culture et histoire - Page 1724
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Paris violence - Demi saison
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Ces antisémites de gauche dont on parle si peu
« Si nous avions repris dans notre livre
certains textes extraits de Marx
sans en indiquer la source,
il n’est pas impossible que la loi Gayssot
nous eût été appliquée »
Entretien avec Philippe Randa, co-auteur avec Roland Gaucher des « Antisémites » de gauche , éditions L’Æncre
(propos recueillis par Aliénor Marquet)
Roland Gaucher et Philippe Randa ont jeté un pavé dans le marigot du conformisme politique en s’attaquant à un sujet sulfureux. Parce que tout ce qui touche aux juifs et à l’antisémitisme est toujours délicat dans le contexte d’hystérie médiatique actuel. Et parce que, ni l’un ni l’autre n’étant de gauche, le pire dans leurs révélations était bien évidemment à craindre pour les tenants du politiquement correct. Lecture faite de leur livre, c’est incontestablement le cas.
Dans le titre de votre ouvrage, pourquoi le mot « Antisémites » figure-t-il entre guillemets ?
Essentiellement pour deux raisons. D’une part, beaucoup d’auteurs révisionnistes poursuivis au nom de l’infâme loi Gayssot sont accusés d’être antisémites ; ils s’en défendent avec vigueur et sont vraisemblablement sincères. D’autre part, un certain nombre de dirigeants et de militants d’extrême gauche assurent qu’ils sont antisionistes, mais non pas antisémites, ce qui est parfaitement possible ; mais ils sont pro-palestiniens et considèrent la présence israélienne dans ce pays comme une occupation colonialiste, avec son lot d’attentats et de répressions sanglantes ; aussi peuvent-ils parfaitement basculer dans l’antisémitisme le plus radical. En revanche, il suffit de se référer à certaines phrases du célèbre théo-ricien de gauche du xixe siècle, Joseph Proudhon, pour se rendre compte qu’il fut indéniablement antisémite, et l’on se demandera comment, dans ces conditions, des juifs peuvent, par exemple, continuer à fréquenter le Cercle Proudhon à Besançon…
Ne pourrait-on faire la même remarque au sujet de Karl Marx ?
Sans doute. Si nous avions repris dans notre livre certains textes extraits de Marx sans en indiquer la source, il n’est pas impossible que la loi Gayssot nous eût été appliquée.
Pensez-vous qu’à l’intérieur du parti bolchevique il y ait eu, à certaines périodes, conflit entre éléments juifs et non juifs ?
Évidemment. Dans l’élimination de Trotski, dans les procès de Moscou avant-guerre, une certaine dose d’antisémitisme n’est pas absente. Après la guerre, le procès dit du « complot des blouses blanches », fomenté par Staline et avorté du fait de son décès, est incontestablement antisémite. Il a été approuvé par tous les dirigeants communistes français de l’époque et par la clique de leurs « intellos »… Qui le leur rappelle ? La fin de Staline, survenue peu après, reste mystérieuse. Qui a enquêté à ce sujet ? Ajoutez que nous reproduisons une brochure signée Gédéon Hagonov, pseudonyme de Boris Souvarine, qui révèle l’antisémitisme de Staline à l’égard des juifs polonais, au temps du Pacte germano-soviétique. Qui rappelle cela, aujourd’hui où les manifestants de Guennadi Ziouganov, le principal opposant de Vladimir Poutine et chef du Parti communiste russe , défilent – par exemple pour la commémoration de la Révolution d’Octobre – avec des banderoles sur lesquelles figure le mot « youpin » ? Si des membres d’un parti politique français en faisaient autant dans notre pays, vous imaginez le tollé ? Mais là, silence dans les grands médias. Pourquoi ? Et ce sujet de l’antisémitisme, hier en URSS, aujourd’hui en Russie, ne semble guère intéresser les chercheurs du CNRS !
Vous consacrez plusieurs chapitres aux historiens négationnistes, montrant que la grande majorité d’entre eux proviennent de gauche et d’extrême gauche. Pourquoi, à votre avis ?
Sans doute parce qu’une insidieuse propagande a réussi à faire entrer dans les esprits que l’antisémitisme était le fait exclusif de gens de droite et d’extrême droite, exactement comme, pendant très longtemps après la IIe Guerre mondiale, la collaboration française avec le IIIe Reich passait pour le fait des mêmes gens alors que la résistance aurait exclusivement été de gauche et d’extrême gauche. Aussi, les foudres de la justice, depuis la première loi liberticide Pleven, se sont-elles portées quasi-exclusivement sur les journalistes, écrivains et militants nationalistes, laissant par là même le champ libre aux gens de gauche et d’extrême gauche de s’exprimer. D’autant que ceux-ci le faisaient généralement au nom de la lutte contre le sionisme assimilé à une forme d’impérialisme, selon eux, quasi-fasciste. Puis, à la fin des années 70 du siècle dernier s’est déclaré le « scandale » des historiens révisionnistes qui remettaient en cause l’existence des chambres à gaz homicides. Le déchaînement médiatique et judiciaire contre eux a été tel qu’on n’a pu continuer de passer sous silence les écrits et les paroles des gens de gauche et d’extrême gauche. Cela aurait pu être le cas si ces derniers s’étaient brusquement rétractés. Au contraire, comme il s’agissait en général de « révolutionnaires » et non pas de gauchistes-caviar – sans doute, d’ailleurs, les seuls qui n’ont pas renié leur foi soixante-huitarde – il a bien fallu les reconnaître, même si cela a été pour les marginaliser aussitôt. Pour les médias, Pierre Guillaume (directeur des Éditions de la Vieille Taupe), Serge Thion (chercheurs au CNRS) et le philosophe Roger Garaudy sont les enfants honteux des Damnés de la terre !
