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  • « Le retour du conservatisme correspond à une aspiration profonde des Français »

    A l'occasion de la parution du Dictionnaire du conservatisme, qui regroupe plus d'une centaine de spécialistes de la question, Frédéric Rouvillois et Christophe Boutin ont accordé un entretien au Figarovox. Ils explorent la renaissance d'un courant politique et culturel souvent trop méconnu et caricaturé en France. Alors, conservatisme, pourquoi pas ? Mais pour conserver quoi ? Des éléments de réponse substantiels sont apportés ici.  LFAR  

    3709373031.2.jpg« Le conservatisme est à la mode », écrivez-vous dans votre introduction. Comment expliquer le renouveau des idées conservatrices, et le succès des essais en librairie ?

    Nous faisons effectivement le constat de la multiplication, dans les deux dernières années, d'ouvrages traitant du conservatisme, ou mettant en valeur des thématiques conservatrices. Mais le terme de « mode » est peut-être ambigu, en ce qu'il évoque quelque chose de manipulé, de secondaire et de passager. Or notre hypothèse est que ce retour du conservatisme, dont nous constatons la vigueur, correspond à une demande profonde des populations concernées, porte sur des valeurs et des éléments essentiels de leurs sociétés, et qu'il est donc certainement destiné à s'ancrer dans la durée. Derrière la diversité que peut recouvrir le terme de conservatisme, une diversité que notre Dictionnaire entend d'ailleurs traduire, on voit en effet se dessiner des lignes de force qui sont autant de réponses à des inquiétudes très profondément et largement ressenties. Tant que ces dernières persisteront, c'est-à-dire, tant que le problème de l'insécurité culturelle et identitaire ne sera pas résolu, il y aura une demande de réaffirmation d'un socle conservateur.

    Emmanuel Macron a installé pendant la présidentielle l'idée d'un nouveau clivage entre conservateurs et progressistes. Ce clivage vous paraît-il plus pertinent que le clivage gauche/droite ?

    Rappelons le contexte : Emmanuel Macron fait cette distinction dans le but de créer un vaste parti centriste qui évacuerait sur ses extrêmes droite et gauche des partis ou des groupes stigmatisés par le soi-disant « repli », repli sur une identité fantasmée à droite, repli sur des privilèges dépassés à gauche, tous incapables de déceler dans la marche en avant mondialiste l'unique futur sérieux de l'humanité. Mais cette manœuvre politicienne, dont nul ne niera l'efficacité spectaculaire, n'a que peu de réalité au regard de l'histoire des idées. L'extrême-gauche a en effet toujours communié dans le culte du Progrès, et ce n'est pas sa crispation sur quelques privilèges exorbitants accordés à son ultime potentiel électoral, les fonctionnaires et assimilés, qui la métamorphose miraculeusement en force conservatrice.

    En ce sens, le clivage gauche/droite perdure bien derrière la distinction conservateurs/progressistes, avec simplement une gauche qui retrouve une part d'elle-même qui s'était égarée à droite, c'est-à-dire un centre libéral et libertaire. Ce dernier, qui avait été décalé à droite par l'apparition de mouvements collectivistes à gauche, s'était imposé dans une alliance contre-nature avec la droite conservatrice dans des « rassemblements » supposés permettre une bipolarisation, mais qui ont en fait conduit à un terrible appauvrissement idéologique. Il retourne maintenant à sa vraie famille. D'où l'urgence, par contrecoup, d'une redéfinition du conservatisme.

    Y a-t-il une unité de la doctrine conservatrice ? ou bien le conservatisme est-il plutôt un tempérament qu'une doctrine ?

    Parler de doctrine est toujours délicat : on attend un corpus intangible bannissant toute voix dissidente. Or, la diversité de notre Dictionnaire le montre, dans ses collaborateurs comme dans ses entrées, on peut être un conservateur plus ou moins traditionaliste ou plus ou moins libéral. Pour autant, cette diversité n'est pas un éclatement, car sur bien des points tous se retrouvent spontanément. Ce qui renvoie à la seconde partie de votre question : que serait une doctrine sans un tempérament ? Les choix politiques relèvent-ils de la raison pure, ou n'y aurait-il pas toujours une part instinctive, et existentielle ? Notre hypothèse est que le conservatisme est avant tout une doctrine du réalisme politique, prenant en compte le monde et l'homme tels qu'ils sont, avec leurs qualités et leurs faiblesses, une doctrine qui écarte toute reconstruction d'un monde et d'un homme idéaux sur la base de théories supposant de faire au préalable table rase de cette réalité. C'est cette unité, autant de tempérament que de doctrine, qui fournit aux conservateurs la cohérence de leurs réflexes et de leurs réponses.

    Vous consacrez un article au « conservatisme de gauche ». A-t-il toujours existé ou bien est-il une réaction à la modernité technicienne ?

    La pensée de gauche, volontiers démiurgique, a toujours souhaité non pas faire évoluer mais transformer l'homme ou la société, pour qu'ils ressemblent enfin à des idéaux parfaits. C'est dire que le conservatisme de gauche - hormis le sens péjoratif macronien déjà évoqué - semble absent de l'histoire des idées. Par contre, on peut effectivement constater qu'autour des interrogations actuelles sur la croissance, sur le machinisme hier, sur le transhumanisme demain, et, de tout temps, sur les débordements du capitalisme, bref, autour de certaines inquiétudes face au Progrès, certains intellectuels de gauche se posent les mêmes questions que ceux de la droite conservatrice.

    Cela ne veut pas dire qu'ils aboutissent aux mêmes conclusions, mais ce débat ne peut qu'être fécond. La problématique de l'écologie et de l'environnement est ici un exemple significatif. Mais on remarquera qu'il s'agit plus d'un ralliement de certains intellectuels de gauche au réalisme conservateur que l'inverse. Seule en effet une droite libérale/libertaire, aux antipodes des valeurs conservatrices, entend permettre aux hommes de jouir sans entraves. La droite conservatrice, elle, a toujours plaidé pour l'existence des limites.

    Quel rôle a joué la Réforme dans la naissance de mouvements conservateurs ?

