérique après 1967, il a aidé à contenir l’expansion soviétique dans la région et a infligé des défaites humiliantes aux clients de l’Union soviétique comme l’Égypte et la Syrie. Il a de temps en temps aidé à protéger d’autres alliés des États-Unis (comme le roi Hussein de Jordanie) et ses prouesses militaires ont forcé Moscou à dépenser plus pour soutenir ses propres États-clients. Il a également fourni des renseignements utiles sur les capacités soviétiques.

    Le soutien à Israël ne fut pas bon marché, cependant, il a compliqué les relations de l’Amérique avec le monde Arabe. Par exemple, la décision de donner 2,2 milliards de dollars en aide militaire d’urgence pendant la Guerre d’Octobre a déclenché un embargo sur le pétrole de l’OPEP qui a infligé des dégâts considérables sur les économies occidentales. Pour tout cela, les forces armées israéliennes n’étaient pas en mesure de protéger les intérêts américains dans la région. Les États-Unis n’ont pas pu, par exemple, compter sur Israël quand la révolution iranienne en 1979 soulevait des inquiétudes au sujet de la sécurité des approvisionnements en pétrole, et ils ont dû créer leur propre force de déploiement rapide.

    La première guerre du Golfe a montré à quel point Israël devenait un fardeau stratégique. Les États-Unis ne pouvaient pas utiliser des bases israéliennes sans rompre la coalition anti-irakienne, et ont dû détourner des ressources (par exemple des batteries de missiles Patriot) pour empêcher que Tel Aviv fasse quoi que ce soit qui pourrait nuire à l’alliance contre Saddam Hussein. L’histoire s’est répétée en 2003 : bien qu’Israël fût pressé d’une attaque de l’Irak par les États-Unis, Bush ne pouvait pas lui demander de l’aide sans déclencher une opposition arabe. Ainsi Israël est encore resté sur la ligne de touche.

    Au début des années 90, et encore plus après le 11 Septembre, le soutien des États-Unis a été justifié par l’affirmation que les deux États étaient menacés par des groupes terroristes originaires du monde arabe et musulman, et par des « États voyous » qui soutiennent ces groupes et qui sont à la recherche d’armes de destruction massive. Cela signifiait que non seulement Washington devait laisser les mains libres à Israël face aux Palestiniens et de ne pas insister pour qu’il fasse des concessions jusqu’à ce que tous les terroristes palestiniens soient emprisonnés ou morts, mais aussi que les États-Unis devaient s’en prendre à des pays comme l’Iran et la Syrie. Israël est donc vu comme un allié crucial dans la guerre contre le terrorisme, parce que ses ennemis sont les ennemis de l’Amérique. En fait, Israël est un handicap dans la guerre contre le terrorisme et dans l’effort plus large de s’occuper des États voyous.

    Le « terrorisme » n’est pas un seul adversaire, mais une stratégie utilisée par un grand nombre de groupes politiques. Les organisations terroristes qui menacent Israël ne menacent pas les États-Unis, sauf quand ils interviennent contre eux (comme au Liban en 1982). D’ailleurs, le terrorisme palestinien n’est pas une violence dirigée par hasard contre Israël ou « l’Occident » ; c’est en grande partie une réponse à la campagne prolongée d’Israël pour coloniser la Cisjordanie et la bande de Gaza.

    Plus important, dire qu’Israël et les États-Unis sont unis par une menace terroriste commune a derrière un lien de cause à effet : les États-Unis ont un problème de terrorisme en grande partie parce qu’ils sont de si proches alliés d’Israël, et non le sens inverse. Le soutien à Israël n’est pas la seule source du terrorisme anti-américain, mais il est important, et cela rend la guerre contre le terrorisme plus difficile à gagner. On ne doute pas que de nombreux chefs d’Al-Qaida, y compris Oussama Ben Laden, sont motivés par la présence d’Israël à Jérusalem et par la situation difficile des Palestiniens. Le soutien inconditionnel à Israël aide les extrémistes à rallier un soutien populaire et à attirer des recrues.

    Quant aux prétendus États voyous du Moyen-Orient, ils ne sont pas une grande menace pour les intérêts vitaux des États-Unis, sauf dans la mesure où ils sont une menace pour Israël. Même si ces États acquerraient des armes nucléaires – ce qui est évidemment indésirable – ni l’Amérique ni l’Israël ne pourrait faire l’objet d’un chantage, parce que le maître-chanteur ne pourrait pas mettre la menace à exécution sans souffrir de représailles terribles. Le danger d’un approvisionnement en nucléaire aux terroristes est également écarté, parce qu’un État voyou ne pourrait pas être sûr que le transfert ne serait pas détecté ou qu’il ne serait pas blâmé et puni ensuite. La relation avec Israël rend réellement aux États-Unis la tache plus difficile pour s’occuper de ces États. L’arsenal nucléaire d’Israël est l’une des raisons pour lesquelles une partie de ses voisins désire des armes nucléaires, et les menacer d’un changement de régime ne peut qu’augmenter ce désir.

