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culture et histoire - Page 1726

  • Michel Déon ou le bonheur malgré tout

    Les livres de Michel Déon, ce sont d’abord des souvenirs de lecture : Les Poneys sauvages dévorés à Chamonix au lendemain du baccalauréat, Le Jeune homme vert lu dans un café du port de Sanary, Mes Arches de Noé dévorées à une table du Petit Flore, Les Trompeuses espérances relues sur une plage de Saint-Malo entre deux verres pris avec leur auteur… Autrement dit, ses romans auront rythmé notre jeunesse comme ils auront souvent meublé nos vacances et nos nuits.
    Après soixante années de vie littéraire, Michel Déon a eu la bonne idée de rassembler ses romans essentiels et deux récents livres de souvenirs (La Chambre de ton père et Cavalier passe ton chemin). Il a souhaité y ajouter certains de ses textes écrits pour des livres d’’art, et sa fille Alice y a adjoint une Vie et œœuvres chronologique et abondamment illustrée.
    De Monaco à l’’Irlande
    Michel Déon est né en août 1919 à Paris. Il grandit à Monaco où son père, royaliste maurrassien, est directeur de la Sûreté. Ce dernier meurt alors que Déon n’’a que treize ans. Il retourne vivre à Paris avec sa mère et adhère à l’’Action française au lendemain du 6 février 1934. C’’est son condisciple François Perier, le futur acteur, qui lui a vendu la carte. Son bac en poche, Déon s’’inscrit à la faculté de droit et commence à travailler en parallèle à l’’imprimerie de l’’AF.
    Mobilisé en 1940 il se bat dans les Ardennes et échappe de justesse à la captivité. En novembre 1942, il intègre comme secrétaire de rédaction l’’équipe de l’’A.F. repliée à Lyon. Il y restera jusqu’’en août 1944 aux côtés de Maurras, « vieillard de fer et de feu » qu’’il considérera toujours comme son maître en politique. Dans la capitale des Gaules, il sympathise avec Kléber Haedens qui assure la chronique sportive du quotidien royaliste. L’’arrêt forcé du journal coïncide avec la sortie du premier roman de Déon, Adieux à Sheila, chez Robert Laffont.
    Le succès viendra plus tard et Déon, revenu à Paris trouve un emploi dans un magazine d’’actualité radiophonique. Il collabore également à divers autres journaux dont Aspects de la France. Entre deux voyages aux États-Unis ou dans les pays méditerranéens, Michel Déon, promeneur stendhalien, se lie au romancier André Fraigneau, auteur trop oublié de L’’Amour vagabond et des Étonnements de Guillaume Francœur.
    Ce sont les années “Saint-Germain-des-Prés”, passées en compagnie de Fraigneau, Antoine Blondin et quelques autres, qu’’il immortalisera dans Les Gens de la nuit : « Cette soirée-là finit dans un restaurant des Halles devant des pieds de cochon grillés et une bouteille de Brouilly, en compagnie de deux filles épuisées de fatigue auxquelles nous ne disions plus un mot. » En 1963, jeune marié, Déon s’installe avec sa femme, Chantal, dans une île grecque, Spetsai, qui sera jusqu’’en 1968 sa résidence principale. Jacques Chardonne viendra l’’y visiter.
    Cet attrait pour la Grèce et sa lumière, Déon le doit largement à la lecture de Lawrence Durell et Henry Miller. En 1970 il reçoit le prix Interallié pour Les Poneys sauvages, son premier véritable succès littéraire et en 1973 le Grand Prix du roman de l’’Académie française pour Un Taxi mauve. Ce dernier récit se déroule en Irlande où il s’’installe définitivement l’’année suivante et où il réside encore aujourd’’hui, à Tynagh, dans le comté de Galway. Ultime consécration littéraire, l’’Académie française l’’élit en son sein en 1978.