    Autant le rôle direct de la Réforme en la matière semble avoir été à peu près nul, autant son rôle indirect paraît immense. Sur un plan direct, la Réforme, qui elle-même se veut d'ailleurs un retour aux origines, ne suscite aucun conservatisme spécifique, ni dans la société, nous sommes en pleine Renaissance, ni dans l'Église, qui, loin de se crisper sur des positions acquises, va lancer la Contre-Réforme, un mouvement presque aussi novateur que celui auquel il répond. En revanche, sur un plan indirect, les conséquences de la Réforme sur l'émergence d'un sentiment conservateur s'avèrent considérables. Notamment dans la mesure où cette rupture démontre que les choses apparemment les mieux acquises, sont en réalité fragiles et menacées, et qu'il importe donc de réfléchir et de pourvoir à leur conservation. À ce propos, la manière dont Bossuet, à la fin du XVIIe siècle, va tenter de recoller les morceaux, en discutant avec les protestants puis avec Leibnitz, paraît marquée par ce souci proprement conservateur. À l'inverse, au début de la Révolution française, certains acteurs de premier plan, comme Brissot, affirment qu'il existe une liaison nécessaire avec la Réforme, et que ceux qui ont fait la « révolution religieuse » ne sauraient être hostiles à la « révolution politique ». Un thème que reprendront en sens inverse les grands penseurs conservateurs français du XIXe et du premier XXe siècle, estimant que les principes mêmes du protestantisme et du calvinisme, s'ils coïncident à beaucoup d'égards avec ceux du capitalisme libéral, se situent aux antipodes des valeurs conservatrices.

    La France a-t-elle une tradition conservatrice marquée ? Quel rôle a joué la Révolution française dans l'émergence de la pensée conservatrice ?

    En ce qui concerne le conservatisme, la tradition française paraît complexe, précisément en raison du poids de la Révolution. S'il existe bien des « proto conservatismes » avant celle-ci, c'est incontestablement la rupture radicale qu'elle représente, qui va entraîner l'émergence d'un courant conservateur. On l'a déjà noté, c'est lorsque l'on s'aperçoit que certaines choses, certaines valeurs, certaines habitudes, certaines coutumes essentielles sont menacées, que l'on prend conscience de leur fragilité, et donc de la nécessité de les protéger. La « table rase » que la Révolution entend réaliser, notamment à partir de l'avènement de la République, et la violence extrême avec laquelle elle y procède, vont faire émerger par contrecoup une pensée qui jusqu'alors était demeurée embryonnaire. Et qui s'appuie, dès 1790, sur le génial essai de l'anglais Edmund Burke, les Réflexions sur la révolution de France - qui demeure jusqu'à nos jours l'un des catéchismes du conservatisme. En ce sens, de même qu'elle a fondé la France moderne, la Révolution a fondé par contrecoup la pensée conservatrice.

    Le conservatisme est une valeur assumée dans le monde anglo-saxon, pourquoi est-il autant diabolisé en France ?

    C'est précisément en raison de sa naissance, qui contrairement à ce qui se passe en Angleterre, aux États-Unis ou en Allemagne, va s'effectuer en réaction à l'événement fondateur qu'est la Révolution française. Ce qui, comme on finira par s'en apercevoir à la fin du XIXe siècle, place le conservatisme en porte-à-faux avec les principales orientations découlant de cette crise majeure, que ce soit sur un plan institutionnel, politique, culturel ou religieux.

    En fait, sous la Seconde république puis au début de la Troisième, certains républicains osent se déclarer conservateurs ; mais ce n'est plus le cas à partir des années 1890, dans le cadre d'une radicalisation, d'une « gauchisation » de la république et d'une explosion de l'anticléricalisme : à partir de là, tout conservateur est réputé ennemi de la Révolution, donc antirépublicain, antidémocrate, réactionnaire, bref, intouchable et infréquentable. À la Chambre, les députés élus sous l'étiquette conservatrice vont jusqu'à changer de nom, pour se faire appeler « progressistes » ! Enfin, au XXe siècle, le mot conservateur, exclu du jeu politique, est souvent associé à une tare morale, synonyme d'immobilisme, d'inaction, de repli sur soi, etc.

    Qui sont les grands penseurs du conservatisme français ?

    Question redoutable, car à part Chateaubriand il y a au fond assez peu de penseurs majeurs qui, en France, se soient réclamés expressément du conservatisme. Ceux qui en relèvent d'une manière ou d'une autre, soit écrivaient avant l'invention du terme (Montaigne, Montesquieu, peut-être Voltaire), soit n'ont pas entendu s'en prévaloir (Balzac, Taine ou Flaubert), soit sont même allés jusqu'à le récuser, à l'instar de Charles Maurras, de Thierry Maulnier… ou du général De Gaulle.

    François Fillon a été défini comme étant libéral-conservateur pendant la campagne présidentielle, ces deux doctrines sont-elles complémentaires ? Ou peut-on penser, comme Jean-Claude Michéa, que conservatisme et libéralisme sont incompatibles ?

    Derrière la question s'en pose une autre : quel libéralisme? La question du libéralisme tourne en fait - et un auteur comme Benjamin Constant l'a bien montré - autour de la place accordée à l'individu. Il y a un libéralisme qui demande que l'individu puisse devenir ce qu'il est, et, pour cela, qu'il ne soit pas ligoté par un monde figé de castes et de codes dont il ne puisse s'affranchir. Qui irait à l'encontre de cette liberté ? Pour autant, une société a besoin de structures, famille, commune, région ou nation pour assurer sa survie, des structures dont l'individu qui s'en voudrait totalement émancipé ne doit jamais perdre de vue que, sans elles, il n'aurait aucune chance de survivre. Un libéralisme équilibré, respectant à la fois les légitimes aspirations des personnes et la nécessaire défense des structures sociales, peut parfaitement être conservateur. Par contre, un libéralisme qui impose les désirs d'un homme à toute une société, qui fait éclater pour satisfaire les bien piètres désirs de quelques-uns les cadres pérennes qui protégeaient les autres, ce libéralisme de la jouissance narcissique où tout se réduit aux quelques années d'une vie humaine, est radicalement incompatible avec tout conservatisme.  

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    Le dictionnaire du conservatisme, sous la direction de Frédéric Rouvillois, d'Olivier Dard et de Christophe Boutin, publié aux éditions du Cerf.

    Entretien réalisé par Aziliz Le Corre.

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • LA BATAILLE DE POITIERS N’EST PAS UN MYTHE ! (1)

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    Entre Tours et Poitiers s’étend une vaste plaine au milieu de laquelle est un hameau qui porte le nom à jamais glorieux de Moussay-la-Bataille.

    C’est là que, d’après une tradition immémoriale, fut livrée la bataille de Poitiers dans laquelle la chrétienté, servie par le bras de Charles Martel, écrasa les musulmans, arrêta de ce côté les progrès du croissant et sauva la civilisation européenne du plus grand péril qu’elle pût courir.

    Tout est obscur dans les détails de cet événement considérable du 17 octobre de l’année 732.