    Une dernière raison pour remettre en cause la valeur stratégique d’Israël, c’est qu’il ne se comporte pas comme un allié fidèle. Les responsables israéliens ignorent fréquemment les demandes américaines et renoncent à leurs promesses (y compris les engagements à cesser la construction de colonies et à s’abstenir d’« assassinats ciblés » de responsables palestiniens). Israël a fourni une technologie militaire sensible à des rivaux potentiels comme la Chine, dans ce que l’inspecteur-général du département d’État a appelé « un modèle systématique et croissant des transferts non-autorisés ». Selon le General Accounting Office, Israël a également « mené des opérations d’espionnage plus agressives contre les Etats-Unis que n’importe quel allié ». En plus de l’affaire Jonathan Pollard, qui a donné à Israël de grandes quantités de matériel secret au début des années 80 (qu’il aurait transmis à l’Union soviétique en échange de visas de sortie supplémentaires pour les juifs soviétiques), une nouvelle polémique a éclaté en 2004 quand il a été révélé qu’un haut responsable du Pentagone appelé Larry Franklin avait passé des informations secrètes à un diplomate israélien. Israël n’est pas le seul pays qui espionne les États-Unis, mais sa bonne volonté à espionner ses principaux protecteurs font plus que douter de sa valeur stratégique.

    La valeur stratégique d’Israël n’est pas le seul problème. Ses supporters arguent également du fait qu’il mérite un soutien total parce qu’il est faible et entouré d’ennemis ; c’est une démocratie ; les Juifs ont souffert des crimes du passé et méritent donc un traitement spécial ; et la conduite d’Israël a été moralement supérieure à celle de ses adversaires. À y regarder de près, aucun de ces arguments n’est persuasif. Il y a une forte raison morale pour soutenir l’existence d’Israël, mais elle n’est pas en péril. D’un point de vue objectif, sa conduite passée et présente n’offre aucune base morale pour le privilégier face aux Palestiniens.

    Israël est souvent dépeint comme David confronté à Goliath, mais l’inverse est plus proche de la vérité. Contrairement à la croyance populaire, les sionistes avaient des forces plus grandes, mieux équipées et mieux dirigées pendant la guerre d’Indépendance de 1947-49, et les forces de défense israéliennes ont gagné des victoires rapides et faciles contre l’Égypte en 1956 et contre l’Égypte, la Jordanie et la Syrie en 1967 – tout cela avant que l’immense aide américaine commence à affluer. Aujourd’hui, Israël est la force militaire la plus puissante du Moyen-Orient. Ses forces conventionnelles sont de loin supérieures à celles de ses voisins et c’est le seul État dans la région qui possède des armes nucléaires. L’Égypte et la Jordanie ont signé des traités de paix avec lui, et l’Arabie Saoudite a offert de le faire. La Syrie a perdu son protecteur soviétique, l’Irak a été dévasté par trois guerres désastreuses et l’Iran est à des milliers de kilomètres. Les Palestiniens ont à peine une force de police efficace, encore moins une armée qui pourrait constituer une menace pour Israël. Selon une estimation du Centre Jaffee pour les études stratégiques de l’université de Tel Aviv en 2005, « l’équilibre stratégique favorise décidément Israël, qui continue à élargir le fossé qualitatif entre ses propres capacités militaires et son pouvoir de dissuasion et celles de ses voisins ». Si soutenir l’opprimé était un motif irrésistible, les États-Unis soutiendrait les adversaires d’Israël.

    Qu’Israël soit une démocratie amie entourée par des dictatures hostiles ne peut pas expliquer le niveau actuel de l’aide : il y a beaucoup de démocraties dans le monde, mais aucune ne reçoit un soutien aussi somptueux. Les États-Unis ont par le passé renversé des gouvernements démocratiques et soutenu des dictateurs quand cela pouvait faire avancer ses intérêts – ils ont de bonnes relations avec un certain nombre de dictatures aujourd’hui.

    Quelques aspects de la démocratie israélienne sont en désaccord avec les valeurs de base des Américains. À la différence des États-Unis, où les gens sont censés avoir une égalité des droits indépendamment de leur race, leur religion ou leur appartenance ethnique, Israël a été explicitement fondé en tant qu’État juif et la citoyenneté est basée sur le principe de la parenté de sang. Étant donné ceci, il n’est pas étonnant que ses 1,3 millions d’Arabes soient traités comme des citoyens de seconde zone, ou qu’une récente commission du gouvernement israélien ait constaté qu’Israël se comporte d’une façon « négligeante et discriminatoire » envers eux. Son statut démocratique est également miné par son refus d’accorder aux Palestiniens leur propre État viable ou l’intégralité de leurs droits politiques.

    Une troisième justification est l’histoire de la souffrance des juifs dans l’Occident chrétien, en particulier pendant l’Holocauste. Puisque les Juifs ont été persécutés pendant des siècles et qu’ils ne peuvent se sentir en sécurité que dans une patrie juive, beaucoup de gens pensent maintenant qu’Israël mérite un traitement spécial de la part des États-Unis. La création du pays était assurément une réponse appropriée au long registre des crimes contre les juifs, mais cela a également provoqué de nouveaux crimes contre un tiers en grande partie innocent : les Palestiniens.

    Cela avait été bien compris par les premiers responsables d’Israël. David Ben-Gourion avait indiqué à Nahum Goldmann, le président du Congrès juif mondial :

    « Si j’étais un leader arabe je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal : nous avons pris leur pays... Nous venons d’Israël, mais il y a deux mille ans, et qu’est-ce que c’est pour eux ? Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais quelle est leur faute ? Ils voient seulement une chose : nous sommes venus ici et nous avons volé leur pays. Pourquoi devraient-ils accepter cela ? »

    Depuis lors, les responsables israéliens ont à plusieurs reprises cherché à nier les « ambitions nationales » des Palestiniens. Quand elle était Premier ministre, Golda Meir a fait cette fameuse remarque :

    « Il n’y a jamais eu ce qu’on appelle les Palestiniens. »

    La pression de la violence extrémiste et la croissance de la population palestinienne ont forcé les responsables israéliens au désengagement de la bande de Gaza et à envisager d’autres compromis territoriaux, mais même Yitzhak Rabin ne voulait pas offrir aux Palestiniens un État viable. La soi-disant « offre généreuse d’Ehud Barak » à Camp David leur aurait donné seulement un ensemble de Bantustans désarmés sous contrôle israélien. L’histoire tragique des Juifs n’oblige pas les États-Unis à aider Israël aujourd’hui quoi qu’il fasse.