    Trois livres essentiels
    Pour comprendre Michel Déon (mais aussi Jacques Laurent ou Michel Mohrt), il faut se rappeler le traumatisme qu’’a été la défaite française de juin 1940, qui plus est pour de jeunes nationalistes de vingt ans. Ce ne sont pas les horreurs de l’’Occupation puis celle de l’’épuration qui devaient le rendre plus optimiste sur l’’état de son pays. Comme l’’a bien résumé le critique Pol Vandromme : « Déon n’’a pas d’’autre sujet que la décadence » (1). L’œ’œuvre de Déon c’’est, au fond, des instants de bonheur arrachés à la chute de la civilisation.
    Dans ce volume Quarto on trouvera notamment les trois romans les plus importants pour la compréhension des lignes de force de l’œ’œuvre de Déon : Les Poneys sauvages, pour la politique, Un déjeuner de soleil pour le romanesque et La Montée du soir pour l’’ouverture métaphysique. À travers les aventures de trois camarades de collège, de Georges Saval, de Barry Roots et de Horace Mc-Kay, Les Poneys sauvage nous content la confrontation tragique (2) entre l’’Histoire et l’’amitié dans le fracas du XXe siècle, de 1938 et 1968. Horace sera agent secret, Barry, militant communiste, et Georges, grand reporter courant « le monde pour empêcher la bassesse d’’ensevelir les vérités séditieuses » (Vandromme).
    Un Déjeuner de soleil, est pour sa part le roman d’’un romancier, la vie imaginaire de l’’écrivain Stanislas Beren. S’’y entremêlent subtilement la vie de Beren, ses œœuvres imaginés et le rythme du siècle, puisque chez Michel Déon on n’’est jamais très loin de l’’actualité. Réalité et imaginaire, par leur proximité, font ici plonger le lecteur au cœœur de la création romanesque.
    « Livre quasi-mystique » dira Renaud Matignon de La Montée du soir qui consiste en une approche métaphysique de la vieillesse. Un homme d’’âge mûr voit, en effet, dans ce livre publié en 1987, s’éloigner malgré lui les êtres et les objets qu’’il a aimés. Pol Vandromme a fort justement rapproché ce texte aux accents panthéistes des Quatre nuits de Provence de Maurras. Mais on peut tout autant trouver des accents pascaliens à cette méditation sur les effets du temps.
    Grâce et intégrité
    Michel Déon a-t-il une postérité littéraire, nous demandera-t-on à juste titre ? Assurément, et dans cette veine nous avouons préférer sans hésitation les romans de Christian Authier à Eric Neuhoff (3). Saluons également à ce propos les travaux de la revue L’’Atelier du roman, dirigée par Lakis Prodigis, qui doit beaucoup à l’’auteur de Je ne veux jamais l’’oublier.
    Michel Déon, conciliant grâce et intégrité, est bien de la race de ceux qui depuis deux siècles conservent envers et contre tout une attitude salutaire, parfaitement résumée par Montherlant dans Le Maître de Santiago : « Je ne suis pas de ceux qui aiment leur pays en raison de son indignité. »
    Pierre Lafarge L’’Action Française 2000 du 19 octobre au 1er novembre 2006
    * Michel Déon, Œœuvres, Quarto Gallimard, 1372 p., 30 euros.
    (1) : Dans son remarquable essai Michel Déon. Le nomade sédentaire, La Table Ronde, 1990.
    (2) : Au sens que lui donnait Thierry Maulnier dans son Racine : « La tragédie ne peint pas des êtres : elle révèle des êtres au contact d’’une certaine fatalité. »
    (3) : Auteur de Michel Déon, Éd. du Rocher, 1994.