    Mais ce que l’on sait, ce que tous les chroniqueurs, arabes ou français, ont dit à l’envi, c’est que la journée de Poitiers fut une journée mémorable, qui vit deux religions, deux mondes, deux civilisations, deux races et, pour ainsi dire, deux pôles, le Nord et le Sud, se rencontrer et se heurter avec fracas.

    Si Charles Martel avait été vaincu, à Poitiers, par Abdérame, comme l’empereur Constantin Paléologue le fut plus tard, à Constantinople, par Mehmed II, l’Europe aurait été la proie de l’islamisme, et Dieu sait ce que sont devenus les peuples qui ont eu à subir son joug !

    Les soldats de Mahomet avaient conquis la moitié du monde : encore un effort, et tous les peuples seraient aux genoux des successeurs du Prophète. Le 28 avril 711, vingt-cinq mille musulmans, appelés par un traître, débarquent à Algésiras, battent les Goths à Xérès, anéantissent, après trois siècles d’existence, la monarchie wisigothe, deviennent maîtres de l’Espagne entière et établissent leur capitale à Cordoue.

    Au printemps de l’année 732, Abdérame (Ab’ der-Rhaman), émir de Cordoue, obéissant aux instructions du calife Hescham, et déterminé à s’emparer de la Gaule, franchit les Pyrénées par la vallée de Roncevaux. Son armée était formidable. Elle comprenait la plus grande partie de ces vaillantes troupes qui avaient conquis l’Afrique et l’Espagne. Derrière les combattants venait une multitude énorme, vieillards, femmes et enfants, que certains historiens dignes de foi portent au chiffre de cinq cent mille âmes. C’était un peuple entier qui se jetait sur un autre, comme au temps des grandes invasions, et qui obéissait à la voix d’un des plus fameux capitaines de l’islam.

    Telle était l’armée qui s’avançait vers la Gaule chrétienne. L’aile gauche enleva d’assaut toutes les villes de Béarn sans rencontrer de résistance sérieuse. Oléron, Dax, Bayonne furent livrées aux flammes, et une foule de prêtres, de religieux et de religieuses furent massacrés.

    L’aile droite débarqua en Provence et exerça ses fureurs sur Marseille et sur la Provence entière, puis sur la Bourgogne avec une étonnante rapidité. À Sens, un évêque, saint Ebbo, arrêta l’aile droite de l’armée.

    Pendant ce temps, la grande armée musulmane, sous les ordres d’Abdérame, montait en Gaule. Après avoir incendié la ville de Bazas elle se présenta devant Bordeaux. La grande cité, capitale de l’Aquitaine, fut emportée d’assaut, la population fut égorgée, les églises furent pillées et brûlées, le faubourg et le monastère de Sainte-Croix livrés aux flammes. Le duc Eudes, désespéré, s’enfuit avec les débris de son armée. Abdérame le poursuivit, franchit la Garonne, enleva la forteresse d’Agen et tomba enfin sur l’armée ducale qui fut écrasée. « Ce fut, dit le chroniqueur Isidore de Beja, une déroute et un massacre effroyables. Dieu seul sait le nombre de Francs qui périrent en cette journée ! »

    Les conséquences de la défaite furent terribles. En quelques mois, l’armée musulmane, gorgée de butin, s’empara de Périgueux, de Saintes, d’Angoulême, livrant tout le pays à feu et à sang, ne laissant rien derrière elle, et arriva sous les murs de Poitiers.
    (À suivre…)

    Extraits de : Ferdinand Hervé-Bazin, Les Grandes Journées de la chrétienté, réédition Édilys 2015.
    Ferdinand Hervé-Bazin (1847-1889) fut avocat, professeur d’économie politique à l’Université catholique d’Angers. En écrivant ce livre après le désastre de 1870, il voulait montrer ces triomphes éclatants de l’Église, qui furent aussi des triomphes pour la civilisation, et qui s’appelèrent les journées du pont Milvius, de Tolbiac, de Poitiers, de Pavie, de Jérusalem, de Las Navas, de Grenade, de Lépante, de Vienne, de Peterwardein. Il pensait que de tels spectacles étaient de nature à faire aimer l’Église et aussi à relever les courages abattus.

    http://www.bvoltaire.fr/bataille-de-poitiers-nest-mythe-1/

  • L’identité perdue de l’homme moderne, par Denis Tillinac

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    Vu de ma fenêtre. À trop vouloir s’affranchir de ses origines, de son milieu pour atteindre une prétendue liberté, l’être humain se prive de son moi, pilier de son équilibre.
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    Le mot “identité” a mauvaise presse. Pour les intellos, les médias et l’ensemble de la classe politique, droite incluse, la moindre évocation d’un souci identitaire trahit au mieux une crispation nationaliste malsaine, au pire une pulsion xénophobe, voire raciste. Ne soyons pas dupes. Cette tricherie sémantique obéit à des considérations tactiques : on décrète identitaire l’ennemi à néantiser, Valls pour la gauche, Wauquiez pour la droite, et on l’expédie illico dans l’enfer du lepénisme.

    Oublions ces politicailleries de piètre acabit et tâchons de restituer au mot “identité”… son identité. Il désigne en premier lieu la conscience de soi. Chacun taille sa route avec son “moi”, à nul autre pareil mais à la confluence de déterminations : le capital génétique, le genre, le milieu familial, social, historique, culturel, géographique, professionnel, éventuellement confessionnel. L’identité, c’est l’enchâssement de l’acquis dans l’inné, de l’individuel dans le collectif, du circonstanciel sur un socle qui tant bien que mal assure l’équilibre de l’échafaudage psychologique. Aucun humain dans aucune société n’y a échappé, à charge pour chaque “moi” d’y conquérir, d’y enrichir ou d’y préserver sa part de liberté. Aucun humain n’est dépourvu d’arrière-pays mental, fut-il exilé, apatride ou anar de tempérament. On peut s’absenter de son héritage, ou le renier, on n’en reste pas moins tributaire d’une identité qui dans une large mesure ne dépend pas de notre bon vouloir. Elle contresigne l’intégrité et la cohérence de la personne humaine.

    Un moi sans enracinement, un moi vide de tout sentiment d’appartenance est un orphelin jeté dans un désert sans oasis. Le besoin identitaire participe de la quête d’épanouissement de soi, au même titre que le besoin de communiquer avec autrui. Ce besoin est devenu lancinant, parce que l’homme “moderne”, sous toutes les latitudes, redoute la dilution de ses repères affectifs dans un maelström qui efface les frontières du moi et de l’autre. Du nous et des autres. Son moi titube en funambule aveugle sur le fil tremblotant du présent de l’indicatif.