    Les supporters d’Israël le dépeignent également comme un pays qui a cherché la paix dès qu’il pouvait et qui a montré beaucoup de retenue même lorsqu’il était provoqué. On dit que les Arabes, en revanche, agissent avec une grande méchanceté. Pourtant, sur le terrain, les actes d’Israël ne se distinguent pas de ceux de ses adversaires. Ben-Gourion a reconnu que les premiers sionistes étaient loin d’être bienveillants envers les Arabes palestiniens, qui ont résisté à leurs usurpations – ce qui est à peine étonnant, étant donné que les sionistes essayaient de créer leur propre État sur la terre arabe. De la même manière, la création d’Israël en 1947-48 a impliqué des actes de nettoyage ethnique, y compris des exécutions, des massacres et des viols par les juifs, et la conduite ultérieure d’Israël a souvent été brutale, démentant tout supériorité morale. Entre 1949 et 1956, par exemple, les forces de sécurité israéliennes ont tué entre 2 700 et 5 000 Arabes qui revenaient en s’infiltrant ; la grande majorité d’entre eux n’étaient pas armés. Elles ont assassiné des centaines de prisonniers de guerre égyptiens dans les guerres de 1956 et 1967, alors qu’en 1967, elles expulsaient entre 100 000 et 260 000 Palestiniens de la Cisjordanie nouvellement conquise, et ont conduit 80 000 Syriens hors des hauteurs du Golan.

    Pendant la Première Intifada, Tsahal distribuait à ses troupes des matraques et les encourageait à briser les os des protestataires palestiniens. La section suédoise de Save the Children a estimé qu’entre « 23 600 et 29 900 enfants ont eu besoin de soins médicaux pour leurs blessures suite aux tabassages lors des deux premières années de l’Intifada ». Presque d’un tiers d’entre eux étaient âgés de 10 ans ou moins. La réponse à la Seconde Intifada a été bien plus violente, menant Ha’aretz à déclarer que « Tsahal se transforme en machine à tuer dont l’efficacité inspire la crainte, et choque pourtant. » L’Armée de défense d’Israël a tiré un million de balles pendant les premiers jours du soulèvement. Depuis lors, pour chaque Israélien perdu, Israël a tué 3,4 Palestiniens, dont la majorité étaient des spectateurs innocents ; la proportion entre les enfants Palestiniens et les enfants Israéliens tués est encore plus élevée (5,7 pour 1). Il est également intéressant de garder à l’esprit que les sionistes utilisaient des bombes terroristes pour faire partir les Anglais de la Palestine, et que Yitzhak Shamir, au début, terroriste et ensuite Premier ministre, avait avoué que « ni l’éthique juive ni la tradition juive ne peut éliminer le terrorisme comme moyens de combat ».

    Le recours des Palestiniens au terrorisme est mauvais mais n’est pas étonnant. Les Palestiniens pensent qu’ils n’ont aucune autre moyen de forcer les Israéliens à faire des concessions. Comme Ehud Barak l’a un jour admis, s’il était né Palestinien, il « aurait rejoint une organisation terroriste ».

    Donc, si ni les arguments stratégiques ni les arguments moraux ne peuvent justifier le soutien de l’Amérique à Israël, comment l’expliquer ?

    L’explication est le pouvoir inégalé du lobby israélien. Nous utilisons « le Lobby » comme raccourci pour la coalition floue [loose coalition] d’individus et d’organisations qui travaille activement pour orienter la politique étrangère des États-Unis dans une direction pro-israélienne. Ceci n’est pas censé suggérer que « le Lobby » est un mouvement uni avec une direction générale, ou que les individus qui en font partie ne sont pas en désaccord sur certaines questions. Tous les Américains juifs ne font pas partie du Lobby, parce que Israël n’est pas un sujet proéminent pour bon nombre d’entre eux. Dans une enquête de 2004, par exemple, environ 36 % des juifs américains ont déclaré qu’ils étaient « pas vraiment » ou « pas du tout » émotionnellement attachés à Israël.

    Les Américains juifs se différencient également sur des politiques israéliennes spécifiques. Plusieurs des principales organisations du Lobby, telles que le Comité aux affaires publiques américano-israéliennes (AIPAC) et la Conférence des présidents des principales organisations juives, sont dirigées par des intransigeants qui soutiennent généralement la politique expansionniste du parti du Likoud, y compris son hostilité au processus de paix d’Oslo. La majeure partie des juifs américains est par contre plus encline à faire des concessions aux Palestiniens, et quelques groupes – tels que Jewish Voice for Peace – préconisent fortement de telles initiatives. En dépit de ces différences, les modérés et les intransigeants sont tous en faveur d’un soutien absolu à Israël.

    Sans surprise, les leaders juifs américains consultent souvent les responsables israéliens, pour s’assurer que leurs actions font avancer les objectifs israéliens. Comme l’a écrit un activiste d’une importante organisation juive, « Nous disons souvent : “C’est notre politique sur une certaine question, mais nous devons vérifier ce que pensent les Israéliens.” Nous, en tant que communauté, le faisons tout le temps. » Il y a un gros préjudice à critiquer la politique israélienne, et faire pression sur Israël est considéré comme hors de question. Edgar Bronfman Sr, Président du Congrès juif mondial, a été accusé de « perfidie » quand il a écrit une lettre au président Bush mi-2003 l’invitant à persuader Israël de limiter la construction de sa « barrière de sécurité » controversée. Ses critiques ont dit qu’il « est toujours obscène que le président du Congrès juif mondial incite le président des États-Unis à résister à la politique promue par le gouvernement israélien ».

