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  • Comment Sarkozy a sauvé la chaîne LGBT Pink TV

    Georges-Marc Benamou a été conseiller de Nicolas Sarkozy pour la culture juste après son accession à l’Élysé. Il en parle dans un  essai  paru chez Fayard : "Comédie-Française". Il raconte sur France Info comment "une chaine homosexuelle été sauvée sur un simple coup de fil" :

    Le journaliste : Vous racontez qu'au dessus du Ministre des Finances, il y a un "super Ministre des Finances auculte" qui a un bureau à l’Élysée, c'est François Pérol. Vous racontez le pouvoir qu'il a sur un coup de fil.

    GMB : Oui, pour sauver une chaine homosexuelle. Je lui passe un coup de fil, il me dit "d'accord, c'est bon"

    Le journaliste : Est-ce que c'est légal, ça ? On passe un coup de fil, et bing ! il y a de l'argent qui tombe ?!?

    GMB : Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des relations comme ce garçon qui dirigeait une chaine homosexuelle...

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Sarkozy à la une de Paris Match : l’abdominable homme des plages

    Les photos qui illustrent le reportage sur les vacances de M. Sarkozy, loin d’avoir été dérobées, ont été posées, léchées et choisies en commun par le reporter et son modèle.

    Il y a quinze jours, on s’en souvient, Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti faisaient la couverture de Paris Match. Sans leur consentement. Les deux misérables photos volées à quoi se réduisait tout le « reportage » que leur consacrait le magazine n’étaient pas vraiment à leur avantage. L’ancien ministre du Redressement productif, mollement étendu sur une chaise longue, y apparaissait plus disposé à faire la sieste qu’à parler de la VIe République. Quant à l’ancien ministre de la Culture, l’heureux événement qu’elle ne pouvait se cacher d’attendre n’était visiblement pas la visite d’un journaliste ou d’un paparazzi.

    Or, voici que l’hebdomadaire de choc (des photos) récidive cette semaine et ne craint pas de s’attaquer à un plus gros poisson, celui-là même qui, fou furieux après la révélation, par le même Paris Match, de sa naissante idylle et de son escapade au Proche-Orient avec la chanteuse Carla Bruni, avait quelques mois plus tard obtenu et fait rouler dans la sciure la tête d’Alain Genestar, directeur de la rédaction et auteur de ce crime de lèse-majesté.

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  • Islamisme/Etats-Unis : des ennemis si intimes

    Les pays d’islam, par leur explosion démographique, par leur vocation supra-nationale à conquérir le monde – partagé pour eux entre le dar-el-islam : terre d’islam, et le dar el harb : terre à conquérir à l’islam – par le carcan coranique favorable à la stagnation intellectuelle et économique, semblent justifier la sombre prédiction de Samuel Huntington, selon lequel, au XXIe siècle, succéderaient, aux guerres idéologiques, les chocs de civilisation.
    Que les Etats-Unis, première puissance mondiale, prétendent, jouant les apprentis sorciers, instrumentaliser l’islam, et la vielle Europe déclinante, qui semble sortie de l’histoire par ses abandons de souveraineté, risque de leur être inféodée, et de devenir pour les terres d’islam le « continent complémentaire », selon l’expression du Général Gallois.
    C’est ce drame qui se joue sous nos yeux qu’a étudié, dans un livre dense et foisonnant, Alexandre Del Valle.

    « La façon dont le public a été systématiquement pilonné par les médias presque unanimes sur les événements de Yougoslavie, écrit Vladimir Volkoff, fournit un bon exemple de l’imprudence de la désinformation contemporaine, auprès de laquelle la désinformation soviétique était un modèle de subtilité ».
    Tous ceux qui n’ont été anesthésiés, naguère ni par la propagande anti-irakienne ni, aujourd’hui, par la propagande anti-serbe, et qui s’interrogent sur la cohérence de la politique étrangère des Etats Unis, écrasant tour à tour, à coup de bombes et d’embargos, un pays souverain majoritairement sunnite, et un pays majoritairement slave-othodoxe, seront passionnés par le livre d’Alexandre Del Valle, Islamisme et Etats Unis : une alliance contre l’Europe, que les éditeurs de l’Age d’Homme, après celui du Général Gallois, Le soleil d’Allah aveugle l’Occident, s’honorent de publier.
    George Bush apôtre du Nouvel Ordre Mondial, avait affirmé qu’ « il n’existait pas de substitut au leadership américain ». L’Amérique se veut unique superpuissance mondiale, puissance prosélyte, militairement et politiquement présente dans la vielle Europe, ce qui suppose un ennemi. Le communisme soviétique l’avait été, et son implosion ne doit pas grand chose à l’Amérique, ni à l’Europe. Lucide, Alexandre Del Valle remarque : « Ennemi réel, le communisme n’en était pas moins fort utile pour Washington, qui empêcha le général Patton d’en finir avec la menace soviétique. Le « péril rouge », devait en effet rester bien vivant, afin de servir « d’épouventail-ennemi » justifiant l’hégémonie protectrice américaine dans le monde ».

