culture et histoire - Page 1797
-
Vae Victis - La Joie Partout
-
Réinventer l'Occident (H. El Karoui)
Le parcours personnel d'Hakim El Karoui le désigne d'emblée comme un homme du sérail. Normalien, fils de la responsable du Master d'analyse financière à Dauphine, fondateur du club du XXIème siècle (dont le but était de promouvoir la diversité au sein des classes dirigeantes et dont fut notamment issue Rachida Dati), ancien professeur d'université devenu banquier d'affaires chez Rothschild, plume de Raffarin, c'est un homme connaissant les arcanes du pouvoir – même s'il en est temporairement écarté, après la tentative infructueuse qu'il mena avec Emmanuel Todd sous le gouvernement Villepin pour promouvoir le patriotisme économique.
Cette appartenance au système des élites ne l'a pas empêché de prendre, dès 2006, une position originale (à cette époque) en faveur du protectionnisme économique. En 2007, il appelait à voter au second tour pour Ségolène Royal dans les tribunes du Monde, consommant sa rupture avec le camp sarkozyste, coupable à ses yeux de « dérives identitaires ». L'ouvrage « Réinventer l'Occident » permet donc d'appréhender le constat d'un homme de l'intérieur du système, demeurant lucide quant aux retombées des politiques libérales, et aux conséquences de l'érosion de la Nation, dont il se veut le défenseur (à l'image de Todd).
L'ouvrage marque tout d'abord une évolution. Alors que le premier essai d'Hakim el Karoui portait avant tout sur la France (« L'avenir d'une exception en 2006 »), celui-ci traite de l'Occident dans son ensemble; défini comme une réalité géographique (Europe et USA comme centres et Amérique latine, Russie comme périphéries), une altérité par rapport aux autres civilisations (notamment l'Orient), une histoire et une réalité idéologique (liberté individuelle, démocratie, etc...).
El Karoui dresse un constat sans appel de la situation actuelle occidentale : L’Occident serait passé en quelques années d'une crise de superpuissance (dont l'invasion en Irak fut l'apogée) à une crise d'impuissance (dont la crise de 2008 serait l'un des symptômes).
Dans le premier chapitre (La désoccidentalisation du monde), El Karoui indique que l'Occident est en train de se vider de lui-même. Cette anomie lui semble se déployer dans trois domaines:
-Politique : pour El-Karoui, l'anomie y est provoquée par l'abandon des élites du cadre de la Nation alors que l'échelon national sert toujours de référence pour les populations.
-Economie : L'anomie y provient d'une crise de la demande globale conjuguée à la perte de l'avance économique. Selon El Karoui, la situation de la Grèce, où une faible croissance dans un contexte de hausse des déficits publics ne peut constituer que l'amorce d'une récession sans fin, est donc appelée à se généraliser. Il considère en outre qu'une bipolarisation durable du marché du travail (entre les emplois protégés des insiders et les autres) est inévitable. Les énergies renouvelables et le développement durable ne seront pas capables de compenser ces évolutions défavorables.
-Identité : L'éducation est ici pour l'auteur la cause principale de l'anomie (en ceci, il reprend le schéma de pensée de Todd, en ne prenant pas en compte l'impact éventuel de l'immigration ou de la montée de l'individualisme). L'Occident a perdu les trois monopoles sur lesquels il avait bâti sa domination (histoire, instruction et avenir). L’auteur note ainsi que 39% des étudiants chinois choisissent des matières scientifiques contre seulement 5% des étudiants américains.
El Karoui conclut donc que l'ensemble des anomies de l'Occident sont le résultat d'évolutions internes plutôt que de facteurs externes.
Dans le deuxième chapitre, intitulé « Les musulmans ne sont pas coupables », il met en garde contre la désignation de l'islam comme ennemi de l'Occident pour masquer nos faiblesses internes, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur.
Sur le plan intérieur, il estime que c'est justement parce que les musulmans sont en train d'être assimilés que les enfants maghrébins suscitent de la haine, à l'image de l'affaire Dreyfus qui aurait éclaté lorsque les Juifs étaient en voie d'assimilation. Cette analyse se limite cependant uniquement aux Maghrébins et n'évoque jamais les populations arrivées plus tardivement, notamment d'Afrique noire, dans un contexte où la politique d'assimilation était en recul, et qui sont moins bien intégrées. Sa position, qui s'appuie sur des statistiques évidemment parcellaires et anciennes, demeure optimiste, et elle est sans doute très contestée au sein même de l'institution universitaire.
Sur le plan extérieur, El-Karoui présente l'islam comme une religion en pleine crise de transition, même si celle-ci fut amorcée avec retard par rapport à l'Occident. Il récuse donc le choc des civilisations pour proposer l'expression de « choc des temporalités ». Cette approche est séduisante, même si elle repose sur une vision progressiste un peu naïve de l'histoire, assez répandue dans son milieu. Cette croyance dans le caractère unidirectionnel de la marche de l'histoire qui irait de la tradition (fermée) à la modernité (ouverte) transparaît par exemple lorsqu'il analyse un film du Maghreb qui incarnerait pour lui la modernité car il est « universel et global ».
Afin de vaincre les présupposés à l'encontre de l'islam, El Karoui propose enfin la mise en place d'une « CECA migratoire », pour renforcer les migrations circulatoires, permettant d'éviter l'établissement des immigrés sur la durée, établissement synonyme de crispations au sein des sociétés d'accueil.
Dans le troisième chapitre, intitulé l'aveuglement occidental face à la Chine, El Karoui témoigne de l'inquiétude grandissante des élites occidentales face à la montée de ce pays, même s'il se montre circonspect quant à ses capacités de s'imposer comme leader de la société internationale. Récusant les théories des économistes libéraux, il démontre que la Chine se comporte absolument à l'inverse de ce que supposerait le schéma ricardien des avantages comparatifs. Elle présente trois anomalies par rapport à ce modèle : elle a connu une montée très rapide dans le haut de gamme, elle a maintenu artificiellement la faiblesse de sa demande intérieure, et elle a consolidé un protectionnisme économique par rapport aux importations occidentales.
Pour El Karoui, la clef de la réussite de la Chine vient de son non respect de la doxa libérale qui lui permettrait d'éviter les déboires rencontrés par le Japon au début des années 90. Ceux-ci étaient en effet dus à une surévaluation du yen et à une forte inflation. Au contraire, les dirigeants chinois laissent perdurer de manière autoritaire la sous-évaluation de leur monnaie et restreignent l'inflation salariale.
Dans le quatrième chapitre, El Karoui estime que « L'Asie n'est pas l'avenir de l'Occident ». Ce constat est renforcé par l'analyse des thèses de l'économiste Yu Yongding, actuellement très en cour à Pékin. Celui-ci remet en cause le modèle d'exportations comme moteur indispensable du développement chinois. L'avenir de la Chine ne serait donc pas à l'ouverture mais à la fermeture. Cette tendance commença d'ailleurs à se dessiner lors du plan de relance chinois mis en place pour répondre à la crise de 2008, où les entreprises occidentales furent systématiquement exclues au profit de concurrentes chinoises.
En parallèle à cette fermeture aux exportations occidentales, la Chine cessera certainement selon El Karoui de financer l'Occident aussi largement qu'elle le fit au cours des années 2000. Ces deux facteurs laissent donc accroire que l'Occident ne profitera que faiblement de la croissance asiatique annoncée.
El Karoui semble cependant penser que le futur de la Chine ne correspondra pas aux prévisions optimistes actuelles. Il évoque la bulle spéculative s'y développant, et qu'il compare au modèle de Dubaï qui fit faillite en 2009. Pour l'Occident, une trop grande dépendance à l'égard de la Chine comporte donc le risque d'être entraîné dans d’éventuelles difficultés économiques additionnelles. Il est tentant d'établir un parallèle avec la transmission de la crise américaine à l'ensemble du monde en 2008...
Sur le plan politique, l'auteur rappelle que l'idéal chinois est celui d'un monde fermé plutôt que d'un monde universel, ce dont témoigne l'érection progressive d'une « grande muraille à l'envers » en Mer de Chine, afin de constituer un glacis face à l'influence occidentale. Cette politique est d'ailleurs assez différente de celle du Japon, qui vise à constituer une zone d'influence en Asie du Sud-Est. Il semble donc illusoire de compter sur la Chine pour gérer les affaires du monde en collaboration avec les autres puissances. Elle agira en fonction de ses intérêts nationaux (analyse d’El Karoui, qui semble donc partir du principe que les USA, eux, n’agissent pas en fonction de leurs propres intérêts…).
Enfin, le cinquième chapitre propose des pistes afin de « réinventer l'Occident ».Deux pistes principales apparaissent : une réflexion sur l’identité, une réflexion sur l’économie.
