Le premier tour des élections municipales est toujours un temps politique intéressant car il permet de prendre une photo de la situation politique de notre pays.
En effet, de nombreuses sensibilités y sont représentées allant de l’Église de la Sainte Consommation aux Identitaires en passant par les partis institutionnels.
Il permet d’avoir une analyse plutôt fine sur la sociologie des communes et les dynamiques en cours.
La première dynamique, c’est l’effondrement du PS. Seuls 2 Français sur 10 ont voté pour le parti du Président lors de ce premier tour. Quelle légitimité pour ce président et son gouvernement dans ses conditions ? Cette question est une vraie question et non un « relent nauséabond de populisme offensant la sacro-sainte démocratie ». Oui le PS n’est pas légitime, comme il ne l’était d’ailleurs pas en 2012 où il est passé « par défaut », par rejet de l’ancien président Sarkozy. Nous connaissons tous le PS, qui n’a de socialiste que le nom et dont la politique économique actuelle est la même que celle de l’UMP (avec quelques nuances). Le PS nous avait déjà fait le coup en 83 avec Pierre Mauroy qui avait initié le tournant libéral de la gauche, douchant l’optimisme de son camp.
L’autre dynamique, c’est le retour en force de la droite, très probablement encouragée par la Manif pour tous, qui a (ré)activé le clivage droite/gauche, et qui a concerné un grand nombre de familles qui s‘inquiètent à juste titre de ce qu’on va apprendre à leurs enfants. Bien plus que le mariage homo en tant que tel, c’est la conception de la famille et ce qu’on apprend à nos enfants qui a produit un choc terrible dans la population. Certes il y a une déception de l’électorat de gauche, mais cela n’a pas conduit à faire monter, en réaction, l’extrême-gauche qui continue de s’effondrer lamentablement. Seules quelques vieilles municipalités « communistes » continuent de perdurer, mais pour combien de temps encore ? C’est donc la "droite" et le centre qui engrangent les voix. Même à Paris, souvent dépeinte comme une ville de « bobo cosmopolites », l’UMP arrive en tête, même à Toulouse, dépeinte comme une ville de « gauchistes », l’UMP arrive en tête. Cela ne présage rien du résultat final, mais c’est un signe.
Évidemment, le phénomène incontournable, c’est l’augmentation de l’abstention, ce qui est assez marquant pour des municipales où beaucoup d’enjeux sont des enjeux locaux. Faut-il y voir un rejet des politiciens ? Ou le fait que l’offre n’était pas suffisante sur l’ensemble du territoire ? Dans certaines municipalités, il n’y avait qu’une seule liste, dans d’autres, les barons locaux étaient annoncés vainqueurs malgré la concurrence… Cette abstention n’est d’ailleurs pas une bonne chose. Alors que nous fêtons aujourd’hui l’anniversaire de la Commune de Paris, il faut rappeler que l’engagement local et communal est primordial. Si ce désengagement électoral se traduisait par d’autres formes d’engagement, il serait plus intéressant, mais la réalité c’est qu’il traduit surtout une dépolitisation de nos concitoyens. Quant à ceux qui pensent qu’il s‘agit d’une arme politique, ils se leurrent. Plus de 50% d’abstention à Lille, croyez-vous que ça empêche Aubry de dormir? Non au contraire, et sa position de "maire de Lille" lui donne même droit à des aspirations nationales. Combattre Aubry en restant chez soi ? La bonne blague.
C’est surement cela qui explique la désormais fameuse « poussée » du FN/RBM qui a réussi à arriver en tête dans de nombreuses villes. Il ne faut pas la surestimer. On s’amusera d’ailleurs du caractère ultra ciblé géographiquement de ce vote. Les communes majoritairement FN étant entourées de communes où parfois le FN est totalement absent. Preuve que la politique de terrain fonctionne. En effet il n’y a guère de raisons objectives pour que deux communes voisines aient une distribution aussi différente du vote alors qu’elles subissent souvent les mêmes problèmes. Un bémol cependant, la situation locale peut influer, comme à Hénin-Beaumont avec les affaires judiciaires ou à Béziers* avec le bilan désastreux du maire sortant. Il n’empêche que cela est l’illustration qu’il est possible de s’imposer politiquement dans un contexte qui illustre la gabegie de nos gouvernants. Cependant, la route est encore longue, et quelques communes FN/RBM ne sont pas en mesure de changer radicalement la marche en avant de l'oligarchie.
Autre élément important, la réussite des candidats médiatiques : Bayrou, Copé, Jacob, Wauquiez, Collard, Ménard, Philippot, Dupont-Aignan, Aubry, … tous arrivent en tête ou sont déjà élus. Les Français cherchent peut-être aussi à se rattacher à des personnalités. Et c’est surement le plus étonnant, car cela contredit l’idée de « sanction » de la classe politique puisque les principales figures sont en tête. Il faudra donc voir en quelle mesure il y a une sanction de la classe politique ou si ce n’est pas plutôt un basculement à droite qui se manifeste durablement. D’ailleurs, les résultats des candidats souverainistes et nationalistes sont plutôt bons, si l’on prend un spectre large allant de Dupont-Aignan à Benedetti en passant par les FN, RBM et Divers droite.
Le second tour réservera surement son lot de surprises, puisqu’il permettra de valider un grand nombre de stratégie de boutiquiers. En effet il nous permettra non seulement d'observer les secteurs où il y a une porosité entre l’UMP et le FN et ceux où, au contraire, l’UMP fait cause commune avec le PS, voire le PC, dans ce front républicain de carnaval. Pour notre part, nous appelons nos lecteurs à poursuivre leur vote par un engagement militant ou à traduire leur abstention en geste politique en aidant à la création d’une alternative populaire, nationale et sociale.
Jean
* à Béziers, Robert Ménard est soutenu par le FN, mais aussi par d'autres formations, comme DLR.
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