    L’alliance objective avec l’islamisme

    À l’heure où les chocs de civilisation ont remplacé la guerre froide, l’islamisme est pour les Etats Unis le nouvel ennemi utile, « allié » à eux, en quelque sorte, contre l’Europe. Pragmatiques et opportunistes, ils ont vu dans le mouvement islamique une « lame de fond », et ont choisi de jouer la carte musulmane pour mieux contrôler les artères de l’or noir. Cet allié dangereux qu’est l’islamisme, ils l’avaient pressenti bien avant l’implosion du communisme. Depuis la fin des années 1970, les Etats Unis ont soutenu les extrémistes islamistes, des frères musulmans syriens aux islamistes bosniaques et albanais, des talibans à la gamaa islamyya égyptienne, et ont choyé les Wahhabites, a la tête de la monarchie pro-américaine d’Arabie Saoudite qui finance la quasi-totalité des réseaux islamistes dans le monde. Ils ont joué les apprentis sorciers, et les mouvements fondamentalistes qu’ils croyaient manipuler se sont parfois retournés contre le « grand Satan » comme le 11 septembre 2001 à New York.

    En revanche, les Etats Unis ont abandonné ou écrasé les pays musulmans susceptibles d’acquérir une puissance politique et une relative autonomie. L’exemple de Carter abandonnant le Chah, alors que l’Iran était en train de devenir maître de son pétrole et pouvait se vanter du haut niveau de ses universités, pour favoriser l’obscurantisme de Khomeyni, l’exemple de Bush, Clinton puis Bush fils, écrasant l’Irak sous les orwelliennes « frappes chirurgicales », alors que l’invasion du Koweït avait été encouragée par la CIA, sont significatifs. « L’Irak, affirme Alexandre Del Valle, est l’exact antithèse politique de la stratégie confessionnelle pro-islamique des Etats Unis. »

    Car le monde musulman doit rester pour l’Amérique un monde riche en pétrole, exploitable à volonté, mais pauvre en matière grise et maintenue dans une totale situation de dépendance technologique ; un marché d’un milliard de consommateurs incapables d’autonomie politico-militaire et économique. Le carcan coranique est favorable à l’indigence intellectuelle comme en témoigne la fatwa promulguée voici quatre ans par la suprême autorité religieuse d’Arabie saoudite : « La terre est plate ; celui qui déclare qu’elle est sphérique est un athée méritant punition. »
    Mais le nationalisme irakien était une tentative d’aggiornamento de l’islam. Comme le Chah d’Iran se référait à la dynastie des Achéménides, Saddam Hussein se montrait fier du passé préislamique babylonien et chaldéen de l’Irak. Se réconcilier avec leur identité antique est aussi, pour les musulmans, retrouver une civilisation méditerranéenne commune et des passerelles entre les civilisations européenne et orientale. C’est pourquoi les islamistes veulent supprimer toute trace d’identité préislamique et, en Egypte par exemple, considèrent la visite des vestiges pharaoniques comme un acte d’impiété, ce qui est sans doute une des clés du terrorisme non éradiqué dirigé contre les touristes.