Sur le plan de l'identité, Hakim el Karoui pose le principe selon lequel la Nation ne viendrait pas du fond des âges. Pour lui, il s'agit d'un plébiscite de tous les jours (il appuie sa démonstration sur une analyse partielle du célébrissime discours sur la Nation de Renan), et d'une invention de tous les jours. Il avance ainsi l'idée qu'il faut cesser de mettre en avant la transmission, et privilégier plutôt l'invention, pour tout ce qui touche aux valeurs et cultures nationales. Ainsi, dit-il, la nation permettra-t-elle d'atteindre une universalité métisse, propice à refonder un « lien collectif souple à l'image du PACS », comme l'appelle de ses vœux le sociologue François de Singly. Cette Nation recomposée permettrait l'émergence d'un véritable individualisme relationnel.
Ce développement a du mal à remporter l'adhésion, notamment à la lumière de l'analyse du retour de la Chine sur l'arène internationale à laquelle s'était livrée El Karoui au chapitre précédent. Il y avait en effet démontré que c'était le retour aux vertus traditionnelles du confucianisme, légèrement réinterprétées selon les exigences de la modernité, qui avait permis aux Chinois de retrouver leur fierté millénaire. Or, le projet d'El Karoui pour la Nation occidentale repose justement sur le rejet de la tradition occidentale, qui menacerait d'enfermer les individus dans une mono-identité alors que l'identité est selon lui par définition plurielle. Alors, vérité en Chine, mensonge en Occident ?
Sur le plan économique, la solution prônée par El Karoui demeure le protectionnisme raisonné, qu'il décrit comme une écluse. C'est un protectionnisme qui ne pourrait cependant se déployer qu'à l'échelle supra-nationale (européenne), notamment afin de réduire les risques de constitution de rentes, traditionnellement dénoncées par les économistes libéraux quand une telle mesure est évoquée. Si l'idée protectionniste est séduisante de prime abord, El Karoui ne répond qu'imparfaitement à deux problèmes qu'elle soulève :
Au-delà de la question de la constitution des rentes (qui relève du choix politique), le vrai désavantage du protectionnisme vient plutôt du risque de décrochage technologique qu'il peut induire, selon les études empiriques d'économistes libéraux. Or, en admettant que le protectionnisme se mette en place dans le cadre européen dans un contexte où l'Asie est déjà en train de prendre l'avantage technologique, un tel décrochage est susceptible de s'en trouver accéléré. La question peu paraître assez théorique de prime abord, puisque le décrochage semble déjà en cours dans de nombreux domaines (notamment les énergies renouvelables). En fait, elle révèle une faiblesse de l'argumentation d'El-Karoui, selon lequel il ne peut exister de protectionnisme qu'européen, au nom du maintien de la compétitivité internationale.
Un présupposé internationaliste, assez révélateur de l'état d'esprit des élites, innerve donc la démonstration. Il semble d'ailleurs s'être accentué par rapport à l'essai précédent datant de 2006, du même auteur. Alors qu'il y détaillait un moyen de mettre en place un protectionnisme européen par la collaboration entre la France et l'Allemagne en tant que Nations, il préconise en 2010 une solution beaucoup plus « atlantiste » : pour convaincre l'Allemagne de l’intérêt du protectionnisme (vaste programme!), il faut selon lui d'abord gagner la bataille des idées en se servant d'institutions scientifiques américaines de renom. Alors que la France de 2006 était présentée comme maîtresse de son destin par la négociation, celle de 2010 semble avoir besoin d'une courroie de transmission américaine pour influencer l'Allemagne...
La deuxième faiblesse de la solution protectionniste est donc d'ordre politique : dans le contexte actuel, la majorité des élites ont tout à perdre de mesures allant dans ce sens. Certes, El Karoui exhorte les élites allemandes mercantilistes de s'y rallier au nom de « la morale », mais cela risque de ne pas être suffisant.
Enfin, sur le plan politique, El-Karoui estime vital l'invention d'un intérêt général européen, prélude à la formation d'une identité européenne. Il voit dans le protectionnisme l'outil pour faire émerger cette notion d’intérêt général européen, d'abord au niveau français, grâce à une campagne présidentielle portant sur la question de l'Europe. Cette proposition recoupe un discours de plus en plus répandu parmi les intellectuels de l'élite française, qui annoncent une campagne présidentielle de 2012 axée sur l'Europe (on peut penser à Jacques Sapir qui exhortait il y a déjà un an les politiques à se saisir pour la prochaine présidentielle du thème du protectionnisme européen, afin d'éviter de laisser le champ libre au Front National dans ce domaine). Mais là encore, il n'est pas certain que la volonté politique puisse l'emporter sur les logiques antérieures de la construction européenne…
-
Monarchie et royalisme
Par Aristide Leucate *
Souvent pris l’un pour l’autre et vice et versa, monarchie et royalisme recouvrent des acceptions pourtant bien différentes, qui peuvent confluer dans le même sens lorsqu’on les conjugue ensemble. C’est l’objectif de cet article que d’en explorer les principes et les fins.
La légitimité monarchique
La monarchie est un régime politique dans lequel le pouvoir est confié et éventuellement exercé par un seul titulaire, conformément à son étymologie grecque. Le royalisme serait plutôt l’application politique de la monarchie entendue alors comme un système reposant sur l’institution royale, le roi en devenant alors la clé de voûte. Monarchie et royalisme sont indissociables (voir ci-dessous) si l’on veut que l’idée royaliste s’incarne dans le monarque. Les deux Napoléon étaient des monarques, sans pour autant que l’on qualifiât leurs régimes de royauté. D’une part, se démarquant de l’institution royale de l’Ancien régime, ils portaient le titre d’empereur, tandis que, d’autre part, leur légitimité politique prenait sa source dans un coup d’Etat, au contraire de nos rois, « oints du Seigneur », pour reprendre une ancienne expression attribuée, en l’occurrence, à l’abbé Suger qui la tirait de l’Ecriture Sainte.
Toutefois, cette question de la légitimité royale de droit divin ne peut singulariser, à elle seule, la monarchie royale française. Il semble bien que la légitimité politique de nos anciens rois se trouve dans le cœur des lois fondamentales du royaume de France. Coutumières par essence, ces lois constituent un statut d’Etat imposé par le peuple au roi et n’établissent nullement un contrat entre gouvernants et gouvernés. Comme le rappelle l’historien Roland Mousnier, « la dévolution de la Couronne s’opère par la seule force de la coutume qui s’impose au roi » (Les institutions de la France sous la monarchie absolue, PUF, 2005). Premier serviteur du peuple ainsi qu’il le reconnaît par le serment qu’il prête devant ce dernier, il est également uni à lui par un lien indissoluble qu’un légiste comme Guy Coquille définissait comme « le corps politique et mystique dont la liaison est inséparable et une partie [du peuple] ne peut en souffrir, que l’autre partie n’en éprouve semblable douleur ». L’onction prend simplement acte de la personne sacrée du roi, alors que les lois fondamentales en régissent les attributs qui fondent sa légitimité. D’abord le royaume se confère à des mâles appelés à la succession par ordre de primogéniture. Ensuite, le double serment du sacre devant l’Eglise et devant le peuple marque l’engagement du roi de les conserver tous deux. La loi de majorité vient en outre compléter celle de l’hérédité dynastique qui exprime la continuité de l’Etat : « ce n’est plus le sacre qui fait le roi, mais la seule vocation héréditaire décidée par la coutume » souligne encore Roland Mousnier. Viennent enfin parachever l’ensemble, les règles d’inaliénabilité du domaine de la Couronne (on parlerait aujourd’hui du domaine public) et de catholicité.
De gauche à droite : Henri VII, le dauphin Jean, son fils le prince Gaston, devant un buste de Henri VI (Photo La Couronne)
La monarchie sans le roi
Bien que ne pouvant se réclamer de la même légitimité, le concept de « monarque républicain » selon la Constitution gaullienne du 4 octobre 1958 n’a rien d’oxymorique si l’on considère que la réalité du pouvoir est, sinon concentrée entre les mains d’un seul (ce qui nous rapprocherait du régime présidentiel états-unien), du moins sublimée par la fonction d’arbitrage du président de la République, fonction royale par excellence. Empruntée au juriste Maurice Duverger, la formule connut des évolutions à la fois sémantiques et juridiques, le jurisconsulte ayant, dans une étude publiée à la revue Pouvoirs (n°78, 1996, p.107), pluralisé cette notion au point d’y introduire des subtilités qui l’éloignent peut-être de sa version initiale.