  • France Télévision à la recherche de ses spectateurs perdus

    Cela reste encore à prouver. Le groupe audiovisuel public, qui a déjà commencé à dégraisser, annonce un plan de départs visant 361 postes. Il faut dire que l'ardoise prévue pour 2013 devrait atteindre 133 millions d'euros.

    Réduire les dépenses, c'est bien. Retrouver ses spectateurs, et les recettes publicitaires qui vont avec, c'est autre chose. A ce sujet, motus pour l'instant. Fin août, France Télévision a sérieusement revu ses prétentions à la baisse : 100 millions d'euros de recettes publicitaires de moins que prévu d'ici 2015. Et encore, en tablant sur un rebond miraculeux à partir de 2014, grâce, notamment, à Sophia Aram. Sauf que son 'émission, "Jusqu'ici tout va bien", tient plus du bide que du miracle, à tel point qu'elle pourrait disparaître des écrans en novembre.

    Pour ne parler que d'elle, en septembre, France 2 devait se contenter de 13,5% de parts d'audience, loin derrière les 23,4% de TF1, et en chute continue par rapport aux années précédentes.

    France Télévision, la télé bientôt sans public ?

    Louise Tudy

  • Enracinement, identité et esprit européen

    L’enracinement est un concept fréquemment utilisé par les différents mouvements nationalistes ou identitaires et désignant l’attachement à une terre ou le fait d’avoir des racines sur un territoire dans lequel on vit.

    L’enracinement est également proclamé comme étant une condition au bien être de l’homme comme c’est le cas pour la philosophe Simone Weil qui écrira un ouvrage traitant (entre autre) de ce sujet et sobrement intitulé L’enracinement. Elle y traite aussi du déracinement dans ses différents aspects (Déracinement ouvrier, déracinement paysan, déracinement et nation). Bien sur dans la mouvance nationale, c’est plutôt Barrès qui est mis en avant avec par exemple son ouvrage Les Déracinés.

    A une époque marquée par l’apologie du nomadisme et du village global, une telle idée suscite souvent deux types de réactions. Soit l’enracinement semble quelque chose de profondément « réactionnaire », contraire au « sens de l’histoire » et à « l’évolution du monde », soit l’enracinement apparaît comme le concept clef autour duquel peut s’organiser la résistance au mondialisme. D’un côté les nomades sans racines, de l’autre les sédentaires enracinés.

    Autour de cette opposition se greffent des discours plus politiques que réellement philosophiques ou sociologiques. Cette opposition est particulièrement clivante au sein de la jeunesse entre d’un côté des jeunes très versés dans le sans-frontiérisme gauchiste ou la mondialisation capitalisme « heureuse » et de l’autre des jeunes attachés à leurs pays, leur identité ou leur religion. Cela touche absolument tous les jeunes, quelque soit leurs origines.

    L’enracinement apparait pourtant comme un concept beaucoup plus problématique qu’il en a l’air lorsqu'il est associé à un identitarisme caricatural. Il est pour certain un moyen de revendiquer une identité particulière, d’affirmer sa différence pour elle-même, valorisant le culte du moi et l’égo. L’enracinement peut parfois conduire à des formes de clanisme ou de tribalisme entre gens se reconnaissant des mêmes identités lorsqu'il est envisagé de façon restrictive. L’enracinement est en effet bien souvent une construction individuelle comme on le voit chez les jeunes musulmans persuadés de puiser une identité authentique dans un islam salafiste totalement différent de l’islam traditionnel de leurs ancêtres ou ces militants politiques se revendiquant d’identités dont ils ne parlent pas la langue et connaissent souvent mal la culture qui devient alors très vite du folklore. Il s’agit alors plus d’une affirmation de soi par le biais d’une identité enracinée fantasmée que d’un véritable enracinement, vécu et non théorisé, au sein d‘une région dans laquelle on compte ses ancêtres et dont on est capable de cultiver la terre. Enfin l’enracinement est une comparaison à l’arbre qui plonge ses racines dans le sol pour s’élever vers le ciel, mais l’arbre est solitaire et n’implique pas de dynamique collective. L’arbre ne renvoie pas philosophiquement aux mêmes concepts et au même symbolisme que la forêt.

    Comme l’avait dit Laurent Ozon au cours d’une conférence à Lille « nous ne sommes pas des arbres ». Ce qui fait le fond de l’âme européenne c’est l’esprit de conquête et d’aventure. L’Européen va de l’avant. L’Europe est une terre d’aventuriers, de savants, de guerriers, de pèlerins, de poètes qui sans jamais abdiquer ce qu’ils étaient, leur appartenance à leur cité, à leur pagus, étaient animés par un élan vital, par une volonté.