Les « Antisémites » de gauche,, Roland Gaucher et Philippe Randa, éditions L’Æncre, 3e édition, 440 pages, 35 euros. -
Du symbolisme de l’épée
◘ SYNERGIES EUROPEENNES – Bruxelles/Dresde – octobre 2005
Les plus célèbres épées de l’histoire ou de la mythologie portent un nom : Balmung, Nagelring, Excalibur, etc. Ces noms expriment la valeur symbolique et magique qu’elles reflètent. Leur nom et les actes qu’elles ont accomplis leur procurent simultanément une particularité.
Souvent, ces épées uniques en leur genre ont une origine divine, ont été données à l’homme par des dieux et reviennent souvent à ceux-ci en bout de course. Si un héros possède l’une de ces épées, il possède en même temps et puissance et salut. Pour cette raison, l’épée, tenue en main, exprime la force et les capacités masculines et phalliques, ce qui, par extrapolation, symbolise la puissance dominante. Ainsi, les héros solaires et les vainqueurs des forces chtoniennes/telluriques ont pour attribut l’épée.
Sur le plan de l’histoire évolutive de l’humanité, l’épée n’est forcément pas un symbole très ancien, car ce n’est qu’à l’Âge du Bronze que les hommes ont disposé des capacités de fabriquer des épées. Les premières d’entre elles sont fort décorées, ce qui indique leur usage principalement sacré. Et si l’épée est l’attribut de la classe guerrière dominante, le fabricant d’épées, acquiert, lui aussi, une dimension plus importante : il s’agit du forgeron.
Dans la mythologie scandinave, le dieu du tonnerre, Thor, entretient un rapport médiat avec l’épée. Si son attribut majeur est le marteau, celui reste tout de même aussi l’œuvre du forgeron, dont le travail consiste à manier le feu et d’autres marteaux, que l’on associe ensuite à l’éclair et au tonnerre. Jörd, d’après l’Edda de Snorri, est la mère de Thor ; elle est la personnification de la Terre. C’est d’elle que jaillissent les métaux que travaillent le forgeron. Le dieu solaire Freyr possède, lui aussi, une épée, capable de combattre seule. Il est le dieu de la fertilité, de la richesse matérielle, du développement pacifique. Ses représentations accentue sa dimension phallique.
Dans l’hindouisme védique et dans le bouddhisme, l’épée et le varya revêtent le même symbolisme ; le terme sanskrit de “varya” désigne tout ce qui est masculin/viril, dont le phallus et la semence. Il signifie aussi la “foudre” et symbolise tout ce qui relève symboliquement de l’éclair. La massue à lancer, attribut d’Indra, se nomme également varya. Comme le marteau de Thor, cette massue d’Indra peut ôter comme donner la vie ; elle est ainsi un symbole herculéen. Dieu qui décide de l’orage, Indra est représenté en couleur rouge, ce qui indique une appartenance à la caste des guerriers, ou kshatriya, caste qui le vénère en Inde.
Le rapport à l’épée a une dimension encore plus philosophique en Asie. Au Japon, la noblesse chevalière, c’est-à-dire les samouraïs, cultive une conception spirituelle à l’égard des 2 épées que possède le samouraï, soit le katana et le wakizashi. L’épée, pour eux, n’est pas seulement un objet de vénération, mais est aussi un symbole de l’âme. Par voie de conséquence, les samouraïs maintenaient leurs épées dans un état de pureté absolue et ne les maniaient qu’avec le plus grand respect. Les ninjas, en revanche, considéraient les épées d’une manière bien plus prosaïque. Leurs épées, contrairement à celles des samouraïs, n’étaient pas courbées, mais droites, ce qui avait pour avantage de pouvoir les utiliser comme outils, d’en faire éventuellement une arme de jet, de donner des coups d’estoc, de s’en servir comme levier ou comme échelle, etc.
Pour le samouraï, un usage aussi vil de l’épée était totalement inconcevable. En Orient, l’épée a une dimension féminine. En Occident, elle a généralement une lame droite, tandis qu’en Orient elle est courbée, à la façon des sabres ultérieurs. Au Japon, comme dans l’espace indo-européen, l’épée est l’attribut des divinités masculines du tonnerre et de la tempête, telles Susano-o au Japon, Indra en Inde, Mars dans le monde romain…
L’épée est également mise en équation avec l’intellect et possède de ce fait une vertu séparante, scindante : Alexandre le Grand a résolu une tâche autrement impossible, défaire le nœud gordien, tout simplement en le tranchant. La déesse Iustitia tient en une main une balance, en l’autre une épée. Ces 2 objets ne représentent pas seulement les aspects législatif et exécutif. L’épée symbolise la force de sa capacité de juger ; elle l’aide à séparer culpabilité et innocence. Au Moyen Âge, lorsque le chevalier passait la nuit avec la Dame qu’il admirait, il plaçait son épée entre lui et elle, posant de la sorte une barrière insurmontable qui symbolisait leur chasteté à tous 2. Enfin, lorsque le chevalier est frappé sur l’épaule lors de son adoubement, ce geste symbolise la séparation en 2 de sa vie : celle d’avant l’adoubement, et donc l’entrée en chevalerie, et celle d’après. C’est clairement un rituel d’initiation.
Tacite évoquait déjà la danse de l’épée chez les Germains. L’histoire de ce rituel et de cette chorégraphie s’est poursuivie jusqu’au XXe siècle. Bon nombre d’indices nous signalent qu’il s’agit pour l’essentiel d’une cérémonie d’initiation.