    Le grand échiquier

    Dans son livre « Le grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde », publié en 1997, Brzezinski, ancien conseiller de Carter, et très écouté dans l’Amérique de Clinton, révélait avec une franchise cynique les raisons profondes de la stratégie islamique des Etats Unis. Selon lui, l’enjeu principal pour les Etats Unis est l’Eurasie, vaste ensemble qui va de l’Europe de l’Ouest à la Chine via l’Asie centrale : « Du point de vue américain, la Russie paraît vouée à devenir le problème… Les Etats Unis manifestent de plus en plus d’intérêts pour le développement des ressources de la région et cherchent à empêcher la Russie d’avoir la suprématie. » La politique américaine doit donc, viser à la fois l’affaiblissement de la Russie et l’absence d’autonomie militaire de l’Europe. D’où l’élargissement de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale, afin de pérenniser la présence américaine, alors que la formule de défense européenne capable de contrer l’hégémonie américaine sur le vieux continent passerait par « un axe anti-hégémonique Paris-Berlin-Moscou. » Les Etats Unis s’emploi donc à le casser en jouant systématiquement Berlin et Sarajevo contre Paris et Moscou. Ainsi s’explique la politique américaine en ex-Yougoslavie, qui prolonge à la fois la stratégie de Tito visant à affaiblir les Serbes, et celle de l’Allemagne : « Grande victoire diplomatique pour l’Allemagne », déclarait l’ancien chancelier Kohl, à propos de la dislocation de la Yougoslavie.

    Politique accompagnée d’une bataille médiatique qui diabolise et angélise, où les champions des droits de l’homme à géométrie variable, chérissant des bourreaux privilégiés et ignorant les victimes inintéressantes, branchent et débranchent à volonté les prises de consciences universelles et homologuent les épurations ethniques.

    Le Général Gallois explique l’acharnement à punir Belgrade et à favoriser l’irrédentisme islamique en ex-Yougoslavie par le désir de diviser le monde orthodoxe et l’Europe de l’Ouest au moyen d’abcès de fixation islamiques. « Les Serbes, comme les Irakiens, ajoute Alexandre Del Valle, paient le prix de l’extension de l’OTAN et de la politique étrangère américaine de l’après-guerre froide. »

    Les nouvelles enclaves musulmanes, « Israël islamique » au cœur de l’Europe, justifient la domination militaire et politique des Etats Unis, qui se font ainsi, en outre, pardonner leur présence en Arabie et leur soutien à l’Etat d’Israël, et leur permettent de tester la dilution identitaire de l’Europe, qui apparaît désormais, par ses abandons de souveraineté, comme sortie de l’histoire. Ces communautés musulmanes d’Europe, dont les premiers pourvoyeurs d’armes ont été, pour la Bosnie l’Iran et pour le Kosovo la Turquie, constituent l’embryon d’une future société européenne islamisée, modèles pour les communautés immigrées d’Europe de l’Ouest, que « le levier légitimateur de l’anti-racisme » interdit de maîtriser. Compte tenu de son implosion démographique, l’Europe de l’Ouest apparaît, selon le général Gallois, comme le « continent complémentaire », et la Bosnie comme « l’antichambre de l’eldorado ».

    De l’alliance objective à l’alliance subjective

    Le général Gallois et Alexandre Del Valle, lorsqu’ils fondent leur analyse de l’alliance objective de l’islamisme et des Etats Unis sur un foisonnement de faits et de déclarations des maîtres penseurs américains, emportent l’adhésion du lecteur. Mais la part à la fois la plus discutable et la plus originale d’Alexandre Del Valle est son étude de leur alliance subjective.

    Entre d’une part, le puritanisme américain, le fondamentalisme des droits de l’homme, le désir d’édifier « le village mondial » anglophone sur les ruines des cultures et des souverainetés nationales, et d’autre part la oumma islamique, conquérante, édifiée sur l’éradication des cultures plurimillénaires qui l’ont précédée, il y a connivences et affinités, même si elles sont inconscientes.
    Islam et puritanisme protestant sont issue l’un et l’autre de sectes judéo-chrétiennes hétérodoxes et choisissent entre « l’étroitesse ritualise » et la « transgression jouissive des interdits », quand ils ne les conjuguent pas. Tous deux prétendent conquérir le monde au nom d’une « idéologie ultra monothéiste » et du « Verbe divin non pas incarné mais calligraphié » ; tous deux s’affirment contre l’Europe. Bill Clinton, le 15 Mars 1995, a donné tout son poids à cette alliance subjective : « Les valeurs traditionnelles de l’islam sont en harmonie avec les idéaux des meilleurs de l’Occident. » Et les attentats du 11 Septembre 2001 ne démentent pas cette idée, Georges W. Bush ayant bien pris soin de prévenir de l’amalgame entre terrorisme, Islam et islamisme.

    À cela s’ajoute, en Amérique, la conscience d’être le nouveau monde révolté contre ses propres racines, le désir de déraciner la veille Europe sur le modèle du déracinement américain. L’ambassadeur Richard Holbrook affirmait : « Nous sommes une puissance européenne. L’histoire de ce siècle démontre que lorsque nous nous désengageons, l’Europe verse dans une instabilité qui nous oblige à retourner. » L’Amérique deviendrait alors l’Europe puissante, à laquelle la veille Europe déclinante serait inféodée.