Ainsi, la France aurait-elle toujours été, au fond, un régime semi-présidentiel, les trois expériences cohabitationnistes ayant entrainé une capitis diminutio de la fonction présidentielle à l’entier bénéfice du Premier ministre durant ces périodes contra legem. Dans les démocraties contemporaines, la définition « pure » du monarque républicain se retrouverait, sans conteste, dans le présidentialisme nord-américain, les régimes européens oscillant entre un semi-parlementarisme avec un chef de gouvernement élu, comme en Grande-Bretagne ou en Allemagne et un parlementarisme semi-présidentiel (hors périodes de cohabitation) à la française, voire un parlementarisme à géométrie variable, à l’instar de l’Italie. Un sort particulier doit être fait aux « présidentialismes » latino-américains et africains qui bien que formellement monarchistes, ne sont (et ne furent) ni totalement républicains, ni impériaux ou royaux (l’unique expérience, caricaturale en ce domaine, fut la Centrafrique avec l’empereur Bokassa), certains versant même dans la tyrannie, le monarque se transformant du même coup en autocrate.
Henri VII (Photo La Couronne)
Le royalisme comme doctrine
On l’aura compris, la « monarchie républicaine », à l’instar de la monarchie napoléonienne (encore que la première ressortisse davantage du succédané constitutionnel et de la métaphore politique) ont évolué en toute autonomie par rapport au royalisme. C’est aux fondateurs de l’Action française, à commencer par Charles Maurras lui-même, que d’avoir fait accéder le royalisme au rang de véritable doctrine politique en intégrant les réflexions des contre-révolutionnaires. Portant à son plus haut degré théorique l’imbrication nécessaire de la monarchie et du royalisme, il signifiait ainsi que l’institution n’était rien sans l’idée royale. D’ailleurs, historiquement, la « vocation monarchique de la France », selon le titre de l’ouvrage éponyme de Pierre Ordioni (Grasset, 1938) a toujours essentiellement résidé dans cette alliance entre l’autorité monarchique et le principe royal, l’une et l’autre cimentés par une commune légitimité politique et concourant à la res publica.
Toutefois, l’une et l’autre ne se confondent pas, même s’ils se rejoignent harmonieusement. L’institution monarchique est, par définition, pérenne et stable, quand l’idée royale est évolutive et contingente de la personne même du roi, comme des événements et des circonstances. Dans sa célèbre Enquête sur la monarchie, Charles Maurras, mettant l’accent sur l’institution qu’il pensait de « salut public, proposait une définition syncrétique de la monarchie royale entendue comme « traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée », même si, au dire d’Arnaud Guyot-Jeannin, « dans les faits, il a défendu historiquement la monarchie moderne, absolue, nationale, centralisée de Philippe Le Bel et de Louis XIV ». Quoi qu’il en soit, cette approche normative (d’aucuns diraient positiviste) du Martégal est à relier avec son nationalisme intégral qui contient l’essence du royalisme d’Action française et dont la méthode dite de l’empirisme organisateur doit se comprendre comme une heuristique politique. Ainsi, d’une part, le royalisme de Maurras se veut avant tout anthropologique dans la mesure où il se fonde sur les principes de la politique naturelle, tels que remarquablement exposés en préface de Mes idées politiques. D’autre part, partant du constat des effets délétères d’un régime républicain dont les causes historiques et idéologiques ne le sont pas moins, il estime que la restauration monarchique telle qu’il l’appelle de ses vœux, est seule à même de redonner à la France sa « constitution naturelle ». C’est dire que l’idée royale est étroitement dépendante de l’histoire, de la sociologie, voire de la géographie et qu’elle n’est pas exportable en bloc d’un pays à un autre. C’est le grand mérite de Maurras et de l’Action française que de n’avoir pas prétendu à l’universalisation ou à l’expansionnisme d’une doctrine proprement hexagonale, quand bien même aurait-elle pu inspirer ou essaimer au-delà de nos frontières (cf. l’excellent ouvrage collectif dirigé par Olivier Dard et Michel Grunewald, Charles Maurras et l’étranger, l’étranger et Charles Maurras : l’Action française - culture, politique, société II, Volume 2, Peter Lang, 2009). Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà…
Le roi d’abord !
Si le royalisme d’Action française, de la politique naturelle au nationalisme intégral, démontre inlassablement l’inanité du régime démocratique, il ne fait, néanmoins, que dresser un état des lieux en se bornant principalement à poser le bon diagnostic. En d’autres termes, et c’est une des raisons principales pour lesquelles il ne peut logiquement exister de « parti » royaliste (outre le fait qu’un tel parti s’inscrirait simultanément dans un jeu républicain, dont il condamne ipso facto la philosophie ; cf. notre article sur le royalisme de gauche), le royalisme n’est pas un dessein à visée programmatique. Le « marketing » politique du royalisme se heurte à une limite qui ne sera franchie que le jour où le roi recouvrera son trône. Ayons le roi, le royalisme suivra. « Vendre » l’idée de la restauration monarchique ne peut se confondre avec la démarche d’un candidat qui s’évertuerait à convaincre ses électeurs de la pertinence de son programme électoral. Amener progressivement les Français au Roi consiste surtout à leur faire prendre conscience que la démocratie est loin d’être le meilleur des régimes à l’exception de tous les autres, selon une formule idiote et éculée. Pour ce faire, les royalistes doivent éviter l’écueil de la nostalgie contre-révolutionnaire autant que celui de la description fantasmée de lendemains royaux qui chantent. En prise directe avec les réalités du terrain, les royalistes doivent susciter, par une habile maïeutique, l’envie du roi, c’est-à-dire remonter à la longue mémoire de nos pères qui avaient « ordonné et estably ung roy…par la voulenté et ordonnance du peuple ». Ejus natio, ejus regio, pourrait-on dire, tant la monarchie est aussi consubstantiellement nécessaire à la France que le cœur à l’organisme.
aleucate@yahoo.fr
Aristide Leucate est rédacteur à L’Action Française
-
La guerre des empires (F. Lenglet)
Pour François Lenglet (FL), la « guerre des empires » est inéluctable. L’hypothèse d’une alliance structurelle USA-Chine est, à ses yeux, une « bulle géopolitique » qui finira par exploser, et sans doute assez vite. Nous sommes d’accord, même si (on le verra plus loin), nous marquons quelques fortes divergences avec l’analyse de l’auteur, à notre avis trop pro-US.
La thèse, dans les grandes lignes :
FL établit un parallèle inquiétant entre le rapport actuel Washington-Pékin et le rapport Londres-Berlin en 1899. Deux économies interdépendantes, l’une ayant longtemps été en avance sur l’autre, plus puissante et plus avancée. Puis, progressivement, l’économie « à la remorque » se renforce, et finit par battre son alliée à son propre jeu. Dès lors, l’alliance n’est plus possible, parce qu’on ne sait plus qui est le maître de qui. La rivalité commence.
Les arguments qu’on oppose à ce parallèle ne satisfont par FL.
La Chine, se démocratiser ? Pur occidentalo-centrisme. Pour qui voit les choses du point de vue chinois, quel est le meilleur régime politique : une démocratie occidentale corrompue, dévorée par le cancer financier, virtualisée par le marketing tout puissant, ou un régime pékinois autoritaire, mais qui garantit à son peuple le doublement du PIB tous les sept ans ? A part le droit de vote, dont ils ne sauraient sans doute pas quoi faire, les Chinois n’ont rien à gagner à se « démocratiser », si la « démocratie » veut dire, concrètement, le règne de Goldman Sachs.
La Chine, puissance pacifique qui ne s’intéresse qu’à elle-même ? Niaiserie. Il existe un très fort ressentiment chinois. Pour Pékin, les guerres de l’opium et le « siècle de l’humiliation », qui suivit, jouent un peu le rôle du traité de Versailles dans l’Allemagne de Weimar : une honte, et surtout, une injustice. Les occidentaux ont souvent tendance à croire que leur suprématie mondiale de ces deux derniers siècles traduit un ordre des choses quasi-essentialisable. Illusion : c’est oublier qu’à l’échelle du temps long, le pays le plus développé et le plus puissant du monde a été, le plus souvent, la Chine. Et de cela, les Chinois, eux, se souviennent parfaitement.
Alors, USA, Chine : un fauteuil pour deux ?
*
Première question : comment en est-on arrivé là ?
FL commence par rappeler l’histoire des relations américano-chinoises. La visite de Nixon, en 1972, a été le coup d’envoi d’un partenariat USA/Chine qui, pour ne pas avoir été sans nuages, s’est bon an mal an maintenu pendant quatre décennies.
Au départ, pour les USA, il s’agit surtout de contrer l’URSS. Exemple, l’opération Chestnut, lancée en 1979, permet aux Américains d’implanter une station d’écoute ultra-perfectionnée dans le désert occidental chinois. Pour écouter qui ? Les soviétiques, sur le point d’entrer en Afghanistan (où la CIA s’active, afin précisément d’attirer Moscou dans le piège). Face à l’enjeu représenté par le soutien chinois contre l’URSS, l’amitié avec Taiwan ne pèse pas lourd, aux yeux des conservateurs réalistes (Kissinger, puis Brzezinski).