Comme l’épée est un objet récent dans l’histoire du développement général de l’humanité, les mythes, où l’épée joue un rôle, ne datent pas d’un passé fort lointain, comme l’indique notamment le mythe judéo-chrétien où Adam et Eve sont chassés du paradis terrestre. Dans ce mythe biblique, l’épée a aussi une fonction “séparatrice” ; elle est en l’occurrence l’épée de feu de l’Archange Michel, qui sépare l’homme du Jardin d’Éden. Vu que Michel a des origines iraniennes et qu’après la christianisation de la Germanie, il a remplacé Wotan/Odin dans tous les symboles religieux, avec une interprétation chrétienne nouvelle, où son épée de feu sépare l’homme chrétien nouveau de son passé païen organique. L’épée de Michel est pour l’humanité germanique une sorte d’épée de Damoclès…
► D. A. R. Sokoll. (Hagal n°2/2002)
◘ Bibliographie :
- BIEDERMANN, Hans, Knaurs Lexikon der Symbole, Augsburg, Weltbild, 2000.
- COOPER, J. C., Illustriertes Lexikon der traditionellen Symbole, Wiesbaden, Drei Lilien, 1986.
- LURKER, Manfred, Lexikon der Götter und Dämonen : Namen, Funktionen, Symbole/Attribute, 2. erw. Aufl., Stuttgart, Kröner, 1989.
- PASTENACI, Kurt, Die Kriegskunst der Germanen, Karlsbad u. A., Adam Kraft, 1942.
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Les momies de la route de la soie
Pendant longtemps, historiens et archéologues ont estimé que les échanges entre la Chine ancienne et l’Occident n’avaient pas eu lieu avant la fin du IIe siècle avant J.-C., en raison des barrières naturelles que constituent l’Himalaya et le désert de Taklamakan. Cette théorie est aujourd’hui remise en question par l’étude minutieuse de certains vestiges remarquables. Ainsi, la découverte des momies du bassin de Tarim, excavées dans un cimetière du désert de Taklamakan, dont les plus anciennes remontent à 4000 ans, attestent d’une présence européenne en Asie.
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Michel Janva : “Dès la première année, le Salon Beige a connu des événements médiatiques qui ont montré son intérêt”
PARIS (NOVOpress) – Le Salon Beige, qui se présente comme un “blog quotidien d’actualité” animé par des “laïcs catholiques”, est devenu l’un des navires amiraux de la réinformation sur Internet. Son rôle a été déterminant dans la mobilisation contre le mariage homosexuel, brisant le mur du silence médiatique et relayant minutieusement les initiatives nationales et locales tout comme les preuves d’abus policiers. Au-delà de cette période clef, il a été et demeure l’artisan d’un “réveil des consciences”, par un travail quotidien de revue de presse et d’analyse de l’actualité sous le double regard catholique et non-conformiste. Michel Janva, son fondateur, répond aux questions de Novopress.
Michel Janva, vous avez été, il y a maintenant près de dix ans, le co-fondateur du Salon Beige, comment l’idée de ce blog est née ? Quels étaient vos buts à sa création ?
Nous avons lancé le Salon Beige il y a 9 ans, motivés d’abord par un sentiment de frustration après la « série noire » de l’année 2004 (lundi de Pentecôte, loi sur l’ « homophobie », affaire Buttiglione). Il nous est apparu clairement que les chrétiens étaient en train de se faire marginaliser sur la scène publique, et que les grands médias ne nous étaient plus d’aucun secours pour faire entendre notre voix. Or la campagne présidentielle américaine qui venait de s’achever avait été marquée par l’émergence politique des blogs : alors qu’en France on les considérait encore comme un passe-temps pour ados, ils s’établissaient aux Etats-Unis comme de véritables contre-médias. Nous avons donc tenté l’expérience du blog.Le Salon Beige a pour objet de lutter contre la désinformation et, à ce titre, il se définit comme un contre-média (nous ne sommes pas journalistes, nous ne vivons pas grâce au Salon Beige). Et ce blog souhaite unir les catholiques, et au-delà, ceux qui rejoignent nos idées, autour du combat commun, en dépassant les querelles partisanes ou de chapelles.
Depuis, ce qui était un blog parmi d’autres a pris une ampleur réellement extraordinaire, y compris lorsqu’on le compare aux médias traditionnels, quelles grandes étapes retenez-vous de la décennie écoulée ?
Dès la première année, le Salon Beige a connu des évènements médiatiques qui ont montré son intérêt. Je pense notamment, dès avril 2005 au décès du pape Jean-Paul II et à l’élection de Benoît XVI, lequel, à peine élu, faisait déjà l’objet d’attaques médiatiques. Puis la même année, le référendum sur le Traité constitutionnel européen, contre lequel nous avons milité, au contraire des grands médias, tous acquis au oui. Je crois que ce vote a montré l’importance d’internet dans le débat politique. Enfin, la même année, la France a connu les émeutes de banlieue, sur lesquelles nous avons tenté de réinformer les lecteurs, au quotidien. La suite est à l’avenant de cette année fondatrice : attaques contre l’Eglise, débats politiques, faits de société, le Salon Beige a voulu répondre sur chacun de ces sujets et la croissance continue de lecteurs montre que cela répond à un réel besoin.La mobilisation contre le mariage homosexuel a été un déclencheur important pour votre audience. Ce qui est d’ailleurs directement lié au fait que le blog a été un outil de mobilisation tout à fait efficace, pouvez-vous revenir sur ce point ? Quels exemples précis vous viennent à l’esprit ?