    De même, quand le président du forum politique d’Israël, Seymour Reich, a conseillé à Condoleezza Rice en novembre 2005 de demander à Israël de rouvrir un passage des frontières critique dans la bande de Gaza, son action a été dénoncée comme « irresponsable » : « Il n’y a, ont dit ses critiques, absolument aucune place dans le principal courant juif pour une prospection active contre la politique liée à la sécurité... d’Israël. » Reculant devant ces attaques, Reich a annoncé que « le mot “pression” n’est pas dans mon vocabulaire quand il s’agit d’Israël ».

    Les Américains juifs ont créé un nombre impressionnant d’organisations pour influencer la politique étrangère américaine, dont l’AIPAC, la plus puissante et la mieux connue. En 1997, le magazine Fortune a demandé à des membres du Congrès et à leurs équipes d’énumérer les lobbies les plus puissants à Washington. L’AIPAC a été placée en seconde place derrière l’Association américaine des retraités (AARP), mais devant l’AFL-CIO et la National Rifle Association (NRA). Une enquête du National Journal en mars 2005 a tiré la même conclusion, en plaçant l’AIPAC en seconde place (à égalité avec l’AARP) dans le « classement des muscles » à Washington.

    Le Lobby comprend également des chrétiens évangélistes bien connus comme Gary Bauer, Jerry Falwell, Ralph Reed et Pat Robertson, tout comme Dick Armey et Tom Delay, d’anciens chefs de la majorité à la Chambre des Représentants, qui tous croient que la renaissance d’Israël est l’accomplissement d’une prophétie biblique et soutiennent son agenda expansionniste ; agir autrement, pensent-ils, serait contraire à la volonté de Dieu. Des gentils (non-juifs) néo-conservateurs tels que John Bolton ; Robert Bartley, l’ancien rédacteur de journal Wall Street ; William Bennett, l’ancien secrétaire de l’Éducation ; Jeane Kirkpatrick, ancien ambassadeur de l’ONU ; et l’influent chroniqueur George Will en sont également des fermes défenseurs.

    La forme du gouvernement américain offre aux activistes de nombreuses façons d’influencer le processus politique. Les groupes d’intérêt peuvent inciter les représentants élus et les membres du bureau exécutif, apportent des contributions de campagne, votent aux élections, tentent de façonner l’opinion publique, etc. Ils se réjouissent de leur influence disproportionnée quand ils s’engagent sur une question à laquelle la majeure partie de la population est indifférente. Les politiciens auront tendance à satisfaire ceux qui s’intéressent au sujet, même si leurs nombres sont petits, persuadés que le reste de la population ne les pénalisera pas pour avoir agi ainsi.

    Dans son fonctionnement de base, le lobby israélien n’est pas différent du lobby des fermiers, de celui des syndicats de l’acier ou du textile, ou d’autres lobbies ethniques. Il n’y a rien d’abusif concernant le fait que les juifs américains et leurs alliés chrétiens essayent d’influencer la politique américaine : les activités du Lobby ne sont pas une conspiration telle qu’elle est représentée dans des appareils comme les Protocoles des sages de Sion. Pour la plupart, les individus et les groupes qui en font partie font seulement ce que d’autres groupes d’intérêt font, mais le font beaucoup mieux. En revanche, les groupes d’intérêt pro-Arabes, pour autant qu’ils existent, sont faibles, ce qui rend la tâche encore plus facile au lobby israélien.

    Le Lobby poursuit deux grandes stratégies. D’abord, il utilise son influence significative à Washington, en faisant pression sur le Congrès et le bureau exécutif. Quelle que soit l’opinion d’un législateur ou d’un politicien, le Lobby tente de faire que le soutien à Israël soit le « bon » choix. En second lieu, il tâche de s’assurer que le discours public dépeigne Israël sous un jour positif, en répétant des mythes au sujet de sa création et en défendant son point de vue dans des débats politiques. Le but est d’empêcher que des commentaires critiques puissent obtenir une audience équitable dans l’arène politique. Le contrôle de la discussion est essentiel pour garantir le soutien américain, parce qu’une discussion sincère sur les relations américano-israéliennes pourrait mener les Américains à favoriser une politique différente.

    Un pilier clé de l’efficacité du Lobby est son influence au Congrès, où Israël est pratiquement immunisé contre les critiques. C’est en soi remarquable, parce que le Congrès évite rarement les sujet de controverse. Quand Israël est concerné, cependant, les critiques potentielles disparaissent. Une des raisons est que certains des membres principaux sont des sionistes chrétiens, comme Dick Armey, qui a dit en septembre 2002 : « Ma priorité numéro 1 dans la politique étrangère est de protéger Israël. » On pourrait penser que la priorité numéro 1 de tout membre du Congrès devrait être de protéger l’Amérique. Il y a également des sénateurs et des membres du Congrès juifs qui travaillent pour s’assurer que la politique étrangère des États-Unis soutienne les intérêts d’Israël.