    On peut dire avec Péroncel-Hugoz, auteur de la postface, qu’on fait avec ce livre dense et foisonnant, « une véritable cure d’anti-conformisme, de novation, grâce au regard cru mais non cruel » de son auteur, dont la thèse donne la clé de bien des évènements qui déchirent le monde. Elle reste ouverte cependant. Malgré les conférences interislamiques de Tirana, de Khartoum, de Téhéran, qui voulaient faire croire à un embryon d’internationale islamiste, le « bloc » musulman n’est pas uni. Les Etats Unis s’aperçoivent que l’instrumentalisation de l’islam West pas sans péril pour eux-mêmes, particulièrement par la violence anti-occidentale des talibans qu’ils ont pourtant choyés ? Enfin, le masochisme ouest-européen n’est pas sans remède et il n’est pas dit que la vieille Europe renonce à jamais à la maîtrise de son propre destin. L’imprévisible, c’est-à-dire la liberté humaine, capable de relever les défis les plus audacieux.

    Islamisme et Etats-Unis : une alliance contre l’Europe, Alexandre Del Valle, L’age d’homme, 1997.

    http://www.polemia.com/islamismeetats-unis-des-ennemis-si-intimes/

  • Les associations communautaristes islamiques s’en prennent à Julien Sanchez

    Julien Sanchez, maire Front national de Beaucaire (Gard), a été cité à comparaître mercredi par des commerçants musulmans qui s’estiment discriminés par deux arrêtés municipaux. Juridiquement, un arrêté municipal est une décision administrative unilatérale prise par le maire. Le maire a notamment des compétences de police municipale. Les deux arrêtés visés, dans le recours pour excès de pouvoir des commerçants susmentionnés, concernent spécifiquement ce domaine.
    Abdallah Zekri, président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, au sein du Conseil français du culte musulman, a déclaré que « les mesures prises par ce maire visent à asphyxier l’activité économique de ces commerçants, en raison de leur appartenance à la religion musulmane ». De quelles mesures parle-t-on ici ? Rien que de très classiques restrictions à l’exercice du commerce, la nuit en centre-ville. Le premier arrêté interdit l’ouverture des épiceries, primeurs et commerces de distribution, entre 23 h 00 et 8 h 00 dans une partie du centre-ville. Le second arrêté interdit à tous les commerces de travailler entre 2 h 00 et 5 h 00 dans deux rues spécifiques. Ces mesures sont d’une banalité confondante, et nombreux sont les maires à prendre de tels arrêtés de police municipale dans leur commune.

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  • Un geste est révolutionnaire, non par son contenu propre, mais par l’enchaînement des effets qu’il engendre