Autant le blog connaît une croissance continue qui ne s’est jamais démentie depuis sa création, autant les événements de l’an passé ont été un formidable coup de fouet en terme d’audience. Nous avons cherché à coller au plus près de l’actualité dans le combat contre la loi Taubira et nous avons essayé de relayer toutes les initiatives qui se sont organisées dans le pays. Ce relais médiatique a été un vecteur de mobilisation puisque, des banderoles au-dessus des routes, aux manifestations locales et nationales, en passant par les photos devant les mairies et les accueils de ministres, les lecteurs ont voulu avoir leur action et leurs photos sur le Salon Beige. Ainsi, grâce au blog, les idées d’actions, de manifestations spontanées, se sont répandues comme une trainée de poudre.Fondés sur leur identité catholique, les blogueurs du Salon Beige travaillent dans un esprit d’unité sans renoncer à une certaine fermeté. Comment résumer la position du blog sur les questions religieuses et notamment sur ce qui relève de la gestion de l’Eglise ? “Pleinement romains, seulement romains” ?
Notre ligne directrice, c’est la Doctrine sociale de l’Eglise. Nous traitons de l’actualité, de toute l’actualité, sans complexe, sans craindre le politiquement correct, en affichant notre catholicité, et nous ne nous limitons donc pas à l’actualité religieuse. Les questions religieuses ont leur intérêt, mais il existe d’excellents journaux pour cela. Nous cherchons pour notre part à dépasser les divisions, notamment liturgiques, pour unir les catholiques autour du combat commun, et plus particulièrement autour de ce que Benoît XVI a appelé les principes non négociables : le respect de la vie de la conception à la mort naturelle, la défense de la famille, fondée sur un homme et une femme, et la liberté des parents dans l’éducation de leurs enfants. Ces principes sont non négociables car, quels que soient l’époque ou le lieu, ils sont incontournables et constituent les piliers sans lesquels une société ne peut pas être solidement édifiée.Une attention particulière est notamment portée aux enseignements pontificaux. La pleine communion de pensée est-elle plus difficile avec François qu’elle ne le fut avec Benoit XVI ? Le Salon Beige n’est-il pas foncièrement “bénédictin” ?
Nous estimons que les enseignements pontificaux, dispensés notamment lors des voyages du pape, mais aussi lors des messes célébrées à Rome, constituent une actualité à part entière. Là encore nous effectuons un travail de réinformation, puisque nos médias n’en parlent jamais, ou sinon pour en extraire un morceau jeté à la vindicte publique, alors que ces enseignements concernent le milliard de catholiques mais aussi toute personne de bonne volonté. D’autant plus que chaque semaine, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui se pressent à Rome pour entendre cet enseignement.
Nous voulons aussi montrer que l’Eglise reste unie malgré les hommes qui la composent. A ce titre, nous ne souhaitons pas tomber dans le travers médiatique qui consiste à opposer les papes entre eux. Le Salon Beige n’est pas là pour préférer un pape à un autre, mais pour essayer de rendre compte fidèlement de la continuité du magistère. Nos médias tentent d’opposer le pape François à Benoît XVI, mais ils se mettent le doigt dans l’oeil. Nous l’avons vu lors du voyage à Assise le 4 octobre. Les médias attendaient de grandes déclarations révolutionnaires. En guise de révolution, le pape François a attiré l’attention sur l’adoration eucharistique…. et nos grands médias en sont restés muets.Le positionnement politique du blog est celui de la “Droite des valeurs”, envisagée dans un esprit de rassemblement. Quels sont d’après vous les contours et limites actuels de cette “Droite des valeurs” ? Et quels sont les points de clivage principaux (politique familiale, immigration, rôle social de l’entreprise …) d’avec la droite officielle ?
Non, le Salon Beige ne se définit par par rapport au clivage droite/gauche, mais par rapport au bien et au mal, au juste et à l’injuste. A ce titre, nous mettons en avant les propositions de loi, les déclarations, les discours, les actes…, qui vont dans le sens de la défense de la famille et de la vie, et tant pis si le politique que nous citons est catalogué à “l’extrême droite” par la doxa officielle. Là-dessus, nous n’avons aucun complexe. Nous avons notamment fait plusieurs bilan de l’action des députés en matière de défense de la famille. A partir de leurs votes, nous avons établi ce bilan que vos lecteurs pourront retrouver ici : http://lesalonbeige.blogs.com/deputes/
Par ailleurs, le Salon Beige milite pour que les catholiques engagés dans des partis politiques ne mettent pas leur engagement partisan avant les principes non négociables et nous estimons que la défense du bien commun devrait permettre l’unité de ces catholiques engagés dans divers partis.Pensez-vous que votre lectorat, majoritairement catholique, sera acteur – par son non-conformisme désormais assumé – de la droitisation de notre paysage politique ou demeurera modérateur, selon la vieille tradition démocrate-chrétienne ?
Nous assistons depuis plusieurs moi à un réveil de cette France des oubliés, la France d’en-bas, la France des catholiques, la France qui considère qu’il y en a assez de mépriser les valeurs, au premier rang desquelles la famille tient la place primordiale. Cette France s’est retrouvée dans la rue à plusieurs reprises et aujourd’hui, face au mépris idéologique du gouvernement, elle est décidée à ne rien lâcher. Contrairement à ce que pensent certains, il ne s’agit pas d’un feu de paille, mais de l’arrivée d’une nouvelle génération décomplexée, décidée à agir au-delà des querelles partisanes, et même au-delà de ce que vous appelez “droitisation” et “démocratie-chrétienne”. Ce sont les catholiques qui ont retrouvé leur fierté avec Jean-Paul II et Benoît XVI, après une période d’enfouissement et d’effacement de la vie publique. Cette génération a vu qu’elle n’était pas seule et combien elle est dynamique. Cette minorité active jouera très certainement un rôle dans les années à venir.Quelle place souhaitez-vous et pensez-vous occuper au sein de la réinfo-sphère ? Quelles sont encore selon vous les carences de cette dernière ? Y-a-t-il encore des places vides sur le champ de bataille de la guerre médiatique ?
