Qu'est-ce que la métaphysique ? Le mot a été utilisé pour désigner une partie de l'œuvre d'Aristote. La métaphysique est la « science » de la réalité la plus haute de l'Être en tant qu’Être. On appelle aussi métaphysique toute connaissance au delà du sensible. « Il y a une science qui étudie l'Être en tant qu'Être et les attributs qui lui appartiennent essentiellement. Elle ne se confond avec aucune des sciences dites particulières » (Aristote, Métaphysique).
Tous les grands philosophes du passé de Platon à Spinoza ont voulu donner une explication métaphysique du monde. En général le monde sensible est mensonger et nous trompe. Pour Platon le vrai monde est celui des idées. Il existe des idées éternelles. Au XVIIIème siècle avec Kant, la métaphysique a pris une connotation négative. L'esprit anti-métaphysique s'est développé de pair avec les sciences expérimentales. Kant a pris acte de l'impuissance métaphysique. Nous avons des intuitions sensibles à partir des formes a priori de ma perception espace et temps. On ne peut connaître l'âme ou Dieu : concepts métaphysiques. Il n'existe que des phénomènes et non des noumènes. La métaphysique qui veut sortir de la sphère phénoménale est une illusion. « La colombe légère, qui dans son libre vol, fend l'air dont elle sent la résistance, pourrait s'imaginer qu'elle volerait bien mieux encore dans le vide. C'est ainsi que Platon, quittant le monde sensible, se hasarda sur les ailes des idées, dans les espaces vides de l'entendement pur. Il ne s'apercevait pas que, malgré tous ses efforts il ne faisait aucun chemin parce qu'il n'avait pas de point d'appui » (Kant, Critique de la raison pure). Malgré toutes les critiques et attaques contre la métaphysique depuis Kant jusqu'au positivisme de Comte, le néopositivisme de Wiener Kreis, la philosophie analytique et l'École de Francfort... cela n'a pas empêché de nombreux philosophes comme Hegel, Bergson, Sartre, Heidegger... d'avoir des écrits métaphysiques. Car l'homme est fondamentalement un animal métaphysique qui s'interroge sans cesse sur le sens de la vie, l'être (pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?), le bien, le mal, l'angoisse, qu'est-ce que connaître ? (il n'y a d'objet connu que pour un sujet connaissant)
Les éradicateurs de la métaphysique
Le positivisme scientifique de Comte énonce que seul l'analyse des faits vérifiés par l'expérience peut expliquer le monde.
Auguste Comte définit 3 états : l'état théologique, l'état métaphysique et celui scientifique. Il faut remplacer les croyances religieuses ou métaphysiques par la Science. Il faut renoncer au concept des causes premières. On ne cherche qu'à expliquer le comment par l'utilisation du langage mathématique. Auguste Comte était polytechnicien. Le positivisme correspond à une idéologie de la Science qui s'est considérablement développée au XIXème siècle. On n'est pas loin du « scientisme ».
Le cercle ce Vienne ou Wiener Kreis a été le prolongement du positivisme de Comte qu'on a appelé néopositivisme. Son chef de file Moritz Schlick fut assassiné par un étudiant. La seule explication du monde est la conception scientifique du monde.
1. On utilise les mathématiques et la logique comme langage.
2. La métaphysique est dépourvue de sens.
La Science vient soit de l'expérience (sensation) soit de la pensée mise sous une forme logique ou mathématique. Parmi les membres du Cercle de Vienne, Carnap est particulièrement virulent contre toute métaphysique. Il prend comme cible le livre « Was ist Metaphysik ? » de Heidegger. Il cherche à montrer que les énoncés de Heidegger sont des pseudo-énoncés et n'ont aucun sens.
Le tractatus loqico-philosophicus de Wittqenstein
D'après Ludwig Wittgenstein pour qu'une proposition ait du sens il faut qu'elle puisse être dite vraie ou fausse. Il faut qu'on puisse la comparer à un état de choses. Les propositions éthiques ou métaphysiques n'ont pas de sens (ni vraies ni fausses). L'éthique et la métaphysique donnent de la valeur aux choses. On n'a donc pas une description du monde. Wittgenstein arrive à sa sentence célèbre « ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». Citons aussi « la méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci : ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions des sciences de la nature - quelque chose qui par conséquent n'a rien à voir avec la philosophie - puis quand quelqu'un voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu'il a omis de donner dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l'autre - qui n'aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné la philosophie - mais ce serait la seule strictement correcte » (Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 6.53) Seule la « science » peut décrire le monde.