    Ainsi pas plus qu’il n’existe d’homme seul mais des communautés et des systèmes holistiques, l’arbre prend sa véritable force au sein de la forêt. La forêt progresse, elle s’étend, et s’impose aux hommes qui y sont sensibles. Elle peut effrayer, mais elle est aussi le territoire de cette faune que le chasseur tente d’attraper pour nourrir son foyer. L’arbre n’est rien de tout cela.

    Dans une forêt, c’est la multitude qui prend son importance et non l’arbre pris dans son individualité.

    L’enracinement est une base sur laquelle s’appuyer et grandir. L’arbre seul est un axe vertical, un lien entre la terre et le ciel, c’est l’Axis Mundi ou l’Irminsul des Saxons, celui autour duquel peut s’organiser le clan. La forêt quant à elle implique l’horizontalité. Une forêt qui avance, peut être un signe que la civilisation, frappée par Nemesis, a disparu au profit du monde sauvage et de sa beauté qui ne doit rien à l’homme. La forêt est un temple de la Nature. Songeons à Brocéliande ou aux temples antiques décorés de motifs floraux. La forêt est une société en elle-même, elle se compose d’arbres qui abritent un biotope, favorisent la vie et des écosystèmes particuliers, ce qu’un arbre seul ne peut pas faire avec autant d’ampleur.

    Rappeler qu’une forêt se compose d’arbres est bien plus qu’une simple évidence, c'est affirmer que pour vivre en société et se projeter dans l'espace, il faut un ensemble d'individus enracinés. L’enracinement ne doit donc pas être considéré comme étant le concept autour duquel doit se greffer notre combat, il doit être vu comme le socle sur lequel nous reposons mais dans le but non pas de flatter notre égo ou de croître sans autre perspective que croître mais de constituer d’authentiques sociétés vitalistes et volontaristes. L’enracinement est un moyen, et non une fin.

    Reste l’essentiel, où sont plongées les racines des individus ? Lorsqu’un arbre croît, cela peut prendre des dizaines d’années et certains arbres peuvent demeurer à la même place pendant des siècles, ce qui est autant signe d’immobilisme, que du fait qu’un enracinement se fait progressivement. L’enracinement se fait du bas vers le haut. Or chez beaucoup d’individu, nous assistons à un faux enracinement qui s‘effectue du haut vers le bas. C’est l’individu qui décide de s’implanter. La réalité est que nous sommes pour la plupart des déracinés, nous vivons bien souvent dans des régions qui ne nous ont pas vu naître ou dont nos parents ou grands-parents ne sont pas originaires et n’ont jamais cultivés le sol. Nos identités sont multiples et ne peuvent se réduire à des localités, des régions ou des nations. Le retour à la terre n’est pas un enracinement, de même que la pratique d’une langue régionale que n’ont jamais pratiquée nos aïeux n’est pas de l’enracinement, c’est une démarche personnelle d’intégration dans une culture particulière ou sur un territoire particulier. C’est une recherche personnelle de racines ou de ce qui est perçu comme un territoire authentique. Cela explique que le Moi devienne le centre de la plupart des démarches identitaires.

    Un jeune maghrébin se perçoit comme un arabe en Occident et peut se sentir proche d’un palestinien luttant contre Israël. Un individu qui apprécie de forniquer avec une personne du même sexe va parfois être amené à définir son identité selon son orientation sexuelle (on parle d'ailleurs d'identité sexuelle ou de transidentité). Un français de souche européenne peut se sentir comme étant un « blanc » et résumer son identité à sa pigmentation, ce qui explique le développement des mouvements suprématistes blancs comme des mouvements suprématistes noirs. Phénomènes qui se sont développés sur cette terre de déracinés que sont les Etats-Unis d’Amérique et qui se développent en Europe où les autochtones sont paradoxalement à peu près autant déracinés que les allochtones. Les enfants d’immigrés européens vont se revendiquer du pouvoir blanc là où les descendants d’immigrés africains peuvent se revendiquer du pouvoir noir et du communautarisme noir mélangeant même des antillais et des africains, certains allant jusqu’à se convertir à l’islam salafiste, signe du gloubi-boulga identitaire et du sac de nœud induit par la mondialisation et le nomadisme généralisé. Et ce à toutes les échelles.