Le Salon Beige occupe la place qu’il s’est créée : être un blog d’actualités vues par des laïcs catholiques, indépendant des partis et des clercs, sans être une collections d’éditoriaux, d’analyses et de réflexions, qui ont bien plus leur place dans des médias papiers. Nous regardons avec intérêt les blogs qui se créent chaque année dans la “réinfosphère” et nous relayons ce qui nous semble intéressant. A mon sens, s’il y a une carence à mentionner, c’est celle de la vidéo. Nous négligeons encore trop le poids des images. Or nous avons constaté, avec les manifestations du premier semestre, l’intérêt qu’ont les courtes vidéos dans les compte-rendus de l’actualité. Si la “réinfosphère” souhaite concurrencer réellement les médias télévisés, alors il faut faire des images. Autant dire qu’il y a encore de la place sur le champ de bataille médiatique…Votre lectorat a atteint un niveau très élevé et semble s’y maintenir. Quels sont vos projets pour les années à venir ?
Nous constatons en effet que chaque événement médiatique nous apporte de nouveaux lecteurs, qui, ensuite, restent fidèles à la lecture du Salon Beige. Forts de ce succès, nous souhaitons mettre à profit notre audience pour influencer encore plus le débat politique, notamment en y ancrant nos valeurs. Nous annoncerons prochainement un projet d’envergure sur ce sujet…Propos recueillis par Pierre Saint-Servant
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RELIGION ET PHILOSOPHIE
La religion en Occident donne le sentiment de prendre de moins en moins de place. Même les Américains qui se disent croyants pour la plupart sont sans doute les plus matérialistes. Le Christianisme, religion de sortie de la religion selon certains crée donc un vide spirituel dans lequel s'engouffrent d'autres religions comme l'Islam ou le bouddhisme.
Religion et Philosophie semblent deux mots contradictoires. Pourtant le christianisme a été cette synthèse étonnante. Benoit XVI dans sa conférence de Ratisbonne qui avait choqué certains avait insisté sur la raison qui existe dans le christianisme juxtaposée à la foi. Dans l'islam, il n'existerait que la foi, la vérité se trouvant entièrement dans le Coran, la philosophie devenant superfétatoire ou mécréante. La philosophie par son essence questionnante et même subversive s'oppose à la religion qui se veut la réponse permanente.
La philosophie tout au moins l'occidentale remet sans cesse en question la tradition et sa transmission qui est une des caractéristiques de la religion.
Pour Heidegger, la philosophie est a-religieuse et les religions des idéologies c'est-à-dire des représentations du monde. Son origine catholique d'Allemand du sud et sa formation théologique initiale qui le destinait à la prêtrise ont sans doute créé un trouble intérieur chez quelqu'un qui s'est détaché de sa religion.
Les pères de l'Église comme Saint Augustin ou Saint Thomas d'Aquin avaient pourtant introduit les philosophies de Platon et d'Aristote dans la doctrine chrétienne. La scolastique a même mis la philosophie au service de la religion. Il y a eu de tout temps des mécréants et des esprits forts qui ont raillé la religion. La moquerie qui n'est qu'un sentiment de supériorité peut passer à côté de ce sentiment profond qui a existé chez la plupart des hommes.
Le mot religion vient soit de religare, c'est-à-dire relier, un lien qui unit à la divinité, soit de religere qui signifie respecter. Le sociologue Durkheim donnera une définition de la religion : « Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent ».
Pourquoi la religion ?
Les fondements de la religion sont multiples, de l'angoisse de la mort, la peur due à l'ignorance selon Lucrèce, elle permet aussi la conservation sociale. Tous les tabous et interdits décrétés par la religion permettent aux hommes de cohabiter entre eux. Pour Kant la religion est : « la connaissance de tous nos devoirs en tant que commandements divins ».
La religion « métaphysique du peuple » selon Schopenhauer permet d'offrir des certitudes et des explications dans un monde changeant et parfois hostile. Ce qui est fixe rassure comme ce qui est en mouvement fait peur. Le rite (répétitif par essence) élément de la religion tranquillise les âmes. Les catholiques traditionnalistes par exemple ne veulent pas que l'on change la messe en latin de leur enfance.
Bergson distinguera la religion statique, celle qui est liée à la morale. Elle a un rôle de protection sociale et la religion dynamique de l'expérience religieuse. La religion statique fait contrepoids à l'intelligence qui a un rôle dissolvant.
« C'est une réaction défensive de la nature contre ce qu'il pourrait y avoir de déprimant pour l'individu et de dissolvant pour la société, dans l'exercice de l'intelligence » (Bergson).