Pour la Chine, dès le départ, l’alliance aigre-douce avec les USA est surtout une affaire économique Pékin n’a pas vraiment besoin des investissements occidentaux (la Chine n’a jamais manqué de capital, parce qu’avec un coût du travail quasi-nul, on n’a pas besoin de capitaux importants pour produire – le travail, au besoin, fabrique le capital productif). Mais la Chine a en revanche désespérément besoin des technologies occidentales.
Dans les années 80, Deng lance donc la modernisation à marche forcée de l’économie chinoise, et pour récupérer de la technologie sans permettre l’implantation en profondeur des USA, il invente une solution aussi simple que redoutable : les « zones économiques spéciales », sorte de Far West chinois ultra-capitaliste, qui va servir de filtre (la technologie occidentale passe, mais, le pouvoir restant aux Chinois dans les joint-ventures, l’influence est bloquée). Les firmes américaines, qui pensent leur planification à beaucoup moins long terme que Pékin, vont se laisser attirer dans le piège, fascinées qu’elles sont par le gigantesque marché chinois. Un marché de dupe, où la dupe n’est pas celui qu’on croit : les capitalistes occidentaux sont persuadés qu’ils viennent de gagner la guerre contre leurs propres peuples (en mettant en concurrence le salarié occidental et l’esclave chinois) ; c’est vrai, mais ils ont aussi, sans le savoir, perdu la guerre à l’échelle géopolitique, contre une oligarchie rivale…
Quoi qu’il en soit sur le long terme, au fil des années 80-90, une sorte de symbiose s’instaure progressivement entre les deux géants. Pékin offre aux firmes US sa main d’œuvre quasiment illimitée, très bon marché et remarquablement docile. Les Américains, en retour, offrent la technologie, le savoir-faire, et un appui massif à la Chine pour son intégration dans l’économie mondiale (clause de la nation la plus favorisée, puis OMC).
Mais cette symbiose n’a jamais été sans ambiguïté et nuages. Dès 1982, les Chinois se sont rendu compte que, contrairement aux accords passés, la CIA construisait des réseaux sur leur sol (plus tard, cela débouchera sur la secte Falun Gong). Aussitôt, exploitant la diaspora, profitant de l’envoi aux USA de dizaines puis de centaines de milliers d’étudiants, ils bâtissent leurs propres réseaux (les services secrets chinois sont potentiellement plus puissants que la CIA elle-même – nous y reviendrons dans une note de lecture ultérieure).
Surtout, le mode de développement choisi par Pékin présente un inconvénient pour la population : une génération entière est sacrifiée. Le PIB chinois présente en effet, à partir de la fin des années 80, une structure tout à fait atypique : exportations gigantesques (jusqu’à 35 % certaines années, soit un taux d’extraversion absurde pour une économie de cette taille), investissement fabuleux (jusqu’à 50 % certaines années, un taux qui ferait presque passer le décollage japonais pour une entreprise au rabais !)… et, donc, obligatoirement, une part du PIB réservée à la consommation très faible (certaines années, à peine 20 %).
L’avantage de cette formule, évidemment, c’est que le développement des capacités productives se fait à une vitesse foudroyante. Si vous investissez 50 % de votre PIB, étant donné que dans les conditions chinoises, 5 points d’investissement rapportent à peu près 1 point de capacité productive, vous faîtes croître vos capacités de production de 10 % par an (ce que feront les Chinois pendant trente ans). Mais si en plus, vous exportez 30/35 % de votre PIB (pour accumuler des réserves de change et acheter, en réalité, de la technologie), il vous reste peu pour la consommation. Conséquence : les salaires versés aux ouvriers qui produisent pour l’investissement ou l’exportation n’ont pas de contrepartie dans le marché intérieur, et le risque de surchauffe inflationniste est permanent. La Chine pourrait en sortir en remplaçant les exportations par le marché intérieur, mais comme Pékin veut absolument acheter de la technologie (et de l’influence), le choix sera maintenu durablement en faveur de ce modèle qu’on pourrait qualifier de « stakhanovisme à l’échelle d’un pays-continent ».
Comme le rappelle FL, le « printemps de Pékin » en 1989 fut donc beaucoup plus une demande de remise en cause de ce modèle (moins d’exportation, plus de consommation) qu’une revendication démocratique (même si, peut-être du fait de l’existence de réseaux CIA, les étudiants pékinois mirent en avant la revendication politique stricto sensu). Et donc, la boucherie de Tian Anmen ne signifiait pas que le « communisme » était maintenu, mais plus simplement que la Chine, pour ne pas avoir à tolérer l’influence occidentale (en échange des technologies) continuerait à acheter du savoir-faire en exportant à tout va – au prix de sa « génération sacrifiée ».
Ce message, d’ailleurs, fut reçu en Occident : pour la galerie, Bush père prit quelques sanctions peu durables ; mais en arrière-plan, le très puissant lobby patronal US-China Business Council a parfaitement décodé Tian Anmen : pour lui, cela veut dire, tout simplement, que la Chine va poursuivre son développement en sacrifiant une génération, et qu’il y a donc beaucoup, beaucoup d’argent à gagner dans les « zones économiques spéciales ». De fait, ce qui s’est décidé à Tian Anmen, c’est donc une alliance objective entre l’oligarchie postcommuniste chinoise et l’oligarchie néolibérale US – alliance dont les consommateurs surendettés américains et les ouvriers surexploités chinois vont faire les frais (une analyse que, bien entendu, FL s’abstient de formuler aussi brutalement – ici, c’est nous qui décodons).
Les années 1990-2008 voient le triomphe de la « Chinamérique ». Les flux commerciaux croissent vertigineusement, au rythme de la bulle financière occidentale et de l’économie productive asiatique. Il en découle une période de forte croissance apparemment globale, en réalité purement chinoise ; l’Amérique réelle est en train d’imploser – même si, au départ, personne n’accepte de le voir.
- Ici, FL propose une analyse qui, à notre humble avis, fait la part trop belle aux élites occidentales. Pour lui, les dirigeants du capitalisme occidental auraient toléré la dévaluation de 50 % du Yuan en 1994 parce qu’ils souhaitaient maintenir coûte que coûte les liens avec la Chine (et non, comme nous le pensons, parce qu’ils y voyaient un moyen d’intensifier la guerre de classes en Occident même). Idem, FL estime que lorsque les taux longs US n’ont pas immédiatement suivi la remontée des taux courts en 2005, les dirigeants US n’ont pas compris que cela venait des achats chinois de bons du trésor US (sans rire ?). Et il ajoute que la crise des subprimes trouve son origine dans le dérèglement du marché des taux par les achats chinois à partir de cette date, ce qui est tout simplement faux (l’explosion du marché des subprimes est antérieur de trois ans au décrochage des taux longs, il remonte à 2001/2002, et il trouve son origine dans les taux directeurs bas de la FED – lire à ce sujet « Crise ou coup d’Etat ? »).
- Bref, l’analyse de FL fait à notre avis la part un peu trop belle au discours officiel US ; nous croyons quant à nous que les USA ont accepté le Yuan comme monnaie de guerre chinoise parce que cette monnaie de guerre était, aussi, celle de leur propre guerre, contre leurs propres peuples, en vue d’un ajustement brutal de la structure de classe.
Quoi qu’il en soit, le double marché de dupes s’est maintenu pendant deux décennies, de 1990 à 2008. Ni l’incident de 1994 (bâtiment chinois intercepté car soupçonné de livrer des armes chimiques à l’Iran), ni celui de 1999 (bombardement « par erreur » de l’ambassade de Chine à Belgrade lors de l’opération US/Otan pour le Kosovo) n’ont remis en cause les dynamiques commerciales formidables enclenchées par la « Chinamérique »…
Jusqu’au moment où ces dynamiques ont produit ce qu’elles devaient produire : le basculement du centre de gravité du capitalisme global. Voilà comment nous en sommes arrivés où nous sommes aujourd’hui.
*
Deuxième question : et où va-t-on, après ?
Fondamentalement, le heurt va opposer deux puissances qui sont, et l’une, et l’autre, des empires. Il ne faut pas ici tomber dans le simplisme : il n’y a pas d’un côté une puissance malsaine, de l’autre une puissance saine. Il y a deux systèmes de pouvoirs immenses, l’un sur le déclin (donc plus prédateur à court terme), l’autre en expansion (donc n’ayant pas besoin d’être prédateur à court terme), mais aussi brutaux l’un que l’autre.
Oui, oui, on sait, l’Amérique est « démocratique », pas la Chine – mais allez donc poser la question à Bagdad, vous allez voir… Et oui, oui, on sait, la Chine n’a pas attaqué de pays récemment – mais allez poser la question de son « émergence pacifique » aux millions d’esclaves qui triment dans ses usines, et là aussi, vous verrez…
FL nous apprend qu’en 1999, deux colonels de l’armée chinoise inventent le concept de « guerre hors limite », notion pratiquement identique au concept US du « Fourth Generation Warfare » : la guerre qui se déploie sur tous les fronts, en impliquant tous les aspects de la vie politique, économique et culturelle, parce que la confrontation directe, par l’armement, est devenue impensable (trop grande puissance de destruction). Et quand les USA inventent la « lutte contre le terrorisme » pour justifier leur impérialisme, la Chine conçoit la théorie de « l’émergence pacifique » pour désamorcer les critiques que son offensive économique tous azimuts pourraient susciter.