    Une autre source du pouvoir du Lobby est son utilisation du personnel pro-israélien du Congrès. Comme l’a admis un jour Morris Amitay, un ancien chef de l’AIPAC :

    « Il y a beaucoup de types à des postes de cadres ici – sur Capitol Hill – qui s’avèrent justement être juifs, qui sont disposés... à voir certains sujets en termes de leur appartenance à la communauté juive... Ce sont tous des types qui sont en mesure de prendre une décision dans ces domaines pour ces sénateurs... On peut vous mener une vie affreuse juste au niveau de l’équipe. »

    Cependant, l’AIPAC lui-même forme le cœur de l’influence du Lobby au Congrès. Son succès est dû à sa capacité de récompenser les législateurs et les candidats au Congrès qui soutiennent son ordre du jour, et de punir ceux qui le défient. L’argent est critique dans les élections américaines (comme nous le rappelle le scandale sur les affaires douteuses du lobbyiste Jack Abramoff), et l’AIPAC s’assure que ses amis obtiennent une forte aide financière des nombreux comités d’action politique pro-israéliens. Toute personne qui est vue comme hostile à Israël peut être sûre que l’AIPAC orientera des contributions de campagne à ses adversaires politiques. L’AIPAC organise également des campagnes d’écriture de lettres et encourage les rédacteurs de journaux à approuver les candidats pro-israéliens.

    Il n’y a aucun doute sur l’efficacité de ces stratégies. Voici un exemple : aux élections de 1984, l’AIPAC a aidé à battre le sénateur Charles Percy de l’Illinois, qui, selon un haut responsable du Lobby, avait montré « de l’insensibilité et même de l’hostilité envers nos intérêts ». Thomas Dine, le chef de l’AIPAC à l’époque, a expliqué ce qui s’est produit :

    « Tous les Juifs en Amérique, d’une côte à l’autre, se sont réunis pour évincer Percy. Et les politiciens américains – ceux qui occupent des positions publiques maintenant, et ceux qui y aspirent – ont reçu le message. »

    L’influence de l’AIPAC sur la colline du Capitole va même encore plus loin. Selon Douglas Bloomfield, un ancien membre de la direction de l’AIPAC, « il est commun pour les membres du Congrès et leurs équipes de se tourner d’abord vers l’AIPAC quand ils ont besoin d’information, avant d’appeler la Bibliothèque du Congrès, le service de recherches du Congrès, le personnel du comité ou des experts en matière d’administration ». Plus important, il note que l’AIPAC « est souvent invité à rédiger des discours, à travailler sur la législation, à conseiller sur des stratégies, à effectuer des recherches, à rassembler des co-sponsors et des votes de marshal ».

    Le résultat est que l’AIPAC, agent d’un gouvernement étranger, a la mainmise sur le Congrès, avec comme conséquence : la politique américaine envers Israël n’y est pas discutée, bien que cette politique ait des conséquences importantes pour le monde entier. En d’autres termes, une des trois principales branches du gouvernement est fermement investie dans le soutien à Israël. Comme le remarquait un ancien sénateur Démocrate, Ernest Hollings, en quittant le bureau : « Vous ne pouvez pas avoir une politique israélienne autre que celle que l’AIPAC vous donne ici. » Ou comme ce qu’a dit un jour Ariel Sharon à un public américain : « Quand les gens me demandent comment ils peuvent aider Israël, je leur dis : “Aidez l’AIPAC.” »

    Grâce en partie à l’influence qu’ont les électeurs juifs sur les élections présidentielles, le lobby a également un pouvoir significatif sur l’exécutif. Bien qu’ils constituent moins de 3 % de la population, ils font de grosses donations de campagne aux candidats des deux partis. Le Washington Post a par le passé estimé que les candidats démocrates à l’élection présidentielle « dépendent des partisans juifs, qui fournissent au moins de 60 % de l’argent ».

    Et parce que les électeurs juifs ont des taux élevés de participation aux élections et sont concentrés dans les États clés comme la Californie, la Floride, l’Illinois, New York et la Pennsylvanie, les candidats à la présidence vont loin pour ne pas les contrarier. Les principales organisations du Lobby travaillent à s’assurer que les critiques d’Israël n’obtiennent pas de postes importants en politique étrangère. Jimmy Carter voulait que George Ball soit son premier secrétaire d’État, mais il savait que Ball était connu comme un critique d’Israël et que le Lobby s’opposerait à sa nomination. De cette façon, tout aspirant politicien est encouragé à devenir un défenseur d’Israël manifeste, c’est pourquoi les critiques publics de la politique israélienne sont devenus des espèces en danger dans l’establishment de la politique étrangère.

    Quand Howard Dean a appelé les États-Unis à prendre un rôle « plus équitable » dans le conflit arabo-israélien, le sénateur Joseph Lieberman l’a accusé de vendre Israël et a dit que sa déclaration était « irresponsable ». Pratiquement tous les principaux démocrates à la Chambre des Représentants ont signé une lettre critiquant les remarques de Dean, et le Chicago Jewish Star a rapporté que : « Des activistes anonymes... encombrent les boites mails des responsables juifs du pays, pour prévenir – sans beaucoup de preuve – que Dean serait plutôt mauvais pour Israël. »

    Cette inquiétude était absurde ; Dean est, en fait, tout à fait pro-Israélien : son co-responsable de campagne était un ancien président de l’AIPAC, et Dean a déclaré que ses propres opinions sur le Moyen-Orient étaient plus proches de celles de l’AIPAC que celles des plus modérés que sont Americans for Peace Now. Il avait simplement suggéré que « en réunisant les deux parties », Washington agirait en tant qu’intermédiaire honnête. C’est une idée difficilement perceptible comme radicale, mais le Lobby ne tolère pas l’impartialité.