Schopenhauer
Ce philosophe considère que la métaphysique n'a plus de soubassement mais que tout repose sur une base métaphysique. Les concepts métaphysiques pour Schopenhauer sont : « l'essence, le fini, l'infini, l'être, la nécessité, la substance... »
Pour le philosophe, toute philosophie est métaphysique. Schopenhauer a une vision originale sur la métaphysique : il considère les concepts passés de la métaphysique comme vides ce qui ne l'empêchera pas de fonder une philosophie « métaphysique ». La métaphysique selon lui fait la différence entre l'homme et l'animal.
Nietzsche
De façon toute guerrière, Nietzche veut mettre à bas la métaphysique. Cette dernière s'oppose à la philosophie du penseur de Leipzig puisqu'elle nie le devenir et veut des vérités éternelles. La métaphysique refuse la jonction des contraires. Elle est aussi une recherche de la transcendance et non une explication généalogique. La métaphysique tue la vie. Nietzsche s'attaque au Platonisme. Nous n'avons aucune connaissance en dehors de ce que nous percevons. Ce que nous percevons change ; donc est du devenir. « Il n'y a pas plus de données éternelles qu'il n'y a de vérités absolues » (FN, humain trop humain).
S'il n'y a pas de vérité absolue, on peut que rejeter la métaphysique.
Le philosophe va encore plus loin dans sa critique de la métaphysique qui n'est selon lui qu'un dénigrement de notre monde donné par nos sens. « Dans ce cas, nous nous vengeons de la vie en lui opposant la fantasmagorie d'une vie « autre » et « meilleure » (FN).
Le monde de nos sens serait faux pour la métaphysique. La haine des sens qui va de Platon au christianisme fait imaginer un autre monde.
Heidegger
Pour Heidegger la métaphysique est histoire de l'être. Dans son livre « Was ist Metaphysik ? » le philosophe considère que la métaphysique tout en posant la question de l'être l'oublie aussitôt et se limite à l'étant. On a la reprise de la question « Pourquoi d'une manière générale, l'étant plutôt que le néant ? ».
Si la métaphysique est histoire de l'être, le livre de Heidegger Sein und Zeit (Être et Temps) ne fait qu'approfondir par l'analytique existentiale son Histoire. « En quelle manière, l'essence de l'homme appartient à la vérité de l'être ».
L'homme est le seul à posséder une conscience de l'être ». Le « Dasein » (être-là) est ouverture sur l'être.
Heidegger préférera le terme ontologie à métaphysique. Il rappellera la distinction entre la métaphysica generalis (portant sur l'être, qu'on appelle aussi ontologie) et la métaphysica specialis portant sur des états spécifiques : Dieu, l'âme, le monde…)
Habermas
On a une fois de plus une attaque contre la métaphysique dans Nachmetaphysisches Denken ; Habermas veut être le « nouveau » fossoyeur de la métaphysique. Elle est inapte à la pensée contemporaine. La métaphysique est une somme d'erreurs du passé. La compréhension de la totalité est une illusion. Habermas s'est surtout attaqué aux métaphysiques modernes (Descartes, Spinoza, Leibniz, Schelling, Hegel....)
Il faut passer à une pensée post-métaphysique. En tout cas on pourrait se poser la question de l'existence d'un reliquat métaphysique dans ses écrits sur l'éthique.
Il y aura toujours un « nouveau » philosophe pour annoncer la mort de la métaphysique. Ce qui prouve qu'elle n'a pas disparu. Freud n'y voyait qu'une illusion proche de la religion. Il croyait sa pensée « scientifique » alors que la psychanalyse n'est qu'une métaphysique de la sexualité, cette dernière étant une cause première de l'agir humain. La Science s'est toujours considérée comme discours anti-métaphysique alors que comme l'a vu le philosophe des sciences Ernst Mach, la physique elle-même souvent considérée comme un modèle pour la Science est infectée de concepts métaphysiques comme la masse, l'énergie, la force, le champ, l'espace, le temps...