Chine et USA jouent chacun avec leurs atouts propres, mais en réalité, ils jouent sur le même échiquier, et avec des logiques de puissance précontraintes par la nature même de leur affrontement. Les Chinois font semblant de ne pas avoir de prétention à la domination globale (sauf quand il s’agit de mettre la main sur le pétrole du Soudan et du Tchad – alors là, on y va franchement, soutien militaire inclus), et les Américains font semblant de coopérer sans arrière-pensée (sauf quand une firme chinoise veut s’emparer d’Unocal – alors là, pas touche, il y va du contrôle US sur le pétrole d’Asie centrale…).
A ce petit jeu, la puissance montante part a priori gagnante. Plus grand marché du monde, Pékin va progressivement supplanter les USA comme le pays qui définit les normes (une des sources de la puissance US au XX° siècle). Ayant désormais refait l’essentiel de son retard technologique, la Chine n’a plus vraiment besoin des USA ; ce qu’elle achetait jusqu’ici à l’Ouest, c’était de la technologie ; mais désormais, la technologie, elle peut dans une large mesure la produire elle-même.
Plus structurant peut-être, le modèle de « socialisme de marché » inventé par Pékin (l’Etat possède en réalité l’outil de production, mais tolère l’enrichissement du management) semble, à ce stade, mieux fonctionner qu’un modèle US néolibéral en chute libre. Comme le rappelle FL, depuis 30 ans, la Chine fait exactement le contraire de ce qui est préconisé par le FMI – et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle s’en sort mieux que ceux qui ont obéi au « consensus de Washington ».
Privatiser l’économie, dit le FMI. Restructurer les entreprises d’Etat, répond Pékin. Libéraliser le compte de capital du pays, dit le FMI. Contrôle des changes, répond Pékin. Banque centrale indépendante, dit le FMI. Contrôle politique sur le crédit, répond Pékin.
Jusque dans la gestion de la crise financière, Pékin donne une leçon de pragmatisme et d’efficacité à l’Occident : sauver les banques, dit l’Occident ; relancer par l’économie productive, répond Pékin (l’UE sauve les créanciers de la Grèce, la Chine investit dans ses usines…).
En somme, pour FL, ce qui vient de se passer, en 2008, c’est une rupture d’environnement géostratégique : ce n’est pas la chute du capitalisme, non. C’est la chute du capitalisme occidental néolibéral. Un mur vient de tomber : celui que l’Occident avait érigé autour de son pouvoir global. La chute de ce mur-là joue, pour les Chinois, le rôle joué par la chute du Mur de Berlin pour les Occidentaux : l’annonce qu’on vient de gagner une guerre « de quatrième génération ». Nous ne dirons pas le contraire. Lire à ce sujet « Crise économique ou crise du sens ? ».
Conséquence de cette rupture géostratégique : la « Chinamérique » va exploser.
Ici, deux théories s’opposent : le « découplage » (la Chine poursuivra sa croissance sans la « Chinamérique ») et la crise globale (les USA entraîneront la Chine dans leur faillite, car Pékin ne pourra pas maintenir sa croissance folle une fois la « Chinamérique » disparue).
- Sur ce point précis, nous marquons un désaccord avec l’auteur de « La guerre des empires ».
- FL prend position pour la crise globale, donc contre le « découplage ». Il invoque pour cela les premières conséquences de la crise, qui aura entraîné un effondrement des exportations chinoises (voir « Crise ou coup d’Etat ? »). La croissance chinoise réelle passe sensiblement sous le seuil des 8 % annuels (nécessaire pour éviter la hausse du chômage, dans un pays qui voit un gigantesque exode rural interne).
- Pour notre part, nous doutons de la viabilité de cette analyse. Que dans un premier temps, la Chine subisse un ralentissement de croissance est évident, logique. Mais nous estimons que le marché intérieur chinois pourrait très rapidement prendre la relève des exportations ; encore une fois, ce qui explique la croissance chinoise, c’est un taux d’investissement énorme et des débouchés solvables (l’exportation) ; si les exportations calent, il reste le développement du marché intérieur, et rien n’empêche Pékin de le lancer, à présent, puisque l’acquisition des technologies est en passe d’être achevée (donc plus besoin des exportations pour financer l’acquisition de technologie), et les ressources financières existent (taux d’épargne élevé, réserves de change énorme : marché solvable).
- Peut-être la crise US arrive-t-elle quelques années trop tôt pour la Chine ; mais à moyen terme, à notre avis, sauf problème écologique ou énergétique, on ne voit pas ce qui empêcherait la Chine de se développer par l’investissement et la consommation (lire, à ce sujet, « Crise économique ou crise du sens ? »).
- Le fond du désaccord : FL pense que la relance chinoise par l’investissement va enclencher un cycle inflationniste ; à notre avis, il oublie que si la Chine développe son marché intérieur au lieu d’exporter, le risque social lié à la surchauffe va beaucoup baisser (puisque les salaires augmenteront avec l’inflation, laquelle sera contenue par un afflux de produits enfin destinés au marché intérieur). FL pense que la dette chinoise est trop importante pour développer le marché intérieur : à notre avis, il oublie qu’une dette totale (tous acteurs confondus) à 200 % du PIB (son estimation, à notre avis maximaliste) n’est pas insurmontable, si le taux d’épargne est élevé (il l’est en Chine) et, surtout, si la croissance permet de couvrir les intérêts (à ce stade, elle le permet). En outre, il ne faut pas négliger que les flux du commerce international peuvent très bien rebondir via les pays émergents entre eux (c’est d’ailleurs ce qui se passe depuis un an).
- Bref, comme FL, nous croyons effectivement que la crise marque la fin d’un système : la mondialisation néolibérale occidentalo-centrée ; mais à la différence de cet auteur, nous estimons que la théorie du « découplage » est tout sauf absurde. Il ne s’agit pas de nier que la Chine va éprouver des difficultés (on ne reconvertit pas sans casse une industrie bâtie pour l’export), mais simplement d’estimer, tout bien considéré, que Pékin a de fortes chances de surmonter ces difficultés. Encore une fois, avec 10 % de croissance et un fort taux d’épargne, on couvre les intérêts d’une dette totale, tous acteurs confondus, à 200 % du PIB (situation chinoise). Alors qu’avec une croissance faible (2, 3 %), voire nulle, et une épargne anéantie, on ne couvre pas une dette totale (tous acteurs confondus) qui doit maintenant dépasser largement 300 % du PIB (situation US).
- Donc, disons-nous, la Chine va souffrir – mais elle passera le cap (ce qui ne sera pas le cas des USA).
- L’avenir dira qui avait raison…
FL est en revanche tout à fait intéressant quand il nous renseigne sur les premières étapes de l’explosion de la « Chinamérique ».
Du côté américain, deux tendances s’affrontent. Les « gentils garçons » veulent la paix avec la Chine (on les appelle les « panda huggers », les « embrasseurs de panda ») ; Obama, a priori, appartient à cette école « mondialisation avant tout » (son demi-frère est d’ailleurs marié à une chinoise), tout comme une bonne partie de son administration. Mais une autre tendance, qui prime au Congrès, « America first » en quelque sorte, veut la confrontation. Arme envisagée : le protectionnisme (enfin, on y vient) – la campagne de presse en cours aux USA sur la sécurité des biens fabriqués en Chine, ou encore les tentatives du Congrès pour faire accuser la Chine de manipulation monétaire, traduisent d’ailleurs une volonté de faire sentir aux Chinois que les « panda huggers » ne sont pas forcément les seuls à décider, à Washington.
On ne s’étonnera pas ici que l’administration Obama (financement : Soros donc Rothschild ; conseil stratégique : Brzezinski dont Rockefeller) soit « panda hugger » (finir de gagner la guerre de classes), tandis que le Congrès (soumis au vote de l’Amérique profonde et en partie financé par l’industrie US) soit nettement plus hard avec la Chine (préserver la puissance US)…
Du côté chinois, on prend progressivement conscience de sa puissance, et on teste le rival, à petites touches. Remise en cause du dollar comme monnaie de réserve mondiale (discours de Zhou Xiaochuan, gouverneur de la banque centrale chinoise). Pesée au sein du FMI en faveur d’une monnaie de réserve mondiale constituée d’un panier de monnaie. Accords avec des pays asiatiques qui officialisent le rôle de monnaie internationale régionale du Yuan.