    Qui suis-je, se demande-t-il avec angoisse ? Jadis et naguère, la réponse allait de soi, ou presque : l’homme inscrivait son vouloir-vivre dans une filiation dont il s’émancipait un peu, beaucoup ou pas du tout, selon sa nature et les aléas de sa vie personnelle. Les noces de l’ancien et du nouveau se consommaient dans le temps paisible des générations.

    Qui suis-je ? La réponse aujourd’hui ne va plus de soi, tant les hommes ont le sentiment — douloureux — d’être charriés comme des branches mortes sur un fleuve déchaîné vers un devenir aux contours indiscernables. Reclus dans leur solitude, ils éprouvent le besoin de retrouver des ancrages. D’habiter un espace enrichi d’une mémoire. D’y situer leurs joies et leurs peines, leurs goûts et leurs couleurs, leur sociabilité pour tout dire.

    Rien de plus naturel. Lorsque dans les stades les foules entonnent spontanément et à plusieurs reprises la Marseillaise, il ne faut pas interpréter ces élans comme des symptômes de xénophobie ou de nationalisme. C’est juste une façon convulsive de serrer les rangs et les coudes pour se sentir moins seuls dans l’anonymat tristounet du village planétaire. Reste à déterminer les identités fondamentales et les superficielles, celles qui exaltent ou rassurent et celles qui sécrètent des aigreurs. Autre débat, auquel on n’échappera pas. Pour l’aborder sereinement, pour qu’il soit fructueux et non délétère, il faut de prime abord respecter le besoin d’identité. C’est en le déconsidérant qu’on le rend furieux : radicalisation rime avec dépossession.

    Denis Tillinac

    Texte daté du 8 décembre et repris du site Valeurs Actuelles

    https://fr.novopress.info/

  • Pour vos cadeaux de Noël, les éditions Clovis vous proposent un large choix de très bons livres

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    6a00d83451619c69e201b7c93b4578970b-200wi.jpgPar ailleurs, les éditions Clovis publient cette année un autre roman jeunesse du père Francis Finn : Percy Wynn, dont voici le résumé :

    "C'est la rentrée des classes au collège Sainte-Marie. Parmi les nouveaux élèves, un garçon nommé Percy Wynn n'est pas comme les autres : l'effort physique lui fait peur, il ne sait ni monter aux arbres, ni nager, ni même jouer au ballon ; il a lu tant de livres qu'on le compare à une bibliothèque vivante. Plus embêtant, il a un côté fillette qu'on ne pardonne pas dans une pension. Très vite, il devient donc le souffre-douleur des élèves les moins sympathiques du collège. Mais il fait la rencontre d'un ancien nommé Tom Playfair. Une amitié se tisse entre ces garçons profondément catholiques et tous deux "chics types". Les aventures vont commencer. Emporté dans ces péripéties et guidé par Tom, Percy va se transformer : il deviendra, rebondissement après rebondissement, un vrai garçon et un chrétien affermi. Mais à quel prix ?" 

    Le père Francis Finn (1859-1928), jésuite américain, est l'auteur de vingt sept romans pour enfants, dont Tom Playfair, et sa suite Percy Wynn. Prêtre et éducateur, Francis Finn a voulu illustrer les vertus chrétiennes dans tous ses livres, notamment le courage, la gratitude et l'esprit de sacrifice.

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Nous serons submergés par un islam conquérant et des Africains prolifiques, sauf si…

    Par Jean-Yves Le Gallou, président fondateur de Polémia 

    Alors que les crédits budgétaires 2018 consacrés à la lutte contre l’immigration diminuent, la politique agricole commune en prévoit de nouveaux pour implanter les « migrants » dans les campagnes. Entretien accordé à Riposte Laïque.

    Riposte laïque : 18 mois après la publication d’Immigration : la catastrophe. Que faire ?comment jugez-vous l’évolution de la situation ?

    Jean-Yves Le Gallou : Le torrent migratoire s’accélère. Le nombre de titres de séjour distribués en 2016 s’est établi à 227.923 : en augmentation de 5% par rapport à 2015.

    Dans le même temps 85.696 étrangers ont déposé une demande au titre du droit d’asile : en augmentation de 7% par rapport à 2015, 40% par rapport à 2013 et 120% par rapport à 2007. Bien sûr les 3/4 ou les 4/5 de ces demandeurs seront déboutés mais le plus grand nombre de ces déboutés resteront comme clandestins dans l’espoir d’être régularisés.

    Riposte laïque : A-t-on une idée du nombre de clandestins ?

    Jean-Yves Le Gallou : Je ne me hasarderai pas à une estimation… par crainte de sous-estimation ! Simplement les bénéficiaires de l’Aide médicale d’État étaient 300.000 en 2016 : en augmentation de 49% depuis 2011… Or l’immense majorité des clandestins sont des jeunes hommes qui ne doivent pas avoir souvent besoin de consultations médicales…

    Riposte laïque : On a l’impression qu’il n’y a plus du tout de frontières.

    Jean-Yves Le Gallou : C’est le ressenti des dirigeants et des fonctionnaires de la police aux frontières. On ne contrôle plus les entrées… et on n’expulse plus personne ou quasiment plus personne.

    Toutes causes confondues, le ministère de l’Intérieur prétend avoir expulsé 12.961 clandestins en 2016, un chiffre en baisse de 15% par rapport à 2014. Encore est-il doublement bidonné : il prend en compte les rares sorties volontaires ; lorsqu’un clandestin qui s’apprête à quitter (volontairement) la France est détecté et à la frontière il se voit notifier un OQTF (Obligation de quitter le territoire français) : cela ne sert à rien, puisque c’est précisément ce qu’il est en train de faire, mais cela gonfle les statistiques de réussite de la procédure !

    Par ailleurs, s’agissant des retours vraiment forcés, le gouvernement a menti au Sénat. Il a donné le chiffre de 6.166. Mais la Commission européenne qui rembourse les frais correspondants dans le cadre du FAMI (Fonds asile migration et intégration) n’a reçu que 2.429 dossiers. Bref, une arnaque statistique de 250% !

    Riposte laïque : Le gouvernement veut-il vraiment arrêter l’immigration clandestine ?

    Jean-Yves Le Gallou : Non ! Macron fait des simagrées expliquant devant les caméras à une clandestine marocaine voilée : « Madame, il faudra repartir ». Mais il fera jour demain… Et dans la vraie vie les crédits budgétaires 2018 consacrés à la lutte contre l’immigration diminuent de 7%, alors que le reste des crédits de la mission « Asile, intégration, immigration » augmente de 12% : 85 millions (en baisse) contre l’immigration clandestine, 1,2 milliard (en hausse) pour « l’accueil ».