    Pour résoudre l’équation, peut-être qu’il faut suivre les conseils éclairés de Dominique Venner et se ressourcer dans le seul héritage qu’il nous reste en dehors, pour ceux qui ont de la chance, d’un véritable enracinement régional familial. Celui forgé par notre longue mémoire européenne. Notre enracinement doit être dans un premier temps un enracinement de l’esprit dans les mythes anciens avant d’être poursuivi par un enracinement physique sur un territoire à l’échelle locale ou régionale. Ensuite vient le temps de la fondation d‘une communauté autour d’un esprit commun sur un territoire partagé, c’est alors que commence à rayonner la communauté qui peut raisonnablement songer à devenir puissante.

    Jean http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2013/09/09/l-enracinement-5135236.html

  • [Nantes] Cercle d’études le 26 octobre

    Cercle d’étude d’AF pour les jeunes

    le 26 Octobre 2013

    6, boulevard Léon Jouhaux à Nantes

    Chers amis,

    Pour faire suite à notre courrier du 24 juilletvous annonçant la création d’un cercle d’étude de formation politique, économique et sociale pour nos jeunes, vous trouverez en annexe, notre invitation à diffuser très largement pour ce deuxième cercle d’étude qui se déroulera le 26 octobre prochain. Amenez-y vos enfants, vos jeunes, ils ne seront pas déçus. Un calendrier de formation leur a déjà été remis lors du 1er cercle du 28 septembre avec les thèmes abordés par des intervenants de qualité qui ne seront d’ailleurs pas nécessairement de l’Ecole d’Action Française (celle des Maurras, Daudet, Bainville, Bernanos, Boutang, Estienne d’Orves, Maulnier, Déon et du Maréchal LECLERC…) mais qui s’inscrira dans la droite ligne de la pensée classique. Seront étudiés entre autre : le marxisme, la politique naturelle, les parlementarisme, le libéralisme politique et économique, la pensée classique et moderne, le catholicisme, l’Islam, la monarchie française, l’Europe communautaire, la politique étrangère française… Les supports de formation seront ludiques et adaptés à notre jeunesse.

    Amicalement,

    Jean-Christophe Visomblain

    Président de l’Union Royaliste Bretagne Vendée Militaire

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Nantes-Cercle-d-etudes-le-26

  • 17 octobre 1961 : les responsabilités du F.L.N.