Ce qu’il faut bien comprendre, en tout cas (et là-dessus, FL est très clair), c’est que le discours officiel sur la Chine « manipulatrice de monnaie » est surtout rhétorique. En réalité, les USA souhaitent d’un côté la réévaluation du Yuan (pour regagner des parts de marché), et la redoutent d’un autre côté (si le Yuan est réévalué, la puissance financière de Pékin, déjà considérable, deviendrait peut-être suffisante pour que la Chine remplace les USA comme première puissance monétaire du monde – ce qui lui permettrait de racheter les entreprises un peu partout, y compris en Occident).
En fait, Chine et USA sont, l’un comme l’autre, enfermés dans une manipulation commune qu’ils ont tolérée pour des raisons symétriques, et dont ils ne savent plus comment sortir.
Le problème, c’est qu’en sortant de cette manipulation commune, les USA et la Chine vont s’apercevoir qu’une fois le Yuan et le dollar convertibles, il n’y aura qu’un seul gagnant. Une des deux puissances va se trouver en situation de modeler l’économie mondiale – et il n’est pas du tout certain que ce soit les USA.
Conclusion de FL : tous les ingrédients sont réunis pour une nouvelle guerre planétaire – la quatrième (après les deux guerres mondiales et la guerre froide).
*
Troisième et dernière question : puisque ce qui vient, c’est une guerre, à quoi ressemblera cette guerre ?
Réponse : la « guerre sans limite », pour parler chinois, ou encore la « guerre de quatrième génération », pour parler US.
La guerre des mers : la Chine est en train de construire une flotte capable de rivaliser avec l’US Navy. C’est logique : puisque les Chinois mettent la main sur les matières premières partout où ils peuvent, avec leurs réserves de devise, ils veulent aussi pouvoir sécuriser les routes maritimes vers ces matières premières.
C’est aussi une mesure défensive : pour Pékin (que FL juge paranoïaque et que nous estimons simplement prudente), la Mer de Chine est un poste avancé. Surtout qu’il y a, au large, une bombe diplomatique prête à exploser : Taiwan, qui, en déclarant officiellement son indépendance, pourrait provoquer une intervention chinoise.
La Chine peut-elle rivaliser à termes avec la puissance militaire US ? Réponse : oui. Officiellement, Pékin dépense 10 fois moins que Washington en dépenses militaires (60 milliards de dollars contre 600 milliards). Mais la réalité serait, d’après FL, toute autre. Le chiffre réel des dépenses chinoises serait probablement du double du chiffre avoué, et comme les salaires chinois sont beaucoup plus faibles que les salaires US, on peut considérer que les 60 milliards officiels équivalent à 120 milliards réels au taux de change courant, et à 250 milliards à parité de pouvoir d’achat. Pékin dépenserait donc à peu près 40 % de ce que dépense Washington – et, en outre, n’ayant pas à financer d’expéditions coûteuses en Irak et en Afghanistan, ses dépenses d’équipement ne sont pas rognées par les dépenses de fonctionnement.
Au final, il semble peu probable que Pékin puisse jamais se donner les moyens de gagner une guerre conventionnelle contre les USA. Mais il est probable, en revanche, qu’elle puisse interdire à l’Amérique de considérer possible une victoire dans ce domaine.
Ce qui reportera le conflit vers d’autres théâtres d’opération, extérieurs à la sphère militaire…
La guerre du cyberespace : ils ont l’air malin, ceux qui annonçaient que l’Occident pouvait abandonner sans remord l’économie physique, puisqu’il allait gagner l’économie de la connaissance !
La Chine possède désormais le supercalculateur le plus puissant du monde. Elle possède aussi des entreprises performantes dans le secteur des télécoms. Elle compte 400 millions d’internautes. Elle forme chaque année des centaines de milliers d’ingénieurs dans les technologies de l’information. Le quart des tentatives de piratage observées dans le monde proviendrait de Chine. Le moteur de recherche Baidu domine Google en Chine même, tandis que les encyclopédies en ligne Baidu Baike et Hudong, contrôlée par le gouvernement chinois, n’ont même pas de concurrent (wikipedia est bloquée).
La Chine n’a pas le contrôle d’Internet, mais celui de son Internet. La Chine se met en situation de gagner, en tout cas sur son sol, la « guerre de l’information ». L’opération « faux SMS » conduite semble-t-il par la CIA en Iran, après la réélection d’Ahmadinedjad, n’est tout simplement pas « jouable » en Chine.
La guerre de l’or noir : la Chine n’a pas de pétrole. Pendant longtemps, ça ne l’a pas empêchée de dédaigner la grande stratégie globale : elle n’avait besoin du pétrole, n’ayant pas d’industrie. Cette période est révolue : la Chine va désormais se projeter à l’extérieur, contrairement à sa longue tradition, pour le pétrole (et d’autres matières premières).
Au total, et sur ces opérations récentes, la Chine s’est assurée l’exploitation de 8 milliards de barils hors de ses frontières (environ quatre ans de sa consommation au rythme actuel). Il est à noter que 30 % de cette manne vient d’Afrique… et 30 % d’Iran (où un seul champ représente 2,5 milliards de barils). Où l’on comprend pourquoi « l’axe du Mal » associe le Soudan et l’Iran…
En 2008, les investissements chinois à l’étranger ont dépassé 50 milliards de dollars, soit plus que les investissements étrangers en Chine. L’essentiel de cet effort porte sur les matières premières et les hydrocarbures.
La guerre du capital : la Chine n’a pas de pétrole, mais elle a tellement de devises qu’elle peut se permettre d’acheter bien d’autres choses encore.
On a récemment fait remarquer que l’évaluation de l’investissement nécessaire pour remettre en état l’ensemble du parc d’infrastructures des Etats-Unis (totalement délabré après 30 ans de néolibéralisme) correspond approximativement au montant des réserves de change chinoises. Ou pour le dire autrement (et cela donne une idée du raid financier qui se prépare potentiellement), les USA pourraient rembourser 20 ans de consommation de produits chinois à bas prix en vendant à la Chine… leurs ports, leurs routes, leurs aéroports, leurs ponts et leurs chemins de fer ! (où l’on comprend, encore une fois, que la réévaluation du Yuan est à la fois souhaitée et redoutée par Washington).
On n’en est pas là. Mais ça commence. Savez-vous que Volvo est, depuis quelques mois, une entreprise chinoise ? Et que si EDF s’est désengagée de l’électricité britannique, c’est parce que son concurrent chinois alignait les zéros ?
La guerre des modèles : le déluge d’argent chinois qui peut à tout moment fondre sur les entreprises occidentales va imposer au capital une révision drastique de son discours dominant (antiprotectionniste jusqu’ici). Ce n’est pas tant qu’il s’agisse de défendre le marché intérieur (les capitalistes occidentaux ne s’en préoccupent pas vraiment, ils pensent global avant tout) ; c’est qu’il va falloir défendre le contrôle exercé sur les entreprises par les institutions financières occidentales.
Cette défense va réhabiliter l’idée de compétition entre deux modèles. Non plus « la démocratie de marché » contre « l’économie dirigée par le Parti Unique », mais le néolibéralisme US contre le néo-colbertisme chinois. Or, dans cette guerre, il n’est pas certain que le modèle occidental prédomine. Si l’Amérique s’est longtemps imposée, rappelle FL, c’est parce qu’elle faisait rêver. Mais aujourd’hui, c’est la croissance chinoise qui fait rêver (en tout cas les peuples pauvres).
La Chine a d’ailleurs commencé cette guerre. Elle forme les élites des pays émergents. Il y a des milliers d’étudiants africains à Pékin. Partout, la Chine propose aux peuples longtemps dominés par l’Occident un modèle de rechange (lire la note de lecture sur « La Chinafrique »)… et cela ne se limite pas aux fonctions techniques ou d’encadrement intermédiaire : le directeur d’HEC s’est récemment étonné de la capacité des Chinois à rattraper leur retard dans la formation des gestionnaires !
La guerre culturelle : verrons-nous un jour un cinéma français proposer non plus trois films US (très bien faits) et un film français (minable), mais trois films chinois (très bien faits) et un film français (toujours aussi minable) ? Pas impossible, même si c’est peut-être le seul terrain où les USA dominent encore …
Le mandarin va-t-il remplacer l’anglais comme langue la plus usitée sur Internet ? Qui a répondu : jamais ? – perdu, c’est déjà le cas.
Pékin est pragmatique : pour développer l’apprentissage du chinois, le pouvoir chinois a copié rigoureusement le système des « alliances françaises », avec les « instituts Confucius » (60 dans le monde). En 2010, 30 millions de courageux ont entrepris l’apprentissage du Chinois (simplifié, tout de même – sinon, c’est dix ans d’études à raison de 4.000 idéogrammes par an).
Nous ne nous rendons pas compte de cet effort culturel, parce qu’il porte prioritairement sur la périphérie de l’Empire chinois. Pour l’instant, ce que veulent les dirigeants de Pékin, c’est réaffirmer leur prédominance culturelle sur les anciens Etats tributaires du système mandarinal.
Mais demain ?...