    Riposte laïque : On a le sentiment d’une vraie préférence étrangère ?

    Jean-Yves Le Gallou : C’est hélas vraiment le cas ! J’ai déjà cité un exemple : accueil, les crédits augmentent ; refoulement des clandestins, les crédits baissent. Pas besoin d’un dessin pour comprendre !

    Mais voici d’autres exemples.

    Si vous avez un enfant, il doit subir, nolens volens, 11 vaccins sinon il ne pourra pas être scolarisé ; mais les clandestins, eux, ne sont pas vaccinés ; et les immigrés réguliers non plus, d’ailleurs, ce que déplore le rapport sénatorial. Le nombre des visites médicales passées à l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) s’est effondré en moins de trois ans, passant de 210.000 à 50.000, au moment même où l’épidémie de tuberculose revient. Ces gens-là sont des criminels.

    Dans le top 10 des associations les plus subventionnées par l’État, cinq se consacrent exclusivement ou principalement à l’immigration, dont France Terre d’Asile à hauteur de 40 millions d’euros.

    Le plus ahurissant est le 6e considérant de la décision du Tribunal administratif de Paris du 25 novembre 2017 retenant comme motif important pour interdire la manifestation de Génération identitaire contre l’islamisation l’existence d’un grand nombre de manifestations à Paris dont : des rassemblements de la mouvance panafricaine, de la Brigade Anti-négrophobie, de collectifs et associations, telles que le Collectif représentatif des associations noires (CRAN), l’association Unies et solidaires pour l’Afrique et sa renaissance (AUSAR), le collectif Black Lives Matter France, le Parti des indigènes de la République (PIR) ainsi qu’une manifestation de ressortissants togolais. Or, toutes ces manifestations, qui avaient été déclarées plus tard à la préfecture de police que celle de Génération identitaire (déclarée le 25 octobre, un mois avant !), se sont vu accorder une véritable priorité. De même le pouvoir a toléré tous les vendredis pendant 8 mois l’occupation de la Place de la mairie de Clichy par des musulmans prétendument en prière. Successeur de Maurice Papon, le préfet de police Michel Delpuech applique la préférence étrangère dans le droit de manifester.

    Et la politique agricole commune prévoit des crédits nouveaux pour implanter les « migrants » dans les campagnes.

    Riposte laïque : L’immigration c’est la faute à l’UE alors ?

    Jean-Yves Le Gallou : Non, c’est une vision aussi simpliste que fausse.

    Certes, l’Union européenne met en œuvre, tout comme l’État français et les principaux États européens de l’Ouest, une politique mondialiste et immigrationniste. Ceci étant, expliquer comme l’a fait Philippot, et Marine Le Pen lorsqu’elle était à sa remorque, qu’il suffirait de sortir de l’Union européenne pour maîtriser l’immigration est un mensonge absolu. Il s’agit d’un détournement de la lutte contre l’immigration en lutte contre l’UE, en refusant de voir les vrais problèmes de l’immigration et en évitant les sujets qui fâchent les médias. Bref, un discours qui a mélangé cynisme et lâcheté, paresse et ignorance.

    Quelques faits, quelques chiffres :

    – En 2016, en France, 88.510 entrées au titre du regroupement familial imposé depuis 1979 par une décision du Conseil d’État surinterprétant la Convention internationale des droits de l’enfant. Ce n’est pas davantage l’UE.

    – En 2016, en France, 73.324 entrées au titre de l’immigration des étudiants… alors même qu’il n’y a pas assez de places dans les universités pour les Français, d’où les procédures de tirage au sort. Ce n’est pas non plus l’UE.

    – En 2016, en France, 85.696 demandes d’asile en application de la Convention de Genève surinterprétée de manière laxiste par les juges. Ce n’est toujours pas l’UE.

    – En 2016, en France, à peine plus de 2.500 retours forcés de clandestins par application laxiste d’une législation française complexe par des juges –administratifs et judiciaires – surinterprétant la Convention européenne des droits de l’homme. Ce n’est pas non plus l’UE.

    – Ce n’est pas davantage l’UE qui impose au gouvernement des naturalisations indues d’étrangers (tels que parasites vivant uniquement de l’aide sociale ou candidats au titre de Français ayant déchiré la charte de citoyenneté), c’est le Conseil d’État.

    – On pourrait aussi parler de la nouvelle filière d’immigration clandestine : de grands gaillards africains qui se déclarent « mineurs », généralement sans l’être, et qui sont alors pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, ce qui coûte 50.000 euros par an et par tête aux départements. Ce n’est pas davantage l’UE mais un détournement de la Convention internationale des droits de l’enfant.

    Vous le voyez, le pouvoir politique est comme un bouchon de liège ballotté dans une mer agitée par les associations, les médias et les juges – les juges qui ont le vrai pouvoir.

    Riposte laïque : Il n’y a donc pas de solutions ?

    Jean-Yves Le Gallou : Si. Que le pouvoir politique reprenne le pouvoir de décision aujourd’hui accaparé par les juges. C’est ce que font les gouvernants à l’Est en Tchéquie, en Pologne, en Hongrie. Ces dirigeants ne sont pas sortis de l’UE mais ils ont engagé les réformes constitutionnelles nécessaires pour échapper à la paralysie judiciaire. En France cela signifie 5 grandes mesures : inscrire le droit à la défense de l’identité dans la Constitution, retirer au Conseil constitutionnel le droit de corriger les lois sur le fond, dénoncer les conventions internationales interprétées de manière abusive (Asile, CEDH, CIE), supprimer les subventions aux associations immigrationnistes, libérer les tribunaux de la tyrannie des juges immigrationnistes.

    Riposte laïque : Et sinon ?

    Jean-Yves Le Gallou : Le reste c’est du baratin. Si nous ne faisons pas cela nous serons submergés par un islam conquérant et des Africains prolifiques.

    Jean-Yves Le Gallou 04/12/2017

    Source : Nous serons submergés par un islam conquérant et des Africains proliférant, sauf si…
    Voir aussi : Immigration, asile et intégration. Échec et mensonge du gouvernement face au Sénat

    https://www.polemia.com/nous-serons-submerges-par-un-islam-conquerant-et-des-africains-prolifiques-sauf-si/

  • Le jour anniversaire de la loi de 1905 portant séparation de l'Église et de l'État, 3 présidents à l'église

    6a00d83451619c69e201bb09dea787970d-250wi.jpgC'est le miracle de Johnny : 3 Présidents de la République (Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron) étaient réunis aujourd'hui dans l'église de La Madeleine, écoutant le vicaire de l'archidiocèse de Paris, Mgr Benoist de Sinety.