    Pendant l’administration Clinton, la politique moyen-orientale était en grande partie façonnée par des responsables ayant des liens étroits avec Israël ou d’importantes organisations pro-israéliennes ; parmi eux, Martin Indyk, l’ancien directeur adjoint de la recherche à l’AIPAC et le co-fondateur du pro-israélien Washington Institute for Near East Policy (WINEP) ; Dennis Ross, qui a rejoint le WINEP après avoir quitté le gouvernement en 2001 ; et Aaron Miller, qui a habité en Israël et visite souvent le pays. Ces hommes étaient parmi les conseillers les plus proches de Clinton au sommet de Camp David en juillet 2000. Tous les trois soutenaient le processus de paix d’Oslo et privilégiaient la création d’un État palestinien ; mais ils l’ont fait seulement dans les limites de ce qui semblerait acceptable pour Israël. La délégation américaine a pris ses consignes auprès d’Ehud Barak, a coordonné à l’avance avec Israël ses positions de négociation, et n’a pas offert de propositions indépendantes. Sans surprise, les négociateurs palestiniens se sont plaints qu’ils « étaient en pourparlers avec deux équipes israéliennes – l’une affichant un drapeau israélien, et l’autre un drapeau américain ».

    La situation [était] bien plus prononcée dans l’administration Bush, dont les rangs comprenaient des avocats aussi fervents de la cause israélienne comme Elliot Abrams, John Bolton, Douglas Feith, I. Lewis (« Scooter ») Libby, Richard Perle, Paul Wolfowitz et David Wurmser. Comme nous le verrons, ces responsables ont uniformément poussé pour des politiques privilégiées par Israël et soutenues par des organisations du Lobby.

    [Fin de la première partie]

    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-lobby-israelien-aux-Etats-Unis-20632.html

    Source originale en anglais : lrb.co.uk

    Traduction : ism-france.org

    John Mearsheimer est professeur émérite de sciences politiques à l’université de Chicago et est l’auteur de The Tragedy of Great Power Politics.
    Stephen Walt est professeur émérite des relations internationales à la Kennedy School of Government d’Harvard et est l’auteur du livre intitulé
    Taming American Power : The Global

  • Les guerres médiques

    Voici 25 siècles, sur ce théâtre unique, face aux “Barbares”, des Européens se découvrirent tels.

    À l'aube du Ve siècle avant notre ère, dans un monde égéen peu peuplé, sous pression des “Barbares” aux frontières de l'Hellade, les Grecs avaient une faible conscience de leur identité. Tout allait changer avec les guerres médiques et la menace d'une invasion ressentie comme celle de l'Asie.

    Jusqu'alors, le Barbare était avant tout l'étranger qui ne parlait pas la langue d'Ho­mère. Sa prononciation « lourde et empâ­tée », comme la caractérisera Strabon au Ier siècle encore, suscite les moqueries. Le mot même de “Barbare” retranscrit les onoma­topées ou le bredouillis incompréhensible que les Hellènes entendaient dans la bouche du voyageur accueilli suivant les règles d'hos­pitalité, mais qui était radicalement étranger à leur univers. Si le fait linguistique était la manifestation immédiatement perceptible d'une différence, ce sont les liens du sang, de la religion, des coutumes de la terre qui fon­daient le sentiment d'appartenance.

    Sentiment encore faible. Il n'interdisait pas les querelles entre les cités soucieuses de leur autonomie. Ce n'est pas en vain que l'on a pu parler de culture “agonale”, c'est-à-dire bel­liqueuse, pour les Grecs. Une vision helléno­centrée du monde, avec Delphes pour centre ou pour “nombril”, rejetait les Barbares, qu'ils soient égyptiens, carthaginois ou perses, vers des marges géographiques que seuls les voyageurs, ou encore des esprits aty­piques comme Hérodote, étaient en mesure de connaître. Pourtant, la trop grande proxi­mité du puissant empire perse à la lisière du monde grec allait radicalement modifier la perception des Barbares et, en retour, l'image que les Grecs se faisaient d'eux-mêmes.

    La prise de conscience d'une menace repré­sentée par les hordes du Grand Roi fut cepen­dant tardive. Sur la rive asiatique de la mer Égée, l'Ionie, peuplée de Grecs, avait été bruta­lement conquise au milieu du VIe siècle par le souverain achéménide Darius Ier, et intégrée à un ensemble politique oriental qui s'étendait jusqu'à l'Indus. Des maîtres perses et mèdes furent imposés aux Grecs ioniens, qui devaient compter avec une forte présence étrangère sur leur territoire. Il faut préciser que les Perses et les Mèdes d'alors, mêlés aux populations dis­parates de la Babylonie, n'avaient plus guère de parenté avec les conquérants indo-européens arrivés dans ces régions plus de mille ans aupa­ravant. Le fossé ethnique se doublait d'une forte opposition politique, dans la mesure où l'occupant favorisait le régime des tyrans. Mais lorsqu'en -499 les cités d'Ionie se révoltèrent, seules Athènes et Érétrie répondirent à l'appel et se portèrent à leur secours. La menace n'était pas encore ressentie comme assez pressante pour que les Grecs dans leur ensemble, et en tant que tels, en mesurent l'ampleur.

    En 492 avant notre ère, 2 ans après la des­truction de Milet, la traversée du Bosphore par les troupes perses que menait Mardonios, gendre du Grand Roi, précisa tout à coup l’imminence du danger. Quelques cités, soucieuses de leur autonomie, préférèrent pourtant s'accommoder d'une tutelle étrangère et même profiter de la situation pour asseoir un pouvoir jusque-là contesté. Il est vrai qu'allaient s'affronter un puissant État centralisé et une poussière de communautés de type rural, plus habituées aux querelles de voisinage qu'à la résistance à une invasion étrangère ! « Qui serait donc capable de tenir tête à ce large flux humain ? Autant vouloir par de puissantes digues contenir l'invincible houle des mers ! » écrira Eschyle (Les Perses, - 472). L'armée barbare semblait irrésistible. Mais lorsque les émissaires achéménides vinrent exiger d'Athènes « la terre et l'eau », c'est-à-dire la soumission de la cité, ils furent, simplement, mis à mort.