La guerre monétaire : Ce sera le terrain décisif. L’équation est simple : tant que le Yuan n’est pas réévalué, le dollar reste monnaie de réserve, mais l’Amérique implose. Le jour où le Yuan est réévalué, et où il devient convertible, il y aura deux monnaies de réserve possibles pour le monde (trois si l’euro existe encore, ce dont beaucoup doutent ici).
On en est peut-être très proche : voici un véritable symbole, la firme Mc Donald vient d’annoncer qu’elle s’endetterait en Yuans pour financer son implantation en Chine…
Le jour où le Yuan sera réévalué et convertible, on verra se produire un évènement décisif : les USA seront obligés soit d’emprunter en Yuan, ou, s’ils le font encore en dollars, de rembourser avec des dollars stabilisés, appuyés sur des actifs réels.
Ce jour-là, estime FL, l’Empire thalassocratique anglo-saxon aura perdu la suprématie mondiale. Et la guerre pourra opposer deux camps, parce qu’il y aura deux camps.
On pourra alors vérifier, pour la centième fois dans l’Histoire, que l’interdépendance économique ne garantit pas la paix. Au contraire : elle crée des opportunités de guerre, parce qu’elle oblige à définir le sens de la dépendance.
Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire -
La France achète la paix sociale avec des étudiants factices ‘payés pour ne rien faire’
« Nous, direct, on signe on s’en va. Ici, on est payés à rien foutre», explique l’un de ces étudiants fictifs de l’Université de Perpignan, venu uniquement pour émarger le jour de l’examen pour pouvoir prétendre à sa bourse étudiante. « On a la bourse, on travaille de partout au noir, on s’en tire avec 1 500 euros facile », ajoute-t-il.
Dans le journal français Le Monde, Pascale Kremer explique que le problème des étudiants fictifs devient de plus en plus inquiétant. « Ces faux étudiants existent depuis toujours mais nous notons une accélération depuis deux-trois ans, en lien avec le chômage des jeunes et l’absence de dispositif de soutien financier pour cette période de transition entre lycée et activité », indique Fabrice Lorente, le président de l’Université de Perpignan, dans le département des Pyrénées Orientales.
Ces étudiants bénéficient d’une bourse de 470 euros mensuels pendant 10 mois, qui les autorise à travailler, et leur permet de bénéficier de nombreuses exonérations (dont celle des frais d’inscription à l’université), de l’inscription à la Sécurité Sociale, et de réductions. Mais pour la percevoir, les élèves doivent se présenter aux examens et à certains cours (« travaux dirigés », ou TD).
Du coup, les élèves qui ne le sont que pour percevoir ce viatique ne viennent aux examens que pour émarger, mais comme ils doivent rester au minimum un tiers de la durée totale de l’épreuve, ils piaffent d’impatience et dérangent les autres élèves. Et dans les TD, ce n’est pas mieux : les étudiants factices perturbent le cours, ils sont agités, jouent avec leur téléphone portable, quand ils ne dorment pas ouvertement sur leur bureau.
Pour les doyens d’université, ces étudiants ne posent pas qu’un problème de discipline. En effet, le financement des universités dépend pour partie du taux de réussite en première année, et ces étudiants qui ne font rien augmentent le taux d’échec aux examens. Les taux de réussite en première année pour les filières Administration Économique et Sociale et Sociologie, deux filières prisées par ces faux-étudiants, ne sont respectivement que de 15 % et 29%. Mais lorsque l’on retire les élèves factices des calculs, ils grimpent à 44% toutes les filières confondues.
Selon les doyens des facultés de lettres et de droit, Nicolas Marty et Yves Picod, le gouvernement ferme les yeux sur ces «étudiants fantômes», et ce faisant, il achète la paix sociale. La bourse apporte un complément de revenu bienvenu pour les familles souvent modestes de ces étudiants. Et en conservant le statut d’étudiant, ceux-ci sont éliminés des statistiques du chômage.
Ces deux doyens souhaiteraient que l’on impose des résultats minimaux aux examens pour le maintien de la bourse, mais d’autres s’interrogent sur cette proposition. Les professeurs de sociologie redoutent que les étudiants boursiers qui étudient réellement, ou leur matière, ne soient stigmatisés. Ils soulignent qu’un grand nombre de ces faux étudiants sont d’origine maghrébine, ce qui ajoute une dimension raciale à ce problème.
Jean Jacob, professeur de sciences politiques, propose quant à lui de supprimer la limite d’âge du Revenu de Solidarité Active (RSA). Le RSA est une allocation qui est actuellement attribuée aux personnes sans ressources âgées d’au moins 25 ans. Si les plus jeunes pouvaient également en bénéficier, ils n’auraient plus besoin de faire acte de présence à l’université, et de ce fait, ils ne dérangeraient plus les étudiants studieux.
Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, l'emploi, lobby, magouille et compagnie, social 0 commentaire -
Pour un printemps français...
Chers amis,
Parallèlement et en complément aux Cercles d’études qui se déroulent en province et à Paris, l’Université d’été de l’Action française prépare, comme chaque année, les militants et les cadres à la politique. Face à la servitude de la France, imposée par une oligarchie européenne sûre de son droit, nous devons veiller à la transmission critique du patriotisme et des fidélités qui vivent en nous.
Du 25 au 30 août se tiendra, à côté de Roanne, le Camp Maxime Real del Sarte, université d’été d’AF. Seront notamment abordés comme sujets "les printemps arabes" par Bernard Lugan, Les "Figures de la légitimité" par Stéphane Blanchonnet, "Révolution et mythe de l’égalité" par Axel Tisserand, les "Tentatives insurrectionnelles" par Sylvain Roussillon, "L’extension du domaine de la lutte" par Philippe Mesnard, "Si le coup de force est possible" par Michel Michel, "Reprendre le pouvoir" par François Marcilhac, "La révolte des Nations" par Alain Soral, etc.
Voici le programme du camp :
http://www.actionfrancaise.net/craf...
L’Action française travaille aussi à constituer la possibilité d’une alternative politique ; elle défend le principe de l’Etat face aux courants libertaires et aux groupes de pression économiques qui cherchent à tout se soumettre. Ceci exige une détermination et une activité inlassables de la part des nationalistes. L’école d’Action française, pour reprendre l’expression de François Huguenin, est une école de volonté politique : la France, à qui la volonté politique manque outrageusement, a donc besoin des raisons qui nous animent. Cette école n’est rien, son mouvement n’est rien non plus, si nous ne parvenons pas à incarner cette volonté sacrée.
Il est évident que personne n’agira (ni en politique, ni en quelque domaine que ce soit) s’il n’en connaît pas les raisons. D’où la nécessité impérieuse d’une formation aussi précise que possible.
L’université se clôturera par une réunion publique, dans le centre de Lyon, organisée par le Cercle Anthinéa, qui aura lieu le samedi 31 août entre 14 et 18h. Le thème de cette réunion est "Du printemps français à la prise du pouvoir". Interviendront, Stéphane Blanchonnet (Président du Comité Directeur de l’AF),Frédéric Pichon (Collectif des Avocats contre la Répression Policière), Isabelle Fradot (Les Enfants des Terreaux), Béatrice Bourges (Soutien du Printemps Français), Olivier Perceval (Secrétaire-général de l’AF) et Frédéric Rouvillois (Constitutionnaliste) .
Un banquet de l’AF Lyon suivra (avec la participation des intervenants de la réunion publique). Le prix est de 25 €.
Réservations et inscriptions obligatoire pour la réunion et le banquet : lyon@actionfrancaise.net
Inscrivez-vous, faites inscrire vos proches, amis et familles.
Inscriptions et informations en ligne : http://www.cmrds.new.fr/
Sinon,téléchargez le bulletin d’inscription et renvoyez-le nous, accompagné du règlement :
http://www.actionfrancaise.net/wp-c...
Amitiés françaises,
Le Bureau du CMRDS http://www.actionfrancaise.net
-
Vae Victis La Dame Du Lac
-
Rivarol, l'hebdomadaire nationaliste par excellence
je sais, cette video a déjà été postée.
-
Le triomphe des JMJ
L'article de Christian Vanneste :
"L’un des plus grands rassemblements humains de la planète : 3 millions de personnes réunies pour la messe célébrée par le pape sur la plage de Copacabana. L’Église catholique a, une fois encore, prouvé son intelligence et sa force.
Ses détracteurs la disaient vieillissante, dépassée, minée par les problèmes internes qu’elle n’avait pu résoudre. Ils avaient trouvé en Benoît XVI la cible, selon eux, idéale pour attaquer une religion conservatrice, éloignée de la sensibilité contemporaine, et parfois maladroite. Première erreur : ce pape à l’intelligence exceptionnelle aura surpris tout le monde. Sa science théologique, sa connaissance historique, sa maîtrise conceptuelle, la finesse de ses analyses comme son attachement raisonné aux symboles, vestimentaires, par exemple, étaient connus. Il était donc brillant et conservateur : une espèce rare et guère propre à garantir l’avenir de l’Institution. On allait donc l’écouter aux Bernardins, mais on se permettait aussi des réflexions parfois peu amènes, comme celle de Juppé par exemple.