    Jean-Luc Mélenchon ne s'en est pas remis. Dans un post publié vendredi soir sur Facebook, il a fustigé la présence du chef de l'Etat à cette cérémonie religieuse à laquelle ont également participé François Hollande et Nicolas Sarkozy :

    "Samedi, jour anniversaire de la loi de 1905 sur la laïcité de l'Etat, le président de la République, chanoine de Latran, participe à une messe dans l'église de la Madeleine, monument religieux contre-républicain, où la prostituée de l'évangile implore le pardon du Christ". "En face, l'Assemblée nationale. Les rues qui mènent à ce bâtiment portent les noms des avocats de Louis XVI et Marie-Antoinette". "On voit ici ce que vaut la laïcité républicaine de certains".

    Lors de cette cérémonie, qui n'était pas une messe, un texte de sainte Mère Teresa a été lu :

    La vie est une chance, saisis-la
    La vie est une beauté, admire-la
    La vie est béatitude, savoure-la
    La vie est un rêve, fais-en une réalité
    La vie est un défi, fais-lui face
    La vie est un devoir, accomplis-le
    La vie est un jeu, joue-le
    La vie est précieuse, prends-en soin
    La vie est une richesse, conserve-la
    La vie est amour, jouis-en
    La vie est un mystère, perce-le
    La vie est tristesse, surmonte-la
    La vie est un hymne, chante-le
    La vie est tragédie, prends-la à bras le corps, 
    La vie est aventure, ose-la
    La vie est bonheur, mérite-la
    La vie est la VIE, défends-la.

    Comme le disait Mère Térésa en recevant son prix Nobel de la Paix :

    "Le plus grand destructeur de la paix, aujourd'hui, est le crime commis contre l'innocent enfant à naître. Si une mère peut tuer son propre enfant, dans son propre sein, qu'est-ce qui nous empêche, à vous et à moi, de nous entretuer les uns les autres ?"

    Dans son homélie, Mgr Benoist de Sinety a cité la chanson «Une poignée de terre» glorifiant l'amour «donné aux hommes».

    «En ce jour où une foule immense communie à la même tristesse, voici que ce refrain chanté par un jeune homme au début des années 60 peut retentir de nouveau». «En entendant la nouvelle de sa mort, beaucoup ont été saisis de chagrin, d'angoisse, de détresse : ainsi celui qui avait accompagné tant de moments heureux ou douloureux de nos existences ne chanterait plus, sa voix s'est éteinte».

    «A la différence de beaucoup d'entre nous, Jean-Philippe Smet n'a peut-être pas reçu dans les premiers instants de son existence cet amour qui est dû pourtant à toute vie naissante».

    Et le vicaire général du diocèse de Paris de citer des confidences de Johnny, baptisé il y a 74 ans, à des journalistes l'interrogeant sur sa foi :

    «On peut me faire ce qu'on voudra, je resterai chrétien. Je suis sûr que Jésus, lui, ne m'en veut pas».

    «La vie de Johnny Hallyday, parce qu'elle a manifesté l'amour, y compris dans ses pauvretés et dans ses manques, nous invite à lever les yeux vers celui qui en est la source et l'accomplissement». «Comme Jean-Philippe, devenu Johnny Hallyday, nous sommes tous appelés à laisser percer en nous cette lumière divine qui fait de nous des icônes de l'amour de Dieu plutôt que des idoles dont la vie s'épuise».

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • L'Iran en train de s'imposer au Moyen-Orient au détriment de l'Arabie Saoudite

    Ex: http://www.europesolidaire.eu

    Les forces chiite Houthis sont en voie de prendre le contrôle complet du Yémen. Elles en éliminent progressivement les représentants du gouvernement se disant légitime de Sanaa, la capitale. Elles devraient prochainement la conquérir entièrement, ainsi qu'une partie de plus en plus étendue des provinces stratégiques du sud du pays.

    Elles viennent d'annoncer la mort de l'ancien président, Ali Abdallah Saleh, tué dans des affrontements à Sanaa. Celui-ci était leur allié, jusqu'au moment où il s'était enfui pour leur échapper et s'était réfugié en Arabie saoudite.Il suffit de regarder une carte du Yémen pour comprendre l'intérêt stratégique du pays au profit de celui qui le contrôle. Il commande très largement le trafic maritime dense qui circule en Mer Rouge à partir ou vers le canal de Suez.

    C'est la raison pour laquelle l'Arabie saoudite, avec le soutien des Etats-Unis, s'efforce depuis des mois d'en éliminer les Houthis, tribus chiites du nord du pays, en guerre contre le gouvernement officiel, allié depuis le début des pétro-monarchies sunnites. En fait, elle a surtout bombardé les populations, détruit les cultures vivrières et engendré les morts, les famines et les épidémies qui dévastent actuellement le Yémen

    Or l'Iran est en train de s'imposer comme puissance dominante au Moyen-Orient. Son objectif est de remplacer dans ce rôle l'Arabie Saoudite. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ait décidé depuis le début de soutenir les rebelles Houthis. Bien qu'elle s'en défende, elle l'a fait en leur fournissant des armes et semble-t-il quelques contingents de combattants. Cette perspective était insupportable pour Ryad. L'Arabie avait donc décidé d'attaquer les positions Houthis avec notamment des moyens aériens considérables et des armes modernes acquis aux Etats-Unis. Mais les Saoudiens sont de piètres miliaires. Ils n'ont jamais réussi à se débarrasser des Houthis.
    Ils ne réussiront pas davantage aujourd'hui, autant que l'on puisse le pronostiquer, à les empêcher de s'emparer de la partie utile du Yemen. Les efforts impuissants de l'héritier du trône saoudien Mohammad bin Salman, le montrent amplement. 

    L'ennui est que, comme indiqué, ce sera inévitablement l'Iran qui profitera de cette impuissance, au détriment de l'Arabie saoudite. L'Iran vient de déclarer, par la voix de son président Hassan Rohani, que les Yéménites vainqueurs allaient faire regretter leurs actions aux "agresseurs", dans une allusion à l'Arabie saoudite. 

    L'axe chiite

    Mais si l'Iran est en train de cerner l'Arabie par le sud, elle est depuis bien plus longtemps en bonne voie pour le faire par le nord. Elle est l'élément le plus actif de la coalition politico-militaire dit « axe chiite » qui est en train de se former et qui réunira l'Iran, la Syrie et une partie de l'Irak. L'objectif, comme nous l'avons souvent relaté ici, est non seulement d'affirmer les Chiites en face des Sunnites, mais d'éliminer du Moyen-Orient l'influence et les intérêts américains. Nul n'ignore en effet que depuis plus de 15 ans, ce sont les politiques désastreuses de Washington qui ont provoqué de nombreux conflits et des centaine de millions de morts.