    Après avoir incendié Naxos ou encore Érétrie, dont les populations furent réduites en esclavage, les Perses débarquèrent alors à Marathon en -490. Contre toute attente, Athéniens et les Platéens, leurs voisins, forts de la cohésion de leur phalange, sortir vainqueurs d'une bataille où l'infanterie barbare l'emportait pourtant par le nombre. Ils s'offrirent même le luxe de rentrer à Athènes au pas cadencé pour protéger la cité d'un éventuel débarquement. Dès lors, les Athéniens pouvaient se flatter, comme l'explique Hérodote, « d'avoir été les premiers de tous Grecs à affronter l'ennemi, les premiers à supporter la vue du vêtement mède et des hommes ainsi vêtus, alors que les Grecs prenaient peur rien qu'à entendre le nom des Mèdes ».

    Dix ans plus tard, l'ambitieux Xerxès, successeur de Darius, décida d'une seconde expédition, préparée méthodiquement et sans commune mesure avec la précédente. Hérodote a dépeint une armée immense qui défila pendant 7 jours et 7 nuits devant son chef ! Conscients qu'il ne s'agissait cette fois non plus de représailles mais d'une véritable invasion, les Grecs s’organisèrent sous le commandement de Sparte et cela en dépit des oracles défavorable de Delphes.

    La Grèce était menacée d'anéantissement. L’Achéménide voulait la réduire par la force et la noyer dans la masse des peuples déjà sous tutelle. La deuxième guerre médique commença en -480. À la tête d'une immense armée bigarrée, Xerxès passa l'Hellespont. Par la Thrace, la Macédoine et l'Épire, il des­cendit vers la Grèce centrale. Malgré l'hé­roique résistance des Spartiates de Léonidas, le défilé stratégique des Thermopyles fut franchi. Les Athéniens durent se réfugier sur leur flotte et quitter leur cité. Eux qui se consi­déraient comme les véritables fils de Gaïa – la Terre divinisée –, enracinés au plus profond du sol de leur patrie, ils laissèrent leurs terres aux mains de l'ennemi. Mais c'était pour prendre une éclatante revanche sur mer, à Salamine, sous le commandement de Thé­mistocle. Cette première victoire précédait celle du Spartiate Pausanias, l'année suivante, sur terre, à Platée.

    Ces victoires et d'autres encore précipitè­rent la déroute des Perses et la libération des cités grecques d'Asie Mineure, regroupées dans la ligue de Délos par Athènes en -478. Après de nouvelles victoires navales, le Grand Roi dut reconnaître l'indépendance des villes d'Ionie. Et c'est naturellement dans la bouche des Athé­niens, jurant de ne jamais trahir leurs alliés au profit des Perses, qu'Hérodote place la première recon­naissance explicite de la « grécité ». Après avoir évoqué les temples saccagés et les dieux profanés par les Barbares, qui appellent ven­geance, « il y a le monde grec uni par la langue et par le sang, les sanctuaires et les sacrifices qui nous sont communs, nos mœurs qui sont les mêmes… » (Enquête, livre VIII).

    L'Hellade était sauvée et tous avaient conscience que seule l'alliance des cités avait permis de repousser l'envahisseur. Forts de leur victoire, les Grecs ne cessent alors de la raconter, d'exalter leur glorieuse résistance et de définir ce qui les distingue radicalement de vaincus qui restent néanmoins mena­çants. Tous se reconnaissent dans une cer­taine façon de combattre. La phalange hoplitique, symbole de la cohésion de la cité, constituée de citoyens soldats luttant pour leur patrie, apparaît comme l'antithèse des armées barbares désordonnées, composées d'esclaves tributaires du Grand Roi, issues des différentes peuplades soumises aux Achémé­nides. L'iconographie grecque ne manque pas de les représenter au moment où ils s'apprê­tent à fuir et tombent à terre, blessés, souli­gnant toujours le caractère exotique de leurs traits et de leur accoutrement. La pureté de la flotte grecque est également magnifiée, notamment par Eschyle. Au martèlement des rames frappant l'eau en cadence et le chant de guerre entonné d'une seule voix, le poète oppose le bruissement confus qui montent des navires barbares à Salamine.

    L'absence d'ordre, la démesure, les com­portements excessifs deviennent d'ailleurs les caractéristiques des Barbares. Incapables de se contrôler et de reconnaître les limites fixées à l'homme, ils per­turbent l'équilibre du monde et ne peuvent que susci­ter la colère des dieux. Exemple de l'hubris [perte du sens de la mesure] barbare, Xerxès en per­sonne. À la mer, coupable d'avoir démantelé un pont que ses soldats venaient d'achever, il ordonna d'administrer 300 coups de fouet et de marquer les flots au fer rouge, comme il l'aurait fait avec un esclave. De façon plus générale, face à une forme organi­sée et méthodique de domination qui les menaçaient, les Grecs ont, par contraste, fait de la liberté le trait caractéristique de leur civilisation.