Or, c’est Benoît XVI qui aura innové en renonçant et en permettant ainsi au Pape François d’être élu. Loin d’être un aveu d’échec, cette décision a été la condition d’un succès. Le Saint-Père, âgé et malade, ne sentait plus en lui la force d’accomplir sa mission, et notamment d’affronter physiquement l’épreuve des JMJ de Rio. Plutôt que d’offrir aux jeunes l’image d’un athlète de Dieu qu’il savait ne pas être, il a préféré laisser la place à un autre.
La Providence a voulu que ce soit un Pape sud-américain dont la complémentarité avec son prédécesseur éclate aux yeux de tous. Benoît était d’une grande simplicité mais sa modestie n’allait pas sans retenue. François est simple mais dans un élan de proximité extraordinaire comme s’il voulait être le curé de paroisse de la terre entière, cherchant le contact personnel avec chacun, et sans égard pour sa propre sécurité. On retrouve avec lui ce génie de la communication que possédait Jean-Paul II. Or, c’est ce qu’il fallait à l’Église, non seulement pour répondre à l’appel de la jeunesse, non seulement pour montrer un visage enthousiasmant dans cette Amérique latine en proie à une redoutable concurrence religieuse, mais encore dans le monde entier pour prouver la vigueur et la santé d’une institution deux fois millénaire" (suite).
Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, international, religion, tradition 0 commentaire -
Idée reçue, la médecine médiévale occidentale était inférieure à la médecine musulmane.
Ce dimanche nous allons poser l’épée un instant et passer de l’histoire militaire à l’histoire des sciences. En effet, je vous propose aujourd’hui de mettre un terme à une idée reçue très vivace de nos jours au sein du Système et des médias "mainstream" malgré toute l’avancée de la recherche historique.Qui n’a jamais entendu d’un côté vanter la fantastique médecine musulmane médiévale et son âge d’or fabuleux ? Certains manuels scolaires osent même clairement dire que le monde musulman était une civilisation “en avance”. A contrario qui n’a jamais entendu parler de la médecine archaïque du Moyen-Âge occidental à base d’immondes saignées et autres barbaries ?C’est pour avoir entre autres casser cette idée reçue que le professeur lyonnais du CNRS Sylvain Gouguenheim a été véritablement ostracisé et victime d’une chasse aux sorcières au sein du milieu universitaire français. C’est dire la puissance de la main-mise idéologique sur le milieu de la recherche historique de notre pays…Cette mise sur un piédestal de la médecine musulmane et ce rabaissement de la médecine occidentale médiévale est une construction mythologique qui ne tient pas à l’épreuve des faits.I. Le monde musulman.
Nous sommes au VIIe siècle, l’Islam est imposé par le sabre à l’intérieur de la péninsule arabique. Les chefs postérieurs à Mahomet connus sous le nom des 4 Califes (littéralement “successeurs” du Prophète) ont étendu et diffusé l’Islam dans une aire géographique qui correspond à peu de choses près à la Oumma Islamia actuelle (monde extrême asiatique mis à part). Cette extension du monde musulman a subi trois coups d’arrêts :en 719 à Constantinople face aux byzantins, en 732 près de Poitiers face aux Francs de Charles Martel et en 751 à la bataille de Talas face à la dynastie impériale chinoise des Tang.Une fois la conquête militaire effectuée, les chefs musulmans ont récupéré le Savoir antique des civilisations conquises, en particulier celui des Grecs (philosophie aristo-platonicienne, astronomie, mathématiques et justement médecine). Les grands ouvrages grecs ont été traduits en arabe et le plus souvent les traducteurs et les intermédiaires étaient des savants chrétiens (nestoriens, coptes ou monophysites) qui ont traduit ce savoir grec pour les conquérants musulmans.Les grands piliers de la médecine arabe médiévale sont donc d’origine gréco-romaine en se basant sur les techniques et théories de Gallien et d’Hippocrate. Sur ces bases, des savants comme le perse Avicenne ont ajouté d’autres découvertes grâce au soutien et à la protection de mécènes puissants. Cette médecine musulmane est donc avant tout la reprise et la continuité de la médecine grecque antique. Ainsi, le mode opératoire de la cataracte est le même dans le monde musulman qu’à l’époque d’Hippocrate. Cela n’empêche pas de reconnaitre qu’il y eu de grands médecins dans le monde musulman médiéval.Cet engouement pour les sciences grecques a duré jusqu’au XIIe siècle où les Docteurs islamiques prirent en main la destinée scientifique de la Oumma en assujettissant la Raison à la Foi islamique et en définissant la véritable science comme la connaissance du Coran. Le tournant du XIIe siècle marque donc pour le monde islamique une extinction progressive de la recherche scientifique jusqu’à une situation de stagnation absolue et la fin des grands esprits libres à l’image d’Avicenne.
Schéma du système veineux, Manuel anglais du XIIIe siècle (Cliquez pour agrandir).
II. L’Occident médiéval.Le seul moment où l’on peut parler d’une perte du savoir antique en Occident fut au Ve siècle au lendemain des Temps Barbares après la chute de Rome en 476. Cependant, dès la montée en puissance des Francs et la création de l’Empire carolingien de Charlemagne, nous assistons à un renouveau de l’étude des savoirs antiques. L’idée reçue veut nous faire croire que le Moyen-Âge ignorait tout des textes grecs, sauf ce qui leur fut transmis par les musulmans occupant l’Espagne, et qu’il faut attendre la Renaissance pour pouvoir à nouveau en prendre connaissance.Rien n’est plus faux.En effet, le savoir gréco-romain est connu et diffusé dans les premières universités médiévales. Les moines connaissent et traduisent les auteurs antiques dans les scriptorium des monastères et les échanges continus avec l’Empire Byzantin (grand Héritier de la culture gréco-romaine antique) permet des échanges de savoir sur la médecine antique. Il faut s’imaginer qu’il y a des flux d’échanges intellectuels dans cette Europe médiévale et le lien avec Constantinople permet la connaissance du savoir antique. La médecine utilisée en Occident est donc elle aussi issue de l’héritage grec.A ce savoir antique s’ajoutent d’autres méthodes de guérisons parallèles liées à la persistance de l’héritage païen comme des secrets et traditions populaires “de grand-mère”, une connaissance de l’herboristerie incarnée par les apothicaires et guérisseur du village et des savoirs plus occultes à travers les rebouteux, l’astrologie, voire des sortilèges, filtres ou élixirs. Tout ce panel épaissit la connaissance en médecine.Il est interessant de remarquer que, jusqu’à la fin du Moyen-Âge,il y avait autant de médecins femmes que de médecins hommes. Ainsi, l’abbesse germanique Hildegarde de Bingen a écrit un manuel abrégé de médecine en 1160, le Liber simplicis medicinae.Ainsi, au XIIe siècle, les cultures médicales en Occident et dans le monde musulman sont issues des mêmes bases puisque le socle Gallien-Hippocrate vient du même cœur qui est l’Antiquité grecque.
Femme médecin au Moyen-Age (Manuscrit anglais de 1500).Il est donc absolument incohérent d’encenser d’une part la médecine musulmane et de rabaisser d’autre part la médecine occidentale, puisqu’il s’agit dans les faits de la MÊME médecine héritée des traditions antiques. Ce jugement à géométrie variable est donc bel et bien une imposture historique.
III. Prospective et naissance de la médecine moderne en Occident.Ce poids des auteurs Antiques a finit cependant par incarner un frein dans l’avancée scientifique. Cette avancée n’existe plus dans le monde musulman après le XIIe siècle où les seuls “Savants” sont les spécialistes du Coran.Cependant, en Europe le processus se poursuit, les auteurs antiques jouissent d’une telle aura que l’on ne cherche plus à prouver où vérifier les dires mais à simplement compiler leurs théories. Pendant longtemps d’ailleurs, le médecin ne touche pas même les corps, cela est le travail du barbier. Ce savoir antique est vu comme indépassable et il y a une véritable barrière mentale refusant de les contester. Ainsi Leonardo Da Vinci fera coïncider ses croquis anatomiques avec les dires des médecins antiques, même si ses propres dissections entrent en contradiction avec leurs écrits.C’est vraiment à partir du XVIe siècle avec l’avènement de la méthode expérimentale et du discours cartésien que l’Occident va remettre en cause l’héritage antique, le dépasser et ainsi créer la médecine moderne.Auteur: Montecristo http://www.fdesouche.com
* Pour aller plus loin :- HEERS Jacques, Le Moyen-Âge, une imposture.
- GOUGHENHEIM Sylvain, Aristote au Mont Saint-Michel : Les racines grecques de l’Europe chrétienne.