La religion dynamique transporte l'âme et peut aller jusqu'au mysticisme. La religion pour un individu est structurante. L'éducation religieuse de l'enfance a ses prolongements même pour un individu qui s'en détache. En plus de la morale, elle crée une sensibilité. Les valeurs du Christianisme se sont sécularisées. Mais si la religion peut créer une certaine unité de ceux qui ont la même, elle divise aussi les hommes entre eux et peut même les opposer en fonction de leurs croyances. Les guerres religieuses ont existé à toutes les époques et continuent à exister. Samuel Huntington dans le choc des civilisations disait que les deux facteurs les plus importants qui déterminent un individu sont la religion et la race qui créent les solidarités et les oppositions. La certitude de posséder la vérité peut conduire à vouloir l'imposer, même par la violence, comme dans le Djihad. Les universalismes chrétien ou musulman s'opposent encore. Les religions donc divisent les hommes.
Les critiques de la religion
La philosophie en elle-même peut être une critique, une opposition à la religion. Elle valorise le raisonnement contre la révélation, la raison contre la foi. La science même si elle a aussi ses critiques a ébranlé nombre de certitudes religieuses passées. La science a toujours cherché des explications causales et non surnaturelles. Mais l'idolâtrie de la science peut devenir une nouvelle religion.
Feuerbach et l'aliénation
Ludwig Feuerbach a écrit l'essence du christianisme. Ce livre peut bien sûr se généraliser à d'autres religions. L'homme a créé un Dieu auquel il attribue toutes les qualités. Il ne fait que se projeter dans son Dieu. Ceci n'est pas sans conséquence sur l'homme puisqu'il ne devient rien face à son Dieu. Il ne faut pas oublier qu'Islam veut dire soumission et musulman esclave de Dieu.
Dans la position à genoux, l'homme se rabaisse, comme le musulman se prosterne cinq fois par jour devant Allah tout puissant. « Pour enrichir Dieu, l'homme doit s'appauvrir, pour que Dieu soit tout, l'homme doit n'être rien... L'homme - tel est le mystère de la religion- objective son essence, puis à nouveau fait de lui-même l'objet de cet être objectivé, métamorphosé en un sujet, une personne » (Feuerbach, l'essence du christianisme).
Marx
Dans la religion, l'homme trouve ce qu'il n'a pas sur terre. L'homme dans la religion met tous ses rêves, ses espérances. Le paradis n'est que le monde tel qu'il voudrait qu'il soit. La religion sert les intérêts de la classe dominante en empêchant de se révolter contre elle, en acceptant l'ordre établi en maintenant le peuple dans une léthargie intellectuelle.
« La détresse religieuse est, pour une part, l'expérience de la détresse réelle, et pour une autre la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple... ».
Nietzsche
Ce philosophe a particulièrement attaqué le christianisme mais aussi la religion en général. Celui qui ne peut plus rien faire prêche la vertu comme l'impuissant prône la chasteté. Le prêtre n'est qu'un malade qui cherche à jouir d'éprouver un sentiment de supériorité dans son ascétisme. Le corps, la vie sont rabaissés par la religion. Les notions de faute et de péché empoisonnent l'existence. On considère l'orgueil comme péché puisqu'on n'a plus la force de revendiquer sa fierté.
Avant Freud, Nietzsche a parlé de névrose religieuse.
Nietzsche annoncera la mort de Dieu, mais la religion ne se limite pas à la croyance. Le philosophe de Leipzig fut sans doute celui qui a écrit le plus durement sur la religion et le christianisme en particulier. Nietzsche distinguera quand même les religions affirmatives comme la religion des Grecs qui valorisent la vigueur, la jeunesse et les religions négatives comme le christianisme, religion du ressentiment qui dévalorisent tout ce qui est noble pour promouvoir ce qui est bas et vil, bref faire de tout ce qui est misérable vertu.
Freud
La religion n'est qu'une illusion qui a son origine dans la détresse infantile. Dieu n'est que la figure du père protecteur. La religion n'est qu'infantilisme.
« Je suis en contradiction avec vous lorsque, poursuivant vos déductions, vous dites que l'homme ne saurait absolument pas se passer de la consolation que lui apporte l'illusion religieuse. Le stade de l'infantilisme n'est-il pas destiné à être dépassé ? L'homme ne peut éternellement demeurer un enfant, il lui faut s'aventurer dans l'univers hostile » (Freud).
Conclusion
Notre société occidentale n'est pas devenue anti-religieuse mais a-religieuse. Les combats laïcards de la fin du XIXeme siècle et du début du XXeme siècle contre la religion semblent de nos jours bien dérisoires. Le communisme avait voulu éradiquer la religion pour instituer un athéisme officiel. Cela a-t'il rendu l'homme meilleur ? « L'athéisme est aristocratique » disait Robespierre au XVIIIeme mais l'athéisme actuel est devenu misérabiliste ou de faiblesse comme l'avait entrevu Nietzsche « Dieu est mort » résonne surtout en Occident mais notre société a-religieuse est attaquée de toutes parts par des religions encore plus fanatiques et conquérantes. On a voulu remplacer la religion chrétienne par celles des droits de l'homme ou de la tolérance, mais qui n'auront jamais la même teneur. La religion ne transmettait pas que la morale comme le disait Kant mais aussi des valeurs culturelles comme l'Art.
En économie, la loi de Gresham énonçait : « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». En est-il de même des religions ?
Patrice GROS-SUAUDEAU -
Insurrection - Combattant d'Occident
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Devoir d’obéissance : quand la loi est votée, on l’applique !
Le mariage gay est la manifestation d’un désordre institué. Néanmoins, certains veulent user contre cette manifestation du désordre d’un moyen qui alourdira bien plus encore le règne du chaos.