    Le 17 octobre 2012, la « France » par la voix du président de la République reconnaissait officiellement la « répression sanglante » de la manifestation organisée, cinquante-et-un ans auparavant, par le Front de libération nationale algérien (F.L.N.) sur le pavé parisien. Cette décision a reçu un accueil mitigé de l’opinion publique, renforçant même, peut-être, les clivages politiques et communautaires. Si la connaissance historique a indéniablement progressé, en particulier concernant les mécanismes administratifs ayant conduit une dure répression du nationalisme algérien en France, et à Paris en particulier. Les buts réels de la fédération de France du F.L.N. dans le déclenchement des manifestations d’octobre 1961 apparaît moins clairement.
    Pour comprendre, récapitulons brièvement les faits. 1961 était une année cruciale; la guerre d’Algérie approchait de son dénouement et les protagonistes civils et militaires espéraient encore une victoire militaire et politique. Au printemps, le terrorisme algérien s’était déchaîné contre les forces de l’ordre parisiennes. Après la rupture du cessez-le-feu par des éléments incontrôlés du F.L.N. (août 1961), le préfet de police, Maurice Papon, décrète un nouveau couvre-feu (5 octobre 1961) pour faciliter l’action des unités antiterroristes et paralyser les actions clandestines nocturnes du F.L.N. Rapidement, les groupes paramilitaires du F.L.N. seront rapidement désorganisés et les principaux décideurs de la direction parisienne de la fédération de France arrêtés par la Direction de la sûreté du territoire (les 4 – 10 novembre 1961). Face au resserrement d’un tel étau, le F.L.N. prend l’initiative d’anticiper la traditionnelle manifestation du 1er novembre et, même, de lui donner une ampleur sans précédent. Cette initiative spontanée, prise sans l’assentiment du Gouvernement provisoire de la République algérienne (G.P.R.A.), résulterait aussi des tensions internes et des intrigues pour le pouvoir qui déchire le F.L.N. pour la prise de contrôle politique après l’obtention de l’indépendance. Le comité fédéral aurait joué cette carte dans l’optique de rappeler au G.P.R.A. son poids politique et mettre en évidence le soutien (notamment financier) qu’il reçoit des immigrés algériens de Métropole. C’est pour ces raisons que Mohamed Zouaoui et ses trois adjoints, représentant du comité fédéral en France, décident, le 7 octobre 1961, d’organiser une manifestation de masse dans Paris pour protester contre le couvre-feu et de lancer plus de vingt mille manifestants vers des lieux symboliques de la capitale. Pour parvenir à ces fins, la fédération de France a pris soin de « médiatiser » l’événement pour mettre en évidence son orientation politique, d’une part, et sensibiliser les membres de l’O.N.U. sur le conflit en cours en montrant les violences de la police, d’autre part. Le soir du 17 octobre, outre les hommes de main du Front présents dans les cortèges pour contraindre à la participation et encadrer les manifestants, se trouvait également le photographe Élie Kagan, officieusement chargé de couvrir la manifestation. Ses vues seront insérées dans une plaquette qui sera très rapidement éditée par le G.P.R.A. Il est inutile ici de revenir sur la polémique concernant ses événements (et sur le nombre des victimes).
    Une question se pose cependant, celle de la responsabilité de la fédération de France. Si la manifestation du 17 octobre 1961 était pacifique sur la forme, elle ne l’était pas sur le fond. Il s’agissait d’une action de guerre subversive et, peut-être, criminelle visant à provoquer la mort d’innocents sous les coups de la police. L’historienne Linda Amiri cite des rapports internes du F.L.N. (différents de ceux conservés aux archives de la Préfecture de police – note 1 -), antérieurs à la manifestation, qui soulignent la connaissance par les hauts responsables nationalistes de l’État d’exaspération des forces de l’ordre. Sur le pont de Neuilly, principal point de contact entre policiers et manifestants, l’historien Jean-Paul Brunet, a constaté que les hommes du cortège ont délibérément évités d’atteindre les forces de l’ordre pour les provoquer et les pousser à la faute par un tir de riposte sur les manifestants sans armes (2). Il ne peut faire aucun doute sur la volonté du F.L.N. de confronter la population algérienne (qu’elle contrôle et théoriquement protège) aux unités de police : des cortèges visant des lieux symboliques, une organisation nocturne, une mobilisation massive et inédite, autant de facteurs favorables pour un résultat, peut-être, espéré par les organisateurs. La fédération de France du F.L.N., sur les renseignements fournis par le comité fédéral parisien, ne pouvait ignorer l’état d’exaspération des policiers et de sa base militante à l’automne 1961, et d’ailleurs « pressentait » la virulence de la répression. Penser le contraire serait pure « naïveté (3) ». L’absence même de preuves archivistiques, renforcerait cette hypothèse. La clandestinité impose précisément l’usage de consignes orales, sans consignation écrite, des décisions secrètes d’une portée stratégique (et surtout, dans ce cas précis peut-être de décisions cyniques dont les conséquences seraient en contradiction flagrante avec la mission historique de la fédération de France). En outre, Me de Felice m’a déclaré au cours d’un entretien (juillet 2007), que le choix des méthodes non violentes été défendu par le collectif des avocats du F.L.N., et le modèle indépendantiste indien montré en exemple : or, même dans ce cas, la tactique de Gandhi était claire : pousser le gouvernement britannique à la répression pour le discréditer aux yeux de l’opinion internationale. Cette décision, si elle a été prise, se situerait dans la continuité des violences de la guerre civile, conduite et gagnée par le F.L.N. (4).