Lorsque Galilée déclare : « la langue de la nature est celle des mathématiques » on a là une déclaration toute métaphysique. Il y a eu sur la relativité un désaccord entre Mach et Einstein. Pour ce dernier il existe une « réalité » qu'on peut exprimer en langage mathématique. Mach pour qui l'idée de réalité n'a aucun sens ne pouvait accepter cette vision. Il était un phénoménaliste pour qui toute connaissance provient de notre perception des phénomènes. Si même la « Science » est une métaphysique, quelle philosophie ne l'est pas ? Même le grand Kant en séparant le sujet et l'objet, le noumène (chose en soi) et le phénomène n'a-t-il fait que créer une nouvelle métaphysique ce qui fera dire à Nietzsche : « la chose en soi ne mérite qu'un rire homérique »
PATRICE GROS-SUAUDEAU
culture et histoire - Page 1887
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La Métaphysique
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"MERIDIEN ZERO ACCUEILLE ADRIANO SCIANCA"
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2 mai 1716 : la fortune anonyme et vagabonde
Autorisée par lettres patentes, une banque est fondée à Paris le 2 mai 1716. Société par actions, au capital de 6 millions de livres, cette banque privée, d'escompte et d'émission, habilitée à émettre des billets au porteur, est étroitement liée au pouvoir puisque 75 % de son capital sont en billets d'Etat. Le paiement des impôts en billets de banque sera d'ailleurs autorisé le 10 avril 1717. Ces privilèges sont dus à l'appui que fournit le Régent Philippe d'Orléans au fondateur de la banque John Law.
Ce personnage est pourtant quelque peu louche. Fils d'un orfèvre installé à Edimbourg et qui a acheté à grands frais des domaines qui lui permettent de se faire appeler « baron de Lauriston », John Law, après avoir dissipé sa fortune à Londres, a nomadisé à travers toute l'Europe avant de jeter son dévolu sur Paris en 1708. Il fréquente les tripots et joue gros jeu. S'étant introduit dans l'entourage du duc d'Orléans, il capte son attention en lui proposant des solutions hardies pour remédier aux difficultés financières de l'Etat. Les dépenses de l'Etat, qui ont doublé entre 1689 et 1967, ont doublé à nouveau entre 1701 et 1714... Cet accroissement des dépenses ne peut être couvert que par un ensemble d'expédients et par le recours à l'emprunt. C'est dans cette conjoncture difficile que Law prétend apporter un remède miracle. Après un départ précipité de Paris, sur ordre du lieutenant de police qui l'accuse de malversations (« il en savait trop aux jeux qu'il avait introduits dans cette capitale »), l'aventurier y revient après la mort de Louis XIV et retrouve aussitôt l'oreille de Philippe d'Orléans, désormais Régent - et très sensible aux questions d'argent, comme devaient l'être nombre de ses descendants.
L'ascension de Law est spectaculaire. Les billets émis par sa banque, se substituent à la lettre de change traditionnelle, jusque sur la place d'Amsterdam. Le 4 décembre 1718, un édit transforme la banque privée en Banque Royale. Par ailleurs, Law a fondé en août 1717 la Compagnie du commerce d'Occident, dont sa banque a souscrit le capital. Obtenant le privilège exclusif du commerce avec la Louisiane et le Canada (pour les peaux de castor), la Compagnie reçoit ensuite le monopole du commerce avec les Indes, la Chine et l'Afrique.
L'argent des particuliers afflue rue Quincampoix, au siège de la banque Law obtient le bail des fermes et gère le remboursement de Ia dette publique par une émission continuelle de monnaie fiduciaire. Tout semble lui sourire. Consécration : il accède au contrôle général des Finances en janvier 1720. Les billets remboursables au porteur et à vue, obtenus contre de bons écus, représentent bientôt la somme fabuleuse de 2 696 400 000 francs. La fureur spéculative est au comble et l'on se bouscule frénétiquement rue Quincampoix.
Mais quelques grands personnages (dont le duc de Bourbon et le prince de Conti), qui ont beaucoup investi, prennent peur et se dégagent. Le château de cartes s'écroule, la panique se répand. Des milliers d'imprudents sont ruinés du jour au lendemain, certains se suicident.
Quelques malins ont fait des fortunes spectaculaires. Law, lui, s'enfuit sous un déguisement jusqu'à Bruxelles.
P. V national Hebdo du 30 avril au 6 mai 1998 -
FRAKASS - Pour la France et l'Europe.
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25 mars 1821 Guerre d'indépendance de la Grèce
Le 25 mars 1821, en Grèce, l'archevêque de Patras donne le signal de la rébellion contre la tutelle ottomane.
En moins de dix ans mais au prix de grandes souffrances et avec le concours précieux des Occidentaux, les Grecs vont obtenir l'indépendance d'une petite partie de leurs terres, incluant l'Attique (Athènes), le Péloponnèse et le sud de l'Épire.
Le nouvel État balkanique, pauvre, de tradition byzantine et aux contours indécis, va dès lors se bâtir une identité nationale en cultivant le souvenir de l'Antiquité et en appelant les riches Grecs de la diaspora à le rejoindre.
Joseph Savès.La célèbre toile d'Eugène Delacroix, présentée au Salon de 1824, évoque de cruels massacres qui firent 70.000 victimes en avril 1822. Elle a contribué à faire pencher l'opinion occidentale en faveur des Grecs et à déclencher en 1827 l'opération anglo-franco-russe de Navarin, de même qu'une autre toile très célèbre du même artiste : La Grèce sur les ruines de Missolonghi (1826, musée de Bordeaux).
Entre faveur et oppression
Après la chute de l'empire byzantin et la prise de Constantinople en 1453 par les Turcs, les Grecs ont appris à vivre sous l'autorité du sultan ottoman. Leur sort est, il est vrai, très différent selon qu'ils appartiennent à la bourgeoisie citadine ou à la paysannerie.
La bourgeoisie commerçante regroupée autour du patriarche grec de Constantinople, dans le quartier du Phanar conserve une grande influence à la cour du sultan en raison de sa richesse et de son rôle d'intermédiaire entre l'administration ottomane et les sujets chrétiens de l'empire (ils sont majoritaires dans la capitale elle-même jusqu'à la la Grande Guerre).
Ces bourgeois que l'on appelle Phanariotes obtiennent même le droit d'administrer pour leur compte les provinces roumaines semi-autonomes de Valachie et de Moldavie. Mais leur prospérité demeure fragile et subordonnée au bon vouloir et aux caprices du sultan.
Tout autre est le sort des paysans et des villageois grecs, tant en Asie mineure qu'en Grèce continentale et dans le Péloponnèse. Ceux-là sont durement exploités par les fonctionnaires ottomans, par ailleurs incapables d'assurer la sécurité indispensable au développement économique et social.
Rébellions brouillonnes
Dès le XVIIIe siècle, les tsars de Russie lorgnent avec convoitise sur l'empire ottoman, en rapide déclin, et instrumentalisent à leur profit leurs affinités religieuses avec les Grecs orthodoxes.
C'est ainsi qu'en 1770, Catherine II pousse à la rébellion les paysans du Péloponnèse mais les lâche presque aussitôt en concluant avec le sultan le traité de Kütchük-Kaïnardji. Elle récidive en 1786 avec les Souliotes d'Épire (nord-ouest de la péninsule), lesquels sont férocement écrasés par le pacha de Janina, Ali pacha.
À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, des Grecs libéraux, sensibles aux idéaux de la Révolution française, commencent à rêver d'indépendance. Le déclin de l'empire ottoman et l'occupation des îles Ioniennes par les Français, à partir de 1797, les y incitent.
Le tsar de Russie Alexandre 1er se montre lui-même réceptif à leurs revendications. L'un de ses aides de camp grecs, Alexandre Ypsilanti, prend la tête d'une association secrète de notables grecs des bords de la mer Noire, l'Hétairie.
En 1821, il tente de soulever les chrétiens de Roumanie. C'est un échec, ces derniers n'éprouvant guère de sympathie pour les Grecs qui les ont longtemps exploités.
La même année, un autre appel à la révolte est lancé par Ali pacha. Celui-ci est entré en rébellion contre le sultan. En s'alliant avec ses anciennes victimes, il tente de se sortir du siège de la forteresse de Janina (Épire) par les armées du sultan. Son appel est mieux entendu que le précédent.
Douloureuse guerre d'indépendance
Finalement, l'insurrection décisive part du Péloponnèse et plus précisément de Patras, un grand port situé à l'ouest de la péninsule, où l'apôtre Saint André aurait été martyrisé. Elle est déclenchée par l'archevêque Germanos.
Les Grecs commencent par massacrer des Turcs de leur région. Et les Turcs ripostent en massacrant des Grecs d'Istamboul ! Il s'ensuit une très dure guerre. Elle est d'abord favorable aux Grecs qui s'emparent d'Athènes et des îles de la mer Égée.
Un congrès national réuni à Épidaure, au coeur du Péloponnèse, proclame l'indépendance unilatérale de la Grèce dès le 12 janvier 1822 et appelle à l'aide les nations chrétiennes. Mais les insurgés ne tardent pas à s'affaiblir du fait des luttes intestines entre factions et les Turcs reprennent l'offensive dès le mois suivant.
Ils viennent à bout de la rébellion d'Ali Pacha et, en avril 1822, massacrent la population de l'île de Chio, ce qui suscite l'indignation de l'opinion occidentale. Les gouvernements européens n'entendent pas pour autant intervenir, en vertu du principe de légitimité défendu par la Sainte Alliance. Mais de nombreux Européens s'engagent comme volontaires aux côtés des insurgés grecs.
Le sultan Mahmoud II, qui n'arrive pas à mettre fin à l'insurrection, fait appel à son vassal, le vice-roi d'Égypte Méhémet Ali. Celui-ci lui envoie une armée commandée par son fils Ibrahim pacha, avec une flotte formée par... des spécialistes français rescapés de l'équipée napoléonienne.
Les troupes égyptiennes occupent la Crète puis reconquièrent le Péloponnèse et assiègent Athènes. Elles remontent le long du golfe de Corinthe jusqu'à Missolonghi. Le poète anglais Lord Byron, qui fait partie des volontaires étrangers, meurt de maladie pendant le siège de la forteresse. Les défenseurs se font finalement sauter plutôt que de se rendre le 25 avril 1826. À Athènes, l'Acropole défendue par le colonel français Fabvier résiste jusqu'au 5 juin 1827.
La guerre a déjà fait 200.000 morts parmi les Grecs.
Les Occidentaux interviennent
En Occident et en France en particulier, des comités de philhellènes se multiplient dans les milieux libéraux, appelant les gouvernements à intervenir aux côtés des Grecs contre les Turcs. Les gouvernements occidentaux s'y décident à contrecoeur. La France, l'Angleterre et la Russie font une offre de médiation le 6 juillet 1827 mais le sultan la repousse... On est dans l'impasse.
Faute de mieux, les Occidentaux envoient une flotte conjointe vers le Péloponnèse. Il ne doit s'agir que d'une démonstration de force mais, dans le golfe de Navarin, celle-ci va dégénérer en bataille navale. La flotte turco-égyptienne est détruite.
Pour ne rien arranger, les troupes russes s'apprêtent là-dessus à envahir le territoire ottoman...
Enfin l'indépendance
Le sultan Mahmoud II se résigne à signer un traité à Andrinople, le 14 septembre 1829, par lequel il reconnaît à la Grèce une très large autonomie.
Par le protocole de Londres du 3 février 1830, il confirme l'indépendance d'une partie de la Grèce historique. Le nouvel État est limité au Péloponnèse, à la région d'Athènes et aux îles Cyclades (au total à peine 700.000 habitants, soit beaucoup moins que l'ensemble des communautés grecques dispersées dans le reste de l'empire ottoman). Pour les habitants de cette petite Grèce, c'en est fini de quatre siècles d'occupation ottomane.
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Entretien du 9 mars entre Philippe Ploncard d'Assac et Florian Rouanet sur l'ouvrage Tradition ou révolution ?
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Lire (ou relire) Maurice Barrès suite
Parmi les œuvres majeures de Maurice Barrès figure La Colline inspirée : un roman historique publié en 1913, où trois religieux lorrains décident de faire revivre un lieu de pèlerinage...
Dans un premier article, nous avons vu que Maurice Barrés s'était d'abord adonné au « culte du moi », tout en notant, à la suite notamment de Maurras, qu'il fallait moins y voir un égotisme radical que le souci d'un soi non aliéné par les « barbares ». Et c'est bien pourquoi Barrès valorisait l'enracinement : celui-ci révélait les appartenances - qui sont bien autant de dépendances ! - dont un individu esseulé ne pourrait s'affranchir qu'au prix de son équilibre et de son authenticité morale (cf. le deuxième article). La quête barrésienne de l'identité ne s'arrête pourtant pas là. Le Lorrain retrouva le chemin d'une adhésion au catholicisme dont il est cependant peu probable qu'elle se conjuguât avec une foi profonde. Et il sut aussi faire droit à quelques mouvements anarchiques (?), comme à ce rêve d'Orient qui s'incarna dans Un jardin sur l'Oronte, qui fit scandale auprès des dévots : n'y voyait-on pas un jeune chevalier prêt à se renier pour l'amour d'une sultane orientale ?...
L'esprit des lieux
Mais c'est une autre œuvre dont nous voudrions recommander ici la lecture, laquelle est sans doute sa plus accomplie : La Colline inspirée (1913). Quoique se rapportant à la colline de Sion-Vaudémont, lieu de mémoire de la Lorraine mystique, elle présente une valeur universelle, s'il est vrai qu'existent de par le monde nombre de « points spirituels », « connus » ou « inconnus ». Ce sujet intéresse donc aussi bien Barres, sujet à leur influence, que l'analyse qui va accompagner le récit de la geste des trois frères et prêtres Baillard, devenus hérétiques à la suite de Vintras : « D'où vient la puissance de ces lieux ? La doivent-ils au souvenir de ce grand fait historique, à la beauté d'un site exceptionnel, à l'émotion des foules qui, du fond des âges, y vinrent s'émouvoir ? » Au vrai, l'analyse ne saurait rendre raison du fait ; elle doit se contenter de prendre la pleine mesure du phénomène : « Illustres ou inconnus, oubliés ou à naître, de tels lieux nous entraînent, nous font admettre insensiblement un ordre de faits supérieurs à ceux où tourne à l'ordinaire notre vie. Ils nous disposent à connaître un sens de l'existence plus secret que celui qui nous est familier, et, sans rien nous expliquer, ils nous communiquent une interprétation religieuse de notre destinée. [...] Il semble que, chargées d'une mission spéciale, ces terres doivent intervenir, d'une manière irrégulière et selon les circonstances, pour former des êtres supérieurs et favoriser les hautes idées morales. C'est là que notre nature produit avec aisance sa meilleure poésie, la poésie des grandes croyances. » Un esprit fort contestera certes que de tels phénomènes puissent exister, et il les rapportera à la fantaisie de l'imagination... Mais Barrés tient bon : « Un rationalisme indigne de son nom veut ignorer ces endroits souverains. Comme si la raison pouvait mépriser aucun fait d'expérience ! [...] Il est des lieux où souffle l'esprit. »
La prairie et la chapelle
L'essentiel du livre est constitué par le récit émouvant de l'ascension et de la chute tragique des frères Baillard, détruits par l'institution ecclésiale - laquelle était certes dans son bon droit théologique et pastoral - autant que par eux-mêmes... ou bien par l'influence trouble des lieux. Car c'est justement là que se situe le vrai problème, admirablement posé par Barrés : l'« esprit » qui souffle sur ces lieux sacrés (un mot que Barrès n'emploie guère, cependant, il est intéressant de le noter) n'est pas toujours aérien, libre et favorisant l'élévation, mais procède souvent - le plus souvent ? - des profondeurs de la terre et, pour ainsi dire, de ses miasmes. À preuve : tous les dieux du paganisme y fleurissent... Cette ambiguïté de la terre, à laquelle l'Ancien Testament est si sensible, est alors l'occasion pour Barrès d'une admirable méditation sur la nécessaire dialectique, ou influence mutuelle, de la « puissance » d'en bas et de la « discipline » d'en haut : « "Je suis, dit la prairie, l'esprit de la terre et des ancêtres les plus lointains, la liberté, l'inspiration". Et la chapelle répond : "Je suis la règle, l'autorité, le lien ; je suis un corps de pensées fixes et la cité ordonnée des âmes. " "J'agiterai ton âme, continue la prairie. [...] Je suis un lieu primitif, une source éternelle." Mais la chapelle nous dit : "Visiteurs de la prairie, apportez-moi vos rêves pour que je les épure, vos élans pour que je les oriente. C'est moi que vous cherchez, que vous voulez à votre insu. " » À l'inverse de l'esprit judaïque, ou de la forme de christianisme qui en épouserait la rigueur, Barrés favorise plutôt une synthèse : « Éternel dialogue de ces deux puissances ! À laquelle obéir ? Et faut-il donc choisir entre elles ? Ah ! plutôt qu'elles puissent, ces deux forces antagonistes, s'éprouver éternellement, ne jamais se vaincre et s'amplifier par leur lutte même ! Elles ne sauraient se passer l'une de l'autre. Qu'est-ce qu'un enthousiasme qui demeure une fantaisie individuelle ? Qu'est-ce qu'un ordre qu'aucun enthousiasme ne vient plus animer ? L'église est née de la prairie, et s'en nourrit perpétuellement, -pour nous en sauver. » L'orthodoxie de cette thèse est peut-être discutable. L'« esprit » ne saurait-il être à lui seul « enthousiasmant » ? Le « salut » ne consiste-t-il qu'à se libérer de la « prairie » dont l'énergie est pourtant nécessaire ? On dirait que Barrès ne veut renoncer à rien... Et pourquoi pas ! Quoiqu'il en soit de l'acribie doctrinale, reconnaissons que s'il est une oeuvre littéraire où souffle l'esprit, c'est bien la sienne !
Francis Venant Action Française 2000 mars 2013 -
Chronique de film : Le professionnel, un film de Georges Lautner (France, 1981)
Il me faut l’avouer : Jean-Paul Belmondo m’a toujours été sympathique. C’était l’acteur fétiche de ma grand-mère, pensez… La vieillesse n’a pas épargné Bébel : on n’évoque plus de lui aujourd’hui que ses malheureuses affaires de cœur (de c.. ?) qui ont mal tournées avec une jolie bimbo trentenaire venant de milieux apparemment très libertins (dépravés ?) et dont les appétits devaient valoir quelques zéros. Le pauvre personnage s’étant apparemment fait rouler par la jeune femme qui en aurait voulu plus à son porte-monnaie qu’à ses charmes… Mémé n’aurait pas apprécié de voir ça, Bébel savait pourtant y faire avec les femmes au cinéma…
A une époque, Belmondo était le grand acteur français (avec Delon évidemment) qui faisait vibrer les foules. Au début des années 80, lorsque sort Le professionnel, c’est le cas : Bébel connaît l’un des sommets de sa carrière. Réalisé par Georges Lautner, très grand nom du cinéma français (Les Tontons Flingueurs, Les Barbouzes, Mort d’un pourri, Flic ou Voyou…) et mis en dialogue par l’inimitable Michel Audiard avec qui le réalisateur a déjà plusieurs fois collaboré, Le professionnel reste un grand film policier de cette époque.
Josselin Beaumont (J.-P. Belmondo) est un agent secret qui a eu comme mission d’assassiner le président Njala, chef d’Etat du Malagawi, pays africain (fictif évidemment). Finalement lâché par les autorités françaises en vertu de la « raison d’Etat », il est capturé et condamné dans le pays où il œuvrait. Beaumont réussit non sans mal à s’évader et à regagner clandestinement la France. Apprenant l’imminente visite officielle de Njala en France, il projette de mener à bien sa mission initiale, ce qui met à ses trousses ses anciens collègues et un commissaire particulièrement mauvais (Robert Hossein)…
Le thème principal de film est donc la vengeance d’un homme seul contre le gouvernement français et ses services qui l’ont manipulé et finalement trahi prétextant un changement de contexte politique. Alors qu’il aurait la possibilité de recommencer une nouvelle vie, Beaumont n’a qu’une obsession : faire payer les autorités de leur trahison envers lui… Critique à peine voilée des dessous fort troubles de la politique étrangère française en Afrique Noire, Le professionnel n’est cependant pas un film où l’intrigue est compliquée, loin de là. C’est du divertissement populaire comme on savait en faire avant avec un acteur charismatique, qui, bien que jouant dans un film un peu plus sérieux voire noir par moments, sait que tout repose sur ses épaules. C’est le Bébel de toujours, qui distribue les châtaignes, fait de l’humour et charme les femmes. Les femmes sont d’ailleurs les seules à vraiment être sincères dans leurs sentiments, subjuguées qu’elles sont par ce charmeur de Belmondo. Les fonctionnaires et ex-collègues de Beaumont ne sont, pour leur part, pas présentés sous leur meilleur jour : même son meilleur ami en arrive à essayer de le piéger sous l’impulsion de sa hiérarchie… Bref, on sera d’accord avec Josselin Beaumont : le gouvernement français est pourri et il doit payer !
Bercé par la célèbre musique d’Ennio Morricone (celle qui fut reprise dans la pub Royal Canin malheureusement…), Le professionnel nous offre également nombre de scènes d’action et de cascades qui, comme toujours, étaient réalisées par Belmondo lui-même ; les acteurs actuels en font-ils autant ? Accompagné par des seconds rôles de qualité tels Jean Desailly, Michel Beaune (qui avaient de vraies « gueules » de français) mais aussi Robert Hossein, impeccable en flic teigneux, Belmondo ne pouvait que trouver une nouvelle fois le succès avec ce classique qui quoique un peu kitsch a finalement bien vieilli et qui garde le charme d’un cinéma français qui a bien changé depuis...
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vae victis - Un monde absurde
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Mystique ou adulation cytologique
Je me trompe peut être, mais on n'entendait plus parler de la Création et des créatures de Dieu dans l'Eglise du Christ. En tous cas, je n’avais pour ma part aucun écho de ces paroles essentielles à travers les homélies, encore moins à travers la « presse catholique » Quelle joie d'entendre à nouveau cela de la bouche du pape François :
les créatures de Dieu ! Comme c'est beau et évocateur ! Et juste, puisqu'il y aussi les bêtes, la nature !
Depuis des années, je t'entendais parler que de la "vie", du "respect de la vie" et ç’était là un discours rien moins que clair. Il y aurait énormément à dire. Mais, en gros, on avait l’impression que « la vie », cette vie martelée jusqu’à saturation par un certain catholicisme, elle était de plus en plus étrange, de plus en plus réduite et pour tout dire, de plus en plus morte ! La vie, c’était d’abord la vie exclusivement humaine (tant pis pour les autres créatures de Dieu !) puis on comprenait implicitement que la vie, c’était avant tout celle de l’embryon, et pour finir on apprenait que la vie à défendre, c’était celle des cellules embryonnaires !
C’est à dire que la vie, c’était tout sauf la réalité de la Création dans sa totalité et dans sa réalité naturelle et historique. On était donc en plein réductionnisme glacé, à la remorque des définitions les plus contingentes et les plus passagères de la vie par les biologistes, les biochimistes, les généticiens qui, eux, sont, heureusement, parfaitement conscients du caractère approché, régional et provisoire de leurs conceptualisations et donc de la contingence historique de leurs paradigmes.
Cette réduction de la religion au « respect de la vie » à l’embryolâtrie, à la cytolâtrie (je rappelle que la cytologie est la science qui étudie le vivant au niveau de la cellule), son origine historique et ses fonctions ne sont que trop évidentes. La cellule vivante que nous devrions adorer et respecter, elle est effectivement vivante mais comme l’individu du capitalisme pourrissant : elle se nourrit, elle excrète, et basta ! Cette vie de type embryonnaire ou cellulaire, évidemment inconsciente et apathique, promue jusqu’à l’obsession, c’est bien celle qui est imposée aux hommes adultes par l’industrie culturelle du capitalisme pourrissant.
Et c’est effectivement le modèle de vie que nous proposait depuis trente ans peut être l’Eglise qui avait choisi, consciemment ou non, d’ignorer la complexité proprement épistémologique et historique des conceptions de la vie pour être à la traîne et à l’affût des analyses partielles et régionales de la biologie.
Alors, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour commencer à percevoir par quel truchement cette conception étrange de la vie a pris la place de la vie réelle, historique dans la théologie contemporaine.
C’est un résultat parmi bien d’autres de la glaciation mentale générale qu’a induit peu à peu le capitalisme le plus âpre, et que l’on désigne habituellement par le concept de réification. On pourrait citer par exemple l’animal de ferme devenu une pure machine à produire de la viande et on a confirmation d’une profonde cohésion dans l’horreur de la réification en remarquant que la divinisation de la vie cellulaire est corrélative du plus profond oubli et mépris de l’animal de laboratoire pour lequel la gent pseudo-catholique dressée (il n’y a pas d’autre mot à ce niveau de non-pensée) à l’adoration des cellules n’a jamais, jamais eu la moindre trace de compassion. Il y aurait encore beaucoup à dire en suivant le chemin que je viens de tracer mais cela serait long et complexe. Je dois, en conclusion, aller à l’essentiel.
On avait cru comprendre que le christianisme était la religion de la divinisation de l’homme lors de son retour à Dieu par la médiation de Jésus christ et à travers les acquis de l’expérience mystique. C’est peut être par le rappel de cette expérience mystique que l’Eglise aurait pu éviter de se donner le ridicule de l’adoration des cellules embryonnaires et de l’oubli corrélatif d’une création, hommes et bêtes, qui vit certes mais dans un tout autre sens, phénoménologique et existentiel, et qui, souvent, souffre. Mais peut être aussi que certains avaient intérêt à faire oublier l’expérience mystique et à transmuter l’Eglise en une confrérie proposant pour tout objet à ses fidèles l’adoration pleurnicharde des cellules « humaines ». Difficile de trouver un meilleur moyen de crétinisation et d’infantilisation, il faut l’avouer.
Espérons que le cauchemar de la prosternation devant les cellules embryonnaires va prendre fin avec le pape François. Il semble, lui, se souvenir que les Evangiles, ce n’est pas une adoration figée et stuporeuse de la matière, fut-elle organique, mais une histoire pathocentrée qui se passe entre des êtres vivants et souffrants et leur Créateur.
Jacques-Yves Rossignol