On parle de liberté de conscience pour les maires, terme abusif pour désigner en réalité l’objection de conscience. Kant, l’un des penseurs les plus puissants de la loi morale inscrite au fond de notre cœur, condamne cette « liberté » avec la plus grande vigueur. Il conteste même le droit à la résistance, au nom de l’idée même de loi : « Contre le législateur suprême de l’État il n’y a donc point d’opposition légale du peuple ; car un état juridique n’est possible que par soumission à sa volonté législatrice universelle » (Doctrine du droit, 2e partie, 1e section, 1e remarque). L’idée est la suivante : une loi étant universelle et nécessaire, elle ne peut pas admettre qu’on puisse ne pas l’appliquer ou s’opposer à elle ; c’est là une contradiction conceptuelle, qui mène dans la réalité à l’autodestruction de la loi, et à terme à celle de l’état juridique et de l’État, donc à la guerre civile.
Est-ce excessif ? Prenons concrètement les choses. On voudrait que les maires puissent ne pas appliquer la loi. Disons-le clairement, il s’agit ici pour ceux qui ont échoué à faire abroger la loi Taubira, et qui ont choisi un autre cheval de bataille plutôt que d’élever l’intensité du combat, d’affaiblir par la bande l’application de la loi. Mais deux problèmes se posent ici. Qu’est-ce qui garantit que ce procédé se limitera à cette loi ? Et dans quelle mesure cette liberté de conscience pour les maires ne contaminera-t-elle pas l’ensemble de la société (perspective libérale explicitement souhaitée par des gens comme Chantal Delsol) ?
Le souverain ne peut qu’être absolument souverain. Laisser à chacun la possibilité de faire son commerce dans les lois en fonction de son jugement personnel, de sa convenance ou de ses positions morales subjectives mène droit au chaos. À court terme, on applaudira des deux mains (ce qu’on s’était bien gardé de faire quand Noël Mamère avait fait de même, mais cette fois pour défendre le mariage gay au nom de « l’égalité républicaine »). Mais à moyen et long terme, on verse dans la contestation même du caractère absolu de la souveraineté, sans lequel il ne peut y avoir d’ordre social viable.
Curieux que ceux qui contestent l’ordre libéral politique quand il s’agit du mariage gay le fassent revenir par la fenêtre en parlant d’une liberté fondamentale qui garantirait à certains de ne pas appliquer la loi. Mais seulement quand ça les arrange. Cela veut-il dire qu’il faut accepter la loi comme elle est ? Absolument pas. Mais cela implique deux choses :
– L’intérêt de la loi, c’est de s’appliquer dans toute sa rigueur, y compris à ceux qui la désapprouvent. Si chacun pouvait être libre de décider en son for intérieur, alors inutile de faire des lois. Cela signifie que l’on ne peut pas s’opposer à une loi parce qu’elle nous déplaît, parce qu’elle serait contre-nature ou autre. On ne peut s’opposer à une loi qu’en s’opposant au système qui la sous-tend, si et seulement s’il est fondamentalement vicié. Il n’y a pas de demi-mesure.
– Il ne peut y avoir de sédition que totale. On ne peut demander à des institutions ou à des lois la permission juridique ou politique de s’y opposer.
Le chemin est donc révolutionnaire : soit on conteste le système qui a permis la loi Taubira, soit on doit accepter la loi Taubira. On ne peut demander son accord au système qu’on conteste.
Certains se réclament de l’esprit d’Antigone. Celle-ci a accepté la contestation radicale, elle ne s’est pas traînée aux pieds de Créon pour lui demander un droit à la liberté de conscience.
Romain Lasserre
Source: Boulevard Voltaire
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Voltaire sans voiles
Verser des flots de pleurs sur les victimes des massacres de 1793 et en même temps se croire tenu de chanter les mérites des hommes qui ont déclenché la Révolution au nom de la tolérance et de la fraternité est faire preuve au mieux de débilité mentale, au pire d’ignoble hypocrisie.
Une étude objective et profonde des Philosophes des Lumières chez qui s’abreuvaient les manipulateurs d’émeutiers est éclairante à ce sujet. Suivons un guide sûr, qui, écartant toutes les idées reçues et sans rien expurger, dissèque sans ménagement la littérature du XVIIIe siècle : Xavier Martin, professeur des universités, historien des idées politiques, révèle, dans son nouveau livre, autour de Voltaire méconnu, les Aspects cachés de lhumanisme des Lumières (1750-1800) (1)
Mépris élitiste
La documentation est foisonnante et époustouflante. On ne saurait imaginer à quel point Voltaire et ses amis se sont exprimés sur le mode du mépris, d’un mépris confinant bien souvent à une haine débordante. Ces auteurs ont exalté l’Homme, mais ils éprouvaient pour les hommes concrets une aversion inouïe : ceux-ci n’étaient à leurs yeux que des « bêtes brutes » ou « puantes » auxquels l’on doit préférer les insectes... Les femmes valaient encore moins (2). Quant au peuple il se situait pour Voltaire « entre l’homme et la bête ». Ainsi le maître de Ferney manifestait-il un élitisme jouisseur (« Il faut jouir, tout le reste est folie »), savourant le plaisir de « mentir comme un diable », et ne reconnaissant que des « vérités utiles ». Et Xavier Martin de préciser, textes à lappui, que ce mépris élitiste est un élément constitutif de l’œuvre voltairienne.
Mépris des écrivains autres que lui-même, allant jusquà se comporter avec un jeune auteur en véritable tyran, usant de la délation pour le faire embastiller, instituant dans les lettres de son temps ce que Xavier Martin n’hésite pas à appeler une véritable « police de la pensée ». La pensée unique na pas été inventée au XXe siècle...