    Si l’occultation d’un fait historique par les gouvernements français est déontologiquement inacceptable (bien que politiquement légitime), nous en sommes actuellement au point de nous interroger sur les responsabilités du F.L.N. L’histoire a démontré que lorsqu’une structure clandestine et autoritaire prend le pouvoir sur un terreau politique vierge de toute expérience de la démocratie (l’exemple soviétique, mais pas seulement), elle se mue en un appareil étatique dictatorial. On a souvent argué des responsabilités de Maurice Papon, mais nous nous posons la question de celle d’une personnalité, fréquemment citée dans les publications sur l’Algérie contemporaine, à savoir M. Ali Haroun, membre de l’exécutif de la fédération de France du F.L.N. et, selon l’historien Gilbert Meynier, décisionnaire du lancement de la guerre civile algérienne en métropole (5). Rappelons également que de l’autre côté de la Méditerranée, la « guerre de libération » reste probablement l’unique source de légitimité du gouvernement dictatorial algérien à bout de souffle (peut-être ?). En 1991, année cruciale en Algérie, le mouvement de grève initié par le Front islamique du salut (F.I.S.) est sévèrement réprimé par le gouvernement et bon nombre des manifestants sont envoyés dans des centres d’internement dans le désert saharien. La concomitance entre la parution de l’ouvrage de Jean-Luc Einaudi (qui reprend d’ailleurs l’ossature et les photographies produites par le F.L.N. en novembre 1961), et la répression de juin 1991 à Alger est pour le moins troublante… Il convient par ailleurs de signaler que le responsable de l’application du respect des « droits de l’homme » (en Algérie, le sens est malheureusement différent du nôtre) au bénéfice des manifestants détenus dans les camps a été confiée à un ministre chargé spécifiquement de ces questions : toujours Ali Haroun. L’indéniable collusion entre l’avocat et la dictature militaire en Algérie a été développée dans l’ouvrage de Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Francalgérie. Crimes et mensonges d’État (6). Enfin, membre de la fédération de France du F.L.N. à son sommet, il a été très probablement partie prenante dans la décision du lancement des manifestations d’octobre 1961, avec pour désir d’aboutir à une répression féroce…
    Rémy Valat http://www.europemaxima.com/?p=3304
    Notes
    1 : Linda Amiri, Les fantômes du 17 octobre 1961, Éditions Mémoire-Génériques, 2001, pp. 22 – 28.
    2 :  Jean-Paul Brunet, Police contre F.L.N. Le drame d’octobre 1961, Flammarion, 1999, p. 191.
    3 : Jean-Marc Berlière a émis quelques réserves sur les fondements de cette décision. « Une organisation – quelle que puisse être la légitimité de ses revendications – qui alterne terrorisme (au nom de la cause qu’elle défend) et manifestation au nom des principes démocratiques, joue un jeu ambigu dont il faut, la encore, une singulière naïveté pour oublier les risques et les conséquences calculés et voulus dans la logique d’une guerre révolutionnaire. » Cf. Jean-Marc Berlière, « Archives de police / historiens policés ? » sur http://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2001-5-page-57.htm
    4 : Au total, la guerre civile algérienne aurait entraîné entre le 1er janvier 1956 et le 23 janvier 1962, trois mille neuf cent cinquante-sept décès et sept mille sept cent quarante-cinq blessés, pour un total de dix mille deux cent vingt-trois agressions contre des Algériens. En région parisienne, entre le 23 octobre 1958 et le 31 décembre 1961, la guerre fît six cent quatre-vingt trois tués (dont cinq cent quatre-vingt dix-huit Algériens) et huit cent vingt blessés (dont cinq cent quarante sept Algériens). Les formes de cette guerre civile sont marquées par son degré élevé de violence et sa cruauté pour le châtiment des « traîtres ». Cette guerre est un conflit de basse intensité. Et le panel des procédés terroristes vont des menaces à l’exécution sommaire, souvent précédée de tortures, en passant par les attaques à mains armées contre les lieux de réunion du camp adverse.
    5 : Gilbert Meynier, Histoire intérieure du F.L.N. (1954 – 1962), Fayard, 2002, p. 265.
    6 : Cf. Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Francalgérie. Crimes et mensonges d’État, La Découverte, 2004.

  • Témoins de Jehovah et dessins sataniques.

    Laurent Glauzy évoque cet aspect, détaillé dans son livre disponible ici.