    L'Iran est d'autant plus motivée aujourd'hui pour jouer un rôle déterminant au sein de l'axe chiite que le président américain affirme en toutes circonstances que l'Iran est un ennemi organique des Etats-Unis et doit donc être rapidement détruite. Pour ce faire, il semble compter en premier lieu sur l'Arabie saoudite. Un des premiers objectifs de l' « axe chiite » en cours de mise en place sera donc, même s'il s'en défende, de neutraliser une Arabie alliée de Washington.

    La Russie, pour sa part, a toujours encouragé l' « axe chiite », notamment à travers Damas et dans une moindre mesure Téhéran. Il est en effet vital pour elle de résister aux efforts américains qui cherchent à l'éliminer de la région, et notamment de ses bases en Syrie.

    Mais peut-on craindre qu'elle profite des échecs de Ryad pour prendre des postures beaucoup plus agressives à l'égard de la coalition militaire américano-arabe, et au profit de Téhéran. Cela ne semble pas être dans le caractère de Vladimir Poutine, qui a toujours préféré les négociations. Au Moyen-Orient, certes, il n'acceptera jamais de se voir éliminer au profit de Washington, avec l'appui des Saoudiens. Cependant, il continue à entretenir différents types de dialogues avec ceux-ci. On ne doit sans doute pas, à Moscou, renoncer à la perspective de relations apaisées avec les monarchies sunnites.  

  • Au temps des chevaliers

    Dans les spectacles historiques, les films ou dans les romans, ils font rêver toutes les générations. Mais qui étaient vraiment les chevaliers ? Depuis une vingtaine d’années, les historiens ont beaucoup travaillé sur la question. Révisant nombre d’idées reçues. 

    Cet été, comme tous les ans, « la Légende des chevaliers », spectacle joué dans le cadre des Médiévales de Provins, fait le plein de spectateurs, tout comme « les Chevaliers de la Table ronde » et « Le Secret de la lance » au Puy du Fou ou « le Tournoi de chevalerie » de Sedan. Dans les familles, on reverra en DVD Excalibur de John Boorman (1981) ou Kingdom of Heaven de Ridley Scott (2005), ce qui n’empêchera pas l’aïeule de se remémorer Les Aventures de Robin des Bois (1938), film dans lequel Errol Flynn était si beau… Les plus jeunes préféreront Kaamelott, d’Alexandre Astier (2005), série dont l’esprit rappellera à leurs parents Monty Python, Sacré Graal, de Terry Gilliam, chef d’œuvre satirique de leur jeunesse (1975). Pour ceux pour qui ne jurent que par un bon livre, Lancelot du LacPerceval ou Ivanhoé sont des romans qui traversent les générations.

    Inusable chevalerie : cinq ou six siècles après sa disparition, elle fait toujours rêver. Elle occupe aussi les historiens. Depuis une vingtaine d’années, les travaux se multiplient à son sujet, révisant nombre d’idées reçues, à commencer par les plus répandues. Qui sait, par exemple, que les chevaliers du Moyen Age n’étaient pas toujours des nobles ? Pour comprendre cette institution qui a tant marqué l’imaginaire européen, il faut remonter aux origines.

    Avant l’an mil, les termes latins milites et militia, traduits ultérieurement par « chevaliers » et « chevalerie », désignent les soldats et le service armé qu’ils exercent. La cavalerie, alors, n’existe pas en tant que corps : les cavaliers sont en réalité des fantassins qui se déplacent à cheval et descendent de leur monture sur le champ de bataille. C’est au XIe siècle que l’art du combat à cheval, qui avait existé dans l’Antiquité, est redécouvert en Occident, en recourant à une race équine robuste, vraisemblablement venue d’Asie au VIIe siècle. Les premiers chevaliers sont donc des cavaliers d’élite qui se mettent au service des princes et des seigneurs féodaux qui les emploient.

    Ces hommes de guerre sont équipés d’armes défensives : un écu, un haubert (une cotte de mailles à manches et à coiffe, qui pèse jusqu’à 12 kilos), un heaume (un grand casque oblong enveloppant d’abord le sommet du crâne et le nez, puis toute la tête et le visage). Et d’armes offensives : l’épée, qui mesure moins d’un mètre, et la lance. Lourde et longue, cette dernière se tient à l’horizontale, calée sous le bras. Son usage inaugure une nouvelle technique : lors des charges collectives, désarçonner son vis-à-vis afin de disloquer les lignes adverses. La puissance du coup, souligne le médiéviste Jean Flori, dépend de la vitesse et de la cohésion du projectile que constitue l’ensemble formé par la lance, le cheval et le chevalier.

    L’introduction du cheval comme instrument de combat a entrainé l’invention des étriers, destinés à assurer la stabilité du cavalier, de même que les progrès de la selle. Avec le temps, le duo formé par le chevalier et sa monture seront conduits à renforcer leur protection. A partir des XIIIeet XIVe siècles, une armure métallique articulée, d’un poids de 20 à 25 kilos, enveloppe le cavalier. Son destrier est lui-même caparaçonné, la tête recouverte. Le cinéma ou la bande dessinée aiment l’image spectaculaire du chevalier harnaché, revêtu d’une tunique colorée ornée de son blason, mais cette représentation est le plus souvent anachronique car elle correspond en réalité à l’époque où la chevalerie a entamé son déclin.

    Au XIIe siècle, l’affrontement à cheval se généralise et devient l’apanage de guerriers qui ont choisi cette forme de combat. Mais au début, le groupe social qui s’appelle la chevalerie est encore issu de tous les milieux : certains chevaliers sont fils de paysans. Accompagnant le seigneur dans ses déplacements ou gardant ses forteresses au sein desquelles ils habitent et sont nourris, les chevaliers deviennent les vassaux de leur maître, obtiennent des terres, parfois un château. Les cadets, fréquemment, mènent une vie errante, courant les tournois, vendant leurs services.

    Tout puissant seigneur possède une école de chevalerie qui a pour fonction de conforter sa clientèle. C’est dans ce cercle que le postulant à la chevalerie, au cours d’un apprentissage de trois à neuf ans, s’initie à l’équitation et au maniement des armes, au milieu de garçons de son âge comme de combattants expérimentés. Ce compagnonnage prépare le jeune homme à sa vie future. Le chevalier, contrairement à une idée fausse, ne se bat pas en solitaire : sa vocation, même dans les tournois, est de combattre en groupe contre d’autre groupes. Lors de sa période de formation, le postulant apprend également la civilité, la courtoisie – au sens littéral, l’art de vivre dans une cour -, s’appropriant l’ensemble des principes qui se sont peu à peu affirmés pour fonder l’éthique chevaleresque : le service de Dieu, la protection des plus faibles.