Mépris de ceux qui passaient pour ses amis, par exemple le roi de Prusse Frédéric II, envers qui son mépris se faisait scatologique..., ou des autres philosophes… au sujet desquels le mépris et la haine devenaient une sorte de libre échange sous le sceau de l’hypocrite amitié. Jean-Jacques Rousseau en a fait les frais, nous ne le plaindrons pas...
Le rejet de la nature humaine
Mépris exacerbé de la religion : « Je recommande l’infâme à votre sainte haine », écrivait Voltaire qui achevait ses lettres par ces mots « Écrasons l’infâme », c’est-à-dire le christianisme. L’infâme, explique Xavier Martin, était le vecteur d’une lourde charge de dégoût. Il voyait dans le christianisme la pire des superstitions, et pour en purger la terre, il aimait se référer à un « représentant éclairé », Julien l’Apostat, l’empereur qui s’éleva aux raffinements de la persécution.
Nous ne pouvons citer tous les termes orduriers par lesquels Voltaire désignait le catholicisme, mais Xavier Martin analyse en profondeur cette haine anti-chrétienne corrélative d’une autre haine, celle de la nature humaine. « Il y a la haine claire d’un dogme biblique bien identifié : l’homme créé à l’image de Dieu et à sa ressemblance. Son rejet de ce dogme se fait viscéral : il préfère l’homme image du singe. » D’où les termes ignobles dans lesquels il parle de la transsubstantiation. Ce qui, ajoute Xavier Martin, « le prive de tout frein sur la pente du racisme », le rejet méprisant du monogénisme de la Genèse le conduisant « à un violent rapetissement de l’être humain ».
Il en arrivait même à se haïr lui-même, haïssant en fait en lui « la nature humaine, avec son libre arbitre et son pouvoir d’aimer - image de Dieu dont l’hypothèse étonnamment le met en transe ». La haine de la nature humaine, n’est-ce pas déjà le fondement de la Révolution ?
Tolérant par haine
Ajoutons que le même Voltaire n’était pas tendre non plus pour les autres religions. Son mépris anti-juif était inlassable : pour lui les juifs étaient des poux, des porteurs de lèpre, des voleurs qui souillaient la terre... Autre part il parle de « l’honneur de haïr le Croissant » et se livre sur l’islam à des « pulsions homicides » à côté desquelles l’affaire des caricatures de Mahomet de l’an dernier n’est que jeu d’enfant… Les protestants ne valaient pas mieux, et il eut même des paroles odieuses sur les personnes, comme la famille Calas, qu’il se donna l’allure de défendre à grand renfort publicitaire...
De toutes façons, pour lui comme pour d’Holbach, d’Alembert, Diderot, etc, toutes les religions se valaient et « le seul moyen de neutraliser les religions c’est de les tolérer toutes sans aucune exception et de les décrier les unes par les autres ». C’est clair : la tolérance tant vantée des philosophes était elle-même une composante du mépris. Tolérance instrumentalisée, utilitaire. La voie du laïcisme moderne était déjà toute tracée.
Anti esclavagiste ?
On le voit, le vrai Voltaire n’a rien à voir avec celui que l’on enseigne dans les écoles de la République. Xavier Martin ouvre plusieurs pistes aux chercheurs de demain. Par exemple sur la question de l’esclavage, dont l’auteur du Candide passe pour avoir été l’un des dénonciateurs. D’abord, outre le fait qu’il tirait - peut-être - profit de la traite des Noirs, il a toujours feint de confondre servage et esclavage, condamnant le premier en ayant l’air de condamner le second... Ensuite il se désolait quand on lui disait qu’il n’y avait plus assez « de nègres pour travailler à nos sucreries ». De la servitude, du travail forcé, du fouet, des sanctions corporelles, des mutilations en tous genres, Voltaire ne se souciait guère : le passage du Candide sur le nègre du Surinam relève plus de l’autodérision dans un livre où il se plaisait à donner de tous ses personnages une image dégradée, que dune volonté de dénoncer l’esclavage.
Orgies sanguinaires
Après tant de haine lue et relue, cuite et recuite pendant des années par des penseurs qui méprisaient le peuple (la « canaille », selon Voltaire), faut-il s’étonner que le siècle se soit achevé sur les jouissances sanguinaires des têtes portées au bout des piques et des massacres vendéens ? La nature humaine avait perdu son prix, donc la vie aussi, et les esprits s’étaient avilis.
Et pourtant, au soir de ce siècle de haine, alors que la Révolution imposait même à des enfants des serments de haine, Xavier Martin place l’image sublime du roi Louis XVI victime de toute cette bestialité et demandant à son fils dans la prison de Temple, « d’oublier toute haine et tout ressentiment ». Cette « voie royale du pardon » appartient à un tout autre monde que celui de Voltaire, dit Xavier Martin. Avec lui nous nous honorons de penser que, deux cents ans plus tard, enseigner cette voie royale est plus digne de la France que d’exalter des philosophes qui se plurent à avilir l’espèce humaine.
Michel Fromentoux L’Action Française 2000 du 2 au 15 novembre 2006
(1) Xavier Martin : Voltaire méconnu. Aspects cachés de l’humanisme des lumières (1750-1800). Éd. Dominique Martin Morin, 352 pages, 26 euros.
(2) Voir du même auteur L’homme des Droits de l’Homme et sa compagne. Même éditeur, 2003. -
« Marche contre l’antichristianisme », 20 octobre à Paris
À l’initiative de l’institut Civitas, et avec le soutien de diverses associations
Le rendez-vous est devant la brasserie Prunier (propriété du milliardaire et militant socialo-sodomite Pierre Bergé), 16 avenue Victor Hugo, Paris 16e à 14h30.