    Les contours de l'identité grecque se sont ainsi précisés dans l'adversité et la résistance commune. L'hellénisme peut désormais être perçu comme un destin historique qu'il s'agit de graver dans la pierre et dont il faut conser­ver la mémoire : avec la dîme du butin, un trépied d'or fut offert à Delphes, sur une colonne portant les noms des cités qui avaient combattu à Platée, et des fêtes pan­helléniques de la liberté furent organisées tous les 4 ans sur le site de cette bataille. La mémoire historique des Grecs, qui se limi­tait jusqu'ici aux récits homériques, s'enrichit d'une référence majeure et fédératrice à laquelle on recourra toujours. L'Iliade, pre­mière épopée panhellénique, fut même réin­terprétée et inscrite dans la longue série des conflits qui menèrent à l'invasion de Xerxès, tandis que la génération de Marathon était considérée comme l'égale des héros du cycle troyen. Sans doute les fils de Priam parlaient­-ils la même langue et rendaient hommage aux mêmes dieux que les Achéens, mais ils comptaient des Barbares dans leur armée. La division du monde et de son histoire, « depuis que la mer a séparé l'Europe de l'Asie » en 2 blocs distincts, radicalement opposés, imposa une telle relecture.

    S'il est vrai que la force de cette mémoire partagée, et sans cesse chantée par les poètes, fut mise à mal par l'atomisation des cités, la lutte contre les Perses n'en est pas moins à l'ori­gine d'une prise de conscience identitaire. Elle est également la source de couples symbo­liques qui n'ont cessé de marquer les construc­tions historiques et politiques à venir : Europe et Asie, civilisation et barbarie.

    Emma Demeester, NRH n°7, été 2003.

    http://vouloir.hautetfort.com

    ◘ Chronologie :

    • 546-540 : Conquête de l'Asie mineure et des cités d'lonie par Darius Ier.

    • 499-494 : Révolte de l'lonie contre les Perses.

    • 490 : Première guerre médique : victoire athénienne de Marathon.

    • 486 : Avènement de Xerxès Ier.

    • 480-479 : Deuxième guerre médique.

    • 480 : Sacrifice des Spartiates aux Thermo­pyles. Sac d'Athènes. Victoire navale des Athéniens à Salamine.

    • 479 : Victoire de Platée, libération de la Grèce. Victoire navale de Mycale, libération de l'lonie.

    • 478 : Révolte et libération des Grecs d'Asie Mineure.

  • Hélie Denoix de Saint Marc: souvenirs et réflexions.

    Hélie Denoix de Saint Marc: souvenirs et réflexions. Le colonel Hélie Denoix de Saint Marc vient, voici peu, de nous quitter. Il emmène avec lui ma toute première jeunesse militante. Le rapport que nous entretenons au temps est fonction en partie de notre âge. A titre d’exemple, la vie va en s’accélérant alors qu’elle semble si lente aux plus jeunes. C’est ainsi que quinze ans, c’est long pour un adolescent, alors que c’est peu pour un homme mur.
    Je me souviens que durant les années soixante-dix, on trouvait sur les étals dans les hypermarchés, beaucoup de livres consacrés aux guerres d’Indochine et d’Algérie. En 1977, cela faisait quinze ans que la guerre d’Algérie était finie et cela me semblait si loin. Pour autant, issu d’un milieu Vieille France, thuriféraire des valeurs militaires, je lisais souvent des ouvrages issus des plumes d’Erwann Bergot, Georges Fleury, Pierre Sergent et Jean Mabire. Si chez nous, l’engagement dans la Résistance allait de soi, bien davantage conséquence du patriotisme que de l’idéologie politique, je ne me souviens plus avoir entendu le Maréchal critiqué. Quelque part, le slogan qu’allait prononcer Raymond Barre d’un « travail, famille, patrie dans une France libre » nous convenait très bien.
    Je ne sais le pourquoi de l’intérêt majeur pour la guerre d’Algérie chez l’adolescent que je fus. Je sais en revanche que j’avais sur le sujet des idées assez arrêtées qui déjà à l’époque n’étaient pas appréciées. Il est vrai aussi que ma fascination, tant pour l’armée que pour la politique, laissait camarades de collège et de lycée indifférents, quand elle ne les faisait pas fuir.
    A l’époque, je ne songeais en aucun cas à la civilisation que pouvait apporter la France mais au fait qu’étant la France, elle ne pouvait être simplement qu’hexagonale. De surcroît, antisoviétique, je savais les liens privilégiés entre Moscou et les pays arabes : cela suffisait à me faire choisir le camp que l’on imagine.
    On ne comprendra pas le putsch à Alger si on méconnait la guerre d’Indochine et notamment sa fin. Quand les soldats français partirent de là-bas, les autochtones qui avaient choisi la France, coururent derrière les camions militaires, bien conscients de ce qu’ils allaient leur arriver s’ils étaient laissés sur place. Ce sont les mêmes officiers qui furent obligés d’abandonner les Indochinois sur place, que l’on retrouva munis de quelque barrettes de plus sur l’épaule, effectuant le putsch : il n’était à leurs yeux pas acceptable de recommencer la même erreur que celle commise en Asie. C’est ce que l’on appela le respect de la parole donnée, parole que ni l’Indochine ni l’Algérie ne seraient abandonnées.
    Si le sujet n’était si grave, on pourrait s’amuser du procès en fascisme des officiers supérieurs putschistes, alors que ces derniers furent très majoritairement présents et actifs durant la Résistance. Combien peuvent, parmi les procureurs de l’époque, en dire autant ?
    On sait que le 1er Rep fut le fer de lance du putsch. Et qu’Hélie Denoix de Saint Marc en prit le commandement. On sait aussi la gêne des accusateurs durant son procès, au motif de la valeur de l’homme qu’ils avaient à juger, eux qui étaient très inférieurs à lui, lui qui imposait le respect à presque tous.

    Philippe Delbauvre

    http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EFlEkpFyyVZqPPQsRE.shtml

  • HD: 1 an après son élection: la vidéo qui fait mal à Hollande