    Quiconque se met à fréquenter les milieux radicaux s’étonne d’abord du hiatus qui règne entre leurs discours et leurs pratiques, entre leurs ambitions et leur isolement. Ils semblent comme voués à une sorte d’auto-sabordage permanent. On ne tarde pas à comprendre qu’ils ne sont pas occupés à construire une réelle force révolutionnaire, mais à entretenir une course à la radicalité qui se suffit à elle-même- et qui se livre indifféremment sur le terrain de l’action directe, du féminisme ou de l’écologie. La petite terreur qui y règne et qui y rend tout le monde si raide n’est pas celle du parti bolchevique. C’est plutôt celle de la mode, cette terreur que nul n’exerce en personne, mais qui s’applique à tous. On craint, dans ces milieux, de ne plus être radical, comme on redoute ailleurs de ne plus être tendance, cool ou branché. Il suffit de peu pour souiller une réputation. On évite d’aller à la racine des choses au profit d’une consommation superficielle des théories, de manifs et de relations. La compétition féroce entre groupes comme en leur propre sein détermine leur implosion périodique. Il y a toujours de la chair fraîche, jeune et abusée pour compenser le départ des épuisés, des abîmés, des dégoûtés, des vidés. Un vertige prend a posteriori celui qui a déserté ces cercles : comment peut-on se soumettre à une pression si mutilante pour des enjeux si énigmatiques ? C’est à peu près le genre de vertige qui doit saisir n’importe quel ex-cadre surmené devenu boulanger lorsqu’il se remémore sa vie d’avant. L’isolement de ces milieux est structurel : entre eux et le monde, ils ont interposé la radicalité comme critère ; ils ne perçoivent plus les phénomènes, juste leur mesure. A un certain point d’autophagie, on y rivalisera de radicalité dans la critique du milieu lui-même ; ce qui n’entamera en rien sa structure. « Il nous semble que ce qui vraiment enlève la liberté, écrit Malatesta, et rend impossible l’initiative, c’est l’isolement qui rend impuissant ». Après cela, qu’une fraction des anarchistes s’autoproclame « nihiliste » n’est que logique : le nihilisme, c’est l’impuissance à croire ce à quoi l’on croit pourtant – ici, à la révolution. D’ailleurs, il n’y a pas de nihilistes, il n’y a que des impuissants. 
         Le radical se définissant comme producteur d’actions et de discours radicaux, il a fini par se forger une idée purement quantitative de la révolution – comme une sorte de crise de surproduction d’actes de révolte individuelle. « Ne perdons pas de vue, écrivait déjà Emile Henry, que la révolution ne sera que la résultante de toutes ces révoltes particulières ». L’Histoire est là pour démentir cette thèse : que ce soit la révolution française, russe ou tunisienne, à chaque fois, la révolution est la résultante du choc entre un acte particulier – la prise d’une prison, une défaite militaire, le suicide d’un vendeur de fruits ambulant – et la situation générale, et non la somme arithmétique d’actes de révolte séparés. En attendant, cette définition absurde de la révolution fait ses dégâts prévisibles : on s’épuise dans un activisme qui n’embraye sur rien, on se livre à un culte tuant de la performance où il s’agit d’actualiser à tout moment, ici et maintenant, son identité radicale – en manif, en amour ou en discours. Cela dure un temps – le temps du burn out, de la dépression ou de la répression. Et l’on n’a rien changé. 
         Si une accumulation de gestes ne suffit pas à faire une stratégie, c’est qu’il n’y a pas de geste dans l’absolu. Un geste est révolutionnaire, non par son contenu propre, mais par l’enchaînement des effets qu’il engendre. C’est la situation qui détermine le sens de l’acte, non l’intention des auteurs. Sun Tzu disait « qu’il faut demander la victoire à la situation ». Toute situation est composite, traversée de lignes de forces, de tensions, de conflits explicites ou latents. Assumer la guerre qui est là, agir stratégiquement suppose de partir d’une ouverture à la situation, de la comprendre en intériorité, de saisir les rapports de force qui la configurent, les polarités qui la travaillent. C’est par le sens qu’elle prend au contact du monde qu’une action est révolutionnaire, ou pas. Jeter une pierre n’est jamais simplement « jeter une pierre ». Cela peut geler une situation, ou déclencher une intifada. L’idée que l’on pourrait « radicaliser » une lutte en y important tout le bataclan des pratiques et des discours réputés radicaux dessine une politique d’extraterrestre. Un mouvement ne vit que par la série de déplacements qu’il opère au fil du temps. Il est donc, à tout moment un certain écart entre son état et son potentiel. S’il cesse de se déplacer, s’il laisse son potentiel irréalisé, il se meurt. Le geste décisif est celui qui se trouve un cran en avant de l’état du mouvement, et qui, rompant ainsi avec le statu quo, lui ouvre l’accès à son propre potentiel. Ce geste, ce peut être celui d’occuper, de casser, de frapper ou simplement de parler vrai ; c’est l’état du mouvement qui en décide. Est révolutionnaire ce qui cause effectivement des révolutions. Si cela ne se laisse déterminer qu’après coup, une certaine sensibilité à la situation nourrie de connaissances historiques aide beaucoup à en voir l’intuition. 
         Laissons donc le souci de la radicalité aux dépressifs, aux narcissiques et aux ratés. La véritable question pour les révolutionnaires est de faire croître les puissances vivantes auxquelles ils participent, de ménager les devenirs-révolutionnaires afin de parvenir enfin à une situation révolutionnaire. Tous ceux qui se gargarisent d’opposer dogmatiquement les « radicaux » aux « citoyens », les « révoltés en acte » à la population passive, font barrage à de tels devenirs. Sur ce point, ils anticipent le travail de la police. Dans cette époque, il faut considérer le tact comme la vertu révolutionnaire cardinale, et non la radicalité abstraite ; et par « tact » nous entendons ici l’art de ménager les devenirs-révolutionnaires. 
    Comité invisible, A nos amis