    Lorsqu’il est prêt, le jeune homme est adoubé chevalier au cours d’une cérémonie où il reçoit ses attributs symboliques – l’épée, le baudrier, les éperons – et où, afin d’éprouver sa résistance, un coup lui est asséné sur la nuque (la colée). Au XIIIe siècle se prend l’habitude de faire précéder l’adoubement d’une veillée de prière, comme de faire bénir le nouveau chevalier, un prêtre faisant un sermon.

    L’historien Jacques Le Goff a montré que l’Eglise médiévale a longtemps manifesté son opposition à la guerre, tentant de contenir celle-ci par la Paix de Dieu – édictée au concile de Charroux en 989 – qui interdisait aux troupes féodales de porter atteinte aux clercs et aux pauvres, puis par la Trêve de Dieu, apparue vers 1040, qui prononçait l’interdiction de combattre pendant les périodes de pénitence, ainsi le carême, et du jeudi au dimanche, afin de respecter le jour du Seigneur.

    À ses débuts, la chevalerie n’inspire donc que méfiance à l’Eglise. Saint Bernard, au prix d’un jeu de mots, vilipendera la militia (la chevalerie) qui n’était rien d’autre que malitia, « péché », « crime ». Il restera des traces de cette méfiance dans l’appel que le pape Urbain II lancera à Clermont, en 1095, invitant les hommes de guerre à secourir leurs frères chrétiens d’Orient et à délivrer les Lieux saints : la croisade (terme qui date du XVesiècle, plus de deux siècles après la fin des croisades) est conçue en premier lieu comme un voyage pénitentiel, les chevaliers étant invités à renoncer à leurs pratiques violentes en Europe et à accomplir leur devoir guerrier en Terre sainte.

    Voués à la défense des Etats latins d’Orient, les premiers ordres de chevalerie naissent dans la foulée des croisades : l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (ancêtre de l’actuel ordre de Malte), l’ordre du Saint-Sépulcre, l’ordre du Temple, l’ordre Teutonique. Ce sont des ordres monastiques. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, l’Eglise achève en effet de se rallier à l’idéal chevaleresque. Pour l’Eglise, le chevalier est miles Christi, le soldat (ou le chevalier) du Christ, dont l’épée est au service de la cité terrestre, antichambre de la cité céleste. Parallèlement, l’idéal chevaleresque est adopté par la noblesse aux yeux de qui le chevalier est un maillon de la société féodale : vassal, il doit respecter ses obligations vis-à-vis de son maître (son suzerain) ; seigneur, il est tenu à la justice et à la charité envers ses vassaux.

    Hardiesse, courage, loyauté, largesse (le chevalier méprise l’argent mais est encouragé à l’utiliser avec générosité), courtoisie (notamment avec la dame de ses pensées), finesse d’esprit (le chevalier idéal est un lettré, qui maîtrise le latin, qui lit), telles sont les objectifs visés par ces hommes de guerre. Un comportement exalté par la littérature lyrique et romanesque de l’époque qui trouve son apothéose dans les œuvres de Chrétien de Troyes (LancelotPerceval), poète qui christianise la légende arthurienne en faisant du Graal le calice qui a recueilli le sang de Jésus sur la croix.

    Paradoxalement, c’est au moment où triomphe l’idéal chevaleresque que le nombre de chevaliers diminue. La multiplication des forteresses et des opérations de siège valorise d’autres types de combattants (fantassins, archers, servants de machines de guerre). Le coût croissant de l’équipement des chevaliers ainsi que des cérémonies d’adoubement, de plus en plus fastueuses, éloigne les impécunieux de cet état. Au XIIIe siècle, a fortiori au XIVe siècle, au moins dans les royaumes de France et d’Angleterre, la chevalerie est non en droit mais en fait réservée à la noblesse. Tous les nobles ne sont pas chevaliers, certes, mais tous les chevaliers sont nobles, ce qui introduit dans la chevalerie le facteur héréditaire, et renforce la cohésion sociale de la noblesse.

    Cette évolution exerce une conséquence sur les tournois, qui étaient à l’origine un spectacle collectif confrontant deux camps. Peu à peu, ce modèle cède la place à des joutes individuelles. Condamnés par les papes et les conciles, interdits par Saint Louis en 1260, les tournois reviennent à la mode aux XIVe et XVe siècles parce qu’ils constituent une fête pour les nobles qui y participent et pour le peuple qui y assiste.

    Le prestige de la chevalerie étant à son sommet, les rois et les princes créent à leur tour des ordres de chevalerie, destinés à récompenser les meilleurs serviteurs du trône et à rassembler la noblesse autour du souverain : l’ordre de la Jarretière fondé par en Angleterre par Edouard III en 1348, l’ordre de l’Etoile créé par le roi de France Jean II le Bon en 1351, l’ordre de la Toison d’or institué par le duc de Bourgogne Philippe le Bon en 1429, l’ordre de Saint-Michel fondé par Louis XI en 1469.

    Le déclin militaire de l’institution se poursuit pourtant. Quand les fantassins et les archers l’emportent sur les cavaliers, comme à Crécy (1346) ou Azincourt (1415), les jours de la chevalerie sont comptés. A la fin de la guerre de Cent ans, le sentiment national est en germe, et l’Etat royal pose les bases d’une organisation militaire qui n’est plus celle du monde féodal. Au XVIe siècle, la chevalerie est morte. Au tout début du XVIIe siècle, Cervantès lui dresse un superbe tombeau avec son Don Quichotte. Demeurera un mythe éternel, et le titre de chevalier, utilisé jusqu’à nos jours pour désigner de nobles engagements ou récompenser de vrais mérites, mais aussi, malheureusement, pour qualifier des chevaliers de fantaisie qui n’ont rien de héros. Dans notre société matérialiste, l’authentique esprit chevaleresque se fait rare. 

    Jean Sévillia

    Sources

    Martin Aurell, Le Chevalier lettré. Savoir et conduite de l’aristocratie aux XIIeet XIIIe siècles, Fayard, 2011.

    Dominique Barthélemy, La Chevalerie, Tempus, 2012.

    Jean Flori, Chevalerie et chevaliers au Moyen Age, Hachette, 1998.

    Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt, Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Fayard, 1999.

    Sylvain Gouguenheim, Le Moyen Age en questions, Texto, 2012.

    http://www.jeansevillia.com/au-temps-des